NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2139

29 décembre 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-dix-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2139e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 21 octobre 2003, à 10 heures

Président : M. AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique des Philippines (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique des Philippines (CCPR/C/PHL/2002/2; CCPR/C/79/L/PHL) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation philippine reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation philippine à répondre aux questions 32, 33 et 34 de la liste des points qu’il reste à traiter, ainsi qu’à apporter comme convenu un complément d’information sur la question du rétablissement de la peine de mort (point 10 de la liste).

3.Mme GUTIERREZ (Philippines), répondant à la question 32, donne au Comité l’assurance que les autorités de son pays sont clairement opposées à l’enrôlement des mineurs dans quelque force armée que ce soit. Dans la loi adoptée pour prévenir et réprimer plus efficacement toutes les formes de maltraitance et d’exploitation d’enfants, il est expressément indiqué qu’aucun enfant ne peut être recruté dans les forces armées ni prendre part à des combats ni à d’autres activités en lien direct avec un conflit armé, que ce soit en qualité de soldat, d’espion, de guide ou à un quelconque autre titre. En 2000, les Philippines ont signé le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et ratifié la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants; les dispositions de ces instruments seront incorporées dans la législation nationale de protection de l’enfance.

4.En réponse à la question 33, la représentante des Philippines signale que la Commission nationale des populations autochtones a été créée sous l’autorité du Cabinet du Président pour élaborer et mettre en œuvre des politiques, plans et programmes visant à promouvoir et à protéger les droits et le bien‑être des communautés culturelles autochtones ou des populations autochtones et à reconnaître à celles‑ci leurs domaines ancestraux, compte dûment tenu de leurs croyances, coutumes, traditions et institutions. Les travaux de cette commission dans le domaine de la délimitation et de la reconnaissance des domaines ancestraux en sont actuellement au stade de la définition des critères qui permettront de mener les enquêtes avec le plus de fiabilité possible. Ces travaux sont menés en coordination avec le Ministère de l’environnement et des ressources naturelles. Les autorités militaires de même que d’autres organismes de l’État se rendent régulièrement dans les zones qui sont sous contrôle des groupes rebelles pour maintenir le dialogue avec la population et continuer à lui assurer la fourniture des services de base. En cas de risque d’opérations militaires, les populations autochtones sont naturellement prévenues: des bureaux de liaison avec les autochtones ont été mis en place dans tous les quartiers généraux de l’armée, et même dans les brigades. Pour ce qui est des prestations sociales, le droit des communautés culturelles autochtones et des populations autochtones à des mesures spéciales pour améliorer leur situation économique et sociale est expressément consacré dans un texte de loi, lequel fait obligation à l’État de leur garantir l’accès aux services publics essentiels, notamment l’eau, l’électricité, l’éducation, l’emploi, etc. Ainsi, 5 % des membres des forces armées philippines sont des autochtones et l’on a massivement fait appel à des autochtones pour la construction de plusieurs ponts.

5.Passant à la question 34, la représentante des Philippines indique que les pouvoirs publics philippins, par l’intermédiaire de la Commission des droits de l’homme, sont très actifs en matière de sensibilisation au Pacte et aux autres instruments relatifs aux droits de l’homme ainsi qu’aux normes du droit humanitaire. La Commission a par exemple organisé de nombreux séminaires, dont la liste a été communiquée aux membres du Comité, et ses efforts multiples lui ont valu de recevoir en 1994 le premier Prix de l’UNESCO en matière d’éducation aux droits de l’homme. Les droits de l’homme sont aussi intégrés dans les programmes scolaires et universitaires à tous les niveaux ainsi que dans les programmes de formation de tous les magistrats − ceux‑ci doivent suivre un module obligatoire sur les normes de protection des droits de l’homme tous les trois ans dans le cadre de la formation continue − ou bien encore dans les stages de formation des membres des forces armées et des services de police, comme cela est expliqué en détail aux paragraphes 355 à 360 du rapport. Le manuel d’instruction relatif au droit international humanitaire et au droit des conflits armés évoqué au paragraphe 355 a été diffusé auprès de l’ensemble du personnel militaire. Les cours de formation de formateurs dans le domaine des droits de l’homme ont été suivis par 61 officiers des différentes unités et le nombre total d’initiatives de formation menées en collaboration entre les Forces armées des Philippines (FAP), le Comité international de la Croix‑Rouge, le Comité national de la Croix‑Rouge philippine et le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme est supérieur à 200. Il est à noter par ailleurs que diverses circulaires ont été publiées concernant le traitement des enfants dans les conflits armés. On recense 173 enfants qui, après avoir été utilisés comme combattants, ont été libérés par les FAP puis restitués à leur famille ou confiés aux soins des services sociaux.

6.Pour finir, Mme Gutierrez énumère une bonne partie des crimes passibles de la peine capitale, puis ceux pour lesquels cette peine est obligatoire − crimes dont la liste complète est à la disposition du Comité − en vertu de la loi de la République no 7659, qui a rétabli la peine de mort à des fins de dissuasion dans un contexte de recrudescence de la criminalité. Ce texte s’appuie lui‑même sur l’article 3 de la Constitution, comme cela est expliqué au paragraphe 493 du rapport. Dans son Observation générale no 6, le Comité a expliqué que la peine capitale était une restriction acceptable du droit à la vie, compatible avec l’article 6 du Pacte, à la stricte condition d’être une mesure exceptionnelle limitée aux crimes les plus graves. La Constitution et la loi no 7659 ne disent pas autre chose, puisqu’elles limitent la peine capitale aux crimes odieux, définis comme des délits cruels, ignobles et infâmes qui, en raison de leur caractère intrinsèquement ou manifestement inique, immoral, atroce et pervers, sont abjects et contraires aux normes et principes courants de bonnes mœurs et de moralité dans une société juste, civilisée et policée.

7.Le PRÉSIDENT invite la délégation philippine à répondre aux questions complémentaires relatives aux points 1 à 20 de la liste des points à traiter (CCPR/C/79/L/PHL).

8.Mme GUTIERREZ (Philippines), répondant à la question sur la place du Pacte dans la hiérarchie des normes, rappelle que selon la section 2 de l’article II de la Constitution, les Philippines adoptent les principes généralement acceptés du droit international en tant que dispositions du droit interne. Les traités et les autres instruments internationaux ratifiés par le Gouvernement philippin font donc partie intégrante du droit interne, et les dispositions énoncées dans ces instruments peuvent être invoquées devant les tribunaux. Les droits énoncés dans le Pacte sont inscrits dans la Constitution et d’autres lois. Les dispositions des lois qui ne seraient pas conformes au Pacte devraient être modifiées.

9.En ce qui concerne les mesures prises pour lutter contre l’impunité des agents de l’État qui auraient commis des violations du Pacte (question 2), Mme Gutierrez signale que, au fil des années, la Commission de la police nationale a révoqué un grand nombre de membres des forces de police, y compris des hauts fonctionnaires, qui s’étaient rendus coupables de violations des droits de l’homme. En vertu du Code pénal révisé, la plupart des violations des droits de l’homme constituent désormais des infractions pénales. La Commission des droits de l’homme, qui n’est pas habilitée à engager des poursuites, mène sa propre enquête lorsque les circonstances l’exigent. S’il apparaît qu’une violation des droits de l’homme constitue déjà une infraction pénale, une recommandation est adressée à la Division des poursuites du Ministère de la justice. Si l’auteur de la violation est un agent de l’État, le chef du service qui emploie cet agent doit également être saisi en vue de prendre les mesures qui s’imposent.

10.La question de l’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme est traitée aux paragraphes 327 à 330, 392 à 397 et 841 à 844 du rapport. Des mesures de réparation sont prévues à la fois par la Commission des droits de l’homme et dans la loi RA 7309 portant création d’un bureau des requêtes relevant du Ministère de la justice.

11.En ce qui concerne les liens entre la Commission des droits de l’homme et le Comité présidentiel des droits de l’homme, Mme Gutierrez renvoie aux paragraphes 378, 439 et 440 du rapport d’où il ressort qu’il n’y a aucun chevauchement d’activités entre ces deux organes. Elle donne également lecture des sections 17, 18 et 19 de l’article XIII de la Constitution, qui établissent la composition et les compétences de la Commission des droits de l’homme. Elle indique que la délégation philippine fournira ultérieurement des renseignements sur les procédures d’enregistrement des plaintes et d’enquête de la Commission des droits de l’homme.

12.Un projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme est actuellement soumis à l’examen du Parlement. Il contient une définition des actes de terrorisme dont le texte sera communiqué ultérieurement aux membres du Comité. Serait notamment considéré comme un crime de terrorisme l’atteinte ou la menace d’atteinte à la vie ou à la propriété, ou l’instauration d’un état de terreur, destinés à perturber l’activité publique ou les relations internationales à des fins idéologiques, politiques, religieuses, ethniques ou autres; le détournement ou la menace de détournement d’un aéronef, bateau, train, autobus ou autre moyen de transport public à des fins idéologiques, politiques, religieuses, ethniques ou autres; la prise d’otage ou menace de prise d’otage en vue d’exercer une pression sur une personne − physique ou morale − y compris le Gouvernement; l’assassinat ou la menace d’assassinat du Président, du Vice-Président, du Président de la Cour suprême, ou de toute autre personnalité nationale ou personne bénéficiant de la protection internationale en vue de perturber le fonctionnement de l’activité publique ou les relations internationales pour obtenir des avantages politiques, économiques et autres de la part du Gouvernement; l’enlèvement ou la menace d’enlèvement du Président ou du Vice‑Président, ou du Président de la Cour suprême, ou de toute autre personnalité nationale ou personne protégée en vertu du droit international, en vue de perturber l’activité publique ou les relations internationales; l’emploi ou la menace de l’emploi de substances nocives ou dangereuses, radioactives ou chimiques, de bombes ou d’autres armes meurtrières, afin d’exercer une pression sur le Gouvernement ou des personnes, en vue de détruire des installations industrielles ou commerciales ou des équipements ayant un caractère vital, de causer de graves dommages à l’environnement, ou encore d’endommager gravement des installations civiles et militaires ou des voies de communication. Tout auteur d’un acte de terrorisme serait passible de la réclusion perpétuelle et d’une amende pouvant aller jusqu’à un million de pesos. La question relative aux suspects susceptibles d’être renvoyés dans un pays n’ayant pas ratifié le Pacte sera soumise au Gouvernement et la réponse envoyée ultérieurement au Comité.

13.Le PRÉSIDENT rappelle que les informations écrites devront être remises avant la fin de la semaine au Comité qui les accueillera certainement avec intérêt mais qui souhaiterait néanmoins, sans attendre, connaître l’avis de la délégation sur les questions soulevées par ses membres.

14.Mme GUTIERREZ (Philippines), passant à la question 7, dit qu’il n’existe pas de loi spécifique sur la discrimination raciale, mais que le droit à la non-discrimination est consacré dans plusieurs textes de loi. La définition de la discrimination raciale adoptée est celle qui figure à l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

15.À propos des droits des femmes, les membres du Comité disposent d’un document qui dresse le bilan de l’action de la Commission nationale sur le rôle des femmes philippines. Le nouveau Code de la famille de 1987 énonce les droits des femmes et prévoit en particulier une meilleure participation des femmes à la prise des décisions. Le plan de développement pour l’intégration des femmes (1995‑2025) établit le cadre de l’action visant à assurer l’égalité complète des hommes et des femmes; il prévoit un accès égal aux ressources et à la formation et le financement de projets et programmes en faveur des femmes. Cependant, en dépit des efforts déployés aux plans gouvernemental et législatif, force est de constater que certains obstacles empêchent encore les femmes d’exercer pleinement leurs droits (manque de confiance en soi, mauvaise connaissance de leurs droits, etc.). Des organes de coordination des activités visant à promouvoir l’égalité des sexes ont été mis en place. On s’efforce en particulier d’élaborer des statistiques ventilées par sexe. Cette question fait notamment l’objet d’un accord d’assistance technique entre la Commission nationale sur le rôle des femmes philippines et la Banque asiatique de développement.

16.Mme Gutierrez signale en outre qu’un projet de loi sur les droits des homosexuels a été déposé au Parlement. Quant aux initiatives prises par les autorités philippines pour lutter contre la torture, les membres du Comité trouveront toutes les informations utiles à ce sujet aux paragraphes 590 et suivants du rapport.

17.À propos de la situation des enfants en conflit avec loi, il y a lieu de noter qu’un projet de loi sur l’administration de la justice pour mineurs est en cours d’examen devant le Parlement. Ce projet de loi prévoit la création d’un bureau de la justice pour mineurs et de la prévention de la délinquance, relevant du Ministère de la justice, qui jouera un rôle clef dans l’élaboration des politiques pertinentes, coordonnera les activités menées dans ces domaines, notamment pour les organismes publics, les collectivités locales et les ONG, et inspectera les centres de détention et de réadaptation. Il envisage également la possibilité de soumettre les mineurs délinquants à des procédures autres que judiciaires, sous réserve que leurs droits soient pleinement garantis. Est prévue en outre, pour favoriser la séparation effective entre mineurs et adultes délinquants, la création de centres de réadaptation pour les mineurs, qui auront vocation à favoriser la réinsertion sociale des enfants en conflit avec la loi. Un expert ayant demandé si le Gouvernement envisageait de créer des tribunaux pour enfants, Mme Gutierrez invite les membres du Comité à se reporter au paragraphe 903 du rapport où il est indiqué que les tribunaux de la famille, créés par la loi RA 8369 du 20 octobre 1997, sont compétents pour connaître de toutes les affaires concernant les enfants et la famille.

18.Pour ce qui est des 27 enfants qui avaient été condamnés à mort, il convient d’indiquer que 20 d’entre eux ont vu leur peine commuée en une peine privative de liberté et que le Bureau du Procureur et le Comité spécial pour la protection des enfants interviennent actuellement auprès des autorités judiciaires compétentes pour que les sept autres enfants bénéficient de la même mesure. Il y a lieu de préciser que si ces enfants ont été condamnés à mort, c’est parce qu’aucune pièce (un certificat de naissance par exemple) n’avait été présentée, qui aurait permis de connaître leur âge. Le Comité spécial pour la protection des enfants soumettra prochainement à la Cour suprême une liste de pièces autres qu’un certificat de naissance qui pourront être produites pour déterminer l’âge d’une personne. Ce comité collabore avec diverses ONG pour améliorer la situation des enfants et notamment faire respecter la loi sur la maltraitance des enfants. S’agissant des enfants des rues, le Gouvernement met en oeuvre, en collaboration avec les ONG, divers programmes en faveur de ces enfants et construit notamment des abris provisoires à leur intention.

19.En réponse à une question relative au rôle de l’Académie de la magistrature, Mme Gutierrez invite les membres du Comité à se reporter au paragraphe 371 du rapport, qui est consacré à cette institution. Revenant ensuite sur la question de la peine de mort, elle précise que l’opinion selon laquelle les Philippines ne sont pas tenues d’appliquer les dispositions du Pacte relatives à la peine de mort a été exprimée non pas par la Cour suprême mais par un ex‑sénateur lors d’un débat sur la loi relative à la peine capitale.

20.En ce qui concerne l’assassinat, en avril 2003, de deux défenseurs des droits de l’homme (Eden Marcellana et Eddie Gumanoy), enlevés en même temps que Virgilio Catoy, Francisco Saez et Melvin Jocson, le Ministère de la justice a chargé une équipe spéciale d’enquêter sur les faits. Le sergent Cagas de la 204e brigade d’infanterie et plusieurs autres personnes ont été inculpés dans cette affaire. S’agissant des 11 membres présumés de la bande de Kuratong Beleleng tombés sous les balles de la police en 1995, la Cour suprême a ordonné la révision, par le tribunal régional de Quezon City, de la décision de non-lieu rendue dans cette affaire dans laquelle est impliqué le sénateur Lacson qui était à l’époque chef de la police et qui d’après plusieurs témoins, dont Eduardo de los Reyes, aurait ordonné l’exécution sommaire de ces 11 personnes.

21.M. SHEARER demande si l’instruction concernant l’affaire de l’assassinat de Marcellana et Gumanoy est terminée. D’une manière générale, il serait intéressant de savoir si, dans la pratique, les garanties législatives entourant l’arrestation de suspects sans mandat sont respectées, ce qui ne semble pas être le cas d’après les informations dont dispose le Comité. Enfin, la délégation philippine voudra peut-être indiquer quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour remédier au manque de ressources, évoqué avec franchise au paragraphe 754 du rapport, qui entrave le bon fonctionnement du système pénitentiaire.

22.M. ANDO demande si la loi RA 7610 qui interdit la maltraitance d’enfants et le recrutement d’enfants dans les forces combattantes est appliquée dans la pratique.

23.M. LALLAH déplore que les Philippines aient réintroduit la peine de mort après l’avoir abolie et invite la délégation philippine à relire attentivement l’Observation générale no 6 du Comité sur le droit à la vie ainsi que les constatations du Comité concernant l’affaire Judge c. Canada. Il fait observer que, contrairement à ce que semble croire le Gouvernement philippin, le paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte ne constitue en aucun cas une dérogation aux dispositions du paragraphe 1 du même article.

24.M. Lallah aimerait par ailleurs savoir quelles mesures concrètes autres que des mesures législatives sont prises pour lutter contre la discrimination et la maltraitance dont sont victimes les enfants. Enfin, s’agissant des enfants condamnés à mort, il fait observer que ce n’est pas aux enfants d’apporter la preuve qu’ils sont mineurs. C’est l’État qui doit le faire et veiller à ce qu’en aucun cas la peine capitale soit infligée à des enfants.

25.M. BHAGWATI souhaiterait savoir dans quels cas et à combien de reprises les tribunaux ont directement invoqué et fait respecter les droits énoncés dans le Pacte et incorporés dans la Constitution. Il demande également si les recommandations de la Commission des droits de l’homme sont censées être suivies d’effets, dans combien de cas elles ont été rejetées par le Gouvernement et si le Parlement en a été informé. Il considère par ailleurs que la définition du terrorisme qui figure dans le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme est beaucoup trop large et espère qu’elle sera restreinte pour n’englober que les actes qui relèvent véritablement du terrorisme.

26.M. Bhagwati aimerait aussi connaître la proportion de femmes et d’hommes dans la fonction publique et savoir comment et avec quels résultats ont été mis en œuvre les divers plans et projets en faveur de la promotion des femmes mentionnés par la délégation. Il demande aussi combien de femmes travaillent dans les zones franches, et pour quelles raisons les jeunes femmes sont exploitées.

27.Constatant l’existence d’une loi faisant de la diffamation une infraction pénale, M. Bhagwati demande à combien de reprises cette loi a servi à museler la liberté d’expression de journalistes ou d’opposants au régime. Citant le cas de Mme Cacho-Olivares, Directrice de publication du Daily Tribune, arrêtée en août 2003 pour avoir critiqué l’avocat personnel de la Présidente, il s’étonne que le délit de diffamation serve à de telles fins. Concernant les informations faisant état d’assassinats de journalistes, dont le chiffre annuel a doublé tout récemment, comme le meurtre de Juan Pala, journaliste d’une radio locale, le 6 septembre 2003, il voudrait savoir ce que le Gouvernement fait pour enquêter sur ces affaires et poursuivre et sanctionner les auteurs de ces actes. En effet, s’ils restent impunis, d’autres journalistes risquent d’être assassinés, ce qui est très préoccupant.

28.Enfin, en ce qui concerne les populations autochtones, M. Bhagwati demande si des mesures de discrimination positive ont été prises, en quoi elles consistent et quels ont été leurs résultats.

29.M. SCHEININ dit qu’il a pris note des informations données par la délégation concernant la décision de rétablir la peine de mort, mais la question qui intéresse le Comité n’est pas de savoir si cette décision est conforme à la Constitution mais si elle est compatible avec l’article 6 du Pacte, raison pour laquelle il convient de savoir si la peine capitale a été précédemment abolie, par voie d’amendement à la Constitution ou au Code pénal par exemple.

30.De même, les réponses données par la délégation aux questions relatives aux mesures prises en faveur des populations autochtones sont insuffisantes car le Comité est plutôt intéressé par la discrimination positive à l’égard de ces groupes en ce qui concerne leurs terres, leurs ressources et leurs activités économiques traditionnelles. Or, des ONG et le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, dans les conclusions du rapport qu’il consacre aux Philippines, s’accordent pour dire que les communautés autochtones jouissent bien en théorie de droits et titres de propriété ancestraux mais que, dans la pratique, ces droits sont moins protégés que certains intérêts commerciaux au nom de la modernisation. M. Scheinin se demande si des efforts sont faits pour privilégier l’utilisation des terres et des ressources par les autochtones plutôt que par des compagnies minières ou d’autres entreprises commerciales.

31.Sir Nigel RODLEY se félicite particulièrement de l’initiative du Ministère de la justice, tendant à rouvrir et à poursuivre l’enquête sur l’affaire des 11 personnes tuées par la police après leur arrestation. Il reste que l’application de l’article 9 du Pacte, qui interdit les arrestations ou détentions arbitraires, laisse quelque peu à désirer malgré la perfection apparente des moyens mis en œuvre à cet effet par le Gouvernement philippin. Se référant au paragraphe 3 de cet article qui dispose que «Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires…», il fait remarquer que le Comité a toujours considéré que la personne ayant la responsabilité d’engager des poursuites ne pouvait être l’autorité habilitée à exercer des fonctions judiciaires en raison du conflit d’intérêts entre ces deux fonctions. Or, il a cru comprendre que l’autorité habilitée à autoriser la prolongation de la détention au-delà de la durée prévue, en cas d’arrestation sans mandat, était le ministère public. Si tel est effectivement le cas, il aimerait savoir si des mesures sont prévues pour remédier à ce problème. Sa seconde question, qui s’adresse au Ministère de la justice, porte sur les affirmations contenues dans des rapports d’ONG selon lesquelles les avocats commis au titre de l’aide juridictionnelle, qui jouent souvent un rôle très important dans la garantie du respect de l’interdiction des arrestations ou détentions arbitraires, auraient de moins bonnes conditions de travail que les procureurs, alors qu’ils dépendent du même ministère. Or, cette situation peut les empêcher de s’acquitter efficacement de leur mission et, par voie de conséquence, d’assurer aux prévenus un procès équitable.

32.Enfin, concernant les paragraphes 712 à 727 du rapport des Philippines consacrés aux disparitions forcées, Sir Nigel Rodley s’interroge sur l’apparente impuissance de l’État partie à traduire en justice les auteurs de disparitions forcées ou involontaires, alors qu’il devrait être possible de savoir sans trop de difficultés quelles unités militaires sont généralement responsables de disparitions et dans quelles régions elles opèrent. Étant donné que des informations faisant état de la poursuite des disparitions forcées sous le régime actuel continuent de parvenir au Comité, celui‑ci aimerait avoir l’assurance que des mesures ont été prises pour que ces mêmes unités ne soient pas actuellement chargées d’opérations anti-insurrection ou antiterroristes et qu’elles soient au moins écartées de tout service actif.

33.Mme CHANET demande tout d’abord si les tribunaux militaires existent encore. À propos des 27 enfants détenus dans le couloir de la mort, dont 20 ont été libérés lorsqu’on s’est aperçu qu’ils ne devaient pas y être en raison de leur âge, elle s’étonne qu’on condamne des personnes à mort avant même d’avoir déterminé leur âge.

34.Concernant l’article 9, Mme Chanet souscrit à l’avis de Sir Nigel Rodley selon lequel l’autorité de poursuite ne saurait être l’autorité habilitée à autoriser la prolongation de la détention. Pour ce qui est des arrestations sans mandat, il est difficile d’admettre qu’elles puissent avoir lieu dès lors que l’officier de police a des raisons de penser qu’il y a eu infraction; cela relève de considérations subjectives qui lui paraissent abusives.

35.Enfin, elle estime que la définition du terrorisme donnée dans la liste qui a été soumise au Comité recouvre tout: si l’on combine les paragraphes 14, 15 et 21 de la définition donnée dans la section III, par exemple, on en arrive à de telles extrémités que des infractions mineures tombent sous le coup de cette loi, pour peu que l’on en fasse une interprétation littérale ou que l’on souhaite réprimer des individus ou des groupes gênants. Il vaudrait mieux établir des définitions sur la base de celles qui figurent déjà dans certains textes internationaux susceptibles de servir de référence.

36.M. KHALIL espère voir adopter dans un avenir proche l’important projet de loi évoqué par la délégation qui semble traiter des multiples aspects du problème des mineurs délinquants (puisqu’il prévoit la détention séparée des jeunes et des adultes, la création d’un bureau de la justice pour mineurs et des centres de réadaptation, de nouvelles procédures autres que judiciaires pour les mineurs et des inspections des centres de détention et de réadaptation). Il se félicite aussi des projets entrepris par le Gouvernement en collaboration avec des ONG en faveur des enfants des rues. Il encourage le Gouvernement à se montrer plus coopératif et à appuyer davantage les activités des ONG dans ce domaine car la solution de ce grave problème réside d’abord dans l’éradication de la pauvreté et certainement pas dans l’adoption de mesures coercitives à l’égard des enfants.

37.M. Khalil se dit déçu par les réponses apportées aux questions sur la torture par la délégation, qui s’est contentée de renvoyer le Comité au paragraphe 590 du rapport, alors que celui‑ci ne fait que reproduire le texte de la Constitution qui en interdit la pratique, et est restée muette sur les allégations persistances de torture des membres de mouvements d’insurrection et leurs sympathisants. Quant aux lieux de détention secrets où la torture est pratiquée, ils ne semblent pas avoir disparu.

38.M. YALDEN souscrit aux observations formulées par d’autres membres du Comité concernant la discrimination à l’égard des femmes et les mesures d’action positive pour y remédier. Il s’étonne que la question de la discrimination ne fasse l’objet, dans le rapport, que d’un très court paragraphe se référant à l’article 26 car la discrimination visée aux articles 23 et 26 du Pacte lui semble mériter beaucoup plus d’attention. Il se joint à M. Scheinin pour attirer l’attention sur le problème posé par la priorité accordée au «progrès» sur les droits des autochtones, dont les terres sont exploitées par des sociétés minières et d’autres grandes entreprises, problème très grave dénoncé par le Rapporteur spécial et qui n’a pas été suffisamment traité dans le rapport de l’État partie. M. Yalden évoque aussi la résistance des peuples autochtones à ce qu’ils considèrent comme la spoliation de leurs terres et la façon dont le Gouvernement y réagit, notamment par l’envoi de troupes, situation également dénoncée par le Rapporteur spécial et Amnesty International.

39.Mme GUTIERREZ (Philippines), répondant à certaines des questions posées, dit tout d’abord que les tribunaux militaires en place sous le gouvernement Marcos dans le cadre de la loi martiale ont été abolis avec la restauration de la démocratie en 1986. En ce qui concerne les initiatives en faveur des peuples autochtones, la Présidente a créé, avec des institutions gouvernementales et non gouvernementales et sur la base du décret exécutif no 63 de 2003, le groupe spécial 63 sur les peuples autochtones chargé de résoudre les problèmes les plus criants et les situations d’urgence auxquels sont confrontés les peuples autochtones et leurs communautés. À plusieurs reprises et en plusieurs endroits du pays, il a empêché que des autochtones et leur famille ne fassent l’objet de violences. On s’efforce actuellement de remédier aux problèmes de la violence liée à des revendications territoriales dans ces zones et d’autres endroits critiques grâce à une collaboration interinstitutionnelle.

La séance est levée à 12 h 45.

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