Nations Unies

CCPR/C/SR.2897

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

17 juillet 2012

Original: français

Comité des droits de l’homme

10 5 e session

Compte rendu analytique de la 2897 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 11 juillet 2012, à 10 heures

Président e:Mme Majodina

S ommaire

Examen des rapports soumis conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de la Lituanie(suite)

La séance est ouverte à 10 h eures .

Examen des rapports soumis conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de la Lituanie(CCPR/C/LTU/3; CCPR/C/LTU/Q/3 et Add.1)(suite)

1.Sur l’invitation de la Présidente la délégation lituanienne re prend place à la table du Comité.

2.La Présidente invite la délégation à répondre aux questions posées par les membres à la séance précédente.

3.M me  Urbon ė(Lituanie)dit que, pour prévenir tout acte de violence à l’égard des détenus, le Gouvernement envisage différentes mesures, notamment de soumettre les personnes placées endétention avant jugement à un examen médical réalisé par des infirmières sociales, qui vérifient que les intéressés sont en bonne santé. La police a donné pour instructions de soumettre toutes les personnes placées en détention avant jugement à un examen pour repérer et consigner les éventuelles lésions physiques subies antérieurement. Toute allégation indiquant que le personnel des centres de détention a commis des actes de violence à l’égard de détenus fait l’objet d’une enquête et peut aboutir à des poursuites pénales. Lorsqu’une personne porte plainte pour mauvais traitementssubis pendant l’enquête préliminaire, si le service administratif qui a reçu la plainte considère qu’il n’est pas compétent pour l’examiner, il transmet la plainte à un organe compétent; s’il ne le fait pas, une enquête est ouverte et les responsables sont sanctionnés.Les mineurs et les adultes en détention provisoire et incarcérés sont placés dans des cellules séparées. Dans les centres de détention avant jugement, les mineurs sont groupés en fonction de leur âge et de leur état physique et mental.

4.M me Bukantaité-Kutkevičien ė(Lituanie) dit que le Gouvernement a conscience du fait que les centres de détention de Lituanie ne sont pas conformes aux normes internationales pour la détention des mineurs et qu’ils sont surpeuplés. Cependant, le Code pénal contient des dispositions très strictes tendant à la séparation des détenus mineurs des détenus adultes et l’État partie n’a encore enregistré aucune plainte à ce sujet.

5.M me Vyšniauskait ė -Radinskien ė(Lituanie) confirme que les châtiments corporels sur les enfants sont interdits dans les centres de détention. Comme aucun texte général n’interdit la violence à l’égard des enfants dans d’autres contextes, notamment à l’école, la Lituanie a élaboré un projet de loi portant interdiction des châtiments corporels et des autres traitements cruels ou portant atteinte à l’honneur ou à la dignité des enfants. Les enfants sont déjà protégés par la loi contre la violence dans la famille.

6.La présence des femmes est importante dans la fonction publique, où elles représentent environ 75% des fonctionnaires. Les deux charges les plus élevées de l’État, celles de Président et de Président du Parlement, sont occupées par des femmes. Le Ministère de la défense et le Ministère des finances sont également dirigés par des femmes.

7.M. Valentukevičius(Lituanie) dit qu’en cas d’infraction administrative, la loi prévoit que la détention provisoire ne peut dépasser cinq heures. D’autres dispositions s’appliquent pour des infractions telles que le passage illégal d’une frontière. Lorsqu’une personne ne peut être identifiée, par exemple parce qu’elle ne présente pas de pièce d’identité, elle peut être placée en détention provisoire pendant une période de quarante-huit heures maximum. Pour une infraction pénale, le délai de la garde à vue est de quarante-huit heures. Au-delà de ce délai, le procureur, qui n’intervient que dans les affaires pénales, doit présenter une demande dûment motivée au juge d’instruction afin d’obtenir une prolongation de la garde à vue ou l’application d’autres mesures, telles que l’interdiction de quitter le territoire ou le placement en résidence surveillée. L’adoption de mesures plus sévères est décidée par un juge. Le Code de procédure pénale prévoit une période de détention avant jugement de trois à neuf mois, en fonction de la gravité de l’infraction. À l’expiration de ce délai, le procureur peut demander au Procureur général l’autorisation de prolonger la détention. Si plus d’un mois s’est écoulé depuis le premier interrogatoire du suspect, la défense peut former un recours devant les tribunaux pour demander si l’affaire va être jugée ou non. Si elle estime que la procédure est trop lente, elle peut demander la suspension du procès.

8.Le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg et les jugements rendus par ce Tribunal font partie de la jurisprudence internationale, et il en est tenu compte dans les actions pénales engagées contre des criminels de guerre ou des personnes soupçonnées de crimes contre l’humanité. La Lituanie applique le droit international, notamment les Conventions de Genève et les Conventions de La Haye. Depuis que la Lituanie a accédé à l’indépendance, en 1990, quelque 70 actions pénales ont été ouvertes contre des criminels nazis accusés de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Dans trois cas, des fonctionnaires de l’administration pendant l’occupation allemande ont été traduits en justice mais n’ont pas été condamnés à des peines d’emprisonnement en raison de maladies liées à leur âge. Les détachements en Lituanie des SS et de la Wehrmacht ne comportaient pas de citoyens lituaniens.

9.La Présidente remercie la délégation de ses réponses et invite les membres à faire des observations supplémentaires.

10.M.  T helin remercie la délégation d’avoir décrit clairement la place du Pacte dans la législation interne. Il recommande à l’État partie d’envisager d’indiquer clairement dans le droit interne que la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est celle qui doit être appliquée dans la pratique.

11.M. Thelin note que le délai dans lequel l’enquête doit être achevée n’est pas fixe. Pour la période maximale avant l’établissement de l’acte d’inculpation, qui est de dix-huit mois, il ne sait pas avec certitude si ce délai est absolu ou si une prolongation est possible. Il n’a pas été répondu à la question de savoir si le temps passé en détention avant jugement est obligatoirement déduit de la peine d’emprisonnement ou si le juge décide de façon discrétionnaire. La question de l’indemnisation des personnes qui ont été acquittées après avoir passé un certain temps en détention avant jugement n’a pas non plus reçu de réponse. Des précisions sur la proportion de mesures non privatives de liberté par rapport à la détention avant jugement seraient également utiles.

12.M.  Salvioli demande comment les nouveaux programmes de lutte contre la violence sexiste et la violence dans la famille seront financés. En ce qui concerne les interruptions non volontaires de grossesse de personnes handicapées, il demande si l’État partie envisage de prendre des mesures concrètes pour qu’il soit tenu compte de la volonté de ces personnes.

13.M.  O’Flaherty demande si l’État partie envisage de rouvrir l’enquête sur les lieux de détention secrets et la possibilité de collusion dans le contexte des transferts illégaux de suspects, à la lumière des conclusions des rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et du Parlement européen et des informations récemment communiquées par des organisations non gouvernementales.

14.Certains des éléments de la loi sur la protection des mineurs contre les effets préjudiciables de l’information publique vont au-delà de ce qui est acceptable au regard de l’article 19 du Pacte. D’après des organisations non gouvernementales les dispositions tendant à interdire d’encourager les relations homosexuelles, bisexuelles et polygames seraient toujours en vigueur et il demande à la délégation de confirmer qu’elles ont bien été supprimées. Il demande également si, comme certaines ONG l’affirment, il existe effectivement un projet de modification du Code civil visant à interdire les procédures de changement de sexe.

15.L’accent mis dans le plan national d’action sur la culture rom est appréciable mais il faudrait aussi améliorer l’accès des Roms aux différents services publics. Les chiffres sur les crimes motivés par la haine donnés par la délégation montrent que le bureau du Procureur prend ce problème très au sérieux; M.O’Flaherty n’a pas saisi toutefois quel est le pourcentage d’affaires qui ont abouti à une déclaration de culpabilité. En ce qui concerne le défilé de l’indépendance à Klaipedalors duquel des affiches représentant des swastikas avaient été utilisées,M. O’Flaherty a vu des photos de ces affiches et le sens donné à ce symbole ne fait aucun doute dans ce contexte. D’après des renseignements, le bureau du Procureur aurait fait appel des décisions des juges dans cette affaire et, si tel est le cas, il serait bon de savoir où en est la procédure. La majorité des cas d’incitations à la haine proférées sur Internet étant dirigées contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles et transgenres (LGBT), M. O’Flaherty demande quelles mesures sont prises par l’État partie pour faire en sorte que la place de ce groupe vulnérable et menacé dans la société soit respectée.

16.M.  Bouzid note que, selon la délégation, la prévention des châtiments corporels à l’égard des enfants est garantie par la loi contre la violence dans la famille. L’État partie semble être revenu sur sa promesse, faite le 24novembre 2011, d’adopter une loi consacrée au bien-être des enfants. M.Bouzid demande si ce revirement est dû à une résistance de l’opinion publique au principe de criminalisation de ces pratiques du fait de leur place dans les traditions lituaniennes.

17.M me Urbon ė(Lituanie) dit que la durée maximale de l’enquête avant jugement prévue à l’article 127 du Code pénal est de dix-huit mois pour les adultes et de douze mois pour les mineurs. De plus, le placement en détention provisoire est une mesure exceptionnelle ordonnée seulement si les autres mesures prises n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de l’enquête. Le registre national des personnes soupçonnées et condamnées indique qu’en 2010 711 personnes avaient été placées en détention avant jugement. Conformément au Code civil, toute personne qui a subi un préjudice résultant d’un acte illégal d’un agent de l’État peut prétendre à une indemnisation. La période passée en détention avant jugement est toujours prise en compte dans la durée de la peine d’emprisonnement.

18.M me Bukantaitė-Kutkevičienė (Lituanie) souhaite apporter des précisions concernant la possibilité d’alléger les peines de d’emprisonnement en cas de procès anormalement long; les tribunaux lituaniens suivent désormais la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans ce domaine et accordent donc des allégements de peine le cas échéant. Le Gouvernement a également déposé un projet de loi visant à modifier le Code civil de manière que les personnes pour qui l’enquête, l’instruction ou le procès a été excessivement long puissent être indemnisées.

19.M me Skaisgirytė Liauškienė (Lituanie), répondant à la question de M. Salvioli relative à la violence dans la famille, dit que la délégation fournira les données statistiques demandées par écrit.

20.M me Urbonė (Lituanie), répondant à la question de M. Salvioli relative au consentement des personnes handicapées mentales dans le cas d’un avortement et d’autres actes médicaux, explique que ces décisions sont prises par les tribunaux, devant lesquels les intéressés sont représentés par leur tuteur.

21.M me Skaisgirytė Liauškienė (Lituanie), répondant aux questions de M. O’Flaherty, dit que les projets de loi qu’il a évoqués n’émanent pas du Gouvernement et que rien ne dit qu’ils seront adoptés en l’état. Il est donc impossible d’apporter une réponse précise à une question hypothétique. En ce qui concerne l’existence de centres de détention secrets, le Procureur général et la commission spéciale créée par le Parlement lituanien n’ont trouvé aucun fait nouveau qui justifierait la réouverture de l’enquête.

22.En ce qui concerne la liberté d’expression et l’usage de symboles que l’on peut interpréter comme étant nazis ou hindous, selon le contexte, le Gouvernement lituanien est parfaitement conscient qu’il s’agit d’une question délicate. Il convient de noter que l’Holocauste ne figure au programme des établissements scolaires lituaniens que depuis une dizaine d’années et que les générations scolarisées sous l’ère soviétique n’ont reçu aucun enseignement sur cet aspect de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit donc d’un apprentissage progressif pour l’ensemble de la société lituanienne.

23.M me Vyšniauskaitė-Radinskienė (Lituanie), répondant à la question de M. Bouzid concernant les châtiments corporels infligés aux enfants, dit que ceux-ci sont interdits dans les centres de détention et que la violence contre les enfants est sanctionnée pénalement. La législation interdit toutes les formes de violence, notamment au sein de la famille, mais il n’existe pas à l’heure actuelle de loi prohibant expressément les châtiments corporels à l’école. Cette lacune devrait être comblée avec l’adoption d’un projet de loi qui couvrira toutes les situations et tous les types d’établissements.

24.M me Bukantaitė-Kutkevičienė (Lituanie) souhaite apporter des précisions sur la politique du Gouvernement lituanien en ce qui concerne les procédures de changement de sexe. Elle explique que le projet de loi évoqué la veille définit la procédure de changement des documents d’état civil à la suite d’une telle opération, qui prévoit notamment la présentation d’une attestation de domicile. Il ne s’agit donc en aucun cas de compromettre le droit de changer de sexe.

25.La Présidente remercie la délégation lituanienne pour ses réponses et invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires relatives aux paragraphes 16 à 25 de la liste des points à traiter.

26.M.  O ’ Flaherty remercie la délégation pour les réponses écrites données au point 16, et voudrait savoir s’il existe, au-delà des données fournies sur le nombre de victimes, d’auteurs présumés et de condamnations, un dispositif permettant d’étudier le phénomène de la traite des êtres humains afin de savoir dans quelle mesure la Lituanie est un pays à la fois de destination, d’origine et de transit pour la traite. Il serait aussi intéressant de savoir si la traite est pratiquée uniquement aux fins d’exploitation sexuelle ou à d’autres fins, comme le travail agricole. Compte tenu du faible nombre de victimes et d’auteurs recensés, la délégation est invitée à indiquer si le Gouvernement prend des mesures pour s’assurer qu’aucun cas ne passe inaperçu. M. O’Flaherty voudrait savoir si les victimes reçoivent un appui en dehors du cadre de la procédure pénale, par exemple lorsqu’elles ne souhaitent pas témoigner. Il serait également utile que la délégation indique si des mesures sont prises pour lutter contre la demande, par exemple en éduquant et en sensibilisant la population et les usagers potentiels des services de victimes de la traite.

27.M.  Salvioli, faisant référence aux réponses écrites à la question posée au paragraphe 18, souhaiterait des précisions sur les limites de l’utilisation de la vidéosurveillance compte tenu du droit au respect de la vie privée.

28.Tout en étant sensible au passé douloureux de la Lituanie évoqué par Mme Skaisgirytė Liauškienė, il reste très préoccupé par les récentes manifestations à caractère raciste et néonazi. Si la première a pu prendre les autorités par surprise, ce n’est pas le cas des suivantes. On peut aisément retrouver sur Internet les slogans racistes choquants propagés par des groupes tels que le Centre national lituanien. Il rappelle que l’État partie a un devoir de vigilance et de protection et que sa responsabilité internationale pourrait être engagée s’il ne prenait pas les mesures nécessaires. De plus, au vu des informations selon lesquelles des organisations œuvrant pour la tolérance n’ont pas eu l’autorisation de manifester, le délai de quarante-huit heures qui leur a été laissé pour contester la décision semble insuffisant.

29.La délégation est invitée à indiquer si un code de la déontologie du journalisme a été adopté en Lituanie comme cela avait été recommandé en 2011 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Il serait utile de savoir si des mesures sont en place pour garantir la liberté d’expression des membres de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT), laquelle subirait actuellement des atteintes importantes.

30.M.  Bouzid remercie la délégation pour les réponses concernant la protection des droits des enfants et souhaiterait avoir des données chiffrées sur la situation des enfants privés de leur milieu familial et sur les moyens engagés pour aider ces enfants. Pour ce qui est des études réalisées par le médiateur pour les droits de l’enfant, il souhaiterait savoir si celle de 2008 consacrée aux violences sexuelles contre des enfants placés dans les foyers d’accueil et les établissements d’éducation spécialisés a révélé des problèmes et donné lieu à des enquêtes ou à des condamnations. Il souhaiterait également des précisions sur les condamnations prononcées dans des affaires concernant des mineurs et sur les résultats du programme relatif à la justice pour mineurs pour la période 2009-2013.

31.M.  Thelin, se référant aux réponses écrites relatives au paragraphe 17 de la liste des points à traiter, demande des précisions sur les deux types d’aide juridictionnelle qui sont assurés. La délégation est invitée à préciser si cette aide est également fournie dans les affaires pénales et dans quelle mesure les intéressés sont libres de choisir leur avocat. Il semblerait que les tribunaux ne participent pas aux décisions relatives à l’octroi de l’aide juridictionnelle, alors qu’ils seraient sans doute mieux placés que l’administration judiciaire pour juger de la nécessité de cette aide. M. Thelin souhaiterait également connaître le nombre de demandes rejetées et les raisons des refus, afin de pouvoir évaluer le fonctionnement du système d’aide juridictionnelle, qui semble par ailleurs respecter les normes habituelles en la matière. En revanche, des ONG contestent l’affirmation faite au paragraphe 91 des réponses écrites selon laquelle les procédures relatives au retrait ou à la reconnaissance de la capacité juridique donneraient le droit à une aide juridictionnelle car selon elles, il s’agirait de procédures gracieuses n’ouvrant pas droit à être représenté par un conseil. Estimant que les personnes les plus vulnérables devraient bénéficier à titre prioritaire de l’aide juridictionnelle, M. Thelin souhaiterait des précisions à ce sujet.

32.En ce qui concerne les projets culturels à l’intention des minorités nationales évoqués dans la réponse relative au paragraphe 24 de la liste des points à traiter, il serait utile que la délégation fournisse des données sur la proportion de ces populations minoritaires qui bénéficiera effectivement des projets, en milieu urbain et en milieu rural. Des informations sur l’existence d’outils d’évaluation des résultats des projets seraient également bienvenues.

33.En ce qui concerne l’application de l’article 11 du Pacte, M. Thelin se demande si le respect des obligations contractuelles ne relève pas du Code civil et non du Code pénal comme il est indiqué dans les réponses écrites. Il demande aussi si les personnes qui ne peuvent pas s’acquitter d’une amende prononcée à l’issue d’une procédure pénale sont placées en détention, pratique qui a été abolie dans certains pays.

34.En ce qui concerne la diffusion de propos haineux dans les médias, des éclaircissements sur l’application de l’article 170 du Code pénal et ses liens avec le paragraphe 4 de l’article 24 de la Constitution seraient les bienvenus. Outre les statistiques sur les plaintes déposées, il serait utile de connaître la suite qui y a été donnée, notamment les poursuites engagées et les condamnations prononcées. En particulier, M. Thelin souhaiterait savoir s’il existe une procédure de retrait de la licence de diffusion, par exemple en cas de violations répétées.

35.Enfin, M. Thelin souhaiterait des éclaircissements concernant l’article 137 de la loi sur le statut juridique des étrangers, qui autoriserait l’expulsion d’étrangers considérés comme représentant une menace pour la sécurité nationale ou l’action des pouvoirs publics. Les critères fixés dans la loi semblent si faibles que leur application pourrait constituer une atteinte au principe de non-refoulement. La délégation est invitée à apporter des précisions à ce sujet.

La séance est suspendue à 11 h 20; elle est reprise à 11 h 40.

36.M me Urbonė (Lituanie) dit qu’à la suite de la ratification en juin 2012 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par le Parlement, des modifications ont été apportées au Code pénal de manière à renforcer les dispositions réprimant la traite. Le Code pénal punit en outre l’utilisation des services ou l’exploitation du travail des personnes victimes de la traite. Les personnes identifiées comme victimes de la traite sont associées aux enquêtes de la police et sont suivies par des travailleurs sociaux pendant la durée des enquêtes et au-delà. Elles sont reconnues comme entrant dans la catégorie des victimes d’infractions graves et bénéficient à ce titre de droits particuliers comme le droit de garder l’anonymat pour témoigner dans des procédures pénales et le droit à une protection rapprochée dans les circonstances prévues par la loi. Elles ont également droit à l’assistance gratuite d’un conseil. Dans le cas de mineurs, le Code de procédure pénale prévoit des garanties procédurales supplémentaires, notamment le droit d’être entendu avant le procès afin de ne pas être confronté à l’auteur de l’infraction. L’exploitation sexuelle est la principale finalité de la traite en Lituanie. Il est difficile d’évaluer précisément l’ampleur du problème car les activités liées à la traite sont clandestines et les victimes se font rarement connaître. Des campagnes d’information sont menées pour sensibiliser le grand public au problème de la traite et des efforts sont faits pour faciliter l’accès des victimes à une information sur leurs droits. À ce sujet, le site Web de la police lituanienne contient des renseignements détaillés ainsi qu’une adresse électronique que les victimes, de même que toute autre personne ayant des informations sur des faits de traite, peuvent utiliser pour alerter la police. Outre qu’elle collabore étroitement avec de nombreuses organisations non gouvernementales sur le terrain, la police lituanienne coopère avec les services de police d’autres États. Une mission conjointe de la police lituanienne et de la police britannique a ainsi récemment permis l’arrestation d’un groupe de trafiquants qui ont été traduits en justice et condamnés.

37.M me Bukantaitė (Lituanie) dit que la loi sur la protection des données personnelles est alignée sur le droit européen, en particulier la Directive no 95/46/CE, et ne s’applique donc pas au traitement des données effectué par des particuliers pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques. En ce qui concerne la vidéosurveillance, quiconque s’estime victime d’une atteinte à sa vie privée peut adresser une plainte à l’Inspection publique de la protection des données. Le grand nombre de plaintes qu’a reçues l’Inspection en 2009, année de l’entrée en vigueur de la réglementation sur la vidéosurveillance, montre que la population est bien informée de ce droit.

38.M. Velkas (Lituanie) dit qu’il n’existe pas de mesures particulières visant à faciliter la promotion des idées des LGBT. Les moyens d’expression sont les mêmes pour tous les groupes d’intérêt. Il existe un Code de déontologie des journalistes depuis 1996, mais il ne contient pas de dispositions spécifiques régissant les portails d’information sur Internet. Certains responsables de ces portails tels que Delfi (http://www.delfi.lt/), très populaire dans le pays, ont cependant entrepris d’élaborer leur propre code de conduite. Il faut distinguer le contenu des articles diffusés par ces médias et celui des commentaires des lecteurs qui, sur le site de Delfi notamment, contiennent souvent des propos racistes ou qui incitent à la haine.

39.Ni le Code des infractions administratives ni le Code pénal ne répriment les relations homosexuelles ou l’apologie des relations homosexuelles. Quant à la loi sur la protection des mineurs contre les effets préjudiciables de l’information, elle définit comme pouvant avoir des effets préjudiciables sur les mineurs les informations qui encouragent la violence sexuelle à l’égard de mineurs, l’exploitation sexuelle des mineurs et les relations sexuelles entre mineurs ou qui dénigrent les valeurs familiales et le mariage. Il n’y est nulle part fait mention des relations homosexuelles.

40.M. Valentukevičius (Lituanie) dit qu’une dizaine de personnes ayant participé à des manifestations néonazies ont été poursuivies en application de l’article 170 du Code pénal (incitation à la haine) et condamnées à des amendes. Les plus hautes autorités de l’État, notamment le Président de la République, ont sévèrement critiqué ces manifestations.

41.M me Vy š niauskait ė(Lituanie) dit que la loi de 2006 sur les services sociaux garantit aux enfants privés de leur milieu familial l’accès gratuit aux services nécessaires à leur protection et à leur développement. En 2007, 556 personnes étaient employées à plein temps dans ces services spécialisés; elles sont plus de 600 à l’heure actuelle. Les statistiques établies sur plusieurs années montrent que quelque 2 000 cas de violence à l’égard d’enfants sont enregistrés en moyenne chaque année, dont 6 % concernent des faits de violence sexuelle. Il n’existe pas de statistiques détaillées permettant de connaître le nombre de cas qui ont été recensés dans des établissements accueillant des enfants. En 2009, un numéro d’urgence a été mis en place à l’intention des enfants victimes de violences; il permet de mettre les enfants en détresse directement en relation avec les services sociaux compétents qui pourront leur apporter rapidement l’aide dont ils ont besoin. L’étude réalisée en 2008 par le médiateur pour les droits de l’enfant au sujet de la violence sexuelle à l’égard des enfants dans les foyers d’accueil et les établissements d’éducation spécialisée était fondée sur des témoignages anonymes qui ont permis d’évaluer l’ampleur du problème mais non de recenser des cas individuels en vue d’ouvrir des poursuites. Le médiateur est toutefois tenu par la loi d’informer le procureur de toute allégation de violence à l’égard d’enfants afin que celui-ci décide de l’opportunité d’ouvrir une enquête.

42.M. Vidtmann (Lituanie) dit qu’environ 120 établissements scolaires dispensent un enseignement dans une ou plusieurs langues des minorités nationales. Des cours de lituanien gratuits sont proposés aux enfants ainsi qu’aux adultes issus des minorités, en particulier dans les régions où celles-ci sont nombreuses. La Stratégie de développement de la politique en faveur des minorités nationales s’applique à toutes les minorités reconnues et enregistrées comme telles dans le pays. Un montant de 1 million de litai a été alloué aux organisations représentant les minorités dans le cadre de la Stratégie. Les autorités entretiennent un dialogue permanent avec les représentants de ces organisations, qui sont regroupés au sein du Conseil des minorités.

43.M me Bukantaitė (Lituanie) dit que l’aide juridictionnelle secondaire concerne les procédures civiles, administratives et pénales. Pour ce qui est des procédures pénales, la loi définit les cas dans lesquels l’aide juridictionnelle peut être accordée indépendamment de la situation financière de la personne qui souhaite en bénéficier, par exemple lorsque le défendeur est mineur ou est jugé pour une infraction passible de la réclusion à perpétuité. Dans les autres cas, l’octroi de l’aide juridictionnelle est subordonné à une condition de ressources. D’après les statistiques du service de l’aide juridictionnelle, 16 833 demandes d’aide juridictionnelle ont été présentées en 2011, dont seulement 283 − 1,7 % − ont été rejetées. L’accès à l’aide juridictionnelle est garanti à tous les stades des procédures civiles, administratives et pénales. Dans les procédures civiles, c’est le service de l’aide juridictionnelle qui statue sur les demandes. Dans les procédures administratives et pénales, la décision appartient au procureur et au tribunal. Les personnes déclarées incapables en vertu de la loi ont droit à l’aide juridictionnelle. À ce sujet, il convient de rappeler que la Lituanie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole s’y rapportant en 2010 et qu’elle ne ménage aucun effort pour s’acquitter de ses obligations au titre de ces instruments. Le Comité sera également intéressé de savoir que le système d’aide juridictionnelle de la Lituanie a été salué à plusieurs reprises par le Conseil de l’Europe.

44.M. Valentukevičius (Lituanie) dit qu’en vertu du Code pénal, lorsqu’une personne condamnée à une amende n’est pas en mesure de s’acquitter du montant dû, l’amende peut être convertie en un travail d’intérêt général ou une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut pas excéder quatre-vingt-dix jours. Lorsque le montant de l’amende est élevé, séjourner trois mois en prison, aux frais de l’État, peut constituer pour certains une solution préférable au paiement de l’amende qui risquerait de compromettre leur situation financière à plus ou moins long terme. En matière contractuelle, c’est le Code civil qui s’applique, lequel ne permet pas la conversion d’une amende ou de dommages-intérêts en peine privative de liberté en cas d’incapacité du défendeur à s’acquitter du montant dû.

45.M me Urbon ė (Lituanie) dit que les motifs d’expulsion prévus par l’article 26 de la loi sur le statut juridique des étrangers sont limités et que seul un tribunal peut ordonner une expulsion. L’article 130 de la loi interdit l’expulsion d’un étranger vers un pays où il risquerait d’être soumis à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Les recours ont un effet suspensif. Les organisations internationales et les organisations non gouvernementales peuvent surveiller l’exécution des arrêtés d’expulsion.

46.M.  Velkas (Lituanie) dit que la Lituanie respecte la liberté d’expression mais que ce droit n’est pas absolu. La Constitution, le Code pénal et la loi sur la diffusion de l’information contiennent des dispositions interdisant l’incitation à la haine. L’Inspecteur de la déontologie des journalistes, nommé par le Parlement, supervise l’application de la loi sur la diffusion de l’information et de la loi sur la protection des mineurs. Il veille au respect de principes tels que l’exactitude, l’objectivité et le respect de la dignité et de la vie privée. En cas de violation supposée des dispositions des lois en question, il ouvre une enquête (d’office ou sur plainte). La procédure d’examen des plaintes est régie par les principes établis au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. L’Inspecteur peut donner des avertissements ou imposer des sanctions administratives mais ne peut pas exercer de censure ni demander la divulgation des sources d’information.

47.M.  O ’ Flaherty se dit préoccupé par l’application des dispositions de l’article 16 de la loi sur la protection des mineurs contre les effets préjudiciables de l’information publique qui semblent excessivement restrictives par rapport à l’article 19 du Pacte. Il prend note de l’observation de Mme Skaisgirytė Liauškienė qui affirme que l’État ne peut pas interdire la tenue de rassemblements même s’ils sont extrêmement haineux, mais rappelle que la liberté de réunion n’est pas un droit absolu et que dans certains cas l’État a l’obligation de prendre des mesures restrictives, notamment lorsque les droits de l’homme risquent d’être violés. Il appelle l’attention sur la situation, extrêmement préoccupante, des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres en Lituanie et invite l’État partie à adopter un plan d’action national pour promouvoir les droits de ces personnes, en s’inspirant notamment de l’exemple brésilien.

48.M.  Salvioli comprend bien que l’État ne peut pas contrôler tout détenteur d’une caméra ou d’un appareil photo, mais demeure préoccupé par le fait que les services d’inspection ne soient pas habilités à recevoir des plaintes contre l’utilisation d’enregistrements de vidéosurveillance susceptibles de porter atteinte à la vie privée. Il exprime son désaccord avec la réponse de la délégation lituanienne au sujet de la liberté de réunion et du droit de manifester. Le Comité est très prudent en matière de liberté d’expression, mais cette liberté a des limites, en particulier celles énoncées à l’article 19 du Pacte. M. Salvioli regrette que la délégation ait déclaré qu’il n’existe pas de mécanisme juridique pour interdire les manifestations haineuses alors que les articles 11 et 12 de la loi sur la question prévoient l’interdiction des manifestations qui représenteraient un danger pour l’État, la sécurité publique, la santé, la morale ou les droits et libertés de la population. Dans ces conditions il se demande pourquoi l’autorité compétente autorise depuis 2009 la tenue de manifestations clairement néonazies et ignore qu’elles portent atteinte aux droits et aux libertés de la population.

49.M.  Thelin dit que les dispositions du paragraphe 3 de l’article 137 de la loi sur le statut juridique des étrangers semblent restreindre l’application du principe de non-refoulement d’un étranger vers un pays où il risquerait de subir des actes de torture ou d’être soumis à une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. En effet, alors que le libellé antérieur précisait que le principe du non-refoulement ne s’applique pas à l’égard d’un étranger qui, pour des raisons sérieuses, constitue une menace pour la sécurité nationale, l’expression «raisons sérieuses» ne figure plus dans le nouveau texte. M. Thelin demande si la loi a déjà été modifiée ou s’il s’agit d’un projet et s’interroge sur la compatibilité de ces nouvelles dispositions avec l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés et avec les dispositions du Pacte.

50.M me Vyšniaukait ė -Radinskien ė (Lituanie) dit que le programme national de lutte contre la discrimination s’applique également aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et vise à promouvoir la tolérance et le respect et à informer le public des effets néfastes de la discrimination non seulement sur les victimes mais aussi sur l’ensemble de la société. À l’issue d’un concours auquel participaient diverses organisations de défense des droits de l’homme, l’organisation lituanienne de défense des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres a décroché une aide financière pour la mise en œuvre de ce programme, qui a déjà été reconduit pour 2012-2014.

51.M me Bukantait ė -Kutkevičien ė (Lituanie) dit que la loi sur la protection des données personnelles établit que toute personne victime d’une utilisation illicite de ses données personnelles peut prétendre à une indemnisation financière et à d’autres formes de réparation. Par conséquent, même une personne qui utilise la vidéosurveillance pour son usage personnel est légalement responsable en cas de violation de la loi.

52.M me Skaisgiryt ė Liauškien ė (Lituanie) dit que la délégation lituanienne s’engage à communiquer ultérieurement par écrit les réponses aux questions en suspens. Elle a pris note avec beaucoup d’intérêt des observations et des recommandations formulées par les membres du Comité et signalera aux autorités lituaniennes compétentes les lacunes mises en évidence. La Lituanie entend maintenir un dialogue étroit et constructif avec le Comité.

53.La Présidente déclare que le Comité a ainsi achevé l’examen du troisième rapport périodique de la Lituanie.

La séance est levée à 13 heures.