Quatre-vingt-troisième session

Compte rendu analytique de la 2259e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 16 mars 2005, à 15 heures

Présidente :Mme Chanet

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40du Pacte et des situations de pays (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Islande (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40 du Pacteet des situations de pays (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Islande (suite) (CCPR/C/83/L/ISL; CCPR/C/ISL/2004/4; HRI/CORE/1/Add.26)

La Présidente invite la délégation islandaise à répondre aux questions orales posées lors de la séance précédente par les membres du Comité touchant les articles 2, 3 et 26, 8, 7, 10 et 14 du Pacte [questions 1 à 9 de la liste des points à traiter (CCPR/C/83/L/ISL)].

M me  Árnadóttir (Islande) dit que le Centre des droits de l’homme, administré et financé en partie par plusieurs organisations non gouvernementales et l’Institut des droits de l’homme, également administré et financé en partie par des organisations non gouvernementales, ont reçu de l’État des crédits au titre de la défense des droits de l’homme dans le budget approuvé par le Parlement et que désormais les fonds leur sont alloués par les Ministères de la justice et des affaires étrangères.

La délégation islandaise a le sentiment que des organisations non gouvernementales islandaises ont effectivement communiqué des observations au Comité, car la liste des points à traiter y fait référence. Dans l’ensemble, les relations entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales sont au beau fixe.

Il n’y a pas de doute que le document de base (HRI/CORE/1/Add.26) doit être mis à jour, ce travail de révision en cours devant prendre fin à l’automne 2005.

Selon M me Ragnarsdóttir (Islande), les décrets du Ministère des affaires étrangères portant application de toutes les résolutions du Conseil de sécurité tirent fondement de la loi no 5/1965, instituant cette procédure qui érige en infraction pénale toute inobservation de ce décret. En outre, les dispositions pertinentes du Pacte ont été prises en compte dans la rédaction de la loi no 99/2002 portant modification du Code pénal général par incorporation du texte de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité relative au terrorisme. La modification du Code n’a guère suscité de débat public. Comme la Constitution (art. 69) consacre le principe nullum crimen sine lege, la loi en question entend par acte terroriste tout acte destiné à provoquer une peur générale et des troubles publics, à contraindre illicitement la force publique à agir ou à ne pas agir et à causer un préjudice grave à l’État ou à une organisation internationale. Les actes terroristes doivent aussi comporter l’une quelconque des infractions violentes ou dangereuses visées par la loi. Cette disposition ne vise nullement les manifestations, pacifiques ou non, car la Constitution et la Cour suprême protègent vigoureusement le droit de manifester.

Le Gouvernement est certes très préoccupé par l’écart de rémunération de 15 % entre les hommes et les femmes et espère que la loi no 95/2000 relative au congé de maternité/paternité et au congé parental dont il est question dans le rapport contribuera à remédier à cette situation – de fait, depuis son adoption 80 % des pères ont pris un congé – tout comme le fait que les femmes représentent la majorité des étudiants à l’université, ce qui les prépare à assumer des postes de responsabilité dans la société de demain. Depuis 1982, le Parlement s’emploie à combler cet écart en adoptant des plans d’action quadriennaux en faveur de l’égalité des sexes; ainsi, le pourcentage de femmes au sein de la police, de l’administration pénitentiaire et dans la vie publique s’est accrue de 8 à 10 %. De surcroît, le Ministère de l’industrie et du commerce étudie les conclusions d’un rapport de commission sur les moyens de favoriser les femmes dans le monde des affaires. Par ailleurs, plus de mille femmes ont participé pendant la période 2000-2002 à un projet qui a créé plus de 200 emplois pour les femmes.

La loi islandaise n’autorise pas l’extradition d’une personne vers un pays où elle s’exposerait à la peine de mort, à la torture ou à des traitements inhumains, à une injustice ou encore à des persécutions en raison de sa race ou de ses convictions religieuses ou politiques.

M me  Árnadóttir (Islande) dit que le Gouvernement est d’avis qu’il n’y a pas lieu de simplifier, dans un souci d’efficacité, les ordonnances de protection judiciaire propres à réduire la violence familiale. Elle reconnaît que certaines victimes reprochent à la police d’avoir trop peu souvent sollicité de telles ordonnances.

Les ministères de la justice et des affaires sociales ont en chantier un plan d’action national contre la traite des femmes. Toutes les organisations non gouvernementales qui apportent un soutien aux victimes de violences et de sévices sexuels, comme le Sanctuaire des femmes, le Centre des victimes de sévices sexuels et le Service d’accueil d’urgence à l’Hôpital de l’Université nationale ont reçu des fonds publics.

M me  Ragnarsdóttir (Islande) dit que les tableaux statistiques qui figurent dans les réponses écrites du Gouvernement à la question 5 ou à la liste des points à traiter montrent en effet que dans de nombreux cas de viol des poursuites n’ont pas été engagées, généralement parce que le parquet, qui a la charge de la preuve, ne disposait pas de preuves suffisantes. Cependant, comme évoqué lors de la séance précédente, de nombreuses mesures d’aide aux victimes de viols, en coopération avec la police, ont été instituées. Selon le chapitre VII du Code de procédure pénale, les victimes d’infractions sexuelles bénéficient d’une assistance juridique gratuite dans tous les cas de figure et peuvent se constituer partie civile lors du procès intenté contre l’auteur du viol.

M me  Árnadóttir (Islande) dit que toutes les plaintes pour torture sont instruites immédiatement, le ministère public ayant ici encore la charge de la preuve. Aucune autre affaire de sévices, autre que celle qui a été évoquée lors de la séance précédente, n’a été signalée. En Islande, tous renseignements ou aveux obtenus sous l’empire de la torture sont irrecevables en justice, nul ne pouvant être reconnu coupable d’une infraction sur la seule foi des aveux qu’il avait faits à la police.

Tous les cas de violence, psychologiques comme physiques, constatés chez les détenus, ont fait l’objet d’enquête et de poursuites, une condamnation ayant été prononcée dans un cas. Il est peu judicieux de créer des établissements distincts pour mineurs délinquants, car ceux-ci sont trop peu nombreux, un seul par an peut-être étant condamné à une peine de prison, et l’isoler ne lui serait pas bénéfique. Le Conseil européen lui-même n’est plus inflexible sur l’idée de séparer les détenus majeurs des mineurs.

L’Islande n’envisage pas de retirer ses réserves à l’article 20 du Pacte tant que les raisons qui en sont à l’origine restent valables.

Le Gouvernement estime que la Constitution renferme d’ores et déjà bon nombre des dispositions du Pacte et qu’en tout état de cause, elles ont toutes directement force de loi. Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ont joué contre toute attente un rôle important dans l’ordre juridique islandais, car ils ont exercé une influence inattendue sur les interprétations données par les tribunaux nationaux.

M me  Ragnarsdóttir (Islande) précise que toutes les affaires emportant une peine privative de liberté, si courte soit-elle, sont susceptibles d’appel. Selon le Code de procédure pénale, dans tous les autres cas, l’appel est subordonné à l’autorisation de la Cour suprême, qui n’est accordée que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque l’on pense que les preuves sont sujettes à caution.

La loi no 15/1998 relative à la magistrature énonce les conditions requises des neuf juges de la Cour suprême qui ont un mandat à durée indéterminée, ainsi que les droits et devoirs des juges, qui doivent agir en toute indépendance, respecter scrupuleusement la loi et éviter les incompatibilités. Le texte énonce aussi les fonctions du Conseil judiciaire, organe essentiellement administratif, composé de cinq membres nommés par le Ministre de la justice, qui veille sur les finances des tribunaux de grande instance, se prononce sur les affectations et mutations de magistrats et réglemente la pratique judiciaire.

M. Ando demande si un organe indépendant quelconque examine la décision du ministère public de ne pas engager des poursuites en cas d’infraction sexuelle.

M. Kälin fait remarquer que dans les affaires de viol où il y a eu non-lieu le suspect aurait toutefois été connu. Il comprend mal pourquoi le seul mineur délinquant en détention dans le système pénitentiaire n’a pu, comme les condamnés de son âge, purger sa peine dans un établissement du Bureau de la protection de l’enfance.

M. Solari Yrigoyen demande s’il est vrai que des peines par trop clémentes sont prononcées pour les infractions sexuelles.

M me  Ragnarsdóttir (Islande) dit que la personne concernée peut faire appel, auprès du Ministère de la justice, de la décision du ministère public de ne pas intenter de poursuites.

Selon M me  Árnadóttir (Islande), interner un mineur délinquant dans l’une des petites maisons d’arrêt plutôt que dans un établissement du Bureau de la protection de l’enfance est souvent une décision d’ordre pratique dans un pays aussi vaste que l’Islande, et que les condamnés eux-mêmes pouvaient en faire la demande.

M me  Ragnarsdóttir (Islande) dit que, selon le Gouvernement, les peines punissant les infractions sexuelles ne sont pas trop clémentes, l’article 194 du Code pénal général prévoyant une peine d’emprisonnement de 1 à 16 ans pour des rapports sexuels forcés ou des attouchements sexuels et l’article 195, une peine d’emprisonnement pouvant atteindre six ans pour autres infractions sexuelles.

M me  Árnadóttir (Islande), évoquant une observation faite lors de la séance précédente concernant la présentation des documents dans les délais, déplore que les réponses écrites de l’Islande n’aient pas été présentées plus tôt. Elle se demande si la délégation doit expliciter ses réponses.

La Présidente est d’avis que la présentation tardive des documents a une incidence sur les travaux du Comité, car il est malaisé de tenir un débat sans disposer de la documentation dans toutes les langues officielles concernées. Elle saurait gré à la délégation islandaise d’expliciter ses réponses, des services d’interprétation étant désormais assurés.

La Présidente invite la délégation à traiter des questions 10 à 18 inscrites sur la liste des points à traiter.

Droit au respect de la vie privée (art. 17 du Pacte)

M me  Ragnarsdóttir (Islande) dit à propos de la question 10 que l’Autorité chargée de la protection des données a vocation à surveiller l’exploitation des données personnelles conformément à la loi relative à la protection de la vie privée. L’Autorité règle les différends, connaît des affaires individuelles et des demandes de permis, analyse les tendances générales de la protection des données personnelles aux niveaux national et international, suit d’une manière générale l’évolution dans ce domaine. Elle ne sollicite des données pour son usage personnel que lorsqu’elle est saisie de cas individuels. En vertu de l’article 28 de la loi, on peut exercer un droit d’opposition lorsque des données personnelles sont inexactes, fausses ou de nature à induire en erreur, ou incomplètes, ou lorsqu’elles ont été inscrites sans autorisation. En pareil cas, des corrections sont apportées et les données sont effacées lorsqu’elles ne sont plus utiles. L’Autorité se prononce aussi lorsque le responsable du fichier ne donne pas suite à une demande de suppression de données.

S’agissant de la question 11, il faut justifier au regard de la loi le fonctionnement du fichier sanitaire national, en préciser les fonctions et donner l’assurance que les informations ne permettent pas d’identifier telle ou telle personne. En attendant le remaniement de la loi n° 138/1998, le fichier reste inactif.

Liberté de conscience et de religion (art. 18 du Pacte)

M me Ragnarsdóttir (Islande) fait observer à propos de la question 12 que si la loi islandaise relative aux écoles primaires fait des études chrétiennes, de la morale et de la religion des matières obligatoires, il n’y a pas eu de discrimination à l’encontre des enfants qui ne suivent pas ces cours. Il est conseillé aux écoles de prendre en compte l’accroissement du nombre d’enfants d’immigrés, de collaborer avec les familles pour faire en sorte que l’on puisse enseigner leur religion et leur culture et de tirer parti de la diversité d’horizons des élèves pour favoriser la compréhension, le respect mutuel et la tolérance. La liberté de religion est telle que les élèves peuvent obtenir sans peine une dérogation à l’enseignement de certaines matières obligatoires.

Liberté de mouvement, respect de la vie privée,liberté d’opinion et de rassemblement pacifique (art. 12, 17, 19 et 21 du Pacte)

M me Árnadóttir (Islande) dit, en ce qui concerne la question 13, que si les autorités islandaises ont limité le nombre de visiteurs venus participer à une manifestation contre la visite du Président de la République populaire de Chine, cette manifestation n’ayant été ni empêchée ni interdite. Lors d’entretiens avec les adeptes du Falun Gong arrivés en Islande la semaine précédente, les autorités islandaises ont appris que certains d’entre eux n’entendaient pas respecter les consignes de la police au sujet des périmètres à respecter lors de la manifestation. Elles ont appris aussi de sources policières européennes que, même à l’occasion de manifestations pacifiques, les adeptes du Falun Gong ont l’habitude de bousculer les cordons de policiers ou de les prendre d’assaut. Les forces policières islandaises étant peu nombreuses, la participation de centaines d’étrangers à la manifestation prévue risquait de mettre l’ordre public en danger. Le Gouvernement a donc pris des mesures conformément au droit international, qui lui fait obligation de protéger les chefs d’État étrangers. Ces mesures ne visaient pas tant à restreindre la liberté d’expression ou à empêcher des manifestations pacifiques qu’à assurer la protection du public avec des effectifs policiers relativement modestes, ainsi que ce que le Médiateur a conclu. Le Ministère de la justice a transmis à Icelandair une liste d’adeptes du Falun Gong qui avaient réservé un vol à destination de l’Islande mais passibles d’interdiction de séjour. Cette liste a été communiquée aussi aux ambassades de l’Islande aux États-Unis, en Norvège, au Danemark, au Royaume-Uni et en France, pour qu’elles informent les personnes concernées de la décision des autorités islandaises et leur viennent en aide. Après la visite, les autorités islandaises ont détruit tous les exemplaires de la liste des adeptes du Falun Gong interdits de séjour, sauf une.

La représentante de l’Islande dit que la question 14 dénature quelque peu l’incident impliquant des manifestants anti-OTAN pendant la célébration de la fête nationale de l’Islande. Certains individus ont certes été écartés de l’endroit où se déroulaient les festivités mais ils ont pu se remettre à manifester ailleurs. Un seul individu, qui était en état d’ivresse, a été conduit au commissariat. La représentante de l’Islande évoque le jugement de la Cour suprême de 1999 qui encadre de manière stricte, pour ce qui est de leur clarté et lisibilité, les textes venant limiter le droit de manifester. Les manifestants ont été invités à quitter les lieux pour la simple raison qu’aucun dispositif de protection avait été mis en place dans le périmètre en question.

Droit à des élections démocratiques et à la conduite des affaires publiques (art. 25 et 26 du Pacte)

M me  Árnadóttir (Islande), évoquant la question 15, souligne que les étrangers ont le droit de voter et de se présenter aux élections municipales à condition de remplir certaines conditions. Elle reconnaît toutefois que les citoyens des pays nordiques bénéficient d’un traitement de faveur, et ce, pour des raisons historiques. Accorder un traitement de faveur aux citoyens de pays voisins ou de pays avec lesquels on a des liens privilégiés est une pratique connue en Europe et dans le reste du monde. L’Islande cultive de tels liens avec les pays nordiques, ayant en partage une culture, un patrimoine et une tradition de coopération.

En ce qui concerne la question 16, les réponses écrites du Gouvernement décrivent dans le détail le régime des nominations à la Cour suprême. Avant toute nomination, le Ministère de la justice doit solliciter l’avis de la Cour suprême sur les compétences et les qualifications du candidat. Tout candidat qui, de l’avis de la Cour, ne réunit pas certaines conditions ne peut être nommé.

S’agissant des allégations selon lesquelles il n’aurait pas été tenu compte de l’opinion du Médiateur lors de récentes nominations, la représentante de l’Islande apporte des précisions concernant l’affaire de la nomination d’un juge à la Cour suprême en 2003. Trois des huit candidats ayant déposé une plainte, le Médiateur a constaté que le Ministre de la justice n’avait pas respecté la loi relative à la magistrature – faute d’avoir sollicité l’avis de la Cour suprême au sujet de la connaissance que le candidat avait d’un certain domaine du droit, à savoir le droit européen – et qu’il avait enfreint la disposition de la loi administrative prescrivant une enquête en pareil cas. Le Ministre de la justice a par la suite affirmé devant le Parlement que, sans faire sienne l’interprétation donnée de la loi par le Médiateur, il étudierait de près ses conclusions. Cela étant, il a sollicité à deux reprises l’avis de la Cour suprême pour établir une proposition de nomination d’un juge à la Cour suprême en octobre 2004.

Droit à l’égalité devant la loi (art. 26 du Pacte)

M me  Ragnarsdóttir (Islande), évoquant la question 17, dit que l’article 65 de la Constitution dispose que tous sont égaux devant la loi. Les travailleurs étrangers ont droit, tout autant que les Islandais, à un travail, à un enseignement, à des services sociaux et médicaux, au salaire minimum, à une représentation syndicale, à un logement, etc. Elle précise toutefois que les travailleurs étrangers ne sont admis à bénéficier de soins de santé qu’après avoir séjourné en Islande pendant dix mois et que, une fois embauchés, leur employeur est chargé de les assurer aux termes de la loi relative à la sécurité sociale. Des institutions spécialisées ont pour mission d’améliorer les relations entre Islandais et ressortissants étrangers souhaitant s’installer en Islande et d’aider ces derniers à se familiariser avec la société et la culture islandaises. La représentante de l’Islande attire l’attention sur un sondage effectué en 2004 auprès des travailleurs étrangers en Islande en provenance de pays hors de l’Espace économique européen, dont les résultats figurent dans les réponses écrites du gouvernement. Il en ressort essentiellement que le taux de chômage est très faible chez les travailleurs étrangers et que leurs salaires sont comparables à ceux de leurs collègues.

Droits des minorités (art. 27 du Pacte)

M me  Ragnarsdóttir (Islande) fait savoir, s’agissant de la question 18, qu’il y a eu en Islande très peu de cas de discrimination à l’encontre des étrangers ou de manifestations de xénophobie. Selon elle, l’affaire évoquée aux paragraphes 107 et 108 du rapport concernant le vice-président de l’Association des nationalistes islandais qui a été reconnu coupable, aux termes de l’article 233 a) du Code pénal général, d’avoir attaqué, dénigré et raillé en public un groupe de personnes en raison de leur nationalité, de la couleur de leur peau et de leur race, montre que les autorités islandaises ne badinent pas avec la discrimination et sont résolues à punir quiconque s’en rend coupable.

S’agissant des mesures prises par les autorités, la représentante de l’Islande dit que la législation nationale a été aménagée en ce qui concerne l’interdiction des discriminations et l’égalité devant la loi et appelle l’attention, notamment, sur l’article 65 de la Constitution, l’article 11 de la loi de 1993 relative aux procédures administratives et les articles 180 et 233 a) du Code pénal général. Aux termes dudit article 233 a), quiconque est reconnu coupable d’avoir attaqué une personne ou un groupe de personnes pour l’un ou l’autre des motifs qui y sont énoncés est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant atteindre deux ans. La représentante de l’Islande cite aussi l’article premier de la loi de 1997 relative aux droits des patients, qui interdit toute discrimination dans les soins de santé.

En 2001, le Gouvernement a créé un médiateur de la police qui sert de trait d’union avec les personnes d’origine étrangère, fournissant à ces derniers des informations sur demande, et les orientant, au besoin, vers les autorités compétentes. Le médiateur coopère étroitement avec la Maison internationale à Reykjavík.

M. Amor, évoquant l’article 18 du Pacte, dit que l’existence d’une Église nationale n’est pas contraire au droit international et n’entraîne pas en elle-même des discriminations contre d’autres religions ou croyances. Il est néanmoins préoccupé par la disposition de la loi selon laquelle, pour être enregistrées, les associations cultuelles doivent avoir des croyances liées à des religions ayant des racines historiques ou culturelles, ce qui pourrait entraîner une discrimination à l’encontre de communautés religieuses nouvelles qui n’en auraient pas.

M. Amor s’inquiète aussi de l’attitude de l’Islande à l’égard du Falun Gong. Le devoir qu’a l’État de maintenir l’ordre public, ne l’autorise toutefois pas à pratiquer la discrimination contre des groupes ayant des croyances différentes. Qui plus est, s’il est vrai que les adeptes du Falun Gong doivent respecter la loi une fois rendus sur le territoire national, l’Islande ne peut néanmoins simplement présumer qu’ils troubleront l’ordre public avant même qu’ils n’arrivent.

De l’avis de l’intervenant, ce qu’il y a d’inquiétant surtout tient en ceci que l’on a distribué la liste des adeptes du Falun Gong. Aucun État ne peut juger des croyances d’une personne dès lors qu’elle les exprime en toute légalité. Il ne s’agit pas de défendre tel ou tel groupe, mais de faire respecter l’article 18 et la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction. L’intervention de l’Islande dans l’incident du Falun Gong constituerait à ses yeux un précédent troublant.

M. Wieruszewski craint que, même si l’article 26 du Pacte n’interdit pas expressément le traitement de faveur, le Comité se trouve placé devant une situation difficile si un ressortissant étranger déposait une plainte pour traitement injuste et incompatibilité avec l’article 26. Sans méconnaître les raisons historiques qui expliquent la disposition concernant le traitement de faveur dont jouissent les citoyens des pays nordiques, il demande si l’Islande envisage de la supprimer.

M. Solari Yrigoyen demande des précisions concernant non seulement la peine prononcée à l’encontre du vice-président de l’association nationaliste qui a été déclaré coupable de provocation à la haine raciale, mais aussi les buts de cette association, les éventuelles mesures prises contre elle et les associations semblables qui pourraient exister.

Selon M me  Árnadóttir (Islande), l’affaire du Falun Gong n’intéresse pas tant la liberté de religion que le maintien de l’ordre public par un modeste détachement de la police non appuyé par une armée ou une force de réserve militaire. En donnant pour instruction à Icelandair de prévenir les adeptes du Falun Gong concernés qu’ils étaient interdits de séjour et qu’il leur était donc inutile d’acheter un billet d’avion, les autorités islandaises pensaient limiter les conséquences fâcheuses de leur décision.

M me  Ragnarsdóttir (Islande) précise qu’une sanction pécuniaire de 100 000 kronúr (2 000 dollars) a été prononcée à l’encontre du groupe raciste par application de l’article 233 a) du Code pénal général. Depuis l’arrêt, on n’entend plus parler de ce groupe, qui a cessé ses activités et qui n’a plus de site Web. Autant qu’elle sache, il n’existe pas de groupes semblables en Islande.

La Présidente, faisant le point du débat, se réjouit de ce que l’État partie a supprimé la distinction entre enfant légitime et enfant naturel et que la charge de la preuve incombe désormais à l’employeur en cas d’écart entre les salaires masculins et féminins. Cependant, depuis la présentation du troisième rapport périodique de l’État partie, la transposition complète des dispositions du Pacte en droit interne n’a guère progressé. Le Pacte doit constituer, aux yeux de la société islandaise, un instrument international autonome respecté, que l’on peut invoquer indépendamment de la Convention européenne des droits de l’homme.

La Présidente demande aussi des précisions au sujet d’un certain nombre de réserves à des articles du Pacte. À titre d’exemple, lorsque la délégation islandaise a présenté son troisième rapport, elle a fait savoir qu’elle avait retiré sa réserve à l’article 13, mais celle-ci subsistait encore l’année précédente. En outre, on voit mal pourquoi l’État partie tient à sa réserve à l’article 10, qui ne vise qu’un très faible nombre de mineurs. La Présidente souhaite par ailleurs que l’État partie dévoile ses intentions en ce qui a trait à sa réserve à l’article 20.

Si l’on comprend que le système judiciaire islandais n’interdise pas l’utilisation d’aveux obtenus par la torture, l’Islande aurait néanmoins dû préciser dans ses réponses à la liste de points à traiter que le juge pouvait écarter une telle preuve. Elle s’interroge sur la définition du terrorisme qui englobe les barrages, car on peut difficilement qualifier de terroristes des paysans qui manifestent en dressant des barrages, ce qui porte parfois atteinte aux personnes ou aux biens. Enfin, elle estime qu’il n’y a plus de raison de ne pas intenter de poursuites contre les auteurs de viols faute de preuves car de nos jours on peut faire appel aux compétences de policiers, de magistrats, de médecins et de psychologues spécialisés pour échafauder un dossier contre le violeur. De l’avis de la présidence, la réticence à mettre l’action publique en mouvement en l’absence de preuves accablantes n’a pas de raison d’être; il va de soi que les condamnations ne doivent pas être entachées du moindre doute, mais une incertitude ne doit jamais empêcher d’instruire.

M. Hannesson (Islande) relève que l’Islande était auparavant une petite société très unie et homogène et qu’aujourd’hui, avec beaucoup d’immigrés en son sein, elle fait face et s’adapte à de profondes mutations.

La séance est levée à 16 h 50.