Quatre-vingt troisième session

Compte rendu analytique de la 2269e séance

Tenue au Siège, à New York, le 23 mars, à 15 heures

Président :Mme Palm (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte et des situations de pays (suite)

Rapport initial de la Grèce (suite)

En l’absence du Président, M me Palm, Vice-Présidente, prend la présidence.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacteet des situations de pays (suite)

Rapport initial de la Grèce (suite) (CCPR/C/83/L/GRC et CCPR/C/GRC/2004/1)

La Présidente invite les membres du Comité à poursuivre leurs observations au sujet des réponses aux questions 18 à 23 de la liste.

M me  Wedgwood dit que l’interprétation restrictive que l’État partie a faite des droits visés à l’article 27 du Pacte est stérile. L’emploi des adjectifs de nationalité, tels que turc, macédonien ou rom, dans le nom d’associations privées ne présente aucune menace et ne constitue nullement une tentative d’usurper le pouvoir des autorités grecques. Elle craint que la condamnation de ce type d’appellations par le Gouvernement ne serve à justifier la discrimination au niveau local. Dans cet esprit, il serait intéressant d’examiner les statistiques sur les personnes d’origine turque, macédonienne ou rom qui sont arrivées à occuper des postes de responsabilité pour déterminer l’effet de la position du Gouvernement sur les appellations qui font état de la nationalité. Elle met en garde contre le danger de céder au type de mentalité qui a conduit les Turcs à nier l’existence des Kurdes en les qualifiant de « Turcs des montagnes ».

M. Solari Yrigoyen, se félicitant que la Grèce reconnaisse les droits des objecteurs de conscience et qu’elle ait promulgué en 2004 la loi sur le service militaire de remplacement, remet en cause la prolongation de la durée normale du service militaire de six mois pour le service militaire non armé et de 11 mois pour le service civil de remplacement dans le secteur social. Ces prolongations n’obéissent pas à des critères objectifs mais à des critères militaires et toutes deux sont excessives et discriminatoires. Il conteste également le fait que l’examen des demandes pour bénéficier du statut d’objecteur de conscience soit effectué par un comité composé de personnel militaire et le fait de porter atteinte aux droits des objecteurs de conscience en temps de guerre. Il importe de changer radicalement le statut des objecteurs de conscience en Grèce, qui a été critiqué par la Cour européenne des droits de l’homme, Amnesty International et d’autres organisations non gouvernementales.

M. O’Flaherty, évoquant le paragraphe 854 du rapport, dit que la prise en compte de l’intérêt des mineurs dans les mariages de mineurs ne satisfait pas aux conditions fixées par les pouvoirs publics. Il souhaiterait savoir en quoi ce type de mariage est dans l’intérêt du mineur et connaître la raison pour laquelle le nombre de ces mariages est si élevé dans certaines communautés; ainsi, l’âge moyen au mariage pour les femmes roms est de 14 ans. Il serait également reconnaissant à la délégation de bien vouloir expliciter le commentaire fait par le Consul de Grèce en Allemagne à propos du mariage d’un musulman rom de 20 ans avec une musulmane rom de 11 ans, à savoir que dans les affaires relevant du droit civil, les autorités grecques respectent l’autonomie des communautés qui observent la loi coranique.

D’après les observations finales faites par le Comité des droits de l’enfant en 2002, le châtiment corporel a toujours cours dans 60 % des foyers grecs. Cette pratique a-t-elle été interdite et le Gouvernement a-t-il pris des mesures pour faire changer les attitudes à cet égard? Il se demande si la Grèce participe à l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (Étude Pinheiro) et, dans l’affirmative, si les réponses qu’elle a fournies à la liste de questions entrant dans le cadre de cette étude pourraient être communiquées au Comité.

Se félicitant que dans sa nouvelle loi sur l’égalité de traitement, l’État partie condamne la discrimination exercée en raison de l’orientation sexuelle, il souhaite connaître les modalités d’application de cette loi dans la pratique. La Grèce a-t-elle respecté les recommandations complémentaires de la Commission nationale des droits de l’homme dans ce domaine, à savoir modifier l’article 347 du Code pénal et prendre des mesures précises pour remédier aux observations dégradantes formulées dans les médias et au traitement discriminatoire et déshonorant que les forces de l’ordre font subir en raison de l’orientation sexuelle? Les recommandations de la Commission sur les programmes de tolérance dans le système scolaire ont-elles été suivies d’effet?

Enfin, il demande à l’État partie s’il diffusait son rapport et les observations finales du Comité dans les médias, sur les sites Web des pouvoirs publics, dans les bibliothèques publiques et dans les archives et bibliothèques parlementaires. Le rapport et les observations en question peuvent-ils être consultés gratuitement ou à bas prix?

M. Glele Ahanhanzo demande pourquoi l’âge légal du mariage varie selon les régions et les différents groupes sociaux et souhaite obtenir des données statistiques illustrant les progrès accomplis dans la première phase du Plan d’action intégré pour l’insertion sociale des Roms grecs (2002-2008) dans les domaines de l’éducation et de la santé. Il serait également utile de savoir dans quelle mesure la communauté rom est représentée dans les institutions politiques et administratives, dans les administrations locales et dans les organes décisionnels.

Sir Nigel Rodley conteste la distinction faite entre l’objection de conscience pour des raisons religieuses et l’objection de conscience pour des raisons philosophiques ou morales. Pourquoi les objecteurs de conscience pour des raisons philosophiques ou morales doivent-ils effectuer un service plus long que ceux qui le refusent pour des raisons religieuses? Admettant que le service de remplacement est moins onéreux que le service militaire, il se demande néanmoins comment la prolongation du service non armé et du service de remplacement y était calculée et si leur durée correspond vraiment à leur nature et à leur difficulté. Il aimerait également obtenir des précisions sur les déclarations faites par les organisations non gouvernementales selon lesquelles il est possible de racheter sa libération du service militaire au bout de trois mois.

Au sujet de la parution dans les journaux d’annonces de location d’appartement excluant les étrangers, il appelle l’attention de l’État partie sur le paragraphe 8 de l’observation générale no 31 dans laquelle le Comité affirme que dans les domaines qui concernent des aspects fondamentaux de la vie courante comme le travail ou le logement, les individus doivent être protégés de toute discrimination au sens de l’article 26.

Le Comité tient certes compte du contexte lorsqu’il évalue une décision de l’État partie concernant les minorités nationales mais il ne sacrifie pas au principe de la marge d’appréciation. La Convention-cadre sur la protection des minorités nationales adoptée par le Conseil de l’Europe n’intéresse pas la jurisprudence du Comité et peut donner au terme « nationales » un sens différent de celui qui lui est accordé dans le Pacte. Sur quoi l’État partie se fonde t-il pour décider que si un groupe ne se qualifie pas lui-même de minorité nationale, il ne se conçoit pas comme un groupe? Il faut bien réfléchir aux obstacles qui pourraient empêcher ce groupe de se percevoir tel quel.

M. Bhagwati souhaite obtenir des précisions sur la procédure de renvoi des magistrats dans l’État partie. Qui est habilité à engager cette procédure et comment la priorité est-elle assignée aux affaires? Il se demande qui poursuit les magistrats et si les affaires sont entendues par une formation plénière, une section spécialisée ou un collège de deux ou trois juges.

Il aimerait également recevoir des informations complémentaires sur la compétence des Conseils supérieurs de la magistrature qui décident des transferts et des avancements. Les affaires instruites devant ces conseils ont-elles jamais été renvoyées devant une formation plénière ou un tribunal de grande instance quand le Ministère de la justice était en désaccord avec leurs recommandations?

Il se demande quelle est la compétence de la Cour suprême et quelles sont les affaires qu’elle instruit. Fonctionne-t-elle comme un tribunal de première instance dans certains cas? Les affaires relatives aux droits constitutionnels sont-elles directement renvoyées devant cette juridiction ou seulement en appel de juridictions inférieures? Il serait également utile de disposer de davantage d’information sur les programmes de formation des magistrats de la Cour suprême et, le cas échéant, d’autres juges visés dans les dispositions du Pacte.

Il demande quels sont les critères d’octroi de l’aide juridique, la forme qu’elle revêt, les avocats qui la fournissent et s’ils sont rémunérés. Comment l’aide juridique est-elle financée en Grèce?

Il aimerait également savoir quelles sont les mesures prises pour lutter contre la corruption des magistrats et des procureurs. Il souhaiterait obtenir des informations complémentaires sur les affaires dans lesquelles 32 policiers et civils ont été accusés de corruption et de traite des femmes. D’après le rapport d’une organisation non gouvernementale, les chefs d’accusation contre tous les accusés sauf trois ont été retirés en raison de l’expiration du délai imparti pour les poursuites.

Enfin, il serait bon que la délégation explique pourquoi les Roms, qui ont manifestement une culture et un mode de vie propres, ne sont pas considérés comme une minorité au sens du Pacte.

M. Wieruszewski dit que la protection des minorités est un véritable problème dans l’État partie, même si celui-ci s’emploie, semble-t-il, à présenter sa propre interprétation de la situation. Récemment, la diffusion à la télévision publique d’un programme sur la région de Florina, à l’ouest de la Grèce, a été reportée sine die car, dans ce reportage, des habitants de la régions affirmaient que leur langue maternelle était le macédonien, langue interdite par l’État depuis des dizaines d’années. Une telle pratique est contestable en vertu des articles 27 et 19 du Pacte. Tout en admettant qu’il s’agit là d’une question délicate, il engage l’État partie à respecter les droits de la minorité macédonienne.

Le Comité sait bien que les observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sont été mal interprétées comme voulant dire qu’il était possible que des minorités ethniques existent en Grèce mais qu’il n’était pas certain qu’elles y existent; il s’appliquera désormais à s’exprimer sans équivoque. Il appelle l’attention sur l’observation générale no 23, selon laquelle l’existence, dans un État partie donné, d’une minorité ethnique, religieuse ou linguistique ne doit pas être tributaire d’une décision de celui-ci, mais doit être établie à l’aide de critères objectifs Tout groupe doué de caractéristiques linguistiques et culturelles propres appartient donc à une minorité et a droit à la protection, quelle que soit la position de l’État partie.

Bien que l’État partie affirme que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sidiropoulos c. la Grèce a été modifiée par sa décision dans l’affaire Gorzelik et autres c. la Pologne, dans laquelle la Cour a décidé que le refus de la Pologne d’enregistrer une association comme « minorité nationale » silésienne, ne constituait pas une violation de la Convention européenne des droits de l’homme, les deux affaires sont totalement différentes. Dans le second cas, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas violation de la Convention car les buts de l’association en question s’étaient révélés différents de ceux qui étaient énoncés dans son statut. Il existe néanmoins, en Pologne, de nombreuses associations qui défendent les droits des Silésiens.

Enfin, il incite l’État partie à prendre l’initiative d’éliminer la discrimination en raison de l’orientation sexuelle afin d’assurer la protection effective des droits énoncés dans la Constitution.

M. Castillero Hoyos souhaite connaître les mesures qui ont été prises ou seront prises pour régler la question de la charia. D’après les informations dont dispose le Comité, les femmes appartenant à la minorité musulmane de Thrace font l’objet de discrimination quand il s’agit de succession ou de résidence familiale. Pourtant, rares sont celles qui savent qu’elles peuvent invoquer une loi autre que la charia. Qui plus est, les quelques recours introduits concernent l’application procédurale de la charia plutôt que la loi elle-même.

Il aimerait également avoir un complément d’information sur l’enquête concernant la disparition de 502 mineurs d’un orphelinat entre 1998 et 2002, d’origine rom ou albanaise pour la plupart, dont les autorités ignorent tout, chose extrêmement préoccupante. Les statistiques sur les minorités en général font semble-t-il défaut, d’où l’impression que l’État partie n’en reconnaît pas pleinement l’existence. Il ne comprend pas pourquoi l’État partie refuse de traiter comme minorité ceux qui le souhaitent, même s’ils sont en nombre restreint, et se demande comment il peut continuer de méconnaître un groupe social si important. Il rejette l’excuse de l’État partie selon laquelle il s’agit d’une question politique, la question des minorités étant toujours politique. Cette raison ne justifie pas valablement qu’on ignore le Pacte.

Liste de questions (suite) (CCPR/C/83/L/GRC)

Droit de prendre part aux affaires publiques et protection des minorités nationales (art. 25, 26 et 27 du Pacte)

M me  Kyriakaki (Grèce), se référant à la question 24, dit qu’en application du paragraphe 2 de l’article 1 du Pacte et de l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Constitution grecque dispose que le droit à la propriété ne saurait être appliqué s’il est contraire à l’intérêt public. Faute de titre de propriété ou de permis d’installation, l’expulsion est dès lors légale quand il existe un besoin en infrastructures d’utilité publique. La même règle s’applique à tous les citoyens grecs, roms ou autres. Le droit au logement est néanmoins garanti par la Constitution et les Roms sont considérés comme un groupe vulnérable. Dans l’affaire évoquée, des familles roms campaient illégalement sur des terrains situés près du stade olympique où des installations devaient être érigées. Avant leur expulsion, un accord avait été conclu aux fins de leur réinstallation dans des logements traditionnels dans la même municipalité. En l’absence de titre de propriété, toute indemnité était hors de question mais la municipalité avait décidé de subventionner leur loyer jusqu’à ce qu’une solution permanente soit trouvée. Un problème s’était posé car la municipalité n’était plus en mesure de subventionner leur loyer en raison de difficultés financières qu’elle a eues à la fin de 2003. L’État avait néanmoins dégagé les ressources nécessaires et il appartenait désormais à la municipalité de trouver un terrain convenable.

Conformément au Code de procédure pénale, les perquisitions domiciliaires sont toujours effectuées en présence de représentants du pouvoir judiciaire et dans le respect des droits individuels. Toute plainte fait l’objet d’une enquête. En 2004, la présence de la police a été requise dans 59 cas dans lesquels, à la suite de la requête légale, des familles roms ont été expulsées de terrains qu’elles occupaient illégalement. La police traite les citoyens roms comme tout autre citoyen et, en cas d’infraction, elle agit avec une très grande prudence et dans le strict respect de la Constitution et du droit.

Diffusion d’informations concernant le Pacte (art. 2 du Pacte)

M me  Telalian (Grèce), se référant à la question 25, explique que le rapport a été soumis sous forme de projet à la Commission nationale des droits de l’homme, qui est habilitée à rendre des avis sur les rapports concernant les droits de l’homme. Cette Commission a formulé des observations détaillées, dont la plupart ont été intégrées dans la version finale du rapport. En application des suggestions du Comité, la Grèce prendra toutes les dispositions nécessaires pour porter ses observations finales à l’attention des autorités, des juristes et de la société civile.

M. Demetracopoulos (Grèce) dit qu’en sa qualité de spécialiste de l’information et de la communication, il est précisément chargé de rendre compte aux médias grecs des débats tenus, des questions sensibles soulevées et des recommandations formulées. Il espère que communiquer ces renseignements permettra de mieux informer le public grec et d’éviter que les mêmes questions soient soulevées à l’avenir.

M me  Telalian (Grèce), se référant à la question 26, dit que plusieurs mesures de sensibilisation ont d’ores et déjà été prises. Ainsi, le Ministère de la justice a lancé une campagne de diffusion immédiatement après la ratification du Pacte et des séminaires ont été organisés par le Service de formation de l’École nationale de la magistrature en 2000 et 2001. La communauté juridique, les intellectuels et les organisations non gouvernementales s’intéressent plus que jamais au droit international relatif aux droits de l’homme et en particulier au Pacte, comme le montre la publication récente, par l’Association du barreau d’Athènes, d’une enquête sur la jurisprudence du Comité et d’un livre sur les méthodes de travail du Comité.

On trouve dans les réponses écrites d’autres exemples de mesures prises par le Ministère de l’éducation et des affaires religieuses. La formation continue dispensée à la police dans le domaine de la protection des droits de l’homme des groupes sociaux vulnérables, comme les Roms, reste une priorité et on met l’accent en particulier sur la formation des gardes frontière. Les pouvoirs publics attachent beaucoup d’importance à la formation des enquêteurs, des policiers et des juges dans la lutte contre le racisme sous toutes ses formes afin de les mettre en mesure de s’occuper de crimes raciaux dans une société multiculturelle moderne. De nets progrès ont été accomplis mais il reste beaucoup à faire.

M. Kourakis (Grèce) dit que, conformément au Code pénitentiaire de 1999, tous les détenus sont examinés par un médecin à leur arrivée et? si un problème médical est détecté, ils sont traités ou transférés à l’hôpital. Ils peuvent également être examinés par un médecin légiste ou par un médecin du Centre médical de réadaptation pour les victimes de la torture. Tous ces services sont gratuits. Créé en 1989, le Centre comprend 15 employés (médecins, psychologues et avocats), il est agréé par le Centre international pour la réadaptation des victimes de la torture de Copenhague et est financé par le Gouvernement, l’Union européenne et les Nations Unies.

S’agissant de la surveillance des conditions de détention dans les prisons, l’Inspection des prisons, créée en 2002, accède librement aux prisons et est chargée de procéder régulièrement à des inspections. Les détenus peuvent signaler les problèmes aux inspecteurs ou aux procureurs, ces derniers étant présents à temps complet dans les quatre plus grandes prisons du pays. L’Ombudsman, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et la Commission nationale des droits de l’homme ont également un accès libre aux prisons. Cette Commission se compose de représentants de plusieurs organisations non gouvernementales, dont Amnesty International, qui peuvent tous participer aux visites qu’elle effectue dans les prisons.

Par « engager d’office une action », on entend que si un responsable grec est informé d’une affaire de discrimination raciale, toutes les dispositions nécessaires peuvent être prises pour y remédier? encore qu’il arrive que? dans ce genre d’affaire, la liberté d’expression entre en ligne de compte et rend difficiles les poursuites. Une nouvelle loi interdit la discrimination raciale dans le domaine de l’emploi et les peines encourues pour ce type d’infraction ont été aggravées, passant d’un an au maximum à trois ans ou plus. En outre, une nouvelle loi dispose qu’un emploi ne peut être refusé à quiconque en raison de son orientation sexuelle.

Les textes de loi concernant l’aide juridique seront présentés. Dans la pratique, un accusé peut solliciter une aide juridique du procureur, des magistrats ou de l’Association du barreau, avant ou pendant la procédure. Une liste d’avocats souhaitant s’occuper de ce type d’affaires peut être obtenue auprès des organisations non gouvernementales mais d’autres avocats peuvent être sollicités également. L’État prend en charge le coût de l’aide juridique.

S’agissant de la criminalisation de l’homosexualité, l’article 347 du Code pénal ne pénalise que la prostitution masculine ou les actes qui constituent des abus de personnes se trouvant dans une situation de dépendance, comme par exemple des relations homosexuelles entre élève et enseignant. La société s’oriente vers la libéralisation et d’autres réformes verront sans doute le jour en temps voulu.

La Commission nationale des droits de l’homme a récemment proposé de modifier la législation et les politiques en vigueur mais le Gouvernement a estimé que ce n’était pas le moment indiqué.

En ce qui concerne les minorités ethniques et l’article 27 du Pacte, M me  Telalian (Grèce) souligne qu’il n’y a pas de comparaison possible entre les musulmans de Thrace et les Kurdes de Turquie. Depuis le Traité de Lausanne de 1923, la minorité musulmane de Grèce est officiellement reconnue et des mesures ont été prises pour assurer le respect des droits de tous ses membres. Il n’en va pas de même pour les Kurdes de Turquie. La Grèce est également partie à la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales. Les musulmans ne se sont jamais vus refuser le droit de former des associations culturelles ou religieuses ou d’employer leurs propres langues. La minorité musulmane en Grèce prospère et l’on s’emploie à réparer les torts commis.

Évoquant la décision du tribunal de dissoudre une association qui a utilisé l’adjectif « turc » dans son nom, elle dit que les buts et les textes de l’association sont contraires à l’ordre public et aux intérêts de l’État grec. L’emploi du mot « turc » constitue une tentative de 50 % de la minorité d’imposer son identité à l’autre moitié. Des musulmans vivent en Grèce depuis le XIVe siècle, ils ne sont pas venus de Turquie. Cependant, les autorités grecques considèrent que les termes « musulmans grecs d’origine turque » sont acceptables pour décrire ceux qui ont émigré de Turquie.

S’agissant de la question concernant la question de savoir si un groupe constitue une minorité ethnique nationale, il y a des critères objectifs, dont les souhaits du groupe même, qui permettent de déterminer son statut. Cependant, la Grèce ne croit pas que l’article 27 du Pacte impose aux États l’obligation d’accorder cette reconnaissance, qui pourrait créer des tensions avec d’autres groupes.

L’emploi du terme « macédonien », cher au peuple grec, est trompeur lorsqu’il est employé par un petit groupe qui souhaite s’associer à l’État de la Macédoine et revendiquer des droits en tant que minorité nationale en Grèce. Quant à la participation de la soi-disant minorité macédonienne à la vie politique grecque, par l’intermédiaire de son association Arc-en-ciel, elle n’a que très peu augmenté ces dernières années à la suite des élections parlementaires.

La Grèce n’a pas de gros problème de minorité : par excès de zèle, des organisations non gouvernementales exagèrent parfois certains problèmes.

Passant en revue les dispositions relatives à la charia et au statut des muftis, elle affirme que les musulmans peuvent utiliser soit la charia soit le droit civil grec mais que la décision des muftis doit être compatible avec le droit grec et ne pas mettre en danger les droits de la population musulmane. Le cas de la jeune fille de 11 ans qui a été enlevée, est tombée enceinte et a donc été mariée selon la charia, au mépris du droit grec, est exceptionnel.

M. Stavrakakis (Grèce) dit que, conformément au protocole en vigueur entre la Turquie et la Grèce, les étrangers venant de Turquie peuvent demander l’asile en Grèce. Personne n’est expulsé tant que la décision finale concernant la demande d’asile n’est pas rendue. De nouveaux centres de détention, d’une capacité de 600 détenus, ont été érigés. En ce qui concerne l’affaire des 25 ou 30 enfants non accompagnés âgés de 15 à 18 ans, aucun d’eux n’a demandé l’asile et ils ont tous été libérés après trois mois de détention.

M me  Grigoriou (Grèce), évoquant l’égalité des sexes, dit que grâce aux mesures prises, le nombre de femmes élues à des fonctions législatives ou à des postes administratifs de responsabilité, dont ceux de ministre, président du Parlement grec et maire d’Athènes, a augmenté. Le nombre de femmes élues à des postes préfectoraux a presque doublé. En 1980, le Conseil juridique de l’État n’était composé que d’hommes; actuellement, 40 % de ses membres sont des femmes.

M me  Mouzakiti (Grèce) explique que la saisie de livres est interdite pendant leur impression mais est autorisée quand les livres sont mis en circulation, sur ordre du ministère public ou pour des raisons précises énoncées dans la Constitution. Le Tribunal de première instance d’Athènes a en effet déclaré qu’un livre jugé insultant était une œuvre d’art en vertu du paragraphe 1 de l’article 16 de la Constitution et rejeté la demande de mesures conservatoires. Les magistrats sont tenus d’évaluer à la fois la teneur de l’ouvrage et sa valeur artistique quand ils prennent de telles décisions. À cet égard, il faut noter que la Cour européenne des droits de l’homme a décidé d’interdire certains films, au nom de l’obligation qui lui incombe d’éviter les expressions qui constituent une menace pour les droits d’autrui.

M. Vallianatos (Grèce) dit qu’étant donné qu’aucune différence n’est faite entre institutions publiques et institutions privées en termes de reconnaissance légale, les communautés religieuses orthodoxe, juive et musulmane de Grèce jouissent toutes de la personnalité juridique; bien qu’elle ne l’ait jamais sollicitée, en février 2005, l’Église catholique, quant à elle, a été priée de faire savoir au Ministère de l’éducation et des affaires religieuses la nature de la personnalité juridique qu’elle souhaite avoir. Les lois régissant les lieux de culte datent en effet de 1938-1939 mais plusieurs exemples montrent que dans la pratique, leurs dispositions ont évolué et été interprétées par les jugements de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil d’État grec et des tribunaux grecs de sorte qu’elles sont désormais conformes aux obligations relatives à la liberté de religion. Le terme « religion connue » a été explicité et sert d’orientation à ceux qui demandent à être reconnus comme communauté religieuse.

La nouvelle législation promulguée en février 2005 a modifié les règlements scolaires en vue d’interdire formellement les châtiments corporels à tous les niveaux de l’enseignement. Les statistiques relatives à l’éducation de la minorité rom montrent que le nombre d’enfants roms scolarisés dans le primaire a augmenté d’un tiers entre 2001 et 2003 et que 13 écoles sont spécialement réservées aux élèves roms. De même, en 1998, les trois quarts des élèves roms n’achevaient pas leur scolarité; en 2004, le taux d’abandon scolaire n’était plus que d’un quart. L’objet des « cartes de transit scolaire », dont 600 ont été délivrées pendant l’année scolaire 2004-2005, consiste à permettre aux enfants qui suivent leurs parents nomades de se réinscrire immédiatement dans une nouvelle école où qu’ils vivent. Le réseau qui organise des séminaires pour les enseignants du primaire et du secondaire dans les écoles roms a été élargi à 40 préfectures, compte plus de 1 000 membres et a élaboré un dictionnaire rom-grec. Le Gouvernement n’est pas encore satisfait de la situation mais les statistiques indiquent une volonté de favoriser la promotion des communautés roms, en faisant participer les familles des enfants et en veillant à ce que les autorités locales tiennent compte de leurs besoins en matière d’éducation.

M me  Telalian (Grèce) dit que le projet de Centre culturel islamique financé par l’Arabie saoudite, dont la construction a été retardée pour des raisons administratives, sera géré par une fondation publique composée de Grecs et de représentants des États arabes qui ont des missions diplomatiques à Athènes.

M. Gogos (Grèce) explique que si l’article 48 de la Constitution grecque énonce des droits auxquels il peut être dérogé en cas d’état de siège, ceux qui sont énumérés au paragraphe 1 de l’article 4 du Pacte demeurent intangibles même dans cette éventualité. La liberté de circulation en fait partie.

Raccourcir encore la durée du service comme objecteur de conscience, déjà réduite en juillet 2004, n’est pas envisageable dans un avenir proche mais les objecteurs de conscience bénéficieront indirectement de la réduction progressive de la durée du service militaire ordinaire. L’affaire Petromelidis dont il a été question concerne un appelé qui avait demandé le statut d’objecteur de conscience en 1992 alors que celui-ci n’existait pas encore en droit interne et avait donc été reconnu coupable d’insoumission, une infraction visée dans le Code pénal, et condamné à quatre ans d’emprisonnement avec sursis. Après l’adoption de la loi no 2510 en 1997, il avait refusé d’effectuer son service comme objecteur de conscience, arguant de la durée excessive du service, et avait de nouveau été condamné pour insoumission, cette fois devant un tribunal militaire; son cas est actuellement en appel devant les tribunaux grecs. En vertu de la loi no 2510, les syndicalistes et les militaires ne peuvent faire grève. Dans les 26 autres cas concernant des objecteurs de conscience, les candidats se sont vus refuser le statut faute d’avoir présenté les pièces requises ou celui-ci a été révoqué en application de la loi no 2510. Une commission spéciale composée de professeurs d’université, d’un officier de l’armée chargé du recrutement et d’un médecin militaire, examine toutes les demandes.

La durée du service militaire est fonction des besoins qu’a le pays pour assurer sa défense et des menaces posées à sa sécurité, notamment en cas de guerre imminente. La durée du service des objecteurs de conscience est proportionnelle à celle du service militaire pour les mêmes raisons. Le Ministre de la défense est néanmoins habilité à suspendre le droit pour un appelé d’effectuer un service de remplacement si la survie du pays est sérieusement menacée. Le service civil est considéré comme moins onéreux que le service armé car ce dernier s’effectue dans la structure militaire. La différence de traitement entre les deux types de service repose sur le principe constitutionnel de l’égalité proportionnelle des droits et des obligations.

M me  Despotopoulou (Grèce) dit que la Commission interministérielle chargée de la lutte contre la traite des êtres humains est composée des secrétaires généraux des ministères concernés et a pris des décisions administratives contraignantes pour tous les responsables, dont les responsables du maintien de l’ordre. Cette commission est bien placée pour veiller à ce que les autorités compétentes appliquent ses décisions au plus vite comme ce fut le cas pour l’établissement de centres d’accueil d’État pour les victimes de la traite et pour la modification de la loi afin de leur permettre d’utiliser leur permis de résidence comme permis de travail. Au titre de la loi no 3634, adoptée à la fin de 2002, des poursuites ont déjà été engagées dans plus de 300 affaires de traite, dont la plupart sont actuellement devant les tribunaux.

M. Demetracopoulos (Grèce) signale que la diffusion d’un programme télévisé a récemment été reportée en raison d’un simple problème de programmation et que cette émission a été reprogrammée le week-end suivant à la même heure sur la même chaîne. Il a pu obtenir très facilement des explications à ce sujet et estime que cette question n’aurait pas dû être soulevée.

M me  Wedgwood précise que, bien qu’elle n’ait jamais eu l’intention d’insinuer que la Grèce n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu du Traité de Lausanne, elle a cité auparavant le cas des Turcs et des Kurdes pour illustrer ce qui constitue à ses yeux un rejet extrême de l’existence de communautés qui se considèrent différentes du point de vue religieux, culturel ou linguistique. En outre, si une personne a le droit de se qualifier elle-même de minorité, pourquoi trois personnes ne peuvent-elles pas former une association et utiliser ce qualificatif dans son nom? Ce faisant, elles ne revendiquent pas leur loyauté envers un autre État et le terme « turc » ne doit pas être un anathème, à moins qu’elle ne saisisse pas la distinction faite en Grèce entre la personnalité juridique en droit privé et en droit public. Il semble qu’il s’agisse tout simplement d’une question de compréhension de soi et non d’une appellation officielle et les éléments trompeurs ou insultants figurant dans le nom qu’un groupe choisit de se donner peuvent être clarifié sur le marché libre des idées.

Elle demande à la délégation d’examiner la liste d’études de cas sur la violence perpétrée par la police qui lui a été communiquée et de fournir au Comité des données actualisées dans les jours à venir.

M. Wieruszewski dit qu’il ne voit aucune contradiction entre la position des divers organes conventionnels du système des Nations Unies et des organes européens relatifs aux droits de l’homme sur la teneur de l’article 27 du Pacte. D’ailleurs, l’interprétation qu’ils en font correspond à celle du Comité.

Il signale également que le Comité doit s’en remettre aux délégations pour obtenir toute information susceptible de dissiper même un simple malentendu administratif; il ne lui incombe pas de dénicher ces éclaircissements.

En outre, il regrette que le chef de la délégation ait fait observer « l’excès de zèle » d’une organisation non gouvernementale. Les organisations non gouvernementales ne sont pas toujours à même d’établir avec certitude toutes les allégations. Leur participation et l’information qu’elles fournissent sont néanmoins très précieuses dans tout pays démocratique.

Par ailleurs, il se félicite de la franchise et de l’intensité du dialogue mené avec la délégation, qui montrent que la Grèce prend ses obligations très au sérieux.

M me  Telalian (Grèce) assure M. Wieruszewski que le Gouvernement est convaincu du rôle essentiel que jouent les organisations non gouvernementales et collabore étroitement avec tous les groupes de la société civile. Elle ne faisait allusion qu’à une organisation non gouvernementale bien précise qui s’intéresse aux questions concernant une minorité ethnique donnée. Le Gouvernement ne nie pas qu’il y a un problème et s’emploie actuellement à le régler. Il importe de tenir compte des susceptibilités des personnes concernées et des circonstances propres à la Grèce et ne pas oublier que le problème fait partie d’une question plus vaste concernant les Balkans.

Le Gouvernement est parfaitement au fait du sens de l’article 27 du Pacte et, à l’évidence, même deux ou trois personnes peuvent se considérer comme un groupe donné mais ce n’est pas ce qu’elle cherche à faire comprendre.

Sir Nigel Rodley remarque que les questions que le Comité a posées au sujet de l’emploi de la force par la police et de l’enquête indépendante menée à propos de ces allégations, sont restées sans réponse.

La Présidente déplore en effet qu’un certain nombre de questions soient restées sans réponse faute de temps mais précise que la délégation a accepté d’y répondre par écrit dans les prochains jours.

Elle remercie la délégation pour l’intérêt des exposés qu’elle a faits et souligne qu’il est bon de disposer de tant de spécialistes capables de donner des réponses aussi détaillées. Le Comité reste préoccupé, notamment de la protection des minorités, des législations et de la pratique en ce qui concerne les objecteurs de conscience, les droits des enfants et les conditions de détention dans les prisons.

M me  Telalian (Grèce) remercie le Comité pour les discussions animées qui sont assurément la première étape d’une coopération prolongée et fructueuse. Toutes les observations du Comité seront transmises à son gouvernement, qui leur donnera suite.

La séance est levée à 18 heures.