NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.220815 février 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Quatre-vingt-unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2208e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 20 juillet 2004, à 10 heures

Président : M. AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial de la Serbie‑et‑Monténégro (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Serbie‑et‑Monténégro (CCPR/C/SEMO/2003/1; CCPR/C/81/L/SEMO) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de la Serbie ‑et ‑Monténégro reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poser oralement leurs questions complémentaires concernant les points 10 à 21 de la liste (CCPR/C/81/L/SEMO).

3.M. BHAGWATI s’associe aux préoccupations qui ont été exprimées par d’autres membres du Comité concernant l’application de l’article 18 du Pacte, et notamment le statut particulier dont jouissent les personnes titulaires d’un permis de port d’arme, les membres d’associations de chasse et d’autres catégories, au regard de l’obligation générale du service militaire. Il souhaiterait savoir sur quoi repose cette exception à la règle.

4.En ce qui concerne l’application de l’article 14 du Pacte, M. Bhagwati s’étonne de ce que la fiche de profil personnel établie pour les juges soit conservée par le Ministère responsable de l’administration de la justice, et non pas par le Président de la Cour suprême, comme cela devrait être compte tenu du principe de la séparation des pouvoirs. En outre, il est dit dans le rapport que les juges sont nommés à vie mais également qu’ils n’exercent leurs fonctions que jusqu’à l’âge de la retraite. Ces deux affirmations paraissent contradictoires et M. Bhagwati souhaiterait des éclaircissements sur la situation réelle, et voudrait savoir notamment quel est l’âge fixé pour la retraite des juges. La question de la formation des magistrats est également très importante, et M. Bhagwati voudrait des informations à ce sujet. Il souhaiterait aussi de plus amples informations sur les 11 chambres pour délits mineurs qui ont été créées. En particulier, il voudrait savoir quelle autorité détermine ce qu’est un «délit mineur» et selon quels critères, de quelles sanctions cette infraction est passible et s’il est exact que les juges de ces chambres ne rendent compte qu’au pouvoir exécutif. M. Bhagwati voudrait connaître les motifs pour lesquels les juges peuvent être démis de leurs fonctions et savoir quelle autorité est habilitée à le faire. Un autre élément préoccupant est le fait que ces juges ne bénéficient apparemment pas de la sécurité de l’emploi. M. Bhagwati voudrait savoir si le projet de loi sur les délits mineurs et les magistrats pour les délits mineurs, qui avait été soumis au Parlement en avril 2002, a été adopté et, le cas échéant, si la nouvelle loi est entrée en vigueur. Par ailleurs, la délégation de la Serbie‑et‑Monténégro a évoqué la création d’une commission de surveillance auprès de la Haute Cour de Serbie, et il serait utile qu’elle en précise les fonctions et la composition. Enfin, M. Bhagwati se demande si l’administration de la justice est régie par les mêmes règles en Serbie et au Monténégro ou si elle relève de deux systèmes distincts au sein de la Communauté étatique.

5.M. SOLARI‑YRIGOYEN, revenant sur la question du droit à l’objection de conscience qui découle des dispositions de l’article 18 du Pacte, se dit préoccupé par le fait que ce droit ne peut être invoqué que par certaines religions (par. 290 du rapport). Outre que l’expression «certaines religions» est vague, le droit à l’objection de conscience paraît être ainsi très restreint et n’être pas reconnu notamment aux personnes ayant des convictions pacifistes. La délégation de la Serbie‑et‑Monténégro a indiqué que les personnes qui refusent de faire leur service militaire du fait de leurs convictions devaient exposer leurs motifs devant une commission ce qui conduit à demander quels motifs sont recevables et de quelle façon les intéressés peuvent apporter la preuve de leurs convictions. En outre, le service civil dure près de quatre mois de plus que le service militaire. Certes, cela constitue un progrès par rapport à la situation antérieure, mais un tel écart pourrait être assimilé à une sanction, ce qui ne serait pas acceptable. L’État partie est libre bien entendu de fixer des durées différentes pour les deux types de service, mais l’écart doit être justifié. En outre, il semble que le droit à l’objection de conscience soit facilement contesté, voire supprimé, par les autorités, ce qui est aussi préoccupant. D’une façon générale, la modification de la loi sur l’armée yougoslave semble avoir introduit des conditions très restrictives pour l’exercice du droit à l’objection de conscience. Un Témoin de Jéhovah, notamment, serait actuellement jugé par un tribunal militaire pour avoir refusé d’effectuer son service militaire. M. Solari‑Yrigoyen serait reconnaissant à la délégation de la Serbie‑et‑Monténégro de bien vouloir fournir de plus amples informations sur tous ces points.

6.M. ANDO s’interroge sur l’application de l’article 19 du Pacte. Il a noté que la liberté de parole et d’expression en public était garantie par la Constitution et que tout citoyen avait le droit de critiquer publiquement les travaux du Gouvernement et des autres fonctionnaires, sans être tenu responsable ni supporter d’autres conséquences préjudiciables pour les points de vue exprimés dans sa critique (par. 492 du rapport). Il semble toutefois que les fonctionnaires manifestent une certaine intolérance à l’égard de la critique des médias. En particulier, le maire de la ville de Čačak, Velimir Ilič, aurait agressé physiquement et verbalement plusieurs journalistes, dont Dragan Novakovič du journal Nedeljni Telegraf, des reporters de la chaîne de télévision Studio B et la correspondante du journal belgradois Večernje Novosti. M. Ando souhaiterait entendre la délégation à ce sujet.

7.L’infraction pénale de diffamation est un autre sujet de préoccupation. Selon certaines informations, il y aurait eu 1 263 condamnations pour ce chef en 2000 et 1 439 en 2001. La délégation a indiqué qu’en octobre 2003 le Ministère de la culture de la République de Serbie avait adressé une lettre au ministère compétent dans laquelle il proposait que la diffamation et l’injure ne soient plus réprimées pénalement lorsqu’elles émanent d’organes de presse ou d’autres médias et M. Ando voudrait connaître la suite donnée à cette proposition. Depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, le nombre des condamnations a sûrement diminué, mais le grand nombre de condamnations pour corruption ou participation à la criminalité organisée est étonnant. M. Ando souhaiterait qu’il lui soit confirmé en outre que les tribunaux militaires ne sont plus habilités à juger des journalistes, en particulier pour les délits relatifs aux secrets d’État.

8.En ce qui concerne l’article 4 du Pacte, la délégation a indiqué qu’une loi interdisait la divulgation des motifs justifiant la proclamation d’un état d’exception et M. Ando souhaiterait connaître les raisons pour lesquelles les autorités considèrent que ces motifs doivent être tenus secrets. Enfin, tout en comprenant bien que le douloureux passé du nouvel État de la Serbie‑et‑Monténégro a créé une culture du secret au sein du Gouvernement et a rendu les journalistes vulnérables lorsqu’ils critiquent la politique gouvernementale, M. Ando considère que les autorités de l’État partie doivent mener leur action dans la transparence et en veillant à rendre des comptes à la population, deux facteurs essentiels pour assurer la démocratie.

9.Mme WEDGWOOD relève que la délégation a dit que la coopération de l’État partie avec le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (TPIY) s’améliorait sans toutefois être parfaite, ce qu’illustre bien un fait tout récent qui ne laisse pas d’inquiéter. En effet, la Procureur Carla del Ponte a indiqué dans une conférence de presse tenue le 19 juillet 2004 que Goran Hadzič, l’ex‑Président de la République serbe autoproclamée de Srpska Krajina, avait été inculpé par le TPIY, qui avait remis au Ministère des affaires étrangères à Belgrade l’acte d’inculpation le 13 juillet au matin. Or un peu plus tard dans la même journée, celui‑ci quittait son domicile en voiture et prenait la fuite; il n’est pas réapparu à ce jour. Il s’agit de la vingt‑deuxième personne inculpée par le TPIY qui se soustrait de la sorte à la justice. Mme Wedgwood s’inquiète de cette situation, qui montre bien qu’il existe encore des failles dans la coopération des autorités de la Serbie‑et‑Monténégro avec le Tribunal pénal international.

10.Le PRÉSIDENT invite les membres de la délégation de la Serbie‑et‑Monténégro à répondre aux questions qui ont été posées oralement par les membres du Comité.

11.Mme NIKOLIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), dit, à propos des statistiques relatives à l’égalité des sexes et aux violences dans la famille, que le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité d’améliorer le système d’établissement des statistiques dans ce domaine. À l’heure actuelle, les cas de violences contre les femmes recensés sont ceux qui ont donné lieu à une décision de justice ou qui ont été signalés par le réseau d’organisations non gouvernementales s’occupant des violences dans la famille. L’UNICEF donne également des informations précieuses à cet égard. Pour ce qui est du droit de la famille, le projet de loi qui avait été établi en 2003 est actuellement en lecture au Parlement.

12.Mme MARKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) ajoute qu’en ce qui concerne le Monténégro un projet de loi est en cours d’élaboration, qui devrait remplacer en 2005 la loi sur la famille datant de 1989.

13.M. PEKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), répondant à une question sur la répression de la traite des êtres humains, dit que celle‑ci constitue un délit pénal passible de 15 ans d’emprisonnement. En ce qui concerne la privation de liberté, la loi contient des dispositions très précises et prévoit notamment qu’une personne peut être placée en garde à vue si elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale, s’il y a des raisons de penser qu’elle chercherait à fuir ou à se cacher ou si elle est soupçonnée de complicité d’une infraction. La durée de la garde à vue est fixée à huit heures. Toutefois, elle peut être prolongée exceptionnellement jusqu’à 48 heures, sous réserve de la présentation à un juge d’un rapport justifiant la demande de prolongation. Le suspect peut, dès le début de la garde à vue, demander à s’entretenir avec un conseil, et il est statué sur sa demande dans un délai de deux heures. Le placement en garde à vue peut être contesté et, en cas de recours, le juge doit se prononcer dans un délai de 48 heures sur la validité de la mesure. La durée maximale de la détention provisoire est fixée à trois mois, mais la Cour suprême peut la prolonger de trois mois supplémentaires. Dans tous les cas, la décision de maintien en détention est réexaminée d’office tous les deux mois.

14.Pour ce qui est de la question de la non‑discrimination à l’égard des Roms, M. Pekovič renvoie le Comité aux dispositions de l’article 49 de la Charte constitutionnelle et précise également que l’interdiction de la discrimination raciale et autre est expressément prévue dans le Code pénal de la République de Serbie.

15.La révocation des juges relève de la compétence de la Cour suprême, qui rend sa décision conformément à la loi. Les juges qui ont été révoqués l’ont été parce qu’ils avaient atteint l’âge de la retraite, parfois même depuis longtemps, et tous les cas de révocation étaient rigoureusement conformes à la loi.

16.La question du secret d’État est régie par les dispositions du Code pénal de la République de Serbie. C’est un tribunal ou un autre organe compétent qui détermine ce que recouvre la notion de secret d’État. Pour répondre plus généralement à la question de la compétence des tribunaux militaires, M. Pekovič dit qu’elle est limitée aux affaires mettant en cause des membres des forces armées. Les civils, quant à eux, sont jugés par des tribunaux civils.

17.En réponse aux questions qui ont été posées sur la liberté de la presse, M. Pekovič communique des informations reçues du premier tribunal de district de Belgrade. À la date du 24 avril 2004, 150 plaintes avaient été déposées contre des journalistes, et les représentants des médias avaient formé pour leur part 80 plaintes et demandes d’indemnisation. Il est à noter toutefois qu’au cours des neuf dernières années, seuls deux journalistes ont été condamnés pour un acte commis dans l’exercice du droit prévu à l’article 19 du Pacte, et un fonctionnaire a déposé plainte il y a quelques mois contre un journaliste dans ce même cadre. Toutefois, le Code pénal de la République de Serbie est clair: la critique par les médias de la politique de l’État n’est pas susceptible de sanction pour autant qu’elle soit faite de bonne foi et qu’elle ne vise pas à porter atteinte à l’image ou à l’honneur d’une personne.

18.M. TOMOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit que les dispositions régissant la détention au Monténégro sont similaires à celles applicables dans la République de Serbie, et que la détention avant jugement n’a aucun caractère automatique. En ce qui concerne la compétence des tribunaux militaires du Monténégro, elle s’étend aux civils pour certains actes tels que le refus d’accomplir le service militaire. La Charte constitutionnelle prévoit effectivement le transfert de plusieurs compétences des tribunaux militaires à des juridictions civiles mais, dans la réalité, cela n’a pas encore eu lieu, malgré les demandes réitérées du Gouvernement du Monténégro pour modifier la législation dans ce sens et faire que les civils ne soient plus jugés par des tribunaux militaires. Les autorités du Monténégro espèrent que cette question trouvera son règlement dans le cadre de la Communauté étatique avec la République de Serbie.

19.À propos de la compétence de la Cour de la Serbie‑et‑Monténégro, M. Tomovič dit que cette juridiction connaît des plaintes des particuliers qui s’estiment victimes d’une violation, par une institution de l’État, des droits garantis dans la Charte constitutionnelle. La Cour détermine elle‑même sa compétence dans les affaires dont elle est saisie.

20.Mme MARKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) précise que, en ce qui concerne la République de Serbie, la détention avant jugement n’est pas non plus automatique et depuis mai 2004 la loi prévoit qu’elle doit être ordonnée par un tribunal.

21.M. ČOGURIĆ (Serbie-et-Monténégro) précise, au sujet des enquêtes qui ont pu être menées à la suite de la découverte de fosses communes (question 10), que 3 charniers ont été découverts, contenant 836 corps dont plus de 700 ont pu être identifiés à ce jour. L’identification a été réalisée par la Commission internationale pour les disparus sur la base d’échantillons d’ADN. Relevant auparavant des tribunaux de district, toutes les affaires de disparition ont été transférées à la section spéciale du parquet chargée des crimes de guerre instituée en août 2003. Des enquêtes approfondies sont menées, de nombreux témoins ont été entendus et de nombreux documents ont été produits mais, dans l’intérêt même de l’enquête, les résultats ne pourront en être dévoilés qu’après la clôture.

22.Le Ministère responsable de l’administration de la justice conserve la fiche de profil personnel établie pour les juges en sa qualité d’organe responsable des procédures administratives relatives aux personnels judiciaires. Quand on dit que les juges sont nommés à vie, il faut entendre qu’ils exercent jusqu’à l’âge de la retraite, soit 65 ans ou après 40 années de service. Les juges reçoivent une formation financée par la République de Serbie, selon les dispositions de l’article 8 de la loi sur les juges. Pour être juge, il faut avoir réussi le très difficile examen du barreau, qui couvre tous les aspects du droit y compris le droit international, et n’est ouvert qu’aux diplômés de la faculté de droit ayant accompli un stage d’avocat et justifiant d’au moins deux ans de pratique.

23.Dans la législation serbe, l’expression «délit mineur» qualifie une atteinte à la discipline sociale. Ce type de délit est jugé dans l’un des 180 tribunaux prévus à cet effet et pour lesquels il existe 11 juridictions d’appel. Le statut des juges compétents pour les délits mineurs est à l’examen depuis de nombreuses années et les avis sont partagés, certains estimant que, dans la mesure où ils peuvent prononcer des peines d’emprisonnement, ils devraient avoir le même statut que les magistrats. Cette question devrait être réglée dans un avenir proche.

24.Mme MARKOVIĆ (Serbie-et-Monténégro), passant à la question des raisons qui ont motivé la proclamation de l’état d’urgence, dit que la raison, expliquée par le Président le 13 mars 2003, soit le lendemain même de la proclamation, était la nécessité d’empêcher une menace à la souveraineté et à la sécurité de l’État. Un décret sur l’information, portant sur les activités de la presse pendant l’état d’urgence, a été pris et a par la suite été déclaré inconstitutionnel.

25.Pour compléter ce qui a été dit au sujet de la nomination des juges, il faut savoir qu’au Monténégro la documentation complète concernant les nominations est présentée au Conseil de la magistrature, organe judiciaire indépendant dont le Président est de droit le Président de la Cour suprême. Les juges cessent leurs fonctions à leur demande ou à l’âge de la retraite − 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes −; ils peuvent être démis s’ils ont commis des actes qui les rendent incapables ou indignes d’exercer leurs fonctions.

26.Mme MARKOVIĆ (Serbie-et-Monténégro) dit qu’il est désormais possible d’invoquer l’objection de conscience, à la suite d’un décret pris en 2002 en vue d’aligner la Charte constitutionnelle sur les normes du droit international. Ce texte est provisoire car l’objection de conscience va bientôt faire l’objet d’une loi qui supprimera les différences de durée existant actuellement entre les différents types de service effectués. Les dispositions, si on les interprétait strictement, viseraient les seules personnes à qui leur religion interdit de porter les armes, mais dans la pratique elles sont aussi invoquées par des pacifistes. Jusqu’ici, tous ceux qui ont demandé l’exemption du service militaire ont reçu une réponse favorable, sans qu’aucune preuve de leurs convictions ne leur soit exigée. Le bénéfice de l’objection de conscience ne pourra être retiré ou refusé qu’à l’objecteur qui aura commis un acte contraire aux convictions qu’il a exprimées (attaque à l’arme blanche par exemple).

27.Les Roms ne font plus l’objet d’une discrimination systématique. Bien au contraire, ils bénéficient de mesures de lutte contre la discrimination et même d’actions positives, comme le prévoit la loi sur les minorités. Le nombre d’agressions contre des Roms a sensiblement baissé depuis 2000 (67 ont été recensées en 2003, dont aucune n’était imputable à des policiers), ce qui est sans doute dû au fait que les auteurs de tels actes sont désormais systématiquement poursuivis. En 2003, un «skinhead» a été condamné à six mois d’emprisonnement pour avoir insulté une femme rom et une autre condamnation a été prononcée pour refus d’entrée dans une piscine. Dans le domaine de l’éducation, la loi contre la discrimination n’existe plus car elle avait été rédigée au niveau fédéral; elle devra être promulguée au niveau de la République. Enfin, en ce qui concerne les amendes imposées aux médias, tous les organes de presse ont été remboursés à l’exception d’un seul, qui n’avait pas déposé de demande de dédommagement parce qu’il avait fermé entre‑temps.

28.Sir Nigel RODLEY demande qu’il lui soit précisé sur décision de quelle autorité et à quelles fins la police peut procéder à la détention de 48 heures dont il a été question. Il n’a pas bien compris si les services de police pouvaient prendre une telle décision de leur propre initiative dans certains cas ni si les détenus avaient la garantie d’avoir accès au monde extérieur et en particulier à un conseil. Si le droit de consulter un avocat est garanti, la question se pose de savoir si des sanctions sont imposées lorsqu’il n’est pas respecté et si les déclarations qui peuvent avoir été faites dans ces conditions sont recevables devant un tribunal. Enfin, Sir Nigel Rodley s’étonne de lire au paragraphe 252 du rapport que «si l’on considère la taille et le champ des activités couverts par les fonctionnaires en titre du Ministère de l’intérieur, le nombre de cas d’abus de pouvoir dans l’exercice de leurs fonctions est négligeable», et se demande si vraiment les cas énumérés dans les paragraphes 247 à 251 du rapport sont les seuls à s’être produits.

29.M. KÄLIN remercie la délégation d’avoir fourni des chiffres précis sur les affaires intéressant des journalistes portées devant le premier tribunal de district de Belgrade. Il souhaiterait des informations analogues − peut-être ultérieurement, par écrit − pour le Monténégro, ainsi que des renseignements concernant l’inégalité de traitement dont sont victimes les personnes déplacées.

30.M. BHAGWATI voudrait savoir pourquoi l’âge de la retraite n’est pas le même pour les magistrats et pour les magistrates. Il demande s’il existe un organe judiciaire de la Communauté étatique habilité à statuer en cas de différend entre les deux Républiques et, dans l’affirmative, si cet organe peut être saisi par un simple citoyen.

31.M. BOŽOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) explique qu’il a été donné suite aux affaires dénoncées dans le rapport d’Amnesty International et que dans six cas il y avait effectivement eu abus de pouvoir. Des informations précises seront recueillies et communiquées au Comité sur les circonstances exactes de ces affaires et les mesures et sanctions prises. Un plan national de lutte contre la traite des êtres humains est en projet, qui devrait être adopté sous peu, même si le remaniement du Gouvernement serbe a ralenti le processus.

32.À la question de savoir s’il existe des équipes spéciales de police ailleurs qu’à Belgrade, M. Božović répond par l’affirmative: depuis 2002, des équipes multidisciplinaires, regroupant notamment des éléments de la police criminelle et de la police des frontières, sont présentes dans tous les commissariats; évidemment Belgrade, avec une population de 2,5 millions d’habitants, en compte le plus. Ces équipes peuvent être appelées à fournir un appui logistique aux équipes de province. Quant au numéro de téléphone d’urgence, c’est une organisation non gouvernementale avec laquelle le Ministère de l’intérieur travaille en étroite coopération, Astra, qui en est responsable.

33.Depuis mars 2003, les personnes déplacées originaires du Kosovo-Métohija ont droit à des documents de voyage et depuis juillet 2003 elles peuvent changer librement de résidence, sans la moindre restriction, conformément à la loi sur la résidence, qui leur est applicable comme à tous les autres citoyens sur un pied d’égalité. Le choix du lieu de résidence est éminemment personnel. Dans la majorité des cas, ces personnes ont un lien très fort avec le Kosovo, qu’elles considèrent comme leur patrie, et leur plus cher désir est d’y retourner. Malheureusement de bonnes conditions de sécurité n’y sont pas encore garanties et les violations des droits de l’homme y sont encore nombreuses, ainsi qu’en témoigne le rapport du Médiateur du Kosovo, et beaucoup préfèrent donc pour l’heure conserver le statut temporaire de personnes déplacées.

34.Mme VOJVODIĆ (Serbie-et-Monténégro) dit qu’une Équipe spéciale de lutte contre la traite des êtres humains a été créée en avril 2004 au Ministère de l’intérieur du Monténégro. Elle dispose de moyens techniques suffisants, grâce notamment aux ressources apportées par le Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Un plan d’action pour la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains a été élaboré pour chaque ministère et tous les mois des réunions conjointes sont organisées en présence notamment de représentants du Conseil de l’Europe, de l’OSCE et de l’Organisation internationale des migrations, pour analyser les progrès réalisés et étudier certains problèmes concrets. Des foyers sont mis à la disposition des victimes de la traite par l’organisation non gouvernementale Montenegro Women Lobby, qui reçoit une subvention annuelle de 47 000 euros du Gouvernement des Pays-Bas. Pour sa part, le Gouvernement monténégrin assume les coûts de gestion courants de ces foyers, tandis que l’Organisation internationale des migrations finance les services d’un psychologue et d’un médecin recrutés pour aider les résidentes. L’ONG gère aussi une ligne téléphonique gratuite ouverte pour recevoir les appels des victimes de traite. Concernant les droits électoraux des personnes originaires du Kosovo-Métohija déplacées au Monténégro, Mme Vojvodič signale que le Monténégro avait demandé de l’aide pour organiser les élections qui se sont tenues en juin, mais que sa demande n’a pas été entendue. Enfin, pour ce qui est du nombre de condamnations contre des journalistes enregistrées au Monténégro, l’information sera communiquée ultérieurement au Comité par écrit.

35.M. ČOGURIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit que, en vertu de l’article 46 de la Charte constitutionnelle, la Cour de Serbie‑et‑Monténégro tranche les différends entre les institutions de la Communauté et statue également sur les plaintes de citoyens qui estiment que leurs droits ont été violés par ces institutions. La Cour de chacun des États constitutifs de la Communauté statue sur les plaintes de citoyens qui estiment que leurs droits ont été violés par les institutions de ces États.

36.Mme NIKOLIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) précise que la distinction entre l’âge de départ à la retraite des hommes et des femmes est instituée par la loi sur les retraites et l’invalidité, qui est de portée générale et ne concerne pas seulement les juges.

37.M. PEKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) explique que la détention dite à mauvais escient «de police» est nécessaire pour engager le processus d’enquête. Le suspect est informé dans les deux heures qu’il peut saisir un juge, et il a quatre heures pour le faire. En vertu de l’article 5 du Code de procédure pénale, il peut à tout moment consulter un avocat et demander un examen médical. Les suspects étrangers peuvent consulter leur représentant consulaire, et les demandeurs d’asile un représentant d’une organisation internationale. Les dossiers personnels doivent être à l’avenir contrôlés par le Conseil supérieur de la magistrature. La formation des juges dure cinq ans parce que l’examen du barreau est particulièrement difficile. Pendant ce stage, les futurs juges participent aux délibérations des tribunaux et autres activités judiciaires.

38.Le PRÉSIDENT invite la délégation de la Serbie‑et‑Monténégro à répondre aux questions 22 à 27 de la liste.

39.Mme NIKOLIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), se référant à la question 22 (art. 25 du Pacte), dit qu’en vertu de la loi électorale les détenus et les citoyens vivant à l’étranger peuvent participer aux scrutins dans leur État d’origine.

40.M. TOMOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit qu’il en va de même au Monténégro depuis la dernière modification de la loi électorale, en 2002.

41.Mme MARKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), répondant à la question 23 concernant la représentation des minorités aux trois Assemblées, dit que les mesures de discrimination positive et la mise en place d’un conseil permanent pour les minorités sont deux faits nouveaux très importants. Les minorités disposent d’un certain degré d’autonomie en matière d’éducation, de culture et d’utilisation de leur langue. La suppression du seuil de 5 % inscrit dans la loi électorale permet la représentation parlementaire des minorités. Ainsi, l’Assemblée de la République de Serbie compte 7 représentants de minorités nationales sur 259 députés, et l’Assemblée de la Communauté compte également 7 représentants de minorités sur 126 membres. La modification prochaine de la loi électorale permettra d’améliorer cette représentation afin qu’elle corresponde à la proportion des minorités dans la population. Les partis de minorités nationales sont présents dans plus de 20 municipalités de Serbie. Une police multiethnique, comprenant des Albanais, a été créée dans le sud de la Serbie. Des mesures de discrimination positive dans le domaine de l’éducation ont été prises en faveur des Roms et d’autres minorités, et 10 langues minoritaires sont utilisées dans le système éducatif préuniversitaire.

42.Mme VOJVODIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit que l’Assemblée du Monténégro compte 8 femmes sur 75 députés. Une unité électorale a été créée qui garantit la participation des partis aux scrutins. Quatre sièges sont réservés aux représentants de minorités qui obtiennent le plus de voix. Cela étant, on constate que les Albanais votent souvent pour des partis locaux et non pour les partis albanais nationaux. En ce qui concerne la question 24, la loi sur les minorités nationales du Monténégro a reçu un avis favorable du Conseil de l’Europe et devrait être adoptée avant la fin de 2004.

43.Répondant à la question 25, Mme MARKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit qu’une stratégie d’intégration de la minorité rom a été mise au point et sert de base aux plans d’action de différents ministères et à diverses mesures prises notamment dans le domaine du logement. À titre de mesures de discrimination positive, les enfants roms n’ont plus à passer de test d’entrée dans les établissements scolaires publics. Leur éducation est financée par le budget de l’État, et les manuels scolaires leur sont fournis dans le primaire et le secondaire. Deux stations de télévision diffusent en rom. Le Conseil national rom reçoit des subventions pour ses activités d’éducation et de promotion. Mais le problème des personnes déplacées garde toute son acuité. Le HCR a élaboré un plan en vue de le régler. En attendant, la Serbie fait de son mieux et s’emploie aussi à assurer l’intégration des Roms revenus de pays de l’Ouest.

44.Mme LALOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit qu’au Monténégro l’intégration de la minorité rom fait l’objet de deux documents stratégiques, l’un sur la lutte contre la pauvreté et l’autre sur la réforme économique. Une des difficultés réside dans l’absence de statistiques fiables sur cette population. Ainsi, le dernier recensement établissait le nombre des Roms du Monténégro à 2 000, alors que tant les services gouvernementaux que les ONG estiment que le nombre réel serait au moins 10 fois plus important.

45.Mme MOHOROVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), se référant à la question 26, dit que le Ministère des droits des minorités s’est efforcé d’imprimer immédiatement le rapport initial de la Serbie‑et‑Monténégro, d’en distribuer des exemplaires en anglais et en serbe à tous les ministères compétents, aux ONG, aux institutions publiques qui s’occupent des minorités et aux bibliothèques et d’afficher le contenu du rapport sur le site Web du Ministère.

46.M. BOŽOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) signale, à propos de la formation et la sensibilisation des fonctionnaires (question 27), qu’un mémorandum d’accord a été conclu entre le Ministère des affaires étrangères de Serbie‑et‑Monténégro et le Bureau des organismes des Nations Unies à Belgrade en vue d’obtenir une assistance technique pour l’établissement des rapports nationaux. Un séminaire sur la méthodologie et les principes d’établissement des rapports a été organisé à l’intention de 27 fonctionnaires de Serbie et de Serbie‑et‑Monténégro et un autre à l’intention des fonctionnaires du Monténégro et de représentants d’ONG. Le délai dans lequel il a fallu établir le rapport initial n’a pas permis que des ONG soient directement associées à son élaboration mais ces organisations ont participé à l’établissement des rapports au titre d’autres conventions.

47.M. PEKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dresse l’inventaire de toutes les activités de sensibilisation des forces de police à la nécessité de protéger les droits des citoyens. Des séminaires et tables rondes ont été organisés en coopération avec l’OSCE (sur la police multiethnique et la traite des êtres humains), avec le Conseil de l’Europe, avec le CICR (sur les droits de l’homme et le droit humanitaire) et avec le Centre pour les droits de l’homme de Belgrade (sur l’établissement des rapports et l’application des conventions). L’Inspection générale de la police veille au développement de ces activités de sensibilisation. S’agissant de la formation des magistrats, un centre de formation judiciaire a été créé dont les activités débordent du strict cadre judiciaire et comportent des stages de formation sur les divers droits fondamentaux (droit à la vie, liberté d’expression, etc.).

48.M. TOMOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit qu’au Monténégro des activités de formation des magistrats sont organisées en coopération avec une ONG locale et une institution dont le siège est à Londres, dont un programme de formation continue sur quatre à cinq ans qui est également ouvert aux procureurs. En ce qui concerne la formation des policiers, les droits de l’homme et la mise en œuvre des conventions font partie des matières d’examen dans le collège de la police. Les textes des Nations Unies sont utilisés pour la formation du personnel pénitentiaire. Toutes ces activités de formation renvoient aussi bien aux conventions européennes qu’à celles des Nations Unies.

49.Mme MARKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro) dit que les activités de formation doivent aussi toucher les représentants des minorités afin de leur faire connaître les instruments internationaux relatifs aux droits des minorités auxquels la Serbie‑et‑Monténégro est partie et de les initier à l’utilisation des mécanismes mis en place par ces instruments.

50.M. WIERUSZEWSKI dit que le refus d’arrêter une personne sans un mandat du juge à cet effet n’est pas un principe qu’il faut respecter en toute circonstance, surtout lorsqu’il permet au suspect de s’échapper. L’ONG Astra a évoqué une situation qui renvoie à l’article 24 du Pacte et qui concerne l’enregistrement des naissances et des décès de nouveau‑nés, situation qui semble nécessiter une modification de la loi correspondante. Sur la question 23, la représentation des minorités nationales par des partis nationalistes n’est pas nécessairement une bonne chose. Il importe, par contre, que les minorités ne soient pas sous‑représentées dans certains domaines, celui de la police en particulier. En ce qui concerne la question 25, il serait intéressant de savoir s’il existe une loi spéciale sur la lutte contre la discrimination de manière générale, et pas seulement contre les Roms, et si des institutions sont créées en vertu de cette loi. Enfin, s’agissant des activités de formation, l’État partie a incontestablement une approche dynamique de la question et il convient de noter le soutien que lui apporte le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme.

51.M. SCHEININ dit que la préoccupation sous‑jacente à la question 24 tient au fait que l’article 27 du Pacte ne limite pas la notion de minorité aux minorités nationales puisqu’il comprend aussi les minorités religieuses, linguistiques, etc. La référence aux instruments européens est donc insuffisante, parce que ces instruments n’ont pas de disposition équivalente à l’article 27. S’agissant de la discrimination contre les Roms (question 25), la suppression des tests d’entrée dans les établissements scolaires n’est pas une mesure de discrimination positive; c’est la suppression d’une mesure discriminatoire. Il subsiste le problème de l’exclusion de fait, tant est grand le nombre des enfants roms qui ne sont pas scolarisés. Enfin, sur la question de la fiabilité des statistiques concernant les minorités, les États parties hésitent souvent à collecter des statistiques ventilées sur des bases ethniques parce que la crainte de la discrimination entraîne une sous‑estimation du nombre des personnes appartenant aux minorités, mais les recensements ne sont pas la seule méthode scientifique de collecte de données fiables.

52.Mme CHANET dit que tout en saluant le souci de l’État partie de se reconstruire sur des bases nouvelles, elle juge indispensable de tirer les leçons du passé en ce qui concerne la question des minorités, afin d’éviter que ne se renouvelle la tragédie qu’a vécue cette région. Elle relève à cet égard que le rapport contient au paragraphe 986 un tableau présentant la répartition des différentes nationalités au Monténégro; il serait intéressant de disposer d’un tableau semblable pour la Serbie.

53.Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a relevé que les manuels scolaires de Serbie‑et‑Monténégro tendaient à présenter les minorités sous un jour défavorable; l’État partie a‑t‑il l’intention de réviser ces manuels scolaires? Elle demande si la création d’une police multiethnique dans le sud de la Serbie est une expérience isolée ou si elle est destinée à s’étendre au reste de la Serbie. Elle voudrait aussi savoir s’il y a des magistrats non serbes, en particulier à la Cour suprême. Quant à la répartition des sièges dans les assemblées, où un petit nombre de sièges revient aux minorités nationales, elle note que ce système a été jugé peu satisfaisant par la délégation et voudrait savoir s’il sera modifié.

54.Mme WEDGWOOD note avec intérêt qu’une nouvelle loi permet de voter aux personnes ne pouvant se déplacer, et en particulier aux détenus. Elle demande s’il est exact qu’en cas de référendum sur la dissolution de la Communauté étatique les personnes qui ne résident pas dans la République dont ils sont citoyens, par exemple un Monténégrin vivant à Belgrade, ne pourraient pas voter.

55.M. YALDEN salue la qualité de la présentation du rapport par la Serbie‑et‑Monténégro et la représentativité de sa délégation, qui comprend un grand nombre de femmes. En ce qui concerne la représentation politique des minorités ethniques, il relève que si la Charte constitutionnelle comporte un certain nombre de garanties en ce sens on ne connaît pas la réalité de la pratique en la matière. Ainsi, l’article 52 de la Constitution réserve aux minorités nationales un certain nombre de sièges à l’Assemblée des États membres et à l’Assemblée de la Communauté étatique. Or comme aucune statistique sur ce point n’est établie selon l’État membre, il est impossible de savoir si les dispositions constitutionnelles sont effectivement respectées. Pour connaître la situation réelle des minorités, il est indispensable de savoir dans quelle mesure elles sont représentées au Parlement, mais aussi dans la fonction publique et dans le secteur privé.

56.Pour ce qui est de la discrimination dont sont victimes les Roms, M. Yalden relève que d’après les ONG leur situation est déplorable en Serbie‑et‑Monténégro, de même d’ailleurs que dans de nombreux autres pays d’Europe. L’État partie a manifesté une volonté réelle d’améliorer les choses, et il est encourageant d’apprendre que le nombre d’agressions à l’encontre des Roms diminue, que leurs auteurs sont poursuivis et que les examens d’entrée à l’école ayant un effet discriminatoire à l’encontre des enfants roms ont été supprimés. Toutefois, il reste beaucoup à faire pour lutter contre la discrimination dont sont victimes les Roms. Enfin, M. Yalden souhaiterait savoir s’il est prévu d’instituer un médiateur au niveau de la Communauté étatique et de créer une commission nationale des droits de l’homme, que ce soit au niveau des États ou au niveau de la Communauté étatique.

57.Mme MARKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), répondant à la question relative à la représentation des minorités nationales au Parlement, admet qu’il n’est pas obligatoire que ces minorités soient représentées par des partis spécifiques, mais affirme que la nouvelle loi tient compte de la réalité, qui est que les membres des minorités nationales bosniaque, albanaise et hongroise notamment tendent à voter exclusivement pour leurs partis nationaux.

58.Concernant la police multiethnique instaurée dans le sud de la Serbie, il ne s’agit pas d’une expérience limitée dans le temps mais d’une mesure permettant de réintégrer les Albanais et les Roms qui avaient été exclus par le passé. Dans la partie serbe du Sandjak, les Serbes et les Bosniaques sont en nombre à peu près égal, et leur représentation dans les forces de police est un reflet de cette situation.

59.Il est exact que la suppression de l’examen d’entrée à l’école n’est pas une mesure d’action positive mais plutôt la réparation d’une injustice. À ce sujet, les enfants roms fréquentent peu l’école, principalement pour des raisons économiques et parce qu’ils ne maîtrisent pas la langue. C’est pourquoi des classes de préparation ont été créées afin de leur permettre de suivre une scolarité.

60.En ce qui concerne les données statistiques, il est vrai que les données sur le nombre de Roms ont été longtemps sous‑estimées. Il est nécessaire, pour pouvoir appliquer des mesures de lutte contre la discrimination, de connaître l’importance numérique de cette population. Des études sont actuellement réalisées afin de pouvoir disposer de données fiables en la matière. Les manuels scolaires donnaient une image négative des minorités et de l’Église catholique, et négligeaient l’histoire des minorités; c’est pourquoi ils ont été révisés en 2002. Il convient de noter que le Ministère de l’éducation doit inclure dans les conseils chargés d’établir les manuels scolaires des représentants des minorités nationales. Enfin, il est important de signaler qu’une loi de lutte contre la discrimination raciale sera examinée par le Parlement à la session d’automne.

61.M. TOMOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), répondant à la question relative au vote des détenus, explique qu’il est possible depuis 1984. Sur la question du référendum, les modalités seront définies par la loi électorale pertinente. Il confirme en outre qu’aucune disposition de la Charte constitutionnelle ne prévoit d’instituer une commission nationale des droits de l’homme ni un médiateur au niveau de la Communauté étatique.

62.M. BOŽOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), en réponse à la question sur la représentation des minorités dans la police, indique qu’à Novi Pazar le responsable de la police est Bosniaque et que de même dans les postes de police des régions frontalières proches de la Bulgarie et de la Bosnie les responsables sont des représentants des minorités.

63.Mme VOJVODIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), répondant à la même question en ce qui concerne le Monténégro, précise qu’elle ne peut pas fournir de statistiques sur la représentation des minorités dans la police. Toutefois, elle peut dire que dans de nombreuses municipalités où les minorités nationales sont très présentes le chef de la police est un représentant d’une minorité.

64.M. PEKOVIĆ (Serbie‑et‑Monténégro), répondant à la question sur les juges, dit qu’il ne dispose pas de chiffres mais qu’au moins 10 juges de la Cour suprême sont Monténégrins et que plusieurs sont Hongrois ou Roumains. Dans d’autres juridictions des magistrats éminents appartiennent à des minorités, hongroise et musulmane par exemple.

65.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et souligne en conclusion la qualité du rapport présenté par l’État partie et des réponses données aux questions du Comité, tout en regrettant que le document communiqué par écrit, certes utile, n’était accessible qu’aux anglophones. Il prend note de l’appel à la coopération technique lancé par la délégation. Il félicite l’État partie d’avoir aboli la peine de mort, en espérant que cet exemple inspirera les États qui continuent à prononcer et à exécuter la peine de mort. Il espère que la future loi de lutte contre la discrimination contribuera à éliminer toutes les formes de discrimination dont sont victimes notamment les Roms et les personnes déplacées. Des progrès restent à réaliser en ce qui concerne la traite des femmes, la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la protection des témoins.

66.De façon plus générale, le Président souhaite en premier lieu rappeler la continuité des obligations des États, au‑delà des changements de situation juridique et de dénomination. Si cette continuité peut être discutée sur le plan juridique et politique, il est indispensable, sur le plan éthique, que les victimes de violations du Pacte obtiennent justice. En deuxième lieu, le Comité a pris note de la proposition de la délégation selon laquelle un rapport distinct pourrait être présenté sur le Kosovo. Dans la mesure où l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont toujours affirmé la souveraineté de l’État partie sur le Kosovo, on pourrait considérer que c’est à l’État partie de prendre des mesures pour pouvoir donner des informations sur la situation des droits de l’homme dans cette province. On peut douter que, sur le plan juridique, le Comité puisse demander à la MINUK de présenter un rapport. Mais en tout état de cause, la population du Kosovo a droit à la protection établie en vertu du Pacte et le Comité accordera à cette question toute l’attention nécessaire.

67.En troisième lieu, en ce qui concerne la coopération avec le Tribunal pénal international, un certain nombre de difficultés ont surgi, liées à des questions politiques; mais le droit n’a pas à tenir compte des limites et des contingences de la politique car, pour le respect des droits de l’homme, il est absolument nécessaire de lutter contre l’impunité.

68. La délégation de la Serbie ‑et ‑Monténégro se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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