Nations Unies

CCPR/C/SR.2726

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

8 août 2010

Original: français

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

Compte rendu analytique de la 2726 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 20 juillet 2010, à 10 heures

Président:M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun (CCPR/C/CMR/4, CCPR/C/CMR/Q/4, CCPR/C/CMR/Q/4/Add.1) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation camerounaise reprend place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation camerounaise à poursuivre ses réponses aux questions qui ont été posées oralement par les membres du Comité à la séance précédente.

3.M. Nkou (Cameroun) dit que le Comité peut être rassuré au sujet de la situation des femmes au Cameroun. Dans son pays, la femme est tout, autrement dit elle n’est pas simplement une épouse, une mère, une sœur ou une fille. S’il arrive qu’un homme soit réticent ou frustré à l’idée que son épouse jouisse des mêmes droits que lui, aucun Camerounais ne regrettera que sa mère, sa sœur, sa fille soient traitées sur un pied d’égalité par rapport aux hommes. Il faut bien voir également que la femme au Cameroun est protégée sa vie durant par quatre hommes: son père, son frère, son mari et son fils. Tout homme qui se hasarde à exercer des violences physiques contre une femme doit ensuite faire face à ces quatre hommes, qui volent au secours de la victime. On peut donc dire que, si des violences sont effectivement exercées contre les femmes, elles le sont aux risques et périls de leurs auteurs.

4.La délégation camerounaise a déjà répondu aux questions concernant l’accès des femmes à l’éducation, et M. Nkou ajoutera simplement que le taux de scolarisation des filles est plus élevé que celui des garçons. En outre, des femmes camerounaises ont étudié et étudient dans les établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux du monde. Le fait que l’un des membres de la délégation, Mme Nama, soit docteur en droit international et ministre plénipotentiaire montre le niveau de compétence des femmes camerounaises.

5.M. Mahouve (Cameroun) indique que le Code pénal prévoit la peine de mort pour les crimes les plus graves, ce qui est conforme aux dispositions de l’article 6 du Pacte. Les crimes les plus graves sont en général les atteintes à la sûreté et à l’intégrité territoriale de l’État (hostilité contre la patrie, trahison, sécession en temps de guerre, en période d’état d’urgence ou d’état d’exception, incitation à la guerre civile). Les crimes de sang, notamment l’assassinat, et le vol assorti de violences ayant entraîné la mort ou des blessures graves sont également passibles de la peine de mort. La condamnation à la peine de mort peut faire l’objet d’un recours de droit commun si elle a été prononcée en l’absence de l’accusé, d’un appel quand elle a été prononcée à l’issue d’une procédure contradictoire, et d’un pourvoi en cassation devant la Cour suprême, laquelle constitue aujourd’hui un troisième degré de juridiction pénale. Lorsque la peine capitale est prononcée, une demande de grâce est systématiquement adressée au Président de la République, et la sentence ne peut être exécutée avant que ce dernier ne se soit prononcé. En outre, la peine de mort ne peut pas être infligée aux femmes enceintes avant l’accouchement. En ce qui concerne les mineurs, il faut bien voir que la majorité pénale au Cameroun est fixée à 18 ans. Le Code pénal prévoit que les mineurs âgés de 14 à 18 ans bénéficient de l’«excuse atténuante» et ne peuvent pas être condamnés à mort. S’ils sont reconnus coupables d’un crime passible de cette peine, ils sont condamnés à une peine de deux à dix ans de privation de liberté. M. Mahouve rappelle en outre que le Cameroun a adhéré à la Convention relative aux droits de l’enfant, qui interdit l’application de la peine de mort aux mineurs.

6.En ce qui concerne la transformation du moratoire de fait sur les exécutions en un moratoire officiel, la recommandation du Comité à cet égard sera très certainement examinée par le Gouvernement camerounais.

7.La délégation camerounaise admet que le phénomène de la justice populaire a connu une recrudescence en 2006; en particulier, le Commissariat central de Douala a enregistré au moins sept affaires relevant de l’exercice d’une justice populaire. Le Gouvernement a toutefois rapidement pris la mesure de la situation et adopté des dispositions en conséquence. Ainsi, les auteurs de violences ont été dûment poursuivis en justice. Le Comité a évoqué par ailleurs la frustration de certains agents des forces de l’ordre qui ont parfois le sentiment que les individus qu’ils ont arrêtés sont rapidement libérés par le juge ou le procureur. Ce sentiment de frustration existe effectivement mais il n’est cependant pas justifié, puisque la justice est une institution indépendante au Cameroun d’une part, et que les suspects ne sont pas tous coupables d’autre part. En outre, des officiers de la police judiciaire ont considéré que le nouveau Code de procédure pénale risquait d’offrir une certaine impunité aux délinquants, et les autorités ont eu par conséquent à cœur de mener une campagne d’information avant l’entrée en vigueur de ce code, de façon à montrer que le droit à la protection des droits de l’homme doit bénéficier à tous, et que le droit d’être présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été établie doit impérativement être respecté. Cela étant, on observe aujourd’hui une évolution des mentalités, le Code de procédure pénale est de mieux en mieux accepté par la population et il n’a plus été constaté de manifestations du phénomène de justice populaire.

8.Le Comité s’est inquiété de ce que le Code pénal prévoirait l’exonération de la responsabilité pénale de l’auteur d’un viol dans le cas où la victime consentirait à épouser celui qui l’a violée. La disposition pertinente du Code pénal ne vise nullement à encourager le viol, elle prévoit simplement qu’il peut être renoncé aux poursuites si la victime, pour autant qu’elle soit pubère à l’époque des faits, accorde son pardon à l’auteur du viol et consente librement à l’épouser. Cette situation répond à un principe de justice réparatrice, mais elle sera réexaminée dans le cadre de la révision du Code pénal, qui pourrait entraîner la modification ou l’abrogation de la disposition pertinente.

9.À propos des exécutions extrajudiciaires, les membres des forces de l’ordre reçoivent des consignes strictes, dont la violation entraîne automatiquement des poursuites judiciaires et des sanctions. M. Mahouve donne l’exemple d’un commandant de gendarmerie de Poli, qui avait ordonné l’exécution sommaire de sept individus soupçonnés d’être des coupeurs de route, et qui a été condamné à douze ans d’emprisonnement par le tribunal militaire de Yaoundé.

10.L’article 296 du Code pénal relatif au viol est formulé en termes généraux et prévoit qu’«est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans celui qui à l’aide de violences physiques ou morales contraint une femme, même pubère, à avoir avec lui des relations sexuelles». Cela signifie qu’un homme qui soumet son épouse à des violences physiques ou morales peut être poursuivi pour viol. On observe une augmentation du nombre de viols et même d’incestes; en effet, une enquête réalisée par le Réseau national des associations des Tantines (RENATA) et à laquelle a collaboré le Ministère de la santé a permis de recenser 432 833 cas. Dans 14 % d’entre eux, les victimes étaient des enfants en bas âge, et dans 18 cas l’infraction avait été commise par un membre de la famille de la victime. L’ampleur du phénomène a conduit les autorités à lancer au printemps 2009 une vaste campagne interministérielle d’information et de prévention, qui se prolongera jusqu’en 2011. Ces efforts ont également été relayés par les présidents des cours d’appel, qui ont inscrit la question du viol et de l’inceste à l’ordre du jour de leur réunion annuelle. D’une façon générale, les autorités examinent actuellement les mesures à prendre, et envisagent notamment de réprimer plus sévèrement ces infractions.

11.M me  Nama (Cameroun) dit que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés sont nommés à l’issue d’un vaste processus de consultation de la société civile et des partis politiques. Cela étant, le Gouvernement ne considère pas que le processus de nomination constitue en soi une garantie de l’indépendance de la Commission; l’élément déterminant est le consensus auquel ses activités doivent donner lieu. La Commission rend effectivement compte au chef de l’État, mais depuis plusieurs années ses rapports annuels sont rendus publics et bénéficient d’ailleurs d’une large couverture médiatique. La Commission établit aussi des rapports thématiques, notamment sur les visites des établissements pénitentiaires, qui sont ensuite transmis aux structures techniques compétentes. La Commission peut être saisie par toute personne physique ou morale ou par toute autorité publique, sur simple requête ou dénonciation, et peut mener d’office des investigations; une fois saisie, elle s’assure de la véracité des faits portés à sa connaissance et si les faits sont établis, elle recommande des mesures de sanction pour les coupables et de réparation pour les victimes. Ainsi, en 2009, des agents de la police ont été sanctionnés par la Délégation générale de la sécurité nationale, et d’autres mesures ont été prises également dans le cadre de la réforme de l’administration pénitentiaire. Le viol, le viol conjugal, les violences à l’égard des femmes et le lévirat sont autant de questions prises en compte dans l’élaboration du projet de code des personnes et de la famille ainsi que dans le cadre de la révision du Code pénal et du Code civil. Il s’agit là de questions complexes, qui touchent aux coutumes, c’est-à-dire à des faits sociaux, mais aussi à des aspects de l’intimité comme les sentiments de pudeur, d’humiliation et de honte et il faudrait que le législateur puisse compter sur un environnement social favorable. Les coutumes ne s’effacent pas par décret et il est donc important de mener des campagnes de sensibilisation, d’information et d’éducation, notamment auprès des chefs traditionnels, de façon à améliorer l’accès des femmes à l’éducation et à la formation et à leur permettre ainsi de mieux se prendre en charge et de faire respecter leurs droits. Les campagnes menées par les pouvoirs publics sont également relayées par les radios communautaires. Certes, ce n’est pas encore très fréquent, mais les autorités utilisent aussi les émissions des médias publics en langues locales dans les régions rurales pour assurer la diffusion des informations et recommandations. D’une façon générale, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés a permis de réaliser des progrès importants dans la mise en œuvre des résolutions de l’ONU relatives à l’éducation aux droits de l’homme. Par exemple, des cahiers pédagogiques ont été élaborés à cette fin, et ils sont actuellement expérimentés dans 50 établissements (9 anglophones, 34 francophones et 7 bilingues). Cette mesure reflète le souci des autorités de sensibiliser les enfants le plus tôt possible à l’éducation aux droits de l’homme.

12.La délégation a pris bonne note de la suggestion tendant à établir un mécanisme spécifique qui permettrait de donner effet aux constatations du Comité dans les communications mettant en cause le Cameroun, et elle la soumettra à son gouvernement. Il convient de noter en outre que les informations concernant l’examen du quatrième rapport périodique seront diffusées par voie de presse, avec l’indication du site Web sur lequel le rapport pourra être consulté.

13.M. Ngantcha (Cameroun) mentionne des extraits d’un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, dans lequel il est dit que l’établissement de la Commission a constitué un progrès pour assurer le respect des Principes de Paris et des meilleures pratiques du Commonwealth en matière d’institutions nationales des droits de l’homme. La Commission a été instituée en vertu d’une loi, et non pas d’un simple décret, et elle jouit d’une plus grande indépendance financière que le Comité auquel elle a succédé, grâce à l’inscription spécifique de son budget dans la loi de finances. Le budget de la Commission est approuvé aujourd’hui par le Parlement, alors qu’auparavant il était laissé à la discrétion du pouvoir exécutif. La Commission est habilitée à tenir des auditions, à fournir une assistance juridique et à intervenir dans tous les cas où il est nécessaire d’assurer une protection aux victimes de violations des droits de l’homme. Elle peut rendre publics ses recommandations et ses rapports. Pour des raisons pratiques, la publication des rapports annuels de la Commission a subi des retards à partir de 2003, mais les autorités espèrent que la situation s’améliorera et qu’à l’avenir la Commission sera en mesure de publier régulièrement ses rapports annuels. La délégation camerounaise tient à la disposition du Comité les rapports annuels pour 2006 à 2009.

14.M. Thelin remercie la délégation des réponses satisfaisantes qu’elle a apportées à un certain nombre de questions, en particulier concernant les infractions qui emportent la peine de mort. Il croit comprendre en outre que le Gouvernement envisage d’instaurer un moratoire officiel sur l’exécution des peines capitales, ce qui est un élément positif. Il serait toutefois utile de connaître le nombre de cas dans lesquels la peine de mort est prononcée chaque année, et pour quels délits. La délégation camerounaise a donné des explications au sujet du phénomène de la justice populaire, mais M. Thelin voudrait savoir quelles mesures ont été prises concernant les affaires dans lesquelles des agents des forces de sécurité étaient impliqués. Il appelle à ce propos l’attention sur la nécessité d’établir un mécanisme permettant d’enquêter sur ces affaires en toute indépendance. Il voudrait connaître également le nombre d’exécutions extrajudiciaires estimé pour 2009 et 2010.

15.L’article 64 du Code de procédure pénale semble autoriser l’intervention du Ministère de la justice ou du Procureur dans une procédure judiciaire qui est en cours, ce qui constituerait une situation très préjudiciable à l’indépendance du pouvoir judiciaire et difficilement conciliable avec la nécessité d’assurer la séparation des pouvoirs. M. Thelin souhaiterait entendre les commentaires de la délégation sur ce point, et savoir en outre si l’article 64 du Code de procédure pénale a déjà été invoqué devant les tribunaux.

16.Le chef de la délégation a mis en garde contre la perception de la réalité du pays qu’ont des organisations non gouvernementales qualifiées de «politisées», et M. Thelin souhaiterait savoir ce qu’il entend par ce terme. Par ailleurs, toutes les associations doivent être enregistrées auprès du préfet, mais on ne voit pas clairement sur quels critères l’enregistrement d’une association peut être refusé et si une telle décision peut être contestée et devant qui. Dans le cas où la décision d’enregistrement serait laissée à l’entière discrétion du préfet, cette situation pourrait soulever des questions au regard de l’application du Pacte. M. Thelin croit comprendre en outre que la procédure prévoit une deuxième étape qui permet à une association d’obtenir le statut d’organisation non gouvernementale. Il n’y aurait que 16 organisations non gouvernementales au Cameroun, ce qui est très peu, et M. Thelin demande des éclaircissements sur tous ces points. Enfin, il relève qu’il n’a pas été répondu à ses questions concernant le Bataillon d’intervention rapide et l’Unité spéciale des antigangs, et il serait reconnaissant à la délégation camerounaise de bien vouloir apporter les précisions demandées.

17.M. O’Flaherty dit que les organisations non gouvernementales jouent un rôle fondamental dans toute société démocratique et que leur travail est précieux pour le Comité des droits de l’homme. La diversité des points de vue sur les questions touchant aux droits de l’homme témoigne de la santé de la démocratie. Le Comité serait heureux d’entendre le chef de la délégation camerounaise le rassurer quant à la volonté de l’État partie de soutenir l’action des défenseurs des droits de l’homme. À ce sujet, il souhaite savoir pourquoi le Cameroun ne compte que 16 organisations non gouvernementales enregistrées, et pourquoi il n’y en a aucune, parmi celles-ci, qui s’occupe des droits de l’homme.

18.En ce qui concerne l’homosexualité, la délégation a expliqué que le Parlement ne serait pas disposé à changer la loi; il reste que, quelles que soient les réticences de l’Assemblée nationale, l’État partie doit honorer les obligations qui sont les siennes non seulement en vertu des articles 2, 17 et 26 du Pacte, relatifs à la non-discrimination et à la vie privée, mais aussi du Pacte tout entier. En effet cette interdiction porte, non pas sur les relations sexuelles entre personnes du même sexe, mais sur l’homosexualité, et donc sur l’identité. M. O’Flaherty n’a pas eu de réponse à la question de savoir concrètement quelles sont les preuves demandées pour établir l’identité homosexuelle d’un individu et comment les dénonciations calomnieuses peuvent être évitées. Il voudrait connaître le nombre de cas dans lesquels la disposition pénale a été appliquée ces dernières années. La question des messages de santé publique à l’intention de la communauté homosexuelle est également restée sans réponse.

19.M. Salvioli dit que la délégation a dissipé ses inquiétudes au sujet de l’application du Pacte par les tribunaux en expliquant que les magistrats invoquent les normes constitutionnelles, dont beaucoup reprennent les garanties du Pacte. Il n’en va pas de même pour les préoccupations relatives à la condition de la femme. En tant que sujet de droit, la femme doit être protégée, notamment contre la violence au foyer, par l’État et par la loi, et non par les hommes de sa famille. En cas de viol, si l’homme offre le mariage à sa victime et que celle-ci accepte, il n’est pas sanctionné pénalement. Or, pour le viol comme pour toute autre infraction, le pardon de la victime ne peut pas exonérer de la responsabilité pénale. L’État a le devoir de montrer à la société que le viol est un comportement inacceptable, que la victime pardonne ou non à son agresseur. M. Salvioli croit avoir compris que dans le nouveau code pénal et le nouveau code de la famille, en cours d’adoption, la violence au foyer et le viol conjugal étaient couverts, mais il demande confirmation et souhaiterait savoir quand l’État partie estime que le projet sera adopté.

20.M me Majodina remercie la délégation de ses réponses concernant la Commission nationale des droits de l’homme, qui montrent que des progrès ont été accomplis dans le renforcement de l’autonomie de cet organe. Toutefois ces progrès ne sont pas suffisants et elle continue de penser que la nomination des membres de la Commission par le Président, selon la procédure fixée par la loi, n’est pas une garantie d’indépendance et devrait être plus transparente. La loi devrait établir aussi clairement que la Commission ne peut pas recevoir d’instructions du Gouvernement. En outre, les rapports de la Commission ne devraient pas être adressés au Ministère de la justice. L’entière indépendance de la Commission à l’égard du pouvoir exécutif reste à réaliser. Plusieurs membres du Comité ont relevé que l’égalité des droits n’était pas assurée pour les femmes, qui subissent de nombreuses discriminations, découlant souvent de pratiques traditionnelles préjudiciables. Elle voudrait savoir quelles mesures concrètes l’État partie prend pour que des enquêtes et des actions en justice soient ouvertes dans les cas d’atteintes faites aux femmes, y compris les cas de mutilations génitales. Ces informations pourront être données plus tard par écrit. Comme M. Salvioli, elle souhaite savoir quand le projet de la loi interdisant clairement la discrimination à l’encontre de la femme sera adopté. Elle aimerait aussi avoir plus de renseignements sur le système de justice traditionnel et demande si l’État a l’intention d’interdire aux chefs traditionnels de prendre des mesures punitives excessives, dont il est fait mention dans le rapport périodique.

21.M.  Nkou (Cameroun) souligne, à propos de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, que les premiers garants des droits de l’homme, avant les organisations de la société civile, sont le chef de l’État, le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Des efforts considérables ont été faits pour garantir l’indépendance de cette institution, notamment au plan financier, ses membres ne sont pas des fonctionnaires mais des membres de la société civile choisis en fonction de leurs compétences, et il ne lui semble pas opportun que la Commission rende compte à l’Assemblée nationale. Le Sous-Comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme, en dotant la Commission du statut A, a reconnu que cette institution satisfaisait aux critères d’efficacité et d’indépendance. Le pays compte 200 partis politiques, des milliers d’organisations non gouvernementales, plus de 600 journaux, 200 radios et une douzaine de chaines de télévision. Le Cameroun est donc bien pourvu en matière de défense et de protection des droits de l’homme; toutefois la délégation ne manquera pas de transmettre au Gouvernement les remarques du Comité. Au sujet de la condition de la femme, les textes sont faits pour garantir la protection des droits de la femme en toute égalité avec l’homme. Concernant le mariage en réparation du viol, si les deux personnes s’entendent pour se marier, l’action civile s’arrête; mais si le viol a été porté à la connaissance de l’autorité, l’action publique a été mise en mouvement automatiquement et elle ne s’éteint pas.

22.La chefferie traditionnelle est l’auxiliaire de l’administration. Elle permet de réduire l’encombrement du rôle. Les tribunaux coutumiers appliquent le principe de la réconciliation car, comme chacun sait, mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès. Si aucun accord n’intervient, le chef traditionnel a l’obligation de renvoyer l’affaire aux autorités judiciaires compétentes.

23.La peine de mort n’est plus appliquée depuis 1997. La grâce présidentielle est systématiquement accordée à tous les condamnés à mort. Il ne manquera pas de soumettre au Gouvernement la suggestion du Comité concernant l’abolition de la peine capitale.

24.La Brigade d’intervention rapide est une unité spécialisée capable de venir très rapidement au secours de l’honnête citoyen qui est agressé; l’unité des antigangs est également une unité spécialisée, apte à faire face aux situations urgentes et dramatiques. Les membres de la Brigade d’intervention rapide ont une formation spécifique en matière des droits de l’homme et sont individuellement justiciables et responsables devant la loi. L’État ne tolère ni les exécutions extrajudiciaires ni les assassinats. Comme partout, il existe des criminels au Cameroun mais ils sont toujours arrêtés et traduits en justice. Ceux qui ont connaissance d’assassinats et d’exécutions extrajudiciaires doivent aller porter plainte contre les auteurs devant les tribunaux, ils doivent s’adresser au Directeur des droits de l’homme au Ministère de la justice, qui engagera l’action publique. La délégation fera part au Gouvernement des préoccupations des membres du Comité concernant l’incrimination de l’homosexualité.

25.M. Mahouve (Cameroun) dit que la délégation fera parvenir au Comité les éléments demandés concernant le nombre de peines capitales prononcées et les motifs de condamnation. S’agissant des exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité, il est vrai qu’il n’existe pas de mécanisme spécifique indépendant de poursuite de ces infractions qui relèvent des mécanismes de droit commun. Il peut donc arriver que la justice militaire soit saisie. Il conviendra d’étudier la suggestion de mettre en place une structure indépendante habilitée à enquêter lorsque des éléments des forces de l’ordre sont mis en cause.

26.Pour ce qui est de la question de l’application de l’article 64 du Code de procédure pénale, l’introduction de cette disposition s’explique par deux raisons. La première est que le Code de procédure pénale est la synthèse du système romano-germanique et du système de la common law , et c’est de ce dernier qu’est héritée la procédure de nolle prosegui . La deuxième raison, plus importante encore, est que la mosaïque ethnique et religieuse qui caractérise le Cameroun risque de faire du pays une poudrière. Il fallait donc que le Code de procédure pénale donne à l’État un moyen, dans des cas exceptionnels, de juguler des situations de tension. Le Ministère de la justice n’a utilisé cette disposition qu’une seule fois, dans une situation où, si elles avaient été menées à leur terme, des poursuites pénales étaient de nature à entraîner le chaos dans la région en proie aux tensions. Cette disposition a donc pour but de favoriser la concorde nationale. Il faut bien voir aussi que l’arrêt des poursuites pénales n’a aucune incidence sur l’action civile, qui permet d’accorder réparation aux victimes.

27.En ce qui concerne la question de l’exonération de la responsabilité pénale pour l’auteur d’un viol dans le cas où il propose d’épouser sa victime et que celle-ci y consent, il existe dans le Code pénal d’autres infractions, comme l’adultère ou l’abandon de foyer, qui ne sont poursuivies que sur plainte et pour lesquelles les poursuites sont abandonnées si la personne offensée se désiste de l’action. Cela étant, la disposition en question est problématique et devra faire l’objet d’un réexamen, dans le cadre de la refonte du Code pénal et du Code de la famille.

28.S’agissant de savoir dans quel délai le nouveau Code de procédure pénale sera promulgué, il est difficile de donner une réponse précise. Ce texte fait, aujourd’hui même, l’objet d’une large consultation au niveau du Ministère de la justice, où l’on étudie tous les aspects à couvrir, y compris les infractions internationales, telles que les actes de terrorisme. Concernant l’élaboration du Code de la famille, étant donné que le Code civil est aussi en cours de révision, pour éviter les éventuels doublons entre les deux textes, l’adoption du Code de la famille est quelque peu retardée. Le Gouvernement entend néanmoins terminer ces trois chantiers dans les meilleurs délais.

29.En ce qui concerne les juridictions coutumières, il convient de souligner à nouveau qu’elles ont une compétence résiduelle. Leurs décisions portent sur des affaires civiles et commerciales ayant essentiellement trait à des questions personnelles et familiales. Elles ne statuent que si les deux parties acceptent leur compétence et ne peuvent appliquer les règles coutumières que lorsque celles-ci ne sont pas contraires au droit écrit et aux bonnes mœurs. De plus, les jugements qu’elles rendent sont susceptibles d’appel devant la cour d’appel. Toutes les garanties voulues sont donc en place autour de ces juridictions, qui non seulement jouent un rôle social important mais aussi contribuent à décongestionner les juridictions ordinaires.

30.M. Ngantcha (Cameroun) dit que le fait que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés soient désignés par le Président de la République ne doit pas être considéré comme portant en soi atteinte à la légitimité et la crédibilité de cet organe. Des élections n’apporteraient pas plus de garanties quant aux qualités de ses membres et à l’efficacité de son action. La législation en vigueur confère des pouvoirs importants à la Commission, qui peut être saisie par tout particulier et examiner toute allégation de violation.

31.M. Mahouve (Cameroun) dit que l’article 29 du décret du 15 juin 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles interdit expressément aux chefs traditionnels de punir leurs sujets, sous peine de révocation. Un chef traditionnel de la région de l’ouest du Cameroun a été destitué sur arrêté du Premier Ministre, en date du 22 août 2005, en raison de ses exactions envers la population. Des poursuites ont aussi été engagées à plusieurs occasions contre des chefs traditionnels pour arrestation et détention arbitraires. Les rapports annuels du Ministère de la justice sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, publiés depuis 2005 en français et en anglais, contiennent de nombreux détails sur les poursuites et les condamnations dont ont fait l’objet des chefs traditionnels. Ces rapports sont établis et validés avec la collaboration de la société civile. Ils sont étayés de nombreux faits et chiffres et ne décrivent pas seulement les avancées réalisées sur le plan normatif et dans la pratique mais traitent aussi des progrès qui restent à accomplir.

32.Le Président invite les membres du Comité à poser des questions sur les questions nos 15 à 28 de la liste.

33.M. El- Haiba, se référant aux réponses écrites du Cameroun, note avec satisfaction que la torture a été érigée en infraction pénale et qu’une division spéciale, appelée «Police des polices», a été créée en 2005. Il se félicite également de la ratification récente par le Cameroun du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Il se déclare toutefois préoccupé par les renseignements émanant d’ONG faisant état de nombreux cas de torture ou de violences constitutives de traitements inhumains ou dégradants à l’encontre des détenus. Certes, l’article 315 du Code de procédure pénale dispose que les aveux obtenus par la contrainte ou la violence ne sont pas recevables comme preuves mais le fait est qu’il est souvent difficile pour les accusés une fois qu’ils sont à la barre de démontrer que leurs aveux ont été obtenus par ces moyens. Il serait donc intéressant de savoir quelles sont les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour lutter contre ce type de pratique dans les commissariats de police et de gendarmerie et les autres lieux de détention.

34.D’après les renseignements reçus par le Comité, sur les 147 corps abandonnés à l’hôpital Laquintinie de Douala en 2005, beaucoup venaient de lieux de détention. La délégation pourra peut-être indiquer si des mesures ont été prises pour établir la vérité sur ces cas. Plus globalement, elle pourra peut-être indiquer si l’État partie envisage d’adopter de nouvelles politiques en matière de sécurité qui permettraient de concilier les impératifs de maintien de l’ordre et l’obligation de respecter les droits de l’homme, de renforcer les mécanismes d’enquête et de réviser le système de sanctions afin que les peines prévues soient proportionnelles à la gravité des actes commis.

35.Il a été question à la séance précédente des émeutes de février 2008 qui, selon l’Observatoire national des droits de l’homme et d’autres associations comme l’ACAT-Cameroun, auraient fait 139 morts. D’après les renseignements dont dispose le Comité, aucun membre des forces de l’ordre n’aurait été poursuivi ni sanctionné pour recours excessif à la force. Des commentaires sur ces événements et sur la suite qui leur a été donnée seraient les bienvenus.

36.Les châtiments corporels sont interdits par la loi no 99-004 mais il semblerait que la pratique persiste. D’après des statistiques établies par l’UNICEF pour les années 2005-2006, 75 % des enfants de 2 à 14 ans auraient subi des châtiments corporels chez eux. Dans ses observations finales de 2001 concernant le Cameroun (CRC/C/15/Add.164), le Comité des droits de l’enfant s’était déclaré vivement préoccupé par la grande fréquence des mauvais traitements à enfants dans la famille et à l’école et il avait recommandé à l’État partie de mener des enquêtes approfondies sur la violence dans la famille et à l’école, dans le cadre de procédures judiciaires. Il serait utile de disposer de données statistiques à jour sur la pratique des châtiments corporels et d’avoir des précisions sur les mécanismes de recours ouverts aux enfants.

37.Plusieurs ONG, dont l’ACAT-Cameroun, ont constaté que dans de nombreux postes de police et de gendarmerie la garde à vue se prolongeait souvent bien au-delà de la durée maximale autorisée par la loi, sans justification et sans que le Procureur de la République soit informé. Outre que cette prolongation constitue une violation des articles 118 et 119 du Code de procédure pénale, il est à craindre qu’elle soit aussi utilisée dans certains cas pour extorquer des aveux. De plus, il semblerait que souvent les personnes arrêtées ne soient pas informées oralement de leurs droits et ne puissent ni prévenir leur famille ni avoir accès à un avocat ou à un médecin. La question qui se pose est donc de savoir quels sont les recours dont disposent les personnes victimes d’arrestation ou de détention arbitraires et quelles sont les sanctions prévues à l’encontre des auteurs de ces actes.

38.Un autre sujet de préoccupation est celui de la durée de détention provisoire. Au 6 août 2008, seuls 15 % des 3 549 détenus de la prison centrale de Douala étaient des condamnés, et tous les autres des prévenus, dont beaucoup n’avaient jamais rencontré de juges. La situation était semblable dans les autres prisons du pays. Il serait intéressant d’avoir des commentaires à ce sujet.

39.M. El-Haiba souhaiterait en outre des précisions sur les conséquences de l’exploitation des ressources naturelles pour certains groupes minoritaires dont la survie dépend de leurs terres. Il souhaiterait en particulier savoir quelles sont les mesures prises par l’État partie pour faire respecter les dispositions du droit de l’environnement en ce qui concerne les études d’impact, et pour établir les responsabilités et octroyer des réparations pour les préjudices subis par les communautés.

40.M me Majodina constate que les mesures prises pour améliorer l’état des prisons ou construire de nouveaux établissements pénitentiaires n’ont pas suffi à améliorer les conditions de détention pour la majorité des prisonniers. Elle prend note avec préoccupation des renseignements faisant état de traitements dégradants à l’encontre des prisonniers et de l’absence de soins de santé dans les prisons, qui seraient à l’origine de nombreux décès, comme celui du journaliste Germain Ngota dans la prison centrale de Yaoundé en avril 2010. Une telle situation soulève la question du rôle et de l’efficacité des autorités pénitentiaires. La délégation voudra peut-être apporter un complément d’information sur la situation dans les prisons et le fonctionnement de l’administration pénitentiaire.

41.M. Thelin remercie la délégation pour ses explications détaillées concernant l’article 64 du Code de procédure pénale et l’unique occasion où cette disposition a été appliquée mais fait observer que la situation décrite aurait pu être réglée sans avoir recours à cette disposition, qui peut être interprétée comme limitant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il note aussi que la délégation n’a pas vraiment répondu aux questions qui lui ont été posées par le Comité comme suite à ses remarques concernant la politisation de certaines ONG.

42.L’État partie a donné dans ses réponses écrites des précisions sur le type de dette qui peut donner lieu à un emprisonnement. En revanche, il n’a pas décrit la procédure suivie pour convertir une amende ou des dommages dus en une peine d’emprisonnement. La délégation pourra peut-être apporter des éclaircissements à ce sujet, en précisant quelles sont les garanties procédurales existantes.

43.En ce qui concerne la protection des réfugiés, M. Thelin souhaiterait savoir si une échéance a été fixée pour la mise en place de la Commission d’éligibilité au statut de refugié et de la Commission de recours des réfugiés prévues dans la loi no 2005/006 du 27 juillet 2005.

44.M. Rivas Posada fait observer que le retrait de passeport constitue une restriction à la liberté de circulation consacrée à l’article 12 du Pacte, et demande des précisions sur le fondement légal de cette mesure et sur les critères appliqués par les autorités en la matière.

45.L’État partie n’a pas éclairé le point de savoir dans quelle mesure les tribunaux militaires étaient compétents pour juger des civils. Or le Comité souhaite avoir l’assurance que la juridiction militaire est limitée aux infractions commises par des militaires dans l’exercice de leurs fonctions et qu’elle ne s’étend pas aux actes commis par des civils. Il attendra donc de la délégation des explications concernant l’étendue exacte de la compétence des tribunaux militaires et les actes qui relèvent exclusivement de leur juridiction. Des mesures ont été prises pour accélérer les procédures judiciaires, ce qui est une bonne chose, mais bien d’autres efforts doivent être faits pour améliorer l’administration de la justice. Il faut notamment des mesures de fond pour garantir que la nomination des juges soit fondée sur le mérite et les compétences, recruter du personnel judiciaire dûment qualifié et former des avocats.

46.Des doutes subsistent quant à la question de savoir jusqu’à quel point les journalistes sont libres de s’exprimer, y compris contre le pouvoir en place, sans risquer de faire l’objet de mesures de rétorsion. S’il est vrai que l’article 19 du Pacte autorise certaines restrictions à la liberté d’expression, celles qui sont appliquées par les autorités camerounaises sous couvert de protéger les droits et la réputation d’autrui semblent en réalité viser à museler les journalistes qui critiquent le pouvoir en place. Il serait intéressant d’entendre la délégation à ce sujet. L’État partie n’a pas répondu à la préoccupation du Comité relative au harcèlement, aux intimidations et aux arrestations illégales dont sont victimes les membres d’ONG et les défenseurs des droits de l’homme. Une évaluation objective de la situation des ONG et des défenseurs des droits de l’homme dans l’État partie et des mesures de protection prises à leur égard serait utile. Les propos de la délégation traduisent une certaine méfiance à l’égard des activités des ONG; or celles-ci sont essentielles à la promotion et à la protection des droits de l’homme car s’il est vrai que la protection des droits de l’homme est avant tout la responsabilité de l’État, il importe que d’autres voix que la sienne puissent s’élever pour dénoncer les violations des droits de l’homme qui sont commises par ses agents.

47.Il faut relever avec satisfaction les mesures prises pour renforcer l’efficacité de l’organisme responsable de l’organisation, de la gestion et de la supervision des élections. Afin de mieux comprendre le fonctionnement de cet organisme, des précisions sur le processus de nomination de ses membres, la durée de leur mandat et les motifs éventuels de leur révocation seraient utiles. Il faudrait aussi savoir comment est assurée son indépendance vis-à-vis du Gouvernement.

48.Le Comité est conscient que pour les États comme le Cameroun, qui disposent de ressources et de capacités limitées, l’établissement de statistiques est une tâche particulièrement difficile. Ces données sont pourtant essentielles pour permettre au Comité d’évaluer la situation réelle des droits de l’homme dans les États. Le Cameroun est par conséquent vivement encouragé à fournir au Comité davantage de données statistiques à l’avenir.

49.M. Bhagwatidemande quelles sont les dispositions de la Constitution et de la législation qui garantissent l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il voudrait également savoir si la loi fixe une procédure de révocation des juges, quelle est l’autorité habilitée à déclencher cette procédure et si des juges ont déjà été révoqués pour faute ou pour un autre motif. Des précisions sur les attributions du Conseil supérieur de la magistrature seraient utiles. En ce qui concerne les recours ouverts en cas d’erreurs judiciaires, et plus particulièrement la possibilité que prévoit le Code de procédure pénale de demander une indemnité en réparation d’une détention illégale (par. 458 du rapport), il serait intéressant de savoir si ce recours a déjà été utilisé et, dans l’affirmative, dans combien de cas et si une indemnité a effectivement été versée.

50.M. Bhagwati voudrait savoir si les autorités militaires sont habilitées à procéder à des perquisitions et à des saisies dans le cadre d’enquêtes sur des infractions dans lesquelles aucun militaire n’est impliqué. D’après les informations dont le Comité dispose, les personnes qui ont été jugées et condamnées à la suite des émeutes de 2008 n’ont pas bénéficié des garanties d’une procédure régulière; elles n’ont pas eu la possibilité d’être entendues ni d’être défendues par un conseil. La délégation pourra peut-être commenter ces informations et dire comment ces simulacres de procès peuvent être compatibles avec l’article 14 du Pacte. Le droit à l’aide juridictionnelle est garanti par la loi mais les données communiquées par l’État partie ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure il est suivi d’effet dans la pratique. Il serait intéressant de savoir quels critères régissent l’octroi de l’aide juridictionnelle, dans combien de cas l’aide juridictionnelle a été demandée et accordée et si la loi prévoit l’octroi d’une assistance juridique aux plaideurs indigents. D’après une source non gouvernementale, le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif et la corruption des juges demeurent des obstacles à la bonne administration de la justice. La délégation pourra peut-être indiquer dans quelle mesure cette appréciation est fondée et si des mesures sont prises pour renforcer l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire.

51.Le Comité a été informé que le 17 août 2009, le Ministère de la communication a ordonné la fermeture d’une station de radio qui avait refusé de suspendre son programme phare dans lequel les auditeurs pouvaient exprimer librement leurs doléances et demander de l’aide. M. Bhagwati voudrait connaître la loi et les motifs de la décision et savoir comment une telle restriction du droit à la liberté d’expression peut être conciliée avec l’article 19 du Pacte. Dans le contexte de ce même article, il fait part de sa préoccupation face à la manière dont la loi sur la diffamation semble être utilisée par les autorités pour réduire au silence les journalistes qui dénoncent la corruption et les abus dans les sphères du pouvoir. Enfin, il demande si le comité national chargé de mettre en place un programme international pour l’abolition du travail des enfants (par. 652 du rapport) a avancé dans ses travaux.

52.Le Président remercie les membres du Comité pour leurs questions complémentaires et invite la délégation à y répondre.

53.M. Nkou(Cameroun) réaffirme qu’actuellement aucun journaliste n’est en prison au Cameroun et que la liberté de la presse y est totale. Il propose que le Comité envoie un observateur au Cameroun qui pourra constater par lui-même que les supports d’information sont très nombreux et diversifiés et que la majorité des journaux défendent les droits de l’homme. À propos du décès de Bibi Ngota, les conclusions qui figurent sur le certificat de décès, dont copie sera remise au Comité, établissent que M. Ngota est décédé des suites d’infections opportunistes dans un contexte d’immunodéficience sévère.

54.Le Gouvernement est conscient que le surpeuplement carcéral est un problème auquel il lui faut remédier, mais dans un pays comme le Cameroun où les ressources sont limitées et où tant d’autres domaines − l’éducation, la santé, les routes, etc. − requièrent des mesures d’urgence, des priorités doivent être établies, même si cela oblige à des choix difficiles. Malgré ces difficultés, le Gouvernement a entrepris de lutter contre le surpeuplement carcéral et a lancé à cet effet un programme de construction de nouvelles prisons, qui devrait permettre d’améliorer la situation. La proportion élevée de détenus en attente de jugement dans les établissements pénitentiaires s’explique par la lenteur de l’administration de la justice, elle-même liée au nombre insuffisant de magistrats. Là encore il ne s’agit pas d’un manque de volonté mais d’un manque de moyens.

55.À propos des ONG, le Comité peut avoir l’assurance que le Gouvernement croit fermement à l’utilité publique de ces organisations et de la société civile en général et qu’il fait en sorte de les aider à fonctionner au mieux, dans la mesure de ses modestes moyens. En ce qui concerne l’ACAT, il faut savoir que cette organisation a toujours passé outre aux appels à la retenue que lui a adressés à plusieurs reprises sa hiérarchie et qu’elle a gravement exagéré certains faits, ce qui d’un point de vue moral est inadmissible. Ainsi, ce qu’elle a fallacieusement appelé les «émeutes de la faim» étaient en réalité des émeutes liées à une hausse du prix du carburant, qui était nécessaire pour des raisons budgétaires. De même, il n’est pas vrai que les personnes qui sont mortes au cours de ces émeutes ont été tuées par les forces de l’ordre. Celles-ci ont respecté les techniques antiémeutes et n’ont effectué que des tirs de sommation pour disperser la foule; c’est dans le mouvement de panique qui a suivi que certaines personnes ont trouvé la mort. Une enquête est en cours. Quant aux procès iniques qui se seraient déroulés à la suite de ces événements, le Comité aura été mal informé car des violations aussi grossières des garanties d’une procédure régulière ne peuvent pas avoir lieu. Enfin, il faut savoir qu’il est toujours veillé à ce que les intérêts que l’État et, le cas échéant, les investisseurs étrangers peuvent tirer de l’exploitation des ressources naturelles d’une région donnée sont sans préjudice de la part qui revient automatiquement aux populations locales.

56.M. Mahouve(Cameroun) dit qu’on ne fait pas évoluer des comportements ancrés de longue date dans une société du jour au lendemain, en adoptant une loi ou un décret. Ce qui importe, c’est que les comportements illégaux soient dûment punis. Il est regrettable que la pratique de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants n’ait pas encore été totalement éliminée dans la police, mais il faut savoir que ces comportements donnent systématiquement lieu à des sanctions. Ainsi en 2009, quelque 700 fonctionnaires de police ont fait l’objet de sanctions disciplinaires. Il est vrai que ces sanctions ne sont pas à la mesure de ce qu’exigent le Code pénal et les instruments internationaux pour des actes de torture, et des efforts de formation et d’éducation sont faits pour que ces actes soient reconnus comme des infractions graves et punis comme tels. En raison de la grave pénurie de magistrats − il y a actuellement 924 magistrats en activité pour 20 millions d’habitants, soit un ratio d’un magistrat pour 20 500 habitants −, il est impossible d’effectuer des contrôles systématiques dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie pour vérifier la légalité des gardes à vue et des détentions provisoires. À l’initiative du Président de la République, un plan spécial a été lancé en vue de la formation et du recrutement de 500 magistrats supplémentaires. Un plan similaire est prévu pour augmenter les effectifs du personnel de greffe. Le problème du manque de personnel se pose de manière particulièrement aiguë dans l’administration pénitentiaire, où le rapport entre le nombre de gardiens et le nombre de détenus est de 1 pour 2 000, alors qu’il devrait être idéalement de 1 pour 5. L’État fait ce qu’il peut pour améliorer la situation mais comme cela a déjà été expliqué, ses contraintes budgétaires sont telles qu’il ne peut pas résoudre tous les problèmes en même temps.

57.L’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, qui prévoit l’application de mesures de substitution à la privation de liberté, n’a pas encore eu d’effets tangibles sur le surpeuplement carcéral. Cela s’explique en partie par le fait que ces mesures sont encore souvent perçues comme une marque de laxisme et de corruption, notamment par la police, et que les juges hésitent pas conséquent à les appliquer. Des efforts de sensibilisation sont faits pour modifier cet état de choses. En ce qui concerne les événements de 2008, il faut préciser que c’est la procédure de flagrant délit qui a été appliquée. Cela étant, les prévenus ont bénéficié de toutes les garanties d’une procédure régulière et ont eu la possibilité de former des recours contre les jugements rendus. Il ne reste pas suffisamment de temps pour répondre aux autres questions qui ont été posées par les membres du Comité mais la délégation y répondra ultérieurement par écrit.

58.M. Nkou(Cameroun) dit qu’il souhaite en guise de conclusion remercier les membres du Comité pour l’esprit de collaboration et d’ouverture qui a prévalu tout au long du dialogue. Il espère que le Cameroun et le Comité poursuivront leur coopération fructueuse dans ce combat sans fin que sont la promotion et la protection des droits de l’homme.

59.Le Président remercie la délégation et l’invite à faire parvenir des informations complémentaires au secrétariat avant 13 heures le jeudi 22 juillet, afin qu’il puisse en être tenu compte dans les observations finales.

60. La délégation camerounaise se retire.

La séance est levée à 13 heures.