NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.219816 août 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2198e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 13 juillet 2004, à 10 heures

Président: M. AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Quatrième rapport périodique de la Belgique (suite)

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENTÀ L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/BEL/2003/4; CCPR/C/80/L/BEL) (suite)

1. La délégation belge reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite les membres de la délégation belge à répondre aux questions qui ont été posées oralement à la séance précédente concernant les points 1 à 12 de la liste (CCPR/C/80/L/BEL).

3.M. PIJL (Belgique), répondant à la question du degré d’indépendance du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P), indique que celui‑ci a le même statut que trois autres institutions émanant également du Parlement: la Cour des comptes, la Commission pour la protection de la vie privée et le Comité de contrôle des services de renseignement. Ces quatre institutions sont pleinement indépendantes sur le plan de la gestion et des finances et ne rendent compte qu’au Parlement. Pour bien comprendre l’indépendance dont jouit le Comité P, il faut connaître sa nature et son rôle ainsi que la nature et le rôle de son service d’enquête. Le contrôle des services de police assuré par le Comité P est régi par la loi du 18 juillet 1991 qui en a porté création. Il vise à la fois le respect des droits des personnes conférés par la Constitution et la législation belges et la coordination et l’efficacité des services de police. Il ne s’applique pas aux autorités judiciaires et administratives, non plus qu’à leurs actes dans l’exercice de l’action publique. Le Comité P ne peut pas déclencher l’action publique. Il n’a pas pour mission première de constater des faits individuels au sein des services de police ni d’examiner systématiquement l’ensemble des plaintes visant ces services. Le contrôle qu’il effectue est sans préjudice des contrôles et inspections organisés en vertu d’autres lois. Dans la pratique, le Comité P travaille en partenariat avec les parties intéressées, notamment l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale, ainsi que les services de contrôle interne. Il est composé de cinq membres nommés par la Chambre des représentants, qui ne peuvent exercer aucune charge élective et ne peuvent pas être membres d’un service de police. En d’autres termes, le Comité P est composé de civils, souvent des magistrats, n’ayant aucun lien avec les forces de police. Le Comité P a pour fonction d’enquêter sur les activités et les méthodes des services de police, de traiter les demandes émanant du Parlement et du Gouvernement ainsi que les plaintes et dénonciations qui lui sont soumises. Il est doté d’une branche opérationnelle, le Service d’enquête, dont il nomme les membres, qui relèvent de sa seule autorité. Le Service d’enquête examine les plaintes et les dénonciations, enquête sur les infractions commises par les fonctionnaires de police et effectue les enquêtes et contrôles que le Comité P lui confie après avoir déterminé la suite à donner aux plaintes reçues. Les enquêtes de contrôle sont également soumises au Comité P, qui les présente à son tour au Parlement et aux autorités concernées. Tout cela montre bien qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur le statut du Service d’enquête du Comité P, ni de douter de son efficacité. Il est composé pour moitié au moins de membres des services de police ou d’administrations publiques, conformément à la loi et parce qu’il est important que les enquêteurs connaissent les subtilités du travail et du monde de la police, sachant en outre qu’il n’est pas toujours facile d’enquêter dans le milieu des forces de l’ordre.

4.Toujours à propos des garanties d’indépendance du Service d’enquête proprement dit, M. Pijl indique que les fonctionnaires de la police qui en font partie sont détachés pour un mandat de cinq ans renouvelable, pendant lequel ils relèvent de la seule autorité du Comité P. À la fin du premier mandat de cinq ans, et après un rapport d’évaluation positif, le fonctionnaire de police peut demander son transfert définitif dans le Service d’enquête du Comité P. À la fin du deuxième mandat de cinq ans, et toujours sur la base d’un rapport d’évaluation positif, il peut être affecté de plein droit au Service d’enquête. Ainsi, les membres du Service d’enquête détachés jouissent de l’ensemble des garanties leur permettant d’agir en toute indépendance par rapport à leur corps d’origine et même de ne pas y retourner. Si néanmoins un membre du Service d’enquête souhaite être réaffecté dans un service de police, ou s’il est contraint de le faire, il intègre l’unité de son choix. Pour conclure, M. Pijl fait observer que c’est au Service d’enquête du Comité P que le Gouvernement belge a confié l’enquête qu’il a diligentée concernant la procédure d’enquête conduite par les cours d’appel de Liège et de Gand et la Cour de cassation dans l’affaire Dutroux, ce qui constitue une preuve supplémentaire de l’indépendance du Service d’enquête.

5.M. DE VULDER (Belgique), répondant aux questions qui ont été posées sur le statut des étrangers victimes d’une infraction commise par un tiers, rappelle que dans certains cas ces personnes ont la possibilité d’obtenir le statut de victime de la traite des êtres humains. Lorsque cela n’est pas possible, l’Office des étrangers leur octroie, par analogie, une autorisation de séjour temporaire pour leur permettre de constituer leur dossier et de plaider leur cause devant les tribunaux.

6.Un membre du Comité s’est interrogé sur la possibilité de régulariser à titre définitif ou temporaire la situation des étrangers qui séjournent illégalement en Belgique, compte tenu de la loi du 15 décembre 1980. Tout d’abord il faut savoir que cette loi ne prévoit pas explicitement de mesure de régularisation. Elle offre néanmoins une possibilité pour un étranger qui se trouve déjà en Belgique d’obtenir une autorisation de séjour temporaire ou définitive, ce qui constitue une dérogation à la règle générale selon laquelle l’autorisation de séjour doit être obtenue avant l’entrée sur le territoire national. Ainsi, un étranger en situation irrégulière sur le territoire belge qui est victime d’une infraction commise par un tiers peut obtenir une autorisation de séjour temporaire ou définitive, mais la seule qualité de victime ne suffit pas et d’autres éléments interviennent dans la décision. L’opération de régularisation en vertu de la loi du 22 décembre 1999 à laquelle il a été fait allusion répondait à des critères différents de ceux prévus par la loi du 15 décembre 1980. Il s’agissait d’une mesure ponctuelle, qui a entraîné l’ouverture de 35 000 dossiers (concernant au total 50 000 personnes), dont 80 % ont reçu une réponse favorable.

7.En réponse à une question concernant les zones de transit, M. De Vulder rappelle que les conditions d’accès au territoire belge sont fixées par l’article 5 de la Convention de Schengen, qui a été incorporée dans le droit belge. L’une de ces conditions est l’obtention d’un visa, mais ce n’est pas la seule. Il faut également justifier de ressources financières suffisantes et préciser le but du séjour en Belgique. Ces conditions doivent être remplies dès le dépôt de la demande de visa mais aussi au moment où l’intéressé se présente à la frontière. Si l’accès au territoire belge lui est refusé à la frontière, il est placé dans la zone de transit de l’aéroport national de Bruxelles jusqu’au prochain vol à destination du pays d’où il vient à moins d’indiquer un autre pays de son choix. La personne placée dans la zone de transit peut décider à tout moment de se rendre dans le pays de son choix ou de revenir dans le pays d’où elle vient. Si aucune place n’est disponible sur un vol avant un ou deux jours, la personne est alors transférée dans un centre INAD, plus approprié pour les séjours de courte durée, puisqu’il dispose des infrastructures sanitaires et autres nécessaires. En moyenne, le séjour dans un centre INAD dure 36 heures. Enfin, il convient de préciser que les autorités ont l’obligation d’offrir trois repas par jour aux personnes placées dans la zone de transit.

8.M. DEBRULLE (Belgique), revenant sur la question de la répudiation, indique qu’elle a fait l’objet d’un débat parlementaire long et houleux. Il rappelle que, dans le cadre d’accords bilatéraux, le Gouvernement belge a reconnu certains effets de droit à la mesure de répudiation, que la loi définit comme un acte établi à l’étranger, confirmant la volonté du mari de dissoudre le mariage sans que la femme ait disposé d’un droit égal à celui accordé à son époux. Le Parlement a adopté une disposition du Code de droit international privé qui entrera en vigueur le 1er octobre 2004, fixant plusieurs conditions cumulatives pour donner effet en Belgique à l’acte de répudiation. Il faut que l’acte soit homologué par la juridiction de l’État dans lequel il a été établi, qu’au moment de l’homologation aucun des deux époux n’ait la nationalité d’un État dont le droit ne reconnaît pas cette forme de dissolution du mariage, ou ne réside dans un tel État. Enfin, la femme doit avoir accepté de manière certaine et sans contrainte la dissolution du mariage. L’un des arguments qui ont fait pencher les députés en faveur de cette nouvelle disposition est que, dans un certain nombre de cas, la répudiation présente un intérêt pour l’épouse elle‑même, notamment quand elle veut se remarier.

9.La question des modalités de l’accès à un avocat et un médecin durant la garde à vue avait déjà été soulevée par le Comité en 1998 dans ses observations finales concernant l’examen du troisième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/94/Add.3; CCPR/C/79/Add.99). À la suite de ces observations, le Gouvernement belge de l’époque avait mis sur pied un groupe de travail composé de représentants de toutes les parties concernées (avocats, juges d’instruction et parquet) qui a conclu qu’il n’était pas opportun de consacrer dans les textes l’accès à un avocat et à un médecin durant la période très limitée de la garde à vue. Cela étant, la question est délicate car elle touche au statut et au rôle que devraient avoir un avocat et un médecin dans ce cadre. M. Debrulle se souvient que le barreau belge était, par exemple, inquiet de ce que la présence d’un avocat puisse être interprétée comme une caution de certaines pratiques policières. En ce qui concerne le médecin, un membre du Comité des droits de l’homme était d’avis que son rôle devrait être de garantir que la personne en garde à vue bénéficie des soins dont elle a besoin; M. Debrulle fait cependant observer qu’en droit belge cette mission est davantage celle d’un médecin légiste. En tout état de cause, le rôle du médecin ne saurait consister à se porter garant du bon état de santé de l’intéressé. Cela étant, les dispositions du projet de loi sur la question qui est actuellement soumis au Parlement peuvent encore être affinées, et le Comité pourrait d’ailleurs contribuer utilement au débat des parlementaires belges en indiquant sur quels principes devraient se fonder les dispositions relatives à l’accès à un avocat et à un médecin durant la garde à vue.

10.Une question a été posée concernant la façon dont les dispositions de la décision‑cadre du Conseil de l’Union européenne relative à la lutte contre le terrorisme ont été transposées dans le droit interne, compte tenu en particulier du caractère relativement vague de la détermination de l’infraction dans la décision‑cadre. Le Comité peut avoir l’assurance que les autorités belges ont pris un certain nombre de précautions pour éviter toute dérive, ce que reflète la loi de transposition entrée en vigueur le 1er janvier 2004. Certes, l’article 137 du Code pénal reprend la définition de l’infraction terroriste telle qu’elle figure dans la décision‑cadre de l’Union européenne, mais les autorités se sont attachées à la préciser dans un certain nombre d’autres dispositions. Ainsi, deux nouvelles dispositions ont été intégrées au Code pénal pour éviter les problèmes d’interprétation. Le Parlement a assorti l’article 139 d’une disposition supplémentaire prévoyant que les organisations dont l’objet réel est exclusivement d’ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux ou qui poursuivent exclusivement un autre but légitime ne peuvent en tant que telles être considérées comme des groupes terroristes. Le Parlement a également adopté l’article 141 ter du Code pénal qui prévoit qu’aucune des dispositions dudit Code relatives aux infractions terroristes ne peut être interprétée comme visant à réduire ou à entraver des droits et libertés fondamentaux comme le droit de grève, la liberté de réunion, d’association et d’expression, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la défense de ses intérêts, et le droit de manifester qui s’y rattache. Plusieurs associations belges à but non lucratif ont saisi en juin 2004 la cour d’arbitrage d’un recours en annulation contre la loi du 19 décembre 2003. Cette juridiction sera amenée à se prononcer prochainement sur la constitutionnalité de cette loi, et sa décision est attendue avec beaucoup d’intérêt.

11.En réponse aux questions qui ont été posées sur la loi de compétence universelle, M. Debrulle indique que cette loi, modifiée en 2003, avait été adoptée en 1993 à l’unanimité par le Parlement. Elle visait à rendre le droit interne conforme aux obligations découlant des Conventions de Genève, en autorisant la Belgique à poursuivre les auteurs de crimes de guerre, quels que soient la nationalité des auteurs, le lieu où les crimes ont été commis et la nationalité des victimes. Son application de la loi a été ensuite étendue en 1999 au crime de génocide et aux crimes contre l’humanité. À compter de ce moment‑là les plaintes se sont multipliées: une cinquantaine ont été déposées au titre de la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves. Il convient de préciser également que, conformément au droit belge, l’action publique est déclenchée de plein droit par la simple constitution de parties civiles. Un membre du Comité s’est demandé si, avec cette loi, la Belgique ne s’était pas transformée en une sorte de juridiction pénale internationale dont l’ambition était de juger le monde entier. M. Debrulle assure le Comité que les autorités belges ont su tirer les leçons de l’expérience. Leurs conclusions sont doubles. Premièrement, si les victimes étaient si nombreuses à se tourner vers la Belgique pour obtenir réparation, c’est qu’elles n’avaient sans doute pas la possibilité de le faire dans leur propre pays ou par l’intermédiaire d’une juridiction internationale comme la Cour internationale de Justice. Et deuxièmement, un petit pays, même riche et développé, ne peut pas mener seul le combat contre l’impunité pour les crimes les plus graves. À cet égard, la modification opérée en 2003 constitue d’une certaine façon une interpellation des membres de la communauté internationale en général, et de l’Union européenne en particulier, sur la question des moyens d’agir solidairement pour assurer le respect des engagements internationaux souscrits par les États. Les autorités belges considèrent qu’il incombe aux États‑nations de se doter des moyens nécessaires pour poursuivre les auteurs des crimes les plus graves. En ce qui concerne les plaintes qui avaient été déposées en vertu de la loi de compétence universelle, seules 40 sont encore aujourd’hui pendantes, dont une vingtaine sont en cours d’instruction. La plupart de celles qui ont été déclarées irrecevables au titre de la nouvelle loi de 2003 l’ont été au motif qu’elles étaient contradictoires avec l’arrêt de la Cour internationale de Justice (du 11 avril 2000 − République démocratique du Congo c. Belgique) dans lequel celle‑ci a considéré que les juridictions nationales n’étaient pas compétentes pour poursuivre des chefs d’État, chefs de gouvernement ou ministres des affaires étrangères pour des actes réalisés dans l’exercice de leurs fonctions. La nouvelle loi ne réduit pas à néant les possibilités de poursuites. En vertu de l’article 10 ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, l’étranger ayant commis en dehors du territoire de la Belgique une violation grave du droit international humanitaire à l’encontre d’une personne qui, au moment des faits, était ressortissant belge ou résidait depuis trois ans dans le pays pourra être poursuivi. Les poursuites sont engagées exclusivement à l’initiative du ministère public et ne peuvent pas être exercées contre les personnes auxquelles la Cour internationale de Justice a reconnu une immunité de juridiction. En vertu d’une disposition transitoire, les affaires en instance pourront continuer à être traitées, à condition qu’un acte d’instruction ait déjà eu lieu et qu’un plaignant au moins ait eu la nationalité belge au moment de l’engagement de l’action publique ou que l’auteur des infractions ait eu sa résidence principale en Belgique à la date de l’entrée en vigueur de la loi.

12.En ce qui concerne l’affaire des militaires belges en Somalie, il faut savoir que dans les 270 dossiers recensés figurent non seulement des exactions à caractère raciste commises par des militaires belges en Somalie, mais aussi des actes n’ayant pas de caractère raciste commis en Belgique ou en Somalie par des membres des mêmes unités, ou encore des vols commis par des Somaliens au détriment des forces armées belges. Dans les 31 cas où des poursuites ont été engagées, des mesures disciplinaires ont été prises ultérieurement y compris pour des personnes qui ont été condamnées au pénal. À la suite de ces événements, une loi a retiré aux juridictions militaires la compétence pour connaître des faits commis en temps de paix par des militaires.

13.Pour ce qui est des bases juridiques de la compétence des juridictions nationales pour connaître de ces faits, le Code d’instruction criminelle prévoit dans son article 18 que quiconque étant soumis aux lois militaires a commis une infraction sur un territoire étranger peut être poursuivi en Belgique.

14.Sur la question de l’octroi du droit de vote aux étrangers, la loi du 19 mars 2004 accorde ce droit, mais non le droit d’éligibilité, aux personnes ne ressortissant pas à l’Union européenne. Les quelque 150 000 personnes concernées pourront exercer le droit de vote à partir de 2006.

15.En ce qui concerne l’application de la loi de février 2004 relative à la discrimination, la loi belge aboutit aux résultats voulus par la Directive européenne par une voie qui lui est propre, consistant à établir une distinction entre différence et discrimination. La jurisprudence déterminera à quel moment, par manque de proportionnalité, une différence devient une discrimination. La preuve est apportée à l’aide de tests de situation, du moins en matière civile, car au pénal ce sont les principes de la présomption d’innocence et de l’intime conviction du juge qui s’appliquent.

16.Sur la question de la suppression du financement public de partis liberticides, la Chambre élue en 2003 a adopté une législation en ce sens, mais le Sénat ne s’est pas encore saisi de la question. Le Comité des droits de l’homme pourrait engager le Sénat à faire diligence afin que la loi puisse entrer en vigueur rapidement.

17.Sur la question de la répression des violences conjugales, on peut relever que les chiffres les plus récents marquent un certain progrès dans le dépôt de plaintes et l’engagement de poursuites. Les autorités font un effort constant dans ce domaine, notamment en proposant une formation des acteurs du système judiciaire et en sensibilisant l’opinion publique.

18.Pour ce qui est de l’institution des médiateurs fédéraux, du Centre pour l’égalité des chances et de la création d’une commission nationale des droits de l’homme, M. Debrulle précise que la Belgique, pays de droit romano‑germanique, a un système de juridiction administrative dont la plus haute institution est le Conseil d’État, et que les fonctions de médiateur ne viennent qu’en complément de ces juridictions. Deux médiateurs, l’un francophone et l’autre néerlandophone, nommés par le Parlement, sont chargés d’examiner les réclamations relatives au fonctionnement des autorités administratives fédérales, de mener des enquêtes et de formuler des recommandations aux autorités compétentes. Les médiateurs font un rapport annuel qui s’adresse aux différents départements fédéraux pour leur signaler les dysfonctionnements éventuels de leurs services. Le Centre pour l’égalité des chances, qui a plus de 10 ans, est chargé de diverses missions, essentiellement de lutte contre le racisme et la traite des êtres humains; il est compétent pour ester en justice. La Belgique n’a pas à proprement parler d’institution nationale chargée de veiller au respect des droits de l’homme, mais cette situation est en train d’évoluer: dans un premier temps, une commission nationale des droits de l’enfant va être créée. De plus, un groupe de travail a été constitué pour déterminer le statut et les compétences d’une future commission nationale des droits de l’homme. Enfin, l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes a vu ses compétences élargies à l’ensemble des questions de droits de l’homme.

19.Le mandat d’arrêt européen a été adopté en application d’une décision‑cadre de l’Union européenne. Se substituant à la procédure d’extradition, il permet un transfert plus rapide des personnes faisant l’objet d’un certain nombre d’incriminations aux autorités judiciaires d’un autre pays, grâce à une reconnaissance mutuelle des mandats d’arrêt nationaux. La procédure relève entièrement des autorités judiciaires des États concernés sauf si, par exemple, la même personne fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen et d’une demande d’extradition par un pays tiers, auquel cas il appartiendra à l’exécutif de déterminer à quelle demande il convient de donner la priorité. Dans sa transposition de la décision‑cadre, la Belgique a pris soin de veiller au respect des droits de la défense.

20.Pour ce qui est du projet de loi relative à l’entraide judiciaire pénale internationale, la faculté d’appréciation laissée aux autorités judiciaires, si l’intéressé encourt la peine de mort dans le pays demandeur, se justifie par le fait que dans certains cas l’acceptation de la demande d’aide judiciaire est utile à l’intéressé, car elle permet d’apporter des éléments susceptibles de le disculper. En tout état de cause, si elle est susceptible d’aboutir à une condamnation à mort, l’entraide judiciaire sera refusée, à moins que l’État en cause ne donne l’assurance que la peine de mort ne sera pas prononcée ou que si elle est prononcée elle ne sera pas exécutée.

21.M. KÄLIN, revenant sur la suite donnée aux exactions commises en Somalie par des militaires belges, précise que sa question portait sur la responsabilité de l’État belge en cas de violation du Pacte en dehors de son territoire. Le Comité a soutenu de façon constante l’existence de la responsabilité de l’État pour les violations du Pacte commises sous sa juridiction, même en dehors de son territoire, point confirmé tout récemment par la Cour internationale de Justice dans l’avis consultatif du 9 juillet 2004 (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé).

22.M. YALDEN dit qu’il est encourageant que la création d’une commission nationale des droits de l’homme soit à l’étude. Il prend note des réponses apportées par la délégation belge au sujet du manque d’indépendance supposé du Comité P et il souligne que ce problème ayant été mentionné par plusieurs ONG belges il conviendrait que l’État partie fasse bien connaître cet organe à la société civile du pays afin de lever les doutes quant à son indépendance.

23.M. LALLAH regrette que la délégation belge n’ait pas vraiment examiné son droit interne au regard du Pacte et fasse preuve d’un certain eurocentrisme, en s’attachant davantage aux obligations de l’État partie à l’égard de l’Union européenne. Comme la Belgique est partie au Protocole facultatif, il veut espérer que l’examen des communications fournira l’occasion d’analyser ce droit interne de façon plus précise. En ce qui concerne le mandat d’arrêt européen, il fait observer que la Belgique délègue en la matière sa responsabilité au titre du Pacte à d’autres États de l’Union. Il aurait souhaité un débat sur les obligations de la Belgique, en vertu de l’article 9 notamment, dans l’optique de ce mandat d’arrêt européen.

24.Sir Nigel RODLEY demande des précisions sur la durée de la garde à vue ordonnée par une autorité judiciaire (procureur ou juge) et voudrait savoir dans quels délais l’intéressé a droit à l’assistance d’un avocat?

25.M. KHALIL, revenant sur la question des étrangers en situation irrégulière qui, s’ils cherchent à obtenir réparation en cas de violation de leurs droits, risquent une mesure d’expulsion, insiste sur le fait que pour se conformer au cadre juridique posé par l’article 2 du Pacte et assurer un recours utile, l’État partie devrait prévoir la suspension de la procédure d’expulsion dans ces cas et, d’une façon générale, envisager de régulariser la situation d’un plus grand nombre d’étrangers. Ce point est d’autant plus important si l’on considère le nombre élevé de personnes d’origine étrangère en Belgique. Enfin il espère que le décret royal relatif aux modalités d’application des tests de situation sera adopté prochainement.

26.Mme WEDGWOOD relève, au sujet de la loi de compétence universelle, que de nombreux pays d’Europe ne prévoient aucun dispositif en ce sens. Il faut trouver un juste milieu et l’adoption du principe de complémentarité applicable à la Cour pénale internationale − à savoir que celle‑ci ne peut connaître d’une affaire que si le plaignant apporte la preuve que la juridiction compétente ne veut pas ou ne peut pas rendre justice − peut être une solution. Revenant sur la question des exactions commises par des militaires en Somalie, elle souligne que la position des Nations Unies a toujours été que le pays qui envoie des troupes dans le cadre d’une mission de maintien de la paix en assume la responsabilité du point de vue disciplinaire. Il est indispensable qu’un organe indépendant se penche sur la question de la suite donnée à ces violations graves des droits de l’homme, les sanctions infligées par les autorités militaires n’étant de toute évidence pas appropriées.

27.Le PRéSIDENT invite les membres de la délégation belge à répondre aux remarques du Comité.

28.M. PIJL (Belgique) dit qu’il ne manquera pas pour sa part de rappeler au Président du Comité P la nécessité de dialoguer avec les ONG.

29.M. DEBRULLE (Belgique) dit que la question de la responsabilité de l’État pour violation est très importante et qu’il est difficile d’y répondre de façon improvisée. À sa connaissance, son pays n’a pas consacré, judiciairement ou légalement, le principe de la compétence extraterritoriale. Le Comité recevra par écrit une réponse approfondie.

30.Un certain «eurocentrisme» dans les réponses a été reproché à la délégation; le rapport présente pourtant, article par article, tous les éléments disponibles sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Mais pour répondre à certaines questions des membres du Comité, par exemple au sujet du mandat d’arrêt européen, on est obligé de se référer à d’autres engagements. La négociation et la transposition du mandat d’arrêt européen dans le droit belge se sont faites dans le respect des dispositions du Pacte, notamment de celles sur les droits de la défense, la présomption d’innocence ou encore le droit de recours dans des délais raisonnables. Cette transposition est évidemment tributaire d’un acte qui relève de l’Union européenne dans la mesure où la Belgique a fait concession de souveraineté en la matière.

31.La garde à vue judiciaire est de 24 heures avant présentation à un juge, qui peut délivrer un mandat d’arrêt pour 5 jours, reconduit ensuite de mois en mois par la Chambre du Conseil. En revanche, la détention administrative est de 12 heures, pendant lesquelles une personne, pour des raisons de maintien de l’ordre public, peut être maintenue en détention avant d’être libérée, sauf si elle fait alors l’objet d’un mandat d’arrêt, auquel cas ce sont les règles relatives au mandat d’arrêt qui s’appliquent.

32.Les autorités belges ont tiré les leçons de ce qui s’était passé en Somalie puisqu’il a été mis fin à la compétence des juridictions militaires en temps de paix à l’encontre des militaires. Ainsi, des militaires qui se comporteraient de nouveau de la sorte répondraient de leurs actes devant des juridictions de droit commun.

33.Le président invite la délégation belge à répondre maintenant aux questions 18 à 25 de la liste des points (CCPR/C/80/L/BEL).

34.M. DE VULDER (Belgique), répondant à la question n° 18, dit que la circulaire ministérielle du 23 juillet 2002 est une instruction du Ministre de l’intérieur à la Direction générale de l’Office des étrangers qui n’a pas été publiée mais qui n’en est pas moins bien connue de l’administration; elle est appliquée par l’Office des étrangers et il y est souvent fait référence dans la jurisprudence. Depuis la parution, le 1er août 2002, de la note de service qui s’y rapporte, il n’est plus procédé à aucun éloignement d’étrangers (demandeurs d’asile déboutés ou autres) tant que le Conseil d’État n’a pas statué sur les recours en suspension introduits en extrême urgence.

35.M. DEBRULLE (Belgique), répondant à la question de savoir si la Cour de cassation estime toujours que l’article 14 du Pacte ne s’applique pas aux décisions des juridictions d’instruction sur la détention provisoire (question no 19), explique que la jurisprudence de la Cour est maintenant plus nuancée. Ainsi, dans une décision du 29 septembre 1999 et dans son rapport annuel de 2002, la Cour de cassation a considéré que l’article 14 du Pacte, tout comme l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est applicable devant des juridictions d’instruction dans la mesure où l’inobservation de ces dispositions avant la saisine du juge du fond risquerait de compromettre gravement le caractère équitable du procès. La Cour de cassation, dans sa jurisprudence, considère donc qu’elle est compétente pour vérifier le respect du caractère équitable de la procédure suivie par des juridictions d’instruction quand elles se prononcent comme juridictions de jugement ou admettent des circonstances atténuantes ou des causes d’excuse au bénéfice de l’inculpé.

36.M. DE VULDER (Belgique), répondant à la question relative à la circulaire adoptée par le Conseil des ministres le 17 juillet 2002, qui prévoit les conditions dans lesquelles un étranger ayant purgé une peine de prison n’est pas expulsé du territoire belge (question no 20), confirme qu’il s’agit d’une directive du Ministre de l’intérieur, qui a été adressée à l’Office des étrangers, suite à un accord obtenu en Conseil des ministres. Depuis cette directive de 2002, les étrangers condamnés à une peine de prison et qui justifient d’une certaine durée de résidence en Belgique ne sont plus expulsés. Il est prévu que la teneur de cette circulaire soit reprise dans une loi de façon à résoudre le problème de ce qu’on appelle la double peine. Cette proposition de loi sera soumise au Parlement probablement à l’automne prochain.

37.M. DEBRULLE (Belgique) précise, au sujet de la reconnaissance des mosquées en Belgique (question n° 21), que les cultes sont reconnus au niveau fédéral mais l’établissement des communautés et la législation organique qui s’y rapporte relèvent de la région. Le culte musulman est reconnu depuis longtemps en Belgique. Les autorités régionales peuvent accorder une reconnaissance aux communautés religieuses, aux mosquées et aux imams, sur la base de dossiers concrets, compte tenu de l’enveloppe budgétaire mise à leur disposition à cet effet par l’autorité fédérale. Au préalable, l’autorité fédérale aura reçu une proposition de l’organe représentatif du culte concerné, en l’occurrence l’Exécutif des musulmans de Belgique, ce qui a été fait en février 2004 et, à partir de cette proposition, l’Exécutif des musulmans présente ensuite des dossiers concrets aux autorités régionales. À l’heure actuelle, à cause des difficultés internes portant sur la représentativité de l’assemblée mandatant l’exécutif régional et de l’Exécutif musulman lui-même que connaît cet organe, les propositions et dossiers n’ont pu être examinés tant au plan général par les autorités fédérales qu’au plan individuel par les autorités régionales. Le Gouvernement belge a d’abord cru qu’il pourrait régler le problème par un renouvellement global de l’Exécutif des musulmans grâce à un arrêté royal, avant que le Conseil d’État ne considère que cet arrêté n’avait pas de bases légales suffisantes. En conséquence, le Gouvernement a déposé très récemment une proposition de loi, qui devrait être votée en urgence par le Parlement, afin que les élections de ce nouvel exécutif puissent avoir lieu à l’automne prochain, de façon qu’il y ait un organe capable de demander, comme il se doit, la reconnaissance des mosquées, la titularisation des imams et les obligations d’ordre financier qui en découlent pour l’État fédéral.

38.Mme BERRENDORF (Belgique) rappelle les conditions de création du centre fermé pour les mineurs à Everberg (question n° 22). Il est arrivé que des mineurs doivent être libérés rapidement alors que l’instruction pour les faits qui leur étaient reprochés était en cours en raison, notamment, de l’abrogation de l’article 53 de la loi sur la protection de la jeunesse qui permettait au juge d’instruction de placer un mineur en détention dans une prison belge pendant 15 jours. Une évaluation était prévue par l’accord de coopération conclu entre l’État fédéral, qui gère le centre, et les communautés germanophone, francophone et flamande. Elle a été réalisée par une commission composée d’un représentant de chaque partie à l’accord de coopération ainsi que d’experts externes en matière de délinquance des mineurs. Dans la première partie du rapport d’évaluation − dont un exemplaire a été transmis aux membres du Comité − sont examinées les diverses dispositions de l’accord de coopération et du règlement intérieur applicable dans le centre fermé. Y sont également exposées les difficultés de gestion de sa capacité d’accueil qui sont dues aux fluctuations importantes du nombre de jeunes accueillis; en 2003, le centre n’a toutefois jamais atteint sa capacité maximale. Ces fluctuations posent également des problèmes en termes de gestion du personnel. La durée du placement tend à augmenter; cette situation s’explique notamment par la confiance que les juges accordent à l’encadrement sociopédagogique dont les jeunes bénéficient dans ce centre par rapport à celui qui existe dans les centres gérés par les communautés. Ce sont les parties à l’accord qui gèrent ensemble le centre. Le rapport fait apparaître que des progrès restent à faire quant au suivi des plaintes introduites par des jeunes en interne, mais que le suivi des plaintes introduites par le biais d’intervenants externes, comme le délégué aux droits de l’enfant, est correctement géré, dans un souci de transparence et dans des délais assez brefs. Le rapport analyse d’autres points, tels que les relations entre les directions fédérales et communautaires, l’attitude des personnels, les incidents collectifs par exemple. Dans la deuxième partie du rapport est énumérée une série de recommandations faites par la Commission sur les points à améliorer. En ce qui concerne le règlement intérieur, il en existe bien un spécifique au centre qui porte notamment sur les conditions de vie, le régime en vigueur, adapté à la condition de mineurs délinquants, les contacts avec l’extérieur, la discipline et le droit de plainte des mineurs placés.

39.M. NAYER (Belgique) dit que l’article 31 de coopération entre le pouvoir fédéral et les communautés prévoit que le règlement des établissements pénitentiaires n’est pas applicable aux jeunes placés au centre d’Everberg; ce règlement n’y est donc pas appliqué, contrairement aux informations qui ont pu être données au Comité par des sources extérieures. L’article 30 du même accord prévoit la mise en place d’un règlement d’ordre intérieur valable pour l’ensemble des mineurs, dont l’application depuis juin 2002 n’est pas approuvée officiellement par les ministres de tutelle mais a fait l’objet d’une évaluation par la Commission. En ce qui concerne les projets pédagogiques, pour ce qui est de la communauté française, ils sont rédigés par le directeur pédagogique relevant de cette communauté et applicables aux mineurs francophones. Ils ont été approuvés le 30 septembre 2003 et le texte ne fait que reprendre par écrit des pratiques existant depuis novembre 2002 et dont la définition et la portée figurent dans le décret du Gouvernement de la communauté française en date du 17 juillet 2002.

40.M. DEBRULLE (Belgique) répond aux questions relatives aux mineurs étrangers non accompagnés. La création, le 1er mai 2004, du Service des tutelles a marqué le passage à un régime où le mineur dans cette situation, qui relevait auparavant des deux institutions chargées respectivement de l’accueil des demandeurs d’asile et des étrangers, est désormais pris en charge par un seul service. Le Gouvernement a donc mis en place un système d’accueil répartissant les compétences et le financement entre l’État fédéral et les entités fédérées, qui répond aux exigences à la fois du Pacte et de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le mineur ne peut donc plus être placé en centre de rétention fermé en raison de sa condition de mineur isolé. Son placement se fait en deux phases: la première phase, qui dure 14 jours, est consacrée à son identification (vérification de son état de minorité, de sa situation administrative: s’agit-il d’un demandeur d’asile, d’une personne sans les papiers nécessaires à l’entrée sur le territoire?). La seconde phase consiste à le confier à l’institution la mieux adaptée à sa situation ou, le cas échéant, à le rapatrier dans son pays d’origine en s’assurant qu’il y bénéficiera de bonnes conditions d’accueil. Ce mécanisme suppose cependant l’existence d’un accord de coopération entre l’État fédéral et les entités fédérées, qui n’a pas pu être conclu avant les élections régionales et communautaires de juin 2004 et qui devra donc l’être avec les exécutifs issus de ces élections. Depuis le 1er mai 2004, date à laquelle il a commencé à fonctionner, le Service des tutelles enregistre environ 300 mineurs étrangers non accompagnés par mois. Il doit leur désigner un(e) tuteur (tutrice) mais n’en a agréé, pour le moment qu’une soixantaine. Il a décidé d’environ 75 tutelles pour ces mineurs. Afin de pallier le manque de tuteurs et susciter des candidatures, le Service sensibilise la population et entend passer des accords avec des associations de défense des droits de l’enfant, en prenant un certain nombre de dispositions tant sur le plan de la rémunération de ces tuteurs que sur leur disponibilité. Il faut toutefois avoir à l’esprit que tous les mineurs non accompagnés ne devront pas faire l’objet d’une tutelle effective dans la mesure où certains ne sont qu’en transit. Les mineurs doivent être convaincus de l’avantage que représente pour eux le fait qu’une personne soit responsable de leur statut et qu’elle assume les responsabilités habituelles de parents, sur le plan de l’hébergement, de la santé, de la scolarité, par exemple.

41.M. DE VULDER (Belgique) indique que l’Office des étrangers n’a pas eu connaissance de cas de disparitions de mineurs dans leur pays après leur rapatriement. L’Office des étrangers ne procède au rapatriement de mineurs qu’après s’être assuré des bonnes conditions d’accueil du mineur sur place. Le rapatriement de mineurs de moins de 16 ans dont on a retrouvé la famille se fait toujours en présence d’un membre de l’Office des étrangers qui vérifie s’il s’agit bien de sa famille et si les conditions d’accueil sont bien celles qui ont été promises; s’il y a le moindre doute, le mineur est ramené en Belgique. Avec la création du Service des tutelles, le tuteur va jouer un rôle important car c’est lui qui déterminera, en collaboration avec l’Office des étrangers, la solution la plus favorable au mineur.

42.M. DEBRULLE (Belgique) indique, sur la question des résultats de la loi du 13 avril 1995 s’inscrivant dans le cadre de la lutte contre la pornographie mettant en scène des enfants (question no 24), que des instruments tant judiciaires que policiers ont été mis en place pour faire face à la publicité pédopornographique, diffusée notamment par le canal d’Internet. La police fédérale a traité environ 16 000 déclarations de pédopornographie sur Internet en 2002 et 20 300 déclarations de ce type en 2003. En 2002, on a ainsi localisé 45 sites de pédopornographieen Belgique et 438 à l’étranger, ce qui montre le caractère transnational de ce type de criminalité. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la cybercriminalité revêt dans ce domaine une grande importance. Le nombre de dossiers traités par le Service de la traite des êtres humains de la police fédérale est passé de 13 en 2001 à 80 en 2002 pour atteindre 318 en 2003. Le problème majeur des services concernés est l’identification des fournisseurs d’accès à la publicité pédopornographique. Au niveau européen, une divergence de vues subsiste encore quant à la durée du délai de conservation des données par ces fournisseurs d’accès. M. Debrulle souligne que les autorités publiques coopèrent avec succès avec un centre indépendant appelé «Child Focus».

43.Enfin, sur la question des mesures prises pour diffuser des renseignements sur le Pacte et son premier Protocole additionnel, de même que sur la présentation de rapports et leur examen par le Comité, en particulier sur les observations finales du Comité (question no25), M. Debrulle confirme que la Belgique diffuse largement ces informations dans les langues nationales sur le site Internet du Département de la justice. Par ailleurs, dans le cadre notamment d’un séminaire organisé par le Département de l’emploi et du travail en novembre 2003, des efforts sont faits pour améliorer les techniques d’élaboration du rapport destiné au Comité et la suite donnée aux recommandations du Comité.

44.M. RIVAS POSADA félicite la délégation belge du rapport qu’elle a présenté et de ses réponses franches et directes aux questions du Comité. Il en ressort que l’État partie a pris conscience, en particulier, du problème du surpeuplement des prisons et qu’il s’emploie à le régler non seulement par des mesures d’ordre matériel mais également en envisageant des mesures de substitution à l’enfermement et en comblant le vide juridique qui pourrait exister sur tel ou tel aspect du régime pénitentiaire. L’État partie s’emploie de même à régler le problème du placement de malades mentaux dans des établissements pénitentiaires. La question des détenus étrangers en revanche demeure problématique, dans la mesure où les garanties de recours à la nouvelle commission créée par l’arrêté royal de 2002 sont assorties d’un délai très court et n’ont pas d’effet suspensif sur la procédure d’expulsion. En outre, les personnes retenues dans les zones de transit voient leurs droits limités et ne bénéficient pas des garanties de l’Office des étrangers. Enfin, les mesures prises pour lutter contre la propagande raciste et xénophobe, à savoir les sanctions pécuniaires et la suppression des subventions publiques à certains partis, ne sont pas suffisantes pour garantir la bonne mise en œuvre de l’article 20 du Pacte. Il semble que le système politique belge permet la persistance de ces pratiques en essayant de les réduire alors qu’il s’agit de les éliminer totalement.

45.M. GLÈLÈ AHANHANZO dit que le rapport de la Belgique, bien rédigé et structuré, manque parfois d’éléments qui permettraient de déterminer si les lois et mesures mentionnées sont effectivement appliquées. Un complément d’éclaircissements serait notamment bienvenu sur trois points. En premier lieu, comment, d’un point de vue juridique, la circulaire du 17 juillet 2002, relative à la double peine, et celle du 23 juillet 2002, relative aux recours d’extrême urgence, peuvent‑elles être appliquées alors qu’elles n’ont pas été publiées? La seconde circulaire a un effet suspensif mais pourquoi ne s’applique‑t‑elle pas à tous les étrangers qui font l’objet d’une mesure de refoulement ou d’expulsion? Le deuxième point a trait au Conseil supérieur de la justice dont on voudrait savoir quelles sont les fonctions et si les avis sont exécutoires ou consultatifs. Le Roi est‑il tenu de nommer les magistrats qu’il recommande? Au Bénin, par exemple, les avis du Conseil supérieur de la magistrature s’imposent au Gouvernement, dans l’intérêt même de l’indépendance des magistrats. Le troisième point concerne la déclaration de compétence universelle, qui offrait un début de solution au problème de l’impunité. Pour diverses raisons que la délégation belge a expliquées, le champ de cette compétence a été ensuite réduit, mais des droits ont été créés au regard de l’article 2 du Pacte en faveur de nationaux autant que d’étrangers. Qu’en est‑il alors concrètement du statut juridique sur le plan national de ces personnes qui, tout en ayant bénéficié d’une voie de recours comme le prévoit l’article 2 du Pacte, ne bénéficient plus de la compétence universelle? Il faut espérer que cette notion de compétence universelle sera reprise en Europe ou ailleurs pour qu’il y ait enfin une solution internationale au problème de l’impunité.

46.M. ANDO demande si l’État partie envisage de protéger les droits acquis en matière de reconnaissance des mosquées. Conformément à l’article 50 du Pacte, le réaménagement des pouvoirs entre les autorités fédérales et régionales ne doit pas avoir d’effet préjudiciable à ces droits acquis. En ce qui concerne les mineurs étrangers non accompagnés, on peut se demander si les 14 jours de placement sont suffisants pour s’assurer de la volonté effective de l’enfant dans toutes les situations, si la prorogation de cette période est possible et quelle peut être l’intervention du Ministère de l’intégration sociale à cet égard. Sur la question de la diffusion de l’information, le Gouvernement envisage‑t‑il d’associer les ONG au processus de suivi des observations finales du Comité et à l’élaboration des rapports et, dans la négative, comment le point de vue des ONG est‑il pris en compte?

47.Mme CHANET estime que le problème de l’intervention de l’avocat dans la phase de garde à vue se résout non pas par une plage horaire mais par le délai à partir duquel l’avocat peut intervenir. La Belgique a formulé des réserves à de nombreuses dispositions du Pacte, dont une porte sur le paragraphe 5 de l’article 14 et vise la Cour de cassation. Compte tenu de cette réserve, la Belgique envisage‑t‑elle d’instaurer une cour de cassation d’appel? Sur la question du juge d’instruction, la Cour de cassation belge a fait des progrès dans l’application du Pacte dans la phase d’instruction mais son argument se fonde sur le paragraphe premier de l’article 14 et consiste à se demander si le procès va perdre de son caractère équitable, ce raisonnement s’appliquant lorsque le juge d’instruction statue de manière juridictionnelle. Or dans ce cas, la personne est inculpée et il n’y a donc aucune raison qu’elle ne bénéficie pas des droits visés au paragraphe 3 du même article, qui sont indispensables à l’équité du procès. On se trouve donc en présence d’une situation d’insécurité juridique touchant l’applicabilité des paragraphes 1 ou 3 de l’article 14. La question se pose également de savoir si c’est le juge d’instruction qui délivre les mandats de placement en détention ou s’il existe, comme en France depuis la loi du 15 juin 2000, un juge des libertés. En effet, le fait que la même personne mène l’enquête et se prononce sur la détention pose un problème au regard du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, qui confère à quiconque se trouve privé de liberté le droit qu’il soit statué sans délai sur la légalité de sa détention. Enfin, la Belgique semble avoir choisi une voie moins «douloureuse» que celle adoptée par la France pour régler le problème de la participation de l’avocat général aux délibérés de la Cour de cassation, qui constitue une violation de l’article 14 du Pacte, en adoptant une loi qui ne permet plus cette participation.

48.M. BHAGWATI demande quel est le rapport quantitatif entre les détenus condamnés et les autres et quelles autres mesures de substitution à l’enfermement sont envisagées pour réduire le surpeuplement des prisons. En ce qui concerne le nouveau mode de nomination des juges adopté en 1998, il voudrait savoir quel est le rôle exact de la Commission d’avis et d’enquête, par opposition à la Commission de nomination et de désignation et si les deux commissions proposent conjointement des candidats au Roi? Ce dernier reçoit‑il des propositions définitives ou un panel dans lequel il peut choisir? Il souhaiterait des précisions sur la fonction exacte des «chefs de corps» et les modalités de leur nomination et voudrait savoir si les deux commissions susmentionnées interviennent aussi dans la promotion des juges à une juridiction supérieure et se demande enfin si la période de formation de 36 mois que doit suivre toute personne nommée juge n’est pas un peu trop longue.

49.Mme WEDGWOOD dit que les problèmes inhérents au fédéralisme ne dégagent pas les États de leurs obligations internationales. Sur la question de la garde à vue, une plage horaire moins pénalisante pour les avocates et avocats ayant une famille serait plus indiquée que celle de 20‑21 heures. En ce qui concerne la liberté religieuse, comme l’a dit M. Ando, la protection des mosquées doit être assurée et il faut espérer que, compte tenu des incidents signalés un peu partout en Europe, la Belgique assurera une protection policière supplémentaire pour les mosquées mais également pour les synagogues. Sur la question de la compétence universelle, la Belgique est désormais partie au statut de la Cour pénale internationale et la seule question qui reste à débattre a trait à la compétence universelle rétroactive.

50.Sir Nigel RODLEY, revenant sur la question du surpeuplement des prisons, s’enquiert des causes de l’augmentation de la population carcérale, se demandant s’il s’agit d’une augmentation de certains types de crimes et délits, de l’augmentation du taux de récidive et si cette augmentation est affaire de perception ou de réalité. Par ailleurs, pourquoi la liberté conditionnelle est‑elle moins utilisée et pourquoi n’existe‑t‑elle toujours pas en tant que catégorie autonome dans le droit belge?

51.Le PRÉSIDENT dit que la délégation belge disposera d’une heure au début de la séance suivante pour répondre aux nouvelles questions des membres du Comité.

La séance est levée à 12 h 50.

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