Soixante-deuxième session

Compte rendu analytique de la 1650e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 25 mars 1998, à 15 heures

Présidente :Mme Chanet

puis :Mme Medina Quiroga (Vice-Présidente)

puis :Mme Chanet (Présidente)

Sommaire

Examen des rapports des États parties présentés conformément à l’article 40 du Pacte

Rapport initial du Zimbabwe (suite)

La séance est ouverte à 15 h 15.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte

Rapport initial du Zimbabwe (CCPR/C/74/Add.3 et HRI/CORE/1/Add.55)

Sur l’invitation de la Présidente, M. Chigudu, M me  Chatukuta et M me  Nzenza (Zimbabwe) prennent place à la table du Comité.

Première partie de la liste des questions

Première question : État du Pacte

La Présidente donne lecture du contenu de la première question, à savoir : la nécessité d’informations concernant l’état du Pacte dans le cadre de la législation interne du Zimbabwe, la possibilité d’invoquer les dispositions du Pacte directement auprès des organes étatiques, y compris les tribunaux, l’existence des mécanismes juridiques permettant de protéger les droits garantis dans le Pacte et la question de savoir si les dispositions de ce dernier ont été citées dans des décisions judiciaires ou si elles ont la prééminence par rapport à une disposition contraire du droit interne au cours de la période considérée.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit que le Pacte ne peut être invoqué directement dans le cadre de la législation interne du Zimbabwe du fait que les instruments internationaux auxquels son pays a accédé sont soumis à l’approbation du Parlement et qu’ils ne peuvent être mis en œuvre à moins d’être incorporés spécifiquement dans le droit interne. Cependant, les droits consacrés dans le Pacte sont déjà garantis dans la Constitution, en particulier dans le Chapitre III de celle-ci. Les mécanismes juridiques permettant de garantir les droits consacrés dans le Pacte sont décrits à la section 24 de la Constitution.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit que les dispositions du Pacte ont été citées dans plusieurs décisions judiciaires récentes, notamment le cas Rattigan mentionné au paragraphe 5 du rapport.

Deuxième question : Troubles sociaux

La Présidente donne lecture du contenu de la deuxième question concernant les mesures prises à la suite des récents troubles sociaux, et en particulier leurs conséquences sur l’exercice des droits consacrés dans le Pacte.

M. Chigudu (Zimbabwe) précise que, comme il l’a déjà déclaré à la séance précédente, la crise économique actuelle a déclenché une série d’émeutes à la fin de 1997 et au début de 1998. Le Gouvernement zimbabwéen estime que, même si la population a des griefs légitimes, elle n’a pas le droit d’employer des moyens illégaux pour obtenir des changements. Lorsqu’il est devenu clair que les troubles dégénéraient et que l’anarchie s’installait, le Gouvernement zimbabwéen s’est acquitté de sa responsabilité de maintien de l’ordre en faisant appel à la police qui a demandé l’aide de l’armée lorsqu’elle a compris qu’elle ne pouvait faire face à la situation. Bien que la police et l’armée n’aient usé que d’une force raisonnable, il y a eu des allégations de violences, et une enquête est en cours.

Troisième question : État d’urgence(art. 4 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la troisième question, à savoir la nécessité de précisions sur la conformité des dispositions de la Constitution mentionnées aux paragraphes 47 et 49 du rapport avec le paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte, la possibilité du réexamen par une instance supérieure des décisions rendues par les tribunaux mentionnés au paragraphe 49 du rapport, les garanties et les recours efficaces à la disposition des individus pendant l’état d’urgence et la question de savoir si le Gouvernement zimbabwéen a envisagé de faire la déclaration prévue au paragraphe 3 de l’article 4 du Pacte. La délégation zimbabwéenne est également priée de donner des éclaircissements sur les mesures d’urgence prises à la suite des troubles qui ont éclaté dans les zones urbaines.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit que des mesures d’urgence ne peuvent être prises que si la sécurité de l’État est menacée, conformément à l’article 4 du Pacte et à la section à 25 de la Constitution. Cependant l’état d’urgence n’a jamais été déclaré au Zimbabwe et aucune mesure d’urgence n’a été prise, à l’exception de celles qui sont autorisées en vertu de la loi relative au maintien de l’ordre et qui ont été prises au cours des récents troubles. La délégation zimbabwéenne fournira ultérieurement au Comité des explications détaillées concernant les garanties et les recours disponibles pendant l’état d’urgence.

Quatrième question : Utilisation d’armesà feu par la police (art. 6, 7 et 10 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la quatrième question, à savoir la nécessité d’informations sur les règles et règlements régissant l’utilisation d’armes à feu par la police et les forces de sécurité et le respect par celles-ci des dispositions pertinentes du Pacte, les mesures prises à l’encontre de personnes jugées coupables d’emploi injustifié de la force et les mesures visant à prévenir des incidents similaires dans l’avenir. Le Comité souhaite également savoir si un organisme indépendant a été mis en place pour enquêter sur les plaintes et pour recommander des recours lorsque les droits de l’homme sont violés par la police.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit que le paragraphe 2 de la section 12 de la Constitution autorise la police à employer une force raisonnable si nécessaire.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit qu’aucun organisme indépendant n’a été mis en place pour examiner les plaintes de violations des droits de l’homme par la police; ces questions relèvent de la législation interne ordinaire.

Cinquième question : Exécutionsextrajudiciaires, disparitions et torture(art. 6, 7 et 9 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la cinquième question, à savoir : les plaintes d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions, de torture ou d’autres châtiments ou traitements inhumains ou dégradants et de détentions arbitraires au cours de la période considérée; les enquêtes ou les condamnations concernant de telles violations et les mesures prises par les autorités pour sanctionner les membres de la police, des forces de sécurité et autres forces jugés coupables de tels actes et pour dédommager les victimes.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit que la torture et les châtiments ou traitements inhumains ou dégradants sont expressément interdits en vertu de la section 15 de la Constitution et que les exécutions ne sont menées à bien qu’à l’issue de procès équitables. Il n’y a pas eu de cas avérés de disparitions ou de tortures au Zimbabwe depuis 1996, lorsque le rapport a été présenté.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit qu’il y a eu des cas où des violations des droits de l’homme par la police et les forces de sécurité ont fait l’objet d’enquêtes et ont abouti à des condamnations et où le Gouvernement zimbabwéen a versé 150 000 dollars des États-Unis en réparation aux victimes de telles violations en 1996 et 1997.

Sixième question : Châtiments corporels(art.  7 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la sixième question qui concerne le paragraphe 74 du rapport et les mesures prises pour abroger ou amender le paragraphe 3 de la section 15 de la Constitution qui autorise les châtiments corporels infligés par toute personne in loco parentis ou en exécution d’une décision judiciaire.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit que le Gouvernement zimbabwéen et le peuple du Zimbabwe n’ont pas jugé nécessaire d’amender ou d’abroger cette disposition.

Septième question : Garde à vueet détention provisoire (art. 9 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la septième question, à savoir les règles concernant la durée maximale de la garde à vue et de la détention provisoire, le respect de ces règles dans la pratique et leur compatibilité avec l’article 9 du Pacte, les règles applicables à la mise en liberté sous caution et, en ce qui concerne le paragraphe 98 du rapport, le système de la procédure rapide et la question de savoir s’il a permis de réduire l’arriéré des affaires en instance de jugement.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit que la garde à vue est limitée à 48 heures au maximum et que toute prolongation doit être autorisée par un juge. Si cette règle est violée, le responsable est traduit en justice. Il n’y a pas de durée maximale pour la détention provisoire; la durée de celle-ci varie selon la nature de l’infraction et elle est établie non pas par la police mais par les tribunaux qui prennent en considération les dispositions du droit international. Ces règles sont donc compatibles avec l’article 9 du Pacte. Les règles régissant la mise en liberté sous caution sont également déterminées par les tribunaux; dans certains cas la mise en liberté sous caution a été accordée même dans des cas d’homicide. Le système de la procédure rapide a été appliqué dans des cas simples, par exemple le vol à la tire, où il n’est pas nécessaire de détenir le suspect et où les tribunaux peuvent régler le cas immédiatement.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit que les instances inférieures ne peuvent autoriser la mise en liberté sous caution que pour des infractions mineures et elles doivent en référer aux instances supérieures pour les cas plus graves tels que les homicides, pour lesquels la mise en liberté sous caution est rarement accordée.

Huitième question : Non discriminationet égalité entre les sexes (art. 2 et 3 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la huitième question, à savoir des données actualisées sur le nombre et la proportion de femmes dans la vie politique, économique, sociale, éducative et culturelle du pays, ainsi que sur les facteurs faisant obstacle à l’exercice par les femmes de leurs droits à égalité avec les hommes.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit qu’un grand nombre des obstacles pratiques à l’exercice par les femmes de leurs droits résultent des mesures d’ajustement structurel qui sont actuellement mises en œuvre au Zimbabwe. Comme il l’a dit à la séance précédente, un amendement constitutionnel de 1996 interdit la discrimination fondée sur la race, le sexe ou la religion. Le Gouvernement zimbabwéen a entrepris progressivement l’examen des cas où le droit coutumier est en conflit avec les dispositions du Pacte, notamment en ce qui concerne les questions de succession et de mariage. La loi relative à l’âge légal de la majorité donne aux femmes les mêmes droits que les hommes dans ces domaines. Si la promesse de donner des enfants en mariage (kuzvarira) est illégale, le versement de la dot par le fiancé (lobola) fait partie intégrante de la culture qui tend à promouvoir l’unité des groupes familiaux et qui a empêché la dissolution de nombreux mariages. L’âge minimum pour le mariage est de 18 ans; cependant le mariage d’une fille de 16 ans et d’un garçon de 18 ans est autorisé sous réserve du consentement des parents de la fille ou d’un tribunal.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit que le fait que traditionnellement les hommes bénéficient d’une meilleure éducation que les femmes leur a donné un pouvoir économique plus grand et a rendu difficile pour les femmes la protection et l’exercice de leurs droits fondamentaux. Il y a eu cependant des progrès dans ce domaine. Ainsi par exemple, même si les femmes étaient auparavant considérées comme des mineures perpétuelles, soumises à l’autorité de leur mari ou de leur père, la nouvelle loi relative à la succession leur donne les mêmes droits qu’aux hommes. Toutefois les pressions culturelles tendent encore à reléguer les femmes dans une position d’infériorité. Les organisations non gouvernementales ont élaboré des programmes visant à informer les femmes de leurs droits et à leur donner les moyens de les exercer.

Dixième question : Violence à l’égarddes femmes et des enfants (art. 6 et 7 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la dixième question, à savoir la nécessité d’informations sur les mesures prises pour prévenir les actes de violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment la violence familiale, et la question de savoir si le viol conjugal est passible de sanctions en vertu du Code pénal du Zimbabwe.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit qu’il n’existe pas de loi spécifique relative à la violence à l’égard des femmes, qui relève de la loi générale concernant les voies de fait. Cependant les enfants sont protégés contre la violence en vertu de la loi relative à la protection de l’enfance et à l’adoption.

Le viol conjugal n’est pas reconnu au Zimbabwe; du fait que les femmes ne prennent pas l’initiative dans les rapports sexuels et qu’elles doivent montrer une certaine résistance, il est difficile d’établir une distinction entre le consentement et le viol.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit que la loi relative à la protection de l’enfance et à l’adoption comprend des dispositions visant à protéger les enfants contre la violence familiale et le Ministère de la protection sociale peut placer les enfants dans des foyers d’accueil ou des institutions pour les protéger. Les parents des victimes sont traduits en justice et doivent assurer l’entretien de leurs enfants.

Onzième question : Travail des enfants(art. 24 du Pacte)

La Présidente donne lecture du contenu de la onzième question concernant les résultats des activités de l’Équipe spéciale chargée d’étudier la question du travail des enfants, qui sont mentionnées au paragraphe 224 du rapport.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit qu’il n’y a pas encore d’informations sur cette question.

M. Bhagwati demande des informations sur les compétences du Comité interministériel sur les droits de l’homme et le droit international humanitaire mentionné au paragraphe 13 du rapport, et il demande si ce comité est compétent pour examiner les plaintes de violations des droits de l’homme et fournir des recours ou recommander des mesures au Gouvernement zimbabwéen. Dans le cas contraire, M. Bhagwati souhaite savoir quel est le mécanisme institutionnel responsable de l’examen de telles violations et si le Gouvernement zimbabwéen envisage de mettre en place une commission nationale des droits de l’homme ou un organisme similaire.

M. Bhagwati demande des renseignements supplémentaires sur les troubles intervenus au Matabeleland et au Midlands entre 1980 et 1998. D’après le rapport intitulé « Breaking the Silence » (« Rompre le silence »), il y a eu plus de 3 000 exécutions extrajudiciaires, des centaines de disparitions, plus de 7 000 cas de coups et blessures ou de torture et plus de 10 000 détentions arbitraires, un grand nombre de ces actes ayant été commis par des membres de la 5e brigade de l’armée. M. Bhagwati demande quelles sont les mesures prises par le Gouvernement zimbabwéen pour traduire en justice les responsables de tels actes et pour dédommager les victimes.

La délégation zimbabwéenne a déclaré que le Gouvernement zimbabwéen a versé 150 000 dollars des États-Unis en réparation des violations des droits de l’homme commises par la police. M. Bhagwati demande si des mesures ont été prises par le Gouvernement zimbabwéen pour sanctionner les responsables de ces violations et pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent.

M. Bhagwati souhaite savoir si la nouvelle loi qui donne aux veuves le droit de recueillir un tiers des biens de leur époux est applicable aux mariages coutumiers, et quelles sont les mesures prises par le Gouvernement zimbabwéen pour informer les femmes de ce droit et pour les aider à l’exercer, et s’il y a eu une résistance de la population à cette nouvelle loi.

M. Bhagwati voudrait savoir s’il existe une différence entre l’âge légal minimum pour le mariage pour les garçons (18 ans) et les filles (16 ans) et il demande si la délégation zimbabwéenne affirme que les mariages précoces ne sont plus pratiqués, même en droit coutumier. Il demande également si les coutumes de ngozi (promesse de donner une fille en mariage pour apaiser l’esprit d’un homme décédé) et de chiramu (qui donne aux hommes le droit d’avoir des rapports sexuels avec leurs belles-soeurs non mariées) sont encore pratiquées et, dans ce cas, quelles sont les conséquences de ces coutumes sur l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux et quelles sont les mesures prises par le Gouvernement zimbabwéen pour éradiquer ces pratiques. M. Bhagwati souhaite également savoir si la pratique du lobola est encore généralement considérée comme une condition nécessaire pour le mariage et si le Gouvernement zimbabwéen envisage d’interdire la polygamie, même dans le cas de mariages coutumiers. Il demande si les mutilations génitales féminines sont encore pratiquées au Zimbabwe et dans ce cas quelles sont les mesures prises pour les interdire. M. Bhagwati a également entendu dire que le droit coutumier permet à l’auteur d’un viol de verser un lobola à la famille de la victime et de l’épouser afin de se soustraire aux sanctions. Il se demande si de tels cas sont fréquents et si le Gouvernement zimbabwéen prend des mesures pour veiller à ce que les auteurs de viols soient traduits en justice. En ce qui concerne la violence familiale, M. Bhagwati demande à la délégation zimbabwéenne de préciser si le viol conjugal est reconnu comme tel dans des cas où il est clair que le mari a forcé sa femme à avoir des rapports sexuels contre son gré.

En vertu de la législation du Zimbabwe, le père obtient la garde et la tutelle de ses enfants, même dans le cas de nourrissons. M. Bhagwati demande si le Gouvernement zimbabwéen envisage de donner aux mères la garde de leurs enfants.

M. Bhagwati demande également des précisions sur la loi relative à la citoyenneté et en particulier il souhaite savoir si un étranger qui épouse une femme zimbabwéenne a automatiquement droit à la citoyenneté zimbabwéenne et à un permis de séjour et s’il en est de même pour une étrangère qui épouse un Zimbabwéen. Il a entendu dire qu’un enfant né en dehors du Zimbabwe n’obtient automatiquement la citoyenneté zimbabwéenne que si le père est ressortissant du Zimbabwe.

Enfin M. Bhagwati demande si une formation aux droits de l’homme est fournie au public et en particulier aux membres de la police.

M me  Evatt, se référant à la première question, fait observer que la délégation zimbabwéenne a reconnu que le Pacte n’est pas directement applicable au Zimbabwe et qu’il ne peut être invoqué auprès des tribunaux. En d’autres termes les dispositions du Pacte dépendent des protections prévues dans la Constitution. Or il semble que le Parlement peut annuler ces garanties constitutionnelles; il a cassé des décisions rendues par des tribunaux zimbabwéens qui avaient estimé que les châtiments corporels et les retards dans une exécution capitale étaient cruels.

Dans sa réponse à la deuxième question, la délégation zimbabwéenne a déclaré que certains citoyens ont commis des actes illégaux au cours des récents troubles sociaux. Le Comité est préoccupé par des allégations, provenant de plusieurs sources différentes, selon lesquelles une force excessive a été employée par les membres de la police et de l’armée. Il serait utile de savoir si une enquête a été ouverte concernant l’emploi d’une force excessive par la police ou les militaires, quel est l’organisme qui mène cette enquête et quelle en est la portée.

La délégation zimbabwéenne a également fait savoir qu’une personne qui a été arrêtée doit être présentée au juge dans les 48 heures. Mais d’après des sources indépendantes, un officier de police peut délivrer un mandat qui prolonge la détention jusqu’à quatre jours. Mme Evatt souhaite savoir si cette mesure est prévue par la loi ou si elle est pratiquée dans les faits. Ces mêmes sources font également savoir qu’en vertu d’amendements à la loi relative à la procédure pénale et à la preuve, les magistrats doivent obtenir l’accord du Procureur général pour décider la mise en liberté sous caution. Il serait utile de savoir si telle est la procédure et dans quelles conditions l’accord du Procureur général est obtenu.

L’État partie doit préciser si les amendements apportés à la Constitution, notamment la suppression de la section 11, qui interdit expressément la discrimination fondée sur le sexe, et l’addition à la section 23 d’une clause interdisant la discrimination fondée sur le sexe, affaiblissent ou renforcent au contraire la protection du droit à l’égalité. Mme Evatt demande quelles sont les limites ou les exceptions qui sont actuellement appliquées à l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe. Elle souhaite également savoir si les femmes continuent de faire l’objet de discrimination dans le système judiciaire du Zimbabwe.

Il serait utile de savoir si le code vestimentaire pour les femmes est établi par la loi, si un code similaire s’applique aux hommes et si les femmes peuvent être arrêtées si elles contreviennent à ces normes. De telles arrestations qui étaient également accompagnées de coups et blessures ont été portées à l’attention du Comité. Mme Evatt demande s’il est vrai que des femmes sont souvent arrêtées pour prostitution mais que les hommes qui commettent la même infraction ne sont pas passibles de poursuites. Elle souhaite également savoir si les femmes sont autorisées à être propriétaires de leur terre et à la gérer dans le cadre des programmes de réinstallation.

La réponse donnée par la délégation zimbabwéenne à la question concernant le viol conjugal, soulevée dans la dixième question, montre que les femmes zimbabwéennes sont insuffisamment protégées. Cette question doit être examinée de toute urgence et des amendements appropriés doivent être adoptés.

L’État partie doit préciser les mesures qu’il a prises pour mettre en œuvre le paragraphe 2 de l’article 24 concernant l’enregistrement des naissances. Il serait également utile de connaître les mesures prises, éventuellement, pour réduire l’incidence du sida, étant donné en particulier le nombre extrêmement élevé de jeunes femmes touchées par cette maladie, et pour protéger les intérêts des enfants orphelins du sida, comme mentionné au paragraphe 227 du rapport.

M. Klein félicite le Zimbabwe pour la qualité de son rapport initial. Il a appris avec plaisir que le Gouvernement zimbabwéen a fait la déclaration en vertu de l’article 41 et qu’il n’a pas formulé de réserve lors de la signature ou de la ratification. Le Pacte dans son ensemble est donc contraignant pour le Zimbabwe, ce qui représente un défi important pour tout État. Or une telle entreprise comporte des conséquences : les dispositions du Pacte doivent être intégrées dans le droit interne. Cela n’a aucun sens de ratifier un instrument international uniquement pour une question de prestige.

Au paragraphe 74 du rapport, il est indiqué que les châtiments corporels sont autorisés au Zimbabwe. La délégation zimbabwéenne a déclaré que le Gouvernement zimbabwéen et le peuple de ce pays ne sont pas disposés à interdire cette activité. Au paragraphe 75 il est indiqué que la Cour suprême a condamné, dans le cas S. c. Ncube qui comportait un châtiment par coups de fouet, le mode d’administration du châtiment mais non le châtiment lui-même. Bien que les coups de fouet ne contreviennent apparemment pas à la législation zimbabwéenne, ils sont toutefois contraires aux dispositions du Pacte. L’État partie doit examiner l’ensemble de sa législation interne pour veiller à ce qu’elle soit conforme aux dispositions du Pacte.

Par ailleurs, au paragraphe 73 du rapport, il est indiqué qu’aucune disposition figurant dans un texte de loi ou acte effectué en vertu d’une loi ne peut être considéré comme contrevenant à la Constitution dans la mesure où la loi en question contient des dispositions relatives à la protection de la sécurité publique, de la défense, de l’ordre public, de la moralité publique ou de la santé publique. Or il est stipulé à l’article 4 du Pacte que les droits garantis à l’article 7 ne souffrent aucune dérogation en aucune circonstance. Il serait utile de savoir si le Gouvernement zimbabwéen envisage d’aligner les lois nationales pertinentes sur les dispositions du Pacte. En ce qui concerne la cinquième question, l’État partie doit décrire en détail la procédure permettant à un individu qui a été victime de sévices par la police ou les forces de sécurité d’obtenir réparation pour la violation de ses droits.

Enfin, au paragraphe 41 du rapport il est indiqué que le droit écrit et le droit coutumier existent simultanément; généralement le droit écrit l’emporte sur le droit coutumier. L’État partie doit préciser comment deux systèmes de droit contradictoires peuvent coexister.

M. El-Shafei dit que, bien que le rapport initial du Zimbabwe soit détaillé, il ne donne pas toujours une représentation exacte des faits. Ainsi par exemple, conformément à ce rapport, la liberté de la presse est protégée mais l’État partie néglige de mentionner que les médias sont étroitement contrôlés par le Ministère de l’information qui veille à ce que seules les informations acceptables pour le Gouvernement zimbabwéen soient publiées. La liberté de la rédaction est limitée, et si un rédacteur met au jour des informations qui sont embarrassantes pour le Gouvernement ou qu’il publie un éditorial critique à l’égard de celui-ci, il perd apparemment son poste.

Du fait qu’en vertu d’un amendement constitutionnel les instruments internationaux ne font pas partie de la législation interne du Zimbabwe à moins d’y être incorporés par une loi du Parlement, il serait utile de savoir si le Pacte a été incorporé au droit interne et quand la loi à cet effet a été promulguée.

Dans sa réponse à la deuxième question, la délégation zimbabwéenne a déclaré que le Gouvernement avait ouvert une enquête sur les auteurs des troubles sociaux et la police qui a employé une force excessive. L’État partie doit décrire en détail les conclusions de cette enquête.

Bien que la délégation zimbabwéenne ait déclaré que la loi relative à la succession ait été amendée pour accorder l’égalité entre les hommes et les femmes, la loi régissant la citoyenneté des enfants zimbabwéens nés à l’étranger demeure discriminatoire.

M me  Medina Quiroga, faisant observer que la Constitution zimbabwéenne a été amendée en ce qui concerne la question de l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, note que dans sa réponse à la question de savoir si le Pacte a été cité dans une décision judiciaire, la délégation zimbabwéenne a mentionné le cas Rattigan and Others c. Chief Immigration Officer and Others 1994. Cependant il semble que le projet de loi qui amenderait la section 11 de la Constitution annule également la décision du tribunal dans ce cas. La question se pose donc de savoir si le fait que le Pacte a été cité dans cette décision a une importance quelconque.

Mme Medina-Quiroga reconnaît, tout comme M. Klein, que le Gouvernement zimbabwéen doit aligner sa législation sur les dispositions du Pacte; elle souscrit également aux observations de M. Klein sur l’article 7.

En ce qui concerne l’article 9 du Pacte, l’État partie doit préciser si le système de la procédure rapide respecte toutes les conditions posées dans l’article 14. Au paragraphe 89 du rapport il est indiqué qu’une personne peut être arrêtée pour vagabondage. Du fait qu’une arrestation ne peut être effectuée que si la personne arrêtée est poursuivie pour une infraction, l’État partie doit donner une définition du vagabondage et il doit préciser la sanction pertinente.

S’agissant de la septième question, le Comité a demandé au Gouvernement zimbabwéen si les limites juridiques concernant la détention provisoire sont respectées dans la pratique. La délégation zimbabwéenne a fait savoir qu’une somme importante a été versée en réparation d’une arrestation illégale; au paragraphe 101 du rapport il est indiqué que cette indemnité a été versée par l’individu responsable de l’arrestation. Il serait utile de savoir si l’État assume également la responsabilité du versement des indemnités dans de tels cas.

Mme Medina Quiroga s’élève contre la déclaration, figurant au paragraphe 10 du rapport, selon laquelle les questions relatives aux droits de l’homme ont dégénéré pour devenir des questions relatives aux femmes. Bien qu’un amendement constitutionnel interdise la discrimination fondée sur le sexe, une telle discrimination serait apparemment encore acceptable dans l’intérêt de la défense, de la sécurité publique et de la moralité publique. Si tel est le cas, Mme Medina Quiroga voudrait en connaître la raison. Par ailleurs bien que la section 11 de la Constitution interdise la discrimination, sont exclues de cette disposition toutes les questions relatives au droit de la personne, ce qui défavorise les femmes.

M. Klein se déclare surpris par la coexistence du droit coutumier et du droit écrit. Mais la situation est encore plus grave : le droit coutumier a été incorporé dans le droit écrit par un amendement constitutionnel. L’État partie doit préciser si des pratiques telles que les mutilations génitales féminines, le kuzvarira, le kuripa ngozi, le chibano et le lobola font partie du droit coutumier et, si c’est le cas, pour quelles raisons l’État partie a décidé d’incorporer le droit coutumier dans le droit écrit. Le Gouvernement zimbabwéen a fait allusion aux pratiques susmentionnées dans l’examen de l’article 27 mais puisqu’elles portent sur des traitements cruels et inhumains et qu’elles affectent des enfants, elles auraient pu être examinées de façon plus appropriée dans le cadre des articles 7 et 24.

Les paragraphes 214, 232, 233 et 234 du rapport mentionnent des lois zimbabwéennes qui sont ouvertement discriminatoires et qui contreviennent aux dispositions du Pacte. Par ailleurs, bien qu’il soit indiqué au paragraphe 212 qu’un mariage n’est valide en vertu du droit commun que si les deux époux consentent volontairement à l’union, les femmes qui sont mariées en droit coutumier n’ont apparemment pas droit à cette protection. Mme Medina Quiroga souhaite savoir si les mariages négociés sont conformes aux dispositions de l’article 23 du Pacte. Par ailleurs s’il n’y a pas d’âge minimum pour le mariage, Mme Medina Quiroga se demande s’il est possible d’invoquer la notion de consentement. Au paragraphe 223 du rapport il est indiqué que la loi relative aux mariages coutumiers interdit la promesse de donner en mariage des fillettes de moins de 12 ans et également des femmes. Il serait utile de savoir s’il existe une catégorie intermédiaire entre les fillettes de moins de 12 ans et les femmes adultes. Mme Medina Quiroga se demande si les femmes âgées de plus de 12 ans sont considérées comme des femmes adultes. Les déclarations qui suivent sont déconcertantes.

M. Kretzmer dit qu’il partage les préoccupations des autres membres du Comité concernant l’habitude du Parlement d’intervenir pour réinterpréter ou même réécrire certaines parties de la Constitution chaque fois que les tribunaux rendent des décisions contraires au Gouvernement zimbabwéen pour des motifs constitutionnels. Quelle que soit la situation constitutionnelle, le Parlement a ratifié le Pacte et il se trouve donc lié par ce dernier.

Les châtiments corporels tels qu’ils sont pratiqués au Zimbabwe contreviennent à l’article 7 du Pacte. Par ailleurs M. Kretzmer est étonné d’apprendre que les médecins doivent déclarer un jeune apte à subir un tel châtiment, ce qui est une violation manifeste du code de déontologie médicale (par. 76 du rapport). L’État partie doit préciser si cette contradiction a jamais donné lieu à des débats au Zimbabwe.

En ce qui concerne la question du viol conjugal, il incombe à l’État partie de veiller à ce que ses ressortissants puissent exercer tous les droits consacrés dans le Pacte. Bien qu’une telle entreprise puisse être difficile étant donné le poids de certaines coutumes traditionnelles, celles-ci ne doivent jamais être invoquées pour justifier l’inaction. Les autorités zimbabwéennes doivent préciser si elles sont disposées à réexaminer leur position sur cette question.

Quant aux droits politiques, il est indiqué au paragraphe 245 du rapport que les partis politiques doivent être enregistrés auprès de l’autorité compétente relevant de l’exécutif pour bénéficier de subventions de l’État. Le montant total versé est proportionnel au nombre de représentants élus d’un parti, qui sont membres du Parlement, à condition qu’ils soient au moins 15. En pratique donc, seul le parti au pouvoir a droit à un financement public. La délégation zimbabwéenne doit faire savoir si elle considère que cette situation est conforme à l’article 25 du Pacte.

M. Lallah dit que le rapport du Zimbabwe a été élaboré conformément aux directives du Comité mais il n’a pas pris en compte les observations générales de ce dernier ni son abondante jurisprudence. Lorsqu’un État partie présente un rapport, ce dernier doit montrer que l’État partie a pris en compte les préoccupations et les attentes du Comité.

L’objectif de l’échange de vues en cours entre le Comité et l’État partie n’est pas de procéder à un examen de la constitutionnalité des lois du Zimbabwe mais au contraire de déterminer la mesure dans laquelle la Constitution et le droit interne du Zimbabwe sont conformes aux dispositions du Pacte. Le Parlement du Zimbabwe peut amender la Constitution du pays mais il n’est pas habilité à amender le Pacte. Comme dans de nombreux autres pays membres du Commonwealth britannique, les tribunaux au Zimbabwe ont considéré que l’ancienne section 11 de la Constitution est à la fois déclaratoire et exécutoire, en d’autres termes elle octroie des droits. Cependant un certain nombre des droits qui y figurent sont absents du reste de la Constitution. Ainsi par exemple le concept de respect de la vie privée, tel qu’il est interprété dans le Pacte, n’a pas été traité de façon satisfaisante même dans l’ancienne section 11 et aucune mention n’est faite du droit au respect de la vie privée en ce qui concerne la vie des individus. Il est encourageant de noter que le quatorzième amendement à la Constitution du Zimbabwe octroie la protection intégrale de la loi aux femmes et qu’il garantit donc leurs droits dans le mariage. Mais si, comme l’indique le rapport, un double système de droit existe au Zimbabwe, il est difficile de comprendre la signification de la section 3 de la Constitution, en vertu de laquelle la Constitution est la loi suprême du Zimbabwe et que si toute autre loi contredit cette dernière, cette loi serait considérée comme nulle et non avenue en raison des contradictions qu’elle contient. Si donc si la coutume a force de loi mais qu’elle est discriminatoire à l’égard des femmes, elle ne peut être considérée comme une loi en vertu de la Constitution. La délégation zimbabwéenne doit donc préciser si toutes les inégalités découlant de particularités culturelles sont donc inconstitutionnelles.

En ce qui concerne la question de la violence à l’égard des femmes, en particulier au foyer, M. Lallah a noté deux approches contradictoires de la délégation zimbabwéenne. D’une part elle a fait des allusions qui n’apportent rien d’utile à ce qui se passe dans d’autres sociétés. Le Comité s’intéresse uniquement à l’approche du problème adoptée par le Zimbabwe. Il est essentiel de reconnaître que la violence à l’égard des femmes est un problème mondial qui a donné lieu à des déclarations sur les droits des femmes. Il est important de traiter ces déclarations avec respect. D’autre part M. Lallah félicite le Zimbabwe des efforts qu’il a déployés pour renforcer les droits des femmes.

S’agissant du cas Rattigan and Others c. Chief Immigration Officer and Others, celui-ci a fait l’objet d’une action en inconstitutionnalité du fait de l’approche erronée adoptée par les tribunaux concernant la liberté de mouvement. Mais la question ne s’arrête pas là. Comme l’a montré la jurisprudence du Comité, certaines lois qui affectent les femmes affectent également le droit à la vie familiale. À cet égard l’État partie doit préciser si la vie familiale est garantie en vertu de la Constitution.

M me  Medina Quiroga, Vice-Présidente, prend la présidence.

M. Scheinin félicite le Zimbabwe pour son système judiciaire qui est disposé à appliquer le Pacte afin d’octroyer divers droits aux ressortissants de ce pays. En même temps cependant le Comité est préoccupé par la fréquence avec laquelle le système législatif ne tient pas compte du judiciaire et réussit à amender la Constitution. La responsabilité de la mise en œuvre des dispositions du Pacte incombe au premier chef au système législatif. À cet égard l’État partie doit préciser s’il existe des procédures ou des organismes spéciaux permettant de surveiller le respect par le système législatif des obligations incombant au Zimbabwe en vertu des instruments internationaux chaque fois qu’il adopte des amendements constitutionnels.

Les châtiments corporels constituent une violation de l’article 7 du Pacte, et toute recommandation de tels châtiments dans la Constitution constitue également une violation. La section de 12 de la Constitution du Zimbabwe et le paragraphe 51 du rapport témoignent de l’importance des garanties internationales même lorsque des listes nationales de droits constitutionnels existent. La liste des conditions dans lesquelles les autorités peuvent employer des armes est longue, ce qui est préoccupant, et dans certains cas elle semble contredire l’article 6 du Pacte. Des normes internationales régissant l’emploi des armes par les autorités ont été élaborées; en comparaison avec ces normes, la liste des conditions autorisant l’emploi des armes au Zimbabwe est périmée et trop générale. Des informations supplémentaires doivent être fournies sur toute autre directive ou norme régissant l’utilisation des armes.

Les questions des mutilations génitales féminines et du viol conjugal doivent être traitées dans le contexte des articles 6 et 7 de la Convention. Il est fallacieux de considérer de telles pratiques comme des coutumes ou traditions culturelles.

M me  Chanet reprend la présidence.

M. Ando dit que l’objectif du dialogue avec l’État partie est de coopérer pour trouver des solutions aux problèmes et pour surmonter les difficultés. Le rapport présenté par le Zimbabwe témoigne de la volonté politique du Gouvernement zimbabwéen de mettre en œuvre les dispositions du Pacte dans la mesure du possible. Cependant la notion de système judiciaire double prête à confusion. Il n’est pas clair si une distinction est établie entre les coutumes traditionnelles et le droit coutumier. En outre dans de nombreux pays, la mise en œuvre des lois est laissée à la coutume. La délégation zimbabwéenne doit préciser si c’est bien de ce concept qu’il s’agit lorsqu’elle déclare que la législation et la coutume vont de pair. Le Comité est extrêmement préoccupé par le comportement du Parlement du Zimbabwe qui amende des lois (et même la Constitution) alors que les tribunaux ont rendu une décision sur une question donnée. Un tel comportement révèle une attitude hostile à des droits consacrés légalement en instituant la tyrannie de la procédure par rapport au droit.

En ce qui concerne plus particulièrement le paragraphe 42 du rapport, qui révèle l’existence d’un mécanisme juridique accordant aux veuves et aux personnes à charge le droit de toucher une partie de l’héritage du défunt (ce qui n’était pas le cas en droit coutumier), M. Ando a noté que de nombreuses personnes à charge soit ignorent l’existence de cette loi soient sont effrayées par la perspective d’un litige prolongé. Le Gouvernement zimbabwéen doit préciser comment il envisage de remédier à ce problème spécifique. En attendant il faut féliciter les autorités zimbabwéennes qui s’efforcent de faire participer le public pour trouver le meilleur moyen d’amender les lois existantes.

M. Chigudu (Zimbabwe) dit que sa délégation est reconnaissante au Comité de ses observations qu’elle accueille avec l’esprit constructif dans lequel elles ont été faites. Les omissions dans la mise en œuvre des dispositions du Pacte par le Gouvernement zimbabwéen ne sont pas délibérées ni dues au fait qu’il ne tient pas compte de principes internationalement reconnus. En fait les efforts qu’a déployés le Gouvernement zimbabwéen se sont enlisés dans les contraintes culturelles. Il ne sert à rien de promulguer des lois qui ne peuvent être appliquées en raison de facteurs culturels. Cependant la population est encouragée à abandonner les attitudes et pratiques traditionnelles qui font obstacle à la mise en œuvre du Pacte.

En réponse aux observations de M. Bhagwati, le représentant du Zimbabwe dit que son gouvernement cherche à donner effet à toutes les dispositions du Pacte. Les défaillances dans ce domaine font l’objet d’une enquête par les institutions concernées; malheureusement il n’existe pas d’institution distincte qui a été établie pour s’acquitter de fonctions d’enquête. Des enquêtes peuvent être ouvertes lors de la présentation d’une plainte écrite au Ministère de l’intérieur qui la renvoie à l’institution concernée; celle-ci enquête sur la plainte et fait ensuite rapport au ministère. En ce qui concerne les troubles qui se sont produits récemment au Matabeleland, le représentant du Zimbabwe ne se souvient d’aucun cas spécifique qui a été porté à l’attention du Gouvernement zimbabwéen.

S’agissant des questions de succession et d’assistance judiciaire, les lois coutumières sur la succession ont perdu de leur importance. À mesure que la population connaît mieux ses droits, elle se présente pour revendiquer la part de l’héritage qui lui revient en s’adressant au master de la Haute Cour qui la conseille sur la procédure à suivre pour obtenir sa part d’héritage.

Il est vrai que les hommes au Zimbabwe ont parfois tendance à résister aux changements qui sont introduits, mais des efforts d’éducation sont déployés pour les aider à comprendre l’importance de se libérer de coutumes anciennes. En ce qui concerne la pratique du ngozi, aucune loi n’a été jamais promulguée en la matière. Le ngozi est une pratique sociale et culturelle fondée sur la croyance selon laquelle l’esprit d’une personne assassinée hantera l’assassin si elle n’est pas apaisée. De même aucune loi n’existe concernant la pratique du chiramu qui est généralement une coutume innocente qui n’aboutit pas à l’adultère; dans les rares cas où l’adultère est commis, ce comportement est condamné par la société. En ce qui concerne la tutelle, les tribunaux reconnaissent actuellement le droit d’une femme à la garde de ses enfants à égalité avec l’homme. Les décisions dans ce domaine sont prises en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Une pratique culturelle qui avait autrefois le statut de loi est celle du lobola. Traditionnellement les couples n’étaient pas considérés comme mariés légalement jusqu’à ce que le lobola soit versé. À l’heure actuelle les certificats de mariage sont devenus le moyen d’attester la légalité du mariage. Pour autant que le représentant du Zimbabwe sache, les mutilations génitales féminines ne sont pas une pratique traditionnelle au Zimbabwe. Le viol conjugal n’est pas considéré comme un problème au Zimbabwe en raison des attitudes culturelles dominantes. À mesure que l’éducation et l’information au sujet des droits de l’homme deviennent plus importantes, les victimes de viol conjugal sont plus enclines à porter plainte, et le Gouvernement zimbabwéen prendra les mesures appropriées pour y donner suite. Cependant il n’est pas possible de remédier à ce problème tant qu’il n’est pas considéré comme tel par la population concernée.

La loi en vertu de laquelle une femme qui épouse un étranger devient automatiquement soumise aux lois du pays de son mari a été modifiée. À l’heure actuelle les mariages entre étrangers et ressortissant(e)s du Zimbabwe doivent être conformes aux formalités d’immigration du Zimbabwe. Enfin en ce qui concerne les tentatives présumées de tourner les décisions rendues par les tribunaux, le Gouvernement zimbabwéen considère le système judiciaire comme son égal et il respecte l’indépendance de ce dernier.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit que le Comité interministériel sur les droits de l’homme et le droit international humanitaire, qui a été mis en place en 1992, a trois fonctions principales : identifier les instruments relatifs aux droits de l’homme qui n’ont pas encore été ratifiés ou auxquels le Zimbabwe n’a pas accédé et faire des recommandations sur la ratification ou l’accession; présenter des recommandations pour l’incorporation des dispositions des instruments internationaux dans la législation nationale; et veiller à ce que le Gouvernement zimbabwéen s’acquitte de ses obligations internationales en matière de présentation des rapports et qu’il mette en œuvre les instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie. En ce qui concerne la dernière de ses trois fonctions, le Comité interministériel examine la mise en œuvre des lois pertinentes, recommande des modifications pour aligner la législation du Zimbabwe sur les normes internationales et organise des séminaires pour disséminer l’information sur les instruments internationaux auxquels le Zimbabwe est partie. Bien que ces efforts soient entravés par des contraintes financières, certaines organisations non gouvernementales ont également organisé des séminaires et ateliers sur les droits de l’homme, dont certains à l’intention des forces de police et de défense. Du fait que le Comité interministériel est seulement un organe administratif, il n’est pas habilité à mener des enquêtes sur des plaintes spécifiques de violations des droits de l’homme.

En ce qui concerne les troubles sociaux qui se sont produits récemment, il est impossible de déterminer si ce sont les membres des forces gouvernementales ou les dissidents qui sont responsables d’atrocités spécifiques. Il s’agit là d’un problème universel en cas de troubles sociaux. Cependant le Zimbabwe reconnaît que le Gouvernement est responsable au premier chef et qu’il doit s’assurer qu’aucune violation des droits de l’homme ne soit commise par une partie ou par l’autre. Le système de common law du Zimbabwe reconnaît le principe de la responsabilité indirecte en vertu duquel les employeurs sont responsables des actes de leurs employés. Aucune action spécifique n’a été intentée contre le Gouvernement zimbabwéen ou des individus en ce qui concerne les violations des droits de l’homme commises au cours de ces troubles. Le montant des réparations qui était de 150 000 dollars des États-Unis a été versé par le Ministère de l’intérieur et non par les officiers qui auraient commis ces violations.

Avant l’amendement apporté récemment à la loi sur la succession, lorsque l’époux d’une femme décédait, la Haute Cour (ou le tribunal d’instance si le couple était marié en vertu du système du droit coutumier) nommait un héritier qui recueillait pratiquement tous les biens du défunt. Les parents et les enfants du défunt pouvaient présenter des revendications contre l’héritier mais ils ne pouvaient rien obtenir. En vertu de la nouvelle loi, l’héritier ainsi désigné n’hérite que du titre de père de famille tandis que la veuve obtient un tiers des biens et les autres personnes à charge héritent des deux tiers restants. Si le défunt avait plus d’une épouse, la part totale à laquelle toutes les épouses ont droit demeure un tiers. Le fait qu’aucune part des biens ne peut être liquidée si cette procédure n’est pas appliquée permet de veiller à ce que les veuves reçoivent la part des biens du défunt qui leur revient.

La loi relative à l’âge légal pour contracter mariage remonte à l’indépendance du Zimbabwe. La nécessité de modifier cette loi est actuellement examinée au Comité interministériel. L’abandon progressif des pratiques du droit coutumier est illustré par le fait qu’une organisation d’hommes a été mise en place pour promouvoir les droits des femmes afin que les questions d’égalité entre les sexes soient prises en compte du point de vue des hommes aussi bien que celui des femmes et pour encourager les hommes à prendre la responsabilité de changements afin que les femmes puissent exercer leurs droits fondamentaux.

M me  Nzenza (Zimbabwe) dit que la pratique du lobola est simplement un geste d’appréciation du marié envers les parents de la mariée. Elle ne signifie pas que le mariage a été arrangé par les parents; le consentement au mariage se fait entre les futurs époux. La coutume du ngozi est une croyance traditionnelle qui dans certains cas a permis de démasquer les coupables. La coutume du chiramu est une relation de badinage, et non de violence, et elle est importante car elle facilite la transition dans une nouvelle famille au moment du mariage. Il n’est pas tout à fait vrai que dans les cas de viol les poursuites cessent si l’auteur du viol accepte d’épouser la victime. En fait les victimes acceptent généralement un règlement à l’amiable dans de tels cas et le Gouvernement zimbabwéen n’est pas en mesure de changer leur décision.

M me  Chatukuta (Zimbabwe) dit que certaines femmes prétendent parfois avoir été violées car elles ont peur de l’opprobre social associé à une grossesse en dehors du mariage. De telles plaintes sont souvent employées pour forcer les hommes à reconnaître leur responsabilité dans ce domaine et elles sont retirées à l’issue de négociations entre les deux familles concernées. Cependant il y a eu des cas où des poursuites ont été intentées au motif que la femme avait fourni des informations fallacieuses.

M me  Medina Quiroga dit que les réponses de la délégation zimbabwéenne relatives aux pratiques traditionnelles ne semblent pas coïncider avec les informations figurant au paragraphe 262 du rapport et que les réponses concernant les lois sur la tutelle et sur la nationalité semblent contredire les paragraphes 232 à 234. Mme Medina Quiroga demande si ces paragraphes sont périmés ou inexacts. Elle souhaite également savoir si le lobola peut être versé en cas de viol.

La séance est levée à 18 heures.