COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME
Quatre-vingt-deuxième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE PARTIEL* DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE) DE LA 2243e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 29 octobre 2004, à 10 heures
Président: M. AMOR
SOMMAIRE
SUIVI DES OBSERVATIONS FINALES PORTANT SUR L’EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES ET DES CONSTATATIONS ADOPTÉES AU TITRE DU PROTOCOLE FACULTATIF
PRÉSENTATION DE RAPPORTS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE
La séance est ouverte à 10 h 10.
SUIVI DES OBSERVATIONS FINALES PORTANT SUR L’EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES ET DES CONSTATATIONS ADOPTÉES AU TITRE DU PROTOCOLE FACULTATIF (point 7 de l’ordre du jour)
Rapport intérimaire de suivi du Comité des droits de l’homme concernant des communications individuelles (CCPR/C/82/FU/1)
Le PRÉSIDENT invite M. Ando, Rapporteur spécial chargé du suivi des constatations, à présenter son rapport intérimaire de suivi concernant des communications individuelles (CCPR/C/82/FU/1).
M. ANDO (Rapporteur spécial), présentant le rapport intérimaire, précise tout d’abord que celui‑ci met à jour le dernier rapport annuel (A/59/40) sur les activités de suivi et inclut les informations reçues entre la quatre‑vingt‑unième et la quatre‑vingt‑deuxième session du Comité. En ce qui concerne deux communications mettant en cause l’Australie (no 900/1999 − C. et no 930/2000 − Winata), il sera demandé à l’État partie de fournir des informations à jour avant la quatre‑vingt‑troisième session du Comité. Dans l’affaire Young c. Australie (communication no 941/2000), l’État partie sera invité à réexaminer sa décision de ne pas donner suite aux constatations du Comité. Dans l’affaire Weiss c. Autriche (communication no 1086/2002), qui concernait une procédure d’extradition vers les États‑Unis, l’Autriche sera invitée à présenter des informations à jour sur l’issue de la décision devant les tribunaux des États‑Unis. En ce qui concerne deux communications mettant en cause le Canada, dans un cas (no 829/1998 − Judge) le Rapporteur spécial recommande de cesser de suivre l’affaire car l’État partie s’est conformé aux constatations du Comité, et dans l’autre (communication no 1051/2002 − Mansour Ahani) le Rapporteur spécial prend acte de l’amélioration des garanties procédurales apportée par l’État partie, mais note que celui‑ci conteste les constatations du Comité. Le Rapporteur spécial considère toutefois que des mesures complémentaires ne sont pas nécessaires.
M. SCHEININ souscrit aux recommandations du Rapporteur spécial dans les deux affaires mais souhaite que le Comité continue de suivre la situation de M. Judge et de M. Ahani, et reprenne ultérieurement contact avec les représentants du Canada si la situation l’exige. Cette vigilance est d’autant plus nécessaire que l’État partie n’a fourni aucune information complémentaire sur la situation de M. Ahani après l’adoption des constatations du Comité.
Mme CHANET partage pleinement le point de vue de M. Scheinin.
M. ANDO (Rapporteur spécial) répond qu’il continuera de suivre la situation concernant ces deux communications. En ce qui concerne une communication mettant en cause la Lettonie (communication no 884/1999 − Ignatane), M. Ando recommande de ne plus suivre cette affaire car l’État partie a donné effet aux constatations du Comité.
M. SCHEININ fait observer que, si les autorités lettonnes ont effectivement modifié leur législation de façon à supprimer l’exigence de réexamen des compétences linguistiques, elles ont cependant maintenu l’obligation de connaître la langue officielle, et le Comité pourrait être appelé un jour à examiner la compatibilité de la loi ainsi modifiée avec le Pacte dans le cadre d’autres communications. Compte tenu en outre de la complexité de la question en jeu, M. Scheinin suggère de conserver la recommandation du Rapporteur spécial mais de ne pas préciser qu’elle découle du fait que l’État partie a donné effet aux constatations du Comité.
M. ANDO (Rapporteur spécial) accepte de supprimer le deuxième membre de phrase de sa recommandation aux autorités lettonnes. Dans une affaire mettant en cause l’Espagne (communication no 1007/2001 – Sineiro Fernãndez), le Comité avait demandé le réexamen de la condamnation de l’auteur conformément au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, mais l’État partie n’a apparemment pas donné effet à cette demande. M. Ando recommande de lui adresser un nouveau rappel.
M. BHAGWATI rappelle que, dans le cadre d’autres communications dont l’examen est encore en suspens devant le Comité, l’État partie a indiqué qu’il avait modifié sa législation de façon à la rendre compatible avec les dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, ce qui pourrait avoir une incidence également sur le suivi de la communication no 1007/2001 et conduire notamment le Comité à la classer.
M. SOLARI-YRIGOYEN dit que les modifications de la législation espagnole sont effectivement entrées en vigueur en décembre 2003 mais qu’elles ne pouvaient pas s’appliquer à la communication no 1007/2001, et la recommandation du Rapporteur spécial visant à adresser à l’État partie un nouveau rappel dans lequel le Comité réitérerait sa demande de recours utile est ainsi tout à fait justifiée.
M.ANDO (Rapporteur spécial) indique que, en ce qui concerne la Fédération de Russie, les autorités ont fait savoir qu’elles n’entendaient pas donner suite aux constatations du Comité relatives à deux communications (no 763/1997 − Lantsova et no 770/1997 − Gridin). Dans une troisième affaire (communication no 888/1999 − Telitsin), elles ont informé le Comité qu’elles lui feraient parvenir ultérieurement des informations complémentaires après réexamen des circonstances de l’affaire.
Sir Nigel RODLEY dit que ce type de réponse de la part de l’État partie traduit une sorte d’impasse dans les relations avec le Comité, et celui‑ci doit s’efforcer de trouver les moyens d’en sortir. Dans le cas de la communication no 770/1997, l’État partie a répondu en substance au Comité que l’affaire avait été traitée conformément à la législation russe, au lieu d’indiquer en quoi cette législation et la procédure qu’elle prévoit étaient conformes au Pacte. Le Comité devrait adresser un rappel à l’État partie pour lui demander d’indiquer avec précision comment le traitement fait à l’auteur de la communication pouvait être concilié avec les prescriptions du Pacte.
Mme CHANET note que les autorités de la Fédération de Russie semblent se méprendre sur le mandat du Comité et sur la façon dont il l’exécute. Dans ces conditions, il paraît opportun de leur adresser un rappel adapté à la circonstance, en les invitant à un dialogue juridique avec le Comité, ce qui permettrait également de souligner la nature juridique, et non pas politique, des travaux du Comité.
Le PRÉSIDENT est lui aussi d’avis que le Comité ne devrait pas se contenter d’un rapport rédigé dans les termes habituels mais devrait réagir spécifiquement à la conclusion de la Cour suprême de l’État partie, qui a considéré, dans au moins l’une des affaires (communication no 770/1997), que les arguments avancés par le Comité dans ses constatations étaient dénués de fondement.
M. ANDO (Rapporteur spécial) dit qu’il sera pleinement tenu compte des observations des membres du Comité dans la lettre de rappel qui sera adressée aux autorités de la Fédération de Russie. Dans une affaire de peine capitale mettant en cause les Philippines (communication no 1077/2002 − Carpo), l’État partie a décidé de ne pas donner suite aux constatations du Comité, et M Ando recommande de l’engager à réexaminer sa décision, en lui rappelant notamment les engagements qu’il a contractés en adhérant au Pacte et au Protocole facultatif et la portée de ces engagements. Dans une affaire mettant en cause Sri Lanka (communication no 916/2000 − Jayawardena), M. Ando recommande de cesser de suivre l’affaire. Le Tadjikistan est en cause dans deux affaires (no 964/2001 – Saidova et no 1096/2002 – Kurbanov) et que l’État partie a justifié son inaction en expliquant qu’il n’avait pas reçu la correspondance du Comité. En ce qui concerne la seconde affaire, l’État partie a fait savoir au Comité que la condamnation à mort avait été commuée en emprisonnement «de longue durée», sans autre précision. Dans sa recommandation, le Rapporteur spécial se félicite de la décision prise par l’État partie de ne pas exécuter l’auteur, mais le prie de faire tout son possible pour donner pleinement suite aux constatations du Comité.
Sir Nigel RODLEY souhaite recevoir davantage de renseignements sur ce problème de communication entre le Comité et les autorités tadjikes. Il importe que le Comité s’assure que les informations communiquées par les États parties correspondent bien à la réalité.
M. SCHMIDT (Secrétaire du Comité) explique que le problème est dû au fait que le Tadjikistan n’a pas de mission à Genève et que les communications envoyées à la Mission tadjike de New York n’ont pas été transmises à Douchambé. Pour pallier ces difficultés, le secrétariat envoie à présent sa correspondance non seulement à la Mission permanente à New‑York, mais aussi au Ministère des affaires étrangères et à la Mission de l’ONU au Tadjikistan. Cette procédure a été bien expliquée à la mission tadjike et un séminaire sur les communications et l’établissement de rapports sera organisé à Douchambé les 8 et 9 décembre.
Sir Nigel RODLEY signale qu’il faudra corriger le texte de la recommandation relative au Tadjikistan puisque ce pays n’a pas de mission à Genève.
M. ANDO (Rapporteur spécial) dit qu’il fera le nécessaire. Passant à l’affaire qui concerne l’Ukraine (no 781/1997 – Aliev), il signale que l’État partie a répondu en détail au Comité et l’a informé de ce que la condamnation à mort avait été commuée en peine d’emprisonnement à vie. Dans sa recommandation, le Rapporteur spécial se félicite de cette décision, mais estime que l’État partie devrait réexaminer sa décision de ne pas donner pleinement suite aux constatations du Comité. M. Ando précise que l’entretien qu’il doit avoir avec le Représentant permanent de l’Ukraine à la quatre‑vingt‑deuxième session du Comité à Genève n’a pas encore eu lieu.
Sir Nigel RODLEY demande pourquoi le Comité félicite l’État partie d’avoir commué la condamnation à mort alors qu’il n’avait pas constaté de violation de l’article 6. Il semble par ailleurs que l’État partie ait communiqué toute une série de renseignements sur la nature des enquêtes et le rôle des avocats que le Comité n’avait pas à sa disposition lorsqu’il a examiné la communication.
Mme FOX (Groupe des requêtes), répondant à la question de Sir Nigel Rodley, confirme que, le 30 septembre 2002, l’État partie a fait savoir que la condamnation à mort avait été commuée en peine d’emprisonnement à vie. La seule mention relative à une violation de l’article 6 qui figure dans la décision du Comité relative à cette affaire se lit comme suit: «Le Comité estime que l’auteur n’ayant pas été dûment représenté par un avocat lors des premiers mois suivant son arrestation et pendant une partie de son procès alors même qu’il risquait une condamnation à la peine de mort, il convient d’envisager sa libération anticipée».
Sir Nigel rodleyinsiste pour savoir à quel moment l’État partie a informé le Comité de la présence d’un avocat dès le début de la procédure. S’agit‑il d’une information nouvelle ou de la répétition d’une information déjà communiquée?
Mme FOX (Groupe des requêtes) précise que, dans les arguments qu’il a adressés au Comité, l’État partie n’avait pas indiqué qu’un avocat était présent.
M. SOLARI‑IRIGOYEN demande pourquoi le rapport ne contient aucune communication ayant trait à la Colombie. Il croit se souvenir que l’État partie a créé un service chargé des droits de l’homme, ce qui, à première vue, paraît positif. Le problème est que ce service s’arroge le droit de demander au Comité de réviser ses constatations.
M. ANDO (Rapporteur spécial) indique qu’il a rencontré l’Ambassadrice de la Colombie et que l’entretien a surtout porté sur la question des «juridictions sans visage». L’Ambassadrice a insisté pour que le Comité revienne sur sa décision, mais M. Ando lui a opposé une fin de non‑recevoir. Cette affaire sera traitée dans le rapport qui sera établi en juillet, sauf si des éléments nouveaux interviennent d’ici-là.
PRÉSENTATION DE RAPPORTS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l’ordre du jour) (A/592/54)
Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à examiner le document de l’Assemblée générale relatif à l’application effective des instruments internationaux (A/59/254) et en particulier les textes figurant aux pages 15 à 17 et 25 à 29 du rapport. Il rappelle que l’objectif est de rationaliser les règles relatives à l’établissement des rapports en instituant un système selon lequel les États parties établiraient un rapport de base assorti d’un rapport ciblé. Pour sa part, le Comité est favorable à la formule des rapports ciblés, où les États parties répondraient aux questions posées et rendraient compte de la suite donnée aux recommandations. On pourrait ainsi réduire la longueur moyenne des rapports. Les présidents des organes conventionnels en ont discuté et ils ne sont pas tous d’accord. C’est pourquoi il importe que le Comité réfléchisse aux moyens d’aider les pays à établir leurs rapports. Malgré l’importance de cette question, le Président est prêt à reporter l’examen de cette question si les membres du Comité le souhaitent.
M.SCHEININ, appuyé par M. SOLARI‑IRIGOYEN, dit qu’il préférerait que l’on reporte l’examen de cette question.
Sir Nigel RODLEY se range lui aussi à cet avis, mais insiste sur la nécessité d’examiner ces questions, qui sont très importantes pour l’efficacité du Comité et qui ont des incidences financières.
Le PRÉSIDENT dit qu’il essaiera de déterminer quel est le moment le plus opportun pour examiner cette question.
La première partie (publique) prend fin à 11 h 25.
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