Nations Unies

CCPR/C/SR.2842

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

16 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’homme

103 e session

Compte rendu analytique (partiel)* de la 2842 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 21 octobre 2011, à 15 heures

Présidente: Mme Majodina

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique du Koweït (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l'article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique du Koweït (suite) (CCPR/C/KWT/2; CCPR/C/KWT/Q/2 et Add.1)

1. Sur l'invitation de la Présidente, la délégation koweïtienne re prend place à la table du Comité.

2.M me Alshaaji (Koweït), répondant à la question 19 de la liste des points à traiter, indique que le projet de loi concernant le service militaire obligatoire est actuellement à l'étude au Parlement. Selon la Constitution, défendre le pays est un honneur et un devoir sacré qui incombe à tous les citoyens. Le projet de loi contient des dispositions qui permettent aux hommes ayant les compétences voulues de travailler dans des hôpitaux militaires, et prévoit divers motifs d’exemption du service militaire, parmi lesquels figurent la maladie et le fait d'être fils unique. Aux termes de ce texte, les étudiants de l'enseignement supérieur, les hommes dont les épouses étudient à l'étranger, et ceux qui ont de petites entreprises en activité depuis moins de cinq ans peuvent différer l’accomplissement de leur service militaire. Les objecteurs de conscience peuvent faire un service civil de substitution. Le service national est accompli par les hommes âgés de 18 à 35 ans. La législation du travail interdit aux enfants de moins de 15 ans de prendre un emploi quel qu'il soit, et de faire leur service militaire.

3.La mendicité est interdite; elle est considérée comme contraire aux traditions et à la civilisation du pays. Les personnes dans le besoin, y compris les enfants, reçoivent une assistance.

4.M. Mohammad Almutairi (Koweït), répondant à la question 20, fait savoir que les non musulmans se convertissent à l'islam depuis 2005 pour se faire naturaliser et qu'aucun national koweïtien ne s’est converti de l'islam à une autre religion.

5.M. Mutlak Almutairi (Koweït), répondant à la question 21, indique que sept églises ont été autorisées à avoir des lieux de culte. Ce sont les églises catholique romaine, anglicane, évangélique, orthodoxe grecque, orthodoxe arménienne, orthodoxe copte et catholique arménienne. La délivrance de visas aux ecclésiastiques est assujettie aux exigences du Ministère de l'intérieur et du Ministère des affaires sociales et du travail. La liberté de religion est complète, conformément à la Constitution; chacun est libre de pratiquer sa religion et d'exprimer ses convictions à condition que cela ne trouble pas la moralité ni l’ordre publics. Tous les lieux de culte doivent obtenir une autorisation – voire parfois plusieurs autorisations de différentes autorités.

6.M. Alharbi (Koweït) précise, en réponse à la question 22, que les élèves non musulmans ne sont pas tenus de suivre les cours où l'islam est enseigné. Tous les élèves non musulmans – koweïtiens ou étrangers – peuvent suivre l'enseignement de la charia, étudier le Coran et passer les examens correspondants s'ils le souhaitent. Ils ne sont pas obligés de suivre ces cours et peuvent les abandonner à tout moment. L'éducation religieuse est dispensée dans toutes les années d'études. Quelque 26% des établissements scolaires du pays sont privés. L'éducation religieuse des non musulmans est assurée par les communautés et dans les lieux de culte de chaque confession.

7.M. Alsaana (Koweït), répondant à la question 23, indique que la liberté d'opinion et d'expression ainsi que la liberté de la presse sont consacrées par la Constitution. Les seules restrictions à ces droits tiennent à la nécessité de maintenir la moralité et l’ordre publics. Les tribunaux ont été saisis de nombreuses affaires liées à l'application de la législation relative à l'impression, aux publications et à la radiodiffusion. Cette législation comporte de multiples interdictions qui ont trait notamment aux documents qui offensent la morale publique, critiquent l'islam, l’Émir ou la Constitution, insultent des membres de l'appareil judiciaire, révèlent des détails de la vie privée de certaines personnes ou tendent à déstabiliser la monnaie ou l'économie nationales. Les affaires de diffamation dont les tribunaux ont eu à connaître concernent la publication ou la radiodiffusion de contenus insultants ou humiliants pour certaines personnes. De telles informations peuvent être diffusées par voie légale si les tribunaux jugent qu'elles sont vraies, qu'elle servent le bien public et que l'instigateur de la diffusion a agi de bonne foi et a limité l'information mise dans le domaine public à ce qui est nécessaire pour protéger le bien public.

8.En réponse à la question 24, il fait savoir que la Constitution protège la liberté d'expression et la confidentialité des communications personnelles par lettre, télégramme, téléphone ou autres moyens de communication. Des lois réglementent tous les moyens de surveillance des communications, afin d'interdire le piratage et la réalisation de profits par la vente d’informations qu’il aurait permis d’obtenir. Il n’y a aucune restriction à l’utilisation de l’internet. Tous les sites internet sont pleinement accessibles, à l'exception de ceux qui contiennent des documents pornographiques ou qui encouragent l'extrémisme religieux.

9.M. Alansari (Koweït), répondant à la question 31, indique que le Code du statut personnel fixe à 15 ans pour les jeunes filles et à 17 ans pour les jeunes hommes l’âge minimum du mariage. C'est le Ministère de la justice qui délivre les certificats de mariage. Si une jeune fille n'a pas 15 ans ou un jeune homme n'en a pas 17, les vérifications auxquelles le Ministère procède le révéleront et, dans la plupart des cas, le mariage ne sera pas autorisé. Par rapport à la situation qui régnait il y a 10 ans, il est maintenant très rare que des jeunes filles de moins de 15 ans soient autorisées à se marier.

10.En réponse à une question soulevée à la séance précédente, M. Alansari fait savoir qu’aux termes du décret-loi n° 74 de 1979, qui régit la propriété de biens immobiliers par les non koweïtiens, les nationaux étrangers peuvent acheter de tels biens conformément aux besoins des consulats et des ambassades. La décision ministérielle n° 259 de 2010 a créé un comité chargé d'examiner les demandes d'acquisition de biens immobiliers et de définir la politique générale en matière de propriété de tels biens par les étrangers.

11.M me Alnaser (Koweït), signale, en réponse à la question 35, que la population immigrée au Koweït se compose de nationaux de l’Inde (25% du total de la population immigrée), de l’Égypte (16%), du Bangladesh (9%), de la Syrie, du Pakistan, de l’Arabie Saoudite, des Philippines et de Sri Lanka.

12.M. Mohammad Almutairi (Koweït) ajoute que plusieurs permis ont été délivrés à ces communautés étrangères en vue de leurs réunions et de leurs célébrations traditionnelles, culturelles et religieuses. En 2010, ont figuré parmi les manifestations ainsi autorisées une vente de charité dans le cas des Indiens, et les festivités organisées par les coptes égyptiens à l'occasion de Noël et du Nouvel An. Les communautés étrangères célèbrent dans leur majorité leur fête nationale dans des lieux publics, dans une totale liberté.

13.M. Abdelhadi (Koweït) indique que les taxes afférentes aux services médicaux doivent être acquittées avant qu’une personne jusque-là non-résidente puisse résider au Koweït. Les montants en sont fixés par la loi. M. Abdelhadi donne le détail des frais à la charge des personnes et des familles ainsi que les montants concernant les domestiques, lesquels sont assujettis à une taxe bien inférieure, qui est versée par leur employeur. De même, les entreprises doivent payer pour le compte de leurs salariés. Les services médicaux ainsi financés comprennent les consultations, les examens de laboratoire, les examens radiologiques et les ordonnances.

14.Les nationaux étrangers doivent aussi acquitter de faibles sommes pour être traités dans les hôpitaux et les centres de santé, sauf en cas d'urgence, les soins étant alors gratuits. Les enfants qui ne sont pas de nationalité koweïtienne et qui sont victimes d’un cancer bénéficient de la gratuité des soins, tout comme les étudiants étrangers, les voyageurs qui tombent malades alors qu'ils sont en transit à l'aéroport international de Koweït, les travailleurs migrants vivant dans des centres d'hébergement et les résidents illégaux.

15.M me Alshaaji (Koweït) précise que le Pacte fait partie intégrante de la législation nationale en vertu de la loi n° 12 de 1996, en dépit des réserves à certains des articles de cet instrument qui sont incompatibles avec la charia. Celle-ci est l'unique source du droit de la famille, qui régit des questions comme le mariage, le divorce et les successions.

16.M. Alsaana (Koweït) souligne que tant la Constitution que d'autres lois nationales garantissent l'indépendance du pouvoir judiciaire. Les décisions de justice s'imposent de la même manière aux nationaux koweïtiens et aux étrangers. Tous les membres de l'appareil judiciaire bénéficient d'une immunité qui leur est conférée par la Constitution et respectent la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire.

17.Ni le Conseil supérieur de la magistrature, ni le Ministère de la justice ni les spécialistes et experts qui travaillent auprès des tribunaux n’ont de voix délibérative dans les décisions judiciaires. Tous les juges, y compris ceux qui sont étrangers, sont nommés par décret et prêtent devant l’Émir un serment par lequel ils s'engagent à respecter la loi koweïtienne. Les juges ne peuvent être démis de leurs fonctions que conformément aux mesures disciplinaires fixées pour l'appareil judiciaire dans son ensemble. Il ne peut être mis fin à l'engagement d'un juge ou d'un procureur étrangers qu’avec l'accord du Conseil supérieur de la magistrature. Aucune distinction n'est faite entre les juges koweïtiens et étrangers, et un accord conclu avec l'Égypte permet aux juges égyptiens de travailler au Koweït. Quelle que soit la nationalité des juges, seule la législation koweïtienne s’impose à eux.

18.M. Alhajiri (Koweït) précise que la police ne peut arrêter qui que ce soit sans un mandat émis par le Procureur général et la Direction générale des instructions, sauf si l'intéressé a été pris en flagrant délit. La personne appréhendée a le droit de se faire représenter par un conseil et est déférée à un magistrat instructeur. Elle peut être détenue pour un délai pouvant aller jusqu'à quatre jours dans le cas d'infractions graves ou de questions de sécurité – infractions liées à la drogue ou autre délits donnant lieu à des enquêtes de la part des services du renseignement, par exemple. En pareil cas, le détenu est présenté au Procureur général, qui autorise instructions et arrestations. Des inspections sont couramment pratiquées afin de s’assurer que les interrogatoires, les arrestations et la détention par la police sont menés conformément à la loi. Un projet de loi visant à réduire à 48 heures la durée de la détention dans certaines affaires liées à la sécurité est à l'étude.

19.M. O’Flaherty, après avoir remercié la délégation koweïtienne de sa réponse orale à la question 20 de la liste des points à traiter, demande des informations écrites spécifiquement consacrées à la question soulevée antérieurement du national koweïtien âgé de 27 ans qui n'a pas pu faire modifier la religion mentionnée sur son certificat de naissance après s'être converti de l'islam au christianisme.

20.S'agissant de l'enregistrement des lieux de culte, M. O’Flaherty relève que s'il n'y a pas de problème en droit, les renseignements à la disposition du Comité indiquent qu'il y a une difficulté dans la pratique et qu’il n'existe pas de lieu de culte enregistré dans le cas des bouddhistes, des hindous et des sikhs. Des observations écrites de la délégation sur ce point et sur l'exactitude de ces renseignements seraient les bienvenues.

21.M. O’Flaherty déduit de l'échange de vues qui a eu lieu au sujet de la liberté d'expression qu'il existe une discordance entre les normes établies en la matière par l'article 19 du Pacte, d'une part, et la loi et la pratique sur le territoire koweïtien, d'autre part. Il encourage sincèrement l'État partie à étudier l'Observation générale n° 34, qui offre d'utiles orientations et qui lui permettra de réexaminer sa législation et sa pratique dans ce domaine.

22.Passant brièvement en revue les principaux problèmes relatifs à la liberté d'expression, il signale que les restrictions en la matière devraient être l'exception et non la règle, et que toute restriction devrait satisfaire à des critères rigoureux de proportionnalité et de rationalité. Lors de l'évaluation de ces critères, il importe d'avoir à l'esprit que la critique du chef de l'État et l'opposition politique sont légitimes, comme l'énonce clairement l'observation générale. Les restrictions liées au blasphème doivent également répondre à des conditions strictes. Soulignant que l'article 20 du Pacte traite de l'incitation à la haine, M. O’Flaherty cite la phrase suivante de l'Observation générale n° 34: «Les interdictions des manifestations de manque de respect à l’égard d’une religion ou d’un autre système de croyance, y compris les lois sur le blasphème, sont incompatibles avec le Pacte, sauf dans les circonstances spécifiques envisagées au paragraphe 2 de l’article 20 du Pacte» (CCPR/C/GC/34, par. 48).

23.Il exprime son inquiétude au sujet du climat litigieux qui règne entre particuliers et qu’illustre le grand nombre de plaintes pour propos déplacés déposées en 2010 auprès des tribunaux, dont beaucoup ont été maintenues. Ces plaintes ne dénotent rien de bon en ce qui concerne la liberté d'expression et, pour faire progresser la compatibilité avec le Pacte, l'État parte est encouragé à réexaminer la mesure dans laquelle elles sont déclarées recevables et examinées par les tribunaux.

24.Sir Nigel Rodley demande s'il existe des femmes juges au Koweït. Il sollicite, dans l’affirmative, de plus amples précisions à leur sujet, et dans la négative, des renseignements sur les critères d'admission à la magistrature que les femmes ne remplissent pas.

25.M. Razzooqi (Koweït) fait savoir que la délégation n’a pas de renseignements concernant le cas particulier de conversion religieuse cité par M. O’Flaherty. Si des informations à ce sujet peuvent lui être communiquées, la question sera étudiée.

26.Passant au nombre des litiges pour propos déplacés dont les tribunaux ont eu à connaître, M. Razzooqi indique que le climat politique au Koweït est tel que différents groupes emploient parfois des termes très vifs pour dénigrer leurs rivaux et porter des accusations de nature à ternir leur réputation. Chaque citoyen koweïtien a le droit de porter de telles affaires devant les tribunaux et d'obtenir de la justice une décision confirmant ou infirmant la véracité de telles accusations. C'est là un droit intangible.

27.M. Alsaana (Koweït) indique que nombre de femmes excellent dans la profession d’avocat, notamment dans le secteur financier et dans celui de la loi islamique. Aucune loi n'empêche expressément les femmes de devenir juges, et elles sont nombreuses à occuper d'autres postes de haut niveau comme ceux de ministre ou d'ambassadeur. Le sentiment du corps judiciaire est que l'entrée des femmes dans la magistrature n'est qu'une question de temps; il n'y a ni limitations ni restrictions. S'il n'y a pas de femmes juges actuellement, cela est dû à la tradition du pays et M. Alsaana ne doute pas qu'il y en aura sous peu.

28.M. Razzooqi (Koweït) signale que la Constitution n'empêche pas les bouddhistes et les sikhs de pratiquer leur religion, encore que certains rituels et pratiques soient contraires à l'ordre public et à la morale, et ne puissent donc se dérouler qu’à domicile ou dans des endroits spécialement réservés. Ces rituels ne peuvent avoir lieu en public en raison des dispositions de la Constitution et de celles de l'article 18 du Pacte, qui exige le respect de l'ordre public et de la morale.

29.M me Alshaaji (Koweït), répondant aux préoccupations exprimées au sujet de l'application de l'article 20 du Pacte, fait observer que l'incitation à la haine, à la discrimination ou à l'hostilité est prohibée. La loi relative à la presse et aux publications interdit la diffamation de personnes ou d'une religion, l'incitation à la haine d'un groupe de personnes ou la divulgation d'informations financières de nature à porter atteinte à la réputation ou au patrimoine d'une personne. Le Parlement procède actuellement à l’étude d'urgence d’un projet de loi relative à la protection de l'unité nationale, qui se rapporte aux dispositions de l'article 20 du Pacte. Ce texte interdira l'incitation, par quelque moyen que ce soit, à la haine de l’une quelconque des communautés de la société koweïtienne, ainsi que toute déclaration publique pouvant porter atteinte à l'unité nationale, conduire au sectarisme, au tribalisme ou à la sédition, ou propager l’idée de la suprématie d'une race, d'une couleur, d'une religion ou de l’un des deux sexes.

30.Le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte permet d'apporter des restrictions à la liberté d'expression conformément à la législation. Au Koweït, ces restrictions sont édictées par la loi et non par décret, et sont conformes au Pacte ainsi qu'à la loi relative à la presse et aux publications. Le Pacte admet des restrictions pour deux motifs: la protection de la réputation d'autrui et la sauvegarde de la sécurité nationale et de l'ordre public. Ce sont là les seules conditions qui justifient des restrictions à la liberté d'expression. Cependant, l’acception de l'expression «ordre public» peut varier d'un État à l'autre.

31.M me Altararwa (Koweït), répondant aux préoccupations du Comité relatives à l'infraction de lèse-majesté, souligne que celle-ci est définie par la Constitution, laquelle a fait l’objet d’un accord entre l'Émir et la population. L'Émir ne mène aucune activité politique; ce sont ces ministres qui s'en chargent. La Constitution et la législation du Koweït sont inséparables.

32.M. Razzooqi (Koweït) ajoute que le Pacte est considéré comme faisant partie de la législation koweïtienne et que les traités internationaux l'emportent sur la loi, encore que, dans certaines matières, ce soit la charia qui s'applique. Modifier et adapter la législation sont des opérations longues et difficiles, et les échanges de vues dans ce domaine se poursuivent. Exprimant l'espoir que la prochaine délégation koweïtienne qui se présentera devant le Comité comptera une femme juge parmi ses membres, M. Razzooqi réaffirme l'attachement du Koweït à ses obligations au titre du droit international.

33.La Présidente, remerciant la délégation de ses réponses claires aux questions du Comité, rappelle que la législation nationale devrait être conforme aux normes internationales. Aucun autre cadre juridique ne devrait primer sur les obligations contractées par le Koweït en vertu du Pacte.

Le débat résumé prend fin à 16 h 30.