Quatre-vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique) de la 2342e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 14 mars 2006, à 15 heures

Président :Mme Chanet

p uis :M. Solari Yrigoyen (Vice-Président)

p uis :Mme Chanet (Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte et des situations de pays (suite)

Cinquième rapport périodique de la Norvège (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte et des situations de pays (suite)

Cinquième rapport périodique de la Norvège (suite) (CCPR/C/NOR/2004/5), CCPR/C/NOR/Q/5 et Add.1)

Questions 8 à 14 de la liste des points à traiter (suite) (CCPR/C/NOR/Q/5)

À l’invitation de la Présidente, la délégation norvégienne prend place à la table du Comité.

M. Ruud (Norvège), répondant aux questions concernant le nombre d’élèves issus de minorités ethniques présentement à l’École de police, déclare que ce chiffre reste malheureusement faible. De 2000 à 2005, des promotions de 240 à 360 élèves comptaient 7 élèves à 13 issus de minorités ethniques. Un groupe d’étude et un projet de recherche ont été chargés de déterminer pourquoi la profession de police n’attire pas de membres des minorités ethniques.

Le système envisagé de contrôles de police fréquents des jeunes issus des minorités ethniques n’a jamais été mis en pratique, et la proposition de loi a été retirée au Parlement. Quant à l’obligation faite aux agents de la police d’afficher clairement leur identité, de sorte que les victimes puissent porter plainte contre eux, en cas de harcèlement, les résultats n’en sont pas encore disponibles.

Aux questions tendant les locaux de détention de la police, M. Ruud répond que la police a pour instructions de déférer tout détenu dans un délai de 24 heures, encore qu’il n’existe pas de règlement officiel à cet effet. La réglementation policière prescrit que les locaux de détention de la police soient meublés et précise les consignes à suivre par la police pour dispenser des soins médicaux. Les retards accusés dans la fourniture de ces soins varient d’un lieu à l’autre; dans certaines régions éloignées, les soins médicaux ne sont pas prodigués aussi rapidement que dans la capitale. À l’évidence, il n’existe pas suffisamment de cellules ordinaires pour héberger tous ceux qui attendent de purger leur peine, d’où la construction de nouvelles prisons. La mise au secret des étrangers au centre de détention de Trondheim, mesure dictée par l’ordre public, trahit la nécessité d’améliorer la réglementation, et un groupe d’étude a été chargé d’étudier cette question.

Un certain nombre de mesures de sensibilisation à la violence familiale adoptées dans le cadre du Plan d’action contre la violence familiale (2004-2007) sont décrites dans les réponses écrites à la liste des points à traiter (CCPR/C/NOR/5/Q/Add.1).

S’agissant de l’euthanasie, de longs débats au Parlement et au sein du Gouvernement ont portés sur ses avantages et ses inconvénients. Des considérations d’ordre éthique ont poussé le Parlement à prendre une décision politique rejetant cette pratique. En réponse aux questions sur la réouverture de dossiers judiciaires, l’intervenant attire l’attention sur le paragraphe 157 du rapport, qui indique que des procès sont rouverts si la réouverture du dossier est susceptible de déboucher sur une autre décision, mais non si elle conduirait manifestement au même résultat.

Une grande partie des jeunes délinquants sont en détention à Oslo, mais la pratique consiste, autant que faire se peut, à leur faire purger leur peine de prison le plus près de chez eux. Ils sont en conséquent éparpillés dans l’ensemble du pays après le prononcé de leur sentence.

S’agissant des infractions punissables en vertu du Code pénal norvégien, le fait de commettre tout acte à des fins terroristes est considéré comme une circonstance aggravante. La loi sur le gel des avoirs s’applique également aux personnes figurant sur la liste de l’ONU d’individus associés à des groupes terroristes. Le gel de biens requiert une décision de justice.

Quant au nombre de suicides chez les personnes internées dans les locaux de détention de la police, on a recensé, en 2002, un suicide sur quatre décès; en 2003, un suicide sur deux décès; en 2004, un seul suicide; et, en 2005, un seul décès, qui n’était pas un suicide.

Selon M me  V ardøy (Norvège), les demandeurs d’asile peuvent séjourner dans les centres d’accueil pendant une durée illimitée et sont libres de les quitter quand bon leur semble. Ceux qui sont déboutés de leur demande peuvent provisoirement retourner au centre d’accueil, en attendant l’ouverture d’un centre de transit. S’agissant du cas particulier d’une jeune fille rapatriée au Kosovo, rien n’indique que son décès est imputable à son retour; reste à savoir si son mauvais état de santé aurait dû justifier de l’autoriser à rester en Norvège pour motif humanitaire. Pour empêcher que de telles tragédies se reproduisent dans l’avenir, on envisage des contacts entre les autorités sanitaires norvégiennes et leurs homologues dans les pays d’origine. La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo n’a pas la même vocation que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Les pays nordiques, dont la Norvège, ont quelque désaccord de principe avec le HCR et ont engagé un dialogue avec lui, en vue d’y trouver une solution.

La loi norvégienne sur les demandes d’asile consacre le principe de non-refoulement, celles-ci étant appréciées au cas par cas. Si la Norvège accepte dans l’ensemble les directives d’évaluation, elle estime qu’elles ne s’appliquent pas toujours aux demandeurs d’asile originaires de certains pays ou de certaines régions comme l’Afghanistan ou la Tchétchénie.

M. Wille (Norvège) déclare qu’il n’existe pas de jurisprudence sur la protection des immigrants contre la discrimination en matière de logement. Les statistiques sur le nombre d’immigrants qui perçoivent l’allocation-logement seront bientôt disponibles.

S’agissant des droits de la femme et de la socialisation de l’enfant dans certaines communautés religieuses, l’intervenant déclare que la loi sur l’égalité des sexes ne s’applique pas à la vie interne des congrégations religieuses. Cependant, soucieux de l’égalité des sexes, l’État a élaboré un plan d’action pour lutter contre les mutilations sexuelles infligées aux femmes et aux fillettes, en exigeant des professionnels de la santé qu’ils préviennent et dénoncent cette pratique, le devoir de prévention l’emportant sur le secret professionnel.

M me Palm demande un complément d’information sur la question de l’insuffisance des établissements carcéraux et l’intérêt pratique de la réclusion cellulaire. Elle aimerait également savoir si des personnes détenues dans les locaux de détention de la police peuvent être élargies faute d’espace dans les établissements pénitentiaires.

Sur la question de la discrimination raciale, elle aimerait en savoir plus sur le système d’enregistrement des contrôles d’identité des minorités, évoqué au paragraphe 232 du rapport, s’il a été efficace, s’il a entraîné un changement d’attitude à l’égard de la police et si l’État envisage d’en instituer un autre.

M. Lallah se réjouit que l’État partie reconnaisse le caractère extraterritorial du Pacte et se déclare satisfait de l’explication donnée par la délégation norvégienne selon laquelle, pour poursuivre du chef de terrorisme toutes infractions déjà punies par le Code pénal, la preuve de l’intention terroriste de l’agent devra être rapportée. Faisant remarquer que l’élan nouveau, au plan international, imprimé à la lutte contre le terrorisme risque d’avoir des répercussions sur les droits de l’homme, M. Lallah s’interroge sur la façon dont les enquêtes sur le terrorisme sont menées dans la pratique, par exemple les mesures de police susceptibles de violer le Pacte qui sont soumises à autorisation judiciaire, si la police doit justifier ses actions devant les tribunaux, s’il en est dressé un constat et s’il existe en outre quelque mécanisme permettant de garantir l’exactitude des renseignements fournis par la police et de sauvegarder les intérêts du suspect.

M. Solari Yrigoyen, Vice-Président, prend la pr é sidence.

M. Kälin considère que les dispositions du Code pénal consacrées aux infractions comme l’incendie criminel ou les coups et blessures graves, etc., pouvant être invoquées lorsque ces infractions participent d’un attentat terroriste, ne seraient pas appliquées à tort, par exemple en cas de manifestation pacifique organisée en toute légalité, aurait dégénéré en heurts violents avec les forces de l’ordre.

M. Johnson réaffirme que le traitement préférentiel réservé aux détenues norvégiennes qui allaitent, par opposition aux ressortissantes étrangères qui se trouvent dans la même situation, constitue en fait de la discrimination et une violation du Pacte.

M.  W ille (Norvège) confirme que le Gouvernement norvégien reconnaît le caractère extraterritorial du Pacte et les obligations qu’il met à sa charge ainsi qu’il résulte de l’observation générale no 31 du Comité.

M. Ruud (Norvège), prenant note des préoccupations qu’inspirent au Comité la réclusion cellulaire, la détention provisoire et la garde des prisonniers dans les locaux de la police, explique cette dernière pratique par le manque de prisons dans le pays, les détenus étant normalement déférés au bout de 24 heures ou de 48 heures maximum. D’après les statistiques, 1 à 2 prisonniers seulement par semaine séjournent d’ordinaire pendant plus de 24 heures dans les locaux de la police. Il n’existe pas de durée légale de la détention provisoire mais, en pratique, tout détenu est généralement remis en liberté, faute de place dans les prisons, à moins qu’il n’ait commis une infraction grave. Les prisons sont pleines à 98 % et quelque 2 500 individus attendent de purger leur peine. Pour répondre à ce besoin, l’État prévoit en priorité d’aménager au moins 100 cellules de plus par an.

Le Parlement ayant récemment rejeté le projet de loi contre la discrimination raciale pratiquée par les forces de l’ordre, le Gouvernement doit revoir sa stratégie. M. Ruud relève cependant que s’il y a eu des plaintes faisant état de discrimination de la part de la police dans le passé, il n’en a pas été recensé ces derniers temps. Le Gouvernement continuera de former la police et les autres responsables de l’application des lois et à changer les attitudes de la minorité d’individus qui auraient un comportement discriminatoire dans les rangs des forces de l’ordre.

Tout en admettant que l’accent mis sur la lutte contre le terrorisme pourrait entraîner des violations des droits de l’homme, l’intervenant indique qu’il n’en a été déploré aucune à ce jour. Des garanties judiciaires protègent les droits des suspects : lorsqu’elle demande l’autorisation de surveiller tel suspect, la police doit convaincre le juge du bien-fondé de sa demande, un avocat indépendant étant commis à la défense des intérêts du suspect en son absence. Une commission parlementaire examine également la légalité des mesures adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les actes de violence commis par exemple au cours d’une manifestation autorisée ne sont pas qualifiés de terroristes, en l’absence de l’intention requise chez l’agent.

Le Gouvernement norvégien soutient que le traitement préférentiel réservé aux détenues norvégiennes qui allaitent, par opposition aux étrangères qui sont dans le même cas, ne constitue pas de la discrimination. En règle générale, le Gouvernement estime qu’il faut trouver une solution alternative à la prison pour les enfants, et essaiera d’adopter des mesures spéciales dans ce sens.

Questions 15 à 20

M. Wille (Norvège) dit que le cas des demandeurs d’asile qui prétendent être victimes de la traite est examiné; ils peuvent se voir accorder l’asile ou le statut de réfugiés, ou encore un permis de séjour temporaire ou permanent, pour motifs humanitaires. Depuis novembre 2003, cinq demandeurs d’asile affirmant être victimes de la traite se sont vu accorder le droit d’asile ou le statut de réfugié, six ayant bénéficié de permis de séjour permanents et un d’un permis de séjour provisoire pour motifs humanitaires; six demandes ont été rejetées. Les victime de traite non titulaires de permis de séjour en Norvège peuvent se voir ménager un délai de réflexion renouvelable de 45 jours.

Dans le but de faciliter la délivrance de permis de séjour temporaire aux victimes de la traite, la durée et les conditions d’octroi de ce titre font l’objet de réexamen. De même, une nouvelle loi sur l’immigration est en cours d’élaboration; s’il est prématuré de dire si elle viendra consacrer expressément le droit des victimes de traite à un permis de séjour, son élaboration sera certainement l’occasion de préciser les critères d’admission au statut de réfugié.

Le Gouvernement norvégien estime que la loi sur les soins de santé mentale est conforme à l’article 9 du Pacte. En vertu de cette loi, toute décision administrative concernant l’obligation de soins doit être soumise à révision; la procédure en étant décrite aux paragraphes 94 et 96 du rapport. Promptement saisie de toute décision, la commission de surveillance autonome vérifie que la procédure a bien été suivie et que la décision est médicalement justifiée. Le patient peut, à tout moment, déposer plainte auprès de la commission. Pour ce faire, il a droit à une assistance juridique gratuite. La commission doit, dans la mesure du possible, statuer dans un délai de deux semaines à compter de la date de réception de la plainte. Le patient peut attaquer toute décision de la commission devant les tribunaux, et bénéficie aussi pour exercer ce recours d’une assistance juridique gratuite; les tribunaux sont tenus de leur accorder la priorité. Même en l’absence de plainte, la commission doit revoir la décision au bout de trois mois pour s’assurer que le traitement obligatoire reste nécessaire.

S’agissant du paragraphe 2 de l’article 2 de la Constitution, qui dispose que les personnes de confession évangélique luthérienne doivent élever leurs enfants dans cette foi, l’intervenant déclare qu’une commission gouvernementale chargée d’examiner les liens entre l’Église et l’État a présenté le 31 janvier 2006 son rapport, qui recommande notamment l’abrogation de cette disposition. Le Gouvernement norvégien réfléchit à la suite à donner à ce rapport.

Selon l’intervenant, la loi sur le Finnmark, qui régit la gestion des ressources foncières et autres ressources naturelles dans le comté de Finnmark, répond au vœu des Samis que les lois fédérales tiennent compte de leur enracinement culturel traditionnel dans la région. Un certain nombre de modifications ont été apportées à la législation à la suite de consultations entre la Commission permanente de la justice du Parlement norvégien et d’autres groupes, dont le Parlement sami, qui a approuvé la loi portant création d’une nouvelle entité dénommée « Domaine du Finnmark », auquel sera transféré le droit de propriété sur environ 96 % des terres du comté (soit environ 45 000 km2). Cette loi crée également une commission d’examen des réclamations samies, ainsi qu’un tribunal spécial compétent en cette matière.

M me  Chanet, Présidente, reprend la présidence.

M me  Indreberg (Norvège) déclare que d’après certaines indications, la traite d’êtres humains en Norvège est en hausse : en 2005, 30 femmes adultes et deux mineurs auraient été victimes de cette traite, chiffre sans doute plus élevé en réalité. Pour la plupart, il s’agit de cas d’exploitation sexuelle, nombre de prostituées étant des étrangères venues en Norvège avec l’aide de proxénètes et de malfaiteurs.

Un certain nombre de mesures ont été adoptées pour remédier à ce problème comme il ressort des paragraphes 84 et 85 du rapport écrit présenté par la délégation norvégienne (CCPR/C/NOR/2004/5) et des paragraphes 114 à 125 des réponses fournies par écrit (CCPR/C/NOR/2004/Q/5/Add.1) à la liste du Comité des points à traiter. L’intervenante souligne l’importance du Plan d’action national révisé contre la traite des femmes et des enfants lancé en juin 2005 (2005-2008) dans le but de renforcer la coopération multidisciplinaire et de faciliter l’action concertée en vue de prévenir le trafic, de protéger les victimes et de poursuivre les trafiquants.

Sur le plan international, la Norvège donne la priorité aux initiatives tendant à créer des cadres normatifs effectifs, à freiner le recrutement et à encourager la coopération policière et la réforme judiciaire. Sur le plan national, l’État privilégie les mesures visant à aider les victimes de la traite, notamment la création d’un système national d’identification et de protection des victimes, l’amélioration de l’assistance offerte aux victimes, le rapatriement des victimes, en toute sécurité, dans leur pays d’origine, ainsi que leur réinsertion, ainsi que des efforts accrus pour poursuivre en justice les auteurs de la traite. Une circulaire du Directeur général des poursuites est venue donner la priorité aux affaires de traite d’êtres humains, les services de police compétents en cette matière ont reçu des fonds additionnels, et la Direction de la police a publié un manuel d’enquête sur la traite d’êtres humains. Le Gouvernement norvégien finance également des projets à l’intention des groupes vulnérables au recrutement aux fins de la traite en Europe centrale, en Europe de l’Est et du Sud-Est, en Russie, dans le Caucase et en Asie centrale et méridionale.

Deux graves affaires de traite d’êtres humains, dites de Trondheim et d’Oslo, ont été jugées en Norvège. Dans la première, deux hommes ont été condamnés par la Cour suprême respectivement à cinq et trois ans de prison, pour avoir organisé la prostitution de six jeunes Estoniennes, dont l’une avait moins de 18 ans. L’agent recruteur a également été condamné à cinq ans et six mois de prison. La Cour a précisé que le consentement de la femme ne déchargeait pas les coupables de leur responsabilité pénale. Dans la seconde affaire, un Géorgien a été condamné à 11 ans de prison pour avoir forcé une Russe et une Lettone à se prostituer en Norvège. Un complice a été condamné à cinq ans de prison et deux autres individus l’ont été pour proxénétisme et coups et blessures.

L’article 185 de la loi relative à la procédure pénale a été modifié en 2002 pour obliger les tribunaux à statuer plus promptement s’agissant de prolonger la période de détention provisoire ou administrative. Le parquet doit informer le tribunal de la date de clôture de l’enquête et des actes restant à accomplir. Les autorités compétentes suivront attentivement la situation pour vérifier que les modifications ont bien l’effet escompté. Mme Indreberg renvoie le Comité aux paragraphes 61 et 154 du cinquième rapport périodique de la Norvège (CCPR/C/NOR/2004/5).

En ce qui concerne la diffamation et la protection contre les manifestations de racisme, l’intervenante rappelle que l’article 100 de la Constitution a été révisé en septembre 2004 pour renforcer la protection de la liberté d’expression dans un certain nombre de domaines, au détriment des discours racistes et haineux. En outre, les dispositions du Code pénal relatives à la diffamation sont examinées dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau code pénal.

L’article 135 a) du Code pénal, révisé en juin 2005, entré en vigueur le 1er janvier 2006, stipule qu’il suffit que les propos racistes soient de nature à être entendus par un grand nombre de personnes alors que précédemment, pour être passible de sanctions, ils devaient être tenus publiquement ou diffusés de quelque manière auprès du public. Sont visés les messages affichés sur des pages Internet ouvertes à tous ou sur un tableau d’affichage, ou les propos tenus lors d’émissions de télévision ou de radio, peu importe qu’ils aient été effectivement vus, entendus ou lus par un grand nombre de personnes. De plus, outre les violations intentionnelles de l’article 135 a), sont également passibles de sanctions les faits de négligence coupable. La peine privative de liberté maximale encourue en cas d’infraction à l’article 135 a) a été portée de deux à trois ans.

Mme Indreberg fait observer que l’opinion exprimée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale sur la décision de la Cour suprême dans l’affaire Sjølie, évoquée dans le rapport écrit (par. 186 et 187), constituera une importante référence juridique à l’occasion de l’interprétation de l’article 135 a) du Code pénal. Après que le Comité s’est prononcé, le Gouvernement norvégien a émis le 9 décembre 2005 une circulaire commentant son opinion et qui en souligne l’intérêt aux fins de toute interprétation de l’article 135 a).

M. Ando demande si la Norvège a pris ou envisage de prendre des mesures particulières pour obtenir la coopération des victimes de la traite d’êtres humains, sans les mettre en danger.

M. Khalil souhaiterait avoir des précisions sur le projet de modification de la loi relative à la procédure pénale, pour veiller à ce que la garde à vue dans les locaux de la police n’excède pas 48 heures quand on sait que dans la pratique, d’après certaines organisations non gouvernementales, elle peut durer jusqu’à 72 heures. Pour ce qui est du défaut de cellules, il est surprenant que des crédits suffisants n’aient pas été débloqués pour y remédier.

M. Wieruszewski espère que l’État partie a pris en compte les opinions des organes conventionnels en évaluant les risques de fuite.

Pour ce qui est des projets d’amendement constitutionnels, il se demande si l’article 12 sera également modifié, son libellé actuel allant à l’encontre de certaines dispositions du Pacte, notamment de l’article 25 et quand ces projets d’amendement seront effectivement appliqués.

Même s’il faut féliciter l’État partie pour la deuxième phase de la loi sur le Finnmark, l’intervenant s’inquiète que le Finnmark ne soit qu’une des régions traditionnelles samies et se demande si un nouvel accord est envisagé pour les autres. Il relève que, pour l’essentiel, le problème qui, aux yeux du Comité tient dans le fait que les moyens de subsistance traditionnels des Samis ne sont pas pleinement protégés par rapport à diverses formes concurrentes d’utilisation des terres, tant publiques que privées, demeure entier. Il se demande ce que l’État partie envisage à cet égard.

S’agissant du projet d’ouverture d’un musée des Samis orientaux, M. Wieruszewski voudrait savoir si ces derniers ont les ressources matérielles nécessaires pour enrichir leur culture. Il croit comprendre qu’il existe des problèmes entre membres de cette communauté, la majorité étant peu encline à permettre aux Samis orientaux de disposer de leurs propres terres pour préserver leur culture traditionnelle. Il incombe à l’État d’aider la minorité désavantagée au sein de la minorité.

M. O’Flaherty demande des précisions sur l’intérêt du délai de réflexion ménagé aux victimes de la traite d’êtres humains, non titulaires du permis de séjour évoqué dans les réponses par écrit, notamment sur les modalités pratiques, le sens et l’issue de la réflexion. Cette question est d’autant plus importante qu’il est peu souhaitable de lier l’aide aux victimes à leur volonté de coopérer à l’exercice de poursuites pénales.

L’intervenant souhaiterait également avoir des précisions sur les Roms, qui, d’après le rapport, sont la minorité la plus marginalisée de la société norvégienne et qui pâtit le plus du racisme. Il voudrait savoir combien la communauté rom compte de membres et ce qui est fait pour mieux l’intégrer.

L’intervenant, croyant comprendre que le Centre national des droits de l’homme n’a pas compétence pour connaître des plaintes de particuliers, se demande si l’État envisage de la lui conférer.

M. Amor, s’étonnant du silence que la publication des caricatures du prophète Mahomet a inspiré à nombre de gouvernements, dont celui de la Norvège, fait observer que l’incitation explicite ou implicite à la haine, notamment religieuse, constitue une violation des droits de l’homme, et souhaiterait savoir quelle réaction la publication des caricatures dans la presse norvégienne a inspirée aux autorités.

M. Bhagwati demande si l’enseignement des droits de l’homme est obligatoire à l’école et, dans l’affirmative, à partir de quelle classe, et quel en est l’intérêt pratique. Il voudrait en savoir plus sur la situation de la communauté rom, notamment si ses membres sont en mesure de vivre selon leur culture. Concernant la traite d’êtres humains, il s’interroge sur les mesures prises pour juguler la traite de femmes et d’enfants, ainsi que sur le nombre de victimes qui bénéficient de soins et d’aide.

D’après le rapport norvégien, l’inculpé âgé de moins de 18 ans au moment des faits ou placé en détention provisoire doit être jugé dans un délai de six semaines, le délai d’appel étant de huit semaines. L’intervenant voudrait savoir si ces délais sont respectés dans la pratique.

M. Bhagwati demande qui désigne les membres du Conseil des candidatures chargés de nommer les juges, quelle est la procédure suivie et comment l’indépendance de la justice est garantie, si la loi no 63 du 15 juin 2001 prévoyant la réouverture du procès en cas de violation d’une disposition de droit international a été invoquée et dans l’affirmative, pour quel motif et, enfin, si le Gouvernement envisage de retirer sa réserve au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

La séance est suspendue à 16 h 55 et reprend à 17 h 10.

M. Wille (Norvège) déclare que la commission chargée d’examiner les relations entre l’État et l’Église a proposé d’abroger le deuxième paragraphe de l’article 2 de la Constitution, même si l’infraction à cette disposition n’est plus sanctionnée, ajoutant que la préoccupation que cette disposition inspire au Comité des droits de l’homme constitue en soi une raison suffisante pour l’abroger. La question de l’article 12 de la Constitution est étroitement liée à celle de savoir si l’Église nationale doit être préservée. Comme 80 % des Norvégiens sont membres de l’Église de Norvège, cet article qui stipule que plus de la moitié des membres du Gouvernement doivent confesser la religion officielle d’État ne prête pas vraiment à controverse. Cependant, si le système de l’Église nationale venait à changer, cette disposition devra être modifiée en conséquence.

Le régime de consultations institué par la loi sur le Finnmark a pour vocation de permettre de régler les conflits entre intérêts samis et non samis. Plusieurs dispositions de la loi visent à régler les conflits, telles que l’utilisation des terres en jachère. Le Comité des droits samis s’intéresse principalement à la région du Finnmark, un second comité étant chargé d’autres régions et ne s’étant vu impartir aucun délai pour achever ses travaux. L’ouverture du musée des Samis orientaux est en fait une initiative du Parlement sami, d’autant plus importante qu’un conflit l’opposerait aux Samis orientaux.

La communauté rom est forte de 350 à 400 personnes, dont la majorité vit à Oslo. Les Roms se sont vu conférer le statut de minorité nationale à la suite de la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe. De nouvelles mesures ont été adoptées en leur faveur en consultation avec la communauté rom et la municipalité d’Oslo, notamment en matière de scolarisation, qui reste un problème fondamental; une enveloppe d’environ 2 millions de couronnes norvégiennes a été affectée dans le budget de l’exercice en cours à des projets d’éducation en faveur des Roms. La communauté a été aidée à participer à des colloques internationaux, notamment dans le cadre du Conseil de l’Europe.

Le Centre des droits de l’homme est une institution nationale qui a pour mission d’offrir au justiciable des conseils juridiques. Il n’a pas été jugé nécessaire de créer un mécanisme de dépôt de plaintes par les particuliers, mais le Centre peut les aider à porter plainte ou à introduire une action en justice.

Pour ce qui est de l’intégration des immigrants, le dispositif permettant de mesurer l’impact de la nouvelle législation relative au logement a été étendu à d’autres aspects de la politique d’intégration, notamment le travail, les services de garde d’enfants, la santé, les connaissances linguistiques et le vote.

Pour ce qui est des caricatures reproduites récemment par une revue norvégienne, le Gouvernement a souligné qu’il condamnait toute manifestation de mépris pour une personne en raison de sa religion ou de son appartenance ethnique, et que la Norvège a toujours soutenu les efforts de l’ONU visant à lutter contre l’intolérance religieuse. La publication de ces caricatures a suscité un débat sur la liberté d’expression en Norvège, et le Gouvernement a précisé que les opinions exprimées dans la presse n’étaient pas les siennes. Le rédacteur en chef de la revue a présenté des excuses, qui ont été acceptées par le Conseil islamique de Norvège. Le Gouvernement considère donc que l’affaire est close. La situation a mis en évidence l’importance du dialogue entre pouvoirs publics, immigrants et organisations religieuses. À cet égard, les Ministères du travail, de l’insertion sociale et des finances ont récemment organisé une réunion avec de jeunes musulmans pour entendre leurs opinions sur la situation en Norvège, à la suite de la publication de ces caricatures. Il a été décidé par la suite de créer un espace de concertation entre le Gouvernement et les représentants des différents mouvements de jeunesse.

M. Ruud(Norvège), évoquant la question de la coopération avec les victimes de la traite, dit que l’État n’a pris aucune mesure particulière à cet égard, mais prévoit d’organiser généralement une protection des témoins. Si les victimes de la traite ne peuvent garder l’anonymat, les trafiquants connaissant leurs accusateurs, l’État pourrait instituer un régime de protection des témoins fait de changement d’identité et d’adresse.

Pour ce qui est du délai de garde à vue, une réforme est venue en fixer la durée à 48 heures. Le nouveau délai n’est cependant pas entré en vigueur car le Gouvernement réfléchit à d’autres moyens de veiller au respect de cette garantie. La question relative à la construction de nouvelles cellules de prison doit être adressée au Ministère des finances, les normes de construction d’établissements pénitentiaires en Finlande étant strictes et le coût par cellule élevé. Il s’agit à terme de réserver 20 % des cellules à tout moment, aux fins de détention provisoire, pour éviter la détention de suspects dans les locaux de la police, encore qu’il faudra encore plusieurs années pour que l’objectif soit atteint.

Entre autres mesures actives visant à mettre un terme à la traite, on citera les projets de coopération internationale, notamment dans les pays d’origine des victimes, ainsi que la coordination avec les organisations non gouvernementales et les organisations internationales. Des projets bilatéraux dans ce domaine sont en cours avec les Républiques de Géorgie et de Moldova.

Les délais d’enquête et de jugement des prévenus, notamment mineurs, sont généralement respectés, leur inobservation devant être justifiée par le Tribunal. Les délais sont pour l’essentiel respectés même s’ils ont suscité des recours.

La procédure de désignation des juges a été modifiée il y a quelques années. Les juges continuent d’être nommés par le Roi, mais sur proposition du Conseil des candidatures, dont les membres sont désignés par le Roi et un organe gouvernemental, sur recommandations des associations de magistrats et d’avocats.

Les affaires jugées par la Cour suprême peuvent être rouvertes pour violation du droit international ou de traités internationaux, encore qu’il n’en a jamais été ainsi, à la connaissance du représentant de la Norvège. Deux ans auparavant, une Commission norvégienne de révision des affaires criminelles a reçu pour mission d’examiner toute affaire pénale sur plainte du condamné. La Commission peut décider de rouvrir une affaire et de la renvoyer aux tribunaux pour nouveau jugement. La Commission a le pouvoir d’infirmer tout arrêt de la Cour suprême.

S’agissant de l’éventuel retrait des réserves de la Norvège, notamment celles ayant trait au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, le Gouvernement norvégien continue d’avoir des craintes au sujet de la Cour de mise en accusation, dont les arrêts sont non susceptibles de recours. Bien sûr, ces préoccupations sont purement théoriques, la Cour ne siégeant plus depuis 1927.

M me  Varøy (Norvège) explique que le délai de réflexion a été institué en mai 2004 pour aider les victimes à échapper aux trafiquants et à la traite. Un délai de 45 jours leur est accordé pour réfléchir à l’idée de dénoncer un trafiquant à la police ou non. Le délai de réflexion peut être ménagé à toute victime présumée qui serait prête à rompre tout lien avec le trafiquant, ou aurait besoin d’aide et de renseignements pour s’affranchir de la traite. Le délai de réflexion n’a été invoqué que cinq fois, et un nouveau plan d’action recommande d’en réexaminer le principe. La période de réflexion ne tient pas lieu d’asile.

M. Ruud (Norvège), sans être en mesure de dire précisément quel est le nombre de détenus dans les prisons pour 100 000 habitants, indique que ce chiffre est bas, comparé à d’autres régions du monde, et demeure stable. Les autorités cherchent des alternatives à la prison, telles que le travail d’intérêt général, et s’emploient à réduire le nombre des infractions passibles de peines de prison.

La Présidente remercie la Norvège de son rapport et des réponses écrites et orales fournies par la délégation, relevant que tous les membres du Comité en ont dit la qualité. Les observations faites depuis le dernier rapport ont été prises en compte. L’intérêt que la Norvège porte à l’éducation religieuse force particulièrement l’admiration.

Le droit de demander la réouverture d’un procès, en cas de violation des droits de l’homme et du droit international, pourrait peut-être être étendu au Comité dans des affaires du type décrit dans les communications.

Parmi les aspects positifs, on relèvera, dans les cas de violence familiale, que la Norvège envisage de contraindre le mari violent et non l’épouse de quitter le foyer conjugal et que la Norvège a signé la Convention sami avec d’autres pays scandinaves.

Le plan dit de la deuxième chance en étant encore à ses débuts, l’on ne peut encore se prononcer sur son incidence sur la discrimination.

On déplorera cependant ceci qu’il n’y a guère eu de progrès sur la question des réserves. Le régime de réclusion cellulaire est sévère et se justifie difficilement. Certes, priver le détenu de télévision, de radio, de visites et de courrier se comprend au regard des nécessités de l’enquête, mais le régime norvégien est relativement étendu, peut durer des semaines et peut difficilement s’expliquer.

Pour ce qui est du terrorisme, la Norvège éprouve autant de mal à le définir que les autres États, la difficulté de l’entreprise tenant à des éléments subjectifs comme l’intention. Les définitions du terrorisme tendent ainsi à être trop restrictives ou trop extensives.

Concernant les conditions de détention, le Comité a du mal à accepter que la règle limitant la garde à vue à 24 ou 48 heures se veut indicative et non impérative car elle viole ainsi l’article 9 du Pacte. Même l’ordre des avocats de Norvège a dénoncé cette règle, tout comme la Commission européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

L’affaire des caricatures inspire par ailleurs des préoccupations au Comité. La Norvège a privilégié la persuasion au détriment de la répression, mais on retiendra que la publication des caricatures viole le paragraphe 2 des articles 19 et 20 du Pacte et qu’il incombe à l’État d’empêcher ce discours de la haine sur son territoire.

Selon la Présidente, la Norvège a les moyens d’utiliser des moyens électroniques de surveillance tels que les bracelets électroniques qui peuvent lui permettre d’éviter le deux poids, deux mesures, en présence de détenues norvégiennes ou étrangères qui allaitent leurs enfants.

La séance est levée à 17 h 52.