Nations Unies

CCPR/C/SR.2659

Pacte international relatif

aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 juillet 2010

Français

Original: anglais

Comité des d roits de l’homme

Quatre-vingt-dix-septième session

Compte rendu analytique de la 2659 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 13 octobre 2009, à 15 heures

Président:M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la République de Moldova

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la République de Moldova (CCPR/C/MDA/1; CCPR/C/MDA/Q/2 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.114)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de la République de Moldova prend place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation à répondre aux questions 1 à 12 de la liste des points à traiter (CCPR/C/MDA/Q/2).

3.M. Esanu (République de Moldova) dit que la taille modeste de la délégation moldove s’explique par les difficultés budgétaires de son pays et par le fait qu’un nouveau gouvernement a pris ses fonctions il y a tout juste quelques semaines, entraînant des changements dans la direction des organes compétents en matière de droits de l’homme. Le gouvernement a entrepris la mise en œuvre d’un programme quadriennal qui accorde un rang de priorité élevé à la promotion et la protection des droits de l’homme. Les départements qui auront à charge de mettre ce programme en œuvre ont soumis des propositions d’amendements. Ainsi, les tribunaux de commerce verraient leur juridiction réduite, des dossiers étant renvoyés à la juridiction ordinaire. Les procédures en cours auprès de tribunaux de commerce seraient menées à leur terme et les juges, par principe inamovibles, seront probablement réaffectés à d’autres juridictions. Cependant, quiconque aura violé des droits de l’homme dans l’exercice de ses fonctions ne sera pas autorisé à officier en qualité de juge. Il appartiendra en premier lieu au Conseil de la Haute autorité judiciaire de trancher sur cette question.

4.Les modalités d’application des décisions de justice seront également réformées vu que, selon le système actuel, de nombreuses décisions restent lettre morte, en partie à cause du manque d’efficacité des fonctionnaires concernés. La législation sera modifiée à l’effet de décentraliser les mécanismes d’application. La semaine passée, le gouvernement a renvoyé un projet de législation concernant le principe de non-discrimination au Ministère de la justice pour réexamen et coordination avec les autres ministères. Il s’agit de prendre une décision difficile concernant les dispositions interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. L’actuel projet a déclenché une vive réaction sociale, avec des manifestations et le dépôt de plaintes collectives de la part d’organisations confessionnelles auprès du Ministère de la justice, lequel reste campé sur ses positions, déterminé à maintenir en l’état les projets de dispositions.

5.En ce qui concerne la torture, une commission a été créée au Ministère des affaires étrangères pour mener des enquêtes internes sur les événements survenus les 6 et 7 avril 2009 suite aux précédentes élections. Le nouveau Ministre a déclaré publiquement que certains fonctionnaires qui ont pris l’initiative de placer en détention des participants aux manifestations ont abusé de leur autorité. Ils feront l’objet de l’action disciplinaire prévue en pareil cas. Le parquet, qui mène également une enquête, engagera des actions pour les délits tombant sous le coup du Code pénal. Bien que la législation existante protège le droit de manifester, il est prévu de promulguer une nouvelle législation couvrant tous les cas de figure. A la suite des élections du 29 juillet 2009, plusieurs manifestations ont eu lieu à Chisinau qui ont paralysé la circulation. Cependant, les mesures adoptées par le Ministère de l’intérieur ayant été efficaces, il n’a été porté aucune atteinte aux droits des manifestants, bien que certains d’entre eux eussent recouru à la violence.

6.M. Rusu (République de Moldova) dit que le Ministère de la justice est en train d’élaborer un plan d’action pour protéger les droits de l’homme pendant la période 2009-2011. Nombre des mesures envisagées concernent directement les dispositions inscrites dans le Pacte. Le Parlement devrait l’adopter par décret dans un proche avenir.

7.M. Esanu (République de Moldova), répondant à la question 1 de la liste des points à traiter, déclare que, malheureusement, il n’existe actuellement aucune donnée statistique sur les affaires dans le cadre desquelles les dispositions du Pacte auraient été invoquées devant les tribunaux. Le Ministère de la justice s’efforce de réformer le système statistique de comptabilité, et un programme informatisé couvrant toutes les affaires judiciaires a été adopté dans le cadre du programme « Millennium Challenge ». Il sera bientôt possible de publier toutes les décisions de justice, de sorte que les parties intéressées auront accès aux informations pertinentes. Ce programme a été installé dans tous les tribunaux et tous les départements administratifs, mais n’est pas encore opérationnel.

8. Passant à la question 2, il déclare que la lutte contre la corruption est un redoutable défi. C’est l’une des questions traitées dans la Stratégie nationale de développement pour 2008-2011, adoptée par le Parlement. En application de l’article 26 de la loi no. 90-XVI de 2008 sur la prévention et la répression de la corruption, le gouvernement a également élaboré un projet de loi visant à mettre la législation existante en conformité avec les normes internationales, notamment avec la Convention des Nations Unies contre la corruption (ratifiée en 2007) et la Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption (ratifiée en 2003). Ce projet de loi prévoit des amendements et des ajouts aux textes suivants : Code des infractions administratives,  Code de conduite des fonctionnaires, Code pénal, Code de procédure pénale, loi sur le Centre de lutte contre les crimes économiques et la corruption, loi sur la déclaration et le contrôle des revenus et des biens des fonctionnaires, juges, magistrats du ministère public, agents de la fonction publique et personnels de gestion des bureaux, loi sur le système de répression et loi sur la passation de marchés publics.

9. Un nouvel article du Code pénal prévoit des amendes pour usage de faux en comptabilité avec l’intention de dissimuler d’autres infractions. De nouvelles dispositions réglementaires relatives à la passation de marchés publics visent l’interdiction d’exercer applicable à des opérateurs économiques et régissent les activités du Groupe de travail chargé des achats. A l’avenir, tous les projets de lois et réglementations devront être soumis à l’expertise du Centre de lutte contre les crimes économiques et la corruption. Pour veiller à ce que les fonctionnaires observent à la lettre les normes de conduite, diverses lois ont été promulguées : la loi no 158 sur la fonction publique et le statut de ses agents, la loi no 25 sur le code de conduite pour les fonctionnaires de l’État (2008) et la loi no 16 sur les conflits d’intérêts (2008). Le gouvernement est en train d’examiner des dispositions visant à la création de commissions d’éthique pour garantir la conformité avec les lois et assurer la cohérence de leur application. La loi 271-XVI sur les titulaires de postes dans la fonction publique et les candidats à de tels postes a été promulguée le 18 décembre 2008, et la loi 239-XVI sur la transparence du processus décisionnel le 13 novembre 2008. Cette dernière vise également à associer les citoyens à la formalisation et à l’adoption des décisions. Une méthodologie d’évaluation des risques de corruption dans les institutions publiques a été adoptée par le décret gouvernemental no 906 du 28 juillet 2008.

10. Répondant à la question 3, l’intervenant déclare que le nombre de personnes dont se compose le Centre des droits de l’homme a été porté de 37 à 55, ce qui représente une augmentation importante à un moment où le gouvernement a passé un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour réduire le personnel dans le secteur public. Par comparaison, l’effectif du Ministère de la justice ne compte que 103 personnes au total.

11. La législation sur les avocats parlementaires ou médiateurs a été modifiée en 2008 à l’effet d’en accroître le nombre et l’efficacité. Il y a actuellement quatre médiateurs, dont l’un s’occupe uniquement des affaires concernant les enfants. Le Directeur du Centre des droits de l’homme, qui est aussi un médiateur, définit les domaines relevant de la compétence des autres responsables. Les médiateurs ont la faculté de renvoyer à la Cour constitutionnelle les législations qu’ils estiment porter atteinte aux droits de l’homme. Le Centre des droits de l’homme prépare un rapport annuel qui est examiné chaque année au Parlement, en présence des médiateurs.

12. Répondant à la question 4, l’intervenant déclare que la législation antiterroriste moldove a été modifiée en 2008 dans un souci de cohérence et de conformité avec les traités internationaux. Elle contient les définitions précises d’un acte terroriste et d’une organisation terroriste. En règle générale, il n’y a pas de dérogations aux droits garantis par le Pacte. Toutefois, des restrictions des droits de l’homme sont admises dans le cadre d’actions contre le terrorisme, notamment en ce qui concerne l’accès à la propriété privée. La portée de ces restrictions a été clairement délimitée de manière à prévenir toute dérogation illicite à la Constitution et aux traités internationaux.

13. S’agissant de la question 5, l’intervenant dit que, dans son principe, la législation anti-discrimination du Moldova est rationnelle et efficace. Le principe de non-discrimination est ancré dans la Constitution et dans de nombreuses dispositions normatives, et la loi récemment élaborée par le Ministère de la justice sur la prévention et la répression de la discrimination n’apportera pas beaucoup aux dispositions existantes. Le seul défi qu’il reste à relever concerne les règles de procédure applicables, par exemple pour déterminer si un acte de discrimination a été commis. Selon les règles en vigueur, le plaignant a la charge de la preuve. Ce n’est plus le cas dans l’actuel projet de loi, qui fait obligation à une autorité publique ou une personne privée de démontrer qu’un acte n’est pas discriminatoire. Cependant, le Centre de droits de l’homme, et donc les médiateurs, seront habilités, dans le cadre de la nouvelle loi, à examiner des plaintes individuelles et à statuer. La législation actuelle couvre déjà la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique. Les experts reconnaissent qu’elle couvre aussi la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, mais le projet de loi mentionne expressément cette forme de discrimination de manière à ce que la question ne fasse plus débat.

14. En ce qui concerne la question 6, l’intervenant estime que les problèmes rencontrés par les personnes appartenant à des minorités ethniques et nationales n’ont pas tant à voir avec la discrimination qu’avec la difficulté d’assurer un accès universel à l’ensemble des services publics. Il a lu un rapport d’une ONG qui contient des allégations très convaincantes concernant les problèmes de la communauté rom. Cependant, il a présidé une commission gouvernementale composée notamment de représentants de la société civile, qui s’efforçait d’identifier les cas flagrants de discrimination et qui a constaté dans de nombreux cas que d’autres facteurs sont à incriminer pour les problèmes existants. Par exemple, le rapport de l’ONG fait état d’un village rom sans route digne de ce nom ni accès à des services médicaux. L’intervenant assure au Comité que le village qui se trouve près de chez lui et qui est habité uniquement par des Moldoves connaît exactement les mêmes problèmes. Il y a plusieurs années, il a tenté en vain de convaincre des parents roms d’envoyer leurs enfants à l’école. Il reconnaît naturellement que des mesures positives devraient être prises pour aider les Roms et d’autres communautés, et il faut espérer que l’actuel plan national contribuera à résoudre ce problème.

15. En réponse à la question 7, il déclare que la discrimination est interdite aux termes de la Constitution et du Code pénal, ce dernier interdisant notamment la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Cependant, les médias ont centré leur attention sur la controverse autour de la Marche des fiertés (Gay Pride) qui était programmée à Chisinau en 2008, mais qui n’a pas eu lieu.

16. Passant à la question 8, il dit que le gouvernement a un plan national sur la promotion de l’égalité des sexes pour 2006-2009 et une politique nationale sur l’égalité des sexes pour 2009-2015. Cependant, la Stratégie nationale de développement a notamment pour objectif de garantir l’égalité des sexes, et une audition parlementaire sur le chapitre consacré à l’égalité des sexes dans le Plan national d’action en faveur des droits de l’homme a été organisée en 2007. Si certaines statistiques semblent indiquer qu’en 2009 les femmes sont moins nombreuses qu’en 2008 à participer à la vie publique - il est vrai que l’actuel gouvernement ne compte qu’une seule femme ministre contre cinq l’année précédente -, en réalité les femmes sont bien représentées dans la fonction publique. Alors que les femmes reçoivent en moyenne un salaire inférieur à celui des hommes, elles perçoivent en revanche un salaire égal pour un travail égal. De nombreuses femmes gagnent moins que les hommes parce qu’elles occupent un emploi à temps partiel et travaillent dans des secteurs moins bien rémunérés. La récente augmentation salariale des enseignantes corrigera en partie ce différentiel dans la mesure où la plupart des enseignants sont des femmes.

17. À propos de l’âge légal pour se marier (question 9), il dit que l’âge minimum est désormais le même pour les hommes et les femmes. Quoi qu’il en soit, le mariage précoce n’a jamais posé un problème aux femmes moldoves.

18. Répondant à la question 10, il déclare qu’en 2008 des directives garantissant l’accès à un avortement médicalisé et à des soins post-avortement ont été élaborées et testées dans deux centres pilotes. Ces directives seront introduites dans tous les centres de formation médicale. Un séminaire sur l’interruption de grossesse a été organisé à l’intention des médecins de Chisinau, et le Moldova a participé à un séminaire régional sur les avortements réalisés dans des conditions insalubres. Des indicateurs ont été élaborés pour contrôler les services d’interruption de grossesse et en évaluer la qualité.

19. La planification familiale a été intégrée aux soins de santé primaires à l’échelle nationale par la création de trois centres de santé des femmes et de 40 services de santé génésique dans des établissements médicaux. En 2008, huit services de santé génésique entièrement équipés ont été créés en Transnistrie, avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour la population. Ce Fonds a également fait don d’un lot important de moyens contraceptifs modernes, qui ont été distribués gratuitement aux services de santé génésique. Six stages de formation sur la santé génésique et les moyens modernes de contraception ont été organisés avec la participation de 250 spécialistes dans le but d’améliorer les compétences des médecins de famille et des infirmières. En outre, des directives relatives aux prestataires de services de santé génésique et de planification familiale ont été publiées. En 2009, des efforts ont été déployés pour aligner le cadre réglementaire et légal sur les normes de l’OMS afin de faciliter l’accès aux services de santé génésique.

20. En ce qui concerne la question 11, l’intervenant indique que des dispositions sont actuellement prises en vue de transférer la responsabilité pour les installations de détention préventive du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice. Eu égard au mauvais état des centres existants de détention provisoire, il existe des projets portant sur la construction de huit nouveaux centres. Cependant, la pénurie de ressources publiques a été exacerbée par l’actuelle crise financière, de sorte que les travaux de construction n’ont pas encore commencé. Les tractations du gouvernement pour obtenir des prêts ayant échoué en raison des restrictions imposées par le FMI, le gouvernement en appelle actuellement à l’aide de la communauté internationale. Par conséquent, des efforts sont actuellement entrepris pour améliorer les conditions dans les centres de détention préventive du Ministère de l’intérieur susceptibles d’être remis en état. Il reste que la surpopulation de ces centres est un problème important.

21.M. Rusu (République de Moldova) dit que le parquet a adopté des mécanismes chargés d’identifier les cas de torture, et pris un décret stipulant que toutes les accusations de torture soient enregistrées et fassent l’objet d’enquêtes spéciales. Ce décret prévoit également la nomination d’agents du ministère public spécialisés dans ce genre d’enquêtes. Toutes les affaires donnant lieu à des procédures au pénal sont contrôlées par le parquet. Des stages de formation sont organisés deux fois par an à l’intention de procureurs et de juges désignés, pour une mise à niveau de leurs connaissances et de leurs compétences.

22. Des médecins ont été assignés à chaque poste de police, leur rôle consistant à veiller à ce que toutes les personnes placées en garde à vue soient soumises à un examen médical. Les inspections quotidiennes des cellules de détention provisoire offrent aux détenus la possibilité de porter plainte auprès du personnel chargé des poursuites s’ils ont été soumis à des tortures ou ont fait l’objet d’un abus d’autorité. En 2007, 137 procédures pénales ont été engagées contre des policiers pour des faits de torture ou pour abus d’autorité, et 63 d’entre eux ont été condamnés. En 2008, 224 affaires de ce genre ont été portées devant la justice et ont abouti à 63 condamnations. Dans la première moitié de 2009, 64 affaires ont été portées devant les tribunaux et 16 condamnations prononcées.

23. Répondant à la question 12, il dit que le gouvernement a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles ainsi que la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. En 2001, la responsabilité pénale pour la traite des êtres humains a été établie, et en 2007, une nouvelle responsabilité pénale pour l’organisation de migrations illégales a été incluse dans le Code pénal. En 2005, une nouvelle législation tendant à prévenir et combattre la traite d’êtres humains a établi la compétence des autorités locales dans ce domaine. Un comité national coordonne l’ensemble des efforts de lutte contre la traite d’êtres humains, conjointement avec les organes locaux. La législation nationale contient des dispositions spécifiques pour combattre la traite d’enfants. Il existe également une disposition législative prévoyant une assistance à toutes les victimes de traite dans des centres de protection et de réadaptation, souvent dirigés par des ONG.

24. Sir Nigel Rodley demande si le fait que l’on n’ait pas d’exemples concernant des affaires où il été fait référence au Pacte devant des tribunaux témoigne d’une mauvaise connaissance de cet instrument chez les avocats.

25. Il souhaite savoir dans quelle mesure les lois sur le terrorisme ont été appliquées à ce jour. La réponse écrite fournie par l’État partie à la question 4 de la liste des points à traiter comprend des définitions du terrorisme et des actes terroristes. Il demande des éclaircissements sur les types d’actes associés au terrorisme qui ne constituent pas des actes terroristes. On ne voit pas bien comment on peut définir le terrorisme en tant qu’idéologie, s’il convient de démontrer à la fois l’idéologie et la pratique, ou si l’une des deux suffit. En outre, dans la mesure où le terrorisme s’exprime « par la violence », selon la définition de l’État partie, il ne voit pas la nécessité d’employer dans cette définition la phrase « et/ou d’autres actions violentes et illicites ».

26. Abordant la question 11, il demande des éclaircissements sur les statistiques fournies sur un certain nombre d’affaires et de personnes accusées de torture. Si vraiment le nombre de personnes condamnées a diminué, passant de 63 en 2007 à 36 de 2008, il serait utile d’en déterminer la cause. De même, il semble que tous les chiffres pour 2009 soient particulièrement faibles, surtout si l’on considère qu’ils tiennent probablement compte des données recueillies après les événements d’avril 2009. L’intervenant demande si le nombre de plaintes, notamment les plaintes crédibles ou sérieuses, a notablement diminué. Dans l’affirmative, il serait intéressant de comprendre la raison de cette réduction. Relevant le très faible nombre de condamnations à des peines d’emprisonnement, l’orateur demande quelle est la durée de ces peines et pourquoi il n’y en pas davantage. Étant donné que le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a constaté lors de sa visite de 2008 que les mauvais traitements sont monnaie courante, il serait intéressant de savoir comment la situation a évolué et pour quelle raison. L’intervenant demande confirmation des rapports selon lesquels les individus placés en garde à vue ne sont soumis à un examen médical que s’ils en font la demande, que les examens sont parfois de pure forme et ne font pas l’objet de rapports écrits.

27. Tout en se réjouissant que l’on ait institué la possibilité pour les agents chargés des poursuites d’effectuer des visites, dont il présume qu’elles sont effectuées de manière aléatoire et inopinée, l’intervenant demande un complément d’information sur la manière dont le système fonctionne dans la pratique, notamment sur la fréquence des visites. Il se renseigne sur l’application du délai légal de prescription pour le crime de torture. Quelle est la durée et quel est le but de ce délai de prescription ? Soulignant l’apparente absence de système indépendant de plaintes contre la police, il s’enquiert des ressources qui seront allouées au mécanisme de prévention national nouvellement créé et voudrait notamment savoir à qui il incombera d’autoriser la publication des rapports des visites effectuées dans le cadre de ce mécanisme.

28. En ce qui concerne les événements des 6 et 7 avril 2009, il estime, quant à lui, que les enquêtes menées par le Ministère de l’intérieur risquent de ne pas inspirer confiance au public ou à la communauté internationale dans la mesure où, pour l’essentiel, son propre personnel serait impliqué. Il demande un complément d’information concernant les enquêtes en cours, notamment en ce qui concerne le dénombrement des éventuelles victimes d’homicides injustifiés imputables aux autorités, ainsi que toutes mesures prises pour traduire en justice les auteurs de ces assassinats.

29. Mme Keller souligne que le Comité ne souhaite pas simplement savoir quelles législations existent dans un Etat partie mais qu’il s’intéresse aussi à la manière dont elles sont appliquées, et demande un complément d’information à cet égard. Se référant au cas de Gheorghe Straisteanu, signalé au Comité par Amnesty International, elle s’enquiert des mesures qui sont prises pour enquêter sur les pratiques consistant à tourner les lois anticorruption à seule fin d’inculper les victimes et sur le comportement corrompu d’agents de la force publique. Se félicitant de l’accroissement du personnel du Centre des droits de l’homme, elle souhaite connaître la fréquence des visites effectuées par les avocats parlementaires dans les centres de détention. Ces visites sont-elles annoncées ou inopinées ? Les détenus ont-ils la possibilité de s’entretenir en toute confidentialité avec les avocats parlementaires sur leur traitement en détention, notamment lorsqu’ils souhaitent porter plainte ? L’intervenante souhaite également avoir des détails sur la question de savoir si les avocats parlementaires et le personnel du Centre des droits de l’homme peut apporter des preuves aux agents chargés des poursuites et recommander que des accusations soient portées devant la justice.

30. Elle voudrait savoir ce que l’État partie fait pour accroître les ressources financières allouées au Centre des droits de l’homme et garantir l’indépendance du processus de financement par rapport à l’exécutif. Souhaitant avoir des détails sur la procédure d’enquête concernant les plaintes pour violation des droits de l’homme, soumises oralement ou par écrit au Centre, elle demande que lui soient citées des affaires spécifiques à titre d’exemples. Elle demande des éclaircissements concernant certaines données statistiques fournies par l’État partie dans sa réponse écrite à la question 3 de la liste des points à traiter. Les divers jugements mentionnés ont-ils permis d’améliorer la situation ? Pourquoi si peu de plaintes font-elles l’objet d’une enquête officielle ? Qu’est-ce qui est fait pour sensibiliser l’opinion publique et la population carcérale à l’existence et aux attributions des organes de défense des droits de l’homme.

31. S’agissant de l’égalité des droits pour les hommes et les femmes, elle demande des renseignements sur le niveau de représentation des femmes dans le secteur judiciaire et dans le monde universitaire et sur le mandat du Département de l’égalité des chances et de la prévention de la violence au Ministère de la protection sociale, de la famille et de l’enfance. En ce qui concerne la santé génésique, elle demande s’il est prévu de continuer à offrir gratuitement des stages aux spécialistes et quelles mesures sont prises par l’État partie pour améliorer les services de conseil en matière de contraception et de planification familiale, notamment en permettant à un plus grand nombre des jeunes de se tourner vers les centres de santé du pays et en offrant des services de conseil aux femmes en situation de grossesse non désirée. Dans l’affaire concernant une jeune femme emprisonnée pour avoir avorté à un stade avancé de grossesse, elle demande quelles dispositions sont prises pour garantir que a) les conditions de détention des femmes soient conformes aux articles 3 et 10 du Pacte, notamment en ce qui concerne les soins de santé et les soins post-avortement, et que b) les personnes chargées de l’application des lois et le personnel médical aient un comportement qui tienne compte de la spécificité des femmes et respectent les droits des patientes, notamment le droit à la confidentialité. Pour conclure, elle demande quelle formation est dispensée au personnel judiciaire sur les attitudes traditionnelles, historiques, culturelles ou religieuses susceptibles d’engendrer une discrimination sexiste sur le plan de l’exercice des droits énoncés à l’article 14 du Pacte.

32. M. Salvioli se félicite des mesures positives prises par l’État partie dans le domaine de la discrimination, notamment en ce qui concerne le cadre constitutionnel et législatif et la création d’un mécanisme de dépôt de plaintes. Il se déclare néanmoins préoccupé par le fait que, même après qu’un certain temps se soit écoulé, toutes les dispositions des divers instruments internationaux ratifiés par l’État partie n’ont pas été intégrées dans sa législation nationale. Il relève en particulier que celle-ci ne prévoit l’obligation de promouvoir l’égalité, qui devrait également figurer au programme de l’enseignement ordinaire, à tous les niveaux. Il estime, pour sa part, que la législation contre la discrimination n’est pas appliquée de manière efficace et demande quelles mesures spécifiques sont prises pour dispenser une formation dans ce domaine à l’intention des personnes chargées de l’application des lois. Il se dit notamment préoccupé par la discrimination constatée en droit comme en pratique à l’égard des enfants vivant avec le VIH/sida, et s’enquiert des mesures prises ou envisagées pour améliorer cette situation. L’État partie a-t-il l’intention d’introduire dans les programmes scolaires  des questions touchant à l’hygiène sexuelle et à la santé génésique? Il se félicite que, malgré l’opposition de certains groupes religieux, le gouvernement maintienne sa position positive de non-discrimination en matière d’orientation sexuelle et demande si une formation est dispensée, notamment aux personnels de police, sur la manière d’appliquer la législation dans le respect de l’orientation sexuelle et de la spécificité des sexes.

33. M. Rivas Posada, se félicitant des diverses mesures positives prises pour combattre la traite des êtres humains, souligne néanmoins que des progrès sont encore nécessaires, non seulement en droit mais aussi en pratique. Il demande des éclaircissements sur l’état d’avancement des enquêtes en cours et sur les délits et réseaux de traite décrits aux paragraphes 279 et 280 du rapport périodique de l’État partie. Il est essentiel que les cas de traite fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les auteurs soient poursuivis et punis et que les victimes reçoivent une indemnisation appropriée. Il demande des précisions sur la nature du problème de la traite en République de Moldova en général et dans la région de Transnistrie en particulier.

34.Mme Wedgwood se dit préoccupée par les violences commises par la police et d’autres services de répression de l’État partie. L’optimisme précédemment affiché par les autorités, qui estimaient que la situation s’améliorait, doit être tempéré par les événements des 6 et 7 avril 2009. Il ne sera pas facile de purger ces institutions de comportements dont elles ont depuis longtemps pris l’habitude. C’est pourtant d’une importance vitale pour le bien-être social et économique de la nation, et l’intervenante encourage le gouvernement à s’inspirer de l’expérience d’autres pays. Il convient d’introduire une culture de l’enquête prompte et approfondie afin que les citoyens de l’État partie et la communauté internationale puissent avoir confiance dans cet Etat et dans son système juridique. Malgré le travail que cela implique, le processus consistant à faire rapport aux organes créés en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme ne doit pas être considéré comme une corvée, mais comme un moyen d’amener les services de répression et l’ensemble de la communauté à prendre conscience de l’importance des questions relatives aux droits de l’homme.

35. M. Thelin, prenant acte des problèmes auxquels l’État partie est confronté en cette phase de transition entre des systèmes de gouvernement, demande des précisions concernant les pouvoirs du Bureau du médiateur au titre de la question 3 de la liste des points à traiter. Quelles mesures peut-il prendre dès lors qu’il a la preuve que des décisions de justice n’ont pas été correctement rendues ou que les procédures n’ont pas été dûment observées ? Il croit savoir que le médiateur n’a pas la faculté d’annuler ces décisions ni de s’ingérer dans de telles affaires, une telle pratique revenant à enfreindre les principes du droit.

36. Mme Majodina félicite le gouvernement de la République de Moldova pour les progrès accomplis dans la mise en œuvre de son plan en faveur de l’égalité des sexes et prend note des statistiques sur la participation politique, communiquées dans les réponses écrites. Elle note, toutefois, que ces statistiques ont été établies en avril 2008 et que la situation a sans doute évolué depuis les élections de septembre 2009. Elle demande quels sont les niveaux actuels de représentation des femmes au Parlement et si l’objectif de 30 % a de bonnes chances d’être atteint avant 2015.

37. Concernant la question 10 de la liste des points à traiter, elle prend note des progrès accomplis pour reformer et faciliter l’accès à des services fiables, ainsi que des efforts de l’État partie pour s’aligner sur les normes de l’OMS. Cependant, à la lumière du cas (mentionné par Mme Keller) concernant une femme condamnée à 20 ans d’emprisonnement pour avoir avorté, il lui semble que, dans la pratique, les attitudes négatives à l’égard des femmes ayant subi un avortement persistent parmi les agents de la force publique et le personnel médical. Elle demande quelles nouvelles mesures peuvent être prises pour garantir un accès sûr à ces services.

38. M. Esanu (République du Moldova), se référant à la question 1 de la liste des points à traiter, confirme que sa délégation n’a pas trouvé d’exemples d’affaires portées devant les tribunaux où il aurait été fait référence aux dispositions du Pacte. Cependant, il y a eu des cas où la Convention européenne des droits de l’homme a été invoquée.

39. Répondant à la question 4, il déclare que, dans son pays, les affaires pénales ne peuvent être traitées que sur la base du Code pénal, et non pas sur la base d’autres législations. La loi sur la lutte contre le terrorisme, par exemple, a pour but de fixer des objectifs pour les ministères et autres autorités, et non pas de remplacer le Code pénal ou de faire double emploi avec cet instrument.

40. En réponse à la question 11, il dit que les examens médicaux sont obligatoires pour tous les détenus. Il se dit préoccupé par la qualité du personnel médical disponible dans les postes de police, qui sont plus des infirmiers que des médecins. Le personnel médical est tenu de signaler tout signe de lésion au ministère public, et ces informations sont transmises chaque jour au Bureau du médiateur, au Ministère de la justice et au Ministère de l’intérieur. Le Ministère de la justice travaille à un projet de loi prévoyant l’obligation de soumettre les détenus à un examen de médecine légale si ceux-ci en font la demande. Les détenus ont le droit d’être examinés par un médecin privé de leur choix, mais sont souvent dans l’incapacité de payer cette auscultation.

41. Pour clarifier les choses, il déclare que le mécanisme national de prévention de la torture est le Bureau du médiateur. Le Conseil consultatif auprès du Centre des droits de l’homme est un organe consultatif conçu pour aider les médiateurs. Les personnes habilitées par le Bureau du médiateur ou par le Conseil consultatif ont le droit de visiter à tout moment les lieux de détention ou des lieux supposément utilisés comme tels. Les visites aux lieux de détention ne sont pas annoncées. Dans le passé, il y avait des raisons légalement valables pour s’opposer aux visites inopinées, mais la législation en vigueur ne comporte pas de dispositions réglementaires qui puissent bloquer l’accès des médiateurs. Les détenus ont le droit de parler en privé avec le médiateur ou le membre du Conseil consultatif qui leur rend visite.

42. Le Ministère de l’intérieur a créé une commission chargée d’enquêter sur tous les événements des 6 et 7 avril 2009, y compris sur les incidents appelant des mesures exclusivement d’ordre disciplinaire, par opposition au pénal. Il reconnaît qu’une enquête réalisée par un organisme extérieur serait plus crédible qu’une enquête interne.

43. Dans chaque cas où l’on a la preuve qu’il y a eu violation des droits garantis par la Constitution, les médiateurs ont la faculté de soumettre une demande d’information à l’organisme pertinent, qui est tenu d’examiner cette demande, de prendre des mesures propres à faire cesser les violations en question et de répondre par écrit au médiateur. Les médiateurs ont aussi le droit de demander au ministère public de diligenter une enquête, qui pourra déboucher sur une action au pénal.

44. Selon la Constitution, toutes les dépenses publiques doivent être approuvées par le gouvernement. Il serait donc inconstitutionnel que le budget judiciaire échappe au contrôle du gouvernement, une réalité qui n’est guère conforme au Pacte. On s’efforce actuellement de régler cette question en fixant dans la législation le niveau du budget judiciaire. Mais à l’heure actuelle, il n’y aucune raison de penser que la part du budget public alloué au judiciaire aurait été réduite.

45.Il rappelle qu’une demande a été adressée à la Cour constitutionnelle au sujet d’une disposition selon laquelle les requêtes en cassation doivent être présentées par des avocats. Un médiateur a jugé cette disposition inconstitutionnelle et, suite à la demande qu’il a adressée à la Cour constitutionnelle, ladite disposition a effectivement été déclarée inconstitutionnelle.

46. M. Rusu (République de Moldova), répondant aux questions sur la disparité entre le nombre de plaintes pour torture et le nombre de condamnations prononcées, fait remarquer que la responsabilité pénale pour des actes de torture n’a été spécifiquement établie qu’en 2005 ; auparavant, ces affaires étaient traitées en temps qu’abus d’autorité. Depuis 2007, ainsi qu’il ressort des tableaux fournis dans les réponses écrites, des condamnations pour des faits de torture et mauvais traitement ont effectivement été prononcées consécutivement à des plaintes .

47. Les agents locaux chargés des poursuites sont chargés de vérifier chaque jour la légalité de la détention et d’établir toutes les semaines un rapport sur les vérifications effectuées, qu’ils soumettent à leurs supérieurs hiérarchiques directs. En général, les visites aux divers centres de détention ont lieu une fois par semaine ; pendant ces visites, l’agent rencontre les détenus, qui ont ainsi la possibilité de l’informer sur tous les cas présumés de torture ou de mauvais traitement.

48. À propos de la question 12 de la liste des points à traiter, l’intervenant souligne que la région de Transnistrie, où le problème de la traite d’êtres humains est le plus grave, n’est pas sous le contrôle des autorités de la République de Moldova. Il leur est donc physiquement impossible d’y procéder à des vérifications et d’y prendre des mesures. Ce n’est qu’au niveau politique qu’il sera possible de remédier à la situation dans cette région.

La séance est levée à 17 h 55.