Nations Unies

CCPR/C/SR.3012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 octobre 2013

Original: français

Comité des droits de l’homme

109 e session

Compte rendu analyti que de la 3012 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 16 octobre 2013, à 15 heures

Président (e):Sir Nigel Rodley

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial de Djibouti

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial de Djibouti (HRI/CORE/DJI/2010 , CCPR/C/DJI/1, CCPR/C/D JI/Q/1 et  CCPR/C/DJI/1/Add.1)

Sur l’invitation du Président, la délégation djiboutienne prend place à la table du Comité.

M. Hersi (Djibouti) dit que le rapport initial de Djibouti est le fruit d’un processus participatif et concerté qui a été coordonné par le Comité interministériel chargé d’établir les rapports destinés aux organes conventionnels. Le rapport a fait l’objet d’une présentation télévisée et le Comité interministériel s’est engagé à diffuser une information sur le déroulement du dialogue et les recommandations qui seront adoptées par le Comité à l’issue de l’examen. Dès son indépendance en 1977, Djibouti s’est engagé dans la promotion et la protection des droits de l’homme en devenant membre de différentes institutions internationales, régionales et sous-régionales. Il a réaffirmé cet engagement en 1992 lorsqu’il a adopté sa Constitution, qui consacre l’adhésion du pays aux principes fondamentaux définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Ces deux textes fondateurs font partie intégrante du bloc constitutionnel auquel doit être conforme tout texte émanant du pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire. En dehors du Pacte et des Protocoles facultatifs s’y rapportant, qu’il a ratifiés en 2002, Djibouti est partie à presque tous les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme. L’application de ces instruments fait l’objet d’un suivi très attentif de la part du Comité interministériel. La procédure de ratification de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées devrait pouvoir être engagée très prochainement.

Les principales dispositions du Pacte ont été transposées dans le droit interne. Ainsi, la Constitution consacre toute une série de droits protégés par le Pacte, notamment le droit à la vie, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit d’être protégé contre toute forme de discrimination, l’égalité devant la loi, le droit à un procès équitable, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Un certain nombre de mesures ont été prises pour donner pleinement effet à ces droits. Par exemple, la peine de mort a été abolie en 2010. Les garanties d’un procès équitable − assistance d’un avocat à tous les stades de la procédure, double degré de juridiction − ont été mises en place, et le nombre de magistrats a été multiplié par quatre entre 2003 et 2013 de manière à renforcer l’efficacité de la justice. Toute forme de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant est interdite par la Constitution et sévèrement punie par le Code pénal. Le développement de la presse écrite et des médias audiovisuels, qui contribuent à la promotion des droits de l’homme, montre que la liberté d’opinion et d’expression garantie par la Constitution est librement exercée. Plusieurs institutions veillent au respect des droits de l’homme garantis par la Constitution: le Conseil constitutionnel, le Médiateur chargé du règlement des différends entre l’administration et les administrés, la Commission nationale des droits de l’homme et les cellules spécialisées dans le domaine des droits de l’homme qui ont été créées au sein de la police et de la gendarmerie. Depuis l’établissement du rapport, Djibouti a participé au second cycle de l’Examen périodique universel et a pu, à cette occasion, faire part à la communauté internationale des avancées réalisées dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme et des difficultés rencontrées à cet égard. Djibouti a également adopté une loi contre la corruption et une loi relative à l’assurance maladie universelle. La délégation djiboutienne se tient à la disposition du Comité pour répondre à ses questions et espère engager avec lui un dialogue fructueux.

M. Hachi (Djibouti), résumant les réponses écrites de Djibouti à la liste des points à traiter établie par le Comité, dit que tous les actes émanant des différentes branches de l’État doivent être conformes à la Constitution et aux dispositions des instruments ratifiés par le pays, dont le Pacte. La Commission nationale des droits de l’homme, créée en 2008, est indépendante et sa mission principale est d’assister les pouvoirs publics dans tous les domaines afférents aux droits de l’homme. Elle effectue des visites dans les lieux de détention et est habilitée à ouvrir des enquêtes sur les violations qu’elle constate ou sur toute autre violation portée à sa connaissance. La Constitution garantit l’égalité des hommes et des femmes devant la loi. Depuis quinze ans, d’importants efforts ont été consentis pour faciliter la participation des femmes à la vie politique et économique du pays, et cette stratégie porte aujourd’hui ses fruits. Le Gouvernement continue de promouvoir l’égalité des sexes afin que celle-ci devienne une réalité dans toutes les sphères de la société. Contrairement à ce que laisse entendre la question no 5 de la liste des points à traiter, l’homosexualité n’est pas une infraction pénale. L’allégation selon laquelle les Somaliens obtiendraient plus facilement l’asile que d’autres est sans fondement. Djibouti a toujours été une terre d’accueil; si les Somaliens sont plus nombreux que les Érythréens ou les Éthiopiens parmi les réfugiés, c’est tout simplement parce qu’ils sont aussi plus nombreux à demander l’asile. Tous les membres de la police et de la gendarmerie reçoivent une formation sur les droits de l’homme et l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants, qui est relayée sur le terrain par les cellules spécialisées dans le domaine des droits de l’homme. La loi relative à la traite des personnes, adoptée en 2007, a marqué un grand progrès dans la lutte contre cette pratique en ce qu’elle prévoit des peines très sévères et reconnaît un statut aux victimes, auparavant considérées comme des complices. Plusieurs ministères sont engagés dans la prévention et la répression de la traite, et il est prévu de créer un organe spécialement chargé de coordonner leurs actions. Le droit d’être assisté par un avocat dès le début de la détention est rigoureusement respecté, de même que le droit d’être examiné par un médecin indépendant. La lenteur de la justice est un problème commun à de nombreux pays et Djibouti n’est pas une exception. Pour accélérer les procédures judiciaires, le nombre de magistrats a été multiplié par quatre en dix ans. Des mesures de substitution à la privation de liberté, comme la liberté conditionnelle et le travail d’intérêt général, ont été introduites pour réduire la population carcérale. La Constitution prévoit qu’à l’occasion des fêtes religieuses ou nationales le Président peut gracier les détenus ayant accompli 90 % de leur peine. Comme dans toutes les prisons du monde, les conditions de vie ne sont pas parfaites, mais des efforts constants sont faits pour les améliorer. Conformément aux observations finales adoptées par le Comité des droits de l’enfant en 2008, des juridictions pour mineurs ont été mises en place. Les droits de l’enfant font en outre régulièrement l’objet de campagnes de sensibilisation dans les médias. Un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ont été traduits dans les langues locales, mais le Pacte n’en fait pas partie.

Le Président invite les membres du Comité qui le souhaitent àposer des questions.

M me Waterval demande si les dispositions du Pacte ont déjà été invoquées devant les tribunaux et si des jugements ont été rendus sur ce fondement. Le fait que le Comité n’a été saisi d’aucune communication émanant d’un ressortissant de l’État partie donne à penser que le Pacte et le Protocole facultatif demeurent méconnus. Mme Waterval voudrait savoir si l’État partie envisage de faire traduire ces instruments dans les langues nationales et de prendre d’autres mesures pour les faire mieux connaître au grand public. Elle souhaiterait également savoir quelle procédure est prévue pour mettre en œuvre les observations finales du Comité. Des précisions concernant l’état d’avancement de la révision des textes régissant le fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme seraient utiles. Il serait notamment intéressant d’en savoir plus sur le budget alloué à cet organe, sur les dispositions prévues pour garantir son indépendance, et sur sa composition. La délégation pourra peut-être également en dire plus sur les conclusions que la Commission a tirées de ses diverses visites dans les lieux de détention et sur la suite que le Gouvernement a donnée à ses recommandations. À propos des ateliers sur les droits de l’homme destinés aux journalistes, magistrats, avocats et membres de la société civile, Mme Waterval voudrait savoir combien de ces ateliers ont été organisés par la Commission, combien de personnes y ont participé et quels en ont été les résultats. Elle demande aussi des précisions concernant la procédure de dépôt de plaintes auprès du Médiateur, la nature des plaintes dont celui-ci est saisi, la manière dont il y répond et la mesure dans laquelle le Gouvernement tient compte de ses recommandations.

M.  Fathalla dit que les conflits qui persistent entre le droit de la charia et les dispositions du Pacte sur les questions de la succession, de la polygamie et de l’adoption ne sont pas irrémédiables, et qu’il espère que le comité créé en 2013 pour les résoudre y parviendra. En ce qui concerne l’adoption, il rappelle que le système de la kafalah prévu par le droit islamique est reconnu par la Convention relative aux droits de l’enfant comme une forme de protection de remplacement au même titre que l’adoption. Rien n’empêche donc l’État partie d’inscrire ce système dans sa législation nationale et de l’appliquer. La délégation pourra peut-être indiquer si tel est le cas. Elle pourra également préciser de quelle façon le comité entend réconcilier les dispositions respectives de la charia et du Pacte en matière de succession. Enfin, en ce qui concerne la polygamie, M. Fathalla voudrait savoir si des campagnes publiques d’information sont menées pour expliquer à la population que les conditions imposées par la charia sont telles qu’elles rendent la polygamie quasiment impossible, ce qui favoriserait la disparition de cette pratique.

M. Fathalla souhaiterait également un complément d’information sur les activités visant à faire connaître le Pacte et le Protocole facultatif à la population de l’État partie, ainsi que, à propos des conditions de détention, sur le nombre de prisons rénovées, le nombre de nouvelles prisons et leur capacité d’accueil, les projets de construction de nouveaux établissements, le nombre exact de détenus dans la principale prison du pays, la dotation en personnel médical des établissements pénitentiaires du pays, les mesures prises pour améliorer les conditions d’hygiène dans les lieux de détention, et sur les mécanismes de plainte et de surveillance des conditions de détention. Notant que les programmes de sensibilisation à l’interdiction des mutilations génitales féminines menés depuis les années 1980 ne semblent pas donner de résultats, M. Fathalla demande quelles mesures l’État partie entend prendre pour que cette interdiction soit appliquée de manière effective. Il souhaiterait des statistiques sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées contre les auteurs de tels actes en application de l’article 333 du Code pénal. Il voudrait également savoir si l’État partie envisage d’ériger le viol conjugal en infraction et d’étendre les exceptions à l’interdiction de l’avortement aux grossesses résultant d’un viol.

M.  Flinterman rappelle que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a relevé en 2011 qu’un certain nombre de dispositions du Code de la famille étaient discriminatoires et a recommandé à l’État partie de s’inspirer de l’expérience d’autres pays de la région en matière d’interprétation progressiste du Coran pour réviser ce Code et le mettre en conformité avec les instruments relatifs aux droits de l’homme. Il demande quels obstacles empêchent l’État partie de suivre cette recommandation. Il voudrait aussi savoir ce qu’il se passe si une femme souhaite se marier avec un homme qu’elle a choisi contre l’avis de son tuteur, et qui est habilité à accorder des dérogations à l’âge minimum du mariage, fixé à 18 ans. M. Flinterman demande également si l’État partie entend adopter une loi interdisant expressément les châtiments corporels dans tous les contextes, comme l’a recommandé le Comité contre la torture en 2011. Enfin, il souhaiterait un complément d’information sur la manière dont sont conduites dans les écoles les campagnes de sensibilisation concernant les droits de l’enfant, y compris la question des châtiments corporels, ainsi que sur les organisations non gouvernementales qui y participent et sur l’impact de ces campagnes.

M. Kälin, soulignant que l’État partie accueille généreusement de nombreux réfugiés, fait toutefois observer que la plupart des textes législatifs relatifs à l’asile datent de 1977 et contiennent de nombreuses lacunes. Il demande ce qui est fait pour les mettre en conformité avec les normes internationales, ainsi que pour renforcer les capacités de la Commission nationale d’éligibilité au statut de réfugié et accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile, compte tenu du grand nombre de demandes en attente et des risques de refoulement que cette situation peut entraîner. La délégation pourrait aussi préciser quelles mesures sont prises pour lutter contre les violences sexuelles commises dans les camps de réfugiés. Enfin, M. Kälin demande combien de personnes ont été placées en détention provisoire en 2009, 2010, 2011 et 2012, et combien sont actuellement en détention provisoire depuis plus d’un, deux et trois ans, respectivement.

M. Matadeen dit que les réponses écrites de l’État partie concernant le droit à la vie et l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, la liberté et la sécurité de la personne et le traitement des personnes privées de liberté sont extrêmement laconiques, l’État partie réfutant toutes les allégations du Comité. Pourtant, l’État partie avait reconnu en novembre 2011, devant le Comité contre la torture, que des violences et des actes de torture étaient commis par des agents de police dans l’exercice de leurs fonctions. Il serait intéressant de savoir si une enquête indépendante et impartiale a été menée sur le traitement réservé à Dirir Ibrahim Bouraleh, mort des suites de tortures infligées alors qu’il était détenu dans un poste de gendarmerie, quelles en ont été les conclusions, si les membres de la famille de la victime ont été entendus et si une indemnisation leur a été accordée. Tout aussi laconiques sont les réponses données au sujet des traitements infligés à plus de 300 personnes arrêtées en février 2011 pendant les manifestations liées aux élections présidentielles, ainsi qu’à de nombreuses autres personnes, notamment des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des opposants politiques. L’un deux, M. Mahamoud Elmi Rayaleh, arrêté à Balbala le 7 août 2013, est mort des suites de tortures dans la nuit du 28 août 2013. L’autopsie demandée par ses proches a été refusée et les autorités pénitentiaires ont fait enterrer le corps sans l’approbation de la famille et en l’absence de celle-ci. M. Matadeen souligne que tous ces faits ont été très sérieusement documentés dans de nombreux rapports d’ONG, notamment Reporters sans frontières et Amnesty International. Il ajoute que, d’après les informations dont dispose le Comité, les cas d’arrestation arbitraire et de torture sont en augmentation depuis les élections législatives du 22 février 2013 et que ces violations restent impunies. Il demande ce que fait l’État partie pour enquêter sur ces affaires et poursuivre et punir les auteurs d’actes de torture, ainsi que pour prévenir de tels actes. Il aimerait aussi savoir quelles mesures l’État partie a prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées par la Commission nationale des droits de l’homme à la suite des visites effectuées à la prison de Gabode et dans les postes de police et de gendarmerie, et pour faire en sorte que ces lieux de détention fassent l’objet d’un contrôle permanent. La délégation est invitée à commenter les informations selon lesquelles aucun critère n’a été défini pour l’examen des allégations de torture par les mécanismes chargés de recevoir les plaintes, aucun de ces mécanismes ne fonctionne correctement, et rien n’est fait pour fournir aux victimes de tortures une assistance médicale ou psychologique. La délégation est également invitée à fournir des statistiques sur les plaintes pour torture et mauvais traitements présentées à la Commission nationale des droits de l’homme ou à tout autre mécanisme de plainte indépendant, ainsi que sur les enquêtes et les poursuites engagées dans ces affaires et sur les sanctions appliquées. Enfin, il serait intéressant de savoir si les agents de police, les agents pénitentiaires et les membres de l’appareil judiciaire reçoivent une formation sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et si la mise en place de cellules des droits de l’homme au sein de la Police et de la Gendarmerie nationales a entraîné une baisse du nombre de plaintes pour actes de torture.

M.  Shany demande s’il existe un mécanisme de contrôle judiciaire chargé de décider s’il est nécessaire de priver de liberté certaines personnes souffrant de troubles mentaux et si les décisions prises font l’objet d’un réexamen périodique. Il demande également s’il est vrai que des personnes souffrant de troubles mentaux sont internées dans des établissements pénitentiaires. Compte tenu des dispositions de l’article 324 du Code pénal, qui interdit les tortures et les actes de barbarie, et de l’article 325, qui considère comme un facteur aggravant le fait que de tels actes soient commis par le conjoint ou le concubin de la victime, on peut se demander sur quoi l’État partie fonde sa position selon laquelle le viol conjugal n’est pas un acte illicite et s’il envisage de reconsidérer cette interprétation.

M me Majodina demande s’il est vrai, comme l’affirment certaines ONG, que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme sont nommés directement par le Président, sachant que l’indépendance est l’un des principaux critères à l’aune desquels la conformité des institutions nationales des droits de l’homme aux Principes de Paris est mesurée. Elle souhaiterait aussi savoir quelle proportion de la population est en mesure de saisir la Commission, notamment en dehors des zones urbaines, et si les groupes les plus vulnérables comme les femmes, les enfants et les personnes handicapées peuvent facilement lui adresser leurs plaintes et si celles-ci sont prises en considération. Enfin, elle aimerait savoir quelle légitimité le public accorde à la Commission.

M. Bouzid souhaiterait des précisions sur les fonctions et mandats respectifs de la Commission nationale des droits de l’homme et du Médiateur, car l’un comme l’autre semblent être chargés de protéger les droits de l’homme et de recevoir des plaintes, alors que chacun doit avoir un mandat clairement défini et distinct si l’on veut éviter les chevauchements d’activités.

M. Hersi (Djibouti) explique que, conformément à la Constitution, les traités et conventions dûment ratifiés par la République de Djibouti priment les lois nationales et sont directement applicables. Djibouti est un jeune État, qui est indépendant depuis 1977 et dont la Constitution n’a été promulguée qu’en 1992. Son droit positif n’est donc pas encore entièrement arrêté, ce qui explique que le Comité ait relevé dans le rapport ce qu’il considère comme des insuffisances. L’absence de participation des organisations non gouvernementales nationales à l’élaboration du rapport périodique est regrettable, mais n’est pas imputable à l’État, qui s’est efforcé d’encourager les organisations de femmes et de jeunes, les syndicats et les associations socioprofessionnelles à établir leurs propres rapports sur la situation des droits de l’homme dans le pays. En outre, les ONG qui s’intéressent à la situation à Djibouti sont pour beaucoup étrangères et ne disposent pas d’informations précises et objectives, et il est parfois accordé plus de crédit aux allégations sans fondement émanant de ces sources qu’aux informations fournies par les États eux‑mêmes. À Djibouti, le suivi des recommandations des organes de surveillance des traités est assuré par le Comité interministériel, qui est également chargé d’établir les rapports à soumettre à ces organes.

M. Abdou (Djibouti) explique que la Commission nationale des droits de l’homme, dont il est le Président, est née des recommandations d’un atelier tenu en 2008 avec la participation de toutes les forces vives de la nation, notamment les syndicats, la magistrature, la société civile et les départements ministériels concernés par les droits de l’homme. Elle a été créée par décret présidentiel, mais ses membres n’ont pas été choisis par les pouvoirs publics. Elle est composée à la fois de membres sans voix délibérative issus des départements ministériels concernés par les droits de l’homme et de membres ayant voix délibérative issus de la société civile, de la magistrature, des médias, de l’ordre des médecins, etc. Elle dispose d’un budget alloué par le Gouvernement qui sert à assurer son fonctionnement indépendant et autonome. S’agissant de ses fonctions et de son efficacité, la Commission visite régulièrement les lieux de détention afin de vérifier que les prisonniers jouissent de leurs droits conformément à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, et elle s’est récemment rendue à la prison de Gabode, où certaines des personnes citées par M. Matadeen étaient détenues. À ce propos, s’agissant de M. Mahamoud Elmi Rayaleh, mort en détention à Gabode, contrairement à ce qu’ont affirmé les ONG, une autopsie a bien été réalisée, par un médecin désigné par la famille, et un rapport circonstancié a été établi à l’issue de l’enquête menée auprès des médecins, des codétenus, de l’administration pénitentiaire, des avocats et de la famille. Au sujet de M. Mohamed Ahmed (Jabha), la justice a effectivement été lente à traiter l’affaire, mais celle-ci sera jugée prochainement. À la prison de Gabode, la Commission a constaté que certaines personnes se trouvaient en détention provisoire pendant une durée excessive; elle a dénoncé publiquement cet état de fait et réclamé que les affaires soient traitées dans un délai raisonnable, et plusieurs membres de l’opposition dont les noms ont été cités par M. Matadeen ont été mis en liberté provisoire le mois suivant. Dans le climat politique exacerbé qui règne à Djibouti depuis les élections de 2013, il est vrai qu’il peut se produire des bavures, qui sont le cas échéant dénoncées par la Commission, mais affirmer que la torture est employée de manière systématique témoigne d’une méconnaissance de la situation. La Commission nationale des droits de l’homme peut se saisir elle-même ou être saisie par des particuliers. Elle organise des ateliers de formation à l’intention des magistrats et des avocats et diffuse à la radio et à la télévision des émissions d’information sur les droits civils et politiques, en français mais aussi en afar et en somali. La répartition des rôles entre la Commission et le Médiateur est claire: la première est chargée de promouvoir et protéger les droits de l’homme, tandis que le second s’occupe exclusivement des relations entre l’administration et les administrés.

M me Houmed (Djibouti) explique qu’en matière de succession, la charia prévoit que la femme reçoit une part inférieure de moitié à celle de l’homme parce que c’est à ce dernier qu’incombe la responsabilité de l’entretien de la famille. Le Code de la famille autorise la polygamie, mais la réglemente également. Il prévoit en particulier qu’au moment du mariage, le célébrant a l’obligation d’informer la femme de l’existence d’autres épouses, ce qui n’était pas une obligation auparavant. Les mutilations génitales féminines sont encore pratiquées à Djibouti, mais grâce aux campagnes de sensibilisation, la question n’est plus taboue, elle est discutée au sein du couple et de la famille, et on constate un recul de la pratique.

Le Président remercie la délégation de ses réponses et l’invite à les poursuivre à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.