NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.1941

12 septembre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-douzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1941e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 18 juillet 2001, à 10 heures

Président: M. BHAGWATI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique du Guatemala (suite)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Guatemala (CCPR/C/GTM/99/2; CCPR/C/71/L/GTM) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation guatémaltèque reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité qui ne l’auraient pas encore fait à poser oralement leurs questions complémentaires.

3.Sir Nigel RODLEY partage pleinement les préoccupations des autres membres du Comité concernant la situation des droits de l’homme au Guatemala. Lui‑même s’est rendu dans ce pays en 1985 et, si le processus de paix a permis d’améliorer sensiblement le respect des droits de l’homme, depuis lors il est troublant de constater qu’un certain nombre de pratiques perdurent néanmoins, comme les intimidations, les menaces de mort par téléphone, etc. En outre, toutes les atrocités qui ont été commises durant la période précédant les accords de paix n’ont pas fait l’objet d’une enquête. La situation est aussi aggravée par le fonctionnement de la police nationale civile.

4En ce qui concerne la question de l’impunité pour les violations des droits de l’homme, elle ne relève pas seulement du passé. L’impunité existe encore aujourd’hui, et le Comité est préoccupé par cette situation de non‑respect du droit, par toutes les composantes de la société, y compris les responsables de l’application des lois. Le ministère public a‑t‑il engagé des poursuites contre des individus ou des groupes, en particulier au sein des forces armées, dans des affaires de disparition, d’assassinat ou de torture datant d’avant les accords de paix, et avec quels résultats?

5.Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme paraissent avoir la même valeur que la Constitution. Si tel est bien le cas, que se passe‑t‑il en cas de conflit entre plusieurs normes constitutionnelles? Comment sont conciliés, par exemple, l’obligation de poursuivre les auteurs de violation des droits de l’homme et le droit à l’immunité parlementaire? La délégation guatémaltèque a évoqué les difficultés auxquelles les autorités compétentes se heurtent pour mener des enquêtes et établir les faits. Il ne semble toutefois pas difficile de déterminer le lieu où se sont déroulés des massacres, qui y a pris part et qui les a ordonnés. À l’évidence, certaines atrocités flagrantes n’ont toujours pas été portées devant la justice. En outre, il conviendrait de savoir si les nouvelles dispositions législatives prévoyant que les tribunaux militaires ne sont plus compétents pour juger les membres des forces armées dans les affaires de disparition, d’assassinat ou de torture ont un effet rétroactif et s’appliquent aux délits commis avant les accords de paix.

6.En ce qui concerne la peine capitale, la délégation guatémaltèque a indiqué que le Président de la République pouvait commuer la peine d’un condamné et a cité l’exemple de Pedro Rax Cucul. La mesure présidentielle a‑t‑elle été accordée à ce dernier en vertu des obligations internationales de l’État partie ou du fait qu’à l’époque de sa condamnation le droit de grâce présidentiel n’avait pas encore été supprimé? Apparemment, Pedro Rax Cucul a vu sa peine commuée parce qu’il était schizophrène, et que son procès s’était déroulé en espagnol, langue qu’il ne comprenait pas. Si tel est le cas, comment se fait‑il que cette personne ait pu déjà être condamnée en première instance et, de surcroît, qu’aucune juridiction d’appel n’ait infirmé ce jugement? Le fait que la procédure visant Pedro Rax Cucul soit parvenue au stade de la grâce présidentielle ne laisse pas de surprendre. On peut légitimement se demander comment la population guatémaltèque peut avoir confiance dans l’administration de la justice par les tribunaux de son pays. De plus, il existe sûrement des cas où la peine capitale n’a pas été commuée par le Chef de l’État. Il ne paraît guère concevable de priver une personne de son droit à la vie à l’issue de procédures judiciaires aussi contestables. Plus généralement on peut se demander s’il existe une raison particulière expliquant que le Guatemala soit pratiquement le dernier pays d’Amérique du Sud à maintenir la peine capitale. Enfin, il serait utile que la délégation guatémaltèque fasse parvenir ultérieurement au Comité des données sur le niveau d’instruction et la catégorie socio‑professionnelle des personnes qui ont été condamnées à la peine capitale.

7.Le PRÉSIDENT invite la délégation guatémaltèque à répondre aux questions qui ont été posées par les membres du Comité.

8.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala) tient à rappeler tout d’abord le contexte historique dans lequel s’inscrit la situation du Guatemala au regard des droits de l’homme. Le pays sort tout juste de 36 années de guerre, dans laquelle aucune des deux parties qui s’affrontaient ne respectaient la loi. En outre, les causes de cet affrontement armé n’ont pas disparu aujourd’hui. La tâche du Gouvernement est très complexe, puisqu’il lui faut à la fois mettre en place les institutions que le Guatemala n’a jamais eues et reconstruire celles qui ont été détruites par la guerre, et le Comité comprendra sans peine qu’il ne saurait résoudre tous les problèmes en même temps.

9.M. ARENALES FORNO (Guatemala) rappelle que le Guatemala n’est indépendant que depuis deux siècles et est une démocratie très jeune. À toutes les époques de son histoire, l’administration de la justice et le maintien de l’ordre, en particulier les enquêtes et poursuites pénales, ont posé des difficultés. Le conflit qui a opposé durant plus de 30 ans deux parties aussi illégitimes, l’une que l’autre – des gouvernements issus d’un coup d’État ou d’élections entachées de fraude, et des guerilleros – a eu pour effet de détruire toutes les institutions. Des efforts considérables sont déployés aujourd’hui par les pouvoirs publics pour mettre en place les structures démocratiques nécessaires au maintien de la sécurité publique et à l’administration de la justice. De multiples localités ne comptent encore ni officiers de police judiciaire ni juges, ce qui est une carence grave mais aussi une réalité avec laquelle il faut composer. Dans des milliers de communautés, les autorités de l’État ne sont pas présentes. M. Forno mentionne un cas très récent où les agents de la police ont dû parcourir 200 km sur de mauvaises routes de terre pour se rendre dans un village où huit personnes avaient été lynchées. Le Gouvernement déploie des efforts considérables pour mettre en place des services de police judiciaire et affecter des magistrats sur l’ensemble du territoire national, et s’efforce également d’incorporer les us et coutumes qui ont prévalu pendant près de 500 ans dans l’administration de la justice. La coopération avec la communauté internationale, et notamment les organisations non gouvernementales, a déjà permis de réaliser un certain nombre de progrès; des centaines de postes de juge ont été créés ainsi que des milliers de postes au sein des forces de police. Cela étant, les contraintes budgétaires limitent les possibilités d’enquête pénale sur les atrocités commises dans le passé. Toutefois, le Gouvernement entend bien faire toute la lumière sur ces affaires. D’une façon générale, le processus de mise en place des institutions démocratiques prendra un certain nombre d’années, mais la délégation guatémaltèque donne au Comité l’assurance que les autorités de son pays ont la volonté politique de le mener à bien. Il en va de même en ce qui concerne le problème de l’impunité pour les auteurs de violations des droits de l’homme. La délégation guatémaltèque comprend la préoccupation du Comité à ce sujet, mais l’assure de la volonté des autorités nationales d’œuvrer dans le sens de la démocratie.

10.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala) indique que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme au Guatemala, conformément à la Constitution, priment sur le droit interne. Toutefois, la Constitution est l’autorité suprême dans la hiérarchie des normes législatives. Viennent ensuite les lois constitutionnelles, dont font partie les instruments internationaux auxquels le Guatemala a adhéré, et les lois ordinaires. Conformément à cette hiérarchie, l’article 249 de la Constitution prime donc les instruments internationaux, et notamment le Pacte. Les forces de l’ordre ont sollicité l’appui de l’armée conformément à l’article 249 de la Constitution, et cette situation n’était en rien contraire aux normes du droit international. De plus l’appui qui peut être demandé à l’armée par les forces de l’ordre est réglementé par des décrets législatifs. En tout état de cause, lorsque cet appui a été sollicité, les militaires ne sont pas sortis de leurs casernes. Ils collaborent souvent avec la police dans les situations d’urgence mais n’interviennent plus, comme c’était le cas auparavant, dans les enquêtes pénales. Cependant, la législation prévoit que le juge d’instruction peut demander à l’armée son assistance en qualité d’auxiliaire de justice et toutes les pièces que les forces armées peuvent lui communiquer dans ce cadre ont force probante. Dans le cas de la procédure concernant l’assassinat de Myrna Mack, le juge avait demandé des informations aux forces armées de façon à déterminer si les Services de renseignement militaire étaient impliqués dans l’affaire. L’armée n’a pas communiqué ces informations mais, le cas échéant, elles auraient pu être utilisées par le juge. L’appui à la justice est fourni par des officiers de très haut rang. Si l’on a pu penser qu’il l’était aussi par des groupes paramilitaires, c’est probablement du fait que certains de ces officiers avaient été, dans le passé, membres de Comités volontaires de défense civile. Cela étant, il n’existe aucun groupe paramilitaire légal au Guatemala.

11.Enfin, pour ce qui est de l’impunité en matière de violation des droits de l’homme, M. Alvarado Ortigoza convient qu’il ne s’agit pas d’une question technique mais bien d’un problème exigeant de faire preuve d’une volonté politique au plus haut niveau. Le Gouvernement est fermement résolu à mettre fin à l’impunité, et il coopère notamment avec les organes judiciaires à cet effet. En outre, le Comité peut avoir l’assurance que les décisions du tribunal constitutionnel ne visent en aucun cas à encourager l’impunité. Ce tribunal se contente d’exercer le pouvoir souverain que lui confère la Constitution de se prononcer sur la constitutionnalité des lois.

12.M. ARENALES FORNO (Guatemala) dit qu’il a participé aux négociations ayant abouti aux accords de paix, dans lesquelles la reconversion des forces armées était un aspect important. Après plus de 30 années de conflit, l’armée était devenue une force contre‑insurectionnelle, et la tâche des autorités actuelles est de la transformer en une armée professionnelle et apolitique chargée de protéger l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale. Ces effectifs ont été par ailleurs sensiblement réduits. En outre, le processus de démobilisation des Comités volontaires de défense civile est achevé, et la législation qui avait permis la mise en place de ces Comités a été abrogée. Cependant, les personnes qui faisaient partie de ces structures possédaient des armes et les autorités ont constaté des actes de criminalité directement liés à cette situation. En outre, elles ont dû procéder à la reconversion des armements, ainsi qu’au transfert et à la fermeture de plusieurs bases militaires.

13.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala), répondant aux questions sur l’immunité dont jouit le Président du Congrès, souligne tout d’abord que, pendant longtemps, les autorités guatémaltèques n’ont pas prêté attention aux forces manipulatrices qui ont instrumentalisé l’armée et l’ont transformée en une institution répressive qui, de surcroît, pratiquait la répression sans discernement. Cela étant, il convient de rappeler que le Président du Congrès a été élu en 1999 à la majorité absolue, d’une part, et que la Constitution prévoit que tous les députés ont droit à l’immunité, d’autre part. Le ministère public a renoncé à poursuivre le Président du Congrès du fait que la procédure légale n’avait pas été respectée. En effet, comme tout député, le Président du Congrès jouit du privilège d’ante juicio et doit ainsi être entendu dans le cadre d’une procédure préliminaire au terme de laquelle le ministère public décide ou non de poursuivre. Le Président du Congrès a comparu devant le juge, qui a conclu que le placement en détention ne se justifiait pas. Cette décision fait actuellement l’objet d’un recours, et l’affaire suit son cours. Le Président du Congrès est soupçonné d’avoir falsifié la teneur d’un décret législatif sur les boissons alcoolisées.

14.Un membre du Comité a mentionné le chiffre de 200 000 personnes disparues. Toutefois, la guerre a fait officiellement 200 000 morts au Guatemala. Le membre du Comité voulait‑il parler des personnes disparues ou des victimes de l’affrontement armé? Quoi qu’il en soit, le ministère public examine, sur son initiative ou à la demande du Gouvernement, tous les cas de crimes antérieurs aux accords de paix dont il est saisi. Le Gouvernement, quant à lui, s’est clairement engagé à appliquer les recommandations des organes conventionnels auxquels il soumet des rapports périodiques ainsi que de la Commission guatémaltèque pour la vérité historique. Enfin, M. Alvarado Ortigoza indique que le décret gouvernemental portant création de la Commission Paix et concorde est entré en vigueur il y a quelques semaines. Cette Commission sera chargée, entre autres fonctions, de rechercher les personnes disparues et de procéder à des exhumations de corps dans ce cadre. Elle devra promouvoir des mesures tendant à déterminer le lieu et les circonstances de la disparition des personnes qui étaient détenues ou qui sont portées disparues dans le cadre du conflit armé interne et de celles dont le corps n’a jamais été retrouvé bien que leur décès ait été officiellement reconnu. Avant la création de la Commission Paix et concorde, le Gouvernement avait déjà lancé, par l’intermédiaire de la Commission présidentielle des droits de l’homme, un programme de recherche des personnes disparues, et ladite Commission a d’ailleurs rendu un rapport à ce sujet. Il existe aussi un projet national d’exhumation des corps, mais les ressources financières disponibles à cet effet sont très limitées. Toutefois, le Gouvernement est résolu à poursuivre ses efforts pour faire toute la lumière sur les cas de disparition, conformément aux recommandations de la Commission pour la vérité historique.

15.M. ARENALES FORNO (Guatemala), revenant sur la question de l’immunité du Président du Congrès, dit que le privilège d’ante juicio est consacré dans la Constitution et s’applique aux Président et Vice‑Président de la République, aux ministres d’État, aux députés et aux maires. La procédure d’ante juicio visant un député était exercée auparavant par le Congrès. À la suite de la réforme constitutionnelle de 1985, c’est aujourd’hui à la Cour suprême qu’elle incombe. Elle se déroule de la façon suivante: un juge communique à la Cour suprême les éléments de preuve dont il dispose. La Cour suprême décide ensuite si ces éléments sont suffisants pour lever l’immunité du député et ouvrir une enquête judiciaire ordinaire à l’issue de laquelle le juge décide s’il convient d’engager des poursuites. Cette procédure a déjà été appliquée dans le passé à des députés et même à des ministres. S’agissant du Président du Congrès, la Cour suprême a considéré que la levée de l’immunité se justifiait mais le juge d’instruction a estimé ensuite qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre. Cette procédure n’est pas spécifique au Guatemala et elle existe dans d’autres pays, notamment européens.

16.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala) dit, en ce qui concerne les menaces dont les juges et magistrats sont la cible, qu’il est vrai qu’elles sont de plus en plus nombreuses au point que l’autorité judiciaire a été contrainte d’intensifier son propre dispositif de sécurité.

17.Pour ce qui est de la limitation des possibilités de contrôle constitutionnel, il explique que craignant que, par la voie du recours en présentation de personne (habeas corpus), certains inculpés ne soient libérés alors qu’ils ne devraient pas l’être, la Cour suprême a décidé que seule une cour d’appel serait habilitée à statuer sur le fond des actions en habeas corpus. Il est certain que cette décision peut être incompatible avec la Constitution puisque premièrement la Loi fondamentale est le seul texte en vertu duquel les attributions des diverses juridictions sont conférées, et deuxièmement elle restreint la portée du contrôle constitutionnel. Avant l’adoption de cette décision, l’action en habeas corpus pouvait être engagée devant tout juge, même de la juridiction la plus basse de la hiérarchie judiciaire, qui devenait immédiatement un juge constitutionnel, compétent donc pour statuer sur le recours, comme s’il était un juge de dernier ressort. Toutefois, la situation nouvellement créée a causé une vive préoccupation au Guatemala et devrait être réglée prochainement. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter davantage.

18.En ce qui concerne l’état d’alerte, il faut savoir que le décret du Congrès par lequel il a été proclamé n’a pas suspendu l’article 5 de la Constitution. L’application des seuls articles 6, 9 et 26 de la Constitution a été suspendue. La possibilité de proclamer l’état d’exception est prévue à l’article 138 de la Constitution, qui établit divers états possibles, du moins grave au plus grave. L’état d’alerte est le moins grave et c’est donc celui qui entraîne le moins de restrictions. Une loi dite «loi relative à l’ordre public» établit les mécanismes nécessaires pour protéger la sécurité et les droits des citoyens. Quiconque s’estime victime d’une violation de ses droits pendant un état d’exception peut porter plainte devant le juge. L’état d’exception ne dure que 30 jours; il expire automatiquement et ne peut être prolongé que par le Congrès pour une durée égale. Dès que les circonstances qui ont motivé la proclamation de l’état d’exception disparaissent, le décret portant suspension des droits devient automatiquement caduc. L’état d’alerte a été notifié au Secrétaire général de l’Organisation des États américains et au Secrétaire général de l’ONU. En novembre 1998, l’état d’alerte avait été proclamé à la suite du passage dévastateur de l’ouragan Mitch.

19.M. ARENALES FORNO (Guatemala) précise que la teneur de l’article de la Constitution régissant les états d’exception n’a pas été modifiée lors de la réforme de la Constitution. En effet, la consultation populaire engagée n’était pas en faveur de cette modification. Par ailleurs, au cours des états d’exception et des suspensions de garantie de certains droits qu’ils entraînent, il n’y a jamais eu de plainte pour abus de la part des autorités. Le dernier état d’exception a été proclamé suite à l’évasion de 78 détenus considérés comme très dangereux. Tout état d’exception est limité à 30 jours, à la suite desquels intervient une décision de prorogation ou non.

20.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala), abordant la question de la peine de mort, dit que s’il y a eu des décisions de première instance condamnant certains prévenus à la peine de mort pour séquestration de personnes, ces décisions ont dans de nombreux cas été révoquées en appel. En effet, les instances en question, invoquant l’article 46 de la Constitution, qui établit la primauté du droit international sur le droit interne, ont par conséquent estimé que les jugements en première instance étaient anticonstitutionnels, en vertu notamment des dispositions du Pacte de San José, dont le Guatemala est signataire. Dans certains cas, la Cour de constitutionnalité a effectivement confirmé les jugements imposant la peine de mort mais cela ne fait en aucun cas jurisprudence. Il faut souligner que dans le contexte de violence qui prévaut dans le pays, l’opinion publique est favorable au maintien de la peine de mort. Le Congrès quant à lui aurait même tendance à vouloir étendre le champ d’application de la peine de mort à d’autres délits.

21.M. ARENALES FORNO (Guatemala) précise que la Constitution en vigueur habilite le Congrès à abolir la peine de mort. Par voie de réforme du Code pénal, toutefois, ce dernier a au contraire étendu le champ d’application de la peine de mort aux cas d’enlèvement n’entraînant pas le décès de la victime. Certains estiment que la réforme du Code pénal est anticonstitutionnelle puisqu’elle est contraire à certaines dispositions du Pacte de San José, tandis que d’autres pensent qu’il n’y a pas violation de cet instrument, puisque malgré l’élargissement de la portée de l’imposition de la peine de mort, c’est toujours le même crime qui est sanctionné. La Cour constitutionnelle a été saisie de plusieurs actions en inconstitutionnalité. Elle a certaines fois tranché en faveur de l’inconstitutionnalité du jugement et d’autres fois non. Il n’y a pas jurisprudence constituée en la matière car la Constitution impose trois décisions judiciaires allant dans le même sens et ce n’est pas le cas à ce jour.

22.En ce qui concerne la juridiction militaire, les tribunaux militaires sont, en vertu de la Constitution, compétents pour juger «tous» les délits ou fautes commis par des militaires. Le Gouvernement a cependant tenté de faire adopter une réforme de l’article de la Constitution applicable en vue de limiter la compétence des tribunaux militaires au jugement des délits ou des fautes à caractère «militaire». Cette réforme n’a pas pu être adoptée, en dépit de l’approbation du Congrès, car la population consultée à ce sujet s’y est opposée. Cependant, l’adoption d’une loi a permis de modifier la juridiction et dans certains cas des tribunaux civils ont été amenés à juger des militaires.

23.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala) dit, en ce qui concerne la réforme du Code de procédure pénale, qu’il existe un projet de réforme et un projet de nouveau code. Le projet de réforme vise à rendre la justice plus efficace et plus rapide et à créer des tribunaux itinérants («juzgados móbiles») pour les zones reculées. L’élaboration d’un nouveau code a été entreprise en vue d’une meilleure adéquation à la réalité nationale. Toutes les parties intéressées ont été consultées dans le cadre de ce projet, qui devrait aboutir en septembre 2001.

24.En ce qui concerne les mesures adoptées pour donner effet aux recommandations relatives à l’impunité de la Commission pour la vérité historique, il faut rappeler les initiatives déjà évoquées visant à rechercher les disparus, la mise en place d’un plan national d’exhumation, la création de la Commission Paix et concorde et les liens noués avec les organisations de défense des droits de l’homme. En ce qui concerne les 26 exécutions extrajudiciaires et 9 tentatives d’exécutions extrajudiciaires, qui ont été apportées entre le 1er décembre 1999 et le 30 juin 2000, M. Alvarado Ortigoza dit que le Gouvernement doit avant tout déterminer l’identité de ces personnes. Les actions engagées contre les membres de la police ou de l’armée auteurs d’actes répréhensibles peuvent être d’ordre disciplinaire, allant d’une simple suspension à la révocation définitive, mais également d’ordre pénale car une fois la sanction disciplinaire prise, l’affaire est transmise au ministère public qui, après enquête, peut décider d’ouvrir une action pénale. Quant à l’assassinat de l’archevêque, Mgr Gerardi, deux officiers de l’armée ont été déclarés les auteurs intellectuels mais non les auteurs matériels de l’assassinat et ont été condamnés à 30 ans de prison, et un prêtre a été condamné à 20 ans de prison pour complicité. L’enquête se poursuit.

25.M. ARENALES FORNO (Guatemala) précise, en ce qui concerne la Commission pour la vérité historique, que les investigations sur le passé ont fait l’objet de dures négociations. Il fallait notamment déterminer si le nom des responsables serait révélé ou non; il a finalement été décidé que tous les faits seraient exposés sans indication du nom des coupables. De ce fait, tous les renseignements recueillis dans le cadre de la recherche de la vérité historique ne facilitent pas le processus judiciaire. Par ailleurs, la loi de réconciliation, et en particulier son article 11 qui prévoit l’amnistie des délits politiques quand ils ont été perpétrés par des membres des forces armées pour lutter contre l’insurrection, a elle aussi fait l’objet de débats, certains voulant la réformer pour que ne soit accordée l’amnistie qu’une fois la vérité établie et d’autres étant partisans d’une amnistie totale inconditionnelle. La réforme que le Gouvernement a tenté de mettre en place n’a pas abouti, devant l’opposition de l’opinion publique.

26.Pour ce qui est de la grâce présidentielle, la disposition habilitant le Président de la République à user de ce droit a été supprimée lors de la réforme de la Constitution en 1985. Cela étant, le Congrès fait valoir que la grâce présidentielle peut toujours être exercée dans la mesure où elle est incluse dans les dispositions d’instruments internationaux ratifiés par le Guatemala, dispositions qui peuvent être invoquées du fait de la primauté du droit international sur le droit interne. Par ailleurs, M. Arenales Forno souligne la volonté du Gouvernement de se donner les moyens d’une justice efficace en indiquant que des efforts sont faits en vue de former les juges et magistrats aux 26 langues et dialectes employés au Guatemala. C’est un travail de longue haleine mais qui est absolument nécessaire vu que 40 % de la population ne parlent pas espagnol.

27.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala) est conscient de la nécessité qu’il y aurait à organiser l’exercice du droit par des dispositions légales internes. Malheureusement, le fait que le Congrès soit majoritairement opposé à l’abolition de la peine de mort n’aide pas à progresser dans ce sens. La situation est donc aujourd’hui ambiguë et certains remettent en cause la légitimité des grâces prononcées par le Président au motif que sa capacité à le faire n’a pas de fondement légal. Le cas de Pedro Rax Cucul en est un bon exemple. Ainsi, immédiatement après avoir été gracié, ce dernier aurait pu être transféré dans un établissement pénitentiaire proche de son village mais des organisations locales s’y sont opposées en faisant valoir que les communautés de sa région ne reconnaissaient pas la validité de la grâce prononcée par le Président et qu’il courait le risque de se faire lyncher.

28.M. ARENALES FORNO (Guatemala) reconnaît qu’une durée de détention provisoire de six ans est inacceptable, même si la peine maximale encourue est très supérieure à six ans. En fait, la législation de protection des droits des détenus est bien développée et ce n’est pas à ce niveau qu’il y a des lacunes. Ainsi, nul ne peut être placé en détention sans décision de justice. En cas de garde à vue, l’interpellé doit être déféré devant un juge dans les six heures et être interrogé dans un délai maximal de 24 heures. Il est informé du motif de son arrestation et de son droit de contacter une personne de son choix. Au terme du délai de 24 heures, le juge doit décider s’il y a lieu d’engager des poursuites contre l’intéressé, qui est alors placé en détention, ou de le remettre en liberté. C’est donc sur la lenteur des procédures que doivent porter les efforts. De manière générale, lorsque l’ouverture du procès se fait exagérément attendre, des mesures de substitution à la détention provisoire sont envisagées.

29.M. ALVARADO ORTIGOZA déplore lui aussi la pratique des lynchages, malheureusement très répandue, puisque le dernier cas rapporté remonte à la veille même. L’État est désarmé face à ces phénomènes spontanés et collectifs qu’il est presque impossible d’enrayer dans la pratique. Ainsi, la veille, pas moins de 2 000 personnes étaient intervenues; les forces de police n’auraient pas pu maîtriser la foule sans déclencher des affrontements susceptibles de dégénérer en bain de sang. La seule stratégie à adopter pour contrer ces phénomènes est donc une stratégie de prévention, et c’est pourquoi le Gouvernement a lancé un plan reposant sur l’organisation de colloques et d’ateliers de sensibilisation. L’objectif est de valoriser le respect de la loi et des procédures et les valeurs judiciaires en général et de faire passer un message civique de respect de la vie d’autrui.

30.M. Alvarado Ortigoza s’inscrit en faux contre les allégations formulées à la séance précédente selon lesquelles le Guatemala se retrancherait derrière sa souveraineté nationale pour ne pas prendre les mesures de précaution préconisées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Le Guatemala n’a jamais considéré que ces recommandations constituaient une ingérence dans ses affaires intérieures et la preuve en est que toutes ont été mises en œuvre. La Cour interaméricaine des droits de l’homme reçoit régulièrement des rapports du Gouvernement sur leur application.

31.Pour ce qui est de la peine de mort, la décision de l’abolir pour les femmes, les jeunes et les hommes de plus de 60 ans a été prise à titre de premier pas sur la voie de l’abolition. Le problème est qu’à l’heure actuelle ni la société guatémaltèque dans son ensemble ni le Congrès n’est favorable à l’abolition.

32.M. ARENALES FORNO (Guatemala) indique qu’un des cas de lynchage qui ont eu le plus de retentissement sur le territoire comme à l’étranger est celui d’un juge auquel la communauté n’avait pas pardonné d’avoir libéré, faute de preuves, un homme qui était soupçonné du viol et du meurtre d’une mineure. Dans ce cas précis, il a été possible d’identifier quelques responsables et des poursuites seront engagées contre eux dans un futur proche. L’État n’élude donc nullement ses responsabilités; mais le plus souvent, l’identification des auteurs de lynchage est difficile, voire impossible. Parallèlement aux campagnes de prévention, il importe également d’instaurer de bonnes institutions judiciaires, de façon à renforcer la confiance dans la justice et à créer une culture judiciaire qui n’existe pas encore dans la société guatémaltèque, pour qui le processus démocratique est nouveau et n’a pas encore complètement abouti. L’enjeu est de taille car si l’effort d’édification démocratique échoue, la population risque d’éprouver de la nostalgie pour les anciens régimes autoritaires, comme certains résultats électoraux récents peuvent le laisser craindre. Dans ce processus difficile, le Guatemala a besoin de l’aide de la communauté internationale.

33.Sur la question de l’avortement, M. Arenales Forno indique que l’interruption volontaire de grossesse constitue un délit, même si aucune femme n’a jamais été poursuivie pour ce motif. La légalisation de l’avortement ne semble pas envisageable pour l’instant car elle se heurterait à la mentalité très fortement ancrée dans la religion catholique de la population. Pour l’heure, on ne peut envisager que d’élargir les motifs pour lesquels un avortement peut être autorisé, qui se limitent aujourd’hui à l’existence d’un danger pour la vie de la femme enceinte. Un tel assouplissement est souhaité par le gouvernement actuel, qui se heurte à la pression de groupes religieux. Le Gouvernement a en outre lancé pour la première fois une campagne de sensibilisation à la planification familiale, notamment aux moyens de contraception, pour favoriser un plus large accès à ces méthodes, mais là encore, quoique la volonté politique existe, la population a toujours des réticences.

34.Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses réponses et l’invite à répondre brièvement aux derniers points de la liste, qui se lisent comme suit:

«Droit à un procès équitable (art. 14)

13.Dans quelle mesure le Service de protection des témoins à un procès et des personnes liées à l’administration de la justice a‑t‑il contribué à réduire la violence et les menaces d’intimidation dirigées contre les magistrats, les témoins et les avocats (par. 287 du rapport), eu égard en particulier aux poursuites engagées après l’assassinat de Mgr Gerardi?

14.Quelles mesures ont été prises pour renforcer le pouvoir judiciaire afin qu’il ne soit pas soumis à des pressions de la part du pouvoir exécutif ou des forces de sécurité, et d’assurer l’instruction rapide des affaires criminelles, ainsi que le respect des décisions de justice et l’exécution de celles‑ci par la police (par. 13, 19, 31 des observations finales de 1996)?

15.Quels programmes de sélection et d’évaluation des candidats, ainsi que de formation, le Conseil de la profession judiciaire a-t-il mis en place et quels résultats ont été obtenus? Quels mécanismes de supervision efficaces et indépendants ont été adoptés pour lutter contre la corruption dans la magistrature?

Droits des personnes appartenant à des minorités (art. 27)

16.Quelles mesures concrètes ont été effectivement mises en œuvre pour lutter contre toutes les formes de discrimination, en particulier celles dont sont victimes les populations autochtones? Le projet de réforme concernant l’enseignement des langues autochtones, qui prévoit également de leur accorder un statut officiel, a-t-il été adopté et mis en application? Le processus visant à restituer les terres communales aux populations autochtones a-t-il été engagé? Le crime de discrimination raciale a-t-il été incorporé dans le Code pénal? Fournir des informations concernant la participation des populations autochtones à la fonction publique, et le nombre de leurs membres inscrits sur les listes de citoyens et les listes électorales.

Égalité entre les sexes (art. 3)

17.Quelles mesures l’État partie a-t-il prises pour instaurer la parité dans l’enseignement supérieur, ainsi que dans la vie politique et la fonction publique? Quels résultats positifs ont été obtenus à cet égard?

18.Combien d’affaires ont été portées devant les tribunaux en vertu de la loi sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence intrafamiliale (décret 97-96)? Cette loi a‑t‑elle contribué efficacement à réduire l’incidence de ce type de violence (par. 118)?

Droits de l’enfant (art. 24)

19.Fournir des informations sur la fréquentation scolaire, notamment en ce qui concerne les enfants autochtones. De quelle manière l’État partie envisage-t-il de lutter contre la pratique du travail des enfants qui touche les jeunes âgés de 7 à 14 ans? Fournir des statistiques sur le nombre d’enfants en détention.

20.Quels progrès ont été réalisés pour protéger les enfants des rues contre les violations de leurs droits, notamment lorsqu’il s’agit de violations commises par des personnes exerçant une autorité, et quelles mesures ont été prises pour traduire les contrevenants en justice (par. 20 et 32 des observations finales de 1996)?

21.Quelles dispositions concrètes ont été prises pour lutter contre la prostitution des enfants et la traite des femmes et des enfants?

Participation à la direction des affaires publiques (art. 25)

22.a)Quelles mesures sont prises pour encourager une participation accrue des citoyens, notamment des femmes et des populations autochtones, au processus électoral?

b)Fournir des informations relatives au degré de participation des femmes à la fonction publique.

Diffusion d’informations relatives au Pacte

23.Indiquer les mesures prises pour diffuser des informations sur la présentation du deuxième rapport périodique et son examen par le Comité, ainsi que sur les observations finales du Comité adoptées après l’examen du rapport initial du Guatemala.

24.Fournir des informations sur la formation et l’éducation se rapportant au Pacte dispensées aux fonctionnaires, en particulier aux juges, aux policiers et autres responsables de l’application des lois, aux conseillers juridiques et aux enseignants.»

35.M. ALVARADO ORTIGOZA (Guatemala) indique, pour répondre à la question 13, qu’il est très difficile de mesurer les résultats de plans, programmes ou actions qui viennent seulement d’être mis en œuvre. On peut dire toutefois que la Cour suprême a lancé en l’an 2000 une stratégie pour répondre aux demandes des juges et des magistrats de bénéficier d’une sécurité accrue. Dans ce cadre a débuté au mois de mars 2000 le traitement des plaintes pour menaces aux juges et aux magistrats, grâce à un mécanisme de coordination interinstitutionnelle. Dans ce cadre également a été créé un poste de procureur spécifiquement chargé de traiter de ces affaires. De plus, une liste des plaintes pour menace ou intimidation a été établie. Une coopération a été mise en place avec la police nationale civile pour assurer la protection et la sécurité immédiates des juges et des magistrats ayant fait l’objet de menaces ou d’intimidations. La Commission pour la sécurité des juges et des magistrats a pris les mesures de protection qui s’imposaient. Pour ce qui est des fonctions et des accomplissements de cette commission, M. Alvarado Ortigoza renvoie au texte des réponses écrites de son Gouvernement. De même ont été protégées toutes les personnes qui craignaient pour leur vie à cause de leur participation à un procès pénal. Un bon indicateur d’efficacité est le fait que les condamnations pour l’assassinat de Mgr Gerardi ont été possibles grâce au témoignage d’individus qui ont accepté de témoigner parce qu’une protection leur a été accordée.

36.Le pouvoir judiciaire ne subit aucune pression du pouvoir exécutif. Bien au contraire, ce dernier a publiquement exprimé des préoccupations quant à l’extrême indépendance du pouvoir judiciaire et la Commission présidentielle des droits de l’homme a appelé à un renforcement des relations de coopération entre les deux pouvoirs. L’effort de renforcement du pouvoir judiciaire passe aussi par la Commission nationale pour le suivi et l’appui au renforcement de la justice, qui a été créée par l’exécutif et qui compte parmi ses membres des représentants de la Commission présidentielle pour les droits de l’homme ainsi que des représentants de la société civile, notamment des représentants des populations autochtones. De son côté, l’appareil judiciaire a adopté diverses mesures pour renforcer son indépendance et son efficacité. Il a ainsi mis au point un plan à moyen terme fondé sur un diagnostic à la formulation duquel ont participé aussi bien des juges et des magistrats que des organes publics, des professionnels du droit et des représentants de la société civile et de la communauté internationale. Des études techniques ont également été menées dans ce cadre. Les ateliers de consultation ont donné lieu à un plan de modernisation, axé sur cinq grands objectifs stratégiques: l’amélioration de la fonction des tribunaux, le renforcement de l’accès à la justice, la lutte contre la corruption, le renforcement de la gestion institutionnelle et l’amélioration de l’information.

37.Le Congrès a approuvé la loi sur la profession judiciaire et la loi sur le service civil de l’institution judiciaire. Ces textes ont strictement défini les critères de sélection, d’évaluation et de formation dans les professions judiciaires. Les recommandations du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats ont également été prises en compte dans ces textes. Dans le même but, le Bureau du Procureur contre la corruption a été créé en 1999, avec pour objet de poursuivre pénalement les agents de l’État impliqués dans des délits de corruption. En application de la loi sur la profession judiciaire les conseils de discipline judiciaires ont également été créés. Un code d’éthique est en cours d’élaboration par les juges de la Cour suprême. Enfin, un partenariat a été signé entre la Faculté des sciences juridiques et sociales de l’Université Rafael Landívar et l’institution judiciaire qui permet aux magistrats et aux juges de suivre une formation complémentaire dans cet établissement.

38.Dans le domaine de la lutte contre la discrimination, la Commission paritaire de réforme et de participation travaille actuellement à l’élaboration de propositions de loi et de révision de lois afin de favoriser la participation des populations autochtones. Parmi les actions concrètes entreprises par cette commission paritaire, à laquelle siègent des représentants des populations autochtones, on peut mentionner l’élaboration et la présentation d’un projet de décret contenant notamment la loi sur le système des conseils de développement urbain et rural. Le texte de cette loi prévoit notamment l’instauration de conseils consultatifs autochtones et de systèmes de consultation des peuples autochtones, la reconnaissance des mairies autochtones, et des consultations avec les communautés ou autorités autochtones des municipalités. En outre, pour favoriser l’accès à la justice, des juges de paix ont été installés dans toutes les municipalités du territoire. Une réforme éducative a par ailleurs été menée au niveau national, dans le cadre de laquelle les textes des manuels scolaires ont été révisés en vue de supprimer toute mention discriminatoire à l’égard des femmes ou des autochtones. Un fonds de développement autochtone guatémaltèque (FODIGUA) et un comité de défense de la femme autochtone ont été créés, un forum de la femme a été organisé pour permettre la participation et la concertation multiculturelles et le caractère multiethnique et pluriculturel de la société guatémaltèque a de manière générale été reconnu, notamment dans la loi sur la police nationale civile, qui interdit expressément la discrimination dans le recrutement des policiers.

39.Conférer aux langues autochtones un statut officiel faisait partie des engagements de l’État dans le cadre de l’accord relatif à l’identité et aux droits des populations autochtones. Cela a donc été proposé dans les réformes constitutionnelles soumises à consultation populaire en mai 1999. Malheureusement, les réformes nécessaires n’ont pas pu être mises en place, le vote de la population y ayant été défavorable. Le secrétariat pour la paix cherche donc actuellement d’autres stratégies pour permettre de tenir les engagements pris. Sur le plan de la restitution des terres aux populations autochtones, des progrès ont été faits grâce aux divers fonds sociaux et au Fonds national des terres. On citera à cet égard les activités de la Commission présidentielle d’assistance juridique pour le règlement des litiges fonciers (CONTIERRA). Durant les trois premiers mois de l’année 2001, 2 641 familles de paysans de 12 départements, dont la majorité étaient autochtones, ont bénéficié du Fonds des terres.

40.Le crime de discrimination raciale n’est pas encore incorporé au Code pénal mais un projet de loi qui vise à réformer le Code pénal en ce sens a été présenté par un groupe de députées autochtones. Trois autres propositions ont été présentées et vont être examinées par le Congrès. La participation des populations autochtones à la fonction publique s’est accrue. Les populations autochtones sont représentées dans des institutions comme les Commissions paritaires, le Forum national de la femme, le Bureau de défense des droits de la femme autochtone ou encore le Bureau pour la défense des autochtones, qui relève du Bureau du Procureur chargé des droits de l’homme. Le Tribunal électoral suprême s’efforce de moderniser et de décentraliser le système d’inscription sur les listes électorales, ce qui devrait contribuer à accroître le taux de participation des communautés autochtones aux différents scrutins. Au nombre des mesures prises pour favoriser la participation des communautés autochtones, il convient de signaler le plan pilote Nahuala, mis en place avec l’aide de l’Organisation non gouvernementale suisse Intersol, qui vise à élaborer des programmes d’éducation civique à l’intention des enfants de ces communautés. Un autre projet lancé en juillet 1997 visait à accroître la participation des communautés autochtones dans 30 communes de 10 départements en organisant des ateliers, des rencontres et autres campagnes d’inscription sur les listes électorales. Un troisième projet, lancé en 1998, visait à sensibiliser les fonctionnaires de plusieurs municipalités à certains aspects juridiques de leur fonction et aux questions liées au pluralisme culturel. La Commission paritaire pour la réforme et la participation a débattu de la nécessité de promulguer une loi qui réglementerait toutes questions relatives aux populations autochtones, conformément à l’article 70 de la Constitution. Les représentants du Gouvernement et des communautés autochtones ont décidé de mettre en place des mécanismes de consultation dans le cadre des lois existantes avant d’élaborer une telle loi. Ils sont également convenus de tenir des réunions en vue d’examiner différentes lois et de trouver le moyen d’y intégrer des mécanismes de consultation.

41.En ce qui concerne la question 17, il faut signaler que le Gouvernement a engagé, par l’intermédiaire du Secrétariat présidentiel pour la femme, une réforme de la politique nationale de promotion et d’autonomisation de la femme. Des mesures ont été prises également pour garantir l’égalité d’accès à l’éducation. Pour ce qui est de la participation des femmes à la vie politique, il faut rappeler que de nombreuses institutions, comme le Bureau national de la femme ou le Secrétariat des œuvres sociales de l’épouse du Président, s’efforcent de promouvoir le respect et la protection des droits de la femme. Parmi les mesures législatives adoptées, on peut mentionner la loi pour la dignité et la protection de la femme, la loi de prévention, répression et élimination de la violence dans la famille et la réforme du Code civil, dont certains articles ont été déclarés inconstitutionnels car discriminatoires à l’encontre des femmes. En ce qui concerne le point 18, M. Alvarado Ortigoza dit que le Gouvernement a pris des mesures pour lutter contre la violence dans la famille et a récemment nommé une coordonnatrice pour la prévention de la violence dans la famille et de la violence contre les femmes. De plus, on a élaboré un bulletin unique d’enregistrement des cas de violence dans la famille, qui sera utilisé par toutes les institutions susceptibles de recevoir des plaintes à ce sujet et permettra de faire des statistiques qui serviront de base à l’élaboration de programmes et politiques. M. Alvarado Ortigoza donne lecture d’un tableau recensant les candidatures féminines à des charges publiques telles que président, député, maire ou conseiller municipal.

42.En ce qui concerne les droits de l’enfant, M. Alvarado Ortigoza dit, répondant à la question 19, qu’il n’y a pas de statistiques détaillées concernant la fréquentation scolaire des enfants autochtones. Le Gouvernement s’est fixé comme objectif de réduire le nombre d’enfants qui travaillent de 10 %. Le Ministère du travail a tenu des consultations avec différents secteurs de la société en vue d’élaborer un plan national pour la prévention et l’élimination du travail des enfants et la protection des adolescents qui travaillent. Le Guatemala a signé en 2001 la Convention n° 182 de l’OIT; il a ratifié en 1990 la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention n° 138 de l’OIT sur l’âge minimal d’admission à l’emploi. En 1996, il a signé avec l’OIT un mémorandum d’accord par lequel il s’est engagé à élaborer un plan national de prévention et d’élimination du travail des enfants.

43.Répondant à la question 20, M. Alvarado Ortigoza dit que les progrès réalisés en matière de protection des enfants des rues sont encore peu notables. Le Gouvernement a créé le Forum national pour les enfants des rues, qui regroupe des organisations gouvernementales et non gouvernementales et qui a permis de faire mieux prendre conscience du problème et de sensibiliser les autorités concernées. Son action a permis de réduire considérablement les mesures de répression prises à l’encontre de ces enfants par les forces de sécurité.

44.Concernant le point 21, M. Alvarado Ortigoza signale l’adoption, en juillet 2001, du plan national contre l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents à des fins commerciales. Ont notamment participé à l’élaboration de ce plan la Commission présidentielle de coordination de la politique de l’exécutif en matière de droits de l’homme (COPREDEH), la Commission nationale contre la maltraitance (CONACMI) et le Bureau du Procureur général de la nation. Le Secrétariat à la protection sociale et la Commission présidentielle pour les droits de l’homme attendent les dernières modifications avant de soumettre ce plan aux autorités compétentes.

45.En ce qui concerne le point 22, M. Alvarado Ortigoza indique que le Bureau national de la femme est chargé d’œuvrer à obtenir une plus grande participation des femmes à la vie politique nationale et locale. En août 1998, le Tribunal électoral suprême a présenté au Congrès de la République une proposition de réforme de la loi électorale, qui vise notamment à accroître la participation électorale. Parmi les mesures proposées à cet effet, on retiendra la création d’une carte d’identité unique, la décentralisation des bureaux de vote, et la réglementation du financement des partis politiques. Avec l’appui de l’Organisation des États américains et des Pays-Bas, le Gouvernement a adopté un projet intitulé «Promotion de la participation des femmes» qui sera appliqué prochainement. Pour mettre fin au fort abstentionnisme des femmes, il faut les encourager à s’inscrire en nombre sur les listes électorales. Il convient donc de mettre l’accent sur l’éducation civique. L’action du Tribunal électoral suprême en matière de promotion et d’éducation reste relativement limitée.

46.À propos du point 23, M. Alvarado Ortigoza annonce que la COPREDEH a entrepris d’élaborer un site Web qui regroupera des informations sur les questions relatives aux droits de l’homme, les instruments internationaux auxquels est partie le Guatemala, ou encore les rapports des organes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies. En juin 2000 a été créé, dans le cadre de la COPREDEH, le Centre de documentation sur les droits de l’homme.

47.En ce qui concerne le point 24, M. Alvarado Ortigoza signale que le Gouvernement a, par l’intermédiaire de la COPREDEH, diffusé le texte du Pacte et des autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auprès de tous les fonctionnaires. Les membres de la police nationale civile reçoivent une formation en matière de droits de l’homme. Les personnels de l’armée participent aussi à des cours sur les droits de l’homme, qui leur permettent de se familiariser avec le texte du Pacte. Ces cours sont dispensés par des experts de la COPREDEH, du Bureau du Procureur pour les droits de l'homme ou encore de la MINUGUA. La question des droits de l'homme est inscrite au programme des centres de formation militaire. Enfin, pour ce qui est de la fonction publique, la COPREDEH assure la coordination du Forum interinstitutions de suivi des engagements pris par le Guatemala en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, auquel participent des ministères, des secrétariats et autres fonds. En janvier 2001, en coopération avec l’Institut national de la fonction publique, la COPREDEH a mis en place à l’intention des fonctionnaires un programme de formation mettant l’accent sur les droits de l'homme.

48.Le président remercie la délégation et invite les membres du Comité qui le souhaitent à demander des renseignements supplémentaires.

49.M. YALDEN se dit déçu par le manque de précision des informations fournies dans le rapport. En ce qui concerne les populations autochtones, il semble un peu curieux d’organiser un référendum sur les droits des minorités, comme il est mentionné au paragraphe 319, mais on peut comprendre que cela ait été nécessaire dans le cadre des modifications de la Constitution. Il serait utile de savoir si le référendum s’est soldé par un échec simplement à cause du taux d’abstention ou parce que les électeurs ont voté contre la proposition. Enfin, il n’est pas précisé si le Gouvernement prévoit de soumettre à nouveau cette question à référendum. Il faudrait également préciser le pourcentage d’autochtones inscrits sur les listes électorales, par rapport au pourcentage d’autochtones dans la population totale. Il est indiqué au paragraphe 451 que la situation s’est améliorée mais étant donné qu’aucun chiffre n’est avancé, on ne peut ni appréhender la nature du problème, ni juger des améliorations. Par ailleurs, il semble que la Commission paritaire pour l’officialisation des langues autochtones ait fait des recommandations. Il serait utile de savoir quelle suite leur a été donnée. M. Yalden croit comprendre qu’elles faisaient partie des questions soumises à référendum. Ce référendum a eu lieu il y a plus de deux ans, et il semble urgent que le Gouvernement prenne des mesures en ce qui concerne la reconnaissance des langues autochtones. Il est fait mention au paragraphe 438 d’un projet de loi sur la discrimination raciale et il faudrait que la délégation précise quand il est prévu d’adopter ce projet. En ce qui concerne le taux de participation des autochtones, on peut regretter qu’aucun chiffre ne soit donné concernant le taux d’abstention. Il faudrait aussi préciser quelles mesures ont été prises et quels en ont été les résultats.

50.En ce qui concerne la situation des femmes, M. Yalden regrette vivement que les informations fournies ne soient pas plus précises et souligne que le Comité doit pouvoir se fonder sur des renseignements détaillés concernant la situation des femmes dans le secteur public comme dans le secteur privé, l’égalité de salaire, etc. Dans ses observations finales concernant le premier rapport du Guatemala, le Comité avait recommandé que la fonction du Procureur chargé des droits de l’homme soit renforcée. M. Yalden est heureux de constater que les ressources mises à sa disposition sont en augmentation mais regrette qu’aucun élément ne permette de juger des résultats de ses activités. Il serait utile de savoir combien de plaintes il a reçu et quelle suite leur a été donnée.

51.M. AMOR regrette que les informations fournies ne soient pas assez détaillées. Il manque des informations concrètes sur la situation des droits de l'homme. À la lecture du rapport, on se demande si l’État est en mesure d’assurer le respect des dispositions du Pacte. Il est préoccupant de constater qu’il n’y a pas un article de fond du Pacte dont l’application ne pose pas de problème. Se pose également la question de la place du Pacte dans la hiérarchie des lois guatémaltèques. Il serait utile que la délégation apporte des éclaircissements à ce sujet. En effet, l’article 46 de la Constitution dispose que les traités internationaux l’emportent sur la législation mais restent inférieurs à la Constitution. Il faudrait préciser si le Pacte peut être invoqué directement devant les tribunaux et s’il est possible de soulever la question de l’incompatibilité de dispositions législatives et constitutionnelles avec le Pacte.

52.M. ANDO regrette que la plupart des problèmes évoqués lors de la présentation du premier rapport soient toujours d’actualité. À l’heure actuelle, 500 000 enfants de 7 à 15 ans travaillent; ils représentent 12 % de la population active. L’âge limite de la scolarité obligatoire n’a pas été fixé. L’âge minimum d’admission à l’emploi a été fixé à 14 ans, mais sous certaines conditions des enfants plus jeunes peuvent être autorisés à travailler. Il importe de définir un âge pour la fin de la scolarité obligatoire.

53.Un autre problème est celui du monopole des médias. Il semble que la plupart des chaînes de télévision soient concentrées entre les mains d’un même homme, qui se trouve être le beau‑frère du Ministre de l’information, qui est chargé de l’octroi des licences. Il serait bon de préciser si le Gouvernement a pris des mesures pour remédier à cette situation. Enfin, les disparités socioéconomiques sont particulièrement préoccupantes. D’après le document de base (HRI/CORE/1/Add.47), 80 % des habitants vivent dans la pauvreté, 50 % dans l’extrême pauvreté. Si l’on ne remédie pas à cette situation, il y a peu d’espoir pour l’avenir de la démocratie.

54.Le PRÉSIDENT invite la délégation guatémaltèque et les membres de Comité à terminer l’examen du rapport à la séance suivante.

La séance est levée à 13 h 5.

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