Nations Unies

CCPR/C/SR.2717

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

21 juillet 2010

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt- dix- neuv ième session

Compte rendu analytique de la 2717 e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 13 juillet 2010, à 15 heures

Président:M. Iwasawa

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique d ’ Israël

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40du Pacte (point 6 de l ’ ordre du jour) ( suite)

Troisième rapport périodique d ’ Israël (CCPR/C/ISR/3; CCPR/C/ISR/Q/3; CCPR/C/ISR/Q/3/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation israélienne prend place à la table du Comité.

2.M. Yaar (Israël) dit que l’État d’Israël est fier de sa longue fidélité aux principes proclamés dans la Charte des Nations Unies et réaffirmés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables comme fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Même avant qu’Israël ne ratifie le Pacte, le 3 octobre 1991, ces principes étaient consacrés dans sa Déclaration d’indépendance, adoptée le 14 mai 1948. Au fil des ans, ils ont également trouvé leur expression dans les arrêts de la Cour suprême israélienne et dans les lois fondamentales d’Israël telles que la loi fondamentale de 1992 relative à la dignité et à la liberté de la personne, qui protège les droits de l’homme et les libertés fondamentales en Israël et définit les valeurs d’Israël en tant qu’État juif et démocratique.

3.Depuis la présentation du précédent rapport périodique d’Israël, en 2003, plusieurs faits nouveaux importants se sont produits en droit et dans la pratique, qui ont permis de renforcer la réalisation des droits civils et politiques en Israël. Ils seront présentés en détail par les autres membres de la délégation. Pour évaluer le respect par Israël des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, il serait souhaitable que le Comité tienne également compte des changements considérables qui se sont produits sur le terrain depuis 2003. Il faut mentionner en particulier le désengagement de la bande de Gaza en 2005, qui s’est traduit par le retrait complet de toutes les forces israéliennes, le démantèlement du commandement militaire et l’évacuation de plus de 8 500 civils. À la suite du retrait israélien, l’organisation terroriste dirigée par le Hamas a renversé l’Autorité palestinienne et s’est emparée du pouvoir dans la bande de Gaza. Après cette brutale prise de contrôle du Hamas en 2005, plus de 10 000 roquettes Qassam, obus de mortier et missiles ont été tirés depuis la bande de Gaza vers le sud d’Israël. Prenant pour cibles des écoles, des terrains de jeux, des centres sociaux et la population israélienne dans son ensemble, ces attentats terroristes n’avaient d’autre but que de tuer et de blesser des civils, de semer la terreur et de démoraliser la population.

4.En dépit des graves menaces qui pèsent sur sa sécurité nationale, Israël s’est attaché à maintenir une politique d’ouverture vis-à-vis des organes conventionnels du système des Nations Unies, d’autres mécanismes de surveillance et de la société civile afin de s’acquitter toujours mieux de ses obligations et engagements internationaux. Mais il est bien évident que la situation politique et sociale particulière d’Israël et le danger exceptionnel qui menace sa sécurité sont à prendre en considération pour bien comprendre dans quel contexte s’inscrivent les progrès qui ont été accomplis et pour identifier les difficultés qu’il reste à surmonter.

5.La délégation israélienne espère que le dialogue avec le Comité sera ouvert et constructif. Elle est convaincue que le Comité s’acquittera de sa tâche avec professionnalisme et qu’il procédera à un examen objectif et équitable du rapport d’Israël en tenant dûment compte des difficultés uniques auxquelles le pays est confronté.

6.M. Blass (Israël) dit que depuis l’examen de son précédent rapport en 2003, Israël a été contraint de s’engager dans un conflit avec le Liban en 2006 et de lancer une opération militaire massive contre le Hamas à Gaza à la fin de 2008 et au début de 2009. Dans les faits, des roquettes Qassam continuent d’être tirées sur les villes israéliennes presque quotidiennement. Les implications directes de ces événements sont nombreuses; principalement liées à la sécurité, elles sont également d’ordre financier et social. L’État d’Israël s’efforce continuellement de répondre de la meilleure façon possible à ces problèmes en tenant compte de ses obligations internationales, du bien-être de sa population ainsi que des droits fondamentaux et des besoins humanitaires de toutes les parties. La délégation espère que le Comité tiendra compte de tous ces éléments.

7.L’État d’Israël fait tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir la paix avec le peuple palestinien. Le Gouvernement ne ménagera aucun effort pour faire avancer le processus; il semble d’ailleurs qu’au cours des dernières semaines, les perspectives de discussion entre les représentants des deux camps se soient améliorées. Le dialogue avec le Comité est l’occasion pour la délégation d’exprimer l’espoir qu’une solution soit trouvée au conflit, et ensuite respectée afin que la paix et la prospérité puissent enfin être instaurées dans la région, dans le respect des droits et des intérêts des deux parties.

8.Le dernier point de ces considérations liminaires concerne un événement que tous les Israéliens portent dans leur cœur: l’enlèvement de Gilad Shalit par le Hamas. Gilad Shalit est aux mains du Hamas depuis plus de 1 479 jours; nul ne sait où il se trouve ni dans quel état de santé physique et mental il est. On ignore si ses conditions de détention sont correctes et s’il est satisfait à tous ses besoins fondamentaux. Toute personne détenue en Israël du chef d’une infraction ou pour des raisons de sécurité, quelle que soit sa nationalité, reçoit tous les soins nécessaires à la satisfaction de ses besoins fondamentaux, et plus encore. À l’inverse, Gilad Shalit est détenu dans un lieu tenu secret, où aucun membre de sa famille ni aucun agent de l’État israélien ne peut lui rendre visite. Toutes les demandes de visite du CICR ont été rejetées, de sorte que ni les droits fondamentaux de Gilad ni ses besoins humanitaires de base ne sont respectés.

9.Le troisième rapport périodique est le fruit d’une large collaboration entre différents ministères et organes du Gouvernement, qui se sont efforcés, chacun dans leur domaine, de réunir les renseignements demandés. Les organisations non gouvernementales (ONG) y ont également contribué. Le rapport décrit en détail les faits, les textes de loi, les décisions judiciaires et les politiques publiques qui concernent un large éventail de questions relatives au renforcement du respect des droits de l’homme en Israël, et qui sont régulièrement à l’ordre du jour des travaux de tous les ministères.

10.Le Gouvernement s’efforce continuellement d’aller de l’avant. Certes il y a encore beaucoup à faire, mais lorsque les pouvoirs publics ne font pas preuve de suffisamment d’initiative dans les domaines qui réclament des mesures, la population, les membres de la Knesset et les ONG les rappellent à l’ordre. En Israël, les ONG participent également à l’élaboration des lois, à la sensibilisation de l’opinion et à la promotion des droits de l’homme. Les médias sont aussi très actifs et le système judiciaire est prompt à intervenir pour réparer les torts.

11.L’élaboration du troisième rapport périodique a été l’occasion de mener des discussions sur les nombreux points soulevés par le Comité et de se demander si les mesures prises par Israël étaient suffisantes, quelles autres mesures devaient être prises et comment sensibiliser davantage l’opinion à ces questions. Israël a étudié avec attention les précédentes observations finales du Comité, et grâce aux mesures prises par les ministères et organes du Gouvernement concernés pour y donner suite, des progrès considérables ont été faits dans bon nombre des domaines qui avaient suscité des préoccupations. En dépit de sa situation exceptionnelle et des multiples difficultés et dilemmes auxquels il se heurte dans son combat de tous les instants pour sa sécurité, Israël attache toujours la plus haute importance au respect de toutes ses obligations internationales et sa position est que toute personne qui se trouve sous sa juridiction, même si elle a commis une infraction quelle qu’elle soit, doit être protégée contre la violation de ses droits fondamentaux. Lutter efficacement contre le terrorisme tout en faisant en sorte que les droits fondamentaux, même des criminels les plus dangereux et les plus violents, soient protégés est à l’évidence une tâche très difficile. En effet, en tant que démocratie, Israël doit fixer des limites à ses propres actions.

12.Les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Pacte sont décrits en détail dans le troisième rapport périodique ainsi que dans les réponses écrites à la liste de points. Toutefois, des avancées significatives ont été réalisées dans certains domaines clefs et méritent d’être soulignées.

13.Sur le plan législatif, la législation israélienne actuelle offre des moyens plus étendus et plus complexes pour contribuer au changement social dans des domaines sensibles tels que ceux qui sont examinés dans le rapport. Après sa création, Israël a consacré les valeurs relatives aux droits de l’homme dans un ensemble de lois fondamentales qui portent sur tous les aspects de la vie et établissent le cadre de base de la protection des droits civils. Bien qu’Israël n’ait toujours pas de véritable constitution, ces textes garantissent les droits fondamentaux de toute personne se trouvant sur le territoire israélien. Les lois récentes ont une portée plus large que celles qui ont été adoptées il y a dix ans, tout en étant plus radicales dans l’affirmation de leurs principes de base. Ainsi par exemple la loi de 2007 relative à la procédure pénale donne une sanction légale à la doctrine juridique de l’«abus de procédure» en droit pénal israélien, doctrine qui avait été reconnue par la Cour suprême dans plusieurs affaires; la loi de 2005 relative aux procédures en matière d’enquête et de témoignage régit les procédures à appliquer dans les enquêtes visant des personnes handicapées mentales ou souffrant de troubles psychiques; la loi de 2006 relative à la lutte contre la traite définit la traite comme une infraction couvrant un certain nombre d’actes commis à des fins illicites; et la loi de 2007 relative aux incidences de la législation sur l’égalité hommes-femmes rend obligatoire l’examen systématique des incidences possibles de tout projet de loi sur l’égalité des sexes avant son adoption par la Knesset.

14.Sur le plan de la jurisprudence, les tribunaux israéliens ont continué de jouer un rôle crucial dans la consolidation des droits de l’homme et leur promotion dans la société israélienne. La Cour suprême siégeant en tant que Haute Cour de justice vérifie que toutes les branches du Gouvernement et le secteur privé agissent dans le respect de la loi. En outre, dans sa jurisprudence, la Cour suprême a établi et consacré des droits fondamentaux tels que le droit à la liberté d’expression, le droit de grève, le droit d’association, et le droit à l’égalité pleine et entière comme autant de valeurs fondamentales en Israël.

15.La Haute Cour de justice joue un rôle central dans la protection des droits de l’homme. En effet, en Israël, toute personne qui s’estime victime d’une violation de ses droits peut saisir cette juridiction, indépendamment de sa nationalité, de son lieu de résidence ou de son statut. La Cour examine la question du respect des droits de l’homme dans le cadre des hostilités, selon une procédure accélérée; les opérations militaires visées peuvent être suspendues et les forces de sécurité sommées d’y renoncer en attendant que la Cour ait statué, voire définitivement sur décision de la Cour. Le rôle de la Cour suprême dans la promotion des droits de l’homme a été salué par la communauté internationale. En tant que Haute Cour de justice, elle reçoit chaque année environ 2 300 requêtes. Parmi les affaires les plus emblématiques du rôle central joué par la Cour dans la promotion des droits de l’homme, figure l’affaire Yisascharov, dans laquelle elle a rendu en mai 2006 un arrêt historique définissant une doctrine jurisprudentielle sur l’exclusion des preuves obtenues par des moyens illégaux. Dans une autre affaire, la Cour suprême a jugé que l’état devait fournir un lit à chaque détenu incarcéré; elle a aussi rejeté deux requêtes qui contestaient l’organisation de la Gay Pride à Jérusalem. Récemment, la Cour a abrogé une loi qui autorisait la privatisation de la gestion d’un établissement pénitentiaire, considérant qu’il y avait atteinte indue aux droits des prisonniers. Elle a également abrogé un article de la loi de procédure pénale qui autorisait le jugement par défaut des personnes soupçonnées d’atteintes à la sûreté de l’État.

16.En ce qui concerne les mesures prises par le pouvoir exécutif, en 2007, le Comité ministériel sur le secteur non juif a mis en place une autorité chargée du développement économique du secteur arabe, y compris des secteurs druze et circassien. En outre, le Gouvernement israélien met constamment en œuvre des projets pour améliorer l’infrastructure et augmenter le niveau de développement des villages et des villes arabes. Il a à cette fin alloué des fonds considérables à des projets d’urbanisme locaux et adopté en 2005 un plan stratégique national de développement du Néguev (2006‑2015) pour favoriser la croissance de cette région, en améliorant l’infrastructure et le système éducatif, en créant des emplois et en augmentant la population, ainsi qu’en réduisant les écarts de revenus entre les habitants du Néguev et le reste de la population. Entre 2006 et 2015, le financement, direct ou indirect, atteindra plusieurs milliards de nouveaux shekels israéliens.

17.La délégation israélienne fera tout son possible pour présenter au Comité des réponses détaillées et approfondies aux nombreuses questions posées. Israël a expliqué sa position concernant l’application du Pacte en Cisjordanie et dans la bande de Gaza lors de précédentes sessions ainsi que dans les réponses écrites à la liste de points. La délégation répondra néanmoins à toute question que le Comité souhaitera lui poser, y compris sur la Cisjordanie et la bande de Gaza. Israël a déployé des efforts considérables pour s’acquitter pleinement de ses obligations en vertu du Pacte sur son territoire, et prend très au sérieux le dialogue avec le Comité et les observations que celui‑ci pourra formuler.

18.Le Président remercie la délégation israélienne et l’invite à répondre aux questions 1 à 17 de la liste des points à traiter.

19.M. Blass dit, à propos de la question relative à la responsabilité qu’a Israël en vertu du droit international d’appliquer le Pacte en Cisjordanie (question no 1), qu’Israël reconnaît que le droit des conflits armés et les droits de l’homme sont intimement liés et que ces deux domaines du droit peuvent se chevaucher à certains égards. Toutefois, en l’état actuel du droit international et de la pratique des États à travers le monde, Israël estime que le droit des conflits armés et les droits de l’homme, qui sont codifiés dans des instruments distincts, sont des domaines du droit indépendants qui s’appliquent dans des circonstances différentes. Le Pacte ne s’applique pas, et n’a pas été conçu pour s’appliquer, au-delà du territoire national.

20.Le principe d’égalité est un principe fondamental de l’ordre juridique israélien, consacré tant dans la législation que dans la jurisprudence. S’il n’a pas été inscrit dans la loi fondamentale, c’est notamment pour des raisons politiques. Toutefois, la Cour suprême a rendu plusieurs arrêts fondés sur les principes d’égalité et de non‑discrimination, jouant en cela un rôle déterminant dans la promotion de ces principes fondamentaux. En outre, elle a établi que le principe d’égalité était un élément de la dignité de la personne, droit protégé par la loi fondamentale.

21.Au sujet de la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme (question no 2), il faut souligner que la promotion et la protection des droits de l’homme jouent un rôle essentiel en Israël, qui en a fait dès le début un principe indissociable de l’État, comme le montrent la Déclaration d’indépendance, les lois fondamentales, les lois ordinaires et les décisions de la Cour suprême d’Israël. Plusieurs commissions et institutions ont en outre été créées pour protéger les droits de l’homme dans les différents domaines de la vie quotidienne: le Médiateur, auquel s’adresse quiconque veut se plaindre d’un organisme public, la Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi, la Commission pour l’égalité des droits des personnes handicapées, l’Organisme de promotion de la condition de la femme, le Médiateur du Ministère de la santé, le Conseil national de l’enfance et le Médiateur de l’armée.

22.Le Comité a demandé combien d’habitations avaient été démolies à Jérusalem‑Est depuis 2003 (question no 4). Entre 2004 et 2009, la municipalité de Jérusalem a ordonné la démolition de près de 700 bâtiments et extensions de bâtiments, dont moins de 500 à Jérusalem-Est, où la population est majoritairement arabe, et plus de 200 dans les quartiers ouest. Tous ces bâtiments ont été démolis parce que les lois sur la construction et l’urbanisme avaient été enfreintes. À Jérusalem‑Ouest, les constructions illégales se présentent presque toujours sous la forme d’agrandissements d’un bâtiment construit légalement, par exemple une pièce supplémentaire dans une cour ou un grenier sous les toits. À Jérusalem‑Est, il s’agit la plupart du temps de bâtiments entiers construits sans permis. Les démolitions sont donc beaucoup plus spectaculaires dans les quartiers est que dans la partie ouest de Jérusalem. Toutes les démolitions sont exécutées dans le respect des garanties d’une procédure régulière et après que les parties ont été dûment entendues; les ordres de démolition sont soumis à un contrôle juridictionnel et sont susceptibles de recours. Aucune considération fondée sur la race ou l’origine ethnique n’entre en ligne de compte. Les personnes sous le coup d’un ordre de démolition peuvent saisir la Cour suprême. Il faut noter toutefois que la population arabe de Jérusalem a augmenté, passant de 26,6 % de la population totale de Jérusalem en 1967 à 31,7 % en 2000.

23.Il existe en Israël plusieurs programmes et institutions qui contribuent à la sensibilisation des agents de la fonction publique aux questions de discrimination (question no 5). Par exemple, l’Institut de formation des avocats et des conseillers juridiques du Ministère de la justice organise chaque année des séminaires d’une journée sur des questions diverses en rapport avec les droits de l’homme. L’Institut des hautes études judiciaires dirige des séminaires et des cours de formation à l’intention des juges de toutes les juridictions sur différentes questions relatives aux droits de l’homme. La police israélienne propose régulièrement des activités de formation à ses effectifs pour les sensibiliser à la diversité religieuse et culturelle en Israël et à la notion de complicité sociale. Les soldats des Forces de défense israéliennes, tous grades confondus, reçoivent une formation sur le droit des conflits armés, dispensée principalement par l’École de droit militaire.

24.En ce qui concerne les mesures prises pour garantir que les Arabes d’Israël puissent employer leur propre langue et avoir leur propre vie culturelle (question no6), il convient tout d’abord de rappeler que l’arabe est une langue officielle en Israël. En 2007, la Knesset a adopté la loi sur l’Institut supérieur de la langue arabe, qui a permis la création d’une académie de la langue arabe. La Cour suprême a maintes fois souligné la nécessité d’indiquer en arabe les mentions figurant sur les panneaux de signalisation routière et les noms de rues, de traduire en arabe les formulaires et autres documents officiels et d’assurer des services de traduction dans les tribunaux. Plusieurs lois rendent obligatoire la publication dans les journaux arabes de certains avis officiels, par exemple les appels d’offres publics et les annonces de projets de construction. Les chaînes de télévision publiques israéliennes devraient également consacrer une partie de leur programmation à des émissions en langue arabe ou sous-titrées en arabe. La traduction en arabe des lois israéliennes est en cours. Le Ministère de la culture et des sports consacre une partie de son budget au financement d’activités culturelles en arabe; les ONG de langue arabe peuvent demander à bénéficier de ces subventions et les tests à passer pour ce faire ont été traduits en arabe. En 2010, plus de 9 millions de nouveaux shekels israéliens, soit plus de 2 millions de dollars des États‑Unis, ont été alloués à ce type d’activités. Une attention particulière est également accordée à l’héritage druze et circassien, et un département spécial a été créé pour répondre au mieux aux besoins de ces communautés. Le Ministère des transports et de la sécurité routière a étudié la possibilité d’élaborer des règles claires et uniformisées sur le contenu des panneaux de signalisation. Les résultats de ses travaux sont actuellement examinés par les ministères concernés mais jusqu’à présent la signalisation n’a pas changé.

25.Le Comité a demandé des détails sur les mesures prises pour assurer le respect et la protection des droits des Bédouins arabes (question no 7). Plus de 180 000 Bédouins vivent dans le désert du Néguev. Environ 66 % d’entre eux habitent dans des centres urbains et suburbains aménagés et construits en toute légalité. Un tiers seulement de la population bédouine vit dans les centaines de villages non autorisés disséminés à travers le Néguev. Il y a sept villes bédouines dans le Néguev. Toutes ont été construites conformément à des plans approuvés et possèdent des équipements collectifs − écoles, centres de soins, eau courante et électricité, etc. Le Gouvernement a décidé qu’il fallait créer 11 nouvelles villes afin de répondre aux besoins de la population bédouine. Un comité consultatif a été institué avec pour mission de présenter des recommandations en vue de l’établissement d’un plan global et réaliste qui définira les normes applicables à la réglementation des établissements bédouins du Néguev, y compris les règles en matière d’indemnisation, les mécanismes d’attribution des terres, les procédures civiles d’exécution, le calendrier de la mise en œuvre du plan et, si nécessaire, des propositions d’amendement à la législation. Le Comité consultatif comprend sept membres, dont deux représentants bédouins, et un président, M. E. Goldberg, ancien juge de la Cour suprême. Les recommandations qu’il a faites dans son rapport final remis au Gouvernement le 11 décembre 2008 portaient sur trois domaines essentiels: la terre, le logement et la lutte contre les violations de la loi. Le Gouvernement les a approuvées en tant que cadre réglementaire applicable aux établissements bédouins du Néguev. Il a désigné un groupe d’experts composé de représentants des différents ministères, de l’Administration foncière israélienne et du Procureur général. Comme il est indiqué dans les réponses écrites, le Gouvernement israélien a fait beaucoup pour que les Bédouins du Néguev aient accès à l’éducation, à la santé, à l’électricité et à l’eau et pour qu’ils puissent vivre selon leurs traditions culturelles. Toutefois, il ne peut pas permettre que des personnes construisent des habitations où bon leur semble sans se soucier de la réglementation d’urbanisme et des permis de construire. Il ne peut donc pas assurer de services collectifs aux personnes qui vivent dans des logements illégaux.

26.La définition du terrorisme (question no 8) et d’autres questions qui s’y rapportent sont actuellement examinées en profondeur dans le cadre de la préparation d’une loi générale sur la lutte contre le terrorisme et les moyens nécessaires pour faire face à la menace terroriste qui pèse sur Israël. Depuis son adoption en 2002, 49 personnes au total ont été placées en détention en application de la loi relative à l’incarcération des combattants irréguliers et 7 sont actuellement en détention. En juin 2008, la Cour suprême a rejeté la requête de 2 détenus et confirmé la constitutionnalité de la loi, après avoir examiné les fondements juridiques de l’incarcération des combattants irréguliers. Conformément à la loi, la détention est réexaminée tous les six mois par un tribunal ordinaire, dont les décisions peuvent être contestées auprès de la Cour suprême.

27.En ce qui concerne l’état d’urgence (question no 9), les circonstances actuelles sont telles qu’il ne fait aucun doute qu’Israël connaît une situation d’urgence. Malgré le terrorisme, la guerre et les innombrables attaques armées contre la population civile que le pays subit depuis septembre 2001, le Gouvernement a examiné la possibilité de ne pas maintenir l’état d’urgence. Il ne peut toutefois pas y mettre fin du jour au lendemain car certaines lois sont liées à l’existence de l’état d’urgence et doivent être révisées afin d’éviter les vides juridiques sur certaines questions cruciales. Aucun droit n’est suspendu en raison de l’état d’urgence, l’exercice de certains droits peut être restreint du fait de l’état d’urgence, mais pourrait être limité aussi bien au titre d’autres lois sans rapport avec l’état d’urgence. L’état d’urgence actuel restera en vigueur jusqu’au 13 juin 2011.

28.En ce qui concerne la question no 10 relative au respect du droit international par les forces armées, des informations sur les arrêts pertinents de la Cour suprême ainsi que sur la pratique courante et les procédures internes figurent dans les réponses écrites. Le Procureur général des forces armées a pour mission de vérifier que les Forces de défense israéliennes respectent la loi et les règles du droit international. Il s’en acquitte avec le concours de la division des enquêtes criminelles de la police militaire et des tribunaux militaires, et sous la surveillance des juridictions ordinaires et tout particulièrement du Procureur général. Les décisions du Procureur général des forces armées peuvent également être réexaminées par la Cour suprême israélienne.

29.En ce qui concerne la législation incriminant la torture (question no 13), M. Blass confirme que tous les actes de torture tels qu’ils sont définis à l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains, cruels ou dégradants sont qualifiés d’infractions pénales dans la législation israélienne. En outre, la loi fondamentale relative à la dignité et à la liberté de la personne interdit toutes les formes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

30.En ce qui concerne les enregistrements audio et vidéo des enquêtes, les dispositions légales prévoyant l’obligation d’enregistrer les enquêtes sont actuellement mises en application. Toutefois, elles ne s’appliquent pas, et ne s’appliqueront pas dans un avenir proche, aux personnes soupçonnées d’atteintes à la sûreté de l’État. Cela étant, les autorités n’entendent pas donner un caractère permanent aux dispositions en question.

31.Répondant à la question des plaintes pour torture transmises au bureau du Procureur général, et de l’«exception de nécessité» (question no 14), M. Blass signale que la Cour suprême a établi en 1999 que toute torture et tout traitement cruel, inhumain ou dégradant devaient être exclus des enquêtes. La Cour a ajouté que «l’exception de nécessité» pouvait être soulevée en cas d’«attentat imminent» et que la nécessité immédiate (de protéger des vies humaines) tenait à l’imminence de l’acte plutôt qu’à celle du danger. Ainsi, le critère de l’imminence est satisfait même si la bombe est conçue pour exploser dans quelques jours, voire quelques semaines, sous réserve qu’il soit certain que le danger se concrétise et qu’il n’existe pas d’autres moyens d’empêcher qu’il se concrétise. L’Agence israélienne de sécurité (AIS) agit conformément à ces principes. Elle a établi des directives internes qui déterminent la façon dont les hauts responsables de l’Agence devraient être consultés quand les circonstances d’un interrogatoire justifient l’exception de nécessité.

32.Les interrogatoires font l’objet d’une surveillance régulière de l’AIS, du Ministère de la justice, du Contrôleur de l’État et des autorités judiciaires. Le Contrôleur chargé des plaintes mettant en cause des interrogateurs de l’AIS agit en toute indépendance et sous la supervision de son supérieur hiérarchique au Ministère de la justice, qui approuve ses décisions. Si les questions en jeu sont sensibles ou lorsque les circonstances l’exigent, les décisions du Contrôleur sont examinées également par le Procureur général et le Procureur de l’État. Au cours des quatre dernières années, le Contrôleur a mené 194 enquêtes, dont aucune n’a débouché sur des poursuites pénales. Elles ont toutefois permis de modifier certaines procédures et techniques d’interrogatoire.

33.En ce qui concerne les plaintes formées contre les forces armées israéliennes, les poursuites pénales engagées et les résultats des procédures (question no 15), M. Blass indique que les actes et le comportement des agents des forces de l’ordre sont contrôlés par plusieurs institutions. D’une façon générale, chaque branche de la force publique a une procédure disciplinaire, qui peut être ouverte à la demande de la personne qui s’estime victime d’une violation, par d’autres entités ou par les autorités elles-mêmes. Le Code pénal s’applique aux membres de la fonction publique et la plupart des agents de l’État sont soumis aux dispositions réglementaires applicables. Les détenus, les prisonniers ou toute autre personne peuvent saisir directement les tribunaux ou engager des procédures administratives pour obtenir réparation de l’action ou de la décision contestée.

34.En ce qui concerne la question de la première comparution devant un juge et de l’accès à un conseil, Israël maintient que les dispositions de la loi pertinente sont conformes au Pacte. La Cour suprême a considéré dans un arrêt de 2006 que le rôle central du droit à un défenseur dans le système juridique israélien n’était pas contesté. Il convient à ce sujet de distinguer les normes régissant le droit à un conseil pendant l’interrogatoire, et celles concernant le droit d’un détenu condamné à une peine d’être assisté d’un conseil. Pendant la période d’interrogatoire, les détenus soupçonnés d’infractions pénales peuvent rencontrer et consulter un avocat, conformément à l’article 34 de la loi de procédure pénale (pouvoirs de répression − arrestations). Lorsqu’un détenu demande à s’entretenir avec un avocat ou lorsqu’un avocat demande à s’entretenir avec un détenu, le responsable de l’enquête doit faciliter sans retard la tenue d’un entretien. L’entretien peut cependant être reporté si, de l’avis du policier responsable, il implique l’interruption ou la suspension d’une enquête ou d’autres mesures en rapport avec l’enquête, ou s’il compromet sérieusement l’enquête. Le policier responsable peut de nouveau ordonner le report de l’entretien s’il a des motifs suffisants de croire que celui-ci risquerait de gêner ou d’empêcher l’arrestation d’autres suspects dans la même affaire, ou d’empêcher la découverte de preuves ou la saisie de pièces à conviction. Ce délai supplémentaire ne doit pas dépasser vingt-quatre heures à compter de l’arrestation. Un report supplémentaire de vingt-quatre heures (ce qui fait au total quarante-huit heures) peut être accordé si le policier responsable expose par écrit en détail les raisons pour lesquelles il a la conviction que ce report est nécessaire pour préserver des vies humaines ou prévenir une infraction. Toutefois, le détenu se verra accorder une possibilité raisonnable de rencontrer ou de consulter un avocat avant sa première comparution devant un tribunal. Les données disponibles montrent qu’il est rarement fait recours à cette prorogation supplémentaire.

35.Pour ce qui est des droits des détenus soupçonnés d’atteintes à la sécurité, pendant la période d’interrogatoire, la loi permet dans des cas exceptionnels le report d’un entretien avec un conseil pour certains motifs précis, par exemple dans l’intérêt de l’interrogatoire ou pour protéger des vies humaines. Il importe de souligner que toutes les décisions dans ce sens sont étudiées au cas par cas et tiennent compte des circonstances propres à l’affaire. Bien que la loi autorise le report d’un entretien pendant vingt et un jours, dans la pratique le report n’est généralement que de quelques jours, après quoi la nécessité d’une prorogation est réexaminée compte tenu des besoins de l’interrogatoire. La décision de report d’un entretien est soumise à l’examen du tribunal de district.

36.Un amendement apporté en 2005 à l’ordonnance de 1971 sur les prisons définit les conditions dans lesquelles un détenu peut s’entretenir avec un avocat. En application de l’article 45, les entretiens ont lieu en privé et dans des conditions garantissant la confidentialité et permettant une surveillance adéquate des mouvements du détenu. Le directeur de la prison doit faciliter sans retard la tenue de l’entretien, pendant les heures de travail normales et dans les locaux de la prison. L’article 45A autorise le chef de l’administration pénitentiaire et le directeur de l’établissement à différer ou refuser tout entretien pendant une période déterminée s’il existe des motifs sérieux de supposer un risque de commission d’une infraction en mettant en danger la sécurité d’une personne, du public, de l’État ou de la prison, ou d’une infraction grave au règlement pénitentiaire. Le directeur de la prison peut retarder l’entretien de vingt-quatre heures au plus, et le chef de l’administration pénitentiaire peut ordonner un report supplémentaire de cinq jours avec l’accord d’un procureur de district. Les décisions rendues conformément à l’article 45A peuvent être contestées devant le tribunal de district compétent. Un tribunal de district peut ordonner un nouveau report pouvant aller jusqu’à vingt et un jours. Le délai maximal est de trois mois. Les décisions du tribunal de district peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour suprême; un juge de la Cour suprême peut ordonner un nouveau report pour l’un des motifs énoncés ci-dessus.

37.En ce qui concerne la première comparution devant un juge, en application de l’article 29 de la loi de procédure pénale (pouvoirs de répression − arrestations), toute personne arrêtée sans mandat doit être déférée devant un juge dès que possible et au plus tard dans les vingt-quatre heures suivant l’arrestation, des dispositions spéciales étant prévues pour les samedis et dimanches et les jours fériés. En application de l’article 30, ce délai peut être prolongé de vingt-quatre heures, s’il faut procéder à un interrogatoire urgent, qui ne peut avoir lieu que si le suspect est en état d’arrestation et avant sa première comparution devant un juge, ou si des investigations urgentes sont nécessaires dans le cas d’une atteinte à la sécurité. Une fois ces démarches accomplies, l’intéressé doit être déféré sans délai devant un juge ou remis en liberté.

38.Dans le cas d’atteintes à la sûreté de l’État, le délai de déferrement peut être plus long, mais ne peut en aucun cas être supérieur à quatre-vingt-seize heures. D’une façon générale, le délai est rarement prolongé. En 2009, par exemple, la présentation à un juge de cinq personnes a été repoussée de quarante-huit heures au plus, conformément à la loi, et il n’y a eu aucun cas de report pour la durée de soixante-douze heures maximale prévue par la loi.

39.En ce qui concerne les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, M. Blass précise que, s’agissant des détenus pour atteinte à la sécurité, les conditions sont déterminées par le régime qui leur est applicable. Compte tenu des impératifs de sécurité, des règles spécifiques s’appliquent à ces détenus, qui ont toutefois droit à des conditions de vie convenables et aux soins médicaux voulus. Ils reçoivent des visites de leur famille, de représentants du Comité international de la Croix-Rouge et de diplomates, et peuvent communiquer avec un conseil. Toute atteinte à l’ordre ou tout manquement à la discipline dans les centres de détention donne lieu à des mesures disciplinaires et administratives, comme la mise à l’isolement, laquelle mesure ne prive en aucun cas les détenus concernés de leurs droits essentiels. La loi de 1971 sur les prisons énonce 41 infractions au règlement pénitentiaire, sanctionnées notamment par un isolement de quatorze jours au plus. La même loi interdit de placer un détenu à l’isolement pendant plus de sept jours de suite. Seuls le directeur ou le directeur adjoint de la prison peuvent ordonner un isolement d’une durée supérieure à sept jours. Le placement à l’isolement n’est pas utilisé comme méthode d’interrogatoire, mais il est parfois nécessaire, au cours d’un interrogatoire, de séparer les détenus pour éviter la communication d’informations. Même en pareil cas, le détenu conserve le droit de s’entretenir avec un représentant du Comité international de la Croix‑Rouge et un avocat. La législation n’autorise pas la détention au secret, qui vise à priver l’individu de tout contact avec le monde extérieur, contrairement au placement à l’isolement qui, lui, ne coupe pas complètement le détenu du monde extérieur. En outre, tous les détenus pour des infractions liées à la sécurité peuvent envoyer et recevoir du courrier pendant leur détention.

40.Le Président remercie la délégation israélienne et invite les membres du Comité à poser oralement leurs questions complémentaires.

41.M me  Chanet note que les autorités israéliennes ont fait parvenir un long document en réponse à la liste de points (CCPR/C/ISR/Q/3/Add.1), mais que certaines réponses sont particulièrement brèves, par exemple celle portant sur la question no 1, dans laquelle l’État partie réaffirme sa position selon laquelle le Pacte ne s’applique pas aux territoires occupés, et souligne que la question du lien entre le droit des conflits armés et le droit des droits de l’homme est académique et controversée. À propos de plusieurs autres points de la liste, l’État partie se contente de renvoyer à sa réponse sommaire à la question no 1.

42.Mme Chanet fait observer que le caractère controversé d’une question ne doit pas empêcher d’en débattre, et qu’une question juridique n’est pas nécessairement académique, d’autant plus quand elle a, comme c’est le cas en l’espèce, des effets sur le respect des droits garantis par le Pacte de milliers de personnes. Le Comité des droits de l’homme a pour mandat d’examiner l’application du Pacte dans les États parties et de discuter avec les délégations des difficultés qui se posent, même lorsqu’il s’agit de questions controversées et juridiques. L’État partie ne saurait donc éluder comme il le fait la question de l’application du Pacte sur son territoire et hors de son territoire.

43.Le Comité des droits de l’homme maintient sa position, qu’il a d’ailleurs adoptée au départ à propos d’autres États parties qu’Israël et qu’il réaffirme avec constance au fil des ans, à savoir que le Pacte s’applique aux territoires occupés en ce qui concerne les actes accomplis par les autorités de l’État partie. Le Comité a eu l’occasion de réitérer cette position à propos d’Israël en 1998 et en 2003, lors de l’examen du rapport initial et du deuxième rapport périodique. En 2004, la Cour internationale de Justice a rendu un avis consultatif sur l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, qui a conforté encore un peu plus la position du Comité, en ce que la Cour, se référant aux travaux préparatoires du Pacte et à la jurisprudence du Comité, a conclu que le Pacte était applicable aux actes d’un État agissant dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire. La Cour a également renvoyé à sa propre jurisprudence et affirmé que la protection offerte par les conventions régissant les droits de l’homme ne cessait pas en cas de conflit armé, si ce n’était par l’effet de clauses dérogatoires du type de celle figurant à l’article 4 du Pacte. Ainsi, l’argument d’Israël que la situation de conflit armé ne permet pas d’appliquer le Pacte en Cisjordanie et dans la bande de Gaza n’est pas recevable, pas plus d’ailleurs que son argument concernant l’absence de déclaration, puisqu’une déclaration sert en principe à un État partie à reconnaître, au contraire, que le Pacte s’applique hors de son territoire.

44.Israël est intervenu militairement au Liban en 2006 et en 2008-2009 dans la bande de Gaza; récemment, il a arraisonné un bateau dans les eaux internationales. Chacune de ces interventions a fait des victimes, et il y a donc bien lieu de s’interroger sur les fondements juridiques sur lesquels elles s’appuyaient. Ne serait-ce que pour justifier ces interventions, la délégation israélienne ne peut pas se soustraire à l’examen de la question de l’applicabilité du Pacte hors de son territoire.

45.En ce qui concerne le droit à l’égalité, l’argument principal de l’État partie semble être que le respect de ce droit est assuré puisque toute personne qui s’estime victime d’une discrimination peut saisir la justice, et notamment la Cour suprême. Cependant, les exemples donnés par la délégation israélienne elle-même montrent bien les limites de ce type de recours, étant donné qu’il n’existe apparemment aucune garantie que l’obligation de mise en conformité de la législation avec la loi fondamentale pertinente sera suivie d’effet et qu’il n’a pas été fixé de délai pour modifier la législation en conséquence. En outre, il est étrange d’imposer aux particuliers l’obligation de saisir le tribunal chaque fois qu’une disposition législative établit une discrimination. Plus précisément, Mme Chanet souhaiterait des informations sur certaines garanties prévues pour assurer le respect du principe d’égalité. En premier lieu, étant donné que les textes prévoient que la langue arabe peut être utilisée dans les rapports avec l’administration, elle se demande si cette situation s’applique aussi aux pièces judiciaires, y compris dans le cas de personnes en état d’arrestation, et notamment de mineurs. En particulier, les intéressés sont-ils informés en arabe des accusations portées contre eux? Mme Chanet voudrait également savoir si les députés arabes jouissent des mêmes avantages et du même régime que les autres députés, en particulier en ce qui concerne l’aide accordée pour financer une campagne électorale. Elle souhaiterait en outre des précisions sur les dispositions régissant la révocation de la nationalité israélienne, et les conditions dans lesquelles cette révocation est possible. Elle s’interroge sur la situation des couples mixtes à cet égard et voudrait des renseignements sur les conditions dans lesquelles sont donnés et retirés les permis de circulation délivrés conformément aux ordonnances nos 1649 et 1650 de mai 2009.

46.Il n’a pas été répondu à la question no 3 de la liste de points, ni par écrit ni oralement, et le simple renvoi à la réponse faite à la question no 1 ne saurait satisfaire le Comité. D’une façon générale, Israël revendique sa politique de colonisation et Mme Chanet fait observer à ce propos que, dans le même avis consultatif de 2004, la Cour internationale de Justice a considéré que cette politique n’avait aucune validité en droit. Elle a conclu que les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé l’avaient été en méconnaissance du droit international, et en particulier du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Elle a considéré que l’édification d’un mur, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dressait un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et violait de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit. Tout cela montre clairement que le droit à l’autodétermination n’est pas attaché à un territoire. Il confère une obligation aux États parties, et Mme Chanet comprend d’autant moins l’absence de réponse à la question no 3 de la liste et le simple renvoi à ce qui est dit en réponse à la question no 1.

47.La situation en Israël est marquée par une modification de la composition démographique, des confiscations de terres et des démolitions d’habitations, et dans ce contexte, si l’on suit le raisonnement de l’État partie, l’application du Pacte cesse d’avoir une réalité au fur et à mesure de l’expansion territoriale de la colonisation. Qu’en est-il alors du citoyen israélien qui se rend en Cisjordanie? Les autorités israéliennes considèrent-elles que le Pacte ne s’applique plus à lui? D’une façon générale, il est bien difficile de comprendre la cohérence et le fondement juridique de la position de l’État partie.

48.M. Fathalla souscrit aux observations de Mme Chanet concernant les réponses écrites qui ont été apportées à la liste de points. Le fait que la délégation israélienne se soit déclarée disposée à répondre à toutes les questions qui lui seront posées, y compris celles portant sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, le rend cependant un peu plus optimiste et il considère que, si tel est le cas, l’État partie montrera alors qu’il assume sa responsabilité à l’égard de ces deux territoires.

49.La délégation israélienne a reconnu qu’il y avait encore beaucoup à faire et que des problèmes persistaient, ajoutant que l’action des organisations non gouvernementales était très importante. Le Comité est cependant saisi de rapports d’organisations non gouvernementales et d’autres institutions qui donnent une image de la situation bien différente, et il se doit de les prendre en considération également pour déterminer en toute objectivité ce qu’il en est de l’application du Pacte dans l’État partie. En particulier, au sujet de la question no 4 de la liste, M. Fathalla relève que, selon un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, la construction d’habitations par des Palestiniens est interdite dans 70 % de la «zone C», soit 60 % du territoire de la Cisjordanie. Des rapports d’organisations non gouvernementales font également état de cette situation, et M. Fathalla serait heureux d’entendre les commentaires de la délégation israélienne à ce sujet.

50.En ce qui concerne la construction par les Palestiniens d’habitations sans permis de construire, l’organisation non gouvernementale Al-Haq l’explique par l’insuffisance du nombre de permis délivrés par rapport à la demande de logements des Palestiniens, la pénurie de logements qui est exacerbée par la politique d’annexion des autorités israéliennes et la crainte des Palestiniens de quitter Jérusalem et de perdre ainsi leur statut de résident. M. Fathalla souhaiterait savoir combien de permis de construire ont été délivrés aux Palestiniens à Jérusalem-Est et dans la «zone C», et connaître leur proportion par rapport au nombre de permis accordés aux colons illégaux de la région. Il voudrait savoir également combien de colonies de peuplement illégales à Jérusalem-Est et en Cisjordanie ont été visées par un ordre de démolition, combien de terrains à Jérusalem-Est sont affectés à l’implantation de colonies illégales de peuplement, dans quelles proportions il est envisagé d’étendre la superficie des colonies de peuplement à Jérusalem-Est et ailleurs en Cisjordanie, et quel est le montant des amendes infligées aux propriétaires ou habitants à la suite d’une expulsion forcée ou de la démolition d’habitation. Plus généralement, M. Fathalla souhaiterait des éclaircissements sur l’objectif visé par la Stratégie d’aménagement de la ville de Jérusalem, compte tenu des informations dont le Comité dispose qui indiquent que la finalité de cette stratégie serait contraire aux règles fondamentales du droit international.

51.À la question no 12 de la liste des points à traiter, le Comité demandait des explications concernant le ravitaillement de la population de la bande de Gaza en médicaments depuis l’opération «Plomb durci» et l’accès des Palestiniens vivant dans les territoires occupés à un approvisionnement suffisant en eau, mais n’a pas reçu de réponse à cette question importante. Selon l’organisation non gouvernementale B’Tselem, la consommation quotidienne moyenne d’eau par jour des colons à Hébron est de 194 litres, tandis qu’à Yatta, à côté d’Hébron, elle n’est que de 27 litres. Ces chiffres indiquent une pratique discriminatoire dans l’accès aux ressources en eau. Dans un autre rapport, publié par l’organisation non gouvernementale Al-Haq, on lit que dans les villages palestiniens de Jayyous et Falamia, l’accès à six puits qui fournissaient l’eau à plusieurs localités palestiniennes a été bloqué, de sorte que l’approvisionnement a été limité à 23 litres par personne et par jour à Jayyous, quantité bien insuffisante au regard des 100 litres jugés nécessaires pour une vie saine par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). M. Fathalla souhaite savoir si ces informations sont correctes et quelle est la consommation quotidienne d’eau des colons israéliens en Cisjordanie et dans le district d’Hébron; de même, il se demande si les autorités israéliennes ont reçu des plaintes de Palestiniens concernant le rejet d’eaux usées sur des terrains appartenant à des fermes palestiniennes, et voudrait savoir ce qu’Israël compte faire face à cette pollution des sols de fermes palestiniennes. Il demande aussi pourquoi des villages tels qu’Al Tiwani n’ont-ils pas obtenu des autorités israéliennes l’autorisation de créer une infrastructure d’adduction de l’eau alors que les implantations israéliennes voisines de ce village ont eu cette autorisation.

52.En ce qui concerne le ravitaillement de la population palestinienne en médicaments, l’OMS a récemment signalé qu’Israël avait empêché des fournisseurs d’envoyer un scanner de Ramallah à l’hôpital de Shiffah, à Gaza, ainsi que des défibrillateurs et d’autres appareils médicaux. Israël a empêché l’acheminement de matières radioactives utilisées en radiothérapie et pour la détection de tumeurs secondaires chez des patients atteints du cancer et des équipes médicales n’ont pas pu se rendre de Ramallah à Gaza, ni d’Israël dans la bande de Gaza, pour pratiquer des opérations chirurgicales et dispenser des soins. Ces faits appellent des commentaires de la part de la délégation.

53.En ce qui concerne la question no 15, M. Fathalla s’interroge tout d’abord sur les activités du Service général de sécurité (SGS); d’après les informations reçues d’organisations non gouvernementales, aucune des 620 plaintes déposées de 2001 à septembre 2009 contre des agents du SGS n’a donné lieu à une enquête pénale ni, par conséquent, à des poursuites. De plus, la loi sur le Service général de sécurité adoptée en 2000 accorde à ses agents l’immunité de poursuites pour les actes commis durant le service, s’ils ont agi raisonnablement et de bonne foi. La même loi dispose aussi que toutes les règles relatives à l’action des agents du SGS restent confidentielles, de sorte que les plaignants ne peuvent pas savoir si les agissements qu’ils dénoncent sont autorisés ou non. Les noms des agents du SGS sont eux aussi des données confidentielles. Il serait intéressant de savoir comment Israël assure l’indépendance de Mahash (l’Unité du Ministère de la justice chargée des enquêtes sur la police) alors que la majorité de ses agents proviennent des services de police ou du renseignement, dont ils sont temporairement détachés. D’après le Contrôleur de l’État, en septembre 2009, 45 des 76 agents que comptait Mahash étaient des policiers et des agents du renseignement détachés des services de la police. M. Fathalla voudrait savoir s’il est vrai que Mahash ne conduit d’enquêtes sur les activités des agents du SGS qu’à la demande de l’Attorney général et qu’aucune demande n’a été reçue à ce jour.

54.M. O ’ Flaherty dit qu’il s’attachera d’abord à la question des droits garantis à l’article 27 du Pacte (question no 6). D’après les informations reçues par le Comité, les arrêts de la Cour suprême ne sont pas traduits en arabe alors qu’ils sont très fréquemment traduits en anglais. La raison avancée par une autorité est que le budget ne le permet pas et on peut se demander pourquoi les contraintes budgétaires n’empêchent pas la traduction des arrêts en anglais. En outre, d’après les informations qu’il a reçues de l’organisation non gouvernementale Adalah, il arrive que des citoyens arabes d’Israël ayant à régler des questions d’état civil se voient répondre par les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur que les documents en arabe ne sont pas acceptés, alors que la réglementation prévoit que les documents officiels doivent être acceptés dans la langue d’origine, y compris l’arabe. M. O’Flaherty a également appris qu’il était impossible d’obtenir des formulaires de demande de prestations subventionnées en arabe. Ce ne sont là que quelques exemples et il serait utile d’entendre la délégation sur ce sujet, à la lumière de l’article 27 du Pacte. L’article 27 couvre aussi la liberté de communiquer et de se déplacer des groupes minoritaires. Selon les informations reçues, il est extrêmement difficile pour les citoyens arabes d’Israël de se déplacer dans les États voisins, même pour assister à des manifestations culturelles sans danger pour la sécurité du pays.

55.Enfin, M. O’Flaherty souhaite des éclaircissements sur la décision tendant à supprimer les noms arabes des villes et des villages sur tous les panneaux de signalisation routière du pays et à les remplacer par les noms hébreux, transcrits en arabe. Selon les informations reçues, malgré l’arrêt contraire rendu par la Cour suprême, cette règle continue d’être appliquée dans certains endroits, majoritairement arabes ou mixtes. Cette pratique est difficilement compatible avec l’article 27 du Pacte. La question no 7 de la liste des points à traiter concerne la protection des droits des Bédouins arabes. Il s’agit d’une véritable tragédie historique, car cette population fondamentalement rurale est totalement inadaptée à la vie dans des centres urbains. Les besoins humanitaires fondamentaux des Bédouins doivent être satisfaits où qu’ils vivent, même dans les endroits où ils se sont installés sans autorisation. L’État partie l’a du reste reconnu lui-même et M. O’Flaherty souhaiterait avoir confirmation qu’il en est bien ainsi. En outre, il aimerait savoir selon quel mode de représentation l’État partie consulte les Bédouins, notamment sur l’emplacement des villes autorisées, et s’il a envisagé d’appliquer les Principes directeurs de l’ONU relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays à la situation des Bédouins.

56.En ce qui concerne la définition du terrorisme (question no 8), M. O’Flaherty prend note du fait que l’État partie étudie la question; il demande combien de temps prendra cette étude, quelles sont les dispositions prévues pour rendre les différentes définitions du terrorisme figurant dans ses lois conformes aux normes internationales, et comment il sera tenu compte des observations finales précédentes du Comité des droits de l’homme, et des conclusions et recommandations du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste formulées dans son rapport de 2007 sur sa mission en Israël, en particulier aux paragraphes 16 et 55. Concernant les données que le Comité a demandées au sujet des «combattants irréguliers» incarcérés en vertu de la loi de 2002 relative à l’incarcération des combattants irréguliers, des données complémentaires et plus détaillées, ventilées par âge, sexe, nationalité et origine ethnique seraient bienvenues. La délégation pourra peut-être expliquer comment cette loi est compatible avec le Pacte, y compris l’article 7, et si la Cour suprême a aussi examiné la compatibilité de ce texte non seulement avec le droit international humanitaire mais aussi avec le droit international des droits de l’homme et, si c’est le cas, il souhaite connaître l’avis de la Cour.

57.Concernant l’état d’urgence et son maintien depuis la création d’Israël (question no 9), M. O’Flaherty ne peut que réaffirmer, comme le Comité l’a déjà souligné dans ses observations finales précédentes, que l’état d’urgence doit, par définition, être temporaire et exceptionnel. L’État partie a entrepris depuis longtemps d’examiner la question mais cette réflexion n’a toujours pas abouti. Si le résultat est, non pas la levée, mais une révision de l’état d’urgence, serait-il limité à l’article 9 du Pacte ou d’autres articles seraient-ils aussi visés?

58.M me Keller fait siennes les observations de Mme Chanet et de M. Fathalla au sujet des réponses à la liste des points. Elle reviendra tout d’abord sur la question no 10. Le 29 janvier 2010, l’État partie a remis un document à l’ONU intitulé «Enquêtes sur les opérations à Gaza: mise à jour». Ce rapport dévoile de graves lacunes dans les enquêtes menées par l’État partie et, plus précisément, le manque d’indépendance des enquêtes, qui ont été réalisées par des commandants de l’armée et de la police militaire, sous la direction du Procureur général militaire d’Israël, qui était le conseiller juridique des forces armées de l’État partie durant l’opération «Plomb durci». Comment la délégation répond-elle aux préoccupations ainsi exprimées? Un autre fait préoccupant se dégage du rapport: sur les 150 incidents ayant donné lieu à des enquêtes, seulement 36 ont fait l’objet d’une enquête pénale et une seule affaire a abouti à la condamnation d’un soldat, qui avait volé une carte de crédit. Apparemment, depuis la présentation du rapport, une deuxième affaire a été portée devant les tribunaux; elle concernait l’utilisation d’un enfant de 9 ans comme bouclier humain mais les charges retenues − abus de fonctions et comportement indigne − ne sont pas à la mesure de l’acte commis, et aucune ou presque aucune des affaires concernant les drapeaux blancs n’a donné lieu à des poursuites. Face aux informations fiables concernant un certain nombre d’infractions commises durant l’opération «Plomb durci», l’État partie est-il convaincu de la crédibilité des enquêtes menées? On peut se demander aussi pourquoi les enquêtes militaires décrites dans la mise à jour se limitent au fait de savoir si les ordres ont été suivis et si les règles d’engagement et les stratégies ont été respectées, et non sur le fait de savoir si ces ordres, règles et stratégies respectent le droit international et, en particulier, les droits protégés par le Pacte. D’après la mise à jour, des enquêtes ont été menées sur 10 incidents impliquant des attaques menées contre des équipes et des structures médicales. Selon les organisations des droits de l’homme, le CICR et l’ONU, ce sont toutefois 41 structures médicales et 29 ambulances qui ont été endommagées, tandis que 16 travailleurs médicaux ont été tués et 25 autres blessés. Comment l’État partie explique-t-il une telle différence?

59.Le 20 mars 2010, deux adolescents, Mohammed Qadus et Ussayed Qadus, ont été tués par les forces israéliennes lors d’une manifestation en Cisjordanie. D’après les renseignements reçus par le Comité, ils ont été victimes de tirs à balles réelles, alors que les soldats avaient eu pour instructions de n’utiliser que des balles en caoutchouc. Il serait intéressant de savoir quand l’enquête ouverte par la police militaire sur cet incident sera achevée et quels sont les recours dont pourront se prévaloir les proches des victimes si elle conclut à une violation de la part des forces israéliennes.

60.D’après la base de données d’Al Mezan, au 6 juin 2010, l’armée israélienne aurait exécuté extrajudiciairement 184 personnes à Gaza depuis 2003, en dehors de l’opération «Plomb durci», et 155 autres personnes auraient été tuées lors de ces opérations meurtrières ciblées. Les forces israéliennes ont continué de mener de telles opérations en dépit de l’arrêt rendu en décembre 2006 par la Cour suprême, qui imposait des restrictions rigoureuses à cette pratique. Compte tenu de ces restrictions, comment l’État partie explique-t-il que le nombre d’assassinats ciblés soit si élevé? Une plainte a été déposée le 22 novembre 2009 devant le Procureur général de l’armée et le Procureur général pour demander une enquête pénale sur l’assassinat de Sa’eed Siam, qui a également coûté la vie à six civils. Il semblerait que la procédure soit au point mort et on peut se demander pourquoi.

61.La journaliste Anat Kamm est poursuivie pour trahison et espionnage pour avoir transmis au Haaretz des documents militaires classés secrets auxquels elle avait eu accès pendant son service militaire, qui auraient été utilisés pour un article, paru en novembre 2008 dans le Haaretz, dénonçant la poursuite par l’armée israélienne des exécutions extrajudiciaires en Cisjordanie, en dépit de l’arrêt de la Cour suprême de 2006. En janvier 2009, le Procureur général a établi qu’aucun élément ne permettait de conclure que les Forces de défense israéliennes passaient outre aux instructions de la Cour suprême. La délégation pourra peut-être expliquer comment le Procureur général peut conclure qu’il n’y a pas matière à ouvrir une enquête pénale sur les actes dénoncés, alors qu’il existe des documents classés secrets et le témoignage d’une ancienne militaire sur la question.

62.D’après les renseignements dont dispose le Comité, la police militaire se fonde sur les débriefings opérationnels des Forces de défense israéliennes pour décider ou non d’ouvrir une enquête lorsque des civils ont été tués ou blessés lors d’opérations militaires. Il serait intéressant de savoir si l’État partie a étudié la possibilité de prendre en compte d’autres éléments de preuve, comme les déclarations de témoins sous serment, au stade initial de la procédure.

63.En ce qui concerne l’interdiction de la torture, Mme Keller souhaiterait des précisions sur la teneur des directives et règles appliquées par l’Agence israélienne de sécurité (AIS) pour déterminer si les circonstances d’un interrogatoire permettent d’invoquer «l’état de nécessité». L’État partie a donné dans ses réponses écrites le nombre d’enquêtes menées par le Contrôleur chargé d’examiner les plaintes formulées à l’encontre des enquêteurs de l’AIS pendant la période 2006-2009. Il serait intéressant de savoir combien de plaintes avaient été soumises au Contrôleur pendant cette période et quelles sont les voies de recours disponibles si celui-ci conclut que des violations ont été commises au cours d’un interrogatoire, ce qui n’est pas encore arrivé.

64.Mme Keller voudrait savoir si l’État partie a envisagé de prendre des mesures pour garantir la présence dans tous les lieux de détention de médecins qualifiés et indépendants, qui puissent s’entretenir en privé avec les détenus et déceler les cas éventuels de torture ou de mauvais traitements, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). En outre serait-il disposé à exiger qu’un dossier médical complet soit établi pour chaque personne interrogée par l’AIS et tenu tout au long de la détention de l’intéressé, sans que les renseignements qu’il contient ne soient classés secrets?

65.La délégation pourra peut-être expliquer les raisons de l’amendement no 4 du 17 juin 2008, qui a prolongé jusqu’en juillet 2012 la durée d’application de la disposition dispensant la police d’enregistrer les interrogatoires de personnes soupçonnées d’atteintes à la sûreté de l’État. Elle pourra peut-être expliquer aussi pourquoi l’amendement de 1994 autorisant le Procureur général à demander au Département des enquêtes sur le personnel de police d’enquêter sur les plaintes déposées contre l’AIS pour des infractions pénales n’a pas été appliqué ces dernières années et pourquoi ce type d’enquête est systématiquement confié au Contrôleur chargé d’examiner les plaintes déposées par les personnes interrogées, qui relève lui-même de l’AIS.

66.D’après le rapport du Médiateur de l’État pour 2005, plus des deux tiers des plaintes déposées auprès du Département des enquêtes sur le personnel de police concernant des violences policières ne donnent lieu à aucune enquête et, lorsqu’une enquête est ouverte, des poursuites pénales ne sont engagées que dans une minorité de cas. De plus, un dossier qui contient uniquement le témoignage du plaignant et le témoignage de la police est classé pour insuffisance de preuves. On est fondé à se demander pourquoi le pourcentage de plaintes donnant lieu à une enquête est si faible et pourquoi dans le cas où deux versions d’un même incident s’affrontent une enquête visant à établir la crédibilité de chacune des versions n’est pas menée.

67.Dans ses observations finales de 2003, le Comité avait recommandé à Israël de réexaminer la législation relative aux états d’exception, de veiller à ce que nul ne soit détenu pendant plus de quarante-huit heures sans pouvoir consulter un avocat, de veiller à ce que les mesures adoptées pour lutter contre le terrorisme soient pleinement conformes au Pacte, de cesser d’utiliser des civils palestiniens comme boucliers humains, de revoir l’utilisation qu’il faisait de l’«exception de nécessité» et de veiller à ce que tous les cas de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d’une enquête indépendante et à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis. Comment l’État partie entend-il donner effet à ces recommandations?

68.Plus de 600 plaintes pour actes de torture et mauvais traitements commis par des membres de l’AIS ont été soumises aux autorités israéliennes depuis 2001 et aucune n’a donné lieu à une enquête pénale puisque toutes ont été renvoyées devant un organe interne de l’AIS pour examen préliminaire puis classées sans suite. L’État partie demeure-t-il convaincu que les procédures internes de l’AIS sont le plus appropriées pour enquêter sur les allégations de violations commises par les membres de l’AIS et a-t-il envisagé de confier ce type d’enquête à des personnes indépendantes habilitées par les services de sécurité?

69.En ce qui concerne les droits des détenus, il serait utile d’avoir des données sur l’application des dispositions de la loi de procédure pénale 1996-5756 et de l’amendement de 2005 à l’ordonnance de 1971 sur les prisons (art. 45) tendant à retarder les entretiens et consultations avec un avocat. Il serait également intéressant de connaître les voies de recours ouvertes aux détenus qui n’ont pas pu exercer en temps voulu le droit de consulter leur avocat en raison de l’application abusive par un agent de l’État des lois en vigueur. Mme Keller voudrait savoir en outre si l’État partie envisage d’autoriser le CICR et d’autres organismes indépendants à effectuer à l’improviste des visites dans les prisons, y compris dans les quartiers où sont placées les personnes détenues pour des raisons de sécurité, afin de renforcer la protection contre la torture et les mauvais traitements: Le Comité est préoccupé par le contenu du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme de 2010, dont l’application conjointement aux dispositions empêchant les détenus de s’entretenir avec un avocat pendant une période de vingt et un jours, pourrait conduire à des situation dans lesquelles l’intéressé serait représenté au tribunal par un avocat qu’il n’aurait jamais rencontré. L’État partie a-t-il étudié les conséquences que pourrait avoir ce projet, conjugué aux lois existantes, sur l’exercice du droit de consulter un avocat et, le cas échéant, quelles sont les solutions qu’il envisage?

70.En vertu des règlements militaires en vigueur en Cisjordanie, le tribunal militaire est autorisé à exclure le conseil d’un détenu de la totalité ou d’une partie des audiences. De plus, l’AIS peut refuser au détenu le droit de communiquer avec un avocat pendant une période allant jusqu’à quatre-vingt-dix jours. Si ces renseignements sont corrects, l’État partie a-t-il envisagé de remplacer ce régime par un système d’avocats spécialement habilités, afin de garantir la présence au tribunal d’une personne qui soit en mesure d’assurer efficacement la défense du détenu?

71.M. Thelin souhaiterait des précisions sur l’incident au cours duquel un bateau qui tentait d’enfreindre le blocus de Gaza a été intercepté le 31 mai 2010. Il croit comprendre que le Gouvernement israélien a présenté tout récemment un rapport sur cette opération, qui soulève à la fois des questions de fait et des questions juridiques, notamment pour ce qui est du respect du principe de proportionnalité. Il espère qu’un exemplaire de ce rapport pourra être remis au Comité et attend avec intérêt les commentaires de la délégation sur le contenu de ce document.

72.Pour toute réponse à la question du Comité concernant l’opération «Plomb durci», l’État partie a renvoyé à sa réponse à la question 1 de la liste des points à traiter, relative à l’application du Pacte dans les territoires palestiniens occupés. Le Comité ne saurait se satisfaire d’une telle réponse. Le débat autour de l’applicabilité du Pacte dans la bande de Gaza est difficilement admissible à ses yeux, de même que le refus de prendre en compte l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice en date du 9 juillet 2004, dont il n’est fait aucune mention dans les réponses d’Israël. Les documents soumis au Comité par les ONG, notamment par Human Rights Watch, Amnesty International et Al Mezan/Physicians for Human Rights, contiennent une relation très détaillée des actes commis par les Forces de défense israéliennes pendant l’opération «Plomb durci», qui fait clairement apparaître de nombreuses violations des normes internationales en vigueur. Le Comité serait très reconnaissant à la délégation de faire part de ses commentaires sur cette question.

73.M. Salvioli relève que dans son rapport de 2009 sur sa mission en Israël et dans les territoires palestiniens occupés la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction s’est déclarée vivement préoccupée par les nombreux cas signalés de discrimination religieuse, notamment de la part des membres de la police et des forces armées. Il s’interroge donc sur l’efficacité des programmes de formation mis en œuvre depuis 2003 à l’intention des agents de la fonction publique dans le but de les sensibiliser aux formes de discrimination fondées sur la religion ou l’origine ethnique. Il souhaiterait savoir si l’État partie envisage de modifier ces programmes afin d’obtenir de meilleurs résultats.

74.En ce qui concerne la torture, M. Salvioli demande si l’interdiction de la torture couvre bien toutes les formes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants tels qu’ils sont définis dans la Convention contre la torture, y compris les formes graves de violence psychologique.

75.La loi de procédure pénale de 2006 sur la détention des personnes soupçonnées d’atteinte à la sécurité de l’État était au départ une disposition temporaire, devant rester en vigueur dix-huit mois. La prolongation de son application jusqu’en 2010 signifie-t-elle que cette loi pourrait devenir permanente?

76.L’État partie n’a apporté aucune réponse à la question no16 qui porte sur l’internement administratif. Étant donné les très nombreux renseignements reçus de sources diverses à ce sujet, il serait très utile que la délégation donne des explications sur l’utilisation fréquente de l’internement administratif, visant en particulier des Palestiniens des territoires occupés, qui s’accompagne souvent de restrictions au droit de consulter un avocat et d’être pleinement informé des motifs de la mesure. Le Comité souhaiterait également des précisions sur les règles et procédures qui régissent l’internement administratif, tant en Israël que dans les territoires palestiniens occupés. La délégation pourra peut-être aussi commenter les renseignements selon lesquels des Palestiniens ont été arrêtés et envoyés dans des centres de détention en Israël pendant l’opération «Plomb durci» et des hommes, des femmes et des enfants palestiniens ont été détenus dans des carrières de sable, dans des conditions dégradantes, sans nourriture, sans eau, sans accès à des installations sanitaires et sans abri. Il semble que les proches des Palestiniens détenus en Israël soient privés de la possibilité de leur rendre visite depuis Gaza, et ce parfois depuis des années. Une telle situation, si elle est confirmée, est extrêmement préoccupante et appelle des commentaires de la part de la délégation.

77.M me Majodina souligne le coût humain et environnemental du blocus de Gaza et demande pourquoi le Gouvernement israélien ne pourrait pas autoriser l’entrée à Gaza du matériel de construction et de l’aide humanitaire nécessaires pour résoudre les graves problèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement qui mettent en danger la vie de la population. Elle souhaiterait en outre savoir quels moyens le Gouvernement entend mettre en œuvre pour garantir le respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme mais aussi de l’accord de 2005 relatif à l’accès et à la libre circulation, conclu par Israël et l’Autorité palestinienne.

78.M. Amor fait observer que la notion de nécessité est dangereuse car elle peut être invoquée pour justifier la torture ou des violations graves. Dans son arrêt sur l’exception de nécessité, la Cour suprême a certes défini des critères, comme la nature imminente de l’acte, mais l’appréciation de ces critères peut difficilement échapper à toute subjectivité. Il serait donc intéressant d’avoir des précisions sur la notion de nécessité et sur son application dans la pratique, notamment sur le nombre de fois où il y a été recouru.

79.Le Président remercie la délégation et les membres du Comité et les invite à poursuivre le dialogue à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.