Quatre-vingt-quinzième session

Compte rendu analytique de la 2602e séance *

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 18 mars 2009, à 10 heures.

Président : M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique du Rwanda

* Aucun compte rendu analytique n’ a été publié pour les 2599 e à 2601 e séances .

La séance est ouverte à 10 h 20.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique du Rwanda (CCPR/C/RWA/3; CCPR/C/RWA/Q/3/Rev.1 et Add.1)

Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation du Rwanda prennent place à la table du Comité .

M.  Nsengimana (Rwanda) dit que le troisième rapport périodique du Gouvernement du Rwanda (CCPR/C/RWA/3) est en fait un rapport consolidé couvrant les années allant de 1992 jusqu’à l’heure de la séance en cours. Après le génocide de 1994, qui par définition a été un déni radical des droits de l’homme, le Rwanda est déterminé à établir l’état de droit via des mesures conçues pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, en particulier les droits civils et politiques.

Depuis la soumission du deuxième rapport périodique du Rwanda, le pays a accompli de grandes avancées, tant juridiques qu’institutionnelles, dans la garantie des droits civils et politiques de son peuple, notamment via l’adoption en 2003 d’une nouvelle constitution, qui prévoit l’application directe d’instruments internationaux au Rwanda. Les observations finales du Comité sur le deuxième rapport périodique du Rwanda n’ayant pas tenu compte de ces évolutions, celles-ci n’ont pas été prises en considération durant la rédaction du rapport examiné.

Le Front patriotique rwandais, qui a mis un terme au génocide en 1994, a également activement contribué à la mise en place du Gouvernement d’unité nationale puis de l’Assemblée nationale de transition. La transition politique s’est achevée en 2003 avec l’adoption de la nouvelle Constitution et l’apparition d’institutions démocratiquement élues. Les principes fondamentaux de la nouvelle Constitution sont notamment le rejet de la dictature ; la création d’un État régi par la primauté du droit et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine ; la répudiation du génocide et de toute idéologie s’y rapportant ; l’égalité entre les Rwandais ainsi qu’entre les hommes et les femmes ; et la recherche constante du dialogue et du consensus.

À la suite du génocide, le Gouvernement a créé des institutions capables de renforcer l’état de droit, en particulier des institutions démocratiques, indépendantes représentant les trois branches du pouvoir, ainsi que des commissions nationales et des organismes publics spécialisés en vue de traiter les questions particulières. En dépit des difficultés à dépasser les séquelles du génocide et à établir l’état de droit, des progrès remarquables ont été accomplis. Le Rwanda souhaite réellement œuvrer en faveur d’un respect plus effectif encore du Pacte.

Le Présidentinvite la délégation à aborder les questions 1 à 14 de la liste des points à traiter (CCPR/C/RWA/Q/3/Rev.1).

M.  Rusanganwa (Rwanda), se référant à la question 1 de la liste des points à traiter, dit que le recours aux traités internationaux devant les juridictions nationales est garanti par l’article 190 de la Constitution. Les seules exceptions à leur caractère prioritaire sur la législation nationale sont les lois référendaires et la Constitution elle-même, qui, dès lors qu’elles sont considérées incompatibles avec tel out tel traité international, doivent être amendées et harmonisées en conséquence. Il existe plusieurs affaires où le Pacte a été directement appliqué, y compris par la Cour suprême (application des art. 3, 10 et 26 du Pacte) et le Département de l’avocat général des forces armées (application de l’art. 6 du Pacte). En outre, les instruments ratifiés par le Rwanda, dont le Pacte, sont mentionnés dans les préambules des lois, y compris les lois organiques, et sont examinés par le Parlement lors de l’adoption d’un nouveau texte de loi.

M.  Nsengimana (Rwanda), se référant à la question 2 de la liste des points à traiter, dit que l’unité et la réconciliation sont essentielles pour réaliser la stabilité et la paix durable au Rwanda. À cet effet, le Gouvernement rwandais a adopté un certain nombre de mesures telles que : l’inscription des concepts d’unité et de réconciliation dans la Constitution ; la création d’une Commission nationale de l’unité et de la réconciliation ; la mise en place d’institutions spécialisées pour assurer le respect des droits de l’homme, la transparence et la bonne gouvernance ; la création des juridictions Gacaca ; le rapatriement des réfugiés et anciens combattants et la constitution d’une seule et même armée ; et des élections transparentes. En outre, une décision a été prise pour exclure toutes mentions ethniques des documents administratifs publics et mettre de préférence l’accent sur la nature unificatrice de la nationalité rwandaise. Enfin, les mécanismes de lutte contre la pauvreté constituent un élément majeur de la réalisation de l’unité nationale.

Le Pacte étant directement applicable au Rwanda, la Commission nationale de l’unité et de la réconciliation ne peut contredire ses dispositions. Tous les droits reconnus dans le Pacte sont ainsi pris en compte dans les activités de la Commission, qui vise à réintégrer les individus ayant participé au génocide, après leur jugement devant les juridictions Gacaca.

Passant à la question 3 de la liste des points à traiter, l’orateur dit que le Gouvernement du Rwanda a salué la mise en place, si tardive fût-elle, du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Le Rwanda a pleinement coopéré avec le Tribunal pour ce qui est des enquêtes, de la protection des témoins, de la recherche des fugitifs, du renforcement des capacités du personnel judiciaire et des programmes de formation à l’intention des étudiants d’université et des fonctionnaires. En outre, le Rwanda aide le Tribunal à identifier les besoins et les éventuelles solutions en vue du transfert des dossiers et des prisonniers au cas où le Tribunal n’achevait pas sa mission avant la fin 2010.

M.  Rusanganwa (Rwanda), en réponse à la question 4 de la liste des points à traiter, dit que la révolte du centre de détention militaire de Mulindi a éclaté en raison de l’impopularité chez les prisonniers de mesures introduites pour lutter contre le trafic de drogue. La police militaire est intervenue pour rétablir l’ordre, tuant en état de légitime défense trois prisonniers et en blessant plusieurs autres. À la suite d’une enquête, des sanctions disciplinaires ont été infligées aux membres de la police militaire qui ont abattu des prisonniers ; et le directeur du centre de détention a démissionné. L’affaire est désormais classée, mais les victimes et leurs familles ont toujours droit de saisir les tribunaux pour dommages et intérêts.

M.  Nsengimana (Rwanda) signale que la Commission nationale des droits de l’homme a suivi attentivement l’affaire, et recommande de remplacer à l’avenir l’utilisation de balles réelles par l’emploi de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc si ce genre d’incidents se reproduisait.

M.  Rusanganwa (Rwanda), en réponse à la question 5, dit que la peine d’emprisonnement en isolement à perpétuité est imposée seulement aux personnes dangereuses qui ont commis des crimes inhumains qui exigent qu’on les isole pour la sécurité des autres prisonniers. L’imposition de cette peine n’est pas incompatible avec l’article 7 du Pacte, dans la mesure où les prisonniers en question jouissent de la garantie de tous les droits exercés par les autres prisonniers en vertu de la Constitution.

En outre, l’article 5 du projet de loi rwandais sur l’exécution de la peine de réclusion à perpétuité stipule que toute personne condamnée à l’emprisonnement à vie doit pouvoir bénéficier d’un traitement décent garantissant le respect de ses droits fondamentaux. Il protège également ces prisonniers contre toute forme de cruautés, tortures et traitements inhumains ou dégradants. Ainsi, le projet de loi dispose que la seule différence entre les prisonniers condamnés à une peine d’emprisonnement en isolement à perpétuité et tous les autres est que ceux-là n’ont pas la possibilité d’entrer régulièrement en contact avec ceux-ci afin de maintenir la sécurité et le bon ordre dans la prison.

Se référant à la question 6, l’orateur dit que tout officier de police ou membre des Forces de défense locales faisant un usage excessif et illégal de la force lors de l’arrestation de suspects sera poursuivi avec toute la rigueur de la loi. Par exemple, l’article 42 de la loi n° 09/2000 dispose que les forces de police doivent s’efforcer de remplir leur mission sans utilisation d’armes à feu en employant plutôt d’autres équipements tels que matraques, grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc. Tout officier de police ne s’y conformant pas encourra des poursuites judiciaires. En outre, l’article 27 de la loi n° 02/2004 déclare que les membres des Forces de défense locales seront tenus responsables devant la loi pour tout acte commis durant l’exercice de leurs missions n’entrant pas dans leurs attributions, tandis que l’article 79 du Décret n° 155/01 prévoit des poursuites pénales et disciplinaires contre tout membre de la police nationale qui abuse de son autorité.

En réponse à la question 7, l’orateur signale que la Constitution du Rwanda garantit la liberté et la sécurité des personnes contre toutes les atteintes possibles. L’article 18 de la Constitution déclare que la liberté de la personne est garantie par l’État et que nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné en-dehors des cas prévus par la loi en vigueur au moment de la perpétration de l’acte. À cet égard, la loi n° 13/2004, telle que modifiée et complétée par la loi n° 20/2006, a limité le délai de détention d’une personne pour besoin d’enquête par la police ou l’organe de poursuite judiciaire. Dans le cas d’une garde à vue par la police, un procès verbal d’arrestation rédigé par un officier de police est valable pour seulement 72 heures à compter de l’émission du mandat d’arrêt, tandis qu’un mandat délivré par l’organe de poursuite judiciaire est valable pour seulement sept jours. La loi est strictement observée à cet égard et les juges sont à présent autorisés à libérer les détenus à l’expiration d’un certain délai.

Outre ces mesures législatives, des mesures administratives ont été prises pour prévenir la détention arbitraire et illégale, notamment la fermeture des lieux de détention non officiels et un durcissement des inspections des postes de police.

M me Tumukunde (Rwanda) dit que le rapport de 2007 de la Commission nationale des droits de l’homme a recueilli des données sur plusieurs affaires de détention abusive lors de gardes à vue ou après acquittement, mais qu’il ne s’agissait en réalité pas de cas de détention arbitraire. Néanmoins, des mesures ont été prises pour assurer que d’autres cas de détention abusive ne se produisent pas, notamment la tenue d’examens périodiques des dossiers des prisonniers par les directeurs de prison et le parquet général de la République, ainsi que la communication immédiate des décisions judiciaires aux autorités compétentes.

M.  Nsengimana (Rwanda), en réponse à la question 8, dit que les informations communiquées sur le nombre d’arrestations pour vagabondage sont souvent exagérées. Il convient de rappeler toutefois que le vagabondage et la mendicité sont des infractions punies par les articles 284, 285 et 286 du Code pénal du Rwanda.

Les autorités de Kigali collaborent avec la police nationale à l’arrestation des vagabonds et mendiants pour raisons de sécurité. Les poursuites des auteurs d’infractions suivent des procédures judiciaires tandis que les délinquants mineurs sont soit remis à leurs familles soit envoyés dans des centres de réadaptation. À cet égard, l’orateur signale qu’une politique nationale à l’intention des orphelins et d’autres enfants vulnérables a été mise en place depuis 2003. Dans le cadre de cette politique, le Gouvernement rwandais a adopté un plan stratégique à l’intention des enfants des rues qui établit divers mécanismes en vue de leur insertion sociale. En outre, le vagabondage et la mendicité ayant souvent pour origine la pauvreté, le Gouvernement a adopté plusieurs mesures d’aide économique, telles que le projet Haute intensité de main d’œuvre mentionné dans le rapport. L’emploi rémunéré est la meilleure solution au problème du vagabondage et de la mendicité.

M.  Rusanganwa (Rwanda), en réponse à la question 9, dit que, à la suite du génocide de 1994 perpétré au Rwanda, quelque 120 000 personnes ont été détenues dans l’attente de l’examen de leurs dossiers par les tribunaux compétents. Pour éviter que ces personnes ne soient détenues au-delà de la durée de leur peine, la Présidence de la République a demandé dans un communiqué du 1er janvier 2003 qu’il soit procédé, conformément à la législation en vigueur, à la libération provisoire des détenus ayant avoué avoir participé à des actes de génocide et risquant de se retrouver dans cette situation. Cet appel, lancé chaque année depuis 2003, a abouti à ce jour à la libération de 59 000 détenus au total.

Les juridictions Gacaca ont été mises en place pour accélérer les procès pour génocide afin de compenser la lenteur du système judiciaire classique due au nombre limité de tribunaux et aux difficultés pour eux de rassembler les éléments de preuve. Le troisième amendement à la Loi organique n° 16/2004 a étendu la compétence et le nombre des juridictions Gacaca, tandis que l’introduction dans le processus Gacaca de la peine de travaux d’intérêt général par arrêté présidentiel n° 17/03/2003 a aidé à mieux désengorger les prisons, facilitant ainsi la réussite finale du processus de réconciliation.

M.  Nsengimana (Rwanda) dit que la situation au Rwanda est très particulière, une grande part de la population ayant été directement impliquée dans le génocide. Les juridictions Gacaca ont été créées non seulement pour faire avancer la marche des procès mais également pour parvenir à la réconciliation, ce qui ne signifie toutefois pas l’impunité pour les auteurs d’infractions. Ces juridictions ont permis de juger un million de personnes en quatre ans, diminuant ainsi le nombre de détenus et accroissant le nombre d’acteurs productifs en mesure de participer à l’économie nationale.

En réponse à la question 10 de la liste des points à traiter, l’orateur souligne que l’état de siège ou d’urgence ne porte atteinte à aucun des droits fondamentaux prévus dans l’article 137 (7) de la Constitution ; tous les autres droits peuvent certes être limités dans cette situation, mais dans le strict cadre de la loi. Lors d’un état d’urgence, tous les droits suspendus doivent être précisés, les individus pouvant même dans ce cas bénéficier de recours utiles. En ce qui concerne la discrimination à l’égard des femmes (question 11), l’orateur dit que plusieurs dispositions législatives, qui se sont avérées discriminatoires, ont été examinées en vue de leur abrogation.

M me Tumukunde (Rwanda) dit que la Commission nationale des droits de l’homme fait partie de l’équipe chargée d’examiner les lois, dirigée par le Ministère du genre et de la promotion familiale. Beaucoup a déjà été fait dans ce domaine durant les 10 années d’activités de la Commission, en particulier dans les domaines civils et politiques, de sorte qu’une quasi-égalité de droit avec les hommes est garantie aux femmes actuellement. Quelques aspects du Code de la famille et du Code pénal sont actuellement en cours d’examen, en particulier pour assurer que les hommes et les femmes sont traités sur un pied d’égalité dans les affaires d’adultère ; à l’issue du processus d’examen, toutes les conditions voulues pour garantir une pleine égalité de droits entre hommes et femmes devraient être en place.

Passant à la question 12, l’oratrice dit que le Ministère du genre et de la promotion familiale et la Commission des droits de l’homme sont des entités constitutionnelles et, comme telles, reçoivent une part du budget du Gouvernement. Toutefois, en raison de l’état des finances du pays, toujours un déficit, les organisations internationales et bilatérales compétentes continuent d’apporter des financements supplémentaires. Les critères d’éligibilité au Conseil national des femmes sont, quant à eux, ouverts et assurent une représentation du niveau communautaire au niveau national. Le Conseil a réussi dans tous les aspects de son action, en particulier à faire avancer les droits économiques et sociaux des femmes.

M.  Rusanganwa (Rwanda), abordant la question 13, dit que le viol constitue un crime puni par le Code pénal, dont une version amendée est actuellement présentée devant le Parlement, de même qu’une loi spéciale contre la traite d’êtres humains, en particulier des enfants. En outre, une nouvelle loi a été adoptée pour réprimer la violence fondée sur le sexe. Au titre de ces nouvelles dispositions, la sévérité de la peine prononcée dépend de plusieurs facteurs et peut être doublée dans certaines circonstances. La peine prévue par exemple pour viol sur mineurs va de 10 ans d’emprisonnement à la prison à vie, au lieu de la peine capitale qui a été abolie. La priorité est donnée aux affaires de viol en termes d’enquêtes, de traitements médicaux et d’auditions judiciaires. Au niveau national et dans chaque poste de police, des unités spéciales ont été mises en place pour répondre avec un maximum d’efficacité et de soins à tous les cas signalés de viol, en particulier pour faire face et parer aux risques à VIH/sida.

M.  Nsengimana (Rwanda), se référant à la question 14, dit que la violence sexuelle a régné durant le génocide. Le Gouvernement a alors pris des mesures spéciales pour garantir aux victimes une réponse rapide de la police et un accès aux traitements médicaux et services judiciaires, avec le concours du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme. Cette stratégie a particulièrement bien réussi, en particulier à dissuader les auteurs potentiels de ce type de violence. Les victimes bénéficient de services de conseil d’ONG. En outre, une unité spéciale a été créée au niveau national pour élaborer et mettre en place des programmes et mesures visant à protéger et aider les victimes et témoins, ainsi que pour planifier, exécuter et surveiller toutes les activités s’y rapportant.

M me Wedgwood, exprimant ses remerciements au Rwanda pour avoir soumis un rapport après tant d’années, souligne qu’une communication fréquente de l’information est un moyen permettant au Comité et à chaque État partie de collaborer à l’amélioration du respect des dispositions du Pacte, qui a pour objectif d’inspirer l’action sur le terrain. Le Rwanda a été exposé aux pires horreurs mais doit à présent s’employer à dépasser ce traumatisme et bâtir son avenir. Aussi ne suffit-il pas de promulguer une législation ; des mesures concrètes doivent être prises et faire l’objet de rapports. Le Comité a besoin d’une information pratique ; il souhaite savoir ce qui est fait dans la pratique et non pas seulement au niveau formel. La mention de l’article 190 de la Constitution, en réponse à la question 1 de la liste des points à traiter, est inutile faute de garanties procédurales au sein des juridictions Gacaca, d’une représentation juridique assurée ou d’activités de collecte de l’information. Sans une véritable liberté d’expression, l’article 19 du Pacte reste lettre morte, tandis que l’article 7 n’a aucune signification si les conditions pénitentiaires sont mauvaises. Le Comité souhaiterait obtenir une information sur des cas signalés de détention d’un grand nombre d’enfants dans un entrepôt, de détenues tombées enceintes et de prisonniers gardés en isolement pendant de longues périodes de temps sans possibilité de recevoir une seule visite. L’oratrice déplore que les personnes directement responsables des activités sur le terrain ne participent pas à la délégation.

En ce qui concerne la question 3 de la liste des points à traiter, l’information communiquée au Comité semble indiquer l’existence de problèmes limitant l’indépendance du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Par exemple, la stratégie de cessation des activités du Tribunal et les exhortations du Gouvernement conduisent au transfert d’un nombre croissant d’affaires portées devant le Tribunal aux tribunaux nationaux au Rwanda. L’oratrice demande un complément d’informations sur les efforts visant à assurer que les parties défenderesses qui ont fait l’objet d’un transfert jouissent de protections de procédure identiques à celles dont elles auraient bénéficié devant le Tribunal. En outre, le Comité a été informé que plusieurs dizaines de milliers de collaborateurs présumés ont été tués par les services de sécurité dans différentes régions du pays et que très peu d’enquêtes ou poursuites, voire aucune, ont été menées dans ces affaires présumées de recours excessif à la force.

Passant aux questions 4 et 6, l’oratrice indique que des exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires de la part des services de sécurité ont été signalées, sur quoi le Gouvernement a l’obligation d’enquêter. Le Comité a été informé que certaines personnes, comme Leonard Hitimana, ancien député représentant le parti MDR, le lieutenant-colonel Augustin Cyiza, ancien Vice-président de la Cour suprême, Jean-Marie Vianney, commerçant, et Damien Musayidizi, ancien secrétaire du Ministère de la défense, ont disparu, sans que ces disparitions n’aient, semble-t-il, fait l’objet d’aucune d’enquête de la part du Gouvernement. Il faut enquêter sur ces incidents conformément à l’obligation énoncée dans le Pacte sur le droit à la vie et à l’interdiction d’exécutions extrajudiciaires. L’oratrice sollicite un complément d’information sur les efforts du Gouvernement visant à examiner ces cas ou d’autres affaires de disparitions.

En ce qui concerne les questions 7, 8 et 9, l’oratrice sollicite de plus amples informations sur la protection des droits des détenus inscrits dans le Pacte, en particulier pour les détentions provisoires de longue durée et la mise en entrepôt des enfants des rues et des migrants, ces pratiques soumettant les personnes non condamnées à des conditions extrêmes, notamment leur coexistence dans les prisons avec des détenus condamnés.

Enfin, abordant la question 10, l’oratrice demande instamment au Gouvernement d’examiner soigneusement l’observation générale n° 29 du Comité sur l’article 4, en particulier les paragraphes 13 à 16, qui traitent des droits durant un état de siège, certains n’étant pas mentionnés dans le Pacte. L’oratrice signale que le Comité a eu connaissance de modifications apportées aux juridictions Gacaca qui affaiblissent encore davantage la protection des droits consacrés dans le Pacte. À cet égard, l’oratrice exhorte l’État partie à examiner l’observation générale n° 32 sur l’article 24, en particulier le paragraphe 24 sur les tribunaux de droit coutumier.

M.  Amor salue le rapport mais signale qu’il est plutôt de nature formelle et qu’il signale relativement peu de faits, en particulier concernant le mode d’application du Pacte adopté par l’État partie. Tout en félicitant l’État partie d’avoir mis en place la Commission nationale de l’unité et de la réconciliation, l’orateur sollicite un surcroît d’information sur la participation à cet organisme des entités non gouvernementales, à savoir, la société civile. La signification exacte de ce que le Gouvernement nomme « société civile » ne ressort pas clairement du Rapport, en particulier du paragraphe 6, non plus que son degré de participation officielle à cet immense processus de relèvement. L’orateur signale également que les juridictions Gacaca posent certains problèmes, si grande soit leur utilité à réduire le retard dans le traitement des affaires, car elles auraient parfois été saisies pour régler certains différends au niveau local sur la base d’éléments peu probants. Est également signalé un recours excessif à la force de la part des services de sécurité qui abattraient parfois des détenus ne faisant que résister à une arrestation. L’orateur souhaiterait savoir si ces cas ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites.

Abordant spécifiquement la question 8 de la liste des points à traiter, l’orateur sollicite de plus amples informations sur ce qu’on appelle exactement les vagabonds. Signalant que de nombreuses personnes au sein de groupes marginaux et vulnérables sont apparemment détenues sans avoir accès à l’aide d’ONG et aux services de conseil juridique, l’orateur rappelle à l’État partie que la pénalisation du vagabondage, de la mendicité et de la prostitution conduit à des traitements qui violent le Pacte. Ces modes de vie résultent de la pauvreté, laquelle n’est pas un crime. L’orateur sollicite plus d’informations sur le nombre de ces personnes vulnérables et le traitement qu’elles reçoivent.

M me Majodina se dit quelque peu surprise par le fait que la Commission nationale des droits de l’homme n’ait pas soumis un rapport indépendant sur le respect par le Gouvernement des obligations qu’il a contractées au titre du Pacte mais qu’elle ait fait partie de la délégation du Gouvernement. En ce qui concerne la question 5 de la liste des points à traiter, elle signale que la Constitution et d’autres textes de loi interdisent la torture tout en permettant l’emprisonnement en isolement à perpétuité. Dans son observation générale n° 20 sur l’article 7, le Comité a jugé que l’emprisonnement en isolement prolongé est excessivement cruel et qu’il viole l’article 7 du Pacte. En outre, la nature des critères utilisés pour prononcer une peine d’emprisonnement en isolement à perpétuité dans certaines affaires de génocide ne ressort pas clairement du rapport et des réponses.

Abordant la question 11, l’oratrice salue la forte participation des femmes au Parlement mais demande de plus amples informations sur l’examen, confié à la Commission nationale des droits de l’homme, des lois qui désavantagent les femmes, en particulier les articles 206, 213 et 354 du Code de la famille, discriminatoires à l’égard des femmes dans la famille, sur le lieu de travail et devant les tribunaux.

Enfin, l’oratrice sollicite de plus amples informations sur les points soulevés dans la question 11. Elle souhaite savoir en particulier si le Gouvernement offre une aide budgétaire suffisante aux efforts d’intégration durable de l’équité dans le traitement des 2 sexes et du souci de l’égalité des sexes. L’oratrice s’enquiert en particulier des points de contact pour l'égalité des sexes et du cadre institutionnel de la généralisation d’une perspective antisexiste.

La séance est levée à 13 heures .