NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.257719 février 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatorzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2577e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 17 octobre 2008, à 10 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique du Nicaragua

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Nicaragua (CCPR/C/NIC/3; CCPR/C/NIC/Q/3; CCPR/C/NIC/Q/3/Add.1)

1.Sur l ’ invitation du Président, M. Lara Palacios, M. Robelo Raffone, M. Cruz Toruño , M.  Somarriba Fonseca et M me  Lovo Hernández (Nicaragua) prennent place à la table du Comité.

2.M. LARA PALACIOS (Nicaragua), au nom du Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale, fermement attaché à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les Nicaraguayens et au respect des obligations contractées par le Nicaragua en vertu des différents instruments internationaux auxquels il est partie, remercie le Comité pour la compréhension dont il a fait preuve face au retard de plus de quinze années accumulé dans la présentation de ses rapports périodiques. Pour combler ce retard, le Gouvernement a créé l’Unité de suivi des instruments internationaux, qui relève du Ministère des relations extérieures, et le Comité interinstitutionnel des droits de l’homme, constitué de représentants d’institutions publiques et de la société civile. À travers ces mécanismes institutionnels, le Gouvernement compte assurer le suivi permanent de l’exécution de ses obligations internationales et de la mise en œuvre des recommandations des organes conventionnels, qui peuvent l’aider à élaborer des politiques publiques de développement, en particulier pour répondre aux besoins des groupes sociaux marginalisés et vulnérables.

3.Entre 1990 et 2007, période couverte par le troisième rapport périodique, le Nicaragua a mené à bien, au titre de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, une série de réformes législatives et institutionnelles qui lui ont permis de moderniser et de consolider son système démocratique pour que tous les Nicaraguayens, sans distinction aucune, puissent bénéficier d’un véritable état de droit.

4.La Constitution est le cadre général du système juridique nicaraguayen. Les principes fondamentaux qui y sont énoncés coïncident avec nombre de ceux formulés dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il y est expressément reconnu que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention américaine relative aux droits de l’homme et la Déclaration universelle des droits de l’homme ont rang constitutionnel.

5.Depuis 1990, le Nicaragua a considérablement modifié son système juridique grâce à l’adoption de lois visant la protection de droits élémentaires comme l’accès à la justice, et à la protection offerte par la loi ainsi que le droit à l’égalité devant la loi. À partir de 1998, il a entrepris de moderniser et de réformer son système de justice, composé par la Cour suprême de justice, le ministère public, le Service du Procureur général de la République et la Police nationale. La loi organique du pouvoir judiciaire a été adoptée en 1998 et son règlement d’application en 2004. La loi sur la profession judiciaire et son règlement d’application ont été adoptés plus récemment, en juin 2008. Leur entrée en vigueur a permis d’assurer l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire et de fonder la désignation des juges sur le mérite.

6.Un nouveau progrès a été accompli en janvier 1999 avec la création du bureau du Défenseur du peuple, rattaché au pouvoir judiciaire. L’objectif était de contribuer à l’instauration de l’état de droit et d’assurer l’égalité des personnes, le respect des formes régulières et le droit à la défense, en fournissant gratuitement des services de représentation en justice aux personnes n’ayant pas les moyens de verser les honoraires d’un avocat privé.

7.Le 24 mars 1998, l’Assemblée nationale a adopté le Code de l’enfance et de l’adolescence, fondé sur les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant ratifiée par le Nicaragua en avril 1990.

8.Alors qu’en 2000, les zones rurales et isolées du pays étaient caractérisées par une faible présence des institutions de l’État, facteur d’insécurité et d’impunité, le pouvoir judiciaire a fait une priorité de la consolidation d’un système de justice fondé sur les principes démocratiques et la participation des citoyens. En mars 2003 a été entrepris le programme de facilitateurs judiciaires ruraux dans le cadre d’un accord de coopération entre l’Organisation des États américains et la Cour suprême de justice. La fonction de facilitateur judiciaire rural a ensuite été officialisée par l’adoption de la loi no 406 (Code de procédure pénale) et sa réforme de la loi no 260 (loi organique du pouvoir judiciaire), qui ont fait des facilitateurs un corps auxiliaire au service de l’administration de la justice, chargé d’orienter les membres de la communauté, de diffuser des connaissances juridiques et de jouer un rôle d’arbitre ou de médiateur dans les différends entre habitants. Il importe de souligner que 20 % des facilitateurs sont des femmes. Leur stratégie vise l’égalité des pouvoirs dans les relations entre hommes et femmes et leur action encourage les victimes − principalement les femmes − à surmonter la peur et à porter plainte. Il faut également rappeler que les facilitateurs soutiennent et renforcent le droit coutumier, avec la collaboration des Wihta (juges) dans les régions autonomes de la côte atlantique nord et sud, en particulier au sein des ethnies miskitos et mayangnas.

9.En 2001, le ministère public a cessé de relever du service du Procureur général, avec lequel il formait auparavant un organe unique qui représentait à la fois la société en général et l’État, ce qui ne permettait pas d’assurer son impartialité en cas d’intérêts divergents. Le ministère public est donc devenu l’institution directement chargée d’exercer l’action pénale au nom de la société, et le service du Procureur général de la République a reçu pour mission de représenter légalement l’État et de défendre ses intérêts. Cette réorganisation institutionnelle a été suivie par l’adoption et l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale qui a établi un système accusatoire en lieu et place du système inquisitoire en vigueur dans le pays depuis plus d’un siècle, et qui a mis fin aux procédures secrètes et privées en instaurant le principe de la publicité des procès.

10.En 1996, la loi no 212 a établi le bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme, qui fonctionne comme une commission de l’Assemblée nationale et œuvre à la promotion, à la protection et à la défense des garanties constitutionnelles et des droits de l’homme. Sur ce modèle ont été créés différents bureaux des procureurs spéciaux (pour l’enfance et l’adolescence, pour la femme, pour les peuples autochtones et les communautés ethniques, pour les personnes handicapées et pour les personnes privées de liberté) ainsi qu’un bureau du Procureur pour la participation citoyenne.

11.En novembre 2003, l’Assemblée nationale a voté la loi no 473 sur le régime pénitentiaire et l’exécution des peines, qui établit les règles et normes afférentes au fonctionnement du système pénitentiaire national, notamment en ce qui concerne l’exécution des peines et des mesures relatives, entre autres, à la rééducation et à la réinsertion sociale des personnes privées de liberté et à la sécurité des établissements pénitentiaires.

12.Le 23 août 1996, l’Assemblée nationale a adopté la loi no 228 sur la Police nationale, qui définit celle‑ci comme un corps armé professionnel, civil et apolitique soumis à l’autorité du Président de la République. Cette loi dispose que la police a pour mission de protéger la vie, l’intégrité et la sécurité des personnes et le libre exercice de leurs droits et libertés ainsi que de prévenir les infractions et d’en poursuivre les auteurs, de préserver l’ordre public et social interne, de veiller au respect des biens appartenant à l’État et aux particuliers et de fournir l’appui nécessaire au pouvoir judiciaire et aux autres organes du système de justice. La Police nationale est parvenue à porter des coups sévères au crime organisé lié au trafic international de stupéfiants, ce qui a eu une incidence importante sur le sentiment de sécurité de la population, jusqu’en dehors des frontières du pays. La police fait également œuvre de prévention dans les communautés urbaines marginalisées, grâce à des programmes sociaux et des activités récréatives − notamment le programme sur la citoyenneté et la sécurité civile − qui visent à prévenir la violence chez les jeunes. De fait, contrairement à beaucoup d’autres pays de la région centraméricaine, le Nicaragua ne connaît pas le problème des réseaux ou bandes de jeunes liés au crime transnational organisé, et il se considère comme l’un des pays les plus sûrs de la région. La Police nationale a également réussi à gagner la confiance de la population grâce aux mesures disciplinaires qu’elle a appliquées avec transparence et fermeté à tous les fonctionnaires ayant commis des irrégularités ou des abus.

13.Concernant les préoccupations exprimées par le Comité au sujet de violations qui auraient été commises par la Police nationale (abus d’autorité, usage excessif de la force, perquisitions sans mandat judiciaire) et les plaintes déposées pour actes de torture ou mauvais traitements infligés à des détenus, la Police nationale a reçu en 2007 un total de 363 plaintes de ce type, dont 37,5 % ont été déclarées fondées, et sur les 712 fonctionnaires mis en cause, 221 ont été sanctionnés. Pour les perquisitions sans mandat judiciaire, 56 plaintes ont été reçues dont 15 ont été déclarées fondées. Pour ce qui est de l’usage excessif de la force, 227 plaintes ont été reçues, dont 95 ont été déclarées fondées, et 165 fonctionnaires de police ont été sanctionnés.

14.Le Nicaragua œuvre à l’établissement d’un cadre juridique adapté pour la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il s’agit notamment de la loi sur la participation citoyenne adoptée en octobre 2003, qui vise à garantir la participation de tous les citoyens, dans des conditions d’égalité, à la conduite des affaires publiques et à la gestion de l’État. Le Nicaragua offre divers espaces à l’expression de la participation citoyenne, qu’il s’agisse de l’établissement de jurys populaires dans l’administration de la justice, de l’obligation de soumettre à la consultation populaire tous les projets de loi ou encore des conseils municipaux ouverts. Conformément à la loi, la promotion de la participation citoyenne incombe au bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme.

15.Le 14 février 2008, l’Assemblée nationale a adopté la loi no 648 sur l’égalité des droits et des chances, qui vise à promouvoir l’égalité et l’équité entre les sexes dans l’exercice des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement organise d’importantes campagnes pour sensibiliser la population au fait que toute violation des droits de la femme constitue une violation des droits fondamentaux, lesquelles visent à éliminer les stéréotypes, à rétablir les femmes dans leurs droits et à faire évoluer les comportements négatifs qui constituent un obstacle à l’égalité. Les femmes elles‑mêmes sont formées aux normes juridiques nationales et internationales afin de mieux exercer leurs droits, avec l’aide d’institutions nationales et locales. À l’heure actuelle, deux campagnes d’envergure visent à combattre la violence familiale. D’autres visent à accroître la présence des femmes dans l’administration publique et leur accès aux fonctions électives.

16.En mai 2007, l’Assemblée nationale a adopté la loi sur l’accès à l’information qui vise à garantir et réglementer l’accès à l’information existante et qui dispose que tous les organismes d’État doivent créer un bureau d’accès à l’information et un site Internet pour diffuser les informations les concernant. Quiconque se voit refuser l’accès à l’information peut saisir la section du contentieux de la Cour suprême de justice et, en cas de non‑exécution de la décision de la Cour, engager directement une action pénale en vertu de l’article 564 du Code pénal.

17.Le 13 novembre 2007, l’Assemblée nationale a adopté un nouveau Code pénal remplaçant celui de 1974, qui était fondé pour l’essentiel sur le premier Code pénal du Nicaragua datant de 1837. Conformément aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont été ainsi adoptés des principes fondamentaux reconnus internationalement dans les instruments relatifs aux droits de l’homme, comme le principe de légalité, le respect de la dignité humaine et la protection des victimes. De nouvelles qualifications ont été définies, notamment celle d’atteinte à l’inviolabilité du domicile: tout fonctionnaire qui perquisitionne un domicile sans mandat encourt une peine d’emprisonnement de trois à cinq ans. Parmi les nouvelles qualifications figurent également celles de crime contre l’humanité, qui englobe les actes de torture et les disparitions forcées, et la traite des êtres humains à des fins d’esclavage, d’exploitation sexuelle ou d’adoption. Concernant le droit du travail, les nouvelles qualifications visent notamment la discrimination fondée sur la naissance, la nationalité, l’appartenance politique, la race, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, le sexe, la religion, l’opinion, la situation économique, le handicap ou la condition physique. Le nouveau Code pénal sanctionne en outre les atteintes aux droits et garanties constitutionnels telles que la discrimination, l’atteinte à la liberté d’expression et le refus d’accès à l’information. Il importe de souligner que conformément à l’article 564 du Code, toute victime de l’une de ces infractions peut engager directement une action pénale indépendamment de l’intervention du ministère public.

18.Malgré les contraintes budgétaires qui l’empêchent de répondre à tous les besoins sociaux, le Gouvernement nicaraguayen s’est fixé pour priorité l’élimination de la pauvreté et la réalisation des droits économiques et sociaux, qui ont été bafoués pendant seize années de gouvernements néolibéraux, et la mise en œuvre de politiques et programmes visant à assurer l’exercice des droits fondamentaux essentiels à la vie, l’accent étant mis sur les besoins les plus urgents comme l’accès gratuit à la santé, l’alimentation, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, l’éducation, l’emploi et le logement. Le Plan de développement humain 2009‑2012 fait actuellement l’objet de consultations entre les différents secteurs de la société.

19.Le Gouvernement nicaraguayen est tout à fait conscient que la mise en œuvre et l’exercice effectifs des droits civils et politiques sont indispensables au développement des peuples et c’est pourquoi il réaffirme devant la communauté internationale sa volonté d’œuvrer à la promotion, à l’application et à la garantie des droits de l’homme afin de favoriser la paix, la justice sociale, l’égalité et le respect de la vie.

20.Le Gouvernement est particulièrement reconnaissant à l’Organisation des Nations Unies pour l’appui qu’elle a fourni à l’Unité de suivi des conventions internationales. Celle‑ci a porté à son attention une série de questions préliminaires auxquelles le Comité interinstitutions a répondu par écrit. La délégation regrette qu’il n’ait pas été possible de traduire ces réponses écrites dans les langues de travail du Comité en raison de leur soumission tardive, et il s’en excuse.

21.La ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été approuvée par le Parlement le 11 septembre 2008, ce qui est conforme à la norme constitutionnelle qui interdit la peine de mort. Les droits énoncés dans le Pacte peuvent être invoqués directement devant les tribunaux nationaux conformément à l’article 46 de la Constitution selon lequel, sur le territoire national, toute personne bénéficie de la protection de l’État et de la reconnaissance des droits inhérents à l’être humain ainsi que des droits consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’homme et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Pour citer quelques exemples, en 2005, la juge suppléante du tribunal de district no 6 de Managua a condamné une personne à cinq ans d’emprisonnement pour vol avec violence et à deux ans et demi d’emprisonnement pour tentative de vol avec violence. La défense a alors formé devant la Cour suprême de justice un recours extraordinaire en cassation pour violation des garanties constitutionnelles et du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, qui garantit l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice ainsi que le droit d’être entendu publiquement avec toutes les garanties voulues par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. Les magistrats de la chambre pénale ont retenu les arguments de la défense et accueilli le recours en cassation.

22.En ce qui concerne les constatations du Comité dans la communication no 328/1988 (Zelaya Blanco c. Nicaragua) dans lesquelles le Comité a conclu à la responsabilité du Nicaragua dans des violations présumées des droits de l’homme, le Nicaragua a affirmé, comme suite aux recommandations du Comité tendant à indemniser la victime, que celle‑ci devait présenter ses réclamations devant les tribunaux nationaux. Or M. Zelaya Blanco a refusé de le faire. Dans cette même affaire, le Comité avait demandé au Nicaragua d’ouvrir une enquête sur les tortures et mauvais traitements qu’aurait subis l’auteur et l’avait engagé à faire en sorte que des violations similaires ne se reproduisent pas à l’avenir. Il importe de noter que tout acte de torture et tout traitement ou peine cruel, inhumain ou dégradant est interdit au Nicaragua conformément à la Constitution et à la loi. Le Nicaragua est en outre partie à la Convention contre la torture et à son Protocole facultatif, qu’il a ratifié en septembre 2008. Pour ce qui est des mesures prises pour éliminer ce type de violation, le nouveau Code pénal érige en infraction et punit les actes de torture et dispose que les aveux obtenus par la torture ne peuvent être utilisés en justice.

23.Le Comité s’est dit préoccupé par des cas d’exécution extrajudiciaire d’enfants et de jeunes de la rue qui auraient eu lieu dans le pays. D’autres mécanismes des Nations Unies ont examiné ces allégations et les ont considérées dénuées de tout fondement.

24.Concernant les victimes du pesticide Nemagon, la loi spéciale no 364 sur les actions intentées par les victimes de l’utilisation des pesticides contenant du DBCP (Nemagon), adoptée en octobre 2000, a pour objet de réglementer et de faciliter le déroulement des actions introduites aux fins d’indemnisation par des personnes atteintes dans leur santé physique ou psychique par l’utilisation de ce pesticide. Plusieurs affaires ont déjà été tranchées en faveur de victimes qui ont obtenu une indemnisation allant jusqu’à plus de 30 millions de dollars pour préjudice moral et physique et pour dommages-intérêts exemplaires.

25.Pour ce qui est des cas présumés de menaces et d’agression contre des journalistes de la part de personnes liées à l’appareil d’État, le bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme a examiné trois plaintes et a formulé des recommandations tendant à ce que ce type de violation ne se reproduise pas à l’avenir. Quant à la situation des organisations de défense des droits de l’homme qui auraient fait l’objet de mauvais traitements, de menaces et de diffamation par les autorités gouvernementales, il convient de noter que le Nicaragua dispose d’un cadre législatif qui permet de donner suite à ce type de plainte, d’enquêter sur les faits et de sanctionner les responsables. Le droit interne respecte et protège en effet les droits de tous les citoyens, qu’ils soient individuels ou collectifs, et en particulier ceux qui ont trait à la liberté d’association et de réunion pacifique et à la participation, dans des conditions d’égalité, à la conduite des affaires publiques et à la gestion de l’État ainsi qu’au droit de formuler des requêtes, de dénoncer des irrégularités et de formuler des critiques constructives.

26.Les questions relatives au droit de grève et aux registres officiels des grèves qui ont été déclarées légales sont régies par la Constitution et le Code du travail. La police est habilitée à autoriser ou non les regroupements sur la voie publique et à intervenir pour rétablir l’ordre public en cas d’atteinte aux droits des citoyens. Le recours excessif à la force est régi par la législation nationale.

27.Le Parlement a adopté en 2007 la loi no 623 sur la paternité et la maternité responsables, qui est fondée sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et qui vise à protéger les droits de l’enfant en responsabilisant les parents sans établir de distinction entre les enfants selon qu’ils sont nés dans le mariage ou hors mariage. Le Ministère de la famille est habilité, au nom de l’État, à engager les procédures administratives nécessaires en cas d’absence ou de décès de la mère ou du père. Il met actuellement au point une politique et un plan d’action en vue de mettre en œuvre la loi susmentionnée.

28.Enfin, concernant la situation des populations autochtones des régions de la côte atlantique, question qui a déjà été examinée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale au début de 2008, le Gouvernement nicaraguayen a pris une série d’initiatives tendant à l’intégration économique et sociale des régions autonomes au titre d’un plan de développement intitulé «La route vers les Caraïbes». Ces régions occupent en outre une place prioritaire dans les différents programmes de lutte contre la pauvreté. Quant au cas spécifique de la communauté des Awas Tingni, la délégation fournira au Comité, par écrit, les renseignements qu’elle a présentés au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, en les mettant à jour.

29.M. Lara Palacios espère qu’un dialogue constructif avec la délégation permettra au Comité de formuler des recommandations qui aideront le Nicaragua à continuer de progresser dans la mise en œuvre du Pacte et à poursuivre l’examen et la révision de ses politiques dans l’intérêt de tous les Nicaraguayens.

30.Le PRÉSIDENT remercie le chef de la délégation pour sa déclaration liminaire et salue les efforts que l’État partie a déployés pour établir son rapport et ses réponses écrites. Il note néanmoins que le rapport est soumis avec beaucoup de retard, ce qui complique la tâche du Comité en l’empêchant de suivre avec la régularité souhaitée l’évolution de l’application des droits garantis par le Pacte dans l’État partie. Il invite les membres de la délégation à répondre à la première partie des questions (nos 1 à 15) en privilégiant les aspects qui n’ont pas été traités dans la déclaration liminaire.

31.M. LARA PALACIOS (Nicaragua), répondant à la question no 7, dit que le Gouvernement a accompli un important travail de sensibilisation pour que la violence à l’égard des femmes soit reconnue comme une violation des droits fondamentaux de l’être humain. Outre qu’il s’agit d’un problème de santé et de sécurité publiques qui mérite une attention prioritaire, la violence à l’égard des femmes constitue une infraction punie par la loi. L’article 155 du nouveau Code pénal, adopté le 11 novembre 2007, définit la violence familiale comme tout usage de la violence physique ou psychologique entre des conjoints ou des concubins ou entre des personnes entretenant ou ayant entretenu une relation affective durable. De plus, est réputé coupable de violence familiale quiconque use de la force ou de l’intimidation sur ses propres enfants ou ceux de son conjoint ou concubin, hormis dans les cas où il s’agit d’une correction disciplinaire, ou sur des ascendants ou des personnes déficientes placées sous sa tutelle ou confiées à sa garde. Le chapitre du Code pénal consacré aux atteintes aux personnes regroupe les dispositions relatives à la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, qui auparavant étaient disséminées dans différents textes de loi. Le cadre normatif de la lutte contre la violence à l’égard des femmes inclut également les directives pour le traitement des cas de violence familiale et sexuelle et le décret no 67/96 du Ministère de la santé.

32.En complément des commissariats pour la femme et les enfants créés dans les services de police, une unité spéciale sur la violence familiale a été établie au sein du ministère public, ce qui fait qu’il existe maintenant un dispositif cohérent pour combattre efficacement la violence familiale. La Police nationale du Nicaragua a poursuivi la mise en place de commissariats spécifiquement chargés de s’occuper des affaires de violence familiale et sexuelle. Grâce aux 32 commissariats de ce type actuellement opérationnels à travers le pays, les problèmes de la violence familiale et de la violence sexuelle ont acquis une meilleure visibilité et occupent désormais une place importante dans le débat public.

33.La réforme du Code pénal portant interdiction de l’avortement thérapeutique (question no8) est le fruit d’un consensus entre les différents courants politiques. La législation du Nicaragua demeure l’une des plus tolérantes du continent américain en ce qui concerne l’avortement. Il n’a pas été enregistré d’évolution notable de l’incidence de la mortalité maternelle due à des avortements au cours des dernières années. D’après des statistiques établies en 2007, l’avortement serait la cause de 4 % seulement des cas de mortalité maternelle, les causes principales étant les hémorragies (59 % des cas) et l’hypertension (31 %). D’après des études réalisées par le Ministère de la santé, 69 % des cas de mortalité maternelle sont enregistrés dans six régions (Matagalpa, Jinotega, Managua, Chontales, région autonome de l’Atlantique Sud, région autonome de l’Atlantique Nord). À partir de juin 2007, le nombre de cas de mortalité maternelle a diminué de 12 % par rapport à 2006, ce qui coïncide avec la mise en œuvre du plan de prévention de la mortalité maternelle. La majorité des cas survenus en 2006 était liée à des causes obstétriques directes. Néanmoins, l’incidence de la mortalité maternelle due à des causes obstétriques indirectes ou à d’autres causes a augmenté en 2007, ce qui appelle un renforcement du dépistage des femmes à risque, la mise en place de services de planification familiale et des mesures de coordination avec les services qui s’occupent de violence familiale. En 2007, 72 % des cas de mortalité maternelle ont été enregistrés dans les régions rurales. Les victimes étaient majoritairement des adolescentes qui n’avaient pas ou peu d’éducation; l’intoxication, le suicide et l’hypertension étaient les principales causes de mortalité. Sur l’ensemble des femmes enceintes décédées, 70 % avaient subi au moins un examen prénatal, quoique tardif dans la majorité des cas. On observe néanmoins une stabilisation de l’incidence de la mortalité maternelle dans certains établissements publics où le taux de mortalité maternelle était traditionnellement élevé (régions autonomes de l’Atlantique Nord et de l’Atlantique Sud, Chinandega).

34.Des visites réalisées dans les différents établissements pénitentiaires du pays en vue de faire le point de la situation des détenus ont révélé que les conditions carcérales, en particulier à Bluefields, n’étaient pas satisfaisantes. L’inadéquation de l’infrastructure − absence d’eau potable et d’installations sanitaires −, le manque de nourriture et le surpeuplement favorisent les maladies et les mutineries. Le Gouvernement a pris des dispositions pour augmenter les ressources budgétaires allouées à l’administration pénitentiaire et permettre ainsi l’amélioration des conditions carcérales. Plusieurs projets de rénovation et de construction sont en cours ou à l’étude, notamment la rénovation des établissements pénitentiaires de Tipitapa, de Chinandega, d’Estelí, de Granada et de Matagalpa ou encore la construction de nouveaux établissements à Estelí, Chinandega, Bluefields et Bilwi. Il est aussi prévu de construire des pavillons pour femmes et adolescents dans plusieurs prisons. Des travaux de rénovation des locaux de la police, notamment des cellules de garde à vue, sont en cours à Puerto Cabezas et une étude a été entreprise sur les systèmes d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable des établissements pénitentiaires du pays en vue de dresser un bilan précis de la situation. Le Ministère des finances, qui prépare d’ores et déjà le projet de budget pour 2009, a reçu l’instruction de relever les plafonds budgétaires des ressources allouées aux établissements pénitentiaires afin de garantir que l’ensemble de ces projets puissent être menés à bonne fin.

35.Le terme «donados» désigne les personnes privées de liberté qui, ne recevant aucun soutien de leur famille, sont prises entièrement en charge par le système pénitentiaire, lequel pourvoit à leurs besoins élémentaires − alimentation, habillement −, leur fournit des services de formation en vue de leur réinsertion et les assistent dans leurs démarches administratives afin qu’elles puissent bénéficier des prestations prévues par la loi, en particulier à l’extinction de leur peine. La situation des «donados» pourrait certes être améliorée, mais le principal problème à l’heure actuelle est le nombre insuffisant des personnels par rapport à celui des «donados». Diverses organisations de la société civile et entités publiques, notamment le Procureur spécial chargé des personnes privées de liberté, le Procureur spécial chargé de la défense des droits de l’homme, mais aussi des associations de bénévoles, des cabinets d’avocats et des étudiants en droit, contribuent à suppléer à ce manque de personnel et offrent aux détenus une assistance morale et juridique. En 2006, 1 110 «donados» étaient recensés; ils étaient 1 024 en 2007.

36.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour ses réponses et invite les membres du Comité à poser des questions supplémentaires.

37.M. JOHNSON LÓPEZ salue les efforts déployés par l’État partie pour édifier une véritable démocratie et renforcer la réalisation des droits de l’homme, tâche d’autant plus difficile que le pays, où l’une des dictatures les plus violentes de la région a sévi pendant plusieurs décennies, possède un lourd passé de violations flagrantes des droits de l’homme. Il félicite l’État partie pour l’adoption du décret tendant à approuver la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et demande quelle est la situation en attendant que la ratification soit effective. Dans le domaine de l’égalité des droits entre hommes et femmes, la promulgation, le 14 février 2008, de la loi no 648 sur l’égalité des droits et des chances constitue un progrès notable, de même que les actions menées par la Procureur spéciale chargée des femmes notamment pour améliorer la participation des femmes à la conduite des affaires publiques. Le Comité aurait toutefois souhaité pouvoir juger des résultats concrets de ces mesures à travers des données statistiques. De même, des statistiques auraient été utiles pour mesurer l’effet réel des mesures mentionnées dans les réponses écrites (question no 5) qui visent à favoriser l’accès à la justice des femmes ayant peu de ressources.

38.Plusieurs projets visant à améliorer les conditions carcérales ont été cités. Le Comité souhaiterait des précisions concernant les mesures concrètes qui ont été prises pour améliorer les infrastructures des établissements pénitentiaires, en particulier les installations sanitaires. Au sujet de l’utilisation du pesticide Nemagon, question qui préoccupe depuis longtemps la communauté internationale, en particulier les organisations de défense des droits de l’homme, il serait utile de connaître les conclusions de la Commission chargée du dossier des personnes contaminées par ce pesticide et notamment de savoir s’il a été fait droit aux requêtes des victimes et, dans l’affirmative, de quelle manière celles-ci ont été indemnisées.

39.M. SANCHEZ-CERRO note avec satisfaction que la situation des droits de l’homme dans l’État partie s’est améliorée depuis l’examen de son précédent rapport et que le Gouvernement s’est efforcé de renforcer la compatibilité de l’ordre juridique interne avec le Pacte grâce à diverses mesures législatives. En dépit de ces efforts, certains problèmes restent toutefois préoccupants. D’après les organisations non gouvernementales, les cas de brutalités policières, en particulier pendant des manifestations ou dans le cadre de la garde à vue, sont fréquents. Des mesures doivent être prises pour que de telles pratiques cessent, et des règles doivent être adoptées pour garantir aux victimes de mauvais traitements ou de torture la possibilité d’être indemnisées. Les défenseurs des droits de l’homme sont la cible de pressions, de menaces, de persécutions voire d’agressions de la part de la police. Il y a quelques années, un ancien directeur de la Police nationale avait même déclaré publiquement que les organisations de défense des droits de l’homme étaient financées par les cartels de la drogue. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur ce problème afin que celui-ci prenne les mesures nécessaires pour lutter contre ces pratiques et assurer la sécurité des défenseurs des droits de l’homme.

40.Les rapports des organisations non gouvernementales montrent que la violence contre les femmes a augmenté dans des proportions alarmantes − plus de 300 % − au cours des cinq dernières années. En 2007 environ 70 000 femmes, soit une femme sur trois, auraient été victimes de violence familiale. La plupart ont trop peur pour porter plainte et il n’existe pas de foyers pour les accueillir. Il y a là un défaut d’assistance de la part de l’État partie auquel il devrait être remédié.

41.En ce qui concerne l’administration de la justice, l’État partie ne garantit pas pleinement le droit à un recours utile étant donné l’absence notoire d’indépendance du pouvoir judiciaire. Il s’agit d’un problème grave, qui porte atteinte aux garanties énoncées dans le Pacte, et que l’État partie doit par conséquent s’employer à résoudre. Enfin, les ressources budgétaires allouées à l’administration pénitentiaire doivent être réévaluées à la hausse afin de permettre une amélioration des conditions carcérales, notamment du point de vue de l’alimentation, des soins médicaux et de l’hygiène des détenus.

42.Mme MAJODINA relève que les seules campagnes contre les stéréotypes sexistes et contre la traite et l’exploitation sexuelle semblent être celles menées par les organisations non gouvernementales. Aucune information sur ces problèmes n’est diffusée auprès de la population. De plus, la participation des femmes aux postes de responsabilité ou de direction est minimale. Selon certaines informations, la police considère les violences contre la femme et l’enfant comme des infractions mineures non punissables et ne prend pas les mesures de protection prévues dans le Code pénal, alors que ces actes représentent la moitié des plaintes pour violence familiale. Dans le cas des violences sexuelles, le délai entre l’enquête et les poursuites est excessif. L’État partie devrait veiller à appliquer plus rigoureusement la législation et les mesures prévues dans les directives pour le traitement des cas de violence familiale et sexuelle, former la police sur les droits des femmes et la violence sexiste, et créer au sein du ministère public une section chargée des affaires de violence familiale.

43.D’après le Ministère de la santé, le nombre total de décès liés à la maternité a baissé depuis l’interdiction de l’avortement thérapeutique; pourtant, le taux de mortalité maternelle, qui est le plus significatif, a augmenté. En outre, la liste des causes obstétriques directes montre qu’un certain nombre de décès liés à la maternité auraient pu être évités si un avortement thérapeutique avait été pratiqué. L’impossibilité d’avorter peut aussi être à l’origine de décès causés par un facteur préexistant à la grossesse mais aggravé par celle-ci, ainsi que de certains décès considérés comme des suicides. Il serait donc utile de savoir réellement combien de femmes sont décédées ou ont eu de graves problèmes de santé à la suite d’une tentative d’avortement ou de complications liées à la grossesse, faute d’avoir pu avoir recours à une interruption de grossesse médicale.

44.M. KHALIL demande quelle est la durée légale de la détention provisoire et si elle est respectée dans la pratique. Cette durée a une incidence sur la surpopulation carcérale, qui reste un problème majeur, en particulier dans le nord du pays, où les détenus sont placés dans les locaux de la police, qu’ils soient en attente de jugement ou déjà condamnés. La délégation a indiqué que le nombre de personnes en détention provisoire avait diminué, mais la population carcérale dans son ensemble a augmenté. Il serait aussi intéressant de savoir si la création du poste de procureur spécial des prisons, dont l’une des fonctions est de surveiller le traitement réservé aux détenus, a permis d’améliorer les conditions carcérales, souvent si déplorables qu’elles ont motivé plusieurs émeutes en 2006.

45.Le sort des «donados», dont le nombre est passé de 1 110 en 2006 à 1 204 en 2007, reste préoccupant. On comprend mal pourquoi ces personnes restent en prison, en violation de la Constitution qui dispose que nul ne sera maintenu en détention après l’exécution de sa peine, et pourquoi l’État partie attribue leur situation au manque de personnel.

46.MmePALM demande s’il existe des foyers pour accueillir les victimes de violence familiale et, dans l’affirmative, s’il s’agit de foyers gérés par des organisations non gouvernementales, avec éventuellement une aide de l’État, ou de foyers publics, par exemple municipaux. De telles structures sont indispensables car le plus souvent une femme qui dénonce des violences ne peut pas rentrer chez elle. Il est également nécessaire que la police soit formée pour recevoir, et soutenir, les femmes qui osent faire cette démarche difficile. Des statistiques sur cette forme de violence seraient utiles, notamment sur la nature des agressions commises et des liens entre la victime et l’agresseur. Le Comité aimerait aussi savoir si l’État partie a entrepris une étude sur les causes et les conséquences de la violence à l’égard des femmes (familiale et sexuelle) ou s’il envisage de le faire en vue de mieux combattre ce phénomène. À propos des allégations d’exécutions extrajudiciaires visant des enfants des rues, la délégation a indiqué qu’elles n’étaient pas fondées mais sans préciser qui était parvenu à cette conclusion, ni comment.

47.Sir Nigel RODLEY invite la délégation à commenter certaines informations en relation avec l’interdiction de l’avortement thérapeutique. Comme l’a fait observer Mme Majodina, la mortalité maternelle a augmenté depuis cette décision et il faut également tenir compte des suicides et des empoisonnements. Par exemple, des femmes se seraient tuées par introduction de pesticides dans le vagin. Si ces informations sont exactes, on peut penser qu’il ne s’agissait pas tant d’un suicide que d’une tentative d’avortement mortelle. De même, 30 % des grossesses concerneraient des adolescentes et seraient le plus souvent la conséquence d’un viol. D’autres informations indiquent que les médecins se trouvent dans une situation délicate, partagés entre l’interdiction faite par la loi et leur obligation d’interrompre une grossesse si la mère est en danger. Il ressort aussi des réponses écrites de l’État partie que 72 % des décès liés à la maternité sont enregistrés dans les zones rurales et que dans 21 % des cas les victimes sont des femmes sans instruction. Là encore, on peut se demander ce que ces chiffres recouvrent réellement, car il est bien connu que quand l’avortement est interdit dans un pays, les femmes qui en ont les moyens vont avorter ailleurs. L’interdiction de l’avortement peut donc être une forme de discrimination fondée sur la richesse.

48.Des précisions seraient utiles sur les plaintes contre la police. L’État partie indique dans ses réponses écrites que 221 fonctionnaires ont été sanctionnés, mais sans préciser s’il s’agissait d’une mesure pénale ou administrative ni la sévérité de cette sanction. On constate en outre que les policiers sont poursuivis pour abus d’autorité, usage excessif de la force ou perquisition sans mandat, mais ne le sont jamais pour torture ou actes analogues. Il serait intéressant de savoir si cela est dû à l’absence de dispositions législatives incriminant spécifiquement ces actes, ou à la tendance des juges et procureurs à retenir les qualifications anciennes, même si elles visent des actes moins graves, plutôt que les nouvelles qu’ils ne connaissent pas toujours bien.

49.M. AMOR dit qu’il convient de souligner les importants progrès réalisés par le Nicaragua depuis l’examen de son deuxième rapport périodique. Il demande s’il existe d’autres affaires, outre celle qui a été citée, dans lesquelles le Pacte aurait été invoqué directement devant les tribunaux nationaux.

50.En ce qui concerne la question de l’avortement, il voudrait comprendre les raisons de l’intolérance à l’égard de cette pratique. Est-elle due à la pression de la société, au poids de l’Église ou à une volonté politique? Des statistiques sur l’avortement thérapeutique seraient les bienvenues. Étant donné que le problème de l’avortement se pose de façon plus aiguë dans les zones rurales, il pourrait être lié au niveau d’instruction. Des statistiques sur la scolarisation des filles ventilées par zone rurale et zone urbaine permettraient sans doute de mieux comprendre le phénomène. Des informations statistiques plus détaillées sur les enfants des rues seraient également utiles.

51.M. Amor voudrait savoir quelles sont les garanties dont bénéficient les personnes placées en garde à vue, s’il existe des cas de prolongation de la garde à vue et, le cas échéant, si la prolongation a été ordonnée par un juge et pour quels motifs. Bien que le Nicaragua ait fait des efforts louables pour que les procès se déroulent dans les meilleurs délais, il semblerait que des retards importants subsistent, entraînant parfois la prolongation excessive de la détention provisoire. Il serait intéressant de connaître la durée moyenne de la détention provisoire ainsi que le nombre de détenus en attente de jugement et le nombre total de détenus.

52.M. LARA PALACIOS (Nicaragua) dit, au sujet de l’application du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qu’il convient de rappeler qu’il existait déjà une disposition constitutionnelle interdisant la peine capitale avant l’adoption du Protocole. Comme il n’y a pas de loi qui ait un statut supérieur à la Constitution, il est impossible qu’une loi rétablissant la peine de mort soit adoptée. L’interdiction de la peine de mort s’applique aussi bien aux procédures internes qu’aux procédures d’extradition. Ainsi, lorsque le Nicaragua extrade une personne vers un État tiers, il demande l’assurance qu’elle ne risque pas d’être condamnée à mort et exécutée.

53.Le bureau de la Procureur spéciale chargée des femmes, qui relève du bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme, travaille en coordination avec les institutions de l’État et la société civile. Il a pris des mesures pour accroître la participation des femmes aux niveaux départemental et municipal, en particulier dans les zones rurales. En ce qui concerne la représentation des femmes aux postes de responsabilité dans les secteurs public et privé, le Gouvernement s’efforce de faire en sorte qu’au moins 50 % des postes de direction soient occupés par des femmes. Certes, il subsiste dans le pays une vision machiste des rôles de chaque sexe, mais il faut espérer que les actions engagées contribueront à faire changer les mentalités. On constate d’ores et déjà une augmentation du nombre de femmes qui participent à la conduite des affaires publiques au Gouvernement, qui compte notamment 4 femmes ministres et 6 femmes vice-ministres, comme dans la justice où 4 juges de la Cour suprême sont des femmes. Dans la région autonome de l’Atlantique Sud, 70 % des élus, dont 10 % au sein des municipalités, sont des femmes. Le Conseil régional autonome de l’Atlantique Sud a approuvé un plan d’action parlementaire et une politique de parité entre les sexes, ainsi que la création du Secrétariat de la femme chargé de veiller à l’exécution des politiques régionales. Le ministère public a adopté des directives pour le traitement des cas de violence familiale et sexuelle qui visent à mettre fin au cycle de la violence dont les femmes sont victimes. Le Gouvernement a donc adopté des politiques très concrètes, mais il espère qu’une transformation des mentalités s’opérera également.

54.Des postes de facilitateurs judiciaires ont été créés dans les zones rurales, où la présence de l’État est faible. Actifs dans 124 municipalités, ils font le lien avec les communautés autochtones qui appliquent le droit coutumier. Leur action s’inscrit dans un programme visant à améliorer l’accès à la justice des citoyens qui vivent loin des tribunaux, notamment des femmes, qui sont l’une des catégories les plus défavorisées dans ce domaine. Le travail des facilitateurs judiciaires est un travail de proximité d’autant plus efficace qu’ils font partie de la communauté. Ils pallient le manque de juristes professionnels dans les zones rurales, où les niveaux d’alphabétisation et de connaissance juridique sont faibles. En outre, une unité permanente pour le règlement des conflits a été créée auprès du bureau de la Procureur spéciale chargée des femmes. Dans les communautés autochtones des régions autonomes du nord et du sud des Caraïbes, des juges communaux permettent un plus large accès des femmes à la justice, notamment à celles qui habitent dans des endroits reculés ou qui manquent de ressources. En 2007, le bureau de la Procureur spéciale chargée des femmes a organisé des programmes de formation dans 232 commissariats des zones rurales afin de sensibiliser les personnels au droit à l’accès à la justice, notamment pour les femmes victimes des violences dans la famille. Il existe aussi plusieurs centres privés gratuits de médiation et d’arbitrage, qui ont pour objectif de promouvoir des méthodes de règlement des conflits autres que l’action en justice afin de permettre aux personnes démunies de défendre leurs droits. Ces mécanismes communautaires de règlement des conflits ont également été mis en place pour remédier aux lenteurs judiciaires qui peuvent résulter de l’encombrement des tribunaux.

55.En ce qui concerne l’indemnisation des victimes de violences policières, il convient de rappeler que le nouveau Code de procédure pénale et le nouveau Code pénal ont été adoptés relativement récemment, respectivement en 2001 et en 2008. Or changer une culture juridique est un long processus. Il a fallu former tout l’appareil judiciaire et les professionnels du droit. Il ne faut pas oublier que jusqu’à il y a peu, le système reposait sur une procédure inquisitoire, et que les différents acteurs doivent s’habituer à la nouvelle procédure accusatoire, orale. Pour ce qui est de l’exercice de l’action civile, un chapitre du nouveau Code de procédure pénale y est consacré. Alors qu’auparavant la victime devait attendre la fin de l’action pénale pour pouvoir engager une action civile, elle peut désormais demander indemnisation dès le début de la procédure. La délégation communiquera au Comité des statistiques sur cette question en temps voulu.

56.Concernant l’application de la loi n° 364 sur l’indemnisation des victimes du pesticide commercialisé sous le nom de Nemagon, des commissions interinstitutions ont été créées pour aider les victimes à faire valoir leurs droits. Cette loi dispose que l’État doit aider les victimes qui n’ont pas les ressources suffisantes à se faire représenter devant les tribunaux nationaux et étrangers. Les avocats des victimes ont jugé la loi utile, car elle a permis d’accélérer la procédure d’indemnisation des victimes en leur évitant d’avoir recours à une action civile, procédure beaucoup plus longue, dont les chances de succès auraient été moindres. En 2006, 1 750 victimes du Nemagon ont été hospitalisées dans des établissements publics. Sur 30 000 victimes, 21 000 sont représentées par des cabinets d’avocats, et les autres se sont regroupées en différentes organisations indépendantes. Des résultats positifs, encore que provisoires, ont déjà été obtenus, par exemple dans l’affaire Téllez où cinq demandeurs ont reçu une indemnisation de 3,9 millions de dollars pour préjudices physiques et moraux. Toutefois, l’affaire est en instance car les sociétés multinationales incriminées ont fait appel de la décision. L’affaire Mejía, intentée par 15 demandeurs, se trouve également en instance. En mars 2007, à la demande des victimes et conformément aux accords conclus entre l’Assemblée nationale et les victimes, la Commission d’évaluation a été constituée de nouveau pour surveiller l’application des accords.

57.En ce qui concerne les violations des droits de l’homme commises par la Police nationale, le nouveau Code pénal entré en vigueur en mai 2008 comprend un chapitre sur l’abus de pouvoir et l’utilisation excessive de la force de la part de policiers ainsi que, pour la première fois dans l’histoire du pays, une définition du crime de torture. Il est toutefois encore trop tôt pour pouvoir donner des statistiques sur les affaires relatives à ces infractions. Afin d’éviter le recours à de telles pratiques, tous les policiers, quels que soient leur rang et leur fonction, sont tenus de suivre les cours de l’École de police qui comprennent un enseignement des droits de l’homme. Lorsque des actes de violence et de torture imputés à la police sont constatés, l’affaire n’est pas traitée par la police; elle est rendue publique et les responsables sont sanctionnés. Il n’existe pas de foyers d’accueil pour les femmes victimes de violence, mais il est en effet nécessaire d’apporter une protection à ces personnes.

58.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et l’invite à poursuivre le dialogue avec le Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 13 heures.

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