NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2237

31 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE (PARTIEL)* DE LA 2237e SÉANCE (PUBLIQUE)

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 26 octobre 2004, à 10 heures

Président: M. AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Cinquième rapport périodique du Maroc (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Cinquième rapport périodique du Maroc (CCPR/C/MAR/2004/5; CCPR/C/82/L/MAR) (suite)

S ur l’invitation du Président, la délégation marocaine reprend place à la table du Comité.

Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à reprendre l’examen du cinquième rapport périodique du Maroc (CCPR/C/MAR/2004/5) et donne la parole à la délégation marocaine pour qu’elle réponde aux questions qui ont été posées oralement par les membres du Comité à la séance précédente.

M. HILALE (Maroc) tient tout d’abord à confirmer qu’aucun ressortissant marocain n’a été expulsé ni refoulé du Pakistan ou de la Syrie, et peut‑être une confusion avec le cas des cinq Marocains qui ont été libérés de la base américaine de Guantanamo à Cuba est‑elle à l’origine des interrogations du Comité sur ce point. D’une façon générale, en ce qui concerne l’éventuelle implication de Marocains dans les événements qui ont eu lieu en Afghanistan, les autorités marocaines ont à cœur d’agir dans la transparence, ce qui est d’autant plus nécessaire qu’il en va de la sécurité internationale et du respect des engagements pris par le Maroc au titre de la lutte antiterroriste, en particulier de l’obligation de coopérer avec l’ensemble de la communauté internationale.

Des membres du Comité se sont inquiétés du sort de deux hommes, Ahmed Chahid et Ahmed Echaib, qui seraient considérés comme les plus anciens prisonniers politiques du Maroc, voire du Maghreb. M. Hilale assure cependant le Comité que nul n’est détenu aujourd’hui au Maroc pour des motifs politiques. Ahmed Chahid a été condamné en 1984 pour complot, subversion et tentative de coup d’État. Il faisait partie du Groupe des 71, une organisation islamiste fondamentaliste. En 1988, il a organisé une mutinerie à l’intérieur de la prison où il était détenu, mutinerie au cours de laquelle un autre détenu Ahmed Echaib et lui‑même ont tué un gardien. En conséquence, la peine capitale à laquelle Ahmed Chahid avait été condamné a été confirmée en raison du crime de sang dont il a été reconnu coupable. En 1994, parmi les membres du Groupe des 71 plusieurs avaient été graciés, d’autres avaient fini de purger leur peine, seuls Ahmed Chahid et Ahmed Echaib restaient détenus. Le droit marocain, comme la plupart des législations nationales, prévoit qu’un détenu qui a été reconnu coupable du meurtre d’un gardien de l’établissement pénitentiaire ne peut pas bénéficier d’une mesure de grâce ou d’amnistie. Cependant, sa peine peut être commuée en réclusion à perpétuité, ce qui a été le cas pour MM. Chahid et Echaib. Ces deux personnes ne sont donc aucunement des prisonniers politiques, et aucune organisation non gouvernementale du type d’Amnesty International ou de Human Rights Watch ne les a d’ailleurs «adoptés» à ce titre.

Des membres du Comité se sont interrogés sur le respect des droits des Bahaïs et M. Hilale donne au Comité l’assurance qu’il est pleinement garanti, en particulier par l’article 6 de la Constitution, qui prévoit que l’islam est la religion de l’État qui garantit à tous le libre exercice des cultes. Autrement dit, cette garantie constitutionnelle s’applique à tous les pratiquants sans exception et la notion de culte englobe toutes les religions. L’ordre juridique marocain, dont l’islam est l’un des piliers, considère que la liberté de culte est l’un des droits fondamentaux de la personne. En ce qui concerne l’apostasie, elle n’est visée par aucune disposition du Code pénal, lequel prévoit simplement la possibilité de poursuivre les personnes qui, par la force ou la menace, empêchent autrui d’exercer un culte ou usent de séduction dolosive pour ébranler la foi d’un musulman ou le convertir à une autre religion en exploitant sa faiblesse ou ses besoins.

M. ABDENNABAOUI (Maroc), répondant aux questions qui ont été posées sur les actes de torture auxquels des membres de la police ou de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) auraient soumis des personnes placées en garde à vue ainsi que sur les enquêtes qui ont été ouvertes ou qu’il est prévu d’ouvrir à ce sujet, rappelle que le délai légal de la garde à vue est en principe de 48 heures (96 heures en cas d’atteinte à la sûreté de l’État ou d’acte terroriste). À l’expiration de ce délai, la personne doit être remise en liberté ou présentée à un juge. Elle a le droit d’être assistée d’un avocat au cours de l’interrogatoire préliminaire par le Procureur et ce dernier est en outre tenu d’ordonner un examen médical lorsque la demande lui en est faite ou de sa propre initiative quand il constate des indices justifiant cet examen. Toutefois, les actes de torture sont la plupart du temps dénoncés par la victime plusieurs mois après les faits présumés, ce qui les rend en général invérifiables. En outre, les allégations de torture sont essentiellement utilisées par l’intéressé pour assurer sa défense, revenir sur des aveux ou contester des faits établis par l’enquête. Ce sont d’ailleurs souvent des tiers qui portent plainte et non pas les victimes présumées. En tout état de cause, dès que les autorités sont informées qu’un membre de la police ou tout autre agent de l’État aurait commis un acte de torture pendant une garde à vue, ou dès lors qu’elles sont saisies d’une plainte dans ce sens, le Procureur ordonne l’ouverture d’une enquête. Cela a été le cas pour cinq personnes dont la délégation marocaine a déjà parlé (quatre d’entre elles sont actuellement détenues pour des infractions terroristes et la cinquième qui prétend avoir été détenue par la DGST avant d’être relâchée faute de preuves est aujourd’hui en liberté). Ces cinq personnes n’ont d’ailleurs pas porté plainte personnellement, et c’est à la suite d’informations diffusées par les médias et des organisations non gouvernementales que le juge d’instruction a décidé de se saisir de ces affaires. Les enquêtes seront menées à bonne fin et leurs résultats seront rendus publics.

En ce qui concerne le contrôle de la garde à vue, M. Abdennabaoui fait observer que le nouveau Code de procédure pénale contient des dispositions très modernes offrant de multiples garanties aux personnes en garde à vue. Cette forme de détention est aujourd’hui régie par des dispositions strictes et soumise au contrôle des autorités. Par exemple, nul ne peut être placé en garde à vue sans décision du procureur. Le jour et l’heure du début de la garde à vue sont consignés dans un registre, et la famille du suspect doit être immédiatement notifiée de la mesure. En outre, une liste de l’ensemble des personnes en garde à vue est communiquée tous les deux jours au Procureur général du Royaume. Enfin l’autorité judiciaire, qui exerce ses fonctions en toute indépendance, effectue une fois par semaine au moins des visites inopinées dans les centres de détention en garde à vue.

En ce qui concerne l’application de l’article 11 du Pacte, M. Abdennabaoui dit que la délégation marocaine n’a peut-être pas été suffisamment claire pour donner aux membres du Comité une idée exacte de la situation. Les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la contrainte par corps sont directement inspirées de l’article 11 du Pacte. Certes, la contrainte par corps ne fait pas l’objet d’une loi spécifique, mais la procédure suivie est claire et le Conseil supérieur de la magistrature en a d’ailleurs confirmé la validité. En outre, le Ministre de la justice a adressé aux juges et procureurs de toutes les juridictions du Royaume une circulaire sur cette question, dont la délégation marocaine fournira copie au Comité. Dans cette circulaire, le Ministre rappelle l’obligation d’appliquer les dispositions de l’article 11 du Pacte au titre des engagements auxquels le Maroc a souscrit en ratifiant le Pacte. L’article 11 interdit la contrainte par corps pour non‑exécution d’une obligation contractuelle, et le Ministre de la justice a prié les parquets de veiller à ce que cette disposition du Pacte soit pleinement appliquée aux personnes ayant apporté la preuve de leur insolvabilité. En outre, dans une lettre datée du 4 avril 2003, le Ministre a demandé aux parquets de lui fournir la liste des personnes encore détenues pour non-exécution d’une obligation contractuelle et qui devaient être remises en liberté conformément à l’article 11 du Pacte, afin qu’il puisse agir dans ce sens. Depuis lors, aucun obstacle n’est venu entraver l’application de cette disposition du Pacte, y compris dans les cas de non‑remboursement d’une dette autre que contractuelle. La loi prévoit également l’interdiction de la contrainte par corps lorsque l’intéressé produit une attestation de non-imposition fiscale. M. Abdennabaoui conclut sur ce point en affirmant qu’aucune personne n’est détenue actuellement au Maroc pour incapacité d’exécuter une obligation contractuelle.

Pour ce qui est de la nouvelle législation relative à l’immigration, l’article 26 de la loi no 02-03 régissant l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc prévoit la possibilité d’expulser ou de refouler un étranger et aucun délai n’est exigé pour l’expulsion si la condamnation a pour objet une infraction relative à une entreprise en relation avec le terrorisme, les mœurs ou les stupéfiants. Pour autant, cette disposition ne prive pas de recours l’étranger sous le coup d’une mesure d’expulsion ou de refoulement. En outre, dans le cadre d’une décision fondée sur des considérations de sécurité nationale, le droit marocain prévoit l’interdiction d’expulser les personnes vulnérables et celles qui ont besoin de la protection de l’État, y compris dans les affaires de terrorisme. De plus, il est interdit d’expulser du territoire national un étranger qui réside au Maroc depuis l’âge de six ans ou qui y réside depuis dix ans, un étranger marié depuis plus d’un an avec un conjoint marocain, un étranger qui est père ou mère d’un enfant résidant au Maroc et de nationalité marocaine dont il est le représentant légal, un étranger résidant au Maroc et qui est au bénéfice d’un des titres de séjour prévus par la loi ou les conventions internationales, une femme étrangère enceinte ou un étranger mineur. D’une façon générale, la nouvelle loi est conforme aux instruments internationaux auxquels le Maroc est partie et son application n’a donné lieu à ce jour à aucune contestation. Si les autorités du Royaume sont convaincues de la nécessité de protéger les intérêts des étrangers, elles ont aussi à cœur de lutter contre l’immigration clandestine et de protéger les groupes de population les plus vulnérables, susceptibles d’être la proie de groupes maffieux. M. Abdennabaoui rappelle qu’un certain nombre de Marocains ont perdu la vie en mer alors qu’ils quittaient leur pays en quête d’une nouvelle vie que leur avaient fait miroiter des bandes organisées et qui n’était en fait qu’un mirage.

En réponse à une question sur les tribunaux administratifs, M. Abdennabaoui indique qu’ils existent depuis 1993 et se sont révélés d’une grande utilité. Il est actuellement envisagé de créer des cours administratives d’appel mais pour l’heure les décisions des tribunaux administratifs peuvent être contestées dans le cadre d’une procédure appelée à disparaître avec la création des juridictions d’appel.

Le PRÉSIDENT remercie la délégation et invite les membres du Comité à poser leurs dernières questions.

M. BHAGWATI demande si le Comité technique de la Commission interministérielle a présenté un rapport sur l’éventuelle ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et, dans l’affirmative, quelle a été la suite. La ratification est‑elle envisagée dans un avenir proche? Il voudrait savoir également si la Cour suprême a compétence pour examiner un texte législatif et en contrôler la compatibilité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme, si des organes judiciaires ont déjà eu à se prononcer sur la compatibilité d’une disposition interne avec le Pacte, et si un particulier peut saisir directement la Cour suprême en cas de violation de ses droits; il souhaiterait des précisions sur le mode de nomination des juges à la Cour suprême et sur la formation qu’ils reçoivent.

M. Bhagwati demande si la Cour d’appel administrative, voulue par le Roi depuis 1999, va voir bientôt le jour et si une commission nationale des droits de l’homme va être créée dans un avenir proche. En tout état de cause, il souhaiterait des précisions concernant les pouvoirs du Médiateur, voulant savoir en particulier si ce dernier peut intenter une action en justice. Il demande également à partir de quel stade d’une procédure l’aide juridictionnelle est garantie. Enfin, il croit savoir que 145 personnes actuellement incarcérées dans les prisons marocaines ont été condamnées à mort, dont certaines il y a de nombreuses années et se demande s’il est envisagé de commuer leur peine en peine de réclusion à perpétuité.

M. SOLARI‑YRIGOYEN constate que sur le thème de l’expulsion, la délégation a répété ce qui avait déjà été bien expliqué dans le rapport (par. 178 et suiv.). Or, la question posée était de savoir, concrètement, si la loi no 02‑03 s’applique aussi dans les cas d’expulsion pour actes de terrorisme ou trafic de stupéfiants. M. Solari‑Yrigoyen voudrait savoir en outre si l’objection de conscience existe au Maroc, s’il existe un service civil de remplacement et dans l’affirmative quelle en est la durée.

Mme WEDGWOOD relève que la délégation n’a pas traité de la question des ressortissants marocains qui s’étaient vu confisquer leur passeport à l’aéroport par les autorités marocaines alors qu’ils se préparaient à se rendre à Genève pour assister à la session de la Commission des droits de l’homme à l’invitation d’une organisation non gouvernementale suisse; elle rappelle qu’il s’agissait de déterminer si cela n’équivalait pas à une entrave à la liberté de circulation et à faire obstacle à la présentation de faits à une organisation internationale. Revenant sur la question de la contrainte par corps, elle engage l’État partie à revoir ses dispositions autorisant cette mesure en cas de non‑versement de dommages‑intérêts imposés dans une procédure civile, c’est‑à‑dire en cas de manquement à l’obligation de s’acquitter d’une dette qui, même si elle n’est pas contractuelle, n’en reste pas moins une dette.

Sir Nigel RODLEY dit qu’il a pris note de la déclaration de la délégation selon laquelle les personnes comparaissant devant les magistrats dans le cadre de la prorogation de la garde à vue ne se plaignent pas de mauvais traitements et l’invite à commenter un extrait tiré du rapport sur le Maroc et le Sahara occidental établi par Amnesty International en 2004, d’où il ressort que les personnes arrêtées ne connaissant par leurs droits, ne réclament pas la présence d’un avocat pendant les interrogatoires et ne savent pas qu’elles ont le droit de formuler une plainte pour les actes de torture et les mauvais traitements infligés ou la détention au secret à laquelle elles auraient été soumises. D’après les témoignages cités dans ce rapport, certains ont affirmé avoir été menacés de tortures s’ils contestaient les charges formulées à leur encontre, et les avocats ont déclaré que, dans bien des cas, les traces de torture et de mauvais traitements qui pourraient être constatées par un procureur ou un juge ont disparu au moment où l’accusé leur est présenté, en raison de la durée souvent illégale de la garde à vue, parfois prolongée jusqu’à six mois. Fort de l’expérience qu’il a acquise dans de nombreux pays, Sir Nigel Rodley sait que ces témoignages sont tout à fait plausibles. C’est tout le système des prolongations de la garde à vue qui rend la torture possible, et c’est bien la raison pour laquelle le Comité contre la torture comme le Comité des droits de l’homme dénoncent ce système. À moins que la délégation ne puisse le convaincre du contraire, Sir Nigel Rodley continuera à considérer que les mesures de sauvegarde contre la torture dont la délégation a fait état sont certes nécessaires mais ne sont pas suffisantes.

M. HILALE (Maroc) indique que le Protocole facultatif figure bien parmi les instruments internationaux visés par le projet sur lequel le Comité technique de la Commission parlementaire travaille, de sorte que pour cet instrument comme pour d’autres, la ratification n’est plus qu’une question de temps.

Le statut d’objecteur de conscience n’existe pas au Maroc. Dans le passé, le pays a connu le service national obligatoire, qui pouvait prendre la forme d’un service civil pour les étudiants notamment, mais celui-ci a été abandonné de facto; étant donné que les candidats à la carrière militaire étaient en nombre supérieur aux besoins du pays et que la conscription posait des problèmes dans la vie personnelle des intéressés comme pour l’État, d’un point de vue logistique et financier, l’armée marocaine est donc devenue une armée de métier.

Le Maroc garantit la liberté de circulation mais a aussi le devoir de protéger ses frontières et l’intégrité de son territoire. Avoir la nationalité d’un pays confère des droits mais aussi des devoirs, et la liberté de mouvement ne saurait en aucun cas être mise à profit pour faire l’apologie de la sécession. Les individus cités par Mme Wedgwood, qui devaient effectivement prendre l’avion pour Genève à l’invitation d’une organisation non gouvernementale suisse, avaient sur eux des documents subversifs, raison pour laquelle la réaction première des policiers qui les ont interpellés a été de leur retirer leur passeport le temps de mener une enquête. S’ils souhaitaient contester cette mesure, ils auraient pu porter l’affaire en justice en déposant une plainte contre les policiers, au lieu de quoi ils ont alerté les organisations non gouvernementales. Aujourd’hui, ces individus, qui ont déjà été jugés pour intelligence avec des séparatistes, sont libres de leurs mouvements. Le 2 avril 2003, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme s’est mis en relation avec les autorités du pays pour demander des éclaircissements sur cette affaire, éclaircissements qui lui ont été donnés par courrier daté du 5 juin 2003. N’ayant pas reçu de nouveau courrier, le Gouvernement considère que le Haut-Commissariat a accepté les explications qui lui ont été apportées et que cette affaire est donc close.

M. ABDENNABAOUI (Maroc) dit que la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, surveille l’application sur l’ensemble du territoire des lois et des instruments internationaux comme le Pacte, qui peuvent être invoqués directement. Elle n’a pas compétence pour abroger les lois, attribution du Conseil constitutionnel. Les juges qui siègent à la Cour suprême sont des experts qui, diplômés en droit général, ont continué à se former et à se spécialiser tout au long de leurs 20 ou 25 ans de carrière dans la magistrature. La création du poste de Médiateur est trop récente pour que l’on puisse dresser un bilan de ses activités, mais on peut signaler qu’il a, depuis quelques mois, à connaître des différends entre les particuliers et les administrations publiques.

Le nombre de personnes condamnées à mort, en régression constante, est à ce jour de 145. De nouvelles grâces et amnisties pourraient encore être accordées car rien n’empêche une personne dont le recours en grâce a été rejeté de présenter une nouvelle demande; le Roi a chaque année de nombreuses possibilités de gracier des condamnés, à l’occasion des fêtes religieuses ou nationales. Les demandes de grâce sont examinées par une commission qui travaille huit à neuf mois par an et dont les statistiques peuvent être consultées.

C’est la gravité des faits qui détermine si l’accusé doit obligatoirement se faire assister d’un avocat. En effet, l’assistance d’un avocat n’est obligatoire que pour les crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Dans ce cas seulement, si l’accusé n’a pas d’avocat, il lui en sera gratuitement commis un d’office. À titre d’exception, les personnes handicapées et incapables doivent se faire assister d’un avocat dans tous les cas et bénéficient pour cette raison de l’aide juridictionnelle quelle que soit la gravité des faits.

Une loi spécifique traite expressément de la lutte contre le trafic de stupéfiants et il en existe une autre qui vise la lutte contre le terrorisme. Ce sont ces lois particulières qui s’appliquent, et non pas la loi sur l’immigration, en cas d’expulsion motivée par des actes relevant de ces catégories d’infraction.

L’article 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que «nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle». La loi marocaine est tout à fait claire sur ce point et ne permet pas la contrainte par corps lorsqu’il s’agit d’une obligation contractuelle, quand une personne n’est pas solvable. Il en va différemment en cas de responsabilité délictuelle: lorsqu’une personne a commis un délit, la contrainte par corps est possible. S’il y a eu malentendu à ce sujet, il a pu venir de la traduction de certains termes.

Les allégations insistantes de mauvais traitements en détention provisoire ne laissent pas d’être étonnantes car il paraît difficile de croire que les personnes dont il est question soient restées si longtemps sans jugement. M. Abdennabaoui croit savoir qu’elles ont reçu une aide judiciaire et eu accès à un avocat, y compris pendant l’instruction. C’était au juge de les informer de leurs droits et cela a dû être fait puisqu’un avocat et un juge étaient présents.

Mme WEDGWOOD demande une clarification sur ce que l’on entend par acte de subversion car au sens du Pacte, on ne peut tout simplement pas qualifier de subversif le fait de communiquer à une réunion de l’ONU des informations publiques concernant des personnes disparues.

M. HILALE précise que ces personnes n’étaient pas invitées par l’ONU mais se rendaient à une manifestation organisée hors du cadre de l’ONU par une ONG suisse à l’occasion d’une session de la Commission des droits de l’homme. De plus, la documentation en leur possession faisait l’apologie de l’action militaire et du recours à l’action illicite pour porter atteinte à l’intégralité territoriale du Maroc. Ces personnes ont été remises en liberté. M. Hilale tient aussi à rappeler que le Maroc a été avec la Norvège à l’initiative d’une résolution de la Commission des droits de l’homme sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, et qu’il est pionnier depuis longtemps dans ce type d’initiative.

Le PRÉSIDENT remercie tout d’abord le Maroc d’avoir soumis son rapport dans les délais fixés ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’États parties. La garantie des droits de l’homme semble être en progrès constant au Maroc comme l’attestent par exemple les réformes du Code de la famille ou l’instauration d’un médiateur. Il faut aussi relever avec satisfaction le fait que la peine de mort n’a plus été appliquée au Maroc depuis 1991 hormis une seule fois. Le Comité espère que le Maroc ira jusqu’au bout du processus engagé en abolissant définitivement la peine de mort. Le Président évoque ensuite brièvement quelques sujets de préoccupation qui subsistent: le problème de la nationalité des enfants nés de mère marocaine et de père étranger ou d’un père dont la nationalité n’est pas connue, la question de la violence dans la famille et les lois et mesures adoptées par le Maroc pour se protéger contre le terrorisme qui, comme dans bien d’autres pays, semblent aller parfois à l’encontre des droits de l’homme, ce qui, si l’on n’y prend garde, peut nuire à la légitimité de la lutte contre le terrorisme. En ce qui concerne la polygamie, le Maroc s’est engagé à ne pas pratiquer de discrimination envers les femmes en ratifiant le Pacte; or le Comité considère la polygamie comme une atteinte à l’intégrité et à la dignité des femmes, incompatible avec les articles 3 et 26 du Pacte. Concernant le mariage de femmes musulmanes avec des non‑musulmans, c’est une réalité juridique et sociale au Maroc où un grand nombre de femmes sont mariées à des nons‑musulmans, mais ne veulent pas admettre ceux qui refusent toute conception dynamique de l’islam. Pour conclure, le Président émet l’espoir que le Maroc continuera de faire tout son possible pour respecter ses engagements et appliquer toutes les dispositions du Pacte, y compris en ce qui concerne les droits des femmes.

M. HILALE exprime sa gratitude pour le dialogue riche qui s’est déroulé dans un climat de confiance. Il remercie le Président de son appréciation positive de l’évolution démocratique du Maroc pour qui la question des droits de l’homme n’est pas une question politique, mais un choix de société moderne et démocratique, impliquant pour le pays de lourdes obligations qu’il a décidé en toute conscience et responsabilité d’assumer jusqu’au bout. Son partenariat très rassurant avec le Comité l’encourage à poursuivre dans la voie qu’il s’est tracée et à faire preuve d’encore plus de courage politique, étant donné son contexte social, religieux et régional. Dans la lutte contre le terrorisme, il ne sera pas dévié du respect des droits de l’homme et des libertés publiques et la coopération fructueuse avec la communauté internationale sera maintenue. M. Hilale ne doute pas que dans ses observations, le Comité saura apprécier les progrès de son pays, non pas à l’aune d’autres systèmes, régions ou pays, mais en tenant compte de son passé, de son expérience propre et de son contexte actuel.

Le PRÉSIDENT indique que la délégation dispose de trois jours pour faire parvenir au Comité des renseignements complémentaires si elle le souhaite.

La délégation marocaine se retire.

La séance est levée à 11 h 55.

-----