NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.1974

8 juillet 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1974 e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le vendredi 26 octobre 2001, à 10 heures

Président : M. BHAGWATI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT

À L’ARTICLE 40 DU PACTE ( suite )

Deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10 .

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l’ordre du jour) ( suite )

Deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CCPR/C/AZE/99/2; CCPR/C/72/L/AZE)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation azerbaïdjanaise prennent place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation azerbaïdjanaise et invite son chef à faire une déclaration liminaire.

3. M. KHALAFOV (Azerbaïdjan) dit qu’il présente le deuxième rapport périodique de son pays (CCPR/C/AZE/99/2) à un moment où le terrorisme menace la paix, la sécurité et la stabilité internationales, ainsi que les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Il rappelle que son pays a condamné les attentats perpétrés en septembre 2001 aux États-Unis et s’est déclaré prêt à participer à une lutte multilatérale contre le terrorisme, dans la mesure de tous les moyens dont il dispose.

4. La Constitution de la République azerbaïdjanaise garantit les droits de l’homme et les libertés fondamentales, l’état de droit et le principe de la démocratie pluraliste. En outre, d’importantes réformes judiciaires sont actuellement en cours, afin de garantir davantage l’indépendance des magistrats, la primauté du droit et l’efficacité des procédures. Les réformes les plus importantes ont trait à la mise au point des nouveaux codes pénal et administratif et des nouveaux codes de procédure pénale et de procédure civile. En outre, diverses lois ont été adoptées ces dernières années, afin de redéfinir le rôle des procureurs, de garantir l’égalité des droits des parties à un procès, de garantir l’indépendance de la magistrature, de veiller au respect des droits de l’homme dans le cadre des activités déployées par les forces de police, de mettre en place un système judiciaire à trois degrés de juridiction, de protéger les témoins, ainsi que les personnes employées par les tribunaux, ou encore d’indemniser les victimes de mesures illégales éventuellement prises par les organes chargés de l’application des lois.

5. L’Azerbaïdjan est partie à l’ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et, en juin 2001, le Parlement a adopté une loi prévoyant l’adhésion du pays au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En juillet 1998, le Gouvernement azerbaïdjanais et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme ont signé un accord d’assistance technique visant au renforcement des infrastructures de protection des droits de l’homme et le programme ainsi mis en place a été récemment reconduit. D’autre part, une réforme a été entreprise pour mettre le système carcéral en conformité avec les normes internationales en vigueur. Dans ce contexte, les organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que le CICR, ont désormais libre accès aux établissements pénitentiaires, et peuvent se faire une idée de la mesure dans laquelle les conditions de détentions ont été améliorées.

6. Outre qu’il a connu des problèmes liés à la transition économique, l’Azerbaïdjan a été confronté à des difficultés extrêmement importantes à la suite de l’agression qu’il a subie de la part de son voisin arménien. Cette agression a eu de très lourdes conséquences humanitaires et, en dépit du cessez-le-feu, un cinquième du territoire national de l’Azerbaïdjan reste occupé par des forces armées étrangères. Cette région a en outre fait l’objet d’une véritable épuration ethnique, qui a occasionné un afflux de réfugiés dans d’autres régions du pays. Cette occupation militaire étrangère est évidemment un obstacle majeur à la mise en œuvre du Pacte dans les territoires occupés, puisque ceux-ci échappent totalement au contrôle du Gouvernement azerbaïdjanais. Il se trouve d’ailleurs que ce territoire est à l’heure actuelle une véritable plaque tournante du trafic de stupéfiants.

7. Enfin, M. Khalafov indique que le deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan a été établi par un groupe de travail composé de représentants des divers ministères concernés, parmi lesquels les membres de la délégation, et des ONG intéressées. Il ajoute que dix ans seulement se sont écoulés depuis l’indépendance de l’Azerbaïdjan et que, déjà, les progrès réalisés dans le domaine des droits de l’homme sont considérables. Des problèmes demeurent mais il ne fait aucun doute qu’ils pourront être résolus, notamment grâce à la collaboration avec le Comité.

8. Le PRÉSIDENT invite la délégation azerbaïdjanaise à répondre aux questions de la Liste des points à traiter (CCPR/C/72/L/AZE), qui se lisent comme suit:

« Cadre constitutionnel et juridique dans lequel le Pacte est appliqué, autodéterminationet état d'urgence (art. 1er, 2, 4)

1. Quel est le statut du Pacte dans le droit interne ? Pendant la période à l'examen, les org a nes de l'État, la Cour constitutionnelle et les tribunaux ordinaires ont-ils été saisis d'affaires dans lesquelles les dispositions du Pacte ont été directement inv o quées (par. 58) ?

2. Quelles dérogations ont été apportées aux droits protégés par le Pacte pendant les états d'urgence mentionnés au paragraphe 160 du rapport, et quelle en a été la po r tée ?

3. L'État partie envisage-t-il de ratifier le premier Protocole facult a tif ?

Droit à la vie, protection contre la torture, liberté et sécurité de la personne,traitement des prisonniers (art. 6, 7, 9, 10)

4. Fournir des renseignements sur les mesures que l'État partie a adoptées pour me t tre en oeuvre les recommandations formulées par différents mécani s mes des Nations Unies, en ce qui concerne les nombreuses allégations de torture et autres actes ou traitements ou chât i ments cruels, inhumains ou dégradants commis par les agents de la force publique. Ces allég a tions ont-elles fait l'objet d'enquêtes et, dans l'affirmative, les auteurs de ces actes ont-ils été punis ?

5. Apporter des précisions au sujet des allégations conce r nant le recours excessif à la force par les agents de la force publique lors des manifestations et des rassemblements org a nisés par l'opposition dans le cadre des élections législatives de novembre 2000 ainsi que lors de la manifestation du 29 avril 2000 contre la loi électorale.

6. Préciser comment le droit des personnes arrêtées d'avoir accès à un avocat, ainsi que le droit d'informer sa famille et de consulter le médecin de son choix sont prot é gés en droit comme en fait (voir par. 235 à 237).

7. Préciser dans quelle mesure les Règles minima pour le traitement des détenus ont été incorporées dans la législation nationale et sont respectées, en part i culier par les policiers, les administrateurs pénitentiaires et autres personnes chargées de procéder à des interrogato i res.

8. Comment est assuré le contrôle des lieux de détention ? Existe-t-il un mécanisme ind é pendant pour enquêter sur les plaintes portées contre des membres de la police et des gardiens de prison et, si tel n'est pas le cas, comment est-il enquêté sur ces plaintes ? Donner des statist i ques sur le nombre de ces plaintes et la suite qui y a été donnée.

9. En ce qui concerne les plaintes de citoyens pour irrégularité de l'instruction dont a été sa i si le ministère public et qui sont mentionnées au paragraphe 216, fournir des éclaircissements sur ces allégations ainsi que sur les "mesures appropriées qui ont été prises contre les responsables conce r nés" (par. 217).

Élimination de l'esclavage et de la servitude (art. 8)

10. Fournir des informations, ainsi que toute statistique disponible, relat i ves à la traite des femmes et des fillettes à des fins de prostitution. Quelles mesures l'État partie a-t-il prises pour lutter contre ce phénomène sur son territoire ?

Indépendance de la magistrature et droit à un procès équitable (art. 14)

11. Donner des précisions sur la façon dont la nouvelle législation assure l'indépe n dance de la magistrature, en particulier en ce qui concerne les procédures de désignation des juges, notamment la durée de leur mandat, la promotion et la discipline. Quelles mes u res l'État partie a-t-il prises pour lutter contre la corruption reprochée aux magistrats ? Donner des re n seignements au sujet des pouvoirs étendus des procureurs.

Liberté de religion (art. 18)

12. Y a-t-il des restrictions à la liberté de culte dans la pratique (par. 261) ? L'o b jection de conscience au service militaire est-elle prévue par la loi ? Dans la négative, est-il pr é vu d'adopter des dispositions légales à cet effet ?

Liberté d'opinion et d'expression et droit de recevoir des informations (art. 19)

13. Fournir des renseignements sur les restrictions existantes en matière de liberté d'opinion et d'expression et indiquer en quoi e l les sont compatibles avec l'article 19 du Pacte. Comment la liberté de la presse et des médias électroniques est-elle garantie par la loi et dans la pratique ?

14. Fournir des renseignements sur les allégations concernant le harcèlement et l'i n timidation dont auraient fait l'objet des journalistes et médias indépe n dants, notamment sur les obstacles économiques qui entraveraient le travail de ces journalistes et le fonctionnement de ces médias, les amendes prono n cées à leur encontre et les lois sur l'octroi de licences, ainsi que la partialité des médias contr ô lés par l'État.

Liberté de réunion et d'association (art. 21, 22)

15. Quelles sont les procédures applicables à l'enregistrement des associations ? Dans co m bien de cas l'enregistrement a-t-il été refusé et pour quels motifs ? Quelles sont les procédures de recours ? L'enregistrement a-t-il été refusé à des partis polit i ques ?

16.Comment la législation interne garantit-elle l'exercice effectif du droit de réunion ? Combien de demandes d'autorisation de manifestations publiques ont-elles été rejetées et pour quels motifs ?

Participation à la conduite des affaires publiques (art. 25)

17. L'État partie a-t-il interdit les activités d'un parti politique existant et, dans l'affirmative, pour quels m o tifs ?

18. Compte tenu en particulier des obstacles qui auraient été mis à l'enregistrement de cand i dats lors des élections législatives de novembre 2000, préciser quelles garanties pe r mettent de sauvegarder la libre expression de la volonté pop u laire.

Non-discrimination, égalité entre les sexes, droits des personnes appartenantà des minorités (art. 2.1), 3, 26, 27)

19. Fournir des renseignements actualisés sur le nombre et le pourcentage de perso n nes appartenant à des minorités. Développer la déclaration selon laquelle les minorités azerbaïdjanaises sont largement représentées dans les struct u res officielles de l'État (par. 630), en fournissant des données à jour sur leur participation à la vie politique et publique. Les membres des minorités se heurtent-ils à des diff i cultés supplémentaires, en particulier dans les domaines de l'emploi, du logement, ou de l'enseignement ?

20. Quelles mesures concrètes ont été prises ou sont envisagées pour améliorer la condition de la femme dans la vie publique ? Quelles mesures ont été prises pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes et prévoir des voies de recours en cas de discrim i nation et quels en ont été les résultats ?

21. Indiquer quelles sont les mesures pratiques et légales, en vigueur ou prévues, pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, notamment la violence dans la famille, et pour l'éliminer. Des mesures sont-elles prises pour y sensibiliser le public et une a s sistance est-elle fournie aux victimes ?

Diffusion de l'information relative au Pacte (art. 2)

22. Quelles mesures ont été prises pour assurer la diffusion des info r mations contenues dans le deuxième rapport périodique de l'Azerbaïdjan ?

23. Existe-t-il des programmes de formation à l'intention des magistrats, des responsables de l'application des lois et autres agents publics concernant les dispositions du Pacte et leur appl i cation, ou est-il env i sagé d'en mettre en place ? »

9. M. KHALAFOV (Azerbaïdjan) dit qu’il répondra dans un premier temps aux questions n os 1 à 11 de la Liste des points à traiter. S’agissant de la question n° 1, il précise qu’en vertu de la Constitution de la République azerbaïdjanaise, les instruments internationaux auxquels l’Azerbaïdjan est partie, y compris le Pacte, font partie intégrante de la législation interne et que, lorsqu’il existe une contradiction entre les lois nationales (à l’exception de la Constitution et des lois adoptées par référendum) et les dispositions d’instruments internationaux, ce sont ces dernières qui s’appliquent. En conséquence, les normes internationales relatives aux droits de l’homme, dont les dispositions du Pacte, s’appliquent directement en droit azerbaïdjanais et peuvent être invoquées devant les tribunaux. Il y a lieu de noter aussi que la Cour constitutionnelle s’est appuyée sur les dispositions du Pacte dans son interprétation de la loi sur l’enregistrement du lieu de résidence ou encore dans son interprétation des dispositions de la loi sur la police relatives à la détention administrative.

10. Répondant à la question n° 2, M.  Khalafov indique que le Président de la République a été amené à déclarer l’état d’urgence à Bakou d’octobre 1994 à juin 1995 et à Gyanja d’octobre 1994 à avril 1995, parce que la vie des citoyens et la stabilité politique étaient menacées. Le Secrétaire général de l’ONU a immédiatement été informé de l’intention de l’Azerbaïdjan de se prévaloir de l’article 4.1 du Pacte. Dans ce contexte, l’Azerbaïdjan a dérogé à l’article 9 afin de faciliter les contrôles d’identité et les fouilles, à l’article 12 afin de mettre en place un régime spécial applicable à la circulation des personnes dans la région et de requérir l’évacuation de certains éléments perturbateurs qui n’étaient pas originaires des villes

en question, à l’article 19 afin de mettre en place des règles spéciales concernant les télécommunications, à l’article 21 afin d’interdire certaines réunions et manifestations et à l’article 22 afin d’interdire les grèves et d’interrompre, après préavis, l’activité des partis politiques.

11. Répondant à la question n° 3, M.  Khalafov dit que le Président de la République a signé la loi du 29 juin 2001 sur l’adhésion de l’Azerbaïdjan au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte et que l’instrument d’adhésion a été déposé récemment auprès du Secrétaire général de l’ONU. Il convient aussi de signaler que l’Azerbaïdjan a ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et a déclaré qu’il reconnaissait la compétence du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction.

12. Répondant à la question n o  4, M.  Khalafov dit qu’un décret présidentiel, à la rédaction duquel ont participé des représentants de l’exécutif, des forces de l’ordre et de la Cour constitutionnelle, a été promulgué en mars 2001 pour donner effet aux recommandations du Comité contre la torture et d’ Amnesty International. De même, la Cour suprême a rendu une ordonnance qui a force exécutoire pour les tribunaux et les organismes de la force publique, en vertu de laquelle aucune circonstance, pas même la guerre ou l’état d’urgence, ne justifie l’emploi de la torture. En vertu de cette ordonnance, les aveux obtenus sous la contrainte n’ont aucune valeur. Si un tribunal estime que des déclarations ont été extorquées illégalement, celles-ci ne sont pas retenues et les fonctionnaires qui se sont rendus coupables d’actes de torture sont passibles de poursuites. En outre, le Ministère de la justice a pris un décret pour donner effet aux recommandations du Comité contre la torture au sein des établissements pénitentiaires en janvier 2000. Les organisations non gouvernementales internationales et nationales ont désormais la possibilité de se rendre dans les prisons pour y évaluer la situation. En outre, la Commission des grâces s’est penchée sur les recommandations du Comité contre la torture et a pris la décision, en mars 2000, d’exclure toute possibilité d’amnistie ou de grâce pour les fonctionnaires qui se seraient rendus coupables d’actes de torture. Enfin, il convient de signaler que, dans la période à l’examen, 11 fonctionnaires du Ministère de la justice et 76 membres de la police ont été licenciés, que 380 policiers se sont vus infliger des sanctions disciplinaires et que 7 fonctionnaires du Ministère de la justice et 53 policiers ont été traduits en justice pour des faits impliquant des actes de torture ou des traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants.

13. En ce qui concerne la question  n o  5, M.  Khalafov dit qu’en avril 2000 des partis d’opposition avaient demandé aux pouvoirs publics de pouvoir organiser une manifestation sur la place centrale de Bakou. Cette manifestation étant susceptible de gêner la circulation et l’ordre public, les autorités ont demandé qu’elle soit organisée ailleurs. Les organisateurs de la manifestation sont passés outre à cette demande et la police a dû intervenir pour empêcher la perturbation de l’ordre public. Des heurts se sont produits et 42 policiers ont été blessés. Onze personnes ont été arrêtées mais ont ensuite été remises en liberté, les poursuites ayant été abandonnées à la suite d’une amnistie. Une enquête a été ordonnée et des poursuites ont été engagées contre certains policiers.

14. Répondant à la question nº 6, M.  Khalafov indique que le nouveau Code de procédure pénale qui est entré en vigueur le 1 er  septembre 2000 offre des garanties concrètes du respect des droits des personnes arrêtées pendant l’enquête et l’instruction préliminaire. La nouvelle législation prévoit que toute personne arrêtée a droit à une aide juridique qualifiée dès le moment de son arrestation, de son placement en garde à vue et de son inculpation. Toute personne placée en garde à vue est informée des motifs de la garde à vue ainsi que de ses droits, notamment du droit d’avoir un défenseur et d’informer ses proches. En outre, il existe dans chaque région de l’Azerbaïdjan des permanences d’avocats qui offrent sans délai l’aide juridique nécessaire à toute personne arrêtée, placée en garde à vue ou inculpée qui en fait la demande. Dans le cas où la personne placée en garde à vue refuse les services d’un défenseur, l’avocat consigne ce fait dans un procès-verbal. Dans les cas prévus par la loi, un défenseur est commis d’office, même si la

personne placée en détention refuse les services d’un conseil. L’article 161 du Code de procédure pénale prévoit que l’administration du lieu de détention est tenue d’autoriser pleinement l’accès du défenseur et du représentant légal à la personne placée en garde à vue, et de leur donner la possibilité de se rencontrer sans la présence d’un tiers autant de fois qu’ils le veulent et sans limitation de durée. L’administration du lieu de détention est aussi tenue d’informer la personne placée en garde à vue de son droit à des conversations téléphoniques et aux soins médicaux indispensables et d’accorder une attention particulière aux personnes âgées, aux mineurs, aux femmes ainsi qu’aux personnes malades. La famille et les proches de la personne placée en garde en vue doivent être informés immédiatement de la garde à vue, du lieu de la détention ainsi que des transferts éventuels. Dans le cas d’un étranger ou d’un apatride placé en garde à vue, cette mesure est immédiatement notifiée au Ministère des affaires étrangères, lequel, à son tour, en informe la représentation diplomatique de l’État intéressé. Toutes les dispositions ainsi prévues par la loi sont dûment respectées dans la pratique. La délégation azerbaïdjanaise n’a pas connaissance de violations de ces dispositions.

15. En réponse à la question n° 7, M. Khalafov dit que les conditions de détention sont régies par le Code d’application des peines, qui a été établi en tenant compte des Règles minima pour le traitement des détenus et des Règles pénitentiaires européennes, et est entré en vigueur le 1 er  septembre 2000. Une série de mesures visant à humaniser la détention et la garde à vue ont été adoptées. En particulier, depuis le 9 octobre 1999, les cellules de garde à vue relèvent du Ministère de la justice, et non plus du Ministère de l’intérieur, ce qui offre des garanties concrètes contre l’extorsion d’aveux par la contrainte. Le Président de la République a également créé une commission spéciale chargée de l’amélioration des établissements pénitentiaires et des cellules de garde à vue. Par ailleurs, la réforme du système pénitentiaire a permis aux organisations de défense des droits de l’homme d’avoir accès aux centres de détention. Dans ce contexte, le 9 juin 2000, un accord entre le Gouvernement azerbaïdjanais et le Comité international de la Croix-Rouge est entré en vigueur, selon lequel les représentants dudit Comité peuvent rendre librement visite aux détenus dans les centres de détention. De nouvelles normes ont été adoptées concernant les conditions de vie, et notamment l’alimentation, des détenus. Quatre nouveaux bâtiments ont été ajoutés à la prison de Goboustan , dans lesquels les cellules répondent aux normes modernes et chacune est prévue pour deux détenus au plus. Par ailleurs, en vertu de la loi du 2 mai 2000 sur la lutte contre la tuberculose, les détenus atteints de cette maladie bénéficient de conditions particulières. Dans le cadre de la coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge, un nouvel établissement de soins a été mis en place auprès du Ministère de la justice. Enfin, le 29 décembre 1999, la Cour constitutionnelle a rendu une décision recommandant au Parlement de définir un régime de pensions pour les personnes condamnées à la privation de liberté.

16. En réponse à la question n° 8, M. Khalafov indique qu’en mars 1999 la Direction centrale de l’application des décisions judiciaires du Ministère de la justice a mis en place des services d’inspection chargés d’examiner les plaintes portées contre des membres du personnel pénitentiaire. En outre, le Ministère de la justice prévoit de créer des services spécifiques qui seront chargés de contrôler l’exécution des peines et seront pleinement habilités à établir les faits dans les cas de violation présumée des droits des détenus. Pour l’heure, ce contrôle est exercé par les services ministériels existants. En outre, le Ministère procède à des inspections régulières des lieux de détention. L’article 506 du Code de procédure pénale et l’article 19 du Code d’application des peines prévoient que le juge qui a prononcé la condamnation est tenu de contrôler l’application de la peine. Le 18 janvier 2000, le Ministre de la justice a adopté une ordonnance sur les mesures à prendre pour donner effet aux recommandations du Comité contre la torture, qui prévoit que tous les responsables d’établissements de rééducation par le travail sont invités à prendre des mesures pour assurer les droits des personnes condamnées et détenues, prévenir les atteintes à leur vie, à leur santé et à leur sécurité, et interdire les actes considérés comme des tortures et d’autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants. Une autre ordonnance du Ministre de la justice prévoit que

les personnes placées en garde à vue sont soumises sans délai à un examen médical. L’article 20 du Code d’application des peines prévoit un contrôle de la société civile sur l’activité des organes chargés de l’exécution des peines. Les modalités de cette participation et de l’exercice du contrôle seront définies par une loi qui portera spécialement sur ce point.

17. Au cours des neuf premiers mois de 2001, le Ministère de la justice a été saisi de 1 845 requêtes et plaintes émanant de citoyens et de personnes condamnées, dont 226 portaient directement sur le respect des droits des personnes condamnées prévus par la loi. Le Ministère de la justice a vérifié et examiné ces requêtes et plaintes dans les délais légaux, et a pris des mesures en conséquence. Enfin, la loi constitutionnelle sur l’ombudsman, qui n’est pas encore entrée en vigueur, prévoit que ce dernier aura librement accès à tous les lieux de détention et pourra examiner les plaintes des personnes détenues.

18. Répondant à la question n° 9, M. Khalafov dit que le Ministère public a reçu en 2000 86 requêtes de citoyens alléguant l’utilisation de méthodes illicites, et 28 requêtes de ce type durant les sept premiers mois de 2001. Dans 96 cas, le ministère public a refusé d’engager des poursuites au motif que les faits n’avaient pu être établis. Dans les autres cas, des poursuites pénales ont été engagées, et les fonctionnaires incriminés ont dû répondre de leurs actes devant la justice pénale. Au besoin, la délégation azerbaïdjanaise fournira au Comité des renseignements concrets sur des cas précis et les mesures prises.

19. À propos de la traite des femmes et des fillettes à des fins de prostitution en Azerbaïdjan (question n° 10), M. Khalafov dit que le Code pénal prévoit des poursuites pénales à l’ encontre des personnes entraînant autrui dans la prostitution par la force ou par la menace de la force, le chantage, l’humiliation ou l’atteinte aux biens, ou encore par la tromperie en vue d’obtenir des avantages matériels ou autres. Conformément à ces dispositions, durant le premier semestre de 2001, des poursuites pénales ont été engagées contre huit personnes qui avaient entraîné 11 femmes dans la prostitution. Aucune de ces femmes n’était mineure. Par ailleurs, l’article 171 du Code pénal prévoit des poursuites à l’ encontre des personnes qui entraînent des mineurs dans la prostitution ou des activités amorales. L’article 173 du même code réprime la traite des mineurs ainsi que toute autre forme de trafic des mineurs. Enfin, la République d’Azerbaïdjan a adhéré à la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, ainsi qu’à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole qui s’y rapporte visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

20. Répondant à la question n° 11, M.  Khalafov réitère ce qui est dit aux paragraphes 370 à 373 du rapport (CCPR/C/AZE/99/2). Un très grand nombre de mesures ont été prises dans le cadre de la réforme du système judiciaire pour mettre ce dernier en conformité avec les normes internationales. En particulier, conformément à un décret présidentiel du 1 er  décembre 1998 visant à établir une magistrature indépendante et impartiale, il a été créé un Conseil judiciaire, composé des présidents respectifs de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême, de la Cour économique et de la Cour d’appel, de la Cour suprême de la République autonome du Nakhitchevan et du tribunal des infractions graves, ainsi que du Ministre de la justice. Le Conseil judiciaire a publié dans la presse les règles régissant l’élection des candidats à la magistrature. La nomination des juges s’est effectuée sous la surveillance d’associations, d’organismes internationaux, d’organisations non gouvernementales étrangères et azerbaïdjanaises, y compris d’un expert indépendant, et tous les observateurs ont reconnu l’objectivité, l’impartialité et la transparence du processus. Ainsi, en septembre 2001, la composition de la magistrature a été renouvelée dans une proportion de 60 %. L’indépendance des juges est assurée par l’interdiction qui leur est faite d’exercer une activité politique ou d’adhérer à un parti, leur inamovibilité, l’inviolabilité de leur fonction pendant la durée de leur mandat, l’indépendance de l’exercice du pouvoir judiciaire et des procédures légales régissant l’administration de la justice,

l’interdiction de toute ingérence ou limitation dans la procédure judiciaire, la protection de la sécurité personnelle des juges, les garanties d’ordre matériel et social et l’autorité de la chose jugée. La procédure permettant d’engager des poursuites contre un juge, de le dessaisir de ses pouvoirs ou de le destituer ne peut être appliquée que sur décision du Conseil disciplinaire de la Cour suprême et au terme d’une procédure complexe.

21. La situation matérielle des juges fait également l’objet d’une attention particulière, et leurs traitements ont été sensiblement relevés ces derniers temps. À l’heure actuelle, les juges sont les fonctionnaires les mieux rémunérés. Par exemple, le Président de la Cour suprême perçoit un traitement égal à celui du Président du Parlement et, contrairement à ce dernier, il touche aussi des primes. La formation des juges en matière de normes internationales fait également l’objet d’une grande attention et le Ministère de la justice a mis en place un centre de formation juridique chargé d’améliorer les compétences des magistrats.

22. Pour renforcer la lutte contre la criminalité économique et la corruption, le Président de la République a publié, le 8 juin 2000, un décret confiant aux organes compétents le soin d’élaborer un programme national ad hoc et une loi sur la lutte contre la corruption. Des groupes de travail ont établi un projet de programme prévoyant diverses mesures pratiques destinées à mettre fin à la corruption, notamment dans le système judiciaire. Le projet de loi sur la lutte contre la corruption a été présenté au Parlement et soumis parallèlement à l’expertise du Conseil de l’Europe.

23. En décembre 2000 a été adoptée une loi sur le ministère public qui définit la place et le rôle de cette institution dans une société démocratique. Elle prévoit que le parquet engage des poursuites pénales et conduit l’instruction préliminaire, assure le respect des lois, veille à leur application par les organes d’enquête et d’instruction, participe en qualité de partie à l’examen, par le tribunal, des affaires pénales et soutient l’accusation, et contribue à la réalisation de l’objectif des peines prononcées par les tribunaux. Enfin, la loi sur le ministère public renforce le mécanisme de contrôle du parquet par le Président de la République, le Parlement et le pouvoir judiciaire. En outre, depuis le 1 er  septembre 2000, la surveillance de l’application des peines ne relève plus des magistrats du parquet.

24. Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poser leurs questions complémentaires sur les questions n os 1 à 11 de la Liste des points à traiter.

25. M. KHALIL se félicite de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, et espère que la loi sur l’ombudsman sera très prochainement adoptée.

26. Le document de base (HRI/CORE/1/Add.41/Rev.2) énumère une longue liste de droits civils et politiques que l’État partie s’est engagé à promouvoir et à protéger dans sa Constitution. Certes, le cadre juridique de la protection des droits de l’homme est nécessaire, mais l’application concrète de ces lois revêt également une très grande importance.

27. En ce qui concerne la Cour constitutionnelle, M. Khalil constate que cette institution joue un rôle majeur en Azerbaïdjan, où elle contribue fortement au processus de démocratisation et à la garantie des droits civils et politiques. Il voudrait savoir s’il existe une procédure légale permettant aux particuliers de contester la constitutionnalité d’une loi devant la Cour constitutionnelle. Par ailleurs, il salue la réforme judiciaire entreprise, et note qu’une nouvelle législation régit le mode de nomination des magistrats. La délégation azerbaïdjanaise a parlé de transparence dans ce domaine mais, d’après certaines sources, l’application des textes ne répondrait pas à ce critère et M. Khalil serait heureux d’entendre les commentaires de la délégation azerbaïdjanaise sur ce point. En outre, il semblerait que la candidature de certaines personnes qui auraient passé avec succès la première étape de la procédure de nomination aux fonctions de magistrat n’aurait finalement pas été retenue, tandis que d’autres candidats, qui avaient été

écartés dès la première étape, auraient ensuite été nommés magistrats. M. Khalil voudrait savoir si ces informations sont exactes.

28. M. Khalil relève en outre qu’une nouvelle loi sur le barreau assure aux avocats la possibilité d’exercer librement leur profession et en toute indépendance, en particulier pour ce qui est de la défense des droits civils et politiques. Il voudrait savoir à cet égard si les avocats disposent d’un syndicat, ou d’une association similaire officiellement enregistrée et, dans l’affirmative, combien d’avocats en sont membres. Il voudrait aussi connaître l’attitude des autorités azerbaïdjanaises à l’égard des activités de promotion et de protection des droits de l'homme menées par les organisations non gouvernementales azerbaïdjanaises. Enfin, il souhaiterait obtenir des renseignements sur la situation au regard de la détention. En particulier, il voudrait savoir si les établissements pénitentiaires continuent d’être surpeuplés, et si le nombre des personnes détenues avant jugement est toujours aussi élevé.

29. M. SCHEININ constate que le rapport de l’État partie est riche d’informations en ce qui concerne le cadre juridique en Azerbaïdjan, mais regrette qu’il ne contienne pas plus d’informations sur la mise en œuvre effective du Pacte. Il croit comprendre que l’Azerbaïdjan a adhéré non seulement au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, mais aussi au deuxième Protocole facultatif concernant l’abolition de la peine de mort, qui est entré en vigueur pour l’État partie en 1999, ce dont il se félicite, mais il s’étonne de la réserve dont est assortie cette adhésion aux termes de laquelle la peine de mort est maintenue pour les infractions graves commises en situation de guerre ou de menace de guerre. Or, le deuxième Protocole facultatif ne prévoit qu’une seule réserve, définie au paragraphe 1 de l’article 2, concernant l’application de la peine de mort en temps de guerre à la suite d’une condamnation pour un crime de caractère militaire, d’une gravité extrême, commis en temps de guerre, et il semble à cet égard que la réserve formulée par l’État partie dépasse les dispositions prévues dans le Protocole facultatif. Par ailleurs, M.  Scheinin demande des précisions quant au sort des personnes qui étaient condamnées à mort au moment où le Protocole facultatif est entré en vigueur et souhaite savoir notamment si leur peine a été commuée en une peine de prison à vie ou une peine de prison pour un temps limité. Il demande en outre combien d’exécutions ont eu lieu avant l’abolition de la peine de mort en Azerbaïdjan et combien de personnes condamnées sont décédées avant la date prévue de leur exécution, en raison des mauvaises conditions de détention.

30. S’agissant des dérogations au Pacte dans le cadre d’un état d’urgence, M.  Scheinin se réfère à l’article 71 de la Constitution, qui prévoit la garantie des droits civils et des libertés civiles et note qu’au paragraphe 3 de cet article, il est dit que l’exercice des droits et libertés des citoyens peut être suspendu en tenant compte des obligations internationales de la République d’Azerbaïdjan. Il souhaite savoir quelle est la portée de cette restriction et si elle signifie que les obligations internationales, y compris celles qui découlent du Pacte, doivent être respectées en cas d’état d’urgence. Il rappelle que le rapport initial de l’État partie citait une loi de 1992 sur l’état d’urgence dont les articles 18 et 19 prévoyaient clairement le respect des dispositions du Pacte et demande si l’article 71 de la Constitution doit être interprété dans le même sens. Il relève en effet que dans la notification présentée par l’Azerbaïdjan, concernant l’application de l’article 4 du Pacte, figurait de façon très générale une liste des articles du Pacte auxquels il pouvait être dérogé, à savoir les articles 9, 12, 19, 21 et 22. À cet égard, M.  Scheinin attire l’attention de l’État partie sur l’Observation générale nº 29 (CCPR/C/21/Rev.1/Add.11), récemment adoptée par le Comité, concernant la façon d’appliquer l’article 4 et de prévoir des dérogations aux dispositions du Pacte. Ainsi, l’État partie concerné doit non seulement donner la liste des articles visés, mais justifier du fait que les mesures dérogatoires sont nécessaires en raison de la situation et donner des informations précises quant à leur contenu. Parmi les mesures indiquées par la délégation, fondées sur la loi de 1992, M.  Scheinin relève deux points particulièrement: la suspension provisoire des partis politiques, qui paraît regrettable, et le contrôle des communications, dont il aimerait savoir en quoi il consiste concrètement.

31. S’agissant de l’article premier du Pacte – droit des peuples à disposer d’eux-mêmes –, M.  Scheinin s’interroge sur son application au Haut-Karabakh, relevant notamment que la Constitution envisage un État unitaire et n’évoque que le droit du peuple azerbaïdjanais. Il demande à l’État partie son opinion sur la position de l’OSCE concernant le Haut-Karabakh, citée au paragraphe 44 du rapport, et demande si la notion d’autodétermination telle que l’entend l’État partie s’applique aussi à la population du Haut-Karabakh. Enfin, M. Scheinin , relevant que l’Azerbaïdjan est un pays d’origine et de transit de trafic d’êtres humains, constate avec regret que le trafic d’êtres humains n’est pas sanctionné par la loi s’il ne s’agit pas d’enfants, ni d’un trafic destiné à la prostitution.

32. M. KLEIN souligne que l’État partie se trouve dans une situation difficile du fait du grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées et du processus de transition encore en cours. En ce qui concerne le système judiciaire, il se félicite des grandes réformes mises en œuvre, visant notamment à rendre la nomination des juges plus transparente. Néanmoins, se référant au paragraphe 353, il s’étonne de la diversité des types de tribunaux qui existent et en particulier il s’interroge sur le rôle des tribunaux militaires, ordinaires ou spécialisés dans les infractions graves, qui sont des tribunaux de première instance. Il demande quels sont les tribunaux de deuxième instance existants, quelles sont les infractions pour lesquelles ils sont compétents, notamment s’ils peuvent également juger des civils, et quelle est leur composition. Il relève par ailleurs qu’aux termes de l’article 131, paragraphe 1 de la Constitution, la Cour suprême donne des explications relatives aux questions concernant la pratique des tribunaux. M. Klein croit savoir que sous le régime soviétique, les tribunaux de niveau supérieur pouvaient donner des instructions aux tribunaux inférieurs sur la façon d’interpréter la loi. Si c’est la même notion qui est exprimée ici, cela remet en cause l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui ne doit pas s’entendre uniquement vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif. S’agissant du tribunal constitutionnel, M. Klein déplore que les particuliers ne puissent pas s’adresser directement à lui, constatant que c’est la Cour suprême qui décide de porter une affaire devant cette instance. Par ailleurs, il s’interroge sur la mention, au paragraphe 2 de l’article 24 et au paragraphe 1 de l’article 71 de la Constitution, des devoirs des citoyens, et se demande si ces dispositions peuvent fonder des restrictions aux libertés et aux droits des individus. Il exprime d’autre part son étonnement devant les dispositions mentionnées au paragraphe 111 du rapport, qui semblent poser un principe de réciprocité entre États quant à l’application des droits fondamentaux à l’égard des étrangers. En effet, le principe de réciprocité, très important en droit international public, n’a pas sa place en matière de droits de l’homme et toute restriction des droits des étrangers en Azerbaïdjan appliquée sur cette base paraît contraire au droit international, et plus particulièrement au Pacte.

33. Passant aux restrictions prévues dans le cadre de l’état d’urgence, M. Klein souligne l’importance de la connaissance des droits par la population et indique qu’à cet égard les ONG ont un rôle fondamental à jouer. C’est pourquoi il regrette qu’elles soient soumises à des restrictions importantes dans l’État partie et que leur tâche ne soit pas davantage favorisée.

34. Sir Nigel RODLEY relève tout d’abord un point de l’exposé du chef de la délégation azerbaïdjanaise, à savoir que si des preuves ont été obtenues de façon irrégulière, le tribunal peut décider de ne pas les prendre en compte. Or, du point de vue du Comité, les preuves recueillies dans de telles circonstances doivent obligatoirement être exclues; c’est le cas par exemple des preuves obtenues sous la torture. Les tribunaux azerbaïdjanais ont-ils l’obligation d’exclure des preuves ainsi obtenues ? Par ailleurs, concernant les statistiques communiquées par l’État partie sur le nombre de fonctionnaires sanctionnés à divers degrés, Sir Nigel Rodley souhaite savoir pour quels actes ces sanctions ont été imposées. Il suppose qu’il s’agit de recours abusifs à la force en violation de l’article 7 du Pacte, mais si tel n’est pas le cas, il demande combien de ces sanctions ont été appliquées pour ce motif. Il souhaite par ailleurs avoir des précisions sur l’indemnisation des victimes dans ces affaires.

35. Sir Nigel Rodley se félicite des progrès représentés par la réforme de la procédure pénale et des responsabilités ministérielles sur les questions de détention. Il note avec satisfaction que la détention après inculpation et la détention après condamnation dépendent désormais du Ministère de la justice et que l’accès à un avocat au cours de la détention a été amélioré, mesures qui contribueront certainement à réduire les problèmes liés aux mauvais traitements pendant la détention. Il souhaite savoir de façon pratique quels sont les délais fixés dans le nouveau système de procédure pénale pour la détention provisoire et l’accès à un avocat. Il croit comprendre par ailleurs qu’un problème subsiste concernant la Sécurité nationale dont les locaux sont à la fois un poste de police, un lieu de détention avant inculpation et un lieu de détention préventive, et qui ne dépend pas directement du Ministère de la justice. Si tel est bien le cas, les personnes aux mains de ces services ne bénéficient pas de toutes les garanties nécessaires. Il note néanmoins que l’État partie a amélioré l’accès aux lieux de détention ordinaires par des organisations extérieures, notamment l’accès par le Comité international de la Croix-Rouge, effectif depuis juin de l’année dernière. Il se félicite en outre de constater que l’ombudsman, une fois que cette fonction existera, aura également accès aux lieux de détention. Toutefois, il souligne qu’il est important que les organisations du pays aient aussi accès à ces lieux et demande si l’État partie a l’intention de prendre des mesures dans ce sens.

36. M me CHANET se félicite des réformes accomplies et également de la ratification des premier et deuxième Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte, même si elle s’interroge elle aussi sur le sens de la réserve formulée à l’égard de ce dernier. Elle se félicite aussi de constater que l’article 151 de la Constitution prévoit qu’en cas de conflit de normes, c’est le droit international qui prime, mais elle s’étonne de la présence dans l’ordre juridique interne de l’État partie des dispositions signalées au paragraphe 111 du rapport, prévoyant un principe de réciprocité entre États pour l’application des normes des droits de l’homme, qui lui paraît incompatible avec le droit international et le droit humanitaire.

37. À propos de la question de l’état d’urgence, M me Chanet partage les préoccupations de M.  Scheinin et souhaiterait elle aussi savoir si le paragraphe 3 de l’article 71 de la Constitution signifie que les obligations découlant du Pacte sont nécessairement respectées même en situation d’état d’urgence. Elle rappelle que, dans ces cas-là, les États ont des obligations en vertu de l’article 4 du Pacte, non seulement quant à la nature des droits auxquels ils peuvent déroger, mais aussi quant à l’application d’un principe de proportionnalité. En outre, dans leur notification au Secrétaire général, les États concernés doivent préciser le contenu des dérogations et indiquer en quoi celles-ci sont liées à une menace donnée. Or, l’article 71 de la Constitution est formulé de façon trop générale pour que le Comité sache quelles sont les obligations de l’État partie en la matière. Dans la mesure où l’article lui-même fait référence aux obligations internationales de l’État partie, M me Chanet souhaite que soit précisé comment les droits garantis par l’article 4 du Pacte sont protégés dans le cadre de cette disposition.

38. S’agissant de l’application de l’article 9 du Pacte, M me Chanet constate qu’il est question, aux paragraphes 257 et suivants du rapport, d’emprisonnement « dans des cas exceptionnels » et souhaite savoir quels sont les cas visés. Elle s’étonne par ailleurs des disparités entre ce qui est dit aux paragraphes 264 et 265 du rapport concernant la durée de la garde à vue et souhaiterait des éclaircissements à ce sujet. De plus, elle croit comprendre que c’est le Procureur qui a la responsabilité d’autoriser la détention. Or, conformément à l’article 9.4 du Pacte, un recours devant un tribunal doit être possible concernant la légalité de la détention. M me Chanet relève par ailleurs qu’aux termes de l’article 61 de la Constitution toute personne arrêtée a droit aux services d’un avocat et elle se demande si cette disposition est applicable aussi aux étrangers. Elle note, d’après le paragraphe 282 du rapport, que le Code de procédure pénale limite la durée de la détention avant jugement à deux mois, période qui peut être prolongée dans des circonstances exceptionnelles. Elle souhaite que soient précisés quels sont ces cas exceptionnels. Enfin, s’agissant de la décision du 27 avril 2001 de la Cour constitutionnelle dont il a été fait état dans

l’exposé du chef de la délégation, elle souhaite que soit précisé ce que la loi azerbaïdjanaise entend par « infraction administrative ».

39. M. AMOR se félicite de la réforme du Code de procédure pénale et de l’importance croissante du rôle de la Cour constitutionnelle. Il regrette que le rapport mette un peu trop l’accent sur les progrès législatifs au détriment des aspects pratiques. Il souhaiterait que la délégation apporte des éclaircissements sur la notion d’autodétermination, notamment en ce qui concerne le Haut-Karabakh. Il demande par ailleurs si les réfugiés et les personnes déplacées originaires du Haut-Karabakh ont les mêmes droits et obligations que les autres citoyens ou s’ils ont un régime juridique spécifique. Enfin, il voudrait savoir si des mesures ont été prises pour les intégrer à la société.

40. M. Amor rappelle que le Pacte, qui a une valeur juridique législative, énonce un certain nombre de droits auxquels il n’est pas possible de déroger. A cet égard, il se demande quel est son statut au regard des autres instruments avec lesquels il pourrait y avoir incompatibilité. Il demande en outre s’il existe un mécanisme législatif chargé de vérifier la conformité des lois azerbaïdjanaises avec le Pacte.

41. M. Amor se dit préoccupé par le principe de réciprocité auquel il est fait référence au paragraphe 111 du rapport et demande dans quelles circonstances celui-ci s’applique. Il voudrait savoir d’autre part quelle est la nationalité des enfants nés de mariages mixtes. Il souhaiterait également obtenir des éclaircissements sur la réalité et l’étendue du travail forcé. Il craint en outre que l’enregistrement obligatoire du lieu de résidence donne lieu à des procédures qui seraient de nature à limiter la liberté de circulation et de choix du domicile et souhaiterait des éclaircissements à ce sujet. De même, l’obligation faite aux étrangers d’obtenir un visa de sortie pourrait porter atteinte aux libertés et droits prévus par le Pacte. Enfin, il ressort du rapport que la garde à vue peut durer 24 heures, 48 heures ou 10 jours. M.  Amor souhaiterait que la délégation précise à quels cas s’appliquent ces différents délais.

42. M. RIVAS POSADA demande si la déclaration de l’état d’urgence et l’adoption de mesures de nature à restreindre l’exercice de certains droits fondamentaux sont bien deux choses différenciées. Il demande en outre quels sont les recours dont disposent les citoyens qui s’estiment lésés dans leurs droits du fait de l’application de ce type de mesures. Par ailleurs, il souhaiterait connaître la place de la loi de 1992 sur l’état d’urgence dans la hiérarchie juridique. Il souhaiterait en particulier savoir si cette loi a une valeur constitutionnelle et si elle peut être modifiée. Enfin, il demande si les recours en amparo sont possibles en Azerbaïdjan ou si cette notion est complètement inconnue. Cela est d’autant plus important que, comme l’a souligné M. Klein, les individus ne semblent pas avoir directement accès à la Cour constitutionnelle. M. Rivas Posada souhaite que la délégation précise si les individus ont accès sans restriction à des tribunaux supérieurs de manière à défendre leurs droits.

43. M. ANDO constate avec satisfaction que l’Azerbaïdjan déploie des efforts considérables pour lutter contre la corruption. Cela étant, il partage les préoccupations de M. Khalil concernant le manque de transparence dont souffre le processus de nomination des juges. Il souligne que la protection des droits de l’homme est universelle et que le principe de réciprocité, qui suppose que des normes différentes sont appliquées aux étrangers et aux Azerbaïdjanais, ne saurait être appliqué.

44. M. Ando note avec satisfaction que les instruments internationaux auxquels l’Azerbaïdjan est partie sont incorporés dans le droit interne et que la Cour constitutionnelle donne la primauté à ces instruments. A cet égard, il se demande quel est le statut du droit coutumier international, qui consacre des principes aussi importants que l’égalité devant la loi ou encore l’interdiction de la torture, dans la législation interne de l’Azerbaïdjan.

45. M. GLÈLÈ AHANHANZO souhaiterait connaître l’origine juridique de l’état d’urgence, tant en ce qui concerne la procédure de déclaration que les règles appliquées ensuite. Il demande quel est l’organe

garant des libertés publiques et des droits de l'homme. Enfin, il souligne que le principe de réciprocité en matière de droits de l’homme n’est pas prévu par le Pacte et souhaiterait connaître le rapport du jus cogens au droit interne en matière de droits de l’homme.

46. M. HENKIN demande si des représentants de la société civile et des organisations non gouvernementales ont participé à l’élaboration du rapport périodique. Rappelant que des allégations font état d’immixtion dans le processus électoral, il demande si des fonctionnaires ont été mis en accusation et si un jugement a été rendu. S’agissant de l’indépendance du système judiciaire, il constate que les méthodes de sélection des juges ont également été contestées et demande si des poursuites ont été engagées. De même, il souhaiterait savoir si les allégations de corruption judiciaire ont donné lieu à des enquêtes et à des poursuites. Par ailleurs, il indique que, compte tenu du poids de l’exécutif, il est essentiel que celui-ci soit soumis à une supervision efficace et demande quelles sont les mesures prises à cet égard.

47. Le prÉSident regrette qu’aucune autorité indépendante ne soit chargée de recueillir les plaintes contre la police. Il s’interroge en outre sur la nature exacte des établissements de rééducation par le travail, évoqués au paragraphe 236 du rapport. Il demande si les juges ont la garantie de l’inamovibilité. Enfin, il souhaiterait savoir quels recours sont offerts aux individus qui s’estiment victimes de mesures contraires aux droits et libertés consacrés par la Constitution ou par le Pacte.

48. Le Président dit que le Comité reprendra l’examen du deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan à la séance suivante.

La séance est levée à 12 h 55.

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