Nations Unies

CCPR/C/SR.2721

Pacte international relatifaux droits civils et politiques

Distr. générale

26 juillet 2010

Original: français

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

Compte rendu analytique de la 2721e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 15 juillet 2010, à 15 heures

Président:M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports périodiques soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Sixième rapport périodique de la Colombie

La séance est ouverte à 15h 5.

(point 6 de l’ordre du jour)

(CCPR/C/COL/6; CCPR/C/COL/Q/6, CCPR/C/COL/Q/6/ADD.1)

Sur l’invitation du Président, la délégation colombienne prend place à la table du Comité.

2.Mme Arango Olmos (Colombie), présentant le rapport, souligne la volonté de la Colombie de coopérer avec les institutions internationales. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, et 23 autres organismes des Nations Unies, le Comité international de la Croix-Rouge et l’Organisation internationale du Travail sont présents en Colombie. En 2002, la Colombie a adressé une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des droits de l’homme de l’ONU et du système interaméricain des droits de l’homme. Elle a également créé un organe chargé de suivre l’action menée en matière de droits de l’homme, de coopération et de politiques publiques, auquel participent le Gouvernement, la société civile et les représentations de 36 pays par l’intermédiaire de leurs ambassades. Au cours des huit dernières années, la Colombie a reçu 42 visites de représentants d’organismes internationaux et autres. La Colombie s’est soumise à titre volontaire à l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme et à ce jour est le seul pays à avoir mis en place un mécanisme public de suivi pour les 133 recommandations acceptées et les engagements pris dans le cadre de cet examen. Tous les articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques font l’objet de normes internes et tous les habitants du pays peuvent les faire valoir.

3.Le pays s’emploie actuellement à renforcer ses institutions de droits de l’homme. La vice-présidence de la République coordonne le programme présidentiel des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Les Ministères de la défense, des affaires étrangères, de l’intérieur et de la justice, ainsi que de la protection sociale ont tous créé des directions des droits de l’homme qu’ils ont chargées de veiller à l’exécution et à l’application des différentes normes en la matière. Le ministère public veille aussi à la protection et à la promotion des droits de l’homme, par l’intermédiaire de la Procurature générale de la Nation (Procuraduría General) et du bureau du Défenseur du peuple (Defensoría del pueblo). En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, c’est le Procureur général (Fiscal General) qui est chargé de mener des enquêtes et de poursuivre les responsables des violations de la loi. Il dispose pour ce faire d’une unité des droits de l’homme et du droit international humanitaire. La Colombie a une Cour constitutionnelle, dont les arrêts ont été qualifiés de progressistes pour ce qui est de la protection des droits de l’homme. Le pouvoir exécutif respecte strictement toutes les décisions rendues par le pouvoir judiciaire et les met en œuvre. Le Congrès a institué des commissions des droits de l’homme. En outre les organisations de la société civile sont très actives et contribuent à renforcer les politiques publiques. Une loi a été adoptée pour consacrer l’appui public à l’action de ces organisations. Le Gouvernement condamne fermement toute attaque contre les défenseurs des droits de l’homme ou les dirigeants sociaux ou communautaires et les enquêtes nécessaires pour identifier et punir les auteurs de tels actes sont menées avec diligence. Récemment, quatre défenseurs des droits de l’homme ont été enlevés en Colombie. L’État partie demande à la communauté internationale de lancer un appel à leurs ravisseurs pour qu’ils libèrent leurs otages.

4.En 2002, l’État s’est donné pour défi d’enrayer la violence, qui faisait d’innombrables victimes chaque année, et de consacrer tous ses efforts à ces objectifs. Il a élaboré sa politique de sécurité démocratique qui n’a jamais donné lieu à l’adoption des mesures prévues à l’article 4 du Pacte. Les menaces posées par les groupes armés illégaux ont été combattues depuis lors dans le respect le plus total de la légalité, et l’exercice des droits et l’autorité des institutions démocratiques sont assurés sur tout le territoire. La sécurité est aujourd’hui accrue et le nombre d’homicides est passé de 28 837 en 2002 à 15 817 en 2009, chiffre le plus bas depuis vingt-trois ans. De même, de 2002 à 2009, les homicides d’enseignants et de syndicalistes ont diminué de 85,7 % et le nombre de personnes protégées par l’État a augmenté de 130 %. Alors qu’en 2002 on recensait 2 882 enlèvements, en 2009, il n’y en a eu que 213 (‑93 %), c’est-à-dire le taux le plus bas des vingt-trois dernières années. Le phénomène des déplacements a également connu une diminution significative (446 444 personnes déplacées en 2002 contre 146 681 en 2009).

5.Le Gouvernement sortant a organisé huit scrutins nationaux, régionaux et locaux. La mission de vérification électorale de l’Organisation des États d’Amérique, présente lors des élections de mars, mai et juin 2010, a souligné que ces dernières élections avaient été les plus pacifiques des quarante dernières années. La campagne électorale a pu se dérouler sur tout le territoire, l’accès aux médias a été garanti; de même, l’accès au financement public et aux lieux de vote dans tout le pays a également été garanti malgré la complexité géographique du pays. Aujourd’hui, aucun parti n’atteint 30 % de la représentation parlementaire et le Congrès est donc particulièrement pluraliste; les groupes ethniques y sont également représentés. La loi Justice et Paix, adoptée en 2005 par le Congrès de la République à l’initiative du Gouvernement, puis révisée et déclarée applicable par la Cour constitutionnelle, vise à garantir les droits des victimes et à encourager la démobilisation des membres des groupes armés. À la suite des négociations avec ces groupes, 31 671 personnes ont déposé les armes. Les principaux chefs de ces mouvements ont été arrêtés et leurs collaborateurs ont été traduits en justice sans amnistie ni mesure de grâce. La démobilisation proposée peut être individuelle ou collective. Sur les quelque 53 000 paramilitaires qui ont déposé les armes de 2002 à 2009, 3 000 étaient mineurs et 17 700 appartenaient à des groupes de guérilla. Cette étape complexe se termine et le pays peut aujourd’hui avancer sur la voie de la réconciliation. La justice a fait porter son action sur la recherche des disparus ou des morts et sur l’aide à l’identification et l’exhumation dans le respect des coutumes familiales et communautaires. À cette date, on a découvert 2 719 sépultures dans lesquelles se trouvaient 3 299 cadavres.

6.Les victimes ont pu participer au processus de justice et de paix et faire reconnaître leurs droits. Le système d’information de l’unité nationale de justice et paix de la Fiscalía General dénombre actuellement 299 551 victimes enregistrées qui demandent une réparation complète. Des enquêtes judiciaires sont en cours sur des massacres, des déplacements forcés, plus de 40 000 assassinats, actes de torture et autres infractions.

7.L’État mène une action de promotion des droits et de la culture des minorités ethniques, fondée sur la législation et la jurisprudence. Les communautés autochtones et d’origine africaine ont aujourd’hui un système spécial de représentation politique. Elles font l’objet d’actions positives dans les domaines de la santé et de l’éducation et leur dialogue avec l’État est institutionnalisé. Les communautés autochtones, qui constituent 4 % de la population colombienne, sont propriétaires à titre collectif de leurs terres, qui représentent 35 % du territoire colombien. Conformément à la Convention no 169 de l’OIT, un mécanisme de consultation préalable a été mise en place, pour leur permettre de prendre part aux décisions qui les concernent directement. En 2009, 110 consultations préalables ont eu lieu. Le principe de l’équité est un principe fondamental du programme de l’action publique. Ainsi 17 mesures ont été prises en faveur de la femme et les capacités institutionnelles ont été renforcées. Afin de mieux cibler l’aide aux populations déplacées, il a été décidé que les politiques publiques tiendraient compte d’éléments tels que les différences physiques, sociales et culturelles de chaque personne.

8.L’expérience des dernières années démontre que la sécurité est une condition nécessaire au plein exercice des droits de l’homme. Malgré toutes les difficultés qu’il a connues, l’État est parvenu à réduire notablement les effets de la criminalité en renforçant sa présence sur tout le territoire national. Il souhaite continuer de renforcer toutes les garanties qui permettent aux organisations de la société civile d’agir et encourager le dialogue et le débat démocratique. Les défis pour l’avenir sont énormes. Dans le cadre du processus Justice et Paix, l’État continuera d’œuvrer en faveur des objectifs de vérité et de justice et de tout faire pour que l’histoire ne se répète pas.

9.En ce qui concerne la force publique, l’État doit veiller à ce qu’elle soit exercée dans le strict respect des protocoles et des normes relatives aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, en suivant les normes fixées en la matière par le Ministère de la défense nationale et en poursuivant et en sanctionnant ceux qui ne les respecteraient pas. L’État s’est donné pour défi de renforcer la culture du respect des droits de l’homme mise à mal par la longue période de violence qu’a connue le pays; la diffusion du Pacte relatif aux droits civils et politiques constituera un élément de l’éducation et de la sensibilisation de la société aux droits de l’homme.

10.L’État colombien réaffirme sa volonté de maintenir un dialogue franc et constructif avec les organisations internationales de protection des droits de l’homme et s’efforcera de donner au Comité tous les renseignements qu’il lui demandera. Il veut croire que ceux-ci et le rapport dans son ensemble permettront au Comité de mieux comprendre les efforts qu’il déploie afin de s’acquitter pleinement de ses obligations internationales.

11.Le Président remercie la délégation de sa présentation et l’invite à répondre aux questions nos 1 à 18 de la liste des points à traiter.

Des diapositives PowerPoint illustrant tous les faits nouveaux exposés par la délégation colombienne sont projetées.

13.Mme Rey (Colombie) dit que pour répondre à la question des mesures prises pour mettre en œuvre la loi no 288 de 1996, en vertu de laquelle des mécanismes d’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme ont été mis en place conformément aux décisions de divers organes internationaux s’occupant des droits de l’homme (question no 1), il faut parler, outre de cette loi, de la loi Justice et Paix ainsi que du Plan national d’action relatif aux droits de l’homme. La loi no 288 met en place un mécanisme simple et rapide, dont le déclenchement dépend de deux conditions: une décision préalable, écrite et expresse, du Comité des droits de l’homme de l’ONU ou de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et l’acceptation de la décision en question par un comité constitué par le Ministre de l’intérieur et de la justice, le Ministre des relations extérieures et le Ministre de la défense. La loi Justice et Paix vise à faciliter la démobilisation des membres des groupes armés illégaux et, parallèlement, à répondre aux demandes de réparation des victimes. Dans ce cadre, les mécanismes suivants ont été mis en place: les paramilitaires démobilisés se soumettent à la procédure de «déposition volontaire» (ils sont actuellement au nombre de 4 346), dont s’occupe une unité spéciale de la Fiscalía General, composée de procureurs (fiscales) totalement indépendants du pouvoir exécutif. Ces derniers analysent les dépositions volontaires des paramilitaires démobilisés au regard des dossiers judiciaires qui leur sont soumis (plus de 300 000 à cette date), des rapports des organisations non gouvernementales nationales et régionales et des témoignages des victimes. Ils mènent des enquêtes avant d’entendre les paramilitaires démobilisés. Actuellement, 299 000 personnes sont autorisées à témoigner dans le cadre des dépositions volontaires, nombre qui atteste la légitimité du processus. À cette date, 46 000 personnes ont participé aux dépositions libres et posé quelque 27 000 questions aux membres des groupes armés démobilisés. En décembre 2009, il a été décidé que des actes d’inculpation sur dossiers fragmentaires (inculpations partielles) pouvaient être dressés. C’est ainsi qu’un premier jugement dans le cadre du processus Justice et Paix, condamnant 2 personnes démobilisées a été rendu. L’arriéré judiciaire est considérable; actuellement, 250 personnes sont en attente de verdict. Les services des procureurs ont établi avec certitude que 215 massacres avaient eu lieu et que 684 homicides avaient été commis; il y avait eu 387 déplacements, plus de 600 disparitions forcées et 2 775 cas de torture. L’obligation d’enquêter reste d’actualité tant que justice n’a pas été rendue. Le droit à la vérité est en effet un élément essentiel du mécanisme établi. On a donc créé des chambres spéciales et 46 000 victimes ont participé aux audiences. Des retransmissions en temps réel des dépositions volontaires ont eu lieu depuis les lieux les plus reculés du pays et les victimes ont eu la possibilité de poser des questions aux paramilitaires démobilisés par l’intermédiaire des procureurs travaillant dans le cadre de la loi Justice et Paix. Le Groupe de la mémoire historique de la Commission nationale de réparation et de réconciliation a publié deux premiers rapports dans lesquels elle a reconstitué les faits relatifs à deux affaires graves de violation des droits de l’homme; elle prévoit de publier la reconstitution de 8 autres affaires. Il convient de souligner que lorsqu’un «démobilisé» fait des allégations concernant une personne ne faisant pas partie du processus Justice et paix, qui se serait rendue complice ou serait l’auteur d’une infraction, la justice ordinaire est immédiatement saisie. À ce jour, 6 834 enquêtes sont en cours dans ce cadre. Elles concernent notamment des maires, des gouverneurs, des parlementaires et d’autres mandataires politiques. De même, 344 enquêtes sont en cours contre des membres de l’armée et de la police. Enfin, la Cour suprême a prononcé 16 condamnations contre des membres du Parlement qui avaient entretenu des liens avec les milices paramilitaires.

14.Concernant les réparations, 11 000 indemnités ont été versées au cours de l’année 2009, pour une valeur de 100 millions de dollars, et le budget prévu pour 2010 s’élève à 150 millions de dollars. La Commission nationale de réparation dispose de 11 commissions régionales dans le pays. Pour ce qui est du nombre de fosses communes, on a recensé 2 719 fosses d’où on a exhumé 3299 cadavres, dont près de la moitié ont été identifiés et rendus aux familles.

15.Le Plan national d’action relatif aux droits de l’homme, établi en 2004 grâce à la collaboration de l’État et des organisations non gouvernementales, a permis de progresser considérablement dans la définition des méthodes et des grands axes de travail, tant aux niveaux national et départemental que régional et local. En 2008, les organisations non gouvernementales se sont retirées du Plan d’action, alléguant des problèmes concernant les garanties de leur participation; l’État a depuis lors créé des organes qui ont été chargées d’améliorer la situation.

16.Mme Fonseca (Colombie) dit, à propos de la prévention de la violence sexuelle (question no 8), que le Gouvernement a progressé dans ce domaine grâce à la définition et à la mise en place par le Ministère de l’intérieur et de la justice de 10 grands axes d’action décrits dans les réponses écrites, qui concernent notamment l’alphabétisation juridique des femmes et leur défense en justice, la lutte contre la traite des êtres humains, la prise en compte des besoins particuliers des femmes déplacées, la prévention de la violence au foyer et de la violence sexiste ou encore la suite donnée aux instruments internationaux. Cet ensemble de politiques devra bien entendu faire l’objet d’un suivi et d’un renforcement permanent, en collaboration avec les autres ministères et organismes intéressés. Il convient de mentionner la création du groupe de travail interinstitutions de lutte pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Un rapport détaillé sur le thème de la lutte contre la violence à l’égard de la femme a été préparé à l’intention du Comité.

17.Mme Abaunza (Colombie) ajoute que le Ministère de la défense nationale prend le problème de la violence à l’égard des femmes très au sérieux et qu’il a conçu une stratégie de prévention et de répression de la violence sexuelle, comportant des aspects didactiques qui visent à sensibiliser les membres des forces armées aux droits de l’homme et à attirer leur attention sur des aspects particuliers, tels que la vulnérabilité accrue de certaines catégories de la population féminine, due notamment au conflit armé. Des instructions précises, actuellement en cours d’adoption, viendront renforcer ces mesures. Parmi les mesures prises pour appliquer effectivement la loi no 1257 de 2008 qui porte approbation de normes de sensibilisation, de prévention et de répression des formes de violence et de discrimination contre les femmes (question no 9), il convient de mentionner la création d’un groupe de travail national regroupant toutes les institutions concernées par l’application de la loi en question, ainsi que de groupes de travail thématiques s’attachant aux divers aspects de cette application (santé, droit du travail, éducation), qui formulent des propositions aux fins de sa réglementation. Un décret présidentiel devrait être adopté avant la fin de l’année.

18.Concernant l’adoption d’une loi contre la discrimination raciale (question no 10), la Colombie a progressé sur le front de la lutte contre la discrimination à l’égard des Colombiens de souche africaine et sur le front de la lutte contre les discriminations à l’égard des populations autochtones. Néanmoins, il faut dire que les projets de loi présentés jusqu’à présent au Congrès de la République n’ont pas encore abouti, soit parce que les auteurs ont retiré leur proposition, soit parce que ces initiatives ont été rejetées.

19.Mme Abaunza Millares (Colombie) dit que le Ministère de la défense a adopté la directive no 10 de 2007 portant création du Comité de suivi des plaintes relatives aux homicides commis hors combat ou sur des personnes protégées afin de faciliter les enquêtes sur ces plaintes et la mise en œuvre de mesures de prévention. Ce comité, présidé par le Ministre de la défense, se compose des commandants des forces militaires, des inspecteurs généraux, des responsables des questions relatives aux droits de l’homme au sein de la police et de l’armée et de représentants du système de justice pénale militaire. Assistent également à ses travaux la Fiscalía General, le bureau du Procureur général, le Bureau en Colombie du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et le CICR. Le Comité de suivi s’est réuni 14 fois, et sa prochaine réunion doit se tenir le 16 juillet 2010. Ses travaux ont débouché sur l’adoption de plusieurs autres directives, parmi lesquelles la directive no 19 de 2007, qui contient des instructions à l’intention des commandants militaires tendant à ce que ceux-ci apportent leur concours aux enquêtes judiciaires en facilitant l’accès de la police judiciaire aux lieux où se sont produits les faits et en veillant à la préservation des preuves technico-scientifiques. Il convient de citer également la directive no 300-28 de 2007 promulguée par le haut commandement des forces armées, en vertu de laquelle les critères d’évaluation des résultats opérationnels de la force publique ont été révisés afin de réduire l’importance accordée aux pertes causées aux forces adverses et de privilégier les captures et, plus encore, les démobilisations.

20.En janvier 2008, le Ministère de la défense a lancé la politique intégrée en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire, dont les grands axes sont la révision du système d’enseignement des droits de l’homme et du droit international humanitaire aux agents de la force publique, la mise au point de nouveaux instruments réglementant le comportement de la force publique dans l’exécution de ses opérations, la protection des groupes vulnérables, la coopération et la coordination avec les organisations internationales et les organes d’enquête, et l’information du public sur l’action menée dans ce domaine, notamment à travers les médias.

21.À ce jour, le Ministre de la défense et son vice-ministre, les commandants des forces armées et le Directeur de la police nationale sont intervenus huit fois à la télévision pour expliquer la suite donnée aux allégations de violations des droits de l’homme par les agents de la force publique. Lors de la première de ces interventions télévisées, le 17 novembre 2008, le Ministre de la défense a annoncé l’adoption de 15 mesures clefs, présentées dans un document qui sera remis aux membres du Comité. Une autre mesure importante a été la parution du premier manuel de droit opérationnel en décembre 2009.

22.Le système de récompenses est régi par trois directives adoptées en 2005, 2008 et 2009 et soumis à plusieurs mécanismes de contrôle. En aucun cas une récompense ne peut être versée à un agent de l’État. Ne donnent lieu à une récompense que les renseignements qui débouchent sur un résultat opérationnel concret de la force publique. Le versement n’est effectué qu’après vérification du compte rendu de l’opération par le Comité compétent.

23.Mme Rey (Colombie) indique que, d’après les chiffres fournis par l’unité de la Fiscalía Generalchargée d’enquêter sur les plaintes pour homicides hors combat, 1 216 affaires ont été examinées à ce jour et 73 condamnations ont été prononcées à l’encontre de 177 membres des forces armées. Onze acquittements ont été prononcés en faveur de 33 personnes, et 53 décisions de clôture de l’enquête ont été rendues concernant 215 membres des forces armées.

24.Le 1er juin 2009, le Conseil national de politique économique et sociale (CONPES) a adopté un document (3590), intitulé «Consolidation des mécanismes de recherche et d’identification des personnes disparues en Colombie», qui vise à renforcer l’efficacité des mécanismes de recherche et d’identification afin de permettre aux victimes d’exercer leur droit à la vérité, à la justice et à une réparation. Le Gouvernement a alloué 60 millions de dollars à la mise en œuvre de cette politique.

25.En application d’une directive ministérielle de 2006, le Ministère de la défense a adopté une série de mesures visant à faciliter les enquêtes sur les disparitions et la recherche des personnes disparues dans le cadre du Mécanisme de recherche urgente. Le Plan national de recherche des personnes disparues couvre l’ensemble du territoire. Les proches des victimes et les organismes qui leur prêtent assistance ont été peu à peu associés à la mise en œuvre de ce plan, à laquelle contribuent aussi les ONG, le HCDH et le CICR. Il existe à l’heure actuelle 18 groupes d’exhumation, placés sous les ordres des autorités judiciaires.

26.À ce jour, 9 253 personnes ont bénéficié du programme de protection mis en place par le Ministère de l’intérieur et de la justice et du programme de protection des victimes et des témoins relevant de la Fiscalía General. Aucune des personnes protégées n’a été victime d’homicide. Les crédits alloués à ces programmes s’élèvent à 60 millions de dollars.

27.Les autorités qui interviennent dans l’application des mesures de protection et des mesures provisoires ordonnées par le système interaméricain des droits de l’homme ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit de mesures individuelles ou de mesures collectives. Les mesures qui concernent des individus sont appliquées dans le cadre des programmes de protection susmentionnés. Les mesures collectives sont mises en œuvre aux niveaux local et régional et font l’objet d’une coordination entre les autorités civiles, militaires et judiciaires compétentes.

28.Le projet de loi autorisant la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été approuvé en première lecture par le Sénat.

29.M. Franco Jiménez (Colombie) indique que, d’après le Registre unique de la population déplacée, 788 333 foyers (soit 3 445 754 personnes) ont été déplacés dans le pays depuis 1950, dont plus de 720 000 foyers depuis 1997. On enregistre une nette tendance à la baisse depuis 2009. En revanche, le nombre de déclarations de déplacement est resté comparativement élevé, en raison notamment de la multiplication des déclarations tardives. On estime que 40 % des déclarations reçues ces derniers mois concernent des faits qui se sont produits il y a plus de cinq ans et 20 % concernent des faits remontant à plus de dix ans. Pour faire face à cette situation, le Gouvernement, en concertation avec la société civile et la Cour constitutionnelle, a formulé des propositions tendant à fixer un délai pour la présentation des déclarations.

30.Compte tenu de l’arrêt T-025 de la Cour constitutionnelle et des recommandations du Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, le Gouvernement met en œuvre depuis le 30 octobre 2009 une nouvelle politique de prévention et de protection, de prise en charge complète des victimes, de promotion de la vérité et de la justice et de réparation. Un premier rapport à ce sujet a été présenté à la Cour constitutionnelle le 1er juillet 2010.

31.Le Gouvernement s’efforce d’appliquer une approche différenciée dans chacune de ses politiques concernant les personnes déplacées afin de renforcer la protection des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des autochtones et des Afro-Colombiens. Conscient de la nécessité d’adapter les instruments existants, il a entrepris des consultations avec les groupes de population concernés. Dans le même temps, de nombreux programmes ont été mis sur pied pour donner effet aux ordonnances rendues par la Cour constitutionnelle en la matière. Ainsi, des mesures spéciales de protection ont été adoptées en faveur de 600 femmes et 10 programmes ont été mis sur pied en application de l’ordonnance 092 de 2008, qui concerne les femmes déplacées. Parmi ceux-ci, il convient de signaler en particulier le Programme de prévention et d’assistance aux femmes victimes de violence sexuelle et le Programme de prévention de la violence à l’égard des femmes dans la famille et d’aide aux victimes. Trois autres programmes concernant respectivement l’exercice par les femmes du droit à la vérité, à la justice et une réparation, la protection des femmes autochtones et la protection des femmes afro-colombiennes dans le contexte des déplacements sont en cours d’élaboration.

32.L’application de l’ordonnance 004 de 2009 a donné lieu au plus grand processus de consultation préalable qu’ait connu la Colombie, aux fins de l’élaboration d’un programme visant à garantir les droits des peuples autochtones déplacés. Au total, 72 réunions locales, 27 rencontres départementales, 5 rencontres régionales et 1 rencontre nationale ont eu lieu dans ce cadre. À ce processus s’ajoute l’élaboration de 34 plans de protection spécifiques en faveur de 33 peuples autochtones désignés par la Cour constitutionnelle, 5 sont déjà en place, 3 sont presque achevés et les autres en sont au stade des consultations.

33.Un plan complet de prévention, protection et prise en charge en faveur des Afro-Colombiens déplacés a été élaboré en application de l’ordonnance 005 de 2009 et approuvé par le Comité consultatif de haut niveau. À celui-ci s’ajoutent 62 plans concernant des communautés spécifiques, élaborés avec la participation active des communautés concernées. Des progrès ont également été accomplis dans la mise en œuvre du Plan de caractérisation des territoires collectifs et ancestraux et dans l’ajustement des «routes ethniques» de protection des terres comme suite à la déclaration d’inconstitutionnalité de la loi no 1152 (loi de développement rural).

34.Mme Fonseca (Colombie) souligne que le bureau du Procureur général de la Nation et le service du Défenseur du peuple sont deux organes absolument indépendants de l’exécutif, qui jouent un rôle essentiel dans la protection des droits de l’homme. En dépit de ressources budgétaires limitées, le Gouvernement colombien s’est employé à renforcer les capacités de ces deux organes, comme en témoigne la nette augmentation des crédits qui leur ont été alloués ces dernières années. On dénombre actuellement 39 défenseurs communautaires dans les régions les plus touchées par les affrontements.

35.M. Franco Jiménez (Colombie) dit qu’entre 2002 et 2006 le système d’alerte précoce a établi 703 rapports de risque et notes de suivi, qui ont donné lieu à 259 alertes précoces. En 2009, le nombre de rapports de risque et de notes de suivi a été de 61 et celui des alertes précoces de 21. Les autorités civiles, départementales et locales, jouent un rôle important dans la vérification et le suivi des mesures de protection des personnes déplacées et l’application des décisions du Comité interinstitutions d’alerte précoce (CIAT). Un exemple récent est celui de la municipalité de Arranca Bermeja, dans le département de Santander, qui a fait l’objet d’une note de suivi du CIAT en mars 2009. Le mois suivant, une décision d’alerte précoce a été prise en raison de la menace que représentaient les activités de l’organisation criminelle «Los Rastrojos». En juillet 2009, une équipe de représentants municipaux et départementaux est allée vérifier la situation sur le terrain. En octobre, les autorités civiles et militaires et la police locale ont tenu une réunion qui a donné lieu à une nouvelle note de suivi, émise en novembre. À l’issue de ce processus, en février 2010, plusieurs mesures ont été prises au niveau local, parmi lesquelles la création d’un conseil municipal de paix et de conseils ruraux et urbains de sécurité, l’organisation de 15 journées humanitaires et la construction d’un poste de police dans une communauté autochtone de la municipalité.

36.Mme Fonseca (Colombie) dit que l’on trouvera dans le quatrième rapport périodique présenté par la Colombie au Comité contre la torture en novembre 2009 (CAT/C/COL/4) de nombreux renseignements sur l’interdiction et la prévention de la torture. La situation a évolué ces derniers mois, avec la création d’un mécanisme national de prévention de la torture sous l’égide du Ministère de l’intérieur, et la tenue de réunions interinstitutionnelles mensuelles en vue de la création d’un système centralisé d’enregistrement des cas de torture et du renforcement de la formation des agents de l’État au Protocole d’Istanbul et au Protocole de Minnesota.

37.M. Alonso Sanabria (Colombie) ajoute que l’interdiction de la torture est inscrite à l’article 12 de la Constitution. L’article 93 dispose que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la Colombie l’emportent sur la législation interne. La loi no 599 de 2000 (Code pénal) prévoit l’incrimination de torture pénale et fixe des peines sévères à l’encontre des auteurs d’actes de torture. Ces peines ont encore été alourdies par la loi no 890 de 2004.

38.Dans son arrêt no 358 de 1997, la Cour constitutionnelle a exclu de la compétence de la justice pénale militaire l’infraction de torture considérant qu’il s’agissait d’un crime contre l’humanité. L’article 3 de la loi no 522 de 1999 (Code de justice pénale militaire) interdit à la justice militaire de connaître des infractions de torture, génocide et disparition forcée.

39.En ce qui concerne l’avortement, la Colombie est passée d’une interdiction totale à une reconnaissance du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans certaines circonstances. Dans son arrêt C-355 de 2006, la Cour constitutionnelle a dépénalisé l’avortement dans trois cas: lorsque la santé et la vie de la mère sont en danger, lorsque la grossesse est le résultat d’un viol, d’un inceste ou d’une insémination non consentie, et lorsque le fœtus présente des malformations graves. Le décret no 4444 de 2006 a été promulgué pour donner effet à cet arrêt en rendant obligatoire l’incorporation dans les plans de santé de règles et de dispositifs concernant l’avortement. Par son arrêt T-388 de 2009, la Cour constitutionnelle a rendu effectif le droit à l’avortement, en posant pour seule condition que la femme enceinte ait précédemment porté plainte au pénal dans le cas d’un acte sexuel non consenti ou qu’un certificat médical ait été établi dans les deux autres cas prévus par la loi. Elle a également répondu au problème de la liberté de conscience des médecins que pose la pratique de l’avortement en établissant qu’en la matière, la clause de conscience pouvait être invoquée par une personne mais pas par une institution. Toutefois pour pouvoir refuser l’avortement à titre individuel le médecin ne doit pas être le seul à pouvoir pratiquer cet acte dans la zone où il exerce.

40.M. Salvioli dit que le Comité a reçu de l’État partie, des organisations de la société civile colombiennes et à l’instant de la délégation une somme d’informations impressionnante qui laisse augurer un dialogue riche et fructueux. Toutefois, il demeure des points sur lesquels il souhaiterait avoir des précisions. La situation juridique des membres des groupes paramilitaires démobilisés qui ne sont pas susceptibles d’être jugés en vertu de la loi Justice et Paix (question no 2) n’a pas été éclaircie. Le Comité craint − et cette préoccupation est partagée par d’autres organes conventionnels ainsi que par la Commission interaméricaine des droits de l’homme − que l’application de la loi Justice et Paix n’assure en fin de compte l’impunité de ceux qui ont commis les violations des droits de l’homme les plus graves. Quelles mesures sont prises pour l’éviter? La délégation a indiqué que deux personnes avaient été condamnées en application de la loi Justice et Paix mais sans préciser le chef d’inculpation retenu ni les peines prononcées. Le Comité attendra des précisions à ce sujet. Il serait également intéressant de savoir si des paramilitaires démobilisés dont les aveux ont permis d’élucider certains crimes ont fait l’objet de poursuites et ont été condamnés. De plus amples renseignements concernant le résultat des enquêtes menées par le Comité de suivi et la suite donnée à ses constatations seraient appréciés. Des précisions sur les règles qui encadrent l’application du principe de l’opportunité des poursuites seraient également utiles; il faudrait notamment être sûr que le refus de poursuivre est exclu en cas de violations graves des droits de l’homme.

41.D’importants efforts sont faits dans le domaine de la formation des forces de l’ordre mais ils semblent s’adresser principalement aux rangs supérieurs de la hiérarchie. Des mesures sont-elles prises pour améliorer la formation des agents de rang inférieur?

42.L’État partie a donné des informations détaillées sur les indemnisations accordées en application du décret no 1290 de 2008. Il serait intéressant de savoir si des formes de réparation autres que financières sont prévues par le décret et si les victimes de violations des droits de l’homme directement imputables à l’État peuvent prétendre à une réparation en vertu de ce décret.

43.M. Salvioli dit qu’il a pris note avec satisfaction des informations données par l’État partie sur le Plan national de recherche des personnes disparues mais voudrait des précisions sur le rôle joué dans la mise en œuvre du plan par la société civile, en particulier les associations de victimes.

44.L’État partie n’a pas répondu à la question du Comité qui voulait savoir combien de personnes avaient été victimes d’homicide alors qu’elles faisaient l’objet de mesures de protection, en particulier dans le cadre du Système interaméricain des droits de l’homme (question no 13 c)). La délégation pourra peut-être combler cette lacune en précisant si ces homicides ont donné lieu à des enquêtes et si les responsables ont été poursuivis et condamnés.

45.Le fait que toutes les affaires de torture relèvent désormais de la compétence des juridictions ordinaires et non plus des juridictions militaires est une excellente chose; la Cour interaméricaine des droits de l’homme l’avait d’ailleurs recommandé à plusieurs reprises. Toutefois dans un récent discours, le Président de la République a déclaré que le champ de compétence des tribunaux militaires devrait être élargi, ce qui ne peut manquer de soulever des inquiétudes au regard des normes internationales relatives aux droits de l’homme, d’autant que leur champ de compétence est déjà très étendu. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a dénoncé à de nombreuses reprises l’impunité à laquelle avaient abouti les affaires de violations graves des droits de l’homme jugées par la justice militaire dans le passé. Il importe donc que l’État partie ne relâche pas les efforts accomplis jusqu’ici pour ne pas revenir à ce type de situation. Dans ce contexte, des précisions sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature, et notamment sur les mesures prises pour garantir qu’elle soit équilibrée, seraient utiles.

46.On sait que des chefs paramilitaires ont été extradés vers les États-Unis d’Amérique afin d’être jugés pour trafic de drogues. Il faudrait être sûr qu’ils n’échappent pas pour autant à la justice colombienne et qu’ils répondent des graves violations des droits de l’homme qui leur sont imputées. Des dispositions sont-elles prises à cette fin?

47.Dans les annexes à ses réponses écrites, l’État partie indique que 7 affaires d’homicide avec torture et 257 affaires de faute dans le service, parmi lesquelles des affaires de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ont été portées devant la justice, sans toutefois préciser si elles ont débouché sur des condamnations. Des renseignements sur le nombre de condamnations et les peines effectivement prononcées pour des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants seraient les bienvenus.

48.D’après les renseignements dont dispose le Comité, l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui définit les circonstances dans lesquelles les femmes peuvent avorter légalement et en toute sécurité n’a pas débouché sur des mesures concrètes visant à garantir aux femmes le droit à un avortement légal et sûr. Il semblerait même qu’il y soit fait obstacle. Qu’envisage de faire le Gouvernement pour garantir l’accès des femmes à l’avortement dans les cas définis par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle?

49.M. Pérez Sánchez-Cerro dit que d’après les informations dont dispose le Comité, les enquêtes ouvertes jusqu’ici dans le cadre de la loi Justice et Paix n’ont que très rarement donné lieu à des poursuites contre des responsables de violations graves des droits de l’homme et l’accès des victimes à la justice reste très limité. Des statistiques détaillées sur le nombre d’enquêtes qui ont été ouvertes, le nombre de poursuites et de condamnations auxquelles elles ont donné lieu, et le nombre de cas dans lesquels des mesures de réparation ont été accordées aux victimes seraient utiles. Le programme de réparation individuelle par voie administrative mis en place en vertu du décret no 1290 de 2008 semble s’apparenter davantage à un programme d’aide humanitaire qu’à un véritable programme de réparation; il ne prévoit pas de mécanismes visant à garantir le droit des victimes à la vérité, qui est pourtant un élément essentiel de la réparation. On peut en outre s’interroger sur le fait qu’aucune indemnité n’ait à ce jour été versée par le Fonds d’indemnisation des victimes. Dans ce contexte, quelles mesures l’État partie envisage-t-il de prendre pour faire en sorte que les responsables des violations commises soient poursuivis et punis et que le droit des victimes à la vérité, à la justice et à une réparation équitable soit respecté?

50.La délégation a indiqué que l’absence de collaboration de la part des organisations non gouvernementales rendait difficile la poursuite de la mise en œuvre du Plan national d’action relatif aux droits de l’homme (question no 7). De leur côté, les ONG qui se sont exprimées devant le Comité ont expliqué que les violences répétées subies par les acteurs de la société civile − agressions, homicides, disparitions forcées − créaient un climat d’insécurité qui les incitait à rester en retrait. L’État partie ne pourra compter sur la collaboration des ONG que s’il prend les mesures nécessaires pour faire cesser les violences dont elles font l’objet.

51.L’État partie n’a pas encore adopté de loi contre la discrimination raciale, bien que plusieurs projets aient été soumis au Congrès. Certes la Constitution contient des dispositions qui interdisent expressément la discrimination raciale au nom du droit à l’égalité mais il n’y a jamais été donné effet. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale avait recommandé à l’État partie de promulguer une loi dans ce sens (CERD/C/COL/CO/14, par. 13), et il serait intéressant de savoir si des mesures ont été prises pour y donner suite. Il serait souhaitable qu’une meilleure coordination soit mise en place entre les différents organismes nationaux qui s’occupent des questions relatives aux communautés afro-colombiennes et que l’État partie réfléchisse à l’élaboration d’un plan d’action national pour lutter contre la discrimination raciale.

52.Le fait que l’admission des personnes déplacées à bénéficier des programmes d’aide soit subordonnée à leur inscription préalable au registre unique de la population déplacée prive injustement celles qui n’ont pas la possibilité de s’y inscrire, en particulier dans les régions touchées par les affrontements armés, de l’accès à l’aide dont elles ont besoin. En outre, cette obligation fausse le recensement des personnes déplacées puisque ne sont comptabilisées que celles qui sont inscrites au registre, ce qui conduit à une sous-estimation des besoins et, partant, des moyens nécessaires pour y répondre. Le lancement du processus Justice et Paix en 2005 n’a pas eu jusqu’à présent d’effets tangibles sur le risque d’affrontements entre acteurs armés, qui reste élevé dans de nombreuses régions du pays. Il faudrait savoir quelles autres mesures l’État partie envisage de prendre pour prévenir ce risque et assurer une meilleure protection des personnes déplacées dans ces régions.

53.La mission initiale du système d’alerte précoce (SAT), qui était de prévenir les déplacements forcés liés aux risques d’affrontements, semble avoir été détournée au profit d’une militarisation accrue des zones à risque et de l’implication des populations civiles dans les hostilités. La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’est inquiétée de la perte d’indépendance du SAT qu’avait entraînée la création par le Gouvernement en 2003 du Comité interinstitutionnel d’alerte précoce. En outre, le Haut-Commissariat pour les réfugiés a dénoncé à plusieurs reprises l’hostilité des autorités à l’égard des équipes du SAT et l’absence de mesures pour garantir leur protection. Il faudrait savoir ce que l’État partie compte faire pour permettre au SAT de jouer pleinement son rôle de prévention et faire en sorte que les alertes émises soient suivies des mesures appropriées. Dans plusieurs cas, des alertes ont été ignorées et les conséquences ont été tragiques; ainsi 7 personnes ont été assassinées à Puerto Libertador en juillet 2008 et 8 autochtones ont été tués en janvier 2009.

54.Mme Keller dit qu’il serait souhaitable que l’État partie mette au point un système de statistiques détaillées sur les faits de violence sexuelle, y compris ceux commis dans le cadre du conflit armé. Elle note qu’il est encore difficile pour les victimes de violences sexuelles de dénoncer les agressions qu’elles ont subies en raison de la stigmatisation dont elles font l’objet. Il serait utile de savoir si les programmes mis en œuvre pour prévenir la violence sexuelle comportent des mesures visant à lutter contre les préjugés qui accablent les victimes du poids de la honte et leur imposent la loi du silence. Mme Keller voudrait également savoir si une protection est prévue pour les victimes de violences sexuelles que leur agresseur menace de représailles si elles portent plainte, y compris lorsque l’agresseur est un membre des forces de police ou de sécurité.

55.En dépit des efforts déployés par la Fiscalía Generalpour se doter d’un personnel spécialisé dans les enquêtes sur les affaires de violence sexuelle, le taux d’impunité dans ce type d’affaires reste très élevé. En 2009, la Cour constitutionnelle a conclu que les enquêtes effectuées par les services de la Fiscalía dans 183 affaires de violence sexuelle n’avaient pas été menées de manière satisfaisante. Il serait intéressant de savoir si des mesures ont été prises pour améliorer l’efficacité des enquêtes. La violence sexuelle dans le contexte des déplacements forcés est un problème qui mérite toute l’attention de l’État partie. Près de la moitié des personnes déplacées à l’intérieur du pays sont des femmes; or on sait que les déplacements forcés augmentent le risque de violences, y compris sexuelles. Les femmes déplacées sont donc particulièrement vulnérables et il faudrait savoir si cet aspect est pris en considération dans les programmes et les stratégies mis en œuvre dans le domaine de la prévention de la violence sexuelle. Des précisions sur la manière dont l’État partie veille à ce que les décisions prises au niveau de la capitale soient appliquées dans les départements et les communes seraient également utiles.

56.Le règlement d’application de la loi no 1257 de 2008 relative à la sensibilisation, à la prévention et à la répression de toutes les formes de violence et de discrimination contre les femmes n’a toujours pas été adopté. La délégation pourra peut-être indiquer s’il le sera dans un futur proche. La loi no 1257 prévoit des modifications du Code pénal, du Code de procédure pénale ainsi que de la loi no 294 de 1996. Des précisions sur la teneur de ces modifications seraient les bienvenues. Il serait intéressant de savoir si la conciliation non obligatoire prévue par les dispositions en vigueur est directement applicable par les autorités compétentes ou si elle requiert l’adoption d’un règlement d’application spécifique. Il serait également intéressant de savoir si l’État partie évalue l’efficacité des politiques mises en œuvre pour prévenir la violence sexuelle et faire en sorte que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis, et quels sont les critères et les objectifs qu’il a définis à cet effet.

57.M. Thelin note que d’après les chiffres donnés par l’État partie dans ses réponses écrites au sujet des enquêtes sur les exécutions judiciaires, l’Unité nationale des droits de l’homme avait 1 244 affaires en cours au 15 février 2010, et les différents bureaux d’enquête de la Fiscalía à travers le pays étaient saisis de 436 dossiers en décembre 2009, pour un total de seulement 45 condamnations. Il veut croire qu’il ne faut pas en déduire que la majorité des affaires sont classées sans suite ou aboutissent à un acquittement. Il voudrait également avoir confirmation du fait que ces affaires sont renvoyées devant des juridictions ordinaires et non des juridictions militaires. Il voudrait enfin savoir quelle est la durée moyenne des procédures et si des changements ont été observés depuis l’entrée en vigueur du nouveau régime accusatoire.

58.M. Bhagwati dit qu’il faut féliciter l’État partie d’avoir créé la Commission nationale de réparation et de réconciliation en tant que mécanisme permettant d’offrir des solutions autres que judiciaires, mais il souhaiterait connaître le bilan de son action et savoir en particulier combien d’affaires ont été réglées dans ce cadre au cours des trois dernières années. Il demande également si les décisions rendues par la Fiscalía General sont exécutoires et, dans l’affirmative, selon quelles modalités, et si elles sont susceptibles d’appel.

59.En ce qui concerne l’institution très importante du Défenseur du peuple, M. Bhagwati voudrait savoir quelles qualifications sont requises des candidats à cette fonction, qui nomme le Défenseur du peuple, quels sont ses pouvoirs et comment ils sont définis. Il serait utile de savoir aussi s’il existe une procédure, en droit ou dans la pratique, permettant aux particuliers de saisir le Défenseur du peuple. M. Bhagwati demande également si les décisions du Défenseur du peuple font l’objet d’un recueil. Enfin, il voudrait savoir quelles mesures les autorités colombiennes ont prises aux fins d’arrêter, de poursuivre et de juger les responsables d’enlèvements, et avec quels résultats.

60.M. El-Haiba relève que le programme de réparation est apparemment limité à des mesures d’indemnisation financière. Il voudrait savoir quelles mesures sont prises pour venir en aide aux familles des victimes sur d’autres plans, notamment pour les accompagner dans leur deuil, ce qui est un élément important de l’exercice d’une justice transitionnelle. Il s’interroge également sur la notion de réparation collective et voudrait savoir quelles différences existent entre le programme de réparation individuelle et le programme de réparation collective. Ce dernier s’applique-t-il à certaines régions qui ont été particulièrement touchées par la violence dans le passé, ou vise-t-il des communautés entières? Il serait bon de savoir également quelles mesures les autorités ont prises pour faire en sorte que le dispositif de réparation ne se transforme pas en un programme d’assistance humanitaire, mais reste un élément important du dispositif garantissant le droit des victimes à réparation.

61.M. El-Haiba salue la mise en place d’un nouveau mécanisme de contrôle des établissements pénitentiaires, qui donne effet aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il s’étonne cependant que ce mécanisme ait été placé sous l’autorité du Ministère de l’intérieur. Certes le Protocole facultatif laisse aux États la liberté de choisir la solution institutionnelle la plus appropriée pour leur mécanisme national de prévention, mais il prévoit expressément que la solution retenue doit tenir compte des Principes de Paris. M. El-Haiba serait reconnaissant à la délégation colombienne de fournir de plus amples renseignements sur le dispositif ainsi mis en place.

La séance est suspendue à 17 h 15; elle est reprise à 17 h 35.

62.Mme Rey (Colombie) indique, à propos des recours ouverts pour les violations commises par des agents de l’État, que les victimes peuvent obtenir réparation en exerçant les recours judiciaires existants. Elles peuvent ainsi se porter partie civile dans une procédure pénale aux fins d’une indemnisation, ou former un recours contentieux devant la juridiction administrative. La jurisprudence colombienne en matière de contentieux administratif a d’ailleurs été renforcée par l’application des normes de droit international.

63.En ce qui concerne la situation juridique des membres des milices d’autodéfense unies auxquels ne s’applique pas la loi Justice et Paix et qui ne font pas l’objet d’une enquête pour violations graves des droits de l’homme, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, il est indéniable qu’avant que le processus de démobilisation soit engagé, l’État ne mesurait guère l’ampleur du problème posé par les paramilitaires. C’est le processus de démobilisation, et en particulier l’adoption de la loi Justice et Paix, qui a permis aux autorités de prendre progressivement toute la mesure du phénomène. Auparavant, par exemple, il n’existait pas d’indicateurs sur l’appartenance à un groupe paramilitaire; c’est la raison pour laquelle la Fiscalía General a demandé l’élaboration d’une loi, qui est devenue la loi no 1312 de 2009, permettant au juge de prendre en considération une déclaration expresse par laquelle l’intéressé exclurait sa responsabilité dans les actes incriminés. Il faut relever cependant que la jurisprudence dans ce domaine a changé, et que la loi no 1312 n’est pas applicable à l’heure actuelle. Quoi qu’il en soit, les dispositions prévoyant l’ouverture d’une enquête en cas de soupçons d’infraction continuent de s’appliquer et tout paramilitaire soupçonné de violations des droits de l’homme, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité est poursuivi et jugé par la justice ordinaire conformément aux dispositions du droit commun. Le contrôle de l’État concernant les paramilitaires démobilisés s’exerce par l’intermédiaire des hauts conseillers pour la réintégration, qui se mettent à la disposition des autorités judiciaires en tant que de besoin.

64.L’opportunité des poursuites est régie par le Code de procédure pénale mais les règles de son application sont établies dans une décision du Fiscal General qui prévoit premièrement que, pour que le procureur puisse décider de ne pas déclencher des poursuites il faut que l’infraction soit mineure ou emporte une peine d’emprisonnement inférieure à sept ans. En aucun cas la décision de ne pas poursuivre ne peut être prise pour des actes constitutifs de violations des droits de l’homme, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Ensuite, la décision de ne pas poursuivre n’appartient pas à un seul procureur mais est toujours examinée par un supérieur, le Fiscal Delegado. À ce jour la possibilité de refuser de poursuivre n’a jamais été utilisée dans le contexte de l’application de la loi Justice et Paix.

65.En ce qui concerne les sanctions applicables aux paramilitaires, la «peine alternative» prévue dans la loi Justice et Paix est de cinq à huit ans d’emprisonnement. Il s’agit de la peine principale, que le juge a l’obligation de prononcer; il peut prononcer aussi des peines accessoires, comme l’interdiction d’occuper une charge publique ou d’exercer des activités politiques.

66.À propos des inculpations sur dossiers fragmentaires (inculpations partielles), Mme Rey indique qu’il en existe 259 aujourd’hui, et les autorités espèrent que, grâce au changement de jurisprudence qui a permis une première condamnation de paramilitaires, le 29 juin dernier, au titre de la loi Justice et Paix, ces 259 affaires déboucheront sur des condamnations à la «peine alternative» prévue par la loi en question. Les deux paramilitaires qui ont été condamnés le 29 juin dernier en application de la loi Justice et Paix ont été reconnus coupables de disparition forcée, déplacement forcé et homicide de personnes protégées; ils ont été condamnés à quatre-cent-soixante-huit mois et quatre-cent-soixante-deux mois de prison, respectivement, et ont été en outre condamnés à verser chacun 450 000 dollars aux fins d’indemnisation des victimes. La délégation colombienne fera parvenir ultérieurement au Comité une copie du jugement.

67.L’extradition des 29 paramilitaires vers les États-Unis a été décidée par les autorités de l’État, avec l’accord de la Cour suprême. Le Président de la République a le pouvoir discrétionnaire de décider l’exécution d’une ordonnance d’extradition. Pour ce qui est des motifs qui ont fondé la décision d’extradition, l’État partie reconnaît ses limites face aux milices d’autodéfense unies, qui sont formées de groupes de narcotrafiquants dont le pouvoir de corruption des institutions de l’État est important. Il convient de noter cependant le changement de jurisprudence en matière d’extradition, la Cour suprême ayant affirmé qu’une personne soupçonnée de graves violations des droits de l’homme, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ne peut être extradée tant qu’elle n’a pas répondu aux exigences prévues par la loi colombienne pour assurer le respect du droit à la vérité, la justice et la réparation. Les autorités reconnaissent s’être heurtées à des difficultés logistiques qui ont entravé l’application du processus au titre de la loi Justice et Paix aux paramilitaires qui ont été extradés. C’est la raison pour laquelle des mesures ont été prises pour renforcer et améliorer les procédures prévues au titre de cette loi en s’appuyant sur les dispositions de la Convention interaméricaine d’assistance mutuelle en matière pénale. Les paramilitaires extradés sont ainsi aujourd’hui sous le coup d’inculpations partielles.

68.Revenant sur les inquiétudes du Comité au sujet de l’impunité qui pourrait résulter de l’application de la loi Justice et Paix, Mme Rey fait observer que cette loi n’a que cinq ans d’existence et n’est appliquée que depuis quatre ans. La mise en place de toutes les institutions prévues par la loi a pris du temps, et il faut reconnaître également que les autorités ont mal apprécié la situation en ne prévoyant dans la loi que 20 Fiscales spécialisés dans les affaires impliquant des paramilitaires. Conscientes de leur erreur, elles ont augmenté, dans la pratique, le nombre de ces Fiscales, qui sont aujourd’hui au nombre de 94. Pour pouvoir mener à bien leur mission, les Fiscales ont dû d’abord analyser l’évolution de l’activité paramilitaire, différente d’une région à l’autre, et connaître en profondeur le monde dans lequel ils allaient enquêter, notamment en compilant la presse, les rapports des ONG et surtout les 300 000 procédures judiciaires auxquelles a donné lieu l’adoption de la loi. L’application de la loi Justice et Paix est, on le voit, un vaste défi et les autorités sont conscientes qu’un long chemin reste à parcourir, mais le pouvoir judiciaire a déployé des efforts très importants, qui ont déjà donné quelques résultats. En effet, 215 inculpations partielles ont été prononcées dans 3 874 cas de déplacements forcés, 6 843 cas d’homicide et 2 775 cas de torture. La Cour suprême a rendu 16 arrêts, dont 14 condamnations dans des affaires où le juge a établi les liens existants entre des membres du Congrès et des paramilitaires. Un grand nombre des hommes politiques en attente de jugement sont d’ailleurs actuellement en détention.

69.Plus généralement, il convient de ne pas oublier que les Colombiens sont les premiers intéressés à ce que la loi soit suivie d’effets dans les plus brefs délais. La pratique de la Colombie en matière de poursuites pénales pour des violations graves des droits de l’homme doit aussi être considérée à la lumière de l’expérience d’autres pays et de celle des tribunaux pénaux internationaux. Si les résultats enregistrés par les autorités colombiennes sont certes encore insuffisants, ils témoignent néanmoins des efforts déployés par le pouvoir judiciaire, qui doivent être salués.

70.En ce qui concerne la réparation par la voie administrative, le programme entrepris à ce titre a permis d’accorder une indemnisation dans 11 000 cas, pour un montant total de 10 millions de dollars, ce qui représente une lourde charge pour le budget national. Les fonds budgétaires alloués en 2010 devraient permettre de doubler le montant total des indemnités par rapport à 2009.

71.Le Programme national de recherche des personnes disparues est exécuté par la Commission nationale de recherche urgente des personnes disparues, dont la composition tripartite (Gouvernement, organes publics et organisations non gouvernementales) a beaucoup contribué au succès de ses travaux. Les organisations non gouvernementales ont non seulement appuyé l’action de la Commission nationale mais elles lui ont imprimé un élan très positif. Il convient de signaler que, pour donner effet aux recommandations pertinentes de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, l’État colombien a engagé, par l’intermédiaire des Fiscales, un vaste processus de concertation et de participation en matière de recherche des personnes disparues, qui a été appliqué à des cas précis et a été progressivement développé.

72.En ce qui concerne les mesures de protection et les mesures provisoires, le système interaméricain de protection des droits de l’homme prévoit des dispositifs de prévention comprenant deux volets, l’un attaché à la protection des droits et l’autre à la nécessité de mener des enquêtes. Dans ce contexte, les mesures visant à une réduction des facteurs de risque revêtent une grande importance, et les services de la Fiscalía General participent donc à différentes activités visant à améliorer la détection des sources de risque et l’identification des responsables des infractions commises. Des mesures provisoires ont ainsi été adoptées à l’égard de plusieurs communautés autochtones, et les autorités judiciaires ont jugé et sanctionné dûment un certain nombre de responsables des violations commises à l’égard de ces communautés, dont plusieurs membres des FARC. Pour ce qui est des demandes d’information présentées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme au sujet du massacre perpétré contre la communauté autochtone awá, les autorités colombiennes ont établi que les FARC étaient responsables. La Cour interaméricaine des droits de l’homme avait également demandé des mesures provisoires à l’égard de la communauté de paix de San José de Apartadó, et les autorités judiciaires colombiennes ont établi que des membres des forces armées régulières avaient participé aux massacres perpétrés contre cette communauté en 2006.

73.Mme Abaunza Millares (Colombie), répondant aux questions portant sur la directive no 10, indique que le comité de suivi qui a été créé en application de cette directive a permis le renforcement des liens interinstitutionnels, la participation d’organismes internationaux aux mesures de suivi des plaintes et la sensibilisation du Gouvernement colombien aux questions en jeu. Le Ministère de la défense, à l’origine de cette directive, a été le premier à reconnaître l’existence de problèmes dans ce domaine et a décidé d’agir, notamment en saisissant le Fiscal General, pour prévenir la répétition de délits analogues à ceux visés dans les plaintes. Il convient de préciser que les comportements délictueux des agents de la force publique sont traités au cas par cas. Les autorités colombiennes n’entendent toutefois nullement cautionner ces comportements; elles attendent avec impatience les décisions de justice, qui devraient les aider à améliorer encore le dispositif de prévention. La directive no 10 prévoit en outre que les forces armées bénéficient de l’assistance de la police judiciaire, et notamment des services de police technique et scientifique, dans toutes les opérations militaires dans lesquelles il pourrait y avoir des morts au combat.

74.En ce qui concerne les éventuels conflits de compétence entre les juridictions civiles et militaires, le système de procédure pénale accusatoire mis en place en Colombie prévoit que la justice de droit commun doit être la première à connaître des faits incriminés. Il faut relever aussi un autre progrès, à savoir le fait que, dans le cadre de la directive no 10, des représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont effectué des visites (21 au total) dans les sept divisions que comptent les forces armées colombiennes, et ils ont pu ainsi contribuer à l’examen des plaintes et à l’établissement des faits dans les cas suspects. Il faut noter en outre la promulgation de la directive no 300-28 de 2007, qui permet de tenir davantage compte des démobilisations, plutôt que des captures et des morts au combat. Un projet de règles juridiques plus précises concernant la mise en accusation de militaires pour des violations des droits de l’homme a été élaboré, et des séminaires ont été organisés sur cette question, avec la participation des services de la Fiscalía General. Cette mesure de renforcement des capacités a permis l’exécution de 685 enquêtes sans qu’il y ait conflit de compétences entre les juridictions civiles et militaires, et le traitement des plaintes a donc été sensiblement amélioré. Des ressources supplémentaires importantes, provenant de la coopération internationale, ont été allouées au programme de lutte contre l’impunité. En outre, une unité spéciale chargée des enquêtes sur les infractions commises par des agents de l’État a été mise en place au sein de l’Unité des droits de l’homme de la Fiscalía General de la Nación, et elle est maintenant opérationnelle.

75.Le Président remercie la délégation colombienne et invite le Comité à poursuivre l’examen du rapport à la séance suivante.

La séance est levée à 18 h 5.