Quatre-vingt dix-huitième session

Compte rendu analytique (partiel)* de la 2688e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 25 mars 2010, à 15 heures

Président :M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Cinquième rapport périodique du Mexique (suite)

* Il n’a pas été établi de compte-rendu analytique pour le reste de la séance.

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États Parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Cinquième rapport périodique du Mexique (suite)

(CCPR/C/MEX/5; CCPR/C/MEX/Q/5 et Add.1)

À l’invitation du Président, les membres de la délégation du Mexique prennent place à la table du Comité.

Le Président invite les membres de la délégation à continuer à répondre aux questions.

M. Negr í n Mu ñ oz (Mexique), répondant à la question 19 de la liste, dit que le Bureau du Procureur public chargé d’enquêter sur les affaires spéciales a mené une enquête d’avant jugement sur la plainte déposée par Mme Maria de la Luz Torrijos Villasenor, conseill.re juridique pour la Commission des droits de l’homme du District fédéral, contre M. Hans Van Herrera au motif qu’il aurait eu accès au serveur web de la Commission par des moyens illégaux. Le 8 octobre 2009, suite à la présentation des éléments de preuve, il a été décidé de ne pas engager de procédure pénale; la plaignante, dûment informée de la décision, n’a pas déposé d’objection. En ce qui concerne la destruction présumée d’un courrier appartenant à l’Organisation non gouvernementale Servicios y Asesoria para la Paz, aucune plainte n’a été reçue.

Passant à la question 20, M. Negrín Muñoz dit que, si le droit mexicain ne reconnaît pas l’objection de conscience comme motif d’exemption du service militaire, le Ministère de la défense nationale est autorisé à exempter quiconque ne répond pas aux conditions - d’ordre physique, moral, ou social - exigées pour le service militaire.

Sur la question de la liberté d’expression, il dit que diverses alternatives à une meilleure protection des journalistes sont en discussion, y compris renforcer le travail du Bureau du Procureur spécial pour crimes contre des journalistes et celui de la Commission nationale des droits de l’homme. Un récent projet de décret envisage d’ajouter au code pénal fédéral une section intitulée « crimes commis contre la liberté d’expression » et de créer une nouvelle catégorie pénale pour actes illégaux visant à faire obstacle au journalisme, à en limiter le champ ou à en faire une activité dangereuse. Le projet de décret a été adopté par la Chambre des députés en avril 2009 et il est actuellement examiné par le Sénat. En avril 2007, les délits de calomnie et de diffamation ont été supprimés du code pénal fédéral. Actuellement, le District fédéral et 13 des 31 États du Mexique ont engagé des réformes pour aligner leur législation sur ces amendements et le processus a été lancé dans un certain nombre d’autres États.

En ce qui concerne la recommandation No7 de la Commission nationale des droits de l’homme, M. Negrín Muñoz dit que la Commission a, pour répondre aux attaques contre les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme, lancé un programme qui interagit directement avec le secteur des communications et de la société civile pour stimuler la création de mécanismes pour la protection des droits de l’homme des journalistes. Le programme s’est soldé jusqu’ici par l’ouverture de 492 cas. Le Congrès de l’Union a par ailleurs approuvé une réforme du droit pour garantir aux journalistes le droit de ne pas divulguer leurs sources. Les fonctions du Bureau du procureur spécial chargé d’enquêter sur les crimes commis contre des journalistes, qui a été établi en 2006, sont de mener des enquêtes sur des affaires de crimes contre des journalistes mexicains et de crimes commis en territoire mexicain contre des journalistes étrangers. Le Bureau emploie 24 fonctionnaires et, au 31 juillet 2009, il avait traité 305 cas.

Répondant à la question 24, M. Negrín Muñoz dit que la traite et le traitement abusif des mineurs et la pédopornographie sont effectivement traités comme des actes criminels dans tous les États (entités fédératives) du Mexique. La traite des personnes et la prostitution des mineurs sont pénalisées aux termes de l’article 138 de la Loi générale sur la population et de la Loi pour prévenir et réprimer la traite des personnes. Entre 2005 et 2008, l’Institut national des migrations a identifié 78 victimes potentielles de traite des êtres humains. Un organisme a été mis en place dans le but exclusif de protéger les jeunes migrants le long de la frontière et dans les centres de rétention pour migrants. Les employés de cet organismes évaluent le besoin de protection internationale des réfugiés et des victimes de violence domestique et de traite, notifient les consulats de situations impliquant des nationaux de leur pays et veillent à ce que les enfants reçoivent des soins médicaux et ils les accompagnent, au besoin, jusqu'à leur destination finale. Le programme « De la rue à la vie » vise à améliorer la coordination entre les secteurs - public, privé et social - qui travaillent avec les enfants des rues et leurs familles à trouver des solutions à moyen et long terme. Pour 2008, le programme, qui est géré par des comités d’État, a fourni des soins à 23 000 enfants des rues et une contribution financière à 76 organisations de la société civile. Il a également accordé 1 814 bourses d’études et financé des projets pour environ 20 000 bénéficiaires.

Un certain nombre d’initiatives sont en cours qui visent à inciter les populations autochtones à participer davantage à la vie politique. La réforme constitutionnelle de 2001 portant établissement des droits des peuples autochtones a conduit à des changements semblables dans la législation locale. Au niveau fédéral, le Programme national d’action pour le plein développement des peuples autochtones comportait des activités visant à stimuler l’intervention des peuples autochtones dans leur propre évolution et à les aider à connaître et à exercer leurs droits.

Depuis la présentation de son quatrième rapport périodique, le Mexique a pris plusieurs mesures importantes relativement au système international des droits de l’homme – créant la Commission nationale des droits de l’homme, reconnaissant la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme pour le règlement des différends et invitant les mécanismes de contrôle des droits de l’homme et les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales à venir au Mexique.

L’information sur les droits de l’homme circule régulièrement au sein d’un réseau d’institutions qui comprend le Haut Commissariat du Mexique aux droits de l’homme, la Commission nationale des droits de l’homme, des organismes de droits de l’homme indépendants et des universités qui proposent des programmes consacrés aux normes internationales en matière de droits de l’homme. Par ailleurs, le Pacte est régulièrement invoqué par les tribunaux du Mexique dans les décisions qu’ils rendent. Le Gouvernement lui-même a fait paraître des informations sur le Pacte par divers moyens et M. Negrín Muñoz souligne qu’il n’y a pas eu moins de 24 institutions à contribuer à l’établissement du rapport périodique en question, lequel a été présenté et distribué en juillet 2008 lors de la session de la Commission sur la politique gouvernementale des droits de l’homme, qui jouit de la participation de représentants d’institutions gouvernementales aussi bien que de la société civile.

Sir Nigel Rodney dit qu’il est important de s’assurer que l’engagement pris par l’État partie de s’acquitter des obligations que lui fait le Pacte le conduit à protéger les droits de l’homme dans la pratique. Malgré toutes les mesures prises pour empêcher la torture, cette pratique n’a pas disparu; il est difficile de comprendre pourquoi le Mexique n’a pas donné suite aux recommandations faites par des organismes internationaux comme le Comité contre la torture. Par ailleurs, la réponse à la précédente question de Sir Nigel Rodney a été rien moins qu’encourageante; il voudrait savoir si c’est aux autorités de montrer que les aveux ont été faits librement, alors que l’État partie s’est contenté de dire qu’il appartient aux juges de dire comment les aveux ont été obtenus.

Sur la question de l’arraigo, il aimerait savoir si l’État partie a mis en place des sauvegardes pour protéger les droits des détenus, en particulier parce que ceux-ci ne sont pas normalement traduits devant un juge avant la délivrance d’une ordonnance d’arraigo (CCPR/C/MEX/5, par. 327). La délégation devrait aussi éclaircir le point de savoir si une personne peut vraiment être détenue par les militaires pendant une période qui peut aller jusqu’à cinq jours avant qu’une ordonnance d’arraigo soit même demandée, ainsi qu’il ressort de communications reçues par le Comité. Sir Nigel Rodney aimerait des précisions sur la nature des éléments de preuve que demande un juge pour rendre une ordonnance d’arraigo, car il a été avancé qu’une dénonciation anonyme était suffisante. Il demande si le lieu de détention des détenus est toujours le Centre fédéral des enquêtes dont il est fait état dans les réponses écrites du Mexique à la liste des questions ou si ce ne sont pas parfois des lieux sans caractère officiel, comme des hôtels ou des casernes militaires. Si ceci n’est pas la pratique standard, il serait intéressant de savoir si l’État partie sait qu’il y a des cas où ceci aurait apparemment eu lieu. On aimerait aussi recevoir un complément d’information concernant des cas de torture relatifs au processus d’arraigo qui ont été renvoyés devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme et qui mettaient en cause des agents de police de Tijuana.

Notant que le Mexique se situe actuellement au sixième rang mondial pour le taux d’incarcération, avec des pourcentages particulièrement élevés de détenues, Sir Nigel Rodney soulève la question des mesures à prendre pour arriver à résoudre le problème du surpeuplement des prisons afin de garantir leurs droits aux personnes privées de liberté.

M. Salvioli aimerait un complément d’information sur la jouissance des droits de la défense, y compris sur l’accès à un conseil juridique, dans une procédure d’expulsion engagée en vertu du projet de décret prévoyant divers amendements à la Constitution nationale dans le domaine des droits de l’homme. En c e qui concerne le nombre significatif de journalistes qui ont été soumis à des tactiques d’intimidation, il serait utile de savoir si quelqu’un a été condamné pour de tels actes. M. Salvioli aimerait aussi savoir comment le Mexique prévoit d’aligner la législation des États sur la législation fédérale portant abolition du délit de diffamation. Tout en félicitant l’État partie pour les réformes qu’il entend mettre en œuvre pour protéger les droits des peuples autochtones, il aimerait savoir quelles réformes ont été mises en place jusqu’ici. Il serait intéressant de savoir en outre si le Mexique envisage d’instaurer le droit de consultation comme droit de base des peuples autochtones.

M. Rivas Posada remercie la délégation du complément d’information qu’elle a fourni concernant la question 9, notant que la préoccupation principale du Comité a été de s’assurer que le Gouvernement mexicain est au courant des plaintes en question.

En ce qui concerne le service militaire obligatoire, il dit que, si l’objection de conscience n’est pas mentionnée comme telle dans le Pacte, la jurisprudence du Comité interprète l’article 18 comme voulant dire que le droit fondamental de liberté de conscience doit être étendu à l’objection de conscience comme motif d’exemption du service militaire. C’est pourquoi l’État partie, qui admet que sa législation ne prévoit pas ce type de motifs, ne s’acquitte pas pleinement des obligations que lui fait le Pacte. Le fait que le Ministère de la défense nationale peut, à sa discrétion, exempter certains du service militaire pour des raisons d’ordre religieux, moral ou social n’est pas suffisant; il faut que l’objection de conscience soit reconnue comme telle par la loi. Notant que la tendance actuelle au sein de la communauté internationale est de reconnaître le droit à l’objection de conscience en offrant des alternatives au service militaire, M. Rivas Posada souligne qu’un service communautaire non-militaire ne doit pas être punitif, parce que cela aussi serait contraire aux buts et objectifs du Pacte.

M me Chanet se fait l’écho des préoccupations exprimées concernant le fait que l’État partie ne reconnaît pas le droit à l’objection de conscience. En outre, dire, comme il le fait, que l’obligation de service militaire peut être assortie d’une grande souplesse en particulier pour les étudiants paraît discriminatoire. Mme Chanet espère que des dispositions législatives seront adoptées qui reconnaîtront pleinement le droit à l’objection de conscience pour tous.

En ce qui concerne la liberté d’expression, elle demande si les amendements d’ordre législatif adoptés au niveau fédéral sont également en vigueur au niveau des entités fédératives. Il serait utile aussi de savoir s’il y a toujours des crimes d’honneur. Si la diffamation n’est plus considérée comme un délit par le code pénal fédéral, pourquoi continue-t-on à la faire figurer comme délit dans la réponse écrite du Mexique à la question 22 de la liste (CCPR/C/MEX/Q/5/A, par. 244) ? La situation des défendeurs des droits de l’homme préoccupe beaucoup le Comité. Comme les programmes qui visent uniquement à réduire le risque d’être attaquées se sont révélés insuffisants, l’État partie devrait envisager des mesures de protection personnelle, comme de prévoir des gardes du corps pour les journalistes. On s’étonne de lire dans le rapport de l’État partie que, bien que les activités du Bureau du Procureur spécial chargé des crimes contre des journalistes se soient intensifiées, très peu des plaintes sérieuses portées par des journalistes ont conduit à une procédure pénale, et encore moins à des condamnations. Mme Chanet aimerait savoir quelles mesures le Mexique envisage de prendre pour traiter de manière plu efficace le problème de la sécurité des journalistes. Enfin, elle aimerait des détails sur le budget, les fonctions et la juridiction assignés au Bureau du Procureur spécial chargé des crimes commis contre des journalistes.

M me Motoc dit que, selon des informations reçues par le Comité, la diffamation est toujours traitée comme un délit dans 19 États et elle aimerait savoir comment le Gouvernement fédéral du Mexique entend s’y prendre pour qu’il soit tenu compte de l’abrogation de ce délit dans la législation des États. Passant à la question des peuples autochtones, elle demande quelles mesures ont été prises pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il serait utile de savoir si la réalisation de projets relatifs à des terres qui appartiennent à des populations autochtones exige qu’elles y consentent librement et en connaissance de cause. On aimerait aussi en savoir davantage sur la situation des autochtones en détention et des jeunes autochtones.

M. P é rez S á nchez-Cerro se dit préoccupé de savoir qu’on ne garantit pas aux détenus le droit de se défendre dans le cadre de la procédure d’arraigo; en effet, non seulement une ordonnance d’arraigo impose détention avant enquête et non le contraire, mais elle peut aussi porter sur une durée qui peut aller jusqu’à 80 jours sans que le prévenu soit nécessairement traduit devant le juge et impliquer mise en régime cellulaire. Le caractère potentiellement arbitraire de l’arraigo le rend incompatible avec le Pacte; c’est pourquoi M. Perez Sanchez-Cerro demande instamment à l’État partie d’éliminer cette pratique. Passant à la question de la justice militaire, il fait valoir que les violations de droits de l’homme commises par des militaires devraient être du ressort des tribunaux ordinaires et non militaires car les tribunaux militaires devraient juger uniquement des délits relatifs à la fonction de militaire.

Il reprend à son compte les préoccupations exprimées précédemment concernant les journalistes sur le meurtre desquels on n’a pas suffisamment enquêté ainsi que celles concernant le fait que l’on continue à traiter la diffamation comme un délit, ce qui sans aucun doute freine la liberté d’expression. La réforme du code pénal fédéral ne donne pas aux autorités fédérales le pouvoir d’enquêter sur des crimes tels que le meurtre de journalistes, comme étant du ressort des États ; en fait, ni les autorités fédérales ni celles des États ne paraissent disposer des ressources nécessaires pour faire appliquer la loi. Il n’incombe pas moins aux États parties d’assurer l’application du Pacte quelle que soit leur structure administrative et judiciaire; c’est pourquoi il faut que le Mexique prenne des mesures pour incorporer le droit fédéral dans le droit des États.

M. G ó mez S á nchez (Mexique) dit qu’en aucune circonstance un juge ne peut tenir compte d’aveux obtenus par la torture pas plus qu’il ne saurait accepter des témoignages qui n’ont pas été recueillis en présence d’un conseiller juridique, du procureur public ou d’un juge. Il rappelle que la charge de la preuve n’appartient pas à l’accusé dans les affaires de torture, disant que, d’après le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), les juges sont autorisés à prendre toutes mesures nécessaires pour établir les faits dans les accusations de torture.

En outre, les juges ne doivent en aucune circonstance rendre des ordonnances d’arraigo sur la seule base d’une dénonciation anonyme. L’arraigo est une mesure préventive appliquée uniquement dans les situations où l’accusé est jugé poser un grave danger si on l’autorise à rester en liberté dans l’attente d’un jugement. Bien qu’une ordonnance d’arraigo puisse être rendue en l’absence de l’accusé (e), il ou elle dispose de mesures d’ordre juridique pour la faire lever. Les éléments de preuve exigés par les juges dans la procédure d’arraigo n’ont rien d’arbitraire car une ordonnance n’est rendue que quand des preuves suffisantes sont données de la responsabilité probable de l’accusé(e).

Les droits de base des détenus en procédure d’arraigo sont garantis par la loi : ils ne sont jamais mis en détention dans des lieux cachés et ils sont toujours logés de manière confortable avec possibilité de consulter des professionnels de la médecine. Ils ne sont jamais tenus au secret et ils peuvent à tout moment demander la levée de l’ordonnance ou l’engagement d’une procédure d’amparo. Les obligations faites au Bureau du Procureur public en ce qui concerne les droits des détenus réduisent à un minimum les risques d’atteinte à ces droits. Si des abus se produisent, des mesures sont prises immédiatement pour enquêter sur la chose et pour prendre des sanctions administratives et/ou pénales contre les responsables.

M. P é rez (Mexique) dit qu’on n’utilise pas comme centres de détention ce qu’on appelle des « points de contrôle » ou barrages routiers; leur principale fonction est de prévenir les activités criminelles, en particulier le trafic d’armes et de drogue. D’après la Constitution, la nécessité de ce type de mesures doit être démontrée et, une fois adoptées, elles doivent être exécutées conformément à un cadre juridique rigoureux. La Cour suprême de justice a estimé que les points de contrôle ne portent pas atteinte au droit à la liberté de mouvement que prévoit l’article 11 de la Constitution pour la raison, notamment, qu’ils n’impliquent pas de mesures restrictives comme l’obligation de présenter un sauf-conduit. Les agents des points de contrôle sont tenus de se conformer à des protocoles donnés; tout abus est passible d’enquête de la Commission nationale des droits de l’homme et des tribunaux. Guidé par son souci de prévenir les violations des droits de l’homme, le Gouvernement mexicain a signé un accord avec le Comité international de la Croix rouge concernant la formation de ces agents à l’emploi de la force et des armes à feu. La participation des forces armées au maintien de la sécurité publique se borne à lutter contre le crime organisé. Les délits ordinaires et des situations comme les manifestations relèvent de la police civile.

Le surpeuplement des prisons a conduit le Gouvernement, non seulement à poursuivre la construction de nouveaux établissements, mais aussi à mettre en place des alternatives à la purgation totale des peines de prison, comme la mise en liberté surveillée, la libération conditionnelle et le service communautaire. Reconnaissant qu’il est important de mettre en œuvre des stratégies de lutte contre la criminalité, un certain nombre de ministères ont mis au point des initiatives qui s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie globale lancée sous la présidence Calderon. On mentionnera en particulier, au nombre de ces initiatives, l’idée d’un nouveau modèle de travail proposée par le Ministère de la sécurité publique sur la base d’études scientifiques de la criminalité qui prévoit l’application de normes strictes de professionnalisme et des inspections régulières du comportement des agents de police tout au long de leur carrière.

M. Dur á n Orteg ó n (Mexique) dit qu’un certain nombre de réformes sur les droits des peuples autochtones ont déjà été adoptées et appliquées au niveau fédéral. L’harmonisation des lois fédérales, des lois des États et des lois locales est en cours. 23 constitutions locales contiennent des dispositions relatives aux droits des peuples autochtones, dont 15, qui ont été adoptées après 2001, sont conformes à l’article 2 de la Constitution du Mexique, amendée la même année. Le Congrès de l’Union envisage de créer un comité pour l’harmonisation des lois et d’organiser une table ronde technique avec la Commission nationale pour le plein développement des peuples autochtones.

Faire respecter le droit des peuples autochtones à consultation à tous les niveaux est une priorité importante au Mexique. Un certain nombre d’initiatives ont été lancées, notamment un projet pilote pour aider les communautés autochtones à réaliser des projets sur leurs terres. Leurs communautés ont toujours été consultées à propos de projets par l’intermédiaire de la Commission nationale pour le plein développement des communautés autochtones; en outre, une loi sur la consultation de ces communautés, qui leur assurera la jouissance de leurs droits au niveau le plus élevé, est en cours de rédaction. Des mesures ont été prises pour assurer une large diffusion à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, notamment par le système de radiodiffusion des cultures autochtones. Plus de 200 ateliers ont eu lieu et une brochure sur la Déclaration a été publiée dans18 langues autochtones. Environ 700 exemplaires de la brochure ont déjà été distribués aux organisations impliquées dans le programme de passation d’accords dans le domaine de la justice et la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones travaille avec le Programme des Nations Unies pour le développement à élargir le champ de la distribution.

Les ressources consacrées à l’amélioration de la situation des peuples autochtones du Mexique ont sensiblement augmenté depuis l’entrée en fonctions du Président Calderon et à peu près toutes les institutions gouvernementales ont établi des programmes à cet égard. Le Ministère du développement social a créé, pour les enfants des communautés autochtones, un programme de formation professionnelle, de bourses d’études, d’aide alimentaire et de soins de santé. Au nombre des autres grandes initiatives figurent notamment l’entretien de pensionnats autochtones, dont beaucoup ont récemment été rénovés, la mise en service de dispensaires médicaux mobiles et la construction d’un hôpital spécialisé dans l’emploi de médecines alternatives. Une politique de développement a été mise en place qui tient compte de l’identité des autochtones : au lieu d’imposer aux communautés un modèle unique, on leur permet de concevoir eux-mêmes leurs projets et on leur fournit uniquement les ressources et les conseils nécessaires pour en faire une réalité.

M. Ch á vez Garcia (Mexique) dit qu’au Mexique le service militaire a beaucoup changé depuis son instauration en 1942, pendant la seconde guerre mondiale, passant de strictement militaire à principalement communautaire. Le Mexique ne reconnaît pas le droit à l’objection de conscience, mais la loi prévoit des exceptions qui permettent à certains d’être exemptés de service militaire. M. Chávez Garcia réitère qu’il n’y a pas eu à ce jour un seul cas d’objection de conscience, mais ceux qui sont obligés de faire leur service peuvent toujours opter pour un service purement communautaire.

M. Guevara Berm ú dez (Mexique) dit que la liberté d’expression conditionne l’état de droit et la démocratie. Le Gouvernement mexicain condamne toutes les atteintes à la vie et à l’intégrité des journalistes et travaille à l’établissement de mécanismes de nature à mieux protéger leurs droits. La structure fédérée du Mexique fait qu’il est difficile de veiller à ce qu’il soit enquêté de manière appropriée sur des atteintes présumées à la vie de journalistes dans tous les états et d’incorporer les amendements fédéraux, comme l’abolition de la diffamation et de la calomnie comme délits, dans la législation des États. Cela dit, le Gouvernement reconnaît les obligations qu’il a contractées en ratifiant le Pacte et il s’emploiera à sensibiliser les entités fédératives à l’importance de ces questions. A propos de la question du projet de décret sur les amendements constitutionnels concernant les droits de l’homme, M. Guevara Bermudez dit qu’il serait prématuré de donner des détails, mais il ne fait pas de doute que, dans une procédure d’expulsion, les droits de la défense seraient garantis.

M me de la Madrid (Mexique) dit que si une personne qui fait l’objet d’une procédure d’arraigo affirme avoir été torturée, l’expert médical attaché à l’affaire est tenu d’informer le Bureau du Procureur public, lequel est légalement tenu à son tour d’instituer une audience séparée pour la présomption de torture. Les médecins et les psychologues qui ont conçu le manuel de formation sur l’adaptation du Protocole d’Istanbul au contexte national du Mexique sont dûment qualifiés, étant intervenus dans la rédaction du protocole lui-même. En ce qui concerne les affaires de présomption de torture mettant en cause des agents de police de Tijuana qui ont été renvoyées devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme, Mme de la Madrid dit qu’il y aura bientôt une réunion sur l’application des mesures préventives demandées par la Commission.

Pour qu’un crime soit renvoyé devant le Bureau du Procureur spécial chargé de connaître de crimes contre des journalistes, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies : il faut que la victime du crime soit un journaliste qualifié; il faut que le crime constitue une violation du droit à l’information ou à la liberté de la presse; il faut que le crime soit défini comme tel dans le code pénal fédéral. Le Bureau du Procureur spécial chargé de connaître de crimes contre des journalistes n’est pas compétent pour juger les affaires de crime organisé et renvoie ces affaires devant le Bureau du Procureur public adjoint chargé d’enquêter sur le crime organisé. Ne sont pas non plus de sa compétence les délits ordinaires, mais le Bureau du Procureur public suit de près ces affaires et contribue à enquêter sur elles.

Un certain nombre de propositions ont été faites ces dernières années tendant à réformer la législation en vue d’élargir la compétence plutôt limitée du Bureau du Procureur spécial. En outre, on s’efforce aussi de satisfaire aux recommandations faites par la Cour interaméricaine des droits de l’homme et par la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour les États concernant la défense des représentants de la presse et de garantir la jouissance effective du droit à l’information, la liberté d’expression et la liberté de la presse. Le Bureau du Procureur spécial a adopté des mesures de nature à protéger la sécurité personnelle des journalistes chaque fois que cela est nécessaire et il travaille avec la société civile à l’élaboration d’un protocole pour la protection de ceux dont la vie est en danger. Enfin, la Loi fédérale sur la transparence et l’accès du public à l’information gouvernementale a été adoptée en 2002.

Sir Nigel Rodley aimerait un complément d’information sur la nature des éléments de preuve exigés pour rendre une ordonnance d’arraigo, dont on peut penser que cela représente moins que ce qu’il faut pour soutenir une mise en examen en bonne et due forme. Il est sans doute rassurant de recevoir confirmation du fait qu’on ne garde pas les détenus dans des endroits secrets, mais on aimerait en savoir davantage sur les types de lieux de détention non institutionnalisés dans lesquels ils peuvent être détenus, y compris éventuellement dans des casernes militaires. En ce qui concerne les abus qui seraient commis durant la procédure d’arraigo, on aimerait des précisions sur les affaires dans lesquelles les responsables ont en fait été jugés et punis. Sir Nigel Rodley saurait gré en particulier à la délégation de recevoir une réponse à la question qu’il a posée concernant le fait qu’on peut rester en détention pendant une période qui peut aller jusqu’à cinq jours avant que soit rendue une ordonnance d’arraigo. Si cela, comme on peut le penser, constitue une détention illégale, il serait utile de savoir quelles mesures ont été prises contre les responsables. À cet égard, Sir Nigel Rodley se demande, compte tenu de l’existence d’une juridiction militaire spéciale, comment les juges civils peuvent veiller à ce que des sanctions appropriées soient prises contre les militaires coupables de ces abus.

M me Motoc aimerait un complément d’information concernant la consultation des populations autochtones sur les terres desquelles on réalise des projets de développement. Il serait utile en particulier de savoir s’il est tenu compte d’une opposition éventuelle de leur part et s’il faut qu’il y ait consensus pour procéder à la réalisation du projet.

M. Lallah dit que le fait que le Mexique a mis sur pied un certain nombre de programmes concernant les risques auxquels sont exposés les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme n’apaise pas pour autant les préoccupations que leur sécurité cause au Comité car ils continent à être tués. C’est pourquoi il aimerait savoir quelles mesures, faisant partie ou à part des programmes dont il a précédemment été fait état, sont mises en œuvre pour assurer leur sécurité.

En ce qui concerne les activités de service communautaire des forces armées, l’État partie devrait dire si pareille fusion des autorités militaires et civiles est compatible avec les articles 2 et 14 du Pacte. Les militaires relèvent-ils de la juridiction militaire ou civile quand ils exécutent des activités non militaires ? M. Lallah aimerait savoir si des victimes civiles peuvent demander réparation si, dans l’exécution de ces activités, les militaires ont commis des violations des droits de l’homme et, dans ce cas, si c’est à des tribunaux militaires ou à des tribunaux civils qu’elles doivent s’adresser. Il aimerait aussi un complément d’information sur le point de savoir si la procédure de nomination des juges militaires diffère de la nomination de juges civils et sur la manière dont est assurée leur indépendance par rapport aux autorités qui les ont nommés. Il espère que, dans son prochain rapport, l’État partie donnera des renseignements plus précis sur la division entre militaires et civils relativement aux articles 2 et 14 du Pacte.

M. G ó mez S á nchez (Mexique) dit que les juges sont extrêmement exigeants en ce qui concerne les éléments de preuve demandés pour une ordonnance d’arraigo. Il faut qu’ils montrent avec un très haut niveau de certitude que le prévenu est probablement responsable du crime en question. Si, dans leur vaste majorité, les détenus soumis à la procédure d’arraigo sont détenus dans le Centre fédéral des enquêtes, situé dans le District fédéral, ils peuvent, pour des raisons de santé ou de sécurité, être détenus dans d’autres établissements, comme les hôpitaux. Assurer le respect des droits de l’homme des détenus est une priorité majeure ; en cas de violation présumée de ces droits, la plainte du détenu fait l’objet d’une enquête approfondie, tout comme c’est le cas de la manière dont le Bureau du Procureur public satisfait aux conditions nécessaires pour assurer la protection des droits des détenus. M. Gomez Sanchez fournira par écrit des statistiques sur les personnes qui ont subi la procédure d’arraigo pour que le Comité puisse mieux comprendre cette pratique et, il faut l’espérer, en apprécier l’efficacité.

M me de la Madrid (Mexique) dit que dans les quelques cas où un(e) détenu(e) qui fait l’objet d’une procédure d’arraigo est détenu(e) ailleurs que dans le Centre fédéral pour les enquêtes, c’est habituellement pour très peu de temps, dans l’attente de son transfert au Centre. Dans ces cas, la sécurité et la logistique de l’établissement ne doivent pas être inférieures à celles du Centre, conditions examinées de près par le juge qui rend l’ordonnance d’arraigo. Le personnel qui surveille les détenu(e)s du Centre doit répondre aux normes les plus strictes, notamment en ce qui concerne la protection des droits de la personne et le Centre lui-même peut se vanter d’appliquer les technologies les plus en pointe et de posséder des équipements qui garantissent un haut niveau de sécurité et de sûreté des détenu(e).

M. Dur á n Orteg ó n (Mexique) dit que la Commission nationale pour le plein développement des communautés autochtones oblige quiconque n’appartient pas à ces communautés à les consulter avant de lancer un projet sur leurs terres, mais, puisque cela n’est pas toujours le cas d’autres institutions, la Commission s’est employée à faire rédiger la loi déjà mentionnée sur la consultation de ces communautés. Cette loi envisage la mise en place d’un cadre réglementaire respectueux de leurs actions et de leurs droits et d’instaurer une politique de consultation à leur endroit.

M. Ch á vez Garc í a (Mexique) dit que le service militaire obligatoire, dans lequel on utilise le service communautaire pour inculquer certaines valeurs dans la jeunesse, est à distinguer du service militaire volontaire ou professionnel qui prépare les adultes à des situations de guerre, lesquels relèvent d’une juridiction militaire spéciale, ce qui n’est pas le cas des autres. Quand des militaires de métier commettent des crimes, ils sont soumis à enquête, jugement et, éventuellement, condamnation par des tribunaux militaires. Le Ministre de la défense nationale est chargé de nommer les juges militaires. Leur indépendance est assurée par un certain nombre de dispositions du code de justice militaire, qui caractérise comme graves délits les décisions arbitraires ou à motivation politique.

M. Guevara Berm ú dez (Mexique), tout en reconnaissant que les dispositifs actuellement en place pour protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme sont imparfaits, dit que quand les pouvoirs publics prennent conscience d’une menace contre la vie ou le bien-être d’un journaliste, ils demandent à la police d’aider dans l’application de mesures destinées à assurer la protection du journaliste, comme de mener une enquête et d’utiliser des caméras de surveillance et des talkies-walkies, le journaliste décidant, avec le concours de la police, quelles mesures sont le plus appropriées. Environ 25 mesures de ce type sont actuellement utilisées au Mexique.

Le débat couvert par le compte rendu analytique prend fin à 17 h 45.