NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.220427 août 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Quatre-vingt-unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2204e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 16 juillet 2004, à 10 heures

Président : M. AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial du Liechtenstein

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Liechtenstein (CCPR/C/LIE/2003/1; CCPR/C/81/l/LIE)

1. Sur l'invitation du Président, M. Wenaweser, M. Walch, M. Langenbahn et M me  Hoch (Liechtenstein) prennent place à la table du Comité.

2.M. WENAWESER (Liechtenstein) fait quelques observations liminaires sur la conception que le Liechtenstein se fait des droits de l’homme en général et de l’action du Comité en particulier. Bien que membre relativement récent de l’Organisation des Nations Unies, le Liechtenstein a néanmoins ratifié les six instruments de base relatifs aux droits de l’homme et a souscrit à toutes les procédures correspondantes relatives aux communications. Outre la promotion de la ratification et de l’application universelles des instruments existants, le Liechtenstein est également soucieux de contribuer à l’élaboration en cours de nouveaux instruments juridiques sur divers sujets concrets. Le Liechtenstein souscrit pleinement à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne ainsi qu’aux principes de l’universalité, de l’interdépendance et de l’indivisibilité de tous les droits de l’homme. L’élaboration du régime juridique des droits de l’homme est l’une des œuvres exemplaires de l’Organisations des Nations Unies, mais l’écart entre les normes et la pratique demeure très vaste, d’où l’urgente nécessité de ne pas relâcher les efforts visant à régler les problèmes relatifs aux droits de l’homme, en particulier ceux qui concernent le développement, la paix et la sécurité.

3.Les organes conventionnels occupent une place centrale dans le régime des droits de l’homme mais ils risquent d’être victimes de leur propre succès. Des mesures de réforme s’imposent donc d’urgence pour faire en sorte que l’établissement des rapports ne soit pas une charge trop lourde pour les États parties et que les organes conventionnels eux‑mêmes concentrent leur action sur les éléments essentiels de leur mandat respectif et sur le traitement efficace des rapports qui leur sont présentés. En coopération avec le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, le Liechtenstein a organisé en 2003 une réunion d’experts sur cette réforme, qui doit viser à préserver le caractère spécifique des organes conventionnels tout en rationalisant et harmonisant autant que faire se peut leurs méthodes de travail. Le Liechtenstein continuera de participer activement à ce processus, qui retient l’attention du Haut‑Commissariat mais également des organes conventionnels eux‑mêmes, du Comité des droits de l’homme en particulier. L’action de ce dernier a beaucoup contribué tant au respect des droits de l’homme qu’au développement du droit international. Ses observations générales, celle portant le no 31 relative à la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties par exemple, ont un rayonnement qui dépasse de loin le cercle des spécialistes des droits de l’homme et il faut espérer qu’il continuera de se pencher sur les problèmes les plus pressants en veillant à ce que ses constatations et conclusions soient largement diffusées.

4.Pour des raisons géographiques et historiques, la Convention européenne des droits de l’homme est mieux connue que le Pacte au Liechtenstein mais l’on constate dans le pays une prise de conscience croissante de l’importance de l’action des Nations Unies en général et des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme en particulier. Il faut espérer que la publication des décisions du Comité augmentera encore cette prise de conscience des obligations que le Liechtenstein a assumées en matière de droits de l’homme dans le cadre des Nations Unies. Le rapport soumis au Comité des droits de l’homme (CCPR/C/LIE/2003/1) est un rapport initial mais le Liechtenstein a déjà soumis au moins un rapport à chacun des grands organes conventionnels des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme, le dernier en date étant celui soumis au titre du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le rapport à l’examen ne reprend donc pas les données qui figuraient déjà dans ces rapports antérieurs. Il a été établi conformément aux directives pertinentes publiées par le Comité et la délégation du Liechtenstein a préparé des réponses à la liste de questions posées par le Comité (CCPR/C/81/L/LIE).

5.En ce qui concerne la question 1 (place du Pacte dans l’ordre juridique interne), il n’y a pas au Liechtenstein de dispositions régissant expressément la place des traités dans le droit interne. Ce statut est en effet fonction du contenu de la disposition considérée. La Cour constitutionnelle a jugé à maintes reprises que les traités internationaux approuvés par le Parlement ont une autorité au moins égale à celle des lois, voire, dans le cas de la Convention européenne des droits de l’homme, un «statut constitutionnel de fait». Les traités dont la matière relève du droit constitutionnel, les droits fondamentaux inscrits dans la Convention européenne et le Pacte, par exemple, ne font pas formellement partie du droit constitutionnel, parce qu’ils ne font pas intervenir la procédure parlementaire requise, mais ils font partie du droit constitutionnel quant au fond et se situent donc au‑dessus des lois mais immédiatement en dessous de la Constitution. La seule fois où la Cour constitutionnelle a évoqué le Pacte dans l’un de ses arrêts, elle a relevé que celui‑ci couvrait plus ou moins les mêmes droits fondamentaux que ceux garantis par la Constitution et la Convention européenne. Comme suite aux modifications constitutionnelles adoptées par référendum en mars 2003, il a fallu réviser la loi relative à la Cour constitutionnelle. Deux nouvelles dispositions de cette loi, à savoir les articles 15 et 20, sont intéressantes au regard de la place du Pacte dans l’ordre juridique interne.

6.L’article 15 de la loi relative à la Cour constitutionnelle porte sur les «plaintes individuelles», le choix du terme «individuelles» au lieu de «constitutionnelles» signifiant que les droits visés sont ceux garantis par la Constitution mais aussi par les conventions internationales pour lesquelles le législateur a expressément reconnu un droit de plainte individuelle, c’est‑à‑dire, notamment, le Pacte. Qu’il s’agisse de droits garantis par ces conventions ou par la Constitution, seules les décisions définitives de la plus haute instance compétente peuvent faire l’objet d’une plainte individuelle, c’est‑à‑dire en général une fois que toutes les voies de recours ont été épuisées. En vertu du paragraphe 1 de l’article 15, tout acte d’une autorité publique susceptible de violer des droits garantis par la Constitution ou par le Pacte peut faire l’objet d’une plainte individuelle devant la Cour constitutionnelle, y compris les actes du Parlement et du chef de l’État, ce qui n’était pas le cas avant la révision de la loi. Cette protection générale des droits garantis découle non seulement de l’article 43 de la Constitution mais également du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, qui impose d’offrir un recours utile à toute personne dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. Le paragraphe 3 de l’article 15 étend le droit de plainte individuelle aux violations de droits garantis par la Constitution ou par le Pacte résultant de l’effet immédiat d’une disposition juridique sur un droit fondamental de l’auteur de la plainte sans qu’une autorité publique ait pris une décision ou ordonnance à cet effet. Quant à l’article 20 de la même loi, il habilite la Cour constitutionnelle, sur requête d’un tribunal, d’une autorité municipale ou d’au moins 100 citoyens jouissant du droit de vote, ou de son propre chef, à déterminer si tout ou partie d’une ordonnance (de l’exécutif) est conforme à la Constitution, aux lois et aux traités internationaux.

7.En ce qui concerne la question 2 (invocation du Pacte devant les juridictions nationales), aucune plainte individuelle pour violation alléguée des droits garantis par le Pacte n’a été déposée auprès de la Cour constitutionnelle depuis l’entrée en vigueur pour le Liechtenstein du Protocole facultatif, en 1999. Pour comparaison, la première plainte contre le Liechtenstein au titre de la Convention européenne a été déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme en 1988, soit six ans après l’entrée en vigueur de ladite convention pour le Liechtenstein.

8.En ce qui concerne la question 3 (retrait des réserves), le Liechtenstein part du principe que les obligations conventionnelles ne devraient être contractées que si elles peuvent être intégralement assumées. Il formule donc une réserve chaque fois que le risque d’incompatibilité avec la législation interne n’est pas totalement exclu, pour autant que le traité considéré autorise les réserves. Il s’efforce en outre d’éviter de créer différents niveaux de protection pour des instruments internationaux couvrant des matières analogues. Cette démarche aboutit à un nombre plus élevé de réserves mais elle conforte le principe du respect intégral et facilite l’adhésion, dans un laps de temps relativement court, à un nombre considérable d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et l’acceptation de toutes les procédures existantes en matière de plaintes individuelles. Cela étant, une réserve n’est légitime que si elle ne contredit pas l’objet même de l’instrument et qu’elle est conforme à la Convention de Vienne sur le droit des traités.

9.La réserve au paragraphe 1 de l’article 14 correspond à celle que le Liechtenstein a formulée à l’égard du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne et s’explique par le fait que certaines dispositions concernant des phases précises des procédures civiles et pénales et de certaines procédures administratives ne permettent pas de garantir pleinement la publicité des audiences et du prononcé des jugements, en particulier dans les affaires où le jugement doit être adressé par écrit aux parties. La réserve au paragraphe 1 de l’article 17 est expliquée au paragraphe 138 du rapport et tient à la situation particulière du Liechtenstein − petit territoire, caractère rural, fort pourcentage d’étrangers (35 %) et forte pression migratoire. Ces facteurs ont été reconnus par l’Union européenne, qui a autorisé le Liechtenstein à introduire un système de quotas pour les permis de travail et de séjour alors que l’Accord sur la zone économique européenne repose sur la libre circulation des personnes.

10.La réserve au paragraphe 3 de l’article 24 est identique à celle formulée à l’égard de l’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Bien qu’il n’y ait aucune discrimination juridique en matière d’acquisition de la nationalité, qui est fondée sur le droit du sang, le droit actuel de la nationalité ne permet pas − encore − d’éviter qu’un enfant dont les deux parents sont apatrides le devienne lui aussi. Aucun cas concret d’enfant apatride né au Liechtenstein n’est à signaler. La situation des apatrides fait l’objet d’un réexamen approfondi qui doit permettre au Liechtenstein d’adhérer à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Lorsque les amendements législatifs nécessaires à cet effet seront présentés au Parlement, ils seront assortis d’une proposition tendant à retirer cette réserve au Pacte. En ce qui concerne la réserve à l’article 26 du Pacte, la situation concernant l’égalité de traitement dans les domaines qui ne sont pas couverts par le Pacte s’est améliorée à certains égards. Le Liechtenstein a signé le Protocole no 12 à la Convention européenne pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui étend l’interdiction de la discrimination à tout droit énoncé dans la loi. La réserve à l’article 26 sera probablement retirée dès que le Liechtenstein sera devenu partie à cet instrument. Le Liechtenstein a par ailleurs accepté les procédures de plainte individuelle instituées par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; la Cour constitutionnelle dispose désormais de nouvelles compétences en matière de plaintes.

11.S’agissant de la question 4 (pouvoirs, immunité et règles de succession du Prince régnant et procédures de modification de la Constitution), l’article 2 de la Constitution, qui est inchangé, institue un régime constitutionnel dualiste, avec séparation des pouvoirs entre le Prince et le peuple. Les membres du Gouvernement sont nommés par le Prince, sur la proposition du Parlement, et ils sont responsables devant l’un et l’autre. Pour ce qui est de la destitution et de la démission du Gouvernement ou de certains de ses membres, la situation est plus complexe, pour des raisons historiques. Avant 1921, les ministres n’étaient responsables que devant le Prince, qui pouvait les destituer à tout moment. La Constitution de 1921 n’a apporté aucune modification expresse à ce système, si ce n’est une disposition de son article 80 stipulant que le Parlement peut demander au Prince de destituer tel ou tel ministre qui, dans l’exercice de ses fonctions, aurait perdu la confiance du Parlement, étant entendu que le Prince n’était pas expressément tenu de faire droit à cette demande et qu’il pouvait par ailleurs indirectement destituer l’ensemble du Gouvernement en prononçant la dissolution du Parlement. La Constitution de 1921 contenait toutefois de nombreuses dispositions nouvelles régissant les pouvoirs du Prince, du Premier Ministre, du Gouvernement, des différents ministres et du Parlement. Ces dispositions restreignaient nécessairement les pouvoirs du Prince, au profit du Parlement, mais dans le champ strict de chaque disposition. Partout où la Constitution était muette, le Prince conservait tous ses pouvoirs antérieurs, notamment le droit de destituer le Gouvernement ou tel ou tel de ses membres. Cela étant, ce droit n’a jamais été exercé dans la pratique.

12.Les amendements constitutionnels de mars 2003 ont modifié l’article 80 de la Constitution sur un seul point, à savoir que le Gouvernement perd ipso jure le pouvoir d’exercer ses fonctions s’il n’obtient pas la confiance du Prince ou du Parlement. Ce dernier n’a plus à demander au Prince de destituer le Gouvernement. Le Prince et le Parlement s’accordent sur un nouveau gouvernement, qui est nommé immédiatement. Faute d’un tel accord, le Prince est habilité à nommer un gouvernement de transition, qui doit néanmoins solliciter la confiance du Parlement dans les quatre mois qui suivent sa nomination. Les ministres pris individuellement, en revanche, ne perdent pas ipso jure le pouvoir d’exercer leurs fonctions s’ils n’ont plus la confiance du Parlement et du Prince. Ce pouvoir leur est retiré par accord mutuel de ces deux instances. Ce nouveau dispositif s’explique par la nécessité de clarifier les pouvoirs du Prince en tant que chef de l’État et de conférer au Parlement un statut égal à cet égard. Les pouvoirs du Parlement ont donc été renforcés, puisque le maintien en fonction du Gouvernement ne dépend plus de la seule confiance du Prince. Là encore, les pouvoirs du Prince qui ne sont pas expressément limités subsistent, mais ne sont pas exercés dans la pratique.

13.Le pouvoir du Prince régnant de sanctionner les lois, consacré par l’article 9 de la Constitution de 1921, n’a pas été modifié pour l’essentiel. Son droit de veto, qui était illimité dans le temps, est désormais limité à six mois. Le pouvoir d’approuver les lois est un élément essentiel du processus législatif au Liechtenstein, car il permet au Prince régnant de s’opposer à la promulgation de mauvaises lois ou de lois inconstitutionnelles. En vertu de la séparation constitutionnelle des pouvoirs toutefois, le Prince régnant ne peut pas obliger le peuple à accepter l’entrée en vigueur d’une loi. L’article 9 doit être lu conjointement avec l’article 2, en vertu duquel le pouvoir de l’État s’incarne dans le Prince régnant et dans le peuple. Dans le processus législatif, la participation du Parlement est un pouvoir dérivé du peuple et soumis au contrôle du Prince régnant et du peuple, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir qu’a le Prince régnant de refuser sa sanction permet de protéger contre des violations de la Constitution. Dans la pratique, rares ont été les cas où ce pouvoir a été exercé. Ainsi en 1961, le Prince régnant, en accord avec le Parlement, a refusé sa sanction à une initiative populaire contredisant une loi sur la chasse que venait d’adopter le Parlement, pour des raisons pratiques et juridiques.

14.Comme avant la révision, la Constitution ne peut être modifiée que par la décision unanime des députés présents ou par une majorité des trois quarts pendant deux séances consécutives du Parlement. L’initiative pour la modification de la Constitution appartient au Gouvernement, au Parlement et au peuple. Avant la réforme constitutionnelle, il existait déjà une possibilité de rompre le pacte liant le Prince régnant au peuple. Cette possibilité prend désormais la forme d’une procédure constitutionnelle démocratique d’abolition de la monarchie. Comme l’abolition opérerait un bouleversement des fondements de l’État et de la Constitution, une telle mesure ne doit pouvoir être adoptée qu’après avoir été mûrement réfléchie. Dans cette hypothèse, le peuple participerait également au processus de prise de décisions sur la mise en place d’une nouvelle constitution, laquelle n’aurait alors pas besoin de la sanction du Prince régnant.

15.La nouvelle version du paragraphe 2 de l’article 7 («La personne du Prince régnant jouit de l’immunité de juridiction, et la responsabilité juridique du Prince ne saurait être engagée») est une rédaction plus moderne du texte antérieur («Sa personne est sacrée et inviolable»), mais la teneur et la portée de l’immunité restent inchangées. Cette disposition concerne la personne du Prince régnant seulement en tant que chef de l’État et s’applique aussi de façon fonctionnelle à quiconque assume la responsabilité du chef de l’État: cette référence explicite à la personne qui assume ainsi la responsabilité du chef de l’État n’entraîne pas de modification sur le fond mais elle précise simplement une règle déjà applicable. La nouvelle rédaction de cette disposition précise également de façon claire que la personne du Prince régnant n’est protégée que dans l’exercice de ses fonctions de chef de l’État. Ses actes individuels peuvent, s’ils portent atteinte aux droits des citoyens, faire l’objet de recours en droit interne. De plus, le Premier Ministre, en contresignant ces actes, en assume la responsabilité politique et juridique. La formule «la responsabilité juridique du Prince ne saurait être engagée» a deux objectifs. Elle permet tout d’abord de préciser la portée juridique de l’immunité à l’égard de toutes les autorités, y compris le Gouvernement et le Parlement. Elle reconnaît en même temps implicitement la responsabilité politique du Prince régnant devant le peuple; en effet, en vertu de l’article 13 ter, un groupe d’au moins 1 500 citoyens peut présenter une motion de censure contre le Prince régnant.

16.En ce qui concerne les règles de succession au trône, l’article 3 du texte révisé précise que, comme l’âge de la majorité du Prince régnant et du Prince héritier et les dispositions en matière de tutelle, elles sont régies par la loi sur la Maison princière, dont l’État reconnaît ainsi l’autonomie dans ces matières. Il convient de se référer à cet égard à la déclaration concernant l’article 3 du Pacte faite par le Liechtenstein au moment de la ratification (par. 52 du rapport).

17.La loi sur la Maison princière est une source juridique extérieure à la législation de l’État. La relation entre la loi de l’État et la loi sur la Maison princière doit être considérée dans le cadre du système dualiste de l’État, de la démocratie et de la primauté du droit. Les normes juridiques résultant de l’autonomie de la Maison princière qui ont une incidence sur l’État doivent être acceptées par le Parlement et être publiées.

18.D’après la doctrine en vigueur, la promulgation de la Constitution de 1921 entraînait l’approbation et l’adoption des lois sur la Maison princière en vigueur à l’époque, pour les matières régies par l’article 3 de la Constitution. En ce qui concerne la succession au trône, la loi sur la Maison princière édicte la règle séculaire de la primogéniture, en vertu de laquelle le premier‑né de la lignée la plus ancienne de la Maison de Liechtenstein accède au trône. Cette règle existe depuis 1606; elle fait partie de l’ordre juridique du pays depuis la promulgation de la Constitution de 1921 et les nouvelles dispositions constitutionnelles de mars 2003 n’ont rien changé à cet égard.

19.Mme HOCH (Liechtenstein), répondant à la question 5 sur les mesures visant à promouvoir la participation des femmes au gouvernement et aux procédures décisionnelles, renvoie les membres du Comité aux informations figurant dans les rapports soumis par le Liechtenstein à d’autres organes conventionnels et se limitera à apporter des informations complémentaires.

20.Les hommes continuent à occuper une position dominante dans la vie politique, malgré des tendances positives allant dans le sens d’une meilleure représentation et d’une plus grande participation des femmes. Lors des élections au Parlement national, un tiers environ des candidats étaient des femmes (contre 23 % en 1986). Cependant, les chances d’être élues restent relativement faibles puisqu’un peu plus de 10 % seulement des sièges ont échu à des femmes. La situation est plus favorable au niveau local, où l’on recense environ 30 % de femmes dans les conseils municipaux, mais une seule municipalité a élu une femme à la charge de maire, il y a quelques années. À l’heure actuelle, l’un des cinq ministres du Gouvernement est une femme. Cette faible participation s’explique par le fait que les femmes sont moins connues, qu’elles ont moins d’expérience de la politique, qu’elles sont généralement considérées comme moins compétentes, qu’elles hésitent à se présenter et enfin qu’elles sont peu soutenues par les électeurs de sexe masculin. C’est pourquoi différentes mesures ont été prises en vue d’une meilleure information et d’une sensibilisation de la population. Il n’existe pas pour le moment de système de quotas ou de contraintes juridiques conçus pour augmenter la représentation des femmes dans la vie publique. Un ensemble de propositions a été adressé aux partis politiques en vue d’encourager le recrutement et la formation de candidates. Il leur a été suggéré notamment de constituer une réserve de candidates, de faire participer davantage les femmes aux commissions, de solliciter directement les femmes qui militent dans des partis politiques ou sont membres de commissions ou d’autres organisations et de faire connaître à l’opinion publique les actions menées par des femmes. Il est également suggéré de mieux informer les candidates sur les exigences de l’engagement politique et de prévoir des mesures de soutien pendant les périodes électorales et dans la vie politique en général. Le Bureau de l’égalité des sexes a commencé à organiser des cours sur la vie politique et sur les techniques de communication. Un programme a également été mis en place à l’intention des femmes qui participent déjà activement à la vie politique. La représentation des femmes dans les institutions publiques et dans l’administration reste faible malgré une certaine tendance à la hausse. Les femmes occupent actuellement environ 25 % des postes dans les fonctions publiques, 30 % des postes dans les tribunaux, 20 % dans les commissions nationales et 27 % dans les commissions municipales. C’est dans le domaine des affaires sociales que les femmes sont le plus représentées. La place des femmes sur le marché du travail augmente de façon constante depuis 70 ans. Il existe un comité permanent chargé de procéder à des évaluations en la matière. En 2000, près de 45 % des salariés étaient des femmes. Cependant, les femmes continuent à occuper des postes subalternes, à travailler plus souvent à temps partiel et il est très rare qu’elles créent leur entreprise. Il n’est pas possible à l’heure actuelle de déterminer s’il existe une inégalité de revenu entre les hommes et les femmes. Des statistiques sur les salaires sont en cours d’établissement et il sera sans doute possible d’avoir des données sur cette question en 2005.

21.En réponse à la question 6 relative au prix créé en 1999 mentionné au paragraphe 51 du rapport, Mme Hoch précise que ce prix a été décerné à cinq reprises; il est attribué en alternance à des ONG et à des entreprises. En 2004, il sera décerné à une entreprise et à cette fin un questionnaire sera envoyé à toutes les entreprises de plus de 10 salariés. Quant aux ONG, leur nombre au Liechtenstein étant limité, il est encourageant de voir que trois à cinq organisations ont présenté un projet à chaque fois. En 2000, une organisation a obtenu le prix pour un projet d’information à l’intention des femmes migrantes. Depuis lors, cette ONG est devenue la principale organisation active dans ce domaine, parce que ses services sont mieux connus du public.

22.En ce qui concerne les mesures administratives prises pour lutter contre l’inégalité de traitement de fait dont sont victimes les femmes et les filles, les statistiques montrent que garçons et filles sont également présents dans les établissements primaires et secondaires, et en 2003, pour la première fois, il y a eu plus de filles que de garçons inscrits dans le dernier cycle de l’enseignement secondaire. La proportion de femmes dans les universités augmente, puisqu’elles représentent 43 % des étudiants liechtensteinois, contre 23 % en 1980 et 30 % en 1990. Des différences demeurent quant au choix de la profession. Les femmes apprenties choisissent en priorité les professions commerciales, alors que les hommes ont des choix plus diversifiés. En 2000, une initiative a été lancée pour faire prendre conscience aux filles et aux femmes souhaitant revenir sur le marché du travail de l’importance d’avoir un bon niveau d’études et de diversifier leurs choix de profession. En 2001, un projet sur les choix professionnels des femmes a été entrepris au niveau régional, en collaboration avec des organismes autrichien et suisse, en vue d’évaluer les projets réalisés et d’élaborer de nouveaux projets pour l’avenir. Les résultats de cette étude ont montré que les filles âgées de 12 à 16 ans avaient déjà adopté des stéréotypes féminins. En 2002, un atelier a été organisé à l’intention des enseignants et des parents pour leur faire prendre conscience du poids des stéréotypes. Des supports pédagogiques conçus dans une perspective d’égalité des sexes, créés à l’occasion du quinzième anniversaire de l’accession des femmes au droit de vote, sont utilisés à tous les niveaux de l’enseignement.

23.Pour ce qui est des violences sexuelles, des mesures importantes ont été prises. Une loi sur les délits et crimes sexuels adoptée en 2001 prévoit de nouvelles infractions qui sont le viol conjugal et le harcèlement sexuel. En 2001, également, une loi sur la protection contre la violence sexuelle a été adoptée. Sa principale disposition porte sur le droit d’éloigner du foyer un partenaire violent. En 2003, une étude interrégionale à laquelle ont participé l’Autriche et la Suisse a été réalisée sur la violence dans le couple. Elle a été suivie d’une campagne d’information accompagnée de nombreuses manifestations. En mai 2003, un guide sur la protection des victimes de violences conjugales, à l’intention de la famille et de l’entourage, a été publié et en avril 2004 le Parlement a adopté en première lecture une loi relative à la protection des victimes.

24.M. LANGENBAHN (Liechtenstein), répondant à la question 7 relative à la succession héréditaire au trône, explique que la loi sur la Maison princière est une loi autonome, qui ne fait pas partie de la législation de l’État, et rappelle la déclaration faite par le Liechtenstein concernant l’article 3 du Pacte.

25.Répondant à la question 8 relative aux mesures concrètes appliquées pour combattre l’extrémisme de droite chez les jeunes, M. Langenbahn explique qu’un effort tout particulier est fait dans les établissements scolaires, où des actions sont entreprises pour promouvoir l’intégration des jeunes étrangers et pour sensibiliser les jeunes à la question de la tolérance, à l’occasion de l’étude des différentes matières. De plus, des projets interculturels, notamment des campagnes de solidarité à l’intention des enfants des pays en développement sont menés pour éveiller l’intérêt des jeunes aux autres cultures. Le paragraphe 5 de l’article 33 du Code pénal prévoit des sanctions aggravées pour les infractions à caractère xénophobe ou raciste. La situation en ce qui concerne les activités des extrémistes s’est améliorée, mais on relève encore quelques incidents qui vont des insultes aux graffitis et, dans certains cas, à des agressions physiques. Toutefois, les manifestations publiques des groupes d’extrémistes ont presque disparu, de même que les actions racistes organisées. Le Gouvernement a décidé de mener une action de prévention s’adressant aux jeunes en général et a créé une commission nationale à cet effet. C’est dans ce cadre qu’un film a été réalisé, en coopération avec des institutions du canton suisse de Saint-Gall.

26.L’article 283 du Code pénal, largement inspiré de l’article correspondant du Code pénal suisse, érige en infraction l’appartenance à une association incitant à la discrimination raciale. Cette disposition a été adoptée afin de permettre la ratification sans réserve de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. En règle générale, pour l’interprétation de cet article 283, on se fonde sur la jurisprudence des tribunaux suisses pour l’article correspondant du Code pénal suisse, et sur la doctrine consacrée à cet article. Dans le rapport présenté par le Gouvernement à l’occasion de l’adoption par le Parlement de cet article, il est précisé que l’appartenance à un tel groupe ne peut être simplement déduite de la participation aux activités de ces groupes. On peut supposer que le port d’insignes distinctifs pourrait être un motif d’incrimination mais, en l’absence de jurisprudence liechtensteinoise sur ce point, on ne peut pas dire comment cette disposition sera appliquée. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 283, en 2000, la police nationale a signalé 11 cas de violation de cet article et 16 cas de violation de l’article 33 du Code pénal. Un seul jugement définitif − une condamnation − a été prononcé sur la base de l’article 283. Aucune formation interne n’a eu lieu sur l’application de cette disposition, mais un fonctionnaire a participé à une formation organisée par la police fédérale de Berne, portant notamment sur ce sujet. Les membres des forces de l’ordre et des services judiciaires peuvent consulter le matériel pédagogique utilisé à l’étranger sur ce point. Enfin, la formation des policiers comprend désormais une formation aux droits de l’homme.

27.Mme HOCH (Liechtenstein), répondant à la question no 9, indique que le principe du traitement égal de tous les citoyens prévu par l’article 31 de la Constitution est inscrit dans la Loi fondamentale du Liechtenstein depuis 1921. L’article 31 n’a été modifié qu’une seule fois, en 1992, à la suite d’une motion parlementaire demandant que l’égalité entre hommes et femmes soit clairement stipulée dans la Constitution. Le Liechtenstein est aujourd’hui partie à un grand nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont les six grands instruments des Nations Unies, et il a adhéré à toutes les procédures prévues par ces instruments pour examiner les plaintes des particuliers. La Cour constitutionnelle est habilitée à connaître des plaintes à l’échelle nationale et à se prononcer sur la nécessité d’une modification législative. La garantie de la protection égale des étrangers par la loi est aussi établie.

28.En réponse à la question no 10, Mme Hoch indique que la nationalité liechtensteinoise s’acquiert de trois façons: par la naissance ou l’adoption, par le mariage ou par la naturalisation. Pour obtenir la nationalité liechtensteinoise par la voie du mariage, il faut avoir vécu 12 ans dans le pays, les années après le mariage comptant double. La procédure de naturalisation peut revêtir deux formes: il existe un droit automatique à la nationalité au bout de 30 ans de résidence au Liechtenstein, les années passées avant l’âge de 20 ans comptant double. La deuxième possibilité est la voie du référendum, qui est organisé au niveau municipal; au moins cinq ans de résidence sont alors requis et l’expérience a montré que les personnes qui avaient plus de cinq ans de résidence et qui étaient bien intégrées grâce à une participation active à la vie culturelle et sportive avaient de meilleures chances d’être naturalisées. Au cours des 10 dernières années, 90 personnes ont obtenu la nationalité dans le cadre d’un référendum, et 43 personnes ont été déboutées.

29.M. LANGENBAHN (Liechtenstein), répondant aux questions nos 11 et 12 de la liste, indique que le principe de l’interdiction de déroger aux droits énoncés à l’article 4 du Pacte est directement applicable et a été complété par une disposition constitutionnelle relative aux pouvoirs de dérogation du Prince. L’article 3 de la Constitution de 1921 contenait déjà une disposition prévoyant que le Prince pouvait prendre les mesures nécessaires à la sécurité et au salut de l’État. Les décrets d’urgence ne peuvent être promulgués que dans des circonstances graves et en cas de nécessité urgente, par exemple dans le cas où le Parlement est dans l’incapacité de légiférer. Ils doivent être liés à une circonstance précise, relever d’une nécessité absolue pour assurer la sécurité ou le salut de l’État, ou les deux ensemble, être justifiés par des raisons objectives, et respecter le principe de proportionnalité. Les décrets doivent être contresignés par le Premier Ministre. La Constitution prévoit que le Prince exerce les pouvoirs de l’État conformément à la Constitution et aux autres lois. En conséquence, il est tenu au premier chef d’appliquer les dispositions constitutionnelles relatives à la responsabilité de l’État conformément aux articles 14 et suivants de la Constitution, en particulier la responsabilité suprême de l’État de promouvoir le bien‑être de la population. Mais les décrets d’urgence doivent également respecter les droits des nationaux et des étrangers consacrés aux articles 28 et suivants de la Constitution, qui fixent les garanties institutionnelles et les pouvoirs correspondants ainsi que les limites des dérogations imposables par l’État. La révision constitutionnelle de mars 2003 n’a pas étendu les pouvoirs d’exception du Prince, mais elle a énoncé expressément les limites et les restrictions qui s’appliquaient déjà. Pour renforcer la primauté du droit, le Liechtenstein a décidé de suivre la Convention européenne des droits de l’homme pour ce qui est des droits reconnus comme intangibles et a fixé à six mois la durée de validité des décrets d’urgence.

30.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poser oralement leurs questions complémentaires sur les points 1 à 10 de la liste (CCPR/C/81/L/LIE).

31.M. ANDO, revenant sur la question de la place des instruments internationaux dans le droit interne, relève que la délégation liechtensteinoise a parlé d’un système dualiste de gouvernement, dans lequel la puissance publique est exercée par le Prince et par le peuple, mais qu’il est fait mention au paragraphe 49 du rapport (CCPR/C/LIE/2003/1) du «système moniste» en vertu duquel le Pacte serait directement applicable en droit interne. Des éclaircissements seraient bienvenus sur cette question. Par ailleurs, il semble que les instruments internationaux auxquels le Liechtenstein a adhéré aient au minimum le statut de loi, mais que ceux qui traitent de questions relevant essentiellement du droit constitutionnel aient un rang inférieur à celui de la Constitution. M. Ando serait reconnaissant à la délégation de bien vouloir clarifier la situation et d’indiquer notamment si les instruments internationaux doivent être incorporés dans le droit interne pour être applicables. Il est dit au paragraphe 36 du rapport que la Cour constitutionnelle veille à la conformité du droit interne avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, et M. Ando espère qu’il en va de même à l’égard des dispositions du Pacte. Il voudrait savoir en outre quelle place occupe le droit international coutumier dans le système juridique du Liechtenstein.

32.En ce qui concerne la question des réserves à certaines dispositions du Pacte qui ont été formulées par le Liechtenstein, M. Ando appelle l’attention sur l’Observation générale no 24 du Comité, dans laquelle celui‑ci a considéré qu’il était habilité à déterminer si une réserve était compatible avec l’objet et le but du Pacte. M. Ando comprend les raisons qui ont motivé les réserves, mais il s’interroge toutefois sur l’utilité de maintenir celles relatives au paragraphe 1 de l’article 14, au paragraphe 1 de l’article 17, au paragraphe 3 de l’article 24 et à l’article 26. Pour ce qui est de l’article 14 du Pacte, M. Ando est d’avis que son libellé a une portée suffisamment large pour répondre au souci des autorités liechtensteinoises. En ce qui concerne l’article 17 du Pacte, s’il comprend la préoccupation de l’État partie, M. Ando doute cependant que le retrait de la réserve soit source de réelles difficultés. Pour ce qui est du droit prévu dans le paragraphe 3 de l’article 24 du Pacte, il souhaiterait savoir si les autorités envisagent de l’appliquer pleinement aux enfants apatrides nés sur le territoire national. Enfin, en ce qui concerne l’article 26 du Pacte, le Comité a considéré dans sa jurisprudence que cette disposition du Pacte prévoyait un droit autonome, et que l’application du principe qu’il consacre n’était pas limitée aux droits stipulés dans le Pacte. M. Ando a noté que les autorités liechtensteinoises envisageaient de retirer leur réserve du fait de l’adhésion de leur pays au Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et souhaiterait connaître leur point de vue concernant la position du Comité au regard de l’application de l’article 26 du Pacte.

33.M. SOLARI‑YRIGOYEN félicite les autorités liechtensteinoises pour le soin avec lequel elles ont élaboré le rapport initial, tout en notant une insuffisance de renseignements sur les mesures prises pour donner pleinement effet aux droits garantis par le Pacte et sur les progrès accomplis en la matière. En outre, il y est davantage question de l’application des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme que de celles du Pacte. Il se félicite du retrait de la réserve portant sur le paragraphe 2 de l’article 20 du Pacte, mais comprend mal les raisons pour lesquelles celle concernant son paragraphe 1 a été maintenue. La délégation a justifié ce maintien par l’absence d’une définition de la propagande en faveur de la guerre qui aurait l’agrément de l’ensemble de la population. Mais tous les peuples du monde ont leur idée quant à ce que recouvrent le terme de propagande et celui de guerre, et l’idée qu’en a la population pourrait suffire pour interdire expressément dans la loi la propagande en faveur de la guerre.

34.Il est dit dans le rapport que les particuliers peuvent saisir la Cour constitutionnelle s’ils s’estiment victime d’une violation des droits garantis par le Pacte. Encore faut‑il qu’ils connaissent l’existence et la teneur du Pacte. Les autorités liechtensteinoises envisagent‑elles d’améliorer la diffusion de l’information relative au Pacte et de donner une plus grande publicité également aux activités de l’institution nationale compétente en la matière?

35.La réforme constitutionnelle de mars 2003 a apporté de nombreux changements, dont la délégation a longuement fait état dans ses réponses. Il conviendrait cependant de savoir si toutes les modifications qui ont été apportées l’ont été dans le plein respect du Pacte et si la réforme a permis de rendre le droit interne en tout point compatible avec l’instrument. Par exemple, en ce qui concerne les règles de succession au trône, la règle de la primogéniture demeure, et M. Solari‑Yrigoyen souhaiterait savoir si l’égalité entre hommes et femmes dans ce domaine est aujourd’hui une réalité.

36.En ce qui concerne l’application de l’article 4 du Pacte, la lecture du rapport ne permet pas de déterminer si les restrictions et dérogations possibles en vertu du droit interne sont compatibles avec les dispositions de cet article du Pacte. M. Solari‑Yrigoyen a l’impression que tel n’est pas le cas car le Prince peut apparemment restreindre ou supprimer certains droits dans des situations moins exceptionnelles que celles prévues dans le Pacte, et il serait heureux d’entendre la délégation liechtensteinoise sur cette question.

37.M. BHAGWATI a noté au paragraphe 45 du rapport que les instruments internationaux auxquels le Liechtenstein a adhéré font directement partie de l’ordre juridique interne, ce qui signifie que l’article 26 du Pacte − qui prévoit l’égalité de tous devant la loi − fait partie intégrante de la législation nationale. Dans ces conditions, on comprend mal pour quelles raisons l’article 33 de la Constitution n’a pas été modifié de façon à accorder l’égalité à toutes les personnes placées sous la juridiction de l’État partie, y compris les étrangers.

38.En ce qui concerne la condition de la femme, la délégation a montré que des efforts étaient entrepris pour l’améliorer dans tous les domaines. Toutefois, la participation des femmes aux affaires publiques, et notamment aux processus décisionnels, est encore faible. M. Bhagwati voudrait savoir en outre quelle est la proportion de femmes dans l’enseignement supérieur, si le projet de loi sur l’égalité en droits a été adopté et, dans l’affirmative, si elle s’applique aux deux secteurs, privé et public. Les femmes sont apparemment cantonnées aux emplois faiblement rémunérés ou à temps partiel, et M. Bhagwati serait reconnaissant à la délégation liechtensteinoise de bien vouloir commenter cette situation, et d’indiquer notamment comment le principe «à travail égal, salaire égal» est appliqué. Il souhaiterait connaître les résultats des mesures prises afin de mieux informer et motiver les femmes. Il se demande si le problème de la violence familiale à l’égard des femmes existe au Liechtenstein et, dans l’affirmative, quelles actions sont menées pour y remédier. Il voudrait également savoir si le Réseau des femmes du Liechtenstein se consacre également à l’éducation et l’information des femmes sur leurs droits et leurs obligations. Relevant que les femmes sont sous-représentées au Parlement, il demande ce qui est fait pour améliorer la situation. Enfin, il souhaiterait connaître exactement les attributions des groupes de travail féminins régionaux.

39.M. RIVAS POSADA demande s’il doit y avoir une déclaration d’état d’urgence motivée avant que le Prince ne prenne des décrets limitant ou suspendant l’exercice de certains droits dans des situations dites d’urgence. Il voudrait également savoir si la population a alors la possibilité de demander à un tribunal de se prononcer sur la conformité de ces décrets avec la loi, s’il est prévu de proroger leur validité et, dans l’affirmative, selon quelles conditions et modalités. Il faut rappeler les obligations qui découlent de l’article 4 du Pacte, en particulier en ce qui concerne les droits auxquels il ne peut pas être dérogé dont la liste, donnée au paragraphe 57 du rapport, correspond davantage aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme qu’aux prescriptions du Pacte.

40.Mme WEDGWOOD, revenant sur la question de l’égalité entre les sexes, dit que de nombreuses monarchies modernes ont pris des dispositions pour qu’une femme puisse succéder au trône et que la confiance qu’elles manifestent ainsi à l’égard des femmes rejaillisse sur l’ensemble de la société. Elle se demande si le Liechtenstein ne devrait pas revoir sa position sur ce sujet. D’une façon générale, elle est préoccupée par les observations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes qui a mis en évidence un certain nombre d’inégalités bien réelles.

41.Sur la question des réserves émises à l’égard du Pacte et notamment de l’article 26, elle voudrait savoir s’il est prévu de les retirer. Les pouvoirs dont dispose le Prince régnant en situation d’urgence sont plus étendus que ceux qui sont généralement conférés aux chefs d’État et de gouvernement en pareil cas; d’une façon générale d’ailleurs elle s’étonne des pouvoirs dont dispose le Prince du Liechtenstein par rapport aux autres monarques du monde, dont les fonctions sont aujourd’hui essentiellement symboliques. Par exemple, l’immunité de poursuites judiciaires dont il jouit pourrait poser un problème en termes d’applicabilité du droit conventionnel et du droit international.

La séance est suspendue à 12 h 25; elle est reprise à 12 h 40.

42.M. WENEWESER (Liechtenstein) dit, sur la question de la place du Pacte dans le droit interne, que le système appliqué au Liechtenstein est bien le système moniste. Les dispositions d’application directe n’ont pas à être incorporées dans la législation. Un membre a demandé si la Cour constitutionnelle qui, comme il est dit au paragraphe 36 du rapport, assure la conformité du droit interne avec la Convention européenne des droits de l’homme, faisait de même pour le Pacte; bien que jusqu’ici le Pacte ait été peu invoqué directement, la délégation pense pouvoir affirmer qu’effectivement il en va du Pacte comme de la Convention européenne. La Déclaration universelle des droits de l’homme faisant partie du droit international coutumier est, à ce titre, directement applicable.

43.En ce qui concerne la question des réserves, le Liechtenstein apprécie le travail du Comité dans ce domaine et a noté que ce dernier allait poursuivre l’étude de la question en coopération avec les autres organes conventionnels. Le Liechtenstein reconnaît que ces organes sont compétents pour déterminer quelles réserves peuvent être acceptées mais estime aussi que des réserves peuvent être légitimes, légales et conformes à l’instrument sur lequel elles portent. M. Weneweser prend note de la remarque d’un membre du Comité qui a considéré que la réserve portant sur le paragraphe 1 de l’article 14 n’était pas nécessaire et en fera part au Gouvernement. En cas de doute, le Liechtenstein préfère émettre une réserve, étant entendu qu’il doit réexaminer régulièrement la justification de son maintien. En ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article 17, portant sur le regroupement familial, il peut affirmer que, pour l’heure en tout cas, il n’est pas prévu de la lever.

44.M. WALCH (Liechtenstein) donne des précisions, en tant que Directeur du Bureau de l’immigration. Le Liechtenstein ne peut pas accueillir les familles des personnes, des étudiants par exemple qui viennent pour une courte période parce qu’il manque de logements. Les étrangers qui viennent faire un semestre d’études savent qu’ils devront venir seuls mais, dans la pratique, l’État fait des exceptions à la règle, s’il est nécessaire que la famille accompagne l’intéressé.

45.M. WENAWESER (Liechtenstein) indique que les réserves faites à l’égard de l’article 24 et de l’article 26 seront probablement retirées dans un avenir proche, car elles ne sont plus vraiment nécessaires; la situation qui pourrait se présenter au regard de l’article 24 ne s’est en fait jamais produite.

46.En ce qui concerne l’article 31 de la Constitution relatif à l’égalité entre les individus, le Liechtenstein est comme nombre de pays réticent à modifier sa Constitution, même s’il l’a fait en 2003 sur d’autres points. La «non-égalité» des étrangers au Liechtenstein est limitée cependant à des domaines particuliers comme c’est le cas dans de nombreux pays. L’État étudiera toutefois les observations du Comité en la matière. En ce qui concerne les droits des femmes, le Liechtenstein rattrape son retard et des progrès ont été réalisés dans ce domaine, même si beaucoup reste encore à faire notamment pour donner suite à la Conférence de Beijing de 1995.

47.Mme HOCH (Liechtenstein) dit que 43 % des étudiants liechtensteinois sont des femmes, de l’enseignement supérieur, inscrites notamment dans des universités suisses ou allemandes. La loi sur l’égalité entre les sexes, entrée en vigueur en mai 1999, vise l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’emploi uniquement; elle dispose que les salariés ne peuvent faire l’objet d’aucune discrimination fondée sur leur sexe, leur situation familiale ou, pour les femmes, sur un éventuel état de grossesse. Ces dispositions concernent essentiellement le recrutement, la répartition des fonctions, les conditions de travail, la rémunération, la formation (initiale et continue), la promotion et les conditions de licenciement. La loi a également inversé la charge de la preuve; elle protège contre le renvoi à titre de représailles et prévoit des aides financières pour différents programmes et services de conseil. Ce texte comprend également le principe de l’égalité de rémunération pour un travail et des compétences égaux. Sur ce point, les données ne seront disponibles qu’en début d’année prochaine. Plusieurs lois ayant une incidence sur les droits des femmes dans d’autres domaines ont été révisées, par exemple, la loi sur la séparation et le divorce ou la loi sur les délits sexuels. À la question de la mise en place éventuelle de quotas, Mme Hoch répond que pour le moment rien n’a été fait et que rien n’est prévu en la matière. Les études menées révèlent que les femmes ne se sentent pas encore prêtes à assumer des responsabilités politiques, d’où l’organisation de formations et de séminaires conçus pour leur apporter les compétences nécessaires. Les prochaines élections législatives, qui auront lieu en janvier 2005, montreront si ces efforts ont porté leurs fruits. Le Réseau des femmes réunit 17 associations féminines qui œuvrent à des buts différents, certaines proposant des formations destinées à des groupes spécifiques, sur des sujets particuliers. Toutefois, le Réseau lui-même ne propose pas de programmes de formation ou d’éducation, sa vocation étant d’organiser des réunions et des congrès afin que s’échangent expériences et informations.

48.Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses réponses et l’invite à poursuivre à la prochaine séance.

La séance est levée à 13 heures.

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