Nations Unies

CCPR/C/SR.2810

Pacte international relatifaux droits civils et politiques

Distr. générale

25 juillet 2011

Original: français

Comité des droits de l’homme

102esession

Compte rendu analytique de la 2810e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 14 juillet 2011, à 15 heures

Présidente:Mme Majodina

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Kazakhstan

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Kazakhstan (CCPR/C/KAZ/1, CCPR/C/KAZ/Q/1, CCPR/C/KAZ/Q/1/Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, la délégation kazakhe prend place à la table du Comité.

2.M. Kustavletov (Kazakhstan) dit que, en 2011, le Kazakhstan est entré dans sa vingtième année d’indépendance. Dès son accession à l’indépendance, il s’est posé en membre responsable de la communauté internationale. Il a fermé le site d’essais nucléaires de Semipalatinsk et a renoncé à l’arsenal nucléaire hérité de l’époque soviétique. Il est passé d’un système totalitaire et d’une économie administrée à un système politique libéral associé à une économie de marché et compte aujourd’hui plus de 700 000 petites et moyennes entreprises. Le principe de la propriété privée a été introduit et une réforme agraire a été réalisée. Les garanties sociales ont été renforcées. En dix ans, les dépenses d’éducation et de santé ont été multipliées par plus de huit et le taux d’alphabétisation est aujourd’hui proche de 100 %; la mortalité maternelle et infantile a été divisée par deux et la population est passée de 14,6 millions à 16,4 millions d’habitants.

3.Le Gouvernement prend d’importantes mesures pour favoriser l’industrialisation et le développement des régions et des villes. Le plan d’industrialisation et d’innovation mis en place en 2010 a déjà permis de créer 24 000 emplois et 161 000 autres devraient être créés d’ici à la fin de 2014. Le programme en faveur de l’emploi mis en œuvre en mars 2011 pour la période allant jusqu’à 2020 crée de nouvelles possibilités, notamment pour ce qui est de l’ouverture d’entreprises individuelles. Le niveau de pauvreté a baissé et le salaire moyen a été multiplié par plus de cinq. Le PIB par habitant, qui était d’environ 700 dollars des États-Unis en 1994, dépassait 9 000 dollars au 1er janvier 2011. Ces dernières années, un processus de décentralisation régionale et de privatisation a été engagé.

4.Le Kazakhstan a réalisé le principe de base de la démocratie moderne, la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La réforme constitutionnelle de 2007 a permis de passer d’un régime présidentiel à un régime présidentiel parlementaire. Plus de 80 % des recommandations de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont été prises en compte dans le cadre de la modification de la législation électorale. Les principes de la formation du Parlement et les fonctions du Parlement ont été revus, le rôle des partis politiques a été renforcé et le Parlement a été assorti d’une Chambre publique. Les députés de la Chambre basse du Parlement sont désormais élus selon le mode de scrutin proportionnel et le rôle des organes représentatifs locaux a été renforcé. Grâce à toutes ces mesures en avril 2011, des élections présidentielles libres et démocratiques ont pu se dérouler dans le respect de la législation et les élections législatives de 2012 permettront de former un Parlement multipartite, comme le prévoit la loi.

5.L’entente et la tolérance qui caractérisent sa société multiethnique et multiconfessionnelle constituent la principale réalisation du Kazakhstan. En effet, plus de 140 nationalités et plus de 45 religions cohabitent dans le pays, qui compte 4 362 associations religieuses. Le Kazakhstan s’est doté d’un mécanisme unique en son genre: l’Assemblée du peuple du Kazakhstan qui regroupe 820 formations ethnoculturelles. Le Gouvernement kazakh a organisé des Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles, dont l’intérêt a été particulièrement reconnu par la communauté internationale. Il crée des conditions favorables au développement de la culture et des langues de tous les groupes ethniques présents sur son territoire, notamment en favorisant l’apprentissage des langues minoritaires à l’école, par la publication de journaux et la diffusion d’émissions télévisées dans différentes langues.

6.La société civile est devenue plus dynamique et plus de 18 000 organisations non gouvernementales sont enregistrées dans le pays. La procédure d’enregistrement de ces organisations a été simplifiée et peut se faire par l’Internet. Chaque année l’État alloue plus de 13 millions de dollars aux ONG qui mènent des activités sociales. Les accords de partenariat social conclus entre le Gouvernement, les syndicats et le patronat témoignent du renforcement du rôle des syndicats. La liberté d’expression est garantie et plus de 80 % des médias sont privés. Les possibilités pour la population d’accéder aux services publics et à l’information sur l’Internet se développent rapidement; tous les établissements d’enseignement du pays sont équipés d’ordinateurs. Le Kazakhstan a ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le nombre de crimes emportant la peine capitale a été considérablement réduit et un moratoire sur les exécutions a été instauré pour une période illimitée. Les institutions de défense des droits de l’homme sont très actives. L’accès de la population aux informations juridiques a été amélioré, notamment grâce à l’installation, dans les lieux publics, de points d’accès gratuits à la base de données électronique sur la législation. Le site du Ministère de la justice contient une version Web abrégée de cette base de données, accessible gratuitement, et il est prévu de rendre accessible sur l’Internet l’intégralité du corpus législatif.

7.Ces dernières années, beaucoup a été fait pour renforcer l’indépendance de l’appareil judiciaire. Des tribunaux spécialisés ont été mis en place, notamment des tribunaux administratifs, des tribunaux économiques et des tribunaux pour mineurs, et le système de la médiation a été introduit pour éviter le recours à la justice. Depuis 2007 il existe des procès avec jury. Toute arrestation doit être approuvée par un juge. L’exécution des décisions judiciaires, qui relevait de la Cour suprême, a été confiée au Ministère de la justice. La responsabilité des tribunaux sera renforcée. Le niveau de qualification des candidats aux postes de juge sera relevé et une plus grande transparence des procédures de sélection sera assurée. Le dispositif des jugements sera publié dans la base de données publique de la Cour suprême et le contrôle juridictionnel sur les opérations d’enquête sera étendu. Ces dernières années, des mesures ont été prises en vue de réformer le droit pénal dans le sens d’une plus grande humanité, notamment à l’égard des mineurs, des femmes enceintes et des femmes ayant à charge des enfants mineurs, ainsi que les personnes âgées. Dans le cadre d’une loi adoptée au début de 2011 environ 6 000 condamnés vont bénéficier d’un allégement de leur peine et environ 2 000 détenus condamnés pour des infractions de faible et de moyenne gravité seront libérés avant la fin de l’année. Dans les procédures pénales, la priorité est actuellement donnée à la garantie contre les accusations non fondées et les condamnations abusives et au rétablissement immédiat et complet dans leurs droits des personnes accusées à tort. Les motifs pour lesquels un individu peut être placé en détention ont été limités. Le processus de dépénalisation se poursuit et le chef de l’État a encore réaffirmé sa volonté de faire de la calomnie, qui est une infraction pénale, un délit civil.

8.Les effectifs des forces de l’ordre ont été réduits de 15 % et leurs fonctions ont été précisées. Un contrôle public et parlementaire de leurs activités a été instauré. Les questions relatives à la resocialisation des mineurs ont été transférées du Ministère de l’intérieur au Ministère de l’éducation et de la science. Le Gouvernement exécute un plan de mise en œuvre des recommandations du Comité contre la torture et du Rapporteur spécial sur la question de la torture. Les affaires relatives à des actes de torture ne peuvent pas être instruites par des organes dont des agents ont commis ces actes. La définition légale de la «torture» a été rendue conforme à celle de la Convention contre la torture. Des règles ont été établies pour vérifier les plaintes concernant les actes de torture et prévenir de tels actes. Des experts judiciaires doivent désormais obligatoirement participer aux examens médicaux destinés à détecter des lésions corporelles sur les personnes placées dans des lieux de privation de liberté. Le système pénitentiaire est progressivement rendu conforme aux normes internationales. Il est prévu de passer à un régime d’emprisonnement cellulaire, de mettre en place un mécanisme de contrôle social et d’améliorer la qualité des soins médicaux, en particulier en vue de prévenir la détérioration de la santé des personnes qui exécutent une peine. Le Gouvernement pratique la tolérance zéro en ce qui concerne la torture et la traite des êtres humains. Il est prévu d’achever d’ici à la fin de 2011 l’élaboration du projet de loi relatif au mécanisme national de prévention et du projet de texte concernant le service de probation des condamnés.

9.Le Gouvernement kazakh a accepté 121 des 128 recommandations qui lui ont été faites dans le cadre de l’Examen périodique universel en février 2010 (A/HRC/14/10) et a arrêté un plan d’action visant à mettre en œuvre les recommandations acceptées, qui sera adopté en tant qu’acte normatif contraignant pour toutes les parties concernées.

10.La société civile et des experts internationaux ont participé activement à l’établissement du rapport initial du Kazakhstan sur la mise en œuvre du Pacte, ce dont les remercie le Gouvernement kazakh, qui entend renouveler cette collaboration à l’avenir. L’édification de la démocratie est un processus de longue haleine qui reste la priorité des autorités kazakhes. La libéralisation de la législation se poursuivra en fonction des besoins de la société et, à cette fin, toutes les propositions des partenaires étrangers sont étudiées. Le Kazakhstan s’acquitte de toutes les obligations auxquelles il a souscrit et entend garantir tous les droits de ses citoyens.

11.Mme Azzimova (Kazakhstan) dit que, conformément à la Constitution kazakhe, les instruments internationaux ratifiés par le Kazakhstan priment les lois internes. Les juges peuvent librement fonder leurs décisions sur les dispositions des instruments internationaux. Les auteurs d’un acte de terrorisme encourent une peine allant de quatre à dix ans d’emprisonnement. En outre, en vertu de la loi modifiant et complétant plusieurs textes législatifs relatifs à la lutte contre le terrorisme adoptée en 2010, l’État est tenu de dédommager les personnes qui ont subi un préjudice matériel résultant d’opérations antiterroristes. La loi autorise de plus à négocier avec les terroristes en vue d’éviter le recours à la force. L’élimination physique des terroristes n’est autorisée que lorsqu’il est impossible de mettre fin à l’acte terroriste par des moyens légaux.

12.L’article 14 de la Constitution interdit toute discrimination fondée sur l’origine, la situation sociale ou professionnelle, la fortune, le sexe, la race, la nationalité, la langue, l’attitude à l’égard de la religion, les convictions, le domicile ou toute autre circonstance. Ce principe constitutionnel est établi dans les lois kazakhes, notamment dans le Code civil, le Code de procédure civile, le Code pénal et le Code de procédure pénale.

13.Le Kazakhstan a adopté le 8 décembre 2009 la loi garantissant l’égalité des droits et des chances pour les hommes et les femmes. La Stratégie relative à l’égalité des sexes en République du Kazakhstan pour la période 2006-2016 fixe comme objectif un taux de représentation des femmes de 30 % dans les postes de prise de décisions et le nombre de femmes occupant des postes de responsabilité ne cesse de croître. Des congrès de femmes se réunissent pour étudier tout ce qui concerne les politiques se rapportant à l’égalité des sexes. Leurs travaux sont pris en considération par les organes de l’État, qui prennent des mesures visant à promouvoir l’accès des femmes aux postes de responsabilité, le développement de l’entrepreneuriat chez les femmes et l’amélioration de leur compétitivité sur le marché du travail. Au troisième trimestre de 2010, plus de 8,1 millions de personnes avaient un emploi, dont environ 4 millions de femmes. Une allocation forfaitaire de naissance a été mise en place en 2003, complétée en 2006 par une allocation pour enfants à charge. Depuis janvier 2011, une nouvelle allocation mensuelle, égale au salaire minimum, a été instaurée pour les personnes qui élèvent un enfant handicapé. Le Ministère de la santé prend des mesures en vue de prévenir les grossesses et les avortements chez les adolescentes.

14.La loi du 8 février 2003 relative à l’état d’urgence énonce les mesures et les restrictions qui peuvent être appliquées en cas de déclaration de l’état d’urgence. Il convient toutefois de mentionner que, dans la pratique, de telles mesures n’ont encore jamais été appliquées.

15.Le Kazakhstan mène une politique d’abolition progressive de la peine de mort. Le moratoire sur les exécutions instauré le 19 décembre 2003 est toujours en vigueur. Actuellement il n’y a aucun condamné à mort au Kazakhstan. Depuis le 1er janvier 2004, l’emprisonnement à vie a été institué pour remplacer la peine de mort. Actuellement, 86 personnes exécutent une peine d’emprisonnement à vie, dont 28 ont bénéficié d’une mesure de grâce. La recommandation relative à l’abolition de la peine capitale a été incluse dans le Plan d’action national relatif aux droits de l’homme pour 2009-2012. La question de l’adhésion du Kazakhstan au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort a été inscrite dans le plan d’action pour la mise en œuvre des recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel.

16.Depuis le 1er août 2008, toute arrestation doit être sanctionnée par un juge. Sans cette approbation, l’intéressé ne peut pas être gardé plus de soixante-douze heures. Les personnes en garde à vue sont obligatoirement inscrites sur un registre et la garde à vue est contrôlée par le Bureau du Procureur. L’adoption de textes législatifs et de mesures concrètes a permis d’améliorer les conditions de détention dans tous les lieux de privation de liberté, en particulier dans les locaux de garde à vue. Il s’agit toutefois d’un processus progressif, qui exige des ressources importantes, notamment pour reconstruire les établissements pénitentiaires qui datent de l’époque soviétique. Les commissions publiques de surveillance, qui exercent un contrôle public des lieux de détention, ont librement accès aux établissements pénitentiaires. Le nombre de visites effectuées par ces commissions a été multiplié par quatre depuis 2008. Le mécanisme national de prévention devrait être mis en place au cours du premier trimestre de 2012. Un groupe de travail relevant du Défenseur des droits de l’homme et composé de représentants de la société civile et d’organes de l’État est chargé d’examiner les cas de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les 18 centres de placement pour mineurs du Kazakhstan sont conçus pour assurer l’accueil, la garde temporaire et la resocialisation des mineurs âgés de 3 à 18 ans jusqu’à ce qu’ils puissent retourner dans leur famille ou, s’ils n’en ont pas, dans une institution spéciale d’éducation. Ce placement n’est pas assimilable à une détention. En 2007 les deux premiers tribunaux pour mineurs ont été mis en place et il est prévu d’en établir dans toutes les régions. En vertu d’une loi modifiant et complétant plusieurs textes tendant à l’humanisation de la législation pénale et au renforcement des garanties de la légalité dans les procédures pénales, les mineurs qui commettent une infraction de moindre gravité ou qui commettent pour la première fois une infraction de gravité moyenne n’encourent pas de peine privative de liberté.

17.Répondant à la question posée au sujet des lieux de détention qui relèvent du Comité de la sécurité nationale qui seraient utilisés comme lieux de détention non officiels, Mme Azzimova dit que, en vertu de la loi relative à la protection par l’État des personnes parties à une procédure pénale, certaines personnes peuvent être mises temporairement, à des fins de protection, à l’abri dans des lieux sûrs, qui sont soit des locaux de l’administration, soit des logements loués, équipés en vue d’un séjour sans inconfort moral, psychologique ou physique. Pendant toute la période où ils bénéficient de cette protection, les intéressés reçoivent de la nourriture, le nécessaire pour leur hygiène personnelle et des vêtements, ainsi qu’une assistance médicale et psychologique qualifiée.

18.La lutte contre la corruption, en particulier parmi les juges et les agents des forces de police, reste l’une des priorités de la politique du Gouvernement kazakh et les procès dont ont fait l’objet des membres de la police ont largement été relayés par la presse. En vue de prévenir ce type d’infraction, plus de 190 opérations spéciales préventives ont été menées en 2010 dans le pays. Depuis le début de 2010, 420 cas de corruption mettant en cause des collaborateurs des services du Ministère de l’intérieur ont été enregistrés, contre 455 en 2009. Un Code de déontologie des juges, conforme aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et aux Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, a été adopté en 2009. L’article 116 du Code de procédure pénale dispose que les données factuelles obtenues au cours de l’enquête ou du procès, par la torture, la violence, la menace, la tromperie et d’autres actes illicites, ne sont pas recevables en tant que preuves.

19.Les articles 128 et 133 du Code pénal répriment la traite des êtres humains. La législation punit également le prélèvement illégal d’organes à des fins de transplantation, la privation illégale de liberté et la falsification de documents ou la vente de faux documents. De plus, le Code administratif a été modifié afin que les personnes ayant commis une infraction à la législation sur l’immigration parce qu’elles ont été victimes de la traite ne soient plus expulsées du pays. En 2009, les tribunaux nationaux ont connu de 193 affaires de traite.

20.La Constitution consacre le principe de la non-discrimination et le droit à la liberté de réunion et d’association, qui ne peut être restreint que dans les cas prévus par la loi, lorsque cela est nécessaire pour protéger l’ordre constitutionnel, maintenir l’ordre public ou protéger la santé et la moralité publiques. La loi prévoit l’enregistrement des communautés et associations religieuses, à partir de 10 membres. Au 1er juillet 2011, 3 900 associations religieuses étaient enregistrées. La loi interdit toute restriction aux droits et libertés d’une personne en raison de ses convictions ou de son appartenance à une association. La liberté d’expression est garantie par l’article 20 de la Constitution. Sont punies par la loi la propagande et l’agitation menaçant l’intégrité de la République et l’autorité de l’État, ainsi que l’incitation à la violence et à la haine sociale, raciale et religieuse.

21.La loi sur le service militaire prévoit l’exemption de quiconque occupe des fonctions religieuses ou sacerdotales, mais elle n’institue pas de service civil de remplacement. Le Gouvernement a néanmoins entrepris d’étudier l’expérience des pays qui ont mis sur pied un service civil.

22.La Présidente invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires sur les paragraphes 1 à 11 de la liste de points à traiter.

23.Mme Motoc demande des éclaircissements sur la place du Pacte dans le droit interne. Elle relève que l’article 4 de la Constitution consacre la primauté des instruments internationaux auxquels le Kazakhstan est partie sur la législation nationale, à l’exception de la Constitution, dont il établit la suprématie. Les décisions rendues en octobre 2000 et en mai 2006 par le Conseil constitutionnel tendent à confirmer la position selon laquelle les dispositions des instruments internationaux en contradiction avec la Constitution sont inapplicables. La question se pose donc du respect de l’article 2 du Pacte. Il est indiqué dans les réponses écrites que le Ministère des affaires étrangères a proposé de modifier les deux décisions du Conseil constitutionnel pour supprimer toute incompatibilité avec les obligations internationales du Kazakhstan. Le fait qu’une telle mesure puisse être envisagée est préoccupant et appelle des commentaires de la délégation. Il semblerait, d’après les renseignements dont dispose le Comité, que l’arrêt de la Cour suprême en date du 10 juillet 2008, qui fait aux juridictions internes obligation d’appliquer les dispositions des instruments internationaux ratifiés par le Kazakhstan, n’ait pas vraiment été suivi d’effet. La délégation pourra peut-être indiquer si des progrès ont été accomplis sur ce plan et citer des exemples d’affaires. Le problème de l’application effective des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme soulève également celui de l’efficacité des nombreux séminaires et autres activités de formation aux droits de l’homme mentionnés dans le rapport de l’État partie.

24.Comme le reconnaît l’État partie, l’institution du Défenseur des droits de l’homme n’est pas conforme aux Principes de Paris puisqu’elle a été créée par décret, et non en vertu d’une loi, qu’elle répond devant le Parlement et qu’elle n’est pas dotée d’un budget propre. En consultation avec la société civile, un processus a été engagé, dans le but d’améliorer le fonctionnement de cette institution et d’en renforcer l’indépendance, mais aucun résultat concret n’a encore été annoncé. Il est question de modifier le statut du Défenseur pour en faire le mécanisme national de prévention qui doit être créé en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Il serait utile d’avoir des précisions sur le statut et le fonctionnement du nouveau mécanisme et de savoir pour quand est prévue sa mise en place.

25.En dépit de la mise en œuvre de la Stratégie relative à l’égalité des sexes pour la période 2006-2016, on constate que la proportion de postes à responsabilité occupés par des femmes et la représentation politique des femmes restent faibles. Beaucoup de femmes sont diplômées de l’enseignement supérieur, mais peu parviennent à faire carrière, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. De plus, comme l’a noté le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, les stéréotypes sexistes sont véhiculés non seulement par les médias mais aussi dans les manuels scolaires. Il serait donc intéressant de savoir quelles mesures sont prises pour lutter contre les stéréotypes dans l’éducation et promouvoir l’égalité entre hommes et femmes dans la pratique.

26.La violence dans la famille demeure un problème préoccupant. La délégation pourra peut-être indiquer si le cadre législatif applicable dans ce domaine est désormais complet et commenter le fait que peu de plaintes sont enregistrées, bien qu’il existe des structures chargées de recevoir ces plaintes. Deux autres sujets de préoccupation importants sont le taux d’avortement élevé chez les adolescentes et la nutrition et la santé des femmes en milieu rural. Les commentaires de la délégation sur ces points seront les bienvenus.

27.M. Fathalla note que l’État partie, dans ses réponses écrites, décrit longuement les mesures législatives adoptées pour lutter contre le terrorisme mais ne donne aucune précision sur l’incidence de ces mesures sur la réalisation des droits garantis par le Pacte. Un complément d’information à ce sujet serait utile, compte tenu en particulier des préoccupations exprimées par le Comité contre la torture dans ses observations finales concernant le Kazakhstan (CAT/C/KAZ/CO/2), dans lesquelles il est indiqué que le Comité de la sécurité nationale aurait eu recours à des opérations antiterroristes pour viser des groupes vulnérables ou des groupes perçus comme une menace pour la sécurité nationale et régionale, tels que les demandeurs d’asile et les membres de partis islamistes ou de groupes islamiques interdits. La législation antiterroriste met l’accent sur le rôle des services du Ministère de l’intérieur dans la prévention et la répression des crimes terroristes. Il serait intéressant d’avoir des précisions sur le rôle des autorités judiciaires dans ce domaine, conformément au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte. La délégation pourra peut-être également expliquer ce que l’État partie entend par «représentants de la société» dans sa définition des actes terroristes. En ce qui concerne le moratoire sur les exécutions, des éclaircissements sur les intentions du Gouvernement concernant les 17 types d’actes terroristes spécifiés par la loi qui continuent d’emporter la peine capitale seraient utiles.

28.D’après les renseignements donnés dans le rapport, la Constitution du Kazakhstan prévoit la possibilité de proclamer l’état d’exception lorsque la stabilité politique de l’État est gravement menacée. Or l’état d’urgence, tel qu’il est défini à l’article 4 du Pacte, concerne les cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure l’État partie considère que l’instabilité politique peut menacer gravement et directement l’existence de la nation.

29.M. Thelin note que le Plan d’action national pour les droits de l’homme (2009-2012) contient une recommandation tendant à adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort. Il souhaiterait savoir si une échéance a été fixée à cet effet. Il semble que les dispositions législatives en vertu desquelles certaines infractions sont toujours punies de la peine capitale vont au-delà des dispositions de la Constitution qui limitent le nombre et le type d’infractions pouvant emporter cette peine. Des explications sur ce point seront les bienvenues. La délégation est en outre invitée à clarifier la notion d’emprisonnement à vie, utilisé pour commuer la peine capitale, qui n’est apparemment pas reconnu expressément dans le Code pénal. Une telle situation suscite en effet des préoccupations quant au statut juridique des personnes condamnées à la réclusion à perpétuité, dont les conditions de détention sont semble-t-il déplorables.

30.M. Salvioli dit que d’après le Comité contre la torture, la torture serait fréquemment utilisée par les agents de la force publique au Kazakhstan. De plus, en 2009, le Rapporteur sur la question de la torture a relevé que les peines prévues pour les actes de torture n’étaient pas conformes aux normes internationales et appelé l’attention sur l’inaction des autorités d’enquête et de poursuites face à la torture. Dans un document publié en 2010, Amnesty International a affirmé qu’il n’existait pas de garanties efficaces contre la torture au Kazakhstan. Dans son rapport et ses réponses écrites, l’État partie décrit le cadre législatif en place mais donne très peu de renseignements sur la situation dans la pratique. La délégation est donc invitée à apporter des précisions sur ce point, en particulier sur le nombre de cas de torture qui ont fait l’objet de poursuites et sur les mesures de réparation ordonnées et le nombre de personnes en ayant bénéficié.

31.Mme Keller dit que la Convention de Shanghai pour la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme de 2001 et la Convention contre le terrorisme de 2009 de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) auxquelles le Kazakhstan est partie contiennent des définitions différentes du terrorisme. Il serait intéressant de savoir comment ces définitions sont reflétées dans la définition du terrorisme retenue par le Kazakhstan, et dans quelle mesure elles limitent les garanties énoncées dans le Pacte. En tant que membre de l’OCS, le Kazakhstan a l’obligation de tenir une liste des personnes soupçonnées de terrorisme. Mme Keller appelle l’attention de la délégation sur l’affaire Sayadi et Vinckc. Belgique (CCPR/C/94/D/1492/2006), dans laquelle le Comité avait conclu à une violation du Pacte par la Belgique au motif que des personnes soupçonnées à tort de terrorisme avaient été inscrites sur la liste du Comité de sanctions des Nations Unies sans avoir eu la possibilité de se défendre contre les fausses accusations portées contre elles; elle demande suivant quelle procédure et selon quels critères des personnes peuvent être fichées en tant que terroristes potentiels et de quelles garanties elles bénéficient.

32.M. Bouzid note que les attributions du Défenseur des droits de l’homme ne sont pas explicitées dans le rapport ni dans les réponses écrites et demande des précisions à ce sujet. Il voudrait savoir notamment si le Défenseur des droits de l’homme est compétent pour recevoir et examiner des plaintes de particuliers qui se disent victimes de violations des droits de l’homme de la part des agents de l’État, et dans quelle mesure il est donné suite à ses recommandations. Les informations communiquées au Comité par différentes ONG indiquent que le Défenseur des droits de l’homme n’a que très peu de personnel à sa disposition et qu’il n’a pas de bureaux régionaux. La délégation pourra peut-être commenter ces informations.

33.M.Amor demande des explications supplémentaires concernant la hiérarchie des normes en vigueur dans l’État partie, en particulier sur le rapport entre la Constitution et le Pacte, car il semble qu’en cas de conflit ce soit la Constitution qui l’emporte, en violation du principe de droit international relatif à la primauté des instruments internationaux. En outre, dans le système juridique de l’État partie, l’application des instruments internationaux ratifiés peut être subordonnée à l’adoption préalable de lois d’application. Il serait intéressant de savoir si des dispositions du Pacte ne sont pas applicables du fait que les lois d’application nécessaires n’ont pas été adoptées.

La séance est suspendue à 16 h 35; elle est reprise à 16 h 50.

34.M. Malinovskyi(Kazakhstan) dit que le Comité a pu constater que le Kazakhstan n’épargnait aucun effort pour s’acquitter de ses obligations au regard des instruments internationaux qu’il a ratifiés. Dès la déclaration d’indépendance de 1991, il s’est engagé à respecter les normes du droit international, engagement qu’il a expressément réitéré à l’article 8 de la Constitution de 1995. La Constitution reflète à la fois les valeurs nationales du Kazakhstan et les valeurs internationalement reconnues. Elle consacre les normes et les principes du droit international des droits de l’homme, et notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les sources du droit kazakh sont la Constitution, les lois et autres textes législatifs et réglementaires, les instruments internationaux ratifiés par le Kazakhstan et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La hiérarchie des normes est définie à l’article 4 de la Constitution de 1995. La Constitution est la loi suprême du Kazakhstan. Les instruments internationaux ratifiés par le Kazakhstan priment les lois nationales et sont directement applicables, sauf lorsqu’une loi d’application est requise à cette fin. Il n’y a dans le Pacte aucune disposition qui ne soit pas directement applicable.

35.Le Conseil constitutionnel est un organe indépendant et ses décisions ont force exécutoire. Toute loi dont le Conseil constitutionnel constate qu’elle est contraire à la Constitution est abrogée. Conformément à l’article 72 de la Constitution, en cas de doute sur la conformité d’une loi ou d’un instrument international avec la Constitution, le Conseil constitutionnel, saisi par le Parlement, le Président ou le Premier Ministre avant promulgation ou ratification, tranche la question et si le texte est déclaré contraire à la Constitution il n’est pas adopté. Les dispositions de l’article 4 de la Constitution ont été interprétées à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel. Dans son arrêt du 11 octobre 2000, celui-ci a réaffirmé la primauté des instruments internationaux ratifiés en cas de conflit avec les lois nationales. À cet égard il convient de signaler qu’un grand nombre de lois en vigueur prévoient qu’en cas de conflit entre leurs dispositions et celles des instruments internationaux qui ont été ratifiés par le Kazakhstan, ce sont les secondes qui l’emportent. Dans le même arrêt, le Conseil constitutionnel a clarifié le statut des traités conclus avant l’adoption de la Constitution de 1995 et dont la ratification n’était pas requise pour qu’ils entrent en vigueur. Dans son arrêt du 18 mai 2006, il a précisé que les instruments qui n’avaient pas été ratifiés ne primaient pas les lois nationales et ne s’appliquaient que dans la mesure où ils ne leur étaient pas contraires. Enfin, dans un arrêt de 2009, le Conseil constitutionnel a établi que le paragraphe 3 de l’article 4 de la Constitution s’appliquait aussi aux décisions des organes créés en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Kazakhstan est partie, et que par conséquent elles primaient les lois nationales et étaient directement applicables. Toutefois, en vertu des dispositions des paragraphes 1 et 2 de l’article 4 de la Constitution, ces décisions ne peuvent pas être contraires à l’ordre constitutionnel du Kazakhstan.

36.M. Baishev (Kazakhstan) dit que depuis son indépendance, le Kazakhstan a considérablement progressé dans l’affirmation des principes de l’état de droit et de la démocratie, et plus particulièrement de l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’appareil judiciaire est aujourd’hui totalement séparé du pouvoir exécutif et rend la justice de manière indépendante, impartiale et objective, y compris dans les litiges opposant des particuliers à des agents de l’État. Les membres du Comité ont demandé à la délégation de donner des exemples concrets d’application du Pacte par les tribunaux kazakhs. Dans la mesure où la Constitution et les lois du pays sont conformes aux dispositions du Pacte et consacrent les principaux droits et libertés garantis par celui-ci, on peut considérer que lorsque les tribunaux appliquent la Constitution et les lois du Kazakhstan, ils appliquent indirectement le Pacte. En outre, le 10 juillet 2008, la Cour suprême a rendu un arrêt qui fait obligation aux juges de tenir compte des normes des instruments internationaux auxquels le Kazakhstan est partie pour rendre leurs décisions. Il n’existe pas de statistiques spécifiques sur les affaires dans lesquelles des dispositions des instruments internationaux ont été directement invoquées par les tribunaux mais on peut toutefois citer deux affaires dans lesquelles la Cour suprême a annulé les décisions rendues par des juridictions inférieures en invoquant le Pacte. La première de ces décisions concernait une ressortissante chinoise qui avait été condamnée en 2001 à verser une amende et à être expulsée du territoire parce qu’elle avait enfreint les règles de séjour énoncées dans la loi sur l’immigration. La Cour suprême a invoqué l’article 13 du Pacte et fait valoir que dans la mesure où le séjour de l’intéressée ne représentait pas une menace pour la sécurité nationale, il n’y avait pas lieu de l’expulser. La seconde affaire concernait un missionnaire américain condamné à une amende et menacé d’expulsion parce qu’il ne s’était pas fait connaître des autorités et n’avait pas sollicité l’autorisation requise préalablement à son séjour. La Cour suprême a annulé la décision. Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres, mais ils montrent que les tribunaux kazakhs protègent les droits et libertés de toute personne se trouvant sur le territoire, y compris les ressortissants étrangers.

37.M. Kaliuzhnyi (Kazakhstan) dit que l’institution du Défenseur des droits de l’homme est entièrement conforme à plusieurs dispositions des Principes de Paris. La fonction de défenseur des droits de l’homme a été instituée par décret présidentiel, avec l’accord des deux chambres du Parlement, et un texte normatif énonce les conditions concrètes dans lesquelles le Défenseur des droits de l’homme peut être démis de ses fonctions. Il exerce ses activités en toute indépendance et son budget est approuvé chaque année par le Parlement. Entre autres compétences, le Défenseur des droits de l’homme a le droit de demander aux agents de l’État toute information relative aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales; il peut se rendre dans tous les centres de détention civils et militaires, y compris les établissements à régime fermé, pour s’assurer du respect des droits fondamentaux des détenus. Sur les questions d’importance particulière, il peut saisir le Président de la République, le Gouvernement ou le Parlement. Le Défenseur des droits de l’homme reçoit et examine les plaintes communiquées par toutes les entités, territoriales ou autres, du pays et chaque plainte reçoit une réponse. Il adresse aux organes du pouvoir des recommandations, qui figurent dans le rapport d’activité qu’il présente au Président de la République, lequel confie ensuite au Gouvernement le soin de leur donner effet. Le Défenseur des droits de l’homme coopère activement avec les organisations de la société civile sur différentes questions (prévention de la torture, amélioration du cadre législatif, etc.), mais aussi avec des organismes des Nations Unies et des institutions européennes, notamment l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l’UNICEF. Organe consultatif pour les questions liées à la protection des droits de l’homme auquel font appel de nombreux services gouvernementaux, le Défenseur des droits de l’homme est aujourd’hui une institution bien établie dans l’ordre juridique interne; la population connaît son existence et tous les citoyens y ont accès. Il ne dispose pas encore de toutes les ressources financières et humaines nécessaires mais les autorités devraient être en mesure de remédier à ce problème dans les plus brefs délais. En outre, l’adoption du projet de loi sur le mécanisme de prévention national renforcera considérablement l’institution du Défenseur des droits de l’homme.

38.M. Akhmetov (Kazakhstan) indique que la politique nationale d’égalité des sexes s’appuie essentiellement sur deux lois: la loi-cadre sur les garanties de l’égalité entre hommes et femmes et la prévention des violences dans la famille, adoptée en 2009, et la Stratégie relative à l’égalité des sexes au Kazakhstan pour la période 2006-2016, approuvée par décret présidentiel en 2005. Dans le cadre de cette stratégie, 60 indicateurs ont été établis, qui permettent au Gouvernement d’adopter des plans d’action triennaux pour sa mise en œuvre. Le premier plan d’action est achevé et le deuxième (2009-2011) est en cours. D’une façon générale, les mesures prises en faveur de l’égalité des sexes couvrent les domaines politique, social, économique et culturel; il est à noter également que les dispositions de tous les textes législatifs sont systématiquement examinées à la lumière de la nécessité d’assurer l’égalité.

39.Les femmes sont aujourd’hui représentées au sommet de l’État. Sur les 19 ministres que compte le Gouvernement, 3 sont des femmes; 4 femmes sont vice-ministres, 4 autres sont des vice-secrétaires d’État et 2 sont des directrices adjointes de cabinets ministériels. Au niveau des autorités locales, 5 gouverneurs adjoints de région et 3 gouverneurs de district sont des femmes. Les femmes représentent 14 % de l’ensemble des parlementaires, et 18 % des députés de la chambre basse. Dans l’appareil judiciaire, sur plus de 2 100 juges, 45 % sont des femmes, et 10 femmes siègent à la Cour suprême (soit 27 % de l’ensemble des juges de cette juridiction). Quelque 250 organisations non gouvernementales s’occupent spécifiquement des droits des femmes. Il existe de plus un réseau d’écoles destinées à préparer les femmes à l’exercice du pouvoir constitué de plus de 50 organisations non gouvernementales, et un nouveau projet visant à créer des clubs de femmes politiques dans les régions est mis en œuvre depuis 2010, toutes mesures qui devraient promouvoir et renforcer l’élite féminine du pays. En mars 2011 s’est tenu le premier Congrès des femmes du Kazakhstan, qui a examiné non seulement la politique nationale en matière d’égalité des sexes mais aussi, plus généralement, la place de la femme dans la société kazakhe et les moyens d’accroître la participation des femmes à la vie politique et sociale. À l’issue de ce Congrès, le plan d’action qui fixe comme objectif d’ici à 2016 un taux de représentation des femmes de 30 % au niveau de la prise de décisions a été approuvé. Par comparaison, le taux correspondant dans les pays européens varie entre 22 et 25 %. La participation des femmes à la vie économique augmente elle aussi. Les femmes constituent aujourd’hui près de la moitié de la population active; elles sont employées essentiellement dans les petites entreprises, dont bon nombre sont dirigées par des femmes.

40.Les autorités s’attachent aussi à favoriser une évolution des mentalités et accordent ainsi une grande importance aux actions de sensibilisation à l’égalité hommes-femmes, qui sont menées à tous les niveaux de l’éducation, dès la toute petite enfance. Des ouvrages destinés à combattre les stéréotypes et à favoriser l’égalité sont notamment distribués dans les écoles et, au niveau de l’enseignement supérieur, deux centres de recherches spécialisés dans ce domaine, l’un relevant de l’Université pédagogique d’État et l’autre de l’Université nationale d’Almaty, réalisent des activités contribuant à promouvoir l’égalité des hommes et des femmes dans tous les domaines de la vie sociale. La Commission nationale des affaires familiales et de la politique de parité près la présidence du Kazakhstan coordonne toutes les activités en faveur de l’égalité des sexes et elle a conclu différents accords de coopération, notamment avec le Gouvernement des États-Unis, pour promouvoir cette égalité. Les questions de parité sont également intégrées dans le dialogue eurasiatique auquel le Kazakhstan participe, et le Kazakhstan en a fait une des priorités de sa présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en 2010 et de l’Organisation de coopération islamique en 2011-2012. Le 8 juin 2011, il a d’ailleurs accueilli le Forum des femmes musulmanes tenu par l’Organisation de coopération islamique. L’ensemble des efforts déployés par les autorités kazakhes pour assurer l’égalité entre hommes et femmes à tous les niveaux ont été en outre récompensés par l’élection du Kazakhstan au Conseil d’administration d’ONU-Femmes.

41.La Présidente invite les membres du Comité à poser des questions supplémentaires.

42.Mme Motoc remercie la délégation de ses explications concernant l’applicabilité du Pacte dans le droit interne, d’où il ressort qu’il ne peut pas y avoir de contradictions entre le Pacte et la Constitution du fait que les droits de l’homme qui sont consacrés dans la Constitution le sont dans un libellé calqué sur celui du Pacte. La délégation kazakhe a également confirmé que le Pacte était directement applicable, mais il conviendrait de savoir si, dans les décisions touchant des questions de droits de l’homme rendues par le Conseil constitutionnel, par exemple, le Pacte est expressément invoqué. Apparemment, les autres juridictions n’invoquent pas directement le Pacte, elles le font indirectement par le biais des dispositions constitutionnelles, qui sont identiques à celles du Pacte. Cette situation n’est pas satisfaisante et il est important que, dans leurs décisions, les tribunaux se refèrent explicitement aux dispositions du Pacte et des autres instruments internationaux qui ont été ratifiés. L’interprétation que le Comité fait du Pacte, notamment dans ses Observations générales, est également très importante, en particulier parce que ces dernières reflètent la jurisprudence du Comité. Mme Motoc voudrait savoir si les juges ont connaissance de l’interprétation du Pacte par le Comité.

43.La condition de la femme au Kazakhstan s’est manifestement améliorée depuis la soumission du rapport initial, mais il conviendrait de savoir quelles mesures concrètes les autorités prennent pour atteindre l’objectif de 30 % de femmes dans les organes de prise de décisions d’ici à 2016. La délégation kazakhe a souligné la volonté des autorités d’éliminer les stéréotypes à l’égard des femmes, mais des organisations non gouvernementales affirment qu’ils sont encore nombreux, notamment dans les médias. Mme Motoc souhaiterait entendre la délégation kazakhe à ce sujet et voudrait aussi connaître la teneur des ouvrages scolaires portant sur les questions d’égalité auxquels la délégation a fait référence.

44.En ce qui concerne l’institution nationale des droits de l’homme, Mme Motoc demande si les autorités kazakhes envisagent des mesures qui permettraient d’établir le mécanisme de prévention national prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et d’élargir encore le mandat et les pouvoirs du Défenseur des droits de l’homme.

45.M. Thelin note qu’apparemment il n’a pas été répondu à ses questions sur l’application de l’article 6 du Pacte et souhaite une réponse de la délégation.

46.M. Fathalla relève que ses questions relatives au terrorisme et à l’état d’urgence, qui ont été complétées par celles de Mme Keller, n’ont pas non plus reçu de réponse. Il espère que la délégation kazakhe pourra y répondre oralement ou fera parvenir par écrit une réponse dans les quarante-huit heures qui suivront l’examen du rapport, comme elle a la possibilité de le faire.

47.M. Salvioli dit que les questions qu’il a posées sur le thème particulièrement grave de la torture n’ont pas non plus reçu de réponse. Les précisions demandées aideront le Comité à se faire une idée claire de la situation dans le pays.

48.Mme Keller souligne à son tour combien il est important qu’il soit répondu aux questions des membres du Comité. Elle réitère donc les siennes, qui visent à comprendre comment les autorités kazakhes concilient leurs obligations découlant de l’accord de coopération dans la lutte contre le terrorisme conclu avec l’Organisation de coopération de Shanghai et la nécessité de protéger les droits de l’homme consacrés dans le Pacte.

49.M. Kustavletov (Kazakhstan) dit que la délégation s’est efforcée de répondre aux principales questions et que celles encore en suspens recevront sans faute une réponse à la prochaine séance.

50.M. Malinovskyi (Kazakhstan) confirme qu’il n’existe pas de contradictions entre le Pacte et la Constitution et souligne que la Constitution consacre tous les principes humanitaires fondamentaux et les valeurs nationales du Kazakhstan moderne. Pour dissiper les éventuels malentendus, il assure le Comité que le Conseil constitutionnel jouit d’une pleine indépendance et que ses décisions, contraignantes pour tous les organes du pouvoir, ne peuvent en aucun cas être modifiées par un organe du pouvoir exécutif. En outre, quand le Conseil constitutionnel constate qu’un texte de loi ou tout autre texte normatif est attentatoire aux droits de l’homme ou aux libertés fondamentales consacrés dans la Constitution, le texte en cause est déclaré nul et de nul effet. Le Conseil constitutionnel a ainsi prononcé l’inconstitutionnalité de 26 lois qui portaient notamment sur les organisations non gouvernementales internationales, les médias ou encore la liberté de religion. Dans chacun de ces cas, il a renvoyé au Pacte et aux autres instruments internationaux pertinents, comme il le fait dans toutes ses décisions relatives aux droits de l’homme.

51.M. Baishev (Kazakhstan) indique que le caractère obligatoire de l’application du Pacte et des autres instruments internationaux pertinents par les tribunaux kazakhs a été confirmé dans un arrêt de la Cour suprême. Dans les deux affaires concernant des étrangers dont la Cour suprême a annulé la condamnation, les juges ont expressément invoqué les dispositions du Pacte dans leurs arrêts. Un autre exemple est celui d’une personne de nationalité allemande mais s’exprimant en russe qui, après avoir reçu une réponse en kazakh de l’administration, a saisi la justice pour faire valoir son droit d’utiliser sa langue maternelle. Le tribunal a reconnu que le plaignant n’était pas tenu d’utiliser le kazakh dans ses rapports avec l’administration et il a fondé expressément ses conclusions sur les dispositions du Pacte. Il ne s’agit là que de quelques exemples parmi une multitude d’autres. Les tribunaux invoquent d’ailleurs si souvent le Pacte que cela en est devenu une pratique routinière, ce qui explique l’absence de statistiques à ce sujet.

52.M. Akhmetov (Kazakhstan) précise, à propos des questions d’égalité des sexes, que la proportion de femmes qui participent à la prise de décisions est actuellement de 10,3 %. La stratégie prévoyant de porter cette proportion à 30 % d’ici à 2016 a été adoptée en concertation avec les partis politiques et devrait s’appliquer à tous les niveaux du pouvoir et des structures économiques du pays. Les partis sont ainsi appelés à jouer un rôle pour promouvoir cet objectif dans le cadre de la campagne pour les élections législatives qui auront lieu en 2012. Dans le domaine de la promotion de l’égalité, les acquis ne manquent pas. En effet, les femmes kazakhes ont eu le droit de vote en 1924, alors même que les femmes de nombreux pays européens l’ont obtenu beaucoup plus tard. En outre, le Kazakhstan est devenu partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1979 et il se place au dixième rang mondial en ce qui concerne le taux d’alphabétisation des femmes. La lutte contre les stéréotypes sexistes se mène dès l’enfance, ce qui explique l’importance des efforts consentis par les autorités dans le domaine de l’éducation, notamment pour assurer la révision des manuels scolaires. Les nouveaux manuels ne donnent pas une image dévalorisante de la femme, qui n’est plus considérée comme devant se consacrer exclusivement à son foyer et à sa famille. La lutte contre les stéréotypes est cependant tributaire également d’autres facteurs, notamment de ce que 86 % du territoire kazakh se trouve en Asie. D’une façon générale, le Gouvernement s’attache à ce que les mesures prises couvrent tous les niveaux de l’éducation, tous les organes du pouvoir et tous les médias.

53.M. Kaliuzhnyi (Kazakhstan) confirme que les autorités kazakhes ont bien l’intention d’améliorer l’institution du Défenseur des droits de l’homme en mettant en place des bureaux dans les régions et en renforçant encore le cadre législatif de son activité.

La séance est levée à 18 heures.