Nations Unies

CCPR/C/SR.2674

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 décembre 2009

Original: français

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-septième session

Compte rendu analytique de la 2674 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 23 octobre 2009, à 10 heures

Président:M. Iwasawa

Sommaire

Observations générales du Comité (point 8 de l’ordre du jour)

Projet d’observation générale n o 34 relatif à l’article 19 du Pacte

La séance est ouverte à 10 h 10.

Observations générales du Comité (point 8 de l’ordre du jour)

Projet d’observation générale n° 34 relative à l’article 19 du Pacte (CCPR/C/GC/34/CRP.1)

1.Le Président invite les membres du Comité à commencer l’examen en première lecture du projet d’observation générale no 34 relatif à l’article 19 du Pacte.

2.M. O’Flaherty (Rapporteur pour l’Observation générale) explique qu’il a élaboré ce projet en gardant à l’esprit le but des observations générales, tel qu’il est défini dans le document CCPR/C/21/Rev.1, c’est-à-dire «aider les États parties à s’acquitter de l’obligation qui leur incombe de présenter des rapports» en mettant à profit les enseignements tirés de l’examen de ces rapports. Les sources utilisées sont principalement l’Observation générale no10, la première Observation consacrée à l’article 19 du Pacte, et d’autres dont certains aspects sont utiles, comme les Observations générales no31 (obligation juridique générale) et no 24 (réserves), et la jurisprudence du Comité concernant l’article 19, mais aussi les observations finales. Il est vrai que dans ses deux observations générales précédentes le Comité ne fait aucune référence aux observations finales, mais si l’on remonte plus loin dans le temps on constate que c’était une pratique habituelle. En l’espèce, le renvoi aux observations finales s’impose vu le vaste éventail des questions qui se rapportent à l’article 19. Le projet contient d’une part des éléments touchant à l’interprétation et à l’application des principes juridiques et d’autre part des éléments de recommandation, plutôt que d’obligation. La dernière partie est consacrée à la relation avec l’article 20, mais il convient de rappeler qu’il n’entrait pas dans le mandat du rapporteur d’élaborer une Observation générale portant également sur cet article, comme le voulaient certains.

3.Le Président invite les membres du Comité à faire des commentaires d’ordre général sur l’approche et la méthodologie du projet, étant entendu que les questions de fond seront abordées ultérieurement.

4.M. Thelin souhaite des précisions sur les sources utilisées. Il croit comprendre qu’elles sont de trois sortes, avec des valeurs normatives différentes: les constatations adoptées dans les communications, les observations finales, et une troisième catégorie de sources qui ne sont aucune des deux premières. Les effets normatifs des constatations sont clairs − le Comité s’est prononcé à ce sujet dans son Observation générale no 33 −, mais ceux des observations finales le sont moins, en particulier par rapport aux constatations, et il serait également utile de s’interroger sur l’interaction normative entre les trois catégories.

5.M me Majodina dit que le projet d’observation générale améliore considérablement l’Observation générale no 10, qui était très insuffisante. Comme l’a souligné le Rapporteur, les observations générales du Comité doivent aider les États parties à appliquer le Pacte. Dans certaines régions du monde, comme l’Afrique, cette aide est particulièrement nécessaire. Il ne s’agit pas seulement de dire ce que signifient les dispositions du Pacte, mais aussi de permettre au fonctionnaire moyen de comprendre les obligations de l’État partie relativement au droit à la liberté d’expression.

6.M me Chanet salue l’approche originale adoptée par le Rapporteur, qui propose une analyse par thèmes plutôt qu’une comparaison entre l’article à l’étude et les autres articles du Pacte. La question des limitations possibles à la liberté d’expression est particulièrement bien argumentée. Celle des relations entre l’article 19 et l’article 20 n’a pas besoin de faire l’objet d’un chapitre distinct. En revanche, la question de savoir si le projet remplacera l’Observation générale no 10 ne peut pas être traitée au premier paragraphe, car ce n’est qu’en dernier lieu que l’on pourra y répondre.

7.M. Salvioli approuve lui aussi la manière très stricte dont est traitée la question des limitations possibles à la liberté d’expression. L’article 19 pose de nombreux défis, que le Rapporteur a su très bien relever. Les références aux observations finales sont très utiles, de même que les nombreux exemples, même si certains pourraient peut-être être supprimés. La question de l’accès à l’information est également fort bien traitée.

8.M me Keller dit que le Rapporteur a su trouver un équilibre parfait entre les deux effets que doit produire une Observation générale du Comité: d’une part, une incidence scientifique, et, d’autre part, une incidence plus politique et diplomatique.

9.M. Amor estime qu’en suivant une approche thématique, on risque d’opérer des choix arbitraires. Par exemple, il serait concevable de consacrer un titre à la liberté d’expression comme il est fait à partir du paragraphe 38 du texte, dans ses rapports avec l’argent, à la liberté d’expression et la liberté académique, à la liberté d’expression et la représentation de la femme dans les médias. Les thèmes à traiter seraient particulièrement nombreux et il serait donc plus judicieux d’en tirer simplement des exemples pour illustrer le commentaire des dispositions. La question des relations entre l’article 19 et l’article 20 doit être posée d’entrée de jeu, car le premier s’applique avant tout dans le cadre fixé par le second. Enfin, la distinction entre liberté d’expression et liberté d’opinion mérite d’être développée, car même si l’article 19 concerne principalement la liberté d’expression, la liberté d’opinion n’en reste pas moins le point de départ, et elle est quelque peu négligée dans le projet. En revanche, une grande attention est consacrée aux médias et à la condition des journalistes, mais il importe de ne pas traiter de manière égale les médias d’opinion et les tabloïdes, qui se livrent parfois à des violations des droits les plus élémentaires. Il faut insister sur la nécessité de renforcer la protection de la presse d’opinion mais ne pas accepter les atteintes à la loi commises par certains médias. La conception de la loi donnée dans le projet mériterait du reste d’être revue. Il n’est pas possible de donner le statut de loi à des textes émanant du pouvoir exécutif, comme les règlements ou les arrêtés municipaux, qui sont précisément le plus susceptibles de nuire à la liberté d’expression s’ils ne sont pas sujets à limitation. Toute extension de la notion de loi habiliterait des autorités qui peuvent être illégitimes à édicter des restrictions, ce qui n’est pas juridiquement acceptable. L’article 19 contient des normes juridiques qui doivent être interprétées par le Comité. Mais les méthodes d’interprétation varient et lorsqu’il s’agit de méthodes téléologiques poussées à l’extrême elles risquent de dénaturer les dispositions interprétées. Il faut interpréter de manière scientifique, et non à la lumière de l’expérience de certains. Les renvois à la jurisprudence du Comité sont certes utiles, mais une décision à elle seule ne fait pas jurisprudence, même si les décisions qui convergent dans le même sens sont nombreuses. Le Comité doit donc garder à l’esprit, en élaborant son observation générale, la multitude de situations qui existent dans les différentes régions du monde.

10.M. Bouzid souscrit pleinement aux observations de M. Amor.

11.Sir Nigel Rodley rappelle qu’il était réticent à consacrer une observation générale à l’article 19 parce que le Comité serait conduit à traiter de questions sur lesquelles il n’a pas beaucoup d’expérience. Dans ces domaines il sera donc difficile de trouver les formules exactes pour refléter ce que le Pacte veut dire. Il ne faut pas perdre de vue que l’évolution du monde doit beaucoup à tous ceux qui se sont battus, parfois au prix de leur vie, pour le droit à la liberté d’opinion et d’expression, et il y a donc une obligation de défendre cette valeur particulière. C’est une valeur qui se paie parfois très cher, puisque nombre d’actes irresponsables sont protégés au nom de la liberté d’expression et qui risquent de continuer de l’être en raison de la difficulté qu’il y a à fixer des limites. Certains mots peuvent avoir un sens différent selon la situation et, comme l’a illustré le juriste américain Wendell Holmes en disant que personne n’a le droit de crier sans raison «au feu» dans un théâtre comble, il y a un point où, dans certains contextes, ils convertissent le langage en action. Il est donc nécessaire de circonscrire l’expression, et c’est d’ailleurs à ce point précis que s’arrête la liberté d’expression. Enfin, contrairement à M. Amor, Sir Nigel Rodley pense que l’article 20 doit être interprété à la lumière de l’article 19, et non inversement.

12.Le Président, prenant la parole en qualité de membre, dit que le Comité doit certes se fonder sur son expérience, c’est-à-dire sur sa jurisprudence et sur les observations finales qu’il formule après l’examen des rapports, mais il faut garder à l’esprit la distinction entre les unes et les autres: les constatations concernent des cas individuels dans lesquels des violations du Pacte peuvent avoir été commises, alors que les observations finales portent sur des préoccupations d’ordre général, accompagnées de recommandations. Le projet contient un très grand nombre de notes de bas de page, renvoyant souvent à des observations finales. Jusqu’ici les Observations générales contenaient peu de références, dont la majorité citaient des constatations. M. Iwasawa se demande si le Rapporteur souhaite maintenir toutes les références aux observations finales ou s’il ne les a incluses que pour faciliter l’examen.

13.M.  Lallah dit que c’est lorsqu’ils établissent des constatations que les membres du Comité parviennent le mieux à parler d’une seule voix; il est donc préférable de fonder les Observations générales principalement sur ces constatations.

14.M.  O’Flaherty (Rapporteur pour l’Observation générale) dit qu’il est incontestable que les constatations exprimées dans les communications ont une valeur supérieure à celle des observations finales. Il a ponctué le projet d’un grand nombre de références aux observations finales parce celles-ci couvrent une vaste expérience et qu’elles permettent d’illustrer l’application de principes, mais il ne propose pas de principe juridique fondé sur des observations finales. Ces observations pourraient être analysées une à une pendant l’examen du texte et, selon leur utilité, seront conservées ou non. Dans certains passages du projet, il n’y a presque aucun renvoi parce que le Comité ne s’est jamais prononcé sur les questions abordées; M. O’Flaherty a donc simplement appliqué la logique généralement suivie par le Comité.

15.En ce qui concerne la relation entre l’article 19 et l’article 20, M. O’Flaherty pense comme Sir Nigel Rodley que l’article 20 n’établit pas le contexte de l’article 19 mais fixe une autre restriction, légitime, à la liberté d’expression. Il ne voit pas d’inconvénient à ce que cette relation entre les deux articles ne fasse pas nécessairement l’objet d’un intitulé séparé mais soit intégrée dans le texte.

16.Répondant aux interrogations de M. Amor, il explique pourquoi il a établi des catégories thématiques sur les restrictions à la liberté d’expression à partir du paragraphe 38. Comme il est indiqué au paragraphe 37, souvent, on cherche à justifier les restrictions à la liberté d’expression en invoquant plusieurs des motifs énoncés au paragraphe 3. Les États parties invoquent le paragraphe 3 en termes généraux; il fallait donc citer la jurisprudence du Comité sur tous les motifs couverts par le paragraphe 3, ce qui pouvait être fait dans le cadre des restrictions spécifiques telles que la morale publique ou la sécurité nationale, comme le font les États parties eux-mêmes. Pour ce qui est du choix des catégories, elles reprennent tous les cas dont le Comité a eu à connaître. Les situations citées par M. Amor (liberté d’expression et argent, liberté académique ou représentation des femmes dans les médias) n’ont jamais été traitées par le Comité; peut-être faudrait-il les mentionner et faire aussi une déclaration plus générale sur la question de la censure. Le texte n’est qu’un projet et pourra très bien être complété selon les vœux du Comité.

17.Il est vrai, comme l’a relevé M. Amor, que le projet traite peu de la question de la liberté d’opinion; c’est parce que le Comité ne s’est guère exprimé exclusivement sur ce sujet. Quant à la liberté d’expression des médias, le Comité a abondamment étudié la légitimité des restrictions à l’activité des médias. Si toutefois les membres estiment que cette section est trop détaillée il sera tout à fait possible de la raccourcir. Enfin, il est également d’accord avec M. Amor sur le fait qu’il faut tenir compte de ce que la liberté d’expression s’est développée différemment d’une culture à l’autre; le paragraphe 32 traite de cette question.

18.La question de la hiérarchie des lois est très importante, comme l’a souligné M. Amor. Si le texte présente la moindre ambiguïté, il sera remanié et précisé. Il contient d’ailleurs une référence spécifique au fait qu’une règle coutumière n’est pas équivalente à une règle inscrite dans une loi parlementaire (par. 26 et 52).

19.M.  Amor dit que le Rapporteur a souligné à juste titre que le droit coutumier n’est pas concerné par la notion de loi telle qu’elle est visée à l’article 19. Par loi il faut entendre la loi adoptée par les représentants du peuple et un texte réglementaire ne peut pas intervenir en matière de restriction des libertés.

20.Le paragraphe 3 de l’article 19 dispose que l’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 comporte des «devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales»: ces deux notions sont très difficiles à analyser et à définir mais il importe d’en saisir la signification et la portée juridique et d’en faire état dans l’Observation générale. Il ne peut pas s’agir d’un devoir moral ou éthique mais bien d’une notion juridique.

21.Revenant sur la structure thématique des articles 38 et suivants, il estime que ceux-ci pourraient être intégrés dans le cadre du reste de l’analyse. Si le Comité décide de conserver la structure actuelle, M. Amor proposera d’ajouter un texte sur les trois thèmes qu’il a évoqués.

22.M me Chanet rappelle qu’une observation générale n’est en aucun cas une compilation d’observations finales ou de constatations et que les unes et les autres sont utilisées sans aucune hiérarchie. L’article 40 du Pacte dispose du reste au paragraphe 4 que le Comité peut soumettre toutes observations générales qu’il jugerait appropriées. À l’origine le but des observations générales était de guider les États dans l’élaboration des rapports qu’ils soumettent au Comité. Les références à tous les textes émanant du Comité sont essentielles pour examiner le projet. Comme Sir Nigel Rodley et M. O’Flaherty, Mme Chanet pense que l’article 20 porte sur des restrictions et qu’à la différence de l’article 19, il ne peut pas être invoqué au titre d’une communication comme droit individuel, puisqu’il énonce l’obligation, pour l’État, de l’introduire dans la loi. En ce qui concerne la partie thématique, l’important est non pas la forme mais le contenu. Il faudra étudier toutes ces restrictions et déterminer si elles sont justifiables ou non.

24.M. Rivas Posada dit qu’il convient d’étudier le rapport entre l’opinion et l’expression de l’opinion. On ne peut connaître l’opinion de quelqu’un s’il ne l’exprime pas. Autrement dit, la liberté ne se réalise que lorsqu’elle est exprimée. Il faudra peut-être donner plus de poids à la liberté d’opinion dans l’Observation générale.

25.Concernant les réserves qui ont été émises sur l’opportunité de faire une observation générale sur l’article 19 du Pacte, il estime que l’expérience relativement mince accumulée par le Comité au sujet de la matière traitée dans cet article est largement compensée par le fait qu’il est urgent de prendre position face à un phénomène qui touche toutes les sociétés et qu’il faut interpréter les obligations définies par le Pacte face à l’un des grands fléaux contemporains, la violation de la liberté d’expression. Le Comité a donc bien fait de décider d’interpréter l’article 19 mais la tâche ne sera pas aisée.

26.M.  O’Flaherty (Rapporteur pour l’Observation générale) explique pourquoi il n’a pas analysé la signification des notions de devoirs spéciaux et de responsabilités spéciales. La raison en est que le Comité n’a pratiquement rien dit à ce sujet. Dans de rares exemples, la pratique du Comité donne des indications sur les devoirs et les responsabilités des États, en évoquant, par exemple, leur devoir de défendre vigoureusement la liberté d’expression.

27.Pour ce qui est des thèmes traités, il va sans dire que le Comité peut en ajouter s’il l’estime justifié. Il est tout à fait possible de retenir une présentation différente de celle du projet mais il ne faut pas supprimer le contenu qui reflète une partie considérable de la pratique du Comité.

28.Enfin, la raison pour laquelle dans son Observation générale sur l’article 14, le Comité cite uniquement des constatations et non des observations finales est qu’il existe une vaste jurisprudence sur l’article 14, ce qui n’est pas le cas de l’article 19.

29.M.  Thelin signale que Mme Wedgwood, qui est absente, a envoyé quatre pages de commentaires sur des points précis et se demande ce qu’il convient d’en faire. Il suggère que M. O’Flaherty les aborde au fur et à mesure que les points seront évoqués.

30.M.  O’Flaherty(Rapporteur pour l’Observation générale)explique que Mme Wedgwood lui a fait parvenir ses commentaires sous la forme d’un courrier électronique, qu’il a pris l’initiative de distribuer aux membres du Comité. Il a déjà tenu compte de ces commentaires lorsqu’il a présenté le projet d’Observation générale et continuera de le faire tout au long des débats du Comité.

31.Le Président invite le Rapporteur à présenter la première section intitulée «Remarques d’ordre général» avant de passer à son examen paragraphe par paragraphe.

32.M.  O’Flaherty(Rapporteur pour l’Observation générale) dit que, conformément à la pratique habituelle du Comité, cette section contient des remarques préliminaires qui ne peuvent pas figurer dans les sections relatives aux aspects spécifiques de l’article visé par l’Observation générale. Ces remarques sont fondées sur les positions exprimées par le Comité dans d’autres observations générales ainsi que dans ses constatations concernant des communications.

Paragraphe 1

33.Sir Nigel Rodleyrappelle que chaque fois que le Comité a adopté une nouvelle observation générale concernant un article qui avait déjà été traité, le nouveau texte a remplacé l’ancien. Il ne voit donc aucune raison de ne pas remplacer l’Observation générale no 10 par l’Observation générale no 34, comme il est indiqué au paragraphe 1.

34.M.  Amor, M.  Thelin et M.  O’Flaherty(Rapporteur pour l’Observation générale) partagent ce point de vue.

35.M me Chanetprécise que son intention n’a jamais été de supprimer le paragraphe 1 mais simplement d’attendre la fin de l’examen du projet pour déterminer si la nouvelle observation générale remplacera l’Observation générale no 10 ou la complétera seulement.

36.Le Président rappelle qu’il ne s’agit que d’une première lecture et que par conséquent aucune décision définitive ne sera prise à ce stade. Il propose de maintenir provisoirement le paragraphe 1 tel qu’il est et d’y revenir une fois que le Comité aura examiné la totalité du projet.

Paragraphe 2

37.Sir Nigel Rodley dit que l’expression «la liberté d’opinion et d’expression» utilisée dans la première phrase devrait être remplacée par «la liberté d’opinion et la liberté d’expression» afin d’établir clairement qu’il s’agit de deux libertés distinctes. Pour éviter les redondances, il serait préférable de remplacer l’expression «libre développement» par «plein développement» (full development).

38. Les propositions sont retenues.

39.M.  Lallahdit que le Pacte est censé être un instrument universel et non être restreint à un certain type de sociétés. La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont indispensables dans toutes les sociétés, et non pas uniquement dans les sociétés libres et démocratiques.

40.M.  Amorsouscrit aux propos de M. Lallah. Il importe de faire ressortir clairement que le droit à la liberté d’opinion et à la liberté d’expression est reconnu à tout individu quelle que soit la société dans laquelle il vit, car laisser supposer que ce droit ne vaut que pour les sociétés démocratiques ouvrirait la voie à des interprétations a contrario fort dangereuses.

41.M me Chanetobjecte que l’on n’a jamais vu la liberté d’opinion et la liberté d’expression s’exercer dans des sociétés non démocratiques et que ce serait par conséquent un non-sens d’affirmer qu’elles sont la pierre angulaire de toute société. En outre, les termes «pierre angulaire de toute société libre et démocratique» sont directement tirés de la jurisprudence du Comité et devraient donc être repris tels quels.

42.Sir Nigel Rodleydit que l’on ne peut pas faire l’amalgame entre ce qui devrait être et ce qui est. La liberté d’opinion et la liberté d’expression devraient être la pierre angulaire de toutes les sociétés mais ce n’est malheureusement pas le cas, et on ne saurait occulter cet état de fait. Toutefois, pour tenir compte des remarques de MM. Lallah et Amor, on pourrait souligner, outre l’importance de ces deux libertés pour chaque individu et pour toute société libre et démocratique, leur importance pour toute société.

43.M.  Amorpropose de reformuler le paragraphe 2 de manière qu’il se lise comme suit: «La liberté d’opinion et la liberté d’expression sont une condition indispensable au plein développement de l’individu. Elles sont essentielles pour toute société. Elles constituent la pierre angulaire de toute société libre et démocratique.».

44. La proposition est retenue.

Paragraphe 3

45.M me Chanet dit que le lien établi dans la première phrase entre les articles 19 (liberté d’expression) et 18 (liberté de pensée, de conscience et de religion) est discutable et qu’il serait plus exact de dire que «Plusieurs articles du Pacte contiennent des garanties pour la liberté d’opinion ou d’expression». Dans la deuxième phrase, la référence à l’article 14 (droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et droit à un procès équitable) du Pacte n’est pas claire. Il faut préciser le lien entre cet article et l’article 19, ou supprimer cette référence. Dans la troisième phrase, il convient de remplacer le verbe «sous-tendre» par un terme plus précis, et de supprimer la référence aux droits économiques, sociaux et culturels, car les exemples donnés ne concernent que les droits civils et politiques.

46.Sir Nigel Rodley dit que le titre donné entre parenthèses à l’article 18 dans la première phrase (liberté de pensée, de conscience et de conviction) ne correspond pas au libellé du Pacte (liberté de pensée, de conscience et de religion). Il faut donc le modifier de façon à y faire figurer le terme «religion». En outre, la référence à la liberté de circulation dans la dernière phrase pourrait être supprimée.

47.M. Salvioli propose d’apporter une précision dans la troisième phrase en ajoutant l’expression «le plein exercice de», de façon que le membre de phrase se lise comme suit: «Le droit à la liberté d’opinion et le droit à la liberté d’expression sous-tendent le plein exercice d’un grand nombre d’autres droits (…)».

48.M me Majodina propose d’expliciter la raison pour laquelle l’article 18 n’est pas susceptible de dérogation en faisant référence au paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte, afin que l’Observation générale puisse être comprise de tous, sans qu’il y ait besoin de connaissances juridiques particulières. En outre la formulation de la première phrase laisse à penser que l’article 19 est lui aussi non susceptible de dérogation par extension de l’article 18, ce qui n’est pas le cas.

49.M. Thelin dit qu’il ne voit pas d’objection à conserver la référence à l’article 14 si le but visé est de rappeler que le droit à un procès équitable permet de garantir le respect de l’article 19.

50.M. Rivas Posada dit que le lien entre les articles 18 et 19 devrait effectivement être expliqué mais à un autre endroit du texte. Il pense également qu’il faut supprimer les références à l’article 14 et à la liberté de circulation, qui sont sans rapport direct avec le paragraphe 3. En ce qui concerne le titre de l’article 18, il est d’avis qu’il faudrait parler de la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction afin de refléter tous les éléments mentionnés dans cet article, de façon à tenir compte du fait qu’il peut y avoir une différence entre la religion et les convictions.

51.M me Chanet dit que la mention de l’article 14 n’a pas lieu d’être, car cet article ne confère aucun droit autre qu’un droit procédural; si l’on tenait à faire référence à un article du Pacte permettant de garantir le respect des droits qui y sont énoncés, il faudrait plutôt utiliser l’article 2, qui consacre le droit à un recours utile. La référence à l’article 14 vise sans doute à rappeler que la liberté de parole est nécessaire pour garantir l’égalité devant les tribunaux. Cette référence n’est pas indispensable, mais s’il était décidé de la conserver elle nécessiterait d’être éclaircie.

52.M. Lallah dit que la référence à l’article 14 vise peut-être le droit de bénéficier des services d’un interprète pour les personnes qui en auraient besoin. Il estime lui aussi qu’il faut supprimer les références aux droits économiques, sociaux et culturels et à la liberté de mouvement.

53.M. O’Flaherty (Rapporteur pour l’Observation générale) dit qu’en mentionnant le lien entre les articles 18 et 19 du Pacte dans la première phrase il a voulu préparer le terrain pour l’argument développé au paragraphe suivant au sujet de l’intangibilité du paragraphe 1 de l’article 19, mais qu’il peut aisément reformuler la phrase. En ce qui concerne le titre de l’article 18 placé entre parenthèses, l’utilisation du terme «conviction» au lieu du terme «religion» est une erreur. Il propose de parler de la «liberté de pensée, de conscience et de religion» par souci de cohérence avec l’Observation générale relative à cet article. La référence à l’article 14 avait pour objectif, comme l’a deviné Mme Chanet, de rappeler qu’il est nécessaire de pouvoir s’exprimer pour participer à une procédure judiciaire, mais il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’elle soit supprimée. Dans la troisième phrase, il propose de remplacer le verbe «sous-tendre» par l’expression «constituer le fondement» («form a basis»). La référence aux droits économiques, sociaux et culturels ne visait qu’à affirmer un fait: la liberté d’expression est nécessaire à l’exercice de ces droits. Elle peut être supprimée si les membres du Comité le souhaitent, de même que la mention de la liberté de circulation. Compte tenu des modifications proposées, le paragraphe se lirait donc comme suit: «D’autres articles contiennent des garanties pour la liberté d’opinion ou d’expression: l’article 18 (liberté de pensée, de conscience et de religion), l’article 17 (droit au respect de la vie privée), l’article 25 (droits politiques) et l’article 27 (protection des minorités). Le droit à la liberté d’opinion et le droit à la liberté d’expression constituent le fondement pour le plein exercice d’un grand nombre d’autres droits civils et politiques. Par exemple, la liberté d’expression est une partie intégrante de l’exercice du droit à la liberté de réunion et d’association.».

54.M. Bouzid dit qu’il faudrait également faire référence à l’article 24 du Pacte (protection des droits de l’enfant).

55.M. Salvioli dit que, bien que la compétence du Comité se limite aux droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il est justifié de dire qu’un droit constitue le fondement pour l’exercice d’autres droits, y compris économiques, sociaux et culturels. Il propose donc de parler du plein exercice «d’autres droits de l’homme».

56.M me Majodina dit qu’elle souscrit à cette proposition, et réitère sa proposition tendant à ce qu’il soit fait explicitement référence au paragraphe 2 de l’article 4 pour expliquer pourquoi l’article 18 n’est pas susceptible de dérogation.

57.M. O’Flaherty (Rapporteur pour l’Observation générale) dit qu’il approuve également la proposition de M. Salvioli. Pour ce qui est de l’article 24, il ne l’a pas inclus car il n’y est pas explicitement fait référence à la liberté d’expression et le Comité n’a aucune expérience concernant la liberté d’expression de l’enfant. Enfin, il sera répondu à la proposition de Mme Majodina dans le cadre de l’examen du paragraphe suivant.

Paragraphe 4

58.M. O’Flaherty (Rapporteur pour l’Observation générale) dit, pour répondre à la question de Mme Majodina, que la raison pour laquelle le paragraphe 1 de l’article 19 n’est pas susceptible de dérogation est expliquée dans ce paragraphe. Il est établi que la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction protégée à l’article 18 n’est pas susceptible de dérogation. Or l’opinion est indissociable des convictions, de la religion, de la pensée et de la conscience; donc, si l’article 18 n’est pas susceptible de dérogation, le paragraphe 1 de l’article 19 ne l’est pas non plus.

59.Sir Nigel Rodley dit qu’il n’est peut-être pas nécessaire de faire référence dans ce paragraphe aux réserves qui peuvent être émises à l’article 19, étant donné que c’est le sujet du paragraphe suivant. Il propose de supprimer le mot «intrinsèque» («inexorable») dans la première phrase. La dernière phrase pose problème, car même si la justification de l’impossibilité de suspendre l’exercice de l’article 18 vaut également pour l’article 19, cela ne rend pas cet article automatiquement non susceptible de dérogation. Le paragraphe 1 de l’article 19 n’est pas susceptible de dérogation non pas parce qu’il est analogue au paragraphe 1 de l’article 18, mais parce qu’il n’existe aucune raison légitime justifiant qu’un État puisse exiger d’une personne qu’elle rende compte de ses opinions.

60.M me Majodina remercie M. O’ Flaherty de sa réponse. Toutefois, son seul souci était d’expliquer clairement pourquoi l’article 18 n’est pas susceptible de dérogation. Dans le même esprit, afin de faire en sorte que l’Observation générale puisse être comprise de tous, il serait utile d’expliquer dans la première phrase du paragraphe 4 pour quelle raison il n’est pas permis d’émettre une réserve au paragraphe 1 de l’article 19.

61.M. O’Flaherty (Rapporteur pour l’Observation générale) dit que le mot «intrinsèque» dans la première phrase ainsi que la référence à l’article 18 dans la dernière phrase seront supprimés. Si les questions des dérogations et des réserves sont traitées aux paragraphes 4 et 5, c’est parce que tous deux portent sur des sujets différents − respectivement la liberté d’opinion et la liberté d’expression − et qu’il est nécessaire de traiter ces deux sujets séparément pour éviter toute confusion. En ce qui concerne la proposition de Mme Majodina, il faut bien voir que l’Observation générale est un document technique plutôt qu’explicatif, qui doit rester concis. De plus, ces questions ont déjà été traitées dans d’autres documents, notamment des observations générales, et le Comité ne ferait donc que se répéter.

62.Le Président dit que le Comité poursuivra l’examen du projet d’Observation générale à une séance ultérieure.

La séance est levée à 13 h 5.