Soixante-deuxième session

Compte rendu analytique provisoire de la 1647e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 24 mars 1998, à 10 heures

Présidente  :Mme Chanet

Vice-Président  :M. El-Shafei

puis :Mme Chanet

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique de Chypre

Ouverture de la séance à 10 heures

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique de Chypre (CCPR/C/94/Add.1;HRI/CORE/1/Add.28)

À l’invitation de la Présidente, M me  Koursoumba (Chypre), M me  Stavrinakis (Chypre) et M me  Zackheos (Chypre) prennent place à la table du Comité.

En présentant le troisième rapport périodique de son pays, M me  Zackheos (Chypre) attire l’attention sur le rapport supplémentaire et sur une nouvelle version du document principal dont sont saisis les membres du Comité.

Son Gouvernement attache une grande importance à la promotion et à la protection des droits de l’homme comme le prouvent sa ratification et son accession à tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme à l’exception du deuxième protocole additionnel au Pacte qui sera bientôt ratifié.

Les efforts de son Gouvernement pour remplir ses obligations en vertu du Pacte sont perturbés par la tragique situation qui prévaut dans son pays depuis l’invasion turque de 1974 et l’occupation par la Turquie de 37 pour cent du territoire chypriote. Son Gouvernement réaffirme son engagement de travailler à une solution pacifique du problème de Chypre sur la base des résolutions pertinentes des Nations Unies.

M me  Stavrinakis (Chypre) déclare que son Gouvernement fera tous ses efforts à l’avenir pour présenter à temps ses rapports périodiques. Beaucoup d’améliorations ont été introduites dans la législation de son pays relative aux droits de l’homme notamment dans les domaines de l’abolition de la peine de mort, de l‘élimination des dispositions discriminatoires à l’égard des sexes dans le code des nationalités et de la mise en œuvre d’une nouvelle loi régissant les réunions et les défilés et l‘application d’une nouvelle loi pour les demandeurs d’asile. Dans d’autres domaines comme celui du traitement des personnes qui soufrent de troubles mentaux, la législation a été modifiée. Dans d’autres domaines comme celle de la protection des données personnelles, le mariage et la création d’un tribunal de la famille, de nouvelles lois sont préparées. Il a été enfin décidé de créer une organisation nationale des droits de l’homme.

Première partie de la liste des questions

Premier point  : Égalité des sexes (art.  3 du Pacte)

La Présidente lit les questions relatives au premier point: fréquence de la discrimination contre les femmes dans la pratique, mesures concrètes prises pour éliminer toute discrimination contre les femmes dans les domaines de l’emploi et des salaires, pour consolider et renforcer leur position, prévoir et promouvoir les mesures juridiques contre la discrimination.

M me  Stavrinakis (Chypre) déclare que sa délégation préfère répondre à cette question à un stade ultérieur.

Deuxième question  : violence contre les femmes et les enfants (art . 3, 23 et 24 du Pacte)

La P résidente lit les questions relatives au deuxième point : progrès accomplis en ce qui concerne la situation des femmes et des enfants victimes de la violence; nouvelle loi sur la prévention de violence dans la famille et sur la protection des victimes.

M me  Stavrinakis (Chypre) se référant aux paragraphes 63 à 68 du document (CCPR/C/94/Add.1) déclare que la législation relative à la violence dans la famille et à la protection des victimes est en vigueur mais que des problèmes ont surgi lors de sa mise en application effective. Un Comité examine des amendements qui la rendraient plus efficace. Parmi les amendements, l’enregistrement au moyen de vidéos des déclarations des personnes victimes de la violence est examinée pour éviter que celles-ci ne soient obligées de se présenter devant les tribunaux; ce qui ne signifie pas néanmoins que la personne accusée n’aura pas la possibilité de procéder à une interrogation contradictoire d’un témoin.

Point 3  : Interdiction de la torture ou d’autres traitements ou punition cruels, inhumains ou dégradants (art.  7 du Pacte)

La Présidente lit les questions relatives au point 3 : suivi du mémorandum soumis par le Ministre de la justice et de l’ordre public, projet de loi en vue de l’amendement de la loi à l’intention du Commissaire de l’administration; pouvoirs et fonctions du Commissaire en ce qui concerne les plaintes pour mauvais traitements par la police.

M me  Koursoumba (Chypre) déclare que le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de Chypre à sa session de novembre 1997 et a fait un certain nombre de commentaires favorables.

En ce qui concerne le mémorandum mentionné au paragraphe 26 du rapport, la question est toujours à l’examen.

Concernant le projet de loi en vue de l’amendement de la loi relative au Commissaire de l’administration ou Médiateur qui est mentionné au paragraphe 89 du rapport, le projet a été promulgué et le Médiateur a maintenant la possibilité d’examiner les plaintes pour mauvais traitement des personnes et un certain nombre de ces plaintes l’ont été au cours des récentes années. En 1994, une plainte a été jugée fondée et à la suite d’une demande de l’avocat du plaignant, le Procureur général a donné l’autorisation d’engager une poursuite privée contre les personnes accusées. En 1995, on a estimé que trois plaintes étaient fondées. Dans le premier cas, les poursuites ont été engagées mais ont abouti à un non lieu parce que le plaignant a refusé de fournir des preuves. Dans un second cas où était impliqué un Chypriote turc, le Conseil des Ministres a nommé un enquêteur criminel et à la suite des conclusions de ce dernier, le Gouvernement a versé des indemnités au plaignant. Dans le troisième cas, le Médiateur a estimé qu’il existait un cas prima facie de mauvais traitement; cependant, était donné que le plaignant refusait de fournir des preuves, les procédures pénales n’ont pas pu être engagées et l’affaire est toujours en suspens. En 1996, on a estimé que deux plaintes étaient fondées et les cas sont toujours en suspens. En 1997, une plainte jugée fondée fait encore l’objet d’examen. Ces cas ont été tous rapportés au Comité contre la torture.

Point 4  : Usage des armes par la police (art. 6 et 9 du Pacte)

La P résidente lit les questions relatives au point 4 : violations des règles et des règlements relatifs à l’usage des armes par la police et les forces de sécurité; investigation et poursuite de tels actes et punitions des auteurs.

M me  Koursoumba (Chypre) déclare que l’utilisation des armes par la police n’est pas une pratique courante. Au cours de la période considérée, il n’y a eu qu’un seul cas au cours duquel la police a utilisé ses armes et c’était pendant une prise d’otages. Le conseil des ministres a nommé immédiatement le Président de la Cour suprême pour enquêter sur cet incident. L’enquête a été menée conformément à toutes les règles concernant la preuve et a abouti à la conclusion que l’usage de la force n’était pas excessif. Les plaignants s’étaient adressés à la Commission européenne des droits de l’homme qui les avaient référés à la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour, dans une décision prise à la majorité, avait estimé que l’usage de la force par la police avait été absolument nécessaire et que le Gouvernement ne pouvait être jugé coupable en la matière.

Point 5  : Emprisonnement pour dette civile (art.  11 du Pacte)

La Présidente lit les questions relatives au point 5 : préoccupations exprimées par le Comité dans ses précédentes observations finales; mesures prises pour abolir l’emprisonnement pour dette civile.

M.  Stavrinakis (Chypre) note qu’un projet de loi relatif à l’amendement à la législation pertinente a été adopté et qu’il n’a toujours pas été soumis au conseil des ministres bien que le Procureur général l’ait approuvé. Le projet confère au tribunal le pouvoir d’enquêter sur la situation financière d’un débiteur et de délivrer par conséquent une injonction en vue du recouvrement de la dette. Dans le cas d’employés, le tribunal peut enjoindre à l’employeur de retenir une partie du salaire du débiteur qui sera versée au créancier. Les personnes qui ont leurs propres entreprises devront effectuer les paiements directement aux créanciers. Si elles refusent d’obtempérer pour des raisons qui ne sont pas jugées valables, le tribunal peut imposer des amendes pénales.

Le projet de loi prévoit également la consolidation des demandes contre un débiteur particulier. Si le tribunal estime que le débiteur ne sera pas en mesure de s’acquitter de sa dette dans un délai raisonnable, ce débiteur peut être déclaré être en état de cessation de paiement et des poursuites peuvent être engagées contre lui conformément à la loi.

Point 6  : Liberté de réunion (art.  21 du Pacte)

La Présidente lit les questions relatives au point 6 : résultat de l’examen de la partie II du code pénal et de la loi relative aux réunions et aux défilés; compatibilité avec le Pacte des restrictions à l’exercice de la liberté de réunion selon le projet de loi proposé.

M.  Stavrinakis (Chypre) déclare que le projet de loi auquel font référence les paragraphes 241 à 244 du rapport est en instance devant la Législature. En vertu de l’ancienne loi, un permis a été demandé pour des réunions de cinq personnes ou plus. Selon la nouvelle législation proposée, des assemblées de 20 personnes ou plus seront considérées comme légales et ne seront pas astreintes à un permis préalable mais les autorités pertinentes devront en être averties. Cette autorité peut néanmoins estimer souhaitable que certaines restrictions soient imposées pour préserver l’ordre public. Des informations supplémentaires sur ce sujet figurent à la section (b) du rapport supplémentaire.

Point 7  : Protection de l’enfant (art.  24 du Pacte)

La Présidente lit les questions relatives au point 7 : mesures concrètes prises pour protéger les droits de l’enfant, responsabilité pénale à partir de l’age de 7 ans; personnes de 16 ans considérées comme des délinquants adultes; âge de se marier défini comme le début de l’âge adulte.

M.  Stavrinakis (Chypre) se référant à l’âge de la responsabilité pénale attire l’attention sur la section 9 du rapport supplémentaire.

Point 8  : Non discrimination (art. 2 (3), 25 et 26 du Pacte)

La Présidente lit les questions relatives au point 8 : discrimination, surveillance et harcèlement par les autorités des citoyens chypriotes d’origine turque notamment ceux qui sont nés après 1974; mesures prises pour empêcher l’émergence d’une telle discrimination, les recours qui sont à la disposition des victimes.

M.  Stavrinakis (Chypre) déclare que sa délégation abordera ce point un peu plus tard.

La Présidente déclare que le Comité écoutera les réponses de l’État partie aux questions relatives 11 et 8 à une séance ultérieure. Elle invite les membres du Comité à poser d’autres questions relatives aux points figurant dans la partie I de la liste.

M.  El-Shafei note qu’à la suite des événements de 1974 qui ont abouti à l’occupation d’une partie du territoire de Chypre, le Gouvernement n’est pas en mesure de garantir l’application du Pacte dans des zones qui ne sont pas sous son contrôle. En outre un certain nombre de ses ressortissants n’ont toujours pas été retrouvés. La délégation n’ignore pas qu’une organisation non gouvernementale a proposé la création d’une commission d’enquête qui examinerait les cas de disparition. Il serait intéressant de savoir ce qu’en pense la délégation chypriote. Il serait également utile que le Comité soit brièvement informé des possibilités de succès des efforts des Nations Unies pour apporter la paix à Chypre.

Au cours de l’examen du deuxième rapport périodique, le Comité a exprimé sa préoccupation à propos de l’article 7 de la Constitution qui prévoit de larges exceptions au droit à la vie. Les auteurs du rapport devraient être beaucoup plus spécifiques à propos de leurs efforts pour amender cet article. Des inquiétudes ont été également exprimées en ce qui concerne les directives concernant l’usage de la force. Celles-ci accordent en effet des pouvoirs discrétionnaires à la police à cet égard. Les questions relatives à la prolongation de la détention avant le procès et la possibilité que les détenus soient victimes d’abus devraient être aussi clarifiées. Les auteurs du rapport devraient clarifier le point de savoir si les officiers de police et des responsables de rang modeste ont reçu une formation adéquate qui empêcherait de tels abus.

Il demande enfin pourquoi le projet de loi qui abolit l’emprisonnement pour dette civile n’a pas été adopté plus rapidement.

M.  Ando déclare que lui non plus ne comprend pas pourquoi il a fallu un délai aussi long pour adopter le projet de loi abolissant l’emprisonnement pour dette civile.

En ce qui concerne le point 6, il s’est félicité de l’évolution favorable mentionnée par le représentant de Chypre. Néanmoins certains détails sont nécessaires concernant les conditions qui pourraient être imposées pour la tenue des réunions.

Il demande des informations spécifiques sur les cas où des enfants âgés de 12 ans sont considérés comme pénalement responsables.

En ce qui concerne le point 3, le représentant de Chypre a déclaré que des plaintes que le Commissaire de l’Administration estimaient valables ont abouti à des non lieu parce que les plaignants ont refusé de témoigner. Il serait intéressant de savoir si des pressions de caractère culturel ou communautaire ont été exercées sur ces plaignants pour les dissuader de témoigner.

M.  Klein note que les changements législatifs mentionnés dans le rapport périodique et dans la version mise à jour du rapport sont pour la plus grande part en suspens. On ne peut que conclure qu’en fait il y a eu très peu de changement. Pourquoi la Législature met-elle autant de temps pour agir? Il souhaite que la délégation chypriote fournira des informations spécifiques sur les changements actuels dans la législation lorsqu’elle abordera cette question.

En ce qui concerne le point 3, il serait intéressant de connaître les résultats de l’enquête de la Commission d’enquête mentionnée au paragraphe 88 du rapport sur les brutalités policières. Il serait bon de savoir si cette Commission est un organe ad hoc dont les fonctions seront assumées par le futur bureau du Médiateur (par. 89 du rapport) ou, dans le cas contraire, quelle sera relation avec ce bureau.

Sans mettre en question la véracité de l’information communiquée par Mme Koursouba en ce qui concerne le point 4, il juge étonnant qu’au cours des dix dernières années, la police n’a utilisé qu’une seule fois des armes à feu à Chypre.

M me  Evatt se réjouit de l’intention claire du Gouvernement de répondre aux précédentes recommandations du Comité bien que celle-ci soit plutôt une promesse pour l’avenir. À propos du point 1, elle demande si parmi les réformes en vue d’assurer une plus grande égalité pour les femmes, le Gouvernement n’envisage pas d’adopter une loi générale garantissant les droits égaux pour les femmes en matière d’éducation, d’emploi et autre.

Concernant le point 2, en relation avec la prostitution forcée et le trafic des femmes, le rapport laisse penser (par. 146 et 148) que le Gouvernement est prêt à prendre des mesures contre les responsables de l’exploitation des femmes. Le rapport supplémentaire indique (p. 12) que les lois dans ce domaine sont en train d’être réexaminées. Elle souhaite savoir s’il existe le projet d’adopter une loi pour venir en aide aux victimes et leur permettre de se retourner contre ceux qui les ont exploitées et un autre projet qui régirait de manière spécifique la situation des employés de maison à Chypre, notamment ceux qui viennent d’Asie du Sud-est et qui sont victimes d’abus.

Elle se félicite que l’âge de la responsabilité pénale des enfants est en train d’être augmenté (rapport supplémentaire p. 15) mais a estimé qu’il devrait être fixé à 12 ans plutôt qu’à 10 ans. Le rapport supplémentaire semble impliquer que l’âge de la responsabilité pénale des mineurs devrait passer de 16 à 18 ans alors que le rapport (par. 252) semble indiquer que les jeunes de plus de 16 ans devraient être traités comme des délinquants adultes. Sur la question des droits des enfants, le Gouvernement a-t-il l’intention de prendre des mesures pour garantir que les enfants nés hors mariage auront droit à un nom et à une citoyenneté. Elle a demandé si l’âge minimum pour se marier est le même pour les hommes et les femmes.

M.  Buergenthal note que le gouvernement semble avoir des difficultés pour promulguer ses lois. Concernant la loi de 1992 qui a été promulguée pour amender une loi de 1967 punissant l’incitation à la haine raciale et religieuse et à la discrimination ethnique (par. 46 du rapport) il déclare qu’il serait intéressant de savoir si des cas ont été présentés en vertu cette loi et comment ils ont été jugés. Tout en notant que dans aucun des cas où la torture a été évoquée, il n’y a eu de condamnation, (par. 87 du rapport), il estime qu’il existe un certain nombre de mesures administratives qui auraient pu être prises en absence de condamnations. Il ne comprend pas tout à fait comment le système global visant à prévenir le traitement cruel ou la torture fonctionne à Chypre. Le Médiateur peut-il engager lui-même les procédures administratives ou doit-il transmettre le cas au Procureur général? Le Procureur général peut-il de lui même engager des procédures administratives pour des requalifications ou des non lieu? Il a souhaité savoir s’il existe des programmes de formation à l’intention des fonctionnaires de la police pour renforcer l’interdiction de la torture.

Concernant le point 6 et la déclaration des états d’urgence (par. 243 du rapport), il a souhaité avoir des informations sur des actions judiciaires qui permettraient de contester des mesures prises dans des situations d’états d’urgence ou sur la légalité de la déclaration de l’état d’urgence.

M.  Bhagwati exprime l’espoir que la médiation politique en cours aboutira afin que le Gouvernement puisse enfin exercer son contrôle sur tout le territoire de Chypre et garantir les droits de l’homme de chaque citoyen du pays. En ce qui concerne le point 8, il souhaite savoir combien de cas de personnes disparues ont été investigués depuis que les forces turques ont débarqué dans l’île en 1974 et s’il y a eu des enquêtes sur l’assassinat de Chypriotes grecs par des éléments de droite des forces armées turques et quels ont été les résultats. Il souhaite également savoir s’il existe un mécanisme institutionnel pour enquêter sur les brutalités policières et la torture.

En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, il serait intéressant d’avoir des détails sur tous les cas auditionnés par le Conseil suprême de Justice (paragraphe 135 du rapport) et de savoir si l’immunité judiciaire accordée au Président et aux juges de la Haute Cour (par. 188 du rapport) s’étend aux juges de la Cour suprême et du Conseil suprême. Il demande également s’il existe des dispositions relatives à l’aide juridique pour les indigents qui veulent engager des procédures devant les tribunaux et si les tribunaux militaires exercent leur juridiction sur les délits commis par des militaires à l’encontre des civils.

Il ressort du rapport que seuls les Chypriotes grecs ont accès aux tribunaux de famille (page 13 du rapport supplémentaire), il serait intéressant de savoir si le projet de loi qui vise à grouper les tribunaux étendra leur juridiction aux Chypriotes turcs.

Il semble qu’en vertu du Supplies and Services Transitional Powers Continuation Act, les personnes qui servent une peine d’emprisonnement peuvent être conduites à exécuter des services, ce qui signifie pour elles l’obligation de travailler. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette législation qui semble contredire le principe de l’interdiction du travail forcé en vertu de l’article 8. Il souhaite également avoir des informations sur les cas qui ont été examinés en vertu de la législation relative à la prévention de la violence dans la famille et la protection des victimes (par. 63 du rapport). Le Gouvernement a-t-il constitué un registre central des détenus et leur place de détention auquel pourrait se référer leur famille? a-t-il demandé.

M.  Yalden souhaite être informé des activités du Médiateur à part ses investigations sur la brutalité policière. La création de ce poste s’est-elle révélée utile? Il serait intéressant de savoir combien de plaintes étaient fondées et quelle suite le Médiateur leur a données. En ce qui concerne la nouvelle institution nationale consacrée aux droits de l’homme (p. 12 du rapport supplémentaire), il est difficile d’admettre qu’elle soit indépendante du Gouvernement si elle est, comme c’est indiqué, composée de fonctionnaires. En ce qui concerne le point 8, il souhaite savoir quelles sont les autorités qui sont chargées de recueillir les plaintes à propos des discriminations raciales et ethniques, notamment dans le cas des Turcs qui résident dans le sud du pays. Le dernier rapport de la Force de maintien de la paix des Nations Unies à Chypre parle de relations de la police avec la population turque qui pourraient être assimilées à la discrimination. Le Gouvernement a -t-il pris en compte la recommandation de la Force qui a estimé que les fonctionnaires de police devraient recevoir une formation appropriée à cet égard.

M me  Medina Quiroga demande que la délégation chypriote s’intéresse à l’impact des articles 12, 18, 23 et 24 du Pacte sur la législation relative à la famille à Chypre et le statut légal des femmes lorsqu’elle examine le point 1. En ce qui concerne le point 2, elle souhaite savoir quelle a été la conséquence pratique de la législation relative à la prévention de la violence dans la famille et à la protection des victimes (paragraphe 63du rapport) depuis sa promulgation. Elle estime choquant que des enfants puissent être considérés comme pénalement responsable à l’âge de 7 ans. Même l’âge de 14 ans nous semble trop jeune. Concernant le changement proposé pour l’âge minimum du mariage, sait-on ce qu’il adviendra à toutes les lois relatives à la famille à Chypre?, a-t-elle demandé.

Pour ce qui a trait à l’emprisonnement pour dette civile, elle souhaite savoir si une décision du tribunal qui pénalise le non-paiement des dettes (p. 5 du rapport) signifie que débiteur sera emprisonné.

M.  Pocar estime encourageant que le Gouvernement ait tenu compte des précédentes recommandations du Comité en élaborant son rapport. Concernant la liberté de se réunir, il approuve les commentaires de M. Ando sur la Loi de 1998 relative aux défilés et aux réunions (rapport supplémentaire p. 2-3) et souhaite savoir si les suspensions du droit de se réunir librement soulignées à l’alinéa d) donnent droit aux mêmes garanties dans une situation d’urgence lorsque les justifications semblent être analogues et, dans quelle mesure l’article 4 du Pacte s’applique à cet égard. Sinon, ajoute-t-elle, les suspensions ne seraient pas justifiées en vertu des restrictions prévues à l’article 21 du Pacte.

M.  Prado Vallejo note que le rapport examine les lois qui régissent l’utilisation de la force par la police mais ne parle pas des pratiques actuelles de la police à Chypre. Qu’a fait le gouvernement pour s’assurer que les lois contre la torture et les arrestations arbitraires sont mies en œuvre? Le paragraphe 85 du rapport se réfère à des séminaires à l’intention de la police. Ces séminaires sont-ils suffisants pour garantir le respect des normes des droits de l’homme.

Il souhaiterait avoir des informations sur les résultats des négociations politiques en cours et sur les progrès accomplis en vue de réduire la violence.

Le rapport mentionne que des compensations ont été payées dans des cas de torture mais des informations supplémentaires devraient être fournies concernant le nombre de cas où des compensations ont été demandées.

M.  Lallah déclare qu’il serait intéressant de savoir si Chypre considère la possibilité de constituer un conseil de surveillance permanent et indépendant de la police. Se référant à la dette civile, il estime que les auteurs du rapport devraient clarifier le point de savoir si une personne peut être emprisonnée pour non-paiement d’une dette. Si les débiteurs encourent des poursuites pénales, des ajustements devraient être apportés au projet de loi concernant les débiteurs civils. Selon le rapport supplémentaire, le débiteur à l’encontre duquel un jugement a été prononcé est un « témoin forcé »; ce qui est contraire à l’article 14 du Pacte qui stipule qu’on n’est jamais obligé de témoigner contre soi même dans le cas de poursuites pénales. En outre, il regrette qu’un certain nombre de jeunes soient portés disparus depuis la partition de Chypre. Tout en notant qu’il n’y a pas de solution facile à ce problème, il constate que la situation débouche sur la violation de plusieurs droits qui sont garantis par le Pacte tant pour les victimes que pour leurs familles. En dernier lieu, il n’est pas précisé que la décision du conseil des Ministres annulant le droit de se réunir- qui constitue un droit fondamental en vertu des articles 4 et 21 du Pacte puisse être examinée par les tribunaux.

M.  Scheinin se rapportant au problème posé par la révocation de trois officiers de police par le Conseil des Ministres, déclare qu’il serait utile de savoir si ces démissions peuvent être contestées devant les tribunaux.

M.  Stavrinakis (Chypre) souligne que les projets de lois relatifs à la dette civile ainsi qu’aux défilés et aux réunions ne sont pas encore promulgués. Il prend note des réserves exprimées par le Comité et indique qu’il les transmettra à son Gouvernement.

Concernant le non-paiement des dettes, qui constitue un problème important pour Chypre, il est important de se rappeler que les créanciers ont également des droits. Dans tous les cas, les débiteurs ne sont emprisonnés qu’en dernier ressort après que le tribunal a déterminé qu’ils ont les moyens de payer.

En référence à l’âge de la criminalité, il n’y a pas eu un seul cas où des enfants de 7 à 12 ans ont été jugés pénalement responsables.

M me  Koursoumba (Chypre) déclare que le Procureur général est indépendant du Gouvernement et ne peut être démis tant qu’il n’a pas atteint l’âge de la retraite. Le bureau de le Procureur général n’a pas de pouvoirs administratifs, il conseille simplement le gouvernement et engage des poursuites pénales. Presque tous les officiers de police ont suivi des cours sur les droits de l’homme dispensés par le bureau de le Procureur général. Il leur est demandé d’écrire un mémoire final pour s’assurer qu’ils ont bien compris l’importance de cette question.

Concernant la prise d’otage qui a été mentionnée plus tôt, il déclare que cette affaire a fait du bruit parce qu’il est inhabituel pour la police de faire usage de ses armes. Le gouvernement a réagi très vite en nommant une commission d’enquête indépendante.

Le Gouvernement ne croit pas qu’il soit nécessaire de créer actuellement un conseil permanent et indépendant qui serait chargé de protéger les détenus contre les mauvais traitements de la police puisqu’il n’y a eu que très peu d’incidents. Cependant il est prêt à prendre en compte cette possibilité. Chaque fois qu’il y a une plainte, le Conseil des Ministres nomme un Comité ad hoc pour l’examiner.

Le Procureur g éné ral a fait savoir très clairement qu’il ne tolérera aucune violation des droits de l’homme y compris par la police. Il a été jusqu’à suspendre les poursuites pénales contre un trafiquant de drogue qui a été maltraité alors qu’il était en garde-à-vue et l’a informé qu’il pouvait déposer une plainte auprès du Médiateur. Le secteur privé participe également aux efforts qui doivent amener la prise de conscience par le public des questions des droits de l’homme avec des organisations comme Amnesty International.

En réponse à la question concernant la révocation des trois policiers, il déclare que ces derniers se sont adressés à la Cour suprême constitutionnelle de Chypre en affirmant que leurs droits de l’homme ont été violés. Ils ont gagné en appel.

Les personnes peuvent engager de leur propre chef des poursuites civiles fondées sur les violations de leurs droits ou déposer une plainte auprès du Procureur général qui enclenche alors des poursuites pénales. Le bureau du Médiateur est un organe permanent qui a le pouvoir d’enquêter sur toute action de l’administration. En 1994, ses pouvoirs ont été étendus pour inclure le pouvoir d’enquêter sur des plaintes de violations de droits de l’homme notamment par la police. Le Médiateur fait rapport au Conseil des Ministres ou en cas de violations des droits de l’homme, directement au Procureur général. Ce dernier peut enger des poursuites pénales ou conseiller au Gouvernement de payer une compensation.

Agissant sur les recommandations du Comité, le Gouvernement a introduit un nouveau système par lequel la police est obligée de tenir un procès-verbal des faits relatifs aux détenus par écrit. Sachant que les abus contre les détenus ont lieu au cours des interrogatoires par la police, le Gouvernement a préparé un projet de loi requérant que les déclarations faites devant la police soient enregistrées par vidéo. Cette mesure devrait inciter la police à ne pas maltraiter les personnes qui sont en garde à vue. Le projet de loi amende le système actuel des preuves afin que les enregistrements vidéo puissent être admis devant les tribunaux.

Par plaintes valables, elle entend que les plaintes ont été investiguées par le bureau du Médiateur qui les a été estimées fondées. Tous les faits qui sont portés à la connaissance du Comité proviennent du Médiateur. Des plaintes ont été déposées en 1994 et 1995 à propos du harcèlement des membres de la communauté chypriote turque. Les conditions se sont améliorées considérablement grâce à un programme de rééducation de la police sur tous les aspects des droits de l’homme. En fait, la constitution garantit les droits de l’homme de toutes les personnes qu’elles soient chypriotes ou étrangères. Les conventions internationales et régionales ratifiées par Chypre prennent le pas sur la législation interne sauf quand il s’agit des dispositions de la Constitution. Il n’y a pas eu de plainte des Chypriotes turcs au cours des dernières années. L’office des Nations Unies à Limassol où vivent la plupart des Chypres turcs n’a pas non plus enregistré de plaintes.

Les victimes de la torture peuvent engager une action civile directe devant les tribunaux de droit commun et recevoir des dédommagements. En outre, le Gouvernement peut verser ex gratia des montants compensatoires.

M.  Zackheos (Chypre) déclare que la proposition relative aux personnes disparues d’une organisation internationale non gouvernementale n’a pas été prise en considération parce que son Gouvernement a voulu donner au Comité qui a été créé sur cette question en 1984, la chance de produire des résultats. Le manque de coopération des deux côtés a empêché jusqu’à présent l’aboutissement des efforts. Toutefois le 31 juillet 1997, après une longue impasse, le Président de Chypre et le leader des Chypriotes turcs ont signé sous les auspices des Nations Unies un accord de caractère humanitaire relatif aux personnes disparues. Il y a eu un échange initial d’informations concernant les lieux d’inhumation des personnes disparues. D’autres échanges devraient suivre.

En ce qui concerne les efforts pour trouver une solution pacifique à la question de Chypre, le Secrétaire général a nommé en 1997 un Conseiller spécial qui devrait engager une nouvelle série d’efforts. La situation reste néanmoins bloquée dans une très large mesure à cause de la Turquie qui insiste pour que Chypre abandonne ses efforts en vue de devenir un membre de l’Union européenne. Le chef de la communauté chypriote turque demande maintenant la reconnaissance du prétendu État du Nord qui a été créé et maintenu par l’utilisation de la force comme une condition préalable à son retour à la table des négociations. Le Secrétaire général doit rencontrer bientôt le leader chypriote turc dans un dernier effort pour tenter de relancer les pourparlers. Son Gouvernement pour sa part a fait savoir au Secrétaire général qu’il est prêt à conclure un accord global qui garantira les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous les Chypriotes.

M.  Stavrinakis (Chypre) déclare que le projet de loi sur l’acquisition de la nationalité chypriote par les étrangers vient d’être approuvé. Le nouveau tribunal de la famille dont la législation de mise en œuvre sera promulguée au cours de l’année courante n’aura pas de juridiction sur les Chypriotes turcs qui auront leur propre législation relative à la famille et leurs propres tribunaux. Un projet de loi de caractère général sur l’égalité des femmes est en préparation. Il espère quelle sera promulguée dans quelques années et couvrira toutes les dispositions du Pacte à cet égard. La question du paiement de compensations aux victimes de la prostitution forcée est aussi examinée. L’âge du mariage sera le même pour les deux sexes et sera fixé par une nouvelle loi.

La nouvelle institution nationale des droits de l’homme qui a été proposée sera indépendante et ne relèvera d’aucun ministère. Son comité exécutif sera composé de responsables gouvernementaux et aura pour tâche de préparer des rapports qui seront soumis aux organes chargés des traités internationaux. Le plan relatif à la création et au fonctionnement du comité exécutif est à ses débuts et sera soumis au conseil des Ministres pour approbation. La nouvelle institution aura également un comité consultatif composé de membres qui appartiennent dans une large mesure au secteur privé. Une de ses fonctions sera d’entendre les plaintes concernant les violations des droits de l’homme. Elle conseillera les plaignants sur la façon de présenter leurs plaintes.

Concernant l’aide juridique, deux projets sont prêts à être déposés. Le premier prévoit l’aide juridique pour l’accusé dans la procédure pénale, le deuxième prévoit l’aide au plaignant dans les cas de violations des droits de l’homme. En ce qui concerne la loi sur la violence domestique qui a reçu l’approbation unanime de la Chambre des représentants, un comité est en train de mettre au point des amendements afin de donner plus de souplesse à des règles rigides sur l’admissibilité des preuves en la matière. Un de ces amendements prévoit l’admissibilité des déclarations enregistrées par vidéo. La victime d’une violence a droit à des compensations, que la violence soit perpétrée par un membre de sa famille ou par les autorités.

La fusion de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle a été dictée par la nécessité. La cour actuelle a la même juridiction que les deux cours précédentes et ses membres jouissent de la même immunité. En ce qui concerne la loi concernant les fournitures et les services en vertu de la quelle des employés en grève dans certains secteurs considérés comme essentiels peuvent être forcés à travailler, il note qu’elle date de l’époque coloniale et aurait du abrogée plusieurs années auparavant mais qu’une grande controverse a surgie à propos du projet de la loi qui devrait la remplacer.

La séance est levée à 13 heures.