Soixante-cinquième session

Compte rendu analytique de la 1737e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 26 mars 1999, à 10 heures

Président :Mme Medina Quiroga

Sommaire

Examen des rapports des États parties présentés conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique du Canada

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique du Canada (CCPR/C/103/Add.5)

Sur l’invitation de la Présidente, M me  Beckton, M. Deslauriers, M me  Fry, M. Hynes, M. Thérien, M. Tsai et M. Watts (Canada) prennent place à la table du Comité.

M me  Fry (Canada) dit que le Canada est une société diversifiée comptant deux langues officielles, 100 groupes ethniques et une importante population autochtone. Dans cette fédération composée de 10 provinces et deux territoires, la division des pouvoirs est consacrée dans la Constitution. Chaque juridiction dispose de codes et de chartes des droits de la personne qui s’appliquent aux secteurs tant public que privé et fournissent des recours efficaces et exécutoires pour les victimes de discrimination tandis que les accords fédéraux et provinciaux constituent la base d’un cadre social et économique commun visant à répondre aux besoins d’une société en évolution rapide. Cependant, du fait que la législation ne garantit pas l’exercice de fait des droits civils et politiques, elle doit être associée à une infrastructure favorisant les politiques et programmes publics et les partenariats avec la société civile, les organisations non gouvernementales (ONG), le secteur privé et les institutions. Ainsi par exemple, les mesures gouvernementales visant à lutter contre les délits racistes comprennent la mise en place de la Fondation canadienne des relations raciales, la convocation d’une table ronde nationale pour élaborer une stratégie globale sur cette question, l’amélioration de la formation de la police, des campagnes d’éducation, l’assistance à l’action communautaire et le renforcement de la législation en consultation avec les provinces et les territoires. La prolifération rapide de propagande raciste sur Internet est un défi qui appelle des solutions nationales et internationales novatrices.

Le Gouvernement canadien a récemment adopté une stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention de la criminalité, qui est fondée sur la notion qu’il est possible de lutter contre la criminalité en s’attaquant à ses causes profondes. Dans le cadre de cette stratégie des partenariats ont été financés pour rechercher des solutions locales et les priorités ont porté sur les questions relatives à la sécurité des femmes et aux autochtones et aux jeunes. La question de la violence à l’égard des femmes a été traitée par des peines plus sévères sanctionnant la traque, le renforcement de la réglementation du port d’armes, la criminalisation des mutilations génitales féminines, la limitation de l’emploi des dossiers médicaux comme preuve contre les plaignants dans des cas de violences sexuelles et l’exclusion de l’ivresse comme défense dans de tels cas. Le Gouvernement canadien a lancé une nouvelle initiative contre la violence familiale, et des programmes tenant compte des sensibilités culturelles sont actuellement élaborés à l’intention des communautés culturelles et ethniques où il peut être difficile d’aborder la question de la violence.

Droit à l’autodétermination et droits des personnesappartenant aux minorités (art. 1er et 27du Pacte)

La Présidente donne lecture des questions relatives aux articles premier et 27 du Pacte, à savoir la mise en œuvre du droit à l’autodétermination pour les peuples autochtones, l’issue des appels introduits auprès de la Cour suprême concernant l’interprétation de la section 35 de la Loi constitutionnelle, la négociation au niveau fédéral d’un cadre pour la mise en œuvre du droit à l’autonomie gouvernementale, y compris des traités ayant un statut constitutionnel, les activités de la Commission sur les revendications particulières des Indiens, les différends portés devant la Commission, y compris le cas de la bande des Indiens du Lac Lubicon, la mise en œuvre des recommandations figurant dans le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones, et les recommandations et les modifications apportées au système judiciaire à l’issue du rapport de la Commission d’enquête sur la justice autochtone.

M me  Fry (Canada) dit que le Gouvernement canadien a affirmé que l’autodétermination s’applique également à toutes les collectivités, qu’elles soient autochtones ou non, qui sont reconnues comme peuples en droit international. En ce qui concerne les peuples autochtones vivant au sein d’États démocratiques, le Gouvernement canadien reconnaît le droit à l’autodétermination fondé sur le respect de l’intégrité politique, constitutionnelle et territoriale des États concernés. La politique gouvernementale dans ce domaine se fonde sur le principe selon lequel les peuples autochtones ont le droit de s’administrer eux-mêmes et de prendre des décisions sur les questions affectant leurs communautés. Cette politique peut être mise en œuvre par des modalités d’autonomie gouvernementale autochtone ou par des dispositions prises par le Gouvernement, comme dans le cas du nouveau territoire de Nunavut qui aura un gouvernement représentatif et ouvert, où tous les résidents pourront voter et se présenter aux élections et où la langue inuit, l’inuktikut, sera une langue de travail du Gouvernement.

La Commission royale sur les peuples autochtones a présenté son rapport final en novembre 1996. La réponse du Gouvernement canadien intitulée « Gathering Strength : Canada’s Aboriginal Action Plan » (Rassembler les forces: Programme d’action du Canada pour les autochtones) commence par une déclaration de réconciliation qui reconnaît les erreurs et les injustices passées, contient la vision d’un avenir commun pour les peuples autochtones et les autres peuples et définit un cadre d’action concertée.

M. Watts (Canada) dit que le Gouvernement canadien ne délègue plus de pouvoirs législatifs aux groupes autochtones. Les provinces et les territoires sont considérés comme des parties nécessaires aux négociations, et les accords d’autonomie gouvernementale peuvent bénéficier de la protection de la Constitution. Ces modalités se fondent sur les principes suivants : le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale est un droit autochtone existant reconnu aux termes de la Constitution; l’autonomie gouvernementale doit être exercée dans le cadre de la Constitution canadienne; la reconnaissance de l’autonomie gouvernementale n’implique pas la souveraineté au sens international et les peuples autochtones demeurent ressortissants du Canada et de la province ou du territoire où ils résident; la Charte canadienne des droits et libertés continue de s’appliquer; les lois fédérales, provinciales, territoriales et autochtones ne doivent pas se contredire; certaines lois fédérales, telles que le Code pénal, l’emportent sur les règles d’autonomie gouvernementale; les intérêts de tous les Canadiens doivent être pris en considération lors de la négociation de modalités d’autonomie gouvernementale; et le Gouvernement canadien est disposé à ajuster les accords aux besoins des divers groupes autochtones. La juridiction autochtone porte sur les questions relatives à la culture, au Gouvernement et aux institutions spécifiques au groupe. Pour des questions qui ne sont pas strictement d’ordre interne, le pouvoir de légiférer demeure aux mains du Gouvernement fédéral ou provincial, et les lois fédérales ou provinciales l’emportent en cas de conflit avec les lois autochtones; ce sont par exemple les questions portant sur le divorce, l’administration de la justice, la protection de l’environnement, la gestion du secteur de la pêche, la défense et les relations extérieures. Les modalités d’autonomie gouvernementale peuvent prendre effet par divers mécanismes, notamment de nouveaux traités, des clauses additionnelles aux traités existants et des accords concernant les revendications territoriales.

La Commission sur les revendications particulières des Indiens a deux fonctions principales : mener des enquêtes et servir de médiateur. Le Ministère des affaires indiennes est chargé de mettre en œuvre les recommandations du rapport de la Commission. Le Service des revendications particulières du Département des affaires indiennes est le seul service gouvernemental qui se trouve sous la surveillance permanente d’une commission d’enquête. À la demande des Premières Nations, la Commission a examiné des revendications qui, d’après le Gouvernement canadien, ne comportaient pas d’obligations juridiques en souffrance. Elle mène également des enquêtes publiques sur les critères régissant les réparations en cas de désaccord entre les parties. Elle offre des services de règlement des différends et de médiation et peut servir de tierce partie dans les négociations.

La Commission n’a pas participé au règlement du cas de la bande des Indiens Cris du lac Lubicon. Les Indiens ont fait savoir que leur priorité à l’heure actuelle est de parvenir à un accord de règlement. Le Gouvernement canadien s’est engagé à ouvrir des négociations sur un accord d’autonomie gouvernementale à une date ultérieure.

La réponse du Gouvernement canadien aux recommandations figurant dans le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones, « Gathering Strength » (« Rassembler les forces »), est une approche à long terme qui offre des avantages ciblés et quantifiables à court terme et qui constitue un cadre d’action concertée pour les gouvernements fédéral, autochtones, territoriaux et provinciaux, le secteur privé et les Canadiens en général. Ce programme comporte quatre objectifs clefs : renouveler les partenariats entre le Gouvernement canadien et les peuples autochtones, renforcer la gouvernance autochtone, établir de nouvelles relations fiscales et appuyer des communautés, des économies et des peuples forts. Le Gouvernement canadien a présenté ses excuses aux victimes de sévices physiques et sexuels dans les pensionnats et a engagé 350 millions de dollars pour l’élaboration d’une stratégie de guérison. À cette fin la Fondation de guérison autochtone a été mise en place en tant qu’association sans but lucratif gérée par des autochtones, qui apportera son assistance, financière entre autres, à des projets communautaire de guérison qui remplissent les conditions requises mais qui ne font pas double emploi avec les programmes existants.

D’autres initiatives gouvernementales sont la mise en œuvre accélérée de la nouvelle politique de logement, l’allocation de ressources supplémentaires aux installations d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées dans les communautés des Premières Nations et l’amélioration de la vie des enfants autochtones. Le Gouvernement canadien axe son action sur la santé, la sécurité publique et l’enseignement, le développement économique, le respect des langues autochtones, l’héritage et la culture et les problèmes qui se posent aux métis, aux peuples autochtones urbanisés et ceux qui ne vivent pas dans les réserves.

M me  Beckton (Canada) dit que la Cour suprême a rendu plusieurs décisions importantes qui ont précisé la section 35 de la Loi constitutionnelle qui reconnaît les droits conventionnels et autochtones existants des peuples autochtones. Dans trois cas en 1996, la Cour suprême a décrété qu’en vue d’établir un droit autochtone, un groupe autochtone doit prouver qu’au moment des premiers contacts avec les Européens, l’activité considérée comme un droit faisait partie intégrante de sa culture spécifique. La Cour suprême a également considéré que, si un groupe autochtone peut prouver qu’au moment de sa souveraineté il occupait exclusivement un territoire avec lequel des liens importants étaient maintenus, il a droit à l’utilisation et à l’occupation exclusives de ces terres. Bien que la section 35 ne prévoie pas de dérogations aux droits conventionnels autochtones existants, la Cour suprême a confirmé que l’État peut intervenir dans les droits autochtones, y compris les droits fonciers autochtones, à condition que cette intervention puisse être justifiée par la promotion d’un objectif législatif impérieux et important.

L’État du Manitoba a effectué un examen approfondi du rapport de la Commission d’enquête sur la justice autochtone. La possibilité de mettre en place un système de justice autochtone avec une charte distincte et éventuellement un code pénal distinct semble excéder les pouvoirs législatifs du Manitoba. Les autorités se sont donc efforcées de trouver des moyens de rendre le système existant plus sensible aux besoins de la population autochtone. Les négociations avec divers conseils tribaux et groupes autochtones ont révélé que les questions relatives à la justice étaient considérées comme un élément clef dans ce processus et des efforts ont été déployés pour renforcer le contrôle autochtone par une série de programmes qui comprennent notamment la stratégie de justice autochtone du nord avec un tribunal d’instance autochtone et des employés de justice autochtones; un programme d’employés de justice autochtones et un comité de justice autochtone pour les jeunes. Au niveau fédéral, une stratégie de justice autochtone a été mise en place en tant que programme communautaire comprenant 51 accords et desservant 69 communautés.

Droits des étrangers (art. 13 du Pacte)

La Présidente donne lecture des questions relatives à l’article 13 du Pacte, à savoir le droit des demandeurs d’asile à un avocat, la mise en œuvre du droit au réexamen d’un arrêté d’expulsion et la protection contre la torture et les traitements inhumains dans le cadre du nouveau projet de loi sur l’extradition (projet C-40).

M. Thérien (Canada) dit qu’en vertu de la loi canadienne sur l’immigration, les demandeurs d’asile ont le droit de recourir aux services d’un avocat ou d’un conseiller à leurs propres frais. Dans la pratique, bien qu’ils n’aient pas droit à une assistance judiciaire gratuite, cette dernière leur est néanmoins accordée et elle est financée par des ressources fédérales destinées aux programmes d’enseignement post secondaire et de santé.

M. Tsai (Canada) dit que les tribunaux fédéraux ne peuvent réexaminer les arrêtés d’expulsion que s’ils en ont reçu l’autorisation lorsque le cas du demandeur est défendable. Le Gouvernement canadien considère néanmoins que les demandeurs ont pleinement accès aux tribunaux canadiens. Un grand nombre des cas jugés par les tribunaux fédéraux concerne des immigrants ou des demandeurs d’asile dont la majorité peut en fait exercer son droit de contester un arrêté d’expulsion. Les arrêtés d’expulsion ne peuvent pas être mis à exécution tant qu’une décision n’a pas été rendue en appel et les affaires sont souvent jugées le soir et le week-end. Bien que les décisions des tribunaux soient limitées aux questions de droit et de juridiction, les raisons d’annuler un arrêté d’expulsion sont nombreuses et peuvent inclure des erreurs factuelles évidentes.

M me  Beckton (Canada) dit que le nouveau projet de loi sur l’extradition (projet C-40) amendera la législation canadienne sur l’extradition. Le processus d’extradition comporte deux étapes : en premier lieu un juge canadien examine les preuves et il décide si l’acte pour lequel l’extradition est demandée constitue un délit au Canada. Si le juge décide que l’individu est passible d’extradition, le cas parvient au Ministère de la justice qui décide s’il doit être extradé ou non compte tenu de la législation pertinente, des traités applicables et de la Charte canadienne des droits et libertés. La personne en question a le droit de présenter des conclusions au ministre en ce qui concerne cette décision.

À la différence de la loi existante, le projet de loi C-40 contient des dispositions détaillées sur les raisons d’un refus d’une demande d’extradition. Plus particulièrement l’extradition d’un individu peut être refusée si elle est injuste ou oppressive ou si elle a été présentée aux fins de poursuivre en justice ou de punir une personne en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique, de sa langue, de sa couleur, de ses opinions politiques, de son sexe, de ses préférences sexuelles, de son âge, de son handicap mental ou physique ou de son statut. La Cour suprême a décidé qu’il était inconstitutionnel pour le Ministre de la justice d’ordonner l’extradition si les circonstances dans lesquelles la personne se trouvera dans l’autre État sont inacceptables ou qu’elles choquent la conscience des Canadiens. La décision du Ministre de la justice peut toujours faire l’objet d’un réexamen par la cour d’appel compétente ou éventuellement par la Cour suprême.

Cadre constitutionnel et juridiquedans lequel s’applique le Pacte (art. 2 du Pacte)

La Présidente donne lecture des questions relatives à l’article 2 du Pacte, à savoir les conséquences de la révision constitutionnelle de 1997 sur le statut du Pacte dans le droit canadien, la mise en œuvre du Pacte et des observations du Comité par la Cour suprême et les instances inférieures, l’élaboration des rapports à présenter en vertu du Pacte et la suite donnée aux observations finales du Comité conformément à l’article 40 ainsi qu’aux observations du Comité en vertu du Protocole facultatif, en particulier par les gouvernements provinciaux, les amendements proposés à la loi canadienne sur les droits de la personne et l’issue de ces propositions.

M me  Fry (Canada) dit que les rapports présentés par le Canada conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris le Pacte, sont élaborés en coopération étroite avec les autorités provinciales et territoriales. Chaque niveau de gouvernement (fédéral, provincial et territorial) élabore son propre rapport. Depuis 1976, le Comité permanent des responsables chargés des droits de la personne, composé de représentants de toutes les juridictions canadiennes, se réunit deux fois par an pour examiner les rapports que le Canada présentera aux organismes créés en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et pour débattre de la suite à donner aux observations finales des comités pertinents, qui sont également communiquées aux gouvernements provinciaux et territoriaux.

Lors de l’élaboration du quatrième rapport périodique du Canada, plus de 250 organisations non gouvernementales canadiennes ont été invitées à présenter au Gouvernement canadien et au Comité des droits de l’homme leurs observations sur la mise en œuvre du Pacte par le Canada. En 1986, le Comité permanent a adopté des directives concernant les réponses des gouvernements provinciaux aux communications présentées en vertu du premier Protocole facultatif au Pacte. Ces directives prévoient que les provinces sont responsables de l’élaboration, en consultation avec le Gouvernement fédéral, des conclusions sur les communications concernant leurs juridictions respectives.

Abordant les questions 11 et 12, la représentante du Canada dit que des amendements récents à la loi canadienne sur les droits de la personne ont amélioré la structure du tribunal. La Commission canadienne des droits de la personne peut présenter son rapport directement au Parlement, ce qui souligne son indépendance par rapport au Gouvernement. À son tour le Tribunal des droits de la personne présente également directement son rapport au Parlement, indépendamment de celui de la Commission. Ce système garantit que les décisions du Tribunal sont indépendantes car la Commission est souvent une partie nommée dans les plaintes. Finalement la loi canadienne sur les droits de la personne a été amendée en 1996 pour interdire la discrimination fondée sur les préférences sexuelles.

M me  Beckton (Canada) dit que, s’agissant des questions 8 et 9, les écoles confessionnelles au Québec et au Manitoba ne peuvent être financées que par des sources privées. Le droit international ne s’applique pas automatiquement au Canada, et les tribunaux ont affirmé que les obligations conventionnelles du Canada relèvent de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Pacte a une influence de plus en plus grande cependant dans les décisions des tribunaux.

M me  Fry (Canada) dit, en réponse à la question 13, que le site Internet du Gouvernement canadien contient le texte de tous les rapports périodiques et des observations finales du Comité. Le rapport actuel a été également distribué aux organisations non gouvernementales, aux bibliothèques, à la Commission canadienne des droits de la personne et au bureau du médiateur. Des informations sur le Pacte sont fournies dans le cadre de l’information générale sur les droits de la personne et sur les lois spécifiques du Canada. Une formation spéciale aux droits de la personne est dispensée aux officiers de police, aux juges et aux avocats. Les consultations avec les organisations non gouvernementales dans l’élaboration du rapport ont également contribué à la diffusion d’informations sur le Pacte.

Abordant les questions 14 et 15, la représentante du Canada dit que l’égalité entre les sexes est consacrée dans la Charte canadienne des droits et libertés, de même que la prévention de la discrimination. Dans ce contexte, l’égalité est considérée comme signifiant l’égalité de résultat, et des mesures positives ont donc été prises pour compenser les avantages historiques. Dans l’élaboration des politiques, les conséquences des décisions sur les femmes et les hommes doivent être prises en considération et l’élaboration des politiques est donc liée à la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing. Il reste encore beaucoup à faire et l’analyse fondée sur les sexes n’est malheureusement pas encore automatique. Le Canada s’est efforcé de faire participer les femmes à la vie politique et d’améliorer leur accès à la politique par des mesures telles que l’égalité d’accès aux ressources financières pour les campagnes électorales dans la phase de nomination. En raison de ces difficultés, des mesures ont été prises pour nommer des femmes dans la fonction publique. À l’heure actuelle 60 femmes sont nommées à la Chambre des communes et 31 femmes au Sénat. Toutefois les femmes sont encore sous-représentées. Des objectifs ont été fixés dans la loi fédérale relative à l’égalité d’emploi pour parvenir à la parité hommes-femmes.

En ce qui concerne la discrimination en matière de salaires, au niveau fédéral l’égalité de rémunération pour un travail égal est obligatoire. Le Gouvernement canadien a déjà versé 1 milliard de dollars canadiens pour régler des revendications concernant la discrimination en matière de salaires, bien qu’il préfère des règlements négociés. Les lois relatives à l’égalité de rémunération doivent également faire l’objet de précisions.

S’agissant de la question 16, le fait que la loi sur les Indiens est exemptée de l’application de la loi canadienne sur les droits de la personne visait initialement à s’assurer que la Commission canadienne des droits de la personne n’empiète pas sur la juridiction interne des bandes autochtones. Depuis l’introduction de cette exemption cependant, la Commission a trouvé des raisons d’accepter des contestations des activités des bandes. Lors du prochain examen de la loi canadienne sur les droits de la personne, une commission d’enquête indépendante examinera toutes les exemptions à cette loi, y compris la loi sur les Indiens. Étant donné les nouveaux pouvoirs confiés aux peuples des Premières Nations dans le cadre du processus d’autonomie gouvernementale, il est extrêmement important de déterminer si les lois relatives aux droits de la personne doivent s’appliquer à cette forme de gouvernement.

M me  Beckton (Canada) dit, en réponse à la question 17, que le principal instrument protégeant la liberté d’opinion individuelle est la Charte canadienne des droits et libertés. La protection des vues minoritaires est clairement énoncée dans la Charte qui protège toutes les formes d’expression, y compris l’expression de la haine et l’emploi de l’obscénité. La loi prévoit également la libre circulation de l’information mais les tribunaux ont fixé des normes strictes pour déterminer si cette information porte atteinte à d’autres droits.

M me  Fry (Canada) dit, en réponse à la question 19, que la Charte canadienne des droits et libertés protège les droits aux langues officielles. Ces protections sont complétées par la loi fédérale relative aux langues officielles qui protège également les communautés parlant des langues minoritaires. En vertu de la Constitution, certaines responsabilités concernant les langues officielles sont confiées aux provinces et aux territoires. Ainsi par exemple, les provinces et les territoires doivent assurer l’enseignement dans les langues minoritaires lorsque le nombre d’élèves le justifie. En outre toute personne a le droit d’employer l’anglais et le français dans le corps législatif et les tribunaux du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba, et les lois doivent également être promulguées dans les deux langues dans ces provinces.

M. Deslauriers (Canada) dit, en ce qui concerne la loi relative à la langue au Québec, que tous les citoyens au Québec ont des droits égaux en vertu de la Charte québécoise et de la Charte canadienne des droits et libertés. La discrimination fondée sur la langue est interdite et toutes les minorités ethniques ont le droit de jouir de leur culture. Les lois et les règlements sont publiés à la fois en français et en anglais; ces deux langues ont le même statut et peuvent être employées dans les procédures judiciaires. La communauté anglophone du Québec a le droit de bénéficier d’un système d’enseignement public intégral en anglais et de recevoir des services sociaux et des soins de santé en anglais. Les communautés où l’anglais est la langue majoritaire peuvent opter pour le bilinguisme et elles peuvent donc employer l’anglais dans l’administration municipale. La communauté anglophone dispose de ses propres chaînes de télévision et de radio et d’institutions culturelles propres qui bénéficient des mêmes droits au financement par le Gouvernement.

M. Hynes (Canada) dit, en réponse à la question 18, que le rapport de la Commission des droits de la personne de l’Ontario sur le racisme systématique dans le système de justice pénale a été communiqué à plus de 500 magistrats pour observations. Au 1er janvier 1999, de nouveaux règlements ont été adoptés concernant le Service spécial d’enquêtes. Le non-respect de ces règlements est considéré comme faute professionnelle. En vertu de ces nouveaux règlements, les préfets de police doivent aviser le Service spécial d’enquêtes si des incidents se produisent, et l’isolement des officiers concernés est requis. Les officiers ont droit à un avocat et doivent être interrogés dans les 24 heures suivant l’incident. Par ailleurs le budget pour les enquêtes a été triplé. Le Manuel de formation de la Couronne a également fait l’objet d’un examen. Les principales recommandations, qui sont sur le point d’être mises en œuvre, concernent l’exercice de la discrétion du procureur par exemple dans l’établissement de la caution.

M me  Evatt dit que, bien que le rapport du Canada n’aborde pas l’article premier du Pacte en détail, Mme Fry a parlé du droit des autochtones à l’autonomie gouvernementale dans le contexte de l’autodétermination. Mme Evatt souhaite savoir quelles sont les distinctions établies par le Canada entre l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale. La Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé au Gouvernement canadien de reconnaître que les peuples autochtones ont droit à l’autodétermination et de veiller à ce que ces peuples disposent de droits fonciers et de ressources suffisantes pour l’autonomie gouvernementale. Mme Evatt voudrait savoir quelles sont les recommandations spécifiques de la Commission royale qui ont été mises en œuvre.

En ce qui concerne les étrangers et les réfugiés, il n’est toujours pas clair si une violation éventuelle des droits consacrés dans le Pacte doit être prise en compte lors de la décision d’extrader une personne qui a demandé le statut de réfugié. De même, Mme Evatt se demande si des personnes passibles d’expulsion peuvent alléguer que leurs droits ont été violés en vertu du Pacte, et combien de temps les réfugiés doivent attendre avant d’obtenir le droit à la résidence permanente et des documents de voyage et d’être réunis avec leur famille.

En ce qui concerne les obligations internationales du Canada, Mme Evatt demande si le Parlement joue un rôle dans le processus de présentation des rapports internationaux et si les pouvoirs législatif et exécutif sont responsables de la mise en œuvre du Pacte. Le Comité souhaite savoir si des lacunes existent entre les garanties offertes par la Charte des droits et libertés et par le Pacte, et quel est le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne dans la mise en œuvre des instruments internationaux.

Sur la question des droits des femmes, Mme Evatt se demande dans quelle mesure les différences de ressources économiques entre les hommes et les femmes affectent l’exercice de leurs droits et si le programme intitulé « Court Challenge » (Contestation devant les tribunaux) s’applique également aux femmes. Le Comité souhaiterait savoir si des mesures ont été prises pour assurer l’égalité pour les femmes autochtones, si la discrimination fondée sur le sexe dans le cadre de la loi sur les Indiens peut faire l’objet d’examens et si la Commission royale a formulé des recommandations spécifiques dans ce domaine. Finalement Mme Evatt demande quel est le nombre de femmes et de membres autochtones qui siègent au Sénat.

M. Scheinin dit que le Canada pourrait servir de modèle aux autres pays pour son approche conciliant le droit à l’autodétermination de tous les peuples avec l’intégrité territoriale des États. La Commission royale sur les peuples autochtones a souligné à juste titre que tant la question de l’autodétermination que celle de l’autonomie gouvernementale se posent au Canada, mais le rapport de ce pays ne mentionne que l’autonomie gouvernementale et n’aborde pas du tout la question de l’article premier du Pacte. M. Scheinin demande si le Gouvernement canadien a pour politique de demander aux peuples autochtones d’abandonner leurs droits sur leurs terres et leurs ressources afin de conclure des arrangements conventionnels même si les nouveaux traités contiennent une clause d’extinction ou une clause de conversion.

La lenteur des progrès dans le règlement des questions relatives aux terres et aux ressources est un motif de préoccupation, et de nombreux peuples autochtones risquent de disparaître si des solutions ne sont pas trouvées. M. Scheinin demande si des progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones pour régler ces questions, ce qui pourra servir de fondement pour l’autodétermination et l’autonomie gouvernementale. Un exemple où la question de l’extinction se pose est le cas des Indiens du lac Lubicon. M. Scheinin demande si ce groupe a obtenu des droits plus importants. La citoyenneté autochtone est une part importante de l’autodétermination. Du fait que la loi sur les Indiens régit encore la citoyenneté dans les divers territoires autochtones, M. Scheinin demande si des mesures sont prises pour éliminer tout élément de discrimination fondée sur le sexe dans cette loi.

Compte tenu d’informations selon lesquelles le Gouvernement canadien a fait valoir devant les tribunaux que la sécurité nationale ou la prévention de la criminalité peuvent l’emporter sur des craintes bien documentées de torture ou de mauvais traitements par suite d’expulsions, M. Scheinin demande si le Gouvernement canadien s’acquitte de ses obligations juridiques internationales concernant l’expulsion des étrangers ou s’il laisse cette responsabilité aux autorités judiciaires. M. Scheinin souhaite également savoir si à l’avenir le Gouvernement canadien donnera suite aux demandes de mesures intérimaires de protection dans les cas d’expulsion ou d’extradition. Les informations émanant de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et du Comité contre la torture sont des motifs de préoccupation.

M. Wieruszewski dit que le rapport du Canada contient très peu d’informations sur l’article premier du Pacte. Il demande des informations sur les principales difficultés qui se sont posées au Gouvernement canadien en ce qui concerne l’autodétermination des peuples autochtones, et il voudrait savoir si des mesures spécifiques ont été prises pour remédier à cette situation. Le Comité souhaite savoir pourquoi les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones n’ont pas été mises en œuvre d’une façon qui améliorerait la situation de la population autochtone. Il voudrait également connaître les conséquences de la Déclaration de relation politique (par. 607) sur le développement économique et sur la gestion des ressources dans les communautés autochtones en Ontario. M. Wieruszewski demande également dans quelle mesure la Commission canadienne des droits de la personne constitue un recours efficace et important en cas de violations des droits de l’homme et combien de fois cette commission a usé de ses pouvoirs discrétionnaires pour mettre un terme à des procédures concernant des plaintes.

M. Klein dit que la déclaration faite par la Commission canadienne des droits de la personne au paragraphe 279 du rapport, selon laquelle la situation des peuples autochtones demeure le problème le plus pressant auxquels sont confrontés les Canadiens en matière de droits de la personne, semble être une évaluation réaliste de la situation des peuples autochtones. Il est encourageant de noter que le Canada est disposé à régler cette question dans le cadre de l’autodétermination; cependant il faut développer les éléments de ce concept et les mettre en pratique. M. Klein demande des renseignements complémentaires sur les décisions prises par la Cour suprême qui cite des raisons impérieuses pour limiter les droits des peuples autochtones; il voudrait également savoir dans quelle mesure les articles premier et 27 du Pacte ont été pris en considération dans la formulation de ces raisons.

Compte tenu des informations fournies, il semble que le Programme canadien de santé et de transferts sociaux ne soit pas réellement équivalent au Régime d’assistance public qu’il a remplacé. M. Klein demande si la suppression de ce programme a eu des conséquences préjudiciables sur l’exercice des droits civils et politiques tels que ceux qui sont énoncés aux articles 23 et 24 du Pacte. Sur la question des recours, bien que le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte n’impose pas de recours juridiques pour les allégations de violations des droits de l’homme, et que la Commission canadienne des droits de la personne puisse être considérée comme une autorité compétente en vertu de cet article, M. Klein demande quels sont les avantages à faire examiner ces allégations par la Commission et ce que le Gouvernement canadien envisage de faire pour élaborer d’éventuels recours juridiques.

Le paragraphe 53 du rapport fait allusion à des observations faites en obiter par les tribunaux selon lesquelles l’extradition d’une personne vers un pays où elle risque d’être torturée viole la Charte canadienne des droits et libertés. M. Klein demande s’il est vrai que le Gouvernement canadien a expulsé ou extradé des personnes en dépit de ce risque si la sécurité nationale du Canada est en jeu. Des décisions récentes rendues par la Cour suprême semblent laisser entendre que c’est bien le cas. Enfin le Comité voudrait savoir si la complicité de l’État est une condition préalable pour déterminer l’existence d’un risque de persécution ou de torture dans un autre pays.

Lord Colville dit qu’il semble qu’en vertu de la loi sur le Nunavit, les habitants ont des droits sur les minéraux et les pêches dans leur territoire et que l’Accord définitif avec les Premières Nations comprendra des droits sur les terres et sur les ressources pour les Indiens du Yukon. Il demande quelles sont les mesures prises en faveur des territoires plus anciens qui sont parvenus à l’autodétermination plus tôt et qui, dans un certain nombre de cas, n’ont pas obtenu de droits sur les ressources naturelles de sorte que leur capacité de survie est fortement réduite. Dans le cas du Québec, bien qu’il soit possible aux groupes autochtones d’ouvrir des négociations distinctes si la question de la sécession se posait, ils ne seraient pas en mesure de le faire sur un pied d’égalité à moins d’avoir des compétences économiques.

Lord Colville ne pense pas que la Commission canadienne des droits de la personne et les commissions provinciales de droits de la personne constituent un recours efficace comme l’exige le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte en raison de l’arriéré des cas et du fait que les plaintes privées ne peuvent être présentées aux tribunaux sans l’appui de la commission compétente.

M me  Chanet dit que, du fait que le rapport de l’État partie porte sur la mise en œuvre de la Charte canadienne des droits et libertés et non sur le Pacte et que le Canada considère même ce dernier comme un moyen d’interpréter la Charte canadienne, ce rapport n’est pas conforme aux directives du Comité. Elle estime elle aussi que la Commission canadienne des droits de la personne ne constitue pas un recours efficace car elle agit comme mécanisme permettant de filtrer les plaintes. La situation est différente au Québec où les individus peuvent s’adresser directement aux tribunaux en cas de violation des droits de l’homme.

L’égalité intégrale n’existe pas au Canada en ce qui concerne le niveau des garanties, en particulier pour les peuples autochtones, les étrangers et les réfugiés. S’agissant des peuples autochtones, il semble que, dans les accords signés avec les peuples des Territoires du Nord-Ouest et les Inuit, les droits de ces peuples sur leurs terres et leurs ressources sont continuellement érodés, ce qui est une façon de régler la question de l’autodétermination. Mme Chanet demande des précisions sur cette question.

Il semble que les réfugiés et les étrangers peuvent être détenus pour des périodes indéfinies du fait que la loi sur l’immigration ne comprend pas de dispositions sur la durée de la détention ou le recours à un juge, et dans certains cas la détention a lieu en prison. Mme Chanet demande quel est le rôle du juge et quelles sont les garanties accordées aux personnes détenues. Elle demande également s’il y a eu des cas où le Gouvernement canadien a extradé ou expulsé des personnes vers des pays où elles pourraient être soumises à la torture, et s’il envisage d’accéder aux requêtes concernant des mesures intérimaires de protection.

M me  Gaitan de Pombo demande des informations complémentaires sur les nouvelles relations entre le Gouvernement canadien et les peuples autochtones et sur les progrès enregistrés par les peuples autochtones dans leurs revendications territoriales depuis la publication du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996.

M. Ando, se référant à la question de l’autodétermination, dit que lorsqu’une communication individuelle provient du Canada, comme c’est le cas pour la bande des Indiens du lac Lubicon, la question se pose de savoir si elle doit être considérée dans le cadre de l’article premier ou de l’article 27 du Pacte. Du fait que le Protocole facultatif ne permet pas aux groupes de présenter des demandes, le Comité a décidé d’examiner cette communication dans le cadre de l’article 27 qui concerne les minorités. M. Ando souhaite savoir ce que le Canada entend exactement par « autodétermination » du fait que d’après le rapport ce concept semble revêtir une signification particulière. Il serait utile également de connaître la position des gouvernements fédéral et provinciaux lorsque les lois traditionnelles des groupes autochtones sont en conflit avec les dispositions du Pacte.

Au paragraphe 197 du rapport, le Canada mentionne le problème des violences des sectes dont sont victimes les femmes et les enfants au Canada. Des informations complémentaires sur cette question seraient les bienvenues. En ce qui concerne la loi sur les langues au Québec, le rapport mentionne les restrictions imposées à la publicité dans des langues autres que le français et l’emploi obligatoire du français dans le périmètre des écoles (par. 497 et 498). Du fait que le rapport est daté d’avril 1997, il serait utile de savoir comment la situation a évolué. Dans sa présentation, Mme Fry a mentionné un amendement récent à la loi canadienne sur les droits de la personne portait sur la mise en place d’un tribunal permanent des droits de la personne. Il n’est pas clair s’il s’agit du même tribunal mentionné au paragraphe 270 du rapport; dans le cas contraire le Comité serait reconnaissant d’avoir des informations sur la compétence juridictionnelle de ce tribunal et ses rapports avec les autres juridictions.

M. Amor dit que la notion d’autodétermination est actuellement une question qui fait l’objet de discussions considérables au niveau international et qui semble avoir une signification particulière au Canada. Dans le rapport cette notion semble être dynamique et fonctionnelle, et son contenu et sa portée peuvent varier dans des circonstances différentes. Des précisions seraient appréciées à cet égard. Il semble qu’au Canada l’autodétermination ne comprend pas la souveraineté sur les ressources naturelles, ce qui prive les groupes concernés de pouvoirs de négociation suffisants pour obtenir l’autodétermination intégrale. En ce qui concerne la question des terres, il semble que les autochtones peuvent obtenir des titres de propriété s’ils peuvent prouver que le droit foncier est ancien. Cependant il devrait y avoir une présomption de propriété autochtone à moins de preuve du contraire. La question de la preuve est importante car elle n’est pas simple à établir et que la réversibilité peut être un moyen d’esquiver cette question fondamentale.

Le Comité serait reconnaissant à la délégation canadienne de lui faire savoir si la jurisprudence a défini des critères précis pour l’octroi ou le refus de l’asile et si ces critères sont interprétés de manière souple ou rigide. En ce qui concerne la question de la liberté du culte pour certains groupes religieux ou certaines religions nouvelles, il serait intéressant de savoir quelle est la suite donnée à l’affaire de l’Ordre du temple solaire. Par ailleurs s’agissant de la couverture de cette affaire par les médias, lorsque la liberté de la presse sert à pratiquer l’amalgame et à considérer tous les groupes minoritaires et religions comme des sectes au sens péjoratif du terme, il peut s’ensuivre un risque de persécution religieuse. Par ailleurs même si le Canada assure le droit à l’éducation religieuse, certaines minorités pourraient abuser de ce droit à des fins d’endoctrinement politique ou pour diffuser l’obscurantisme religieux. Il serait utile de savoir si les autorités peuvent surveiller ce genre d’éducation pour s’assurer que la liberté du culte ne fait pas l’objet d’abus.

Finalement les droits des femmes sont parfois restreints au nom de la liberté du culte, et il serait utile de savoir si les autorités canadiennes envisagent de prendre des mesures pour protéger les femmes contre certains abus religieux. Par ailleurs dans le cas de certaines minorités religieuses vivant au Canada, il n’est pas clair si le statut personnel des femmes est défini par leur religion ou par le droit canadien, en particulier en ce qui concerne les droits de succession.

M. Zakhia dit que les pays où règne une égalité véritable entre les femmes et les hommes, comme les pays scandinaves, reconnaissent le principe de la parité. Il souhaite savoir s’il existe au Canada une politique sur la parité entre les sexes. Il serait utile de savoir si les organisations non gouvernementales peuvent intervenir auprès des tribunaux dans des cas de violations des droits de l’homme car elles apportent souvent une aide extrêmement efficace.

Le Comité a entendu dire que le gouvernement de l’Ontario a réduit les ressources budgétaires affectées aux services sociaux de base. En conséquence plusieurs hôpitaux publics ont été fermés et des hôpitaux relevant de l’Église catholique fournissent certains services. M. Zakhia est préoccupé par les conséquences de cette mesure sur certains droits des femmes. Finalement il n’est pas clair pourquoi le gouvernement de l’Ontario n’a pas ouvert d’enquête publique sur le décès de Dudley George bien que les tribunaux et les organisations nationales et internationales en aient fait la demande.

M. Solari Yrigoyen est lui aussi préoccupé par le fait que le rapport du Canada semble se fonder sur la Charte canadienne des droits et libertés et non sur le Pacte. Il serait utile de savoir quelle est la position du Gouvernement canadien concernant le décès de Dudley George du fait qu’il y a des craintes que ce soit une exécution sommaire et il semble que les autochtones concernés n’étaient pas armés. Le Comité a été informé qu’un témoin autochtone a été arrêté moins d’une heure avant d’avoir fait sa déposition, ce qui a intimidé les autres témoins. Il y a eu également des menaces contre la famille de Dudley George. Le Comité voudrait savoir dans quelle mesure ces informations sont correctes.

Le Comité serait également reconnaissant d’avoir des informations concernant la position du Gouvernement fédéral sur le référendum sur l’indépendance au Québec; plus particulièrement s’il est neutre ou s’il estime que le Québec doit demeurer au sein du Canada. Enfin le Comité souhaiterait avoir des informations sur l’issue de l’enquête concernant la participation de soldats canadiens aux sévices commis lors d’une mission de l’UNOSOM II en Somalie en 1993. On sait que le régiment en question a été dissous depuis mais des informations doivent être fournies sur ce qui s’est passé avec les soldats individuellement concernés.

M. Lallah dit qu’il s’associe aux observations faites par les orateurs précédents concernant l’autodétermination dans le contexte de l’article 27 du Pacte, et il souligne que, dans le cas du droit des peuples autochtones à l’autodétermination, il est extrêmement important de considérer l’article 27 du Pacte en relation avec l’article premier du fait que le mode de vie autochtone fait partie de la culture et qu’il est intimement lié à l’utilisation des terres et des ressources. En ce qui concerne l’affaire Kindler, mentionnée au paragraphe 41 du rapport, il n’est pas clair si le Canada modifiera sa politique d’extradition afin de ne pas expulser des personnes passibles de la peine de mort dans leur propre pays. Des précisions supplémentaires seraient les bienvenues.

D’après M me  Fry, la Commission fédérale des droits de la personne et les Commissions provinciales des droits de la personne présentent des rapports au Parlement. Des informations supplémentaires seraient utiles sur le succès d’une telle mesure de filtrage et si elle favorise les droits de l’homme ou si au contraire elle leur est préjudiciable. Le rapport de l’État partie contient des chiffres sur les plaintes dans le cas de la province du Québec mais ne mentionne pas les résultats. Le Comité souhaiterait de plus amples détails.

M. Pocar estime lui aussi que le rapport du Canada ne se réfère pas suffisamment au Pacte mais qu’il montre plutôt comment les droits sont mis en œuvre dans le cadre de la Charte canadienne des droits et libertés. Il existe des différences importantes entre la Charte et le Pacte en ce qui concerne par exemple la définition de la torture. Le Canada doit préciser si les normes canadiennes sont compatibles avec les normes internationales concernant la torture.

M. Kretzmer dit, du fait que le rapport est axé davantage sur la Charte canadienne des droits et libertés et non sur le Pacte, qu’il n’est pas clair dans quelle mesure l’État partie prend en considération les obligations spécifiques qui lui incombent en vertu du Pacte, en particulier en ce qui concerne les articles 2, 26 et 18. Une discrimination existe entre les diverses confessions religieuses dans le domaine de l’enseignement car des privilèges spéciaux sont accordés en vertu de la Charte canadienne à deux religions, la religion catholique et la religion protestante. Le Canada est à présent une société multiethnique et il est possible qu’une telle position soit contradictoire avec les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

La séance est levée à 13 heures.