NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2241*31 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Quatre-vingt-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2241e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 28 octobre 2004, à 10 heures

Président: M. AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Cinquième rapport périodique de la Pologne ( suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Cinquième rapport périodique de la Pologne (CCPR/C/POL/2004/5; CCPR/C/82/L/POL) (suite)

La délégation polonaise reprend place à la table du Comité.

Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions supplémentaires qui ont été posées à la séance précédente.

M. SOBEZAK (Pologne) explique, à propos de la mise en application du droit international dans le système juridique polonais, que c’est le Ministère des affaires étrangères qui est responsable de l’application des décisions des organes internationaux de protection des droits de l’homme. Il est aidé dans cette tâche par le Comité juridique consultatif, composé d’experts en droit international. Un exemple de bonne pratique dans ce domaine est l’adoption, en juin dernier, d’un texte visant à assurer le bon déroulement des procédures judiciaires, comme suite à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Le Gouvernement encourage en outre la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, ainsi que du Protocole n° 13 à la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme DABROWIECKA (Pologne), en réponse à la question sur le statut du médiateur, explique que ce dernier ne fait pas partie du Gouvernement. Il est nommé pour cinq ans par le Parlement, à qui il rend compte et présente un rapport annuel. Sa mission ne se limite pas à la protection des droits constitutionnels et des droits civils et politiques; il s’occupe aussi de questions telles que les prestations sociales (allocations familiales, assurance maladie, etc.), les handicapés ou la lutte contre la pauvreté. Le Médiateur est de longue date une institution très respectée en Pologne. Concernant la possibilité restreinte qu’ont les militaires de quitter les forces armées, Mme Dabrowiecka indique que la question ne se pose plus depuis que, à la suite d’une plainte déposée par un soldat, le Tribunal constitutionnel a déclaré que l’ordonnance pertinente du Ministère de la justice était contraire à la Constitution.

M. SKOWRONSKI (Pologne) aborde la question du terrorisme et explique que ce crime n’est pas défini dans la législation pénale polonaise, ni d’ailleurs dans aucun instrument international contraignant pour la Pologne. Le Code pénal prévoit cependant des infractions à caractère terroriste, punissables d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Il s’agit par exemple des menaces visant la population, les autorités polonaises, celles d’un pays tiers ou une organisation internationale, ou des actes visant à provoquer des troubles politiques en Pologne ou dans un pays tiers. Concernant l’extradition de terroristes présumés vers des pays où ils risquent d’être victimes d’atteintes à leurs droits, M. Skowronski souligne que la loi polonaise interdit d’extrader une personne vers un pays où elle risque d’être torturée ou condamnée à la peine capitale.

Mme KAPILEWICZ (Pologne) explique que la première phase du Plan d’action national en faveur des femmes, mis sur pied en 1997 par le Bureau du représentant spécial pour l’égalité de l’homme et de la femme, n’a pas été achevée en raison du changement de gouvernement. La politique sur les femmes a été remplacée par une politique plus généralement consacrée à la famille. Nombre d’initiatives efficaces ont été entreprises pour favoriser l’égalité des sexes: formations destinées au personnel judiciaire et des médias, diffusion de brochures d’information, financement de projets d’ONG, réalisation d’études sur la situation des femmes dans les zones rurales et sur la traite des femmes, entre autres. Le Bureau du représentant spécial, qui est un organe consultatif formé de représentants du Gouvernement et d’ONG, a également préparé divers projets de loi, notamment sur la violence domestique. Enfin, des programmes visant à améliorer le statut des femmes sur le marché du travail ont été mis en place avec l’aide des fonds structurels de l’Union européenne. Le Groupe parlementaire sur les femmes joue quant à lui un rôle important, notamment en proposant des projets de loi sur l’égalité dans la Constitution, l’adoption, la simplification des procédures de divorce, l’avortement, etc. Un projet de loi sur l’égalité des sexes est actuellement examiné par le Parlement. En ce qui concerne la proportion de femmes occupant des postes de hautes responsabilités, Mme Kapilewicz tient à préciser qu’elle est de 22 % et non de 2 % comme il a été dit.

Mme SZEMPLINSKA (Pologne), répondant aux questions relatives à la discrimination, rappelle que la Constitution garantit l’égalité de tous devant la loi et que nul ne peut être victime de discrimination dans sa vie politique, économique ou sociale, pour quelque raison que ce soit. La discrimination est également interdite dans d’autres textes, notamment dans le droit du travail. Toute personne qui s’est vu refuser un emploi ou une promotion, sur la base de considérations discriminatoires peut saisir la justice, et c’est alors l’employeur qui doit prouver que le refus était fondé sur des critères objectifs. Au-delà des recours judiciaires, la victime peut également saisir le Médiateur.

En ce qui concerne le marché du travail, une des priorités du Gouvernement est la lutte contre le chômage qui, bien qu’en baisse, reste très élevé en Pologne (18,9 %). Les femmes représentent 51,7 % des demandeurs d’emploi, et plus de 52 % dans la catégorie des plus de 50 ans. Même si cette inégalité n’est pas très prononcée, il faut adopter de nouvelles mesures en faveur des femmes, notamment pour les aider à concilier leur vie de famille et leur vie professionnelle. Les femmes gagnent environ 20 % de moins que les hommes, mais cette situation devrait s’améliorer au cours des prochaines années grâce aux modifications apportées au Code du travail et aux décisions judiciaires qui ont sanctionné des cas de discrimination de ce genre. Mme Szemplinska rappelle en conclusion que la Pologne a ratifié toutes les conventions de l’OIT.

Mme GUZELF (Pologne) explique au sujet de la retraite des femmes que ces dernières peuvent continuer à travailler au-delà de l’âge de la retraite. Cet âge a été allongé dans le cas des femmes d’une certaine tranche d’âge parce que cela leur était plus favorable.

M. RZEMIENIEWSKI (Pologne) aborde la question de la traite des personnes et indique qu’un projet de loi sur les étrangers, actuellement en lecture au Parlement, prévoit l’octroi d’un permis de séjour temporaire aux étrangers victimes de la traite qui ont coopéré avec les autorités chargées de combattre ce fléau.

Mme WANTOLA-SZUMERA (Pologne) précise, à propos de l’éducation à la vie familiale, que des cours doivent être obligatoirement proposés dans les écoles mais qu’ils sont facultatifs. Environ 80 % des élèves les suivent, et des activités de remplacement (bibliothèque, sport) doivent être proposées aux autres. Ces cours représentent 14 heures par année scolaire.

M. SKOWRONSKI (Pologne) explique que dans les cas de violence domestique, pour éviter la récidive, le Procureur peut placer l’agresseur sous surveillance policière, lui interdire de s’approcher des victimes, voire le placer en détention à titre préventif s’il ne respecte pas cette interdiction. Une telle privation temporaire de liberté ne peut toutefois intervenir que sur décision judiciaire et après évaluation approfondie. Concernant la situation de la victime au regard de la justice en cas de retrait de la plainte, dans les affaires de violence domestique, la procédure suit son cours même si la plainte est retirée, et la victime peut bénéficier de toutes les protections prévues par la loi. Quant aux foyers accueillant les victimes, leur nombre reste certes insuffisant, et certaines municipalités n’en ont encore aucun, mais des efforts sont déployés dans ce sens.

M. SOBOLOLEWSKI (Pologne), répondant aux questions sur la santé, indique que le nombre d’avortements clandestins serait de 50 à 70 par an. Toutefois, ni le Ministère de la santé, ni les ONG n’ont conduit d’enquête à ce sujet. Vu le climat politique actuel de la Pologne, il serait très difficile d’obtenir l’accord du Parlement pour légaliser l’avortement dans certains cas particuliers. Le Tribunal constitutionnel a d’ailleurs cassé en 1997 un amendement qui visait à assouplir la loi sur l’avortement. En ce qui concerne le dépistage du VIH/sida, il faut savoir que la Pologne a l’un des taux de contamination les plus faibles de la région, et ce grâce à la vigilance du Ministère de la santé. Le dépistage des donneurs de sang est systématique depuis 1996, et le programme le plus coûteux du ministère est un programme de prévention et de soins qui permet à 1 300 séropositifs de bénéficier de traitements très avancés (trithérapies). En outre, aucun cas de contamination par transfusion n’a été constaté en Pologne, ce qui est un record mondial. De plus, le dépistage des maladies contagieuses est obligatoire pour les femmes enceintes et les nourrissons, mais uniquement avec le consentement des intéressées. Grâce à la prévention, le taux de contamination mère-enfant, encore très préoccupant il y a quelques années, a été ramené de 23 % au début des années 1990 à moins de 1 % aujourd’hui.

Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions nos 13 à 25 de la liste.

M. TOKARSKI (Pologne) explique que la Pologne attache beaucoup d’importance à la protection des personnes privées de liberté, en particulier lorsque la détention est provisoire. Elle a donc mis en place des procédures spécifiques pour enquêter sur les cas de violence imputables à la police ou au personnel pénitentiaire, en vue de punir les coupables. Des mécanismes de plainte permettent aux détenus de saisir tous les organes compétents, aux niveaux national et international. En 2002, plus de la moitié des commissariats ont fait l’objet d’une inspection. La Pologne s’efforce de changer la mentalité et le comportement de ses policiers par le biais de la formation, notamment en les sensibilisant à l’obligation de traiter les détenus avec humanité et de respecter leur dignité. Aucun cas de décès en détention n’a été signalé pendant la période couverte par le cinquième rapport de la Pologne. Le responsable de la police nationale est tenu de signaler au Ministère des affaires intérieures et de l’administration tout incident concernant les Roms. Il n’y a eu aucune communication de ce genre susceptible d’aboutir à une procédure disciplinaire.

M. szydlowski (Pologne) dit que, d’une manière générale, les autorités pénitentiaires polonaises respectent le principe de la séparation des prévenus et des condamnés. Cela étant, vu le surpeuplement carcéral, il n’est pas toujours facile de respecter la règle et il faut parfois envoyer les détenus dans un établissement éloigné de leur famille. Dans certains cas, la surpopulation oblige les autorités à rogner sur l’espace consacré aux activités récréatives. Pour ce qui est des soins médicaux, il arrive que les détenus doivent attendre plusieurs jours avant de pouvoir consulter un médecin. En Pologne, il n’existe pas de cellules individuelles. Il n’est donc pas possible d’appliquer la disposition qui prévoit que les détenus disposent de leur propre cellule. En revanche, il n’y a pas de problèmes concernant les installations sanitaires, le régime de visite ou la liberté religieuse des détenus.

En ce qui concerne la prévention des maladies, les autorités pénitentiaires veillent à séparer des autres les détenus atteints d’une maladie contagieuse et à leur faire prodiguer les soins dont ils ont besoin (examens, vaccination, etc.). Les détenus sont également mis en garde contre les comportements à risque s’agissant du VIH/sida ou de l’hépatite. S’ils y consentent, on leur fait faire le test de dépistage du VIH.

M. SKOWRONSKI (Pologne), répondant à la question no 15, indique que, selon les statistiques disponibles, le nombre de prévenus est demeuré à peu près stable entre 1994 et 2004. Il souhaite appeler l’attention du Comité sur le fait que le nouveau Code pénal et le nouveau Code de procédure pénale sont entrés en vigueur en 1998. L’objet de la révision était de restreindre le recours à la détention provisoire. C’est toujours au procureur qu’il appartient de demander le placement en détention provisoire, mais la décision revient maintenant au juge. De plus, les motifs de la mise en détention doivent être spécifiés, alors que par le passé il suffisait de qualifier l’intéressé de «socialement dangereux». Cette formule ayant été jugée trop vague, les conditions qui régissent la détention provisoire ont été précisées. La mesure la plus sévère, la mise au secret du prévenu, n’est possible qu’après un examen minutieux de tous les éléments du dossier.

M. PILASZKIEWICZ (Pologne), répondant à la question no 16, précise tout d’abord que selon le droit polonais l’asile et le statut de réfugié sont deux institutions différentes. Pour obtenir l’asile, l’étranger doit remplir deux conditions: un tel statut doit être nécessaire pour assurer la protection au demandeur et il ne doit pas compromettre l’intérêt de la République de Pologne. Aucun des 25 demandeurs d’asile évoqués par le Comité ne satisfaisait à ces deux conditions. La Pologne applique le principe du non‑refoulement, en particulier vis‑à‑vis des Tchétchènes, qui ne sont en aucun cas renvoyés vers la Russie, l’Ukraine et le Bélarus, ces pays n’étant pas considérés comme sûrs. En ce qui concerne l’affaire Ahmed Anouar, il convient de noter que ce ressortissant yéménite installé en Pologne depuis 1990 ne demandait pas le statut de réfugié. Son permis de séjour provisoire avait été renouvelé à cinq reprises mais en mars 2004, il s’est vu refuser un sixième renouvellement de son permis de séjour, au motif que «la continuation de son séjour était une menace pour l’ordre public et pour la sécurité de la Pologne». M. Anouar n’a pas fait appel et a quitté la Pologne pour le Yémen, où il se trouve actuellement.

M. CISZEWSKI (Pologne), répondant à la question no 17 qui porte sur les ressources allouées à l’appareil judiciaire, le nombre de juges et la durée moyenne des procédures, indique qu’en 2003, le budget alloué à l’appareil judiciaire a été augmenté de 20 %. Parallèlement, de nouveaux juges et juges associés ont été nommés. Le nombre de saisines a augmenté de 9,5 % mais, dans le même temps, celui des affaires traitées et, plus encore, celui des affaires jugées ont progressé encore plus nettement. La tendance générale est donc à une diminution de la durée moyenne des procédures, notamment du fait que celles‑ci ont été simplifiées. Les premiers résultats sont encourageants et les autorités polonaises espèrent qu’en poursuivant leurs efforts, elles parviendront à résorber tout le retard accumulé dans le traitement des affaires.

Passant à la question de l’aide juridictionnelle (no 18), M. Ciszewski dit que, comme il est indiqué au paragraphe 291 du rapport périodique, un projet de loi relatif aux frais de justice dans les affaires civiles est en préparation. Le changement le plus important concerne l’examen des demandes d’exonération des frais de justice, l’objectif à terme, étant de garantir une aide juridictionnelle gratuite aux indigents. Il convient de souligner que ce projet de loi n’est que le premier stade de la réforme envisagée, qui est des plus nécessaires, car tout le monde est insatisfait du système actuel, les justiciables comme les membres des professions judiciaires. En octobre dernier, le Ministère de la justice a organisé une réunion avec le Médiateur et certaines ONG en vue de donner un nouvel élan à la réforme.

M. SKOWRONSKI (Pologne), répondant aux questions nos 19 et 20, dit que le Code de procédure pénale définit les modalités de communication entre les prévenus et leur avocat. En règle générale, les prévenus doivent avoir accès à leur avocat pendant toute la durée de la procédure. Dans certaines circonstances cependant le Procureur peut décider qu’un prévenu ne peut rencontrer son avocat qu’en présence d’un tiers désigné par lui, il peut aussi décider d’intercepter la correspondance entre le prévenu et son conseil. Toutefois, ces restrictions ne peuvent être maintenues au-delà du quatorzième jour de détention. Des inspections ont été menées dans les bureaux du Procureur du pays, mais elles n’ont révélé aucune violation majeure de l’article 14 du Pacte. Cette mesure avait été appliquée dans neuf affaires et a été considérée comme justifiée dans deux cas seulement; les contacts entre l’avocat et le prévenu ont donc pu reprendre dans toutes les autres affaires.

Mme GLOWACKA‑MAZUR (Pologne), répondant à la question du Comité relative à la non‑discrimination et à la protection des minorités (question no 20), indique que, au cours des six premiers mois de 2004, huit affaires portant sur des cas de discrimination raciale ont été portées devant les tribunaux. En 2002‑2003, il y avait eu 28 affaires de ce genre, dont 11 avaient trait à la publication de documents à caractère antisémite. Le Conseil des ministres a adopté un programme d’action pour 2004‑2009, en vue d’éduquer la population polonaise à la tolérance. Ce programme sera exécuté en collaboration avec les ONG et les médias.

Pour ce qui est des mesures en faveur des Roms, un programme pilote à leur intention a été lancé en 2002‑2003. Il s’agissait avant tout d’améliorer les conditions de vie de ce groupe, de lutter contre le chômage et de protéger son identité culturelle. La priorité a été donnée aux activités éducatives, qui ont eu des résultats satisfaisants, notamment pour ce qui est de la scolarisation des enfants roms. Il convient également de signaler des projets d’investissement et d’infrastructure, notamment dans le domaine du logement et de l’assainissement. La communauté rom a également bénéficié d’une assistance médicale de base ainsi que de programmes de formation et de soutien à l’emploi. Des activités ont été menées pour sensibiliser les policiers à la situation de cette minorité, avec la participation de dirigeants roms. Des documents multimédias ont été publiés pour promouvoir la culture rom et il existe des programmes de télévision bilingues à l’intention de cette communauté. Enfin, le Conseil des ministres a adopté, en consultation avec la communauté rom, un programme d’action pour la période 2000‑2013.

M. TOKARSKI (Pologne) dit qu’il se limitera à répondre à la partie de la question no 22 qui concerne les profanations de cimetières chrétiens et juifs. Entre 2000 et 2003, 659 cas de ce genre ont été recensés. Dans 128 cas, les auteurs de ces actes ont été identifiés. Certaines affaires ont dû être classées, faute d’indices permettant de retrouver les responsables. Il faut dire que les profanations sont souvent commises pendant la nuit et dans des endroits déserts, ce qui complique les enquêtes. Dans bien des cas, les actes de profanation sont le fait de jeunes hooligans qui agissent sous l’emprise de l’alcool. Parfois ils ont une origine sectaire. Les autorités polonaises s’efforcent d’identifier les groupes de population susceptibles de commettre des actes de cette nature et s’emploient également à mener des actions préventives en la matière.

Au sujet de la question no 23, relative aux minorités sexuelles, Mme KAPILEWICZ (Pologne) dit que les droits de ces minorités sont protégés, d’une part, par la Constitution et, d’autre part, par le Code du travail dans ses dispositions relatives à l’égalité homme‑femme. En réponse à une question posée à la séance précédente sur le traitement réservé aux minorités sexuelles par les tribunaux et les procureurs, elle fait observer que, selon la loi polonaise, ce n’est pas le groupe auquel appartient l’auteur de l’acte qui est important mais l’acte lui‑même. Il convient de noter que des formations ont été organisées pour sensibiliser les services de police à ce problème.

M. RZEMIENIEWSKI (Pologne), répondant à la question no 24 qui porte notamment sur le droit des minorités d’utiliser leur propre langue dans les rapports avec l’administration, indique qu’à l’heure actuelle, les minorités ne peuvent pas utiliser leur propre langue dans leurs contacts avec l’administration. Un projet de loi sur les langues régionales et les minorités ethniques, qui est à l’examen du Parlement, envisage la création d’un organe qui serait chargé des minorités ethniques et qui comprendrait des représentants du Gouvernement, de l’administration et des minorités elles‑mêmes.

Mme FARACIK (Pologne), répondant à la dernière question relative à la diffusion du Pacte et du Protocole facultatif, dit que le Gouvernement a publié deux brochures, l’une consacrée à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’autre sur les meilleures pratiques en la matière. Les publications du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sont diffusées auprès des avocats et autres membres des professions juridiques. Enfin, sur le site Web du Ministère de la justice, une page Web consacrée aux droits de l’homme a été créée qui est régulièrement mise à jour.

Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poser leurs questions et faire part de leurs observations à la délégation polonaise.

Sir Nigel RODLEY dit qu’il souhaite revenir sur la question no 13, surtout dans la perspective de la prévention. Il voudrait savoir en quoi consistent exactement les inspections qui sont menées dans les lieux de détention, et en particulier dans les locaux de garde à vue. Il note que le chef de la délégation polonaise a indiqué qu’en vertu du Protocole à la Convention contre la torture auquel la Pologne est devenue partie, il est prévu de créer un poste de médiateur, qui serait l’institution nationale responsable des inspections dans ce domaine. Il se demande en quoi consiste le programme d’inspection actuel et en quoi il diffère du programme que l’on envisage de mettre en place.

La deuxième question porte sur la surpopulation carcérale et sur la réalité que recouvre ce terme sans doute anodin. Ainsi, il souhaiterait des renseignements plus précis sur la gravité de la surpopulation, sur les établissements pénitentiaires où le problème est le plus aigu, sur le nombre de mètres carrés dont dispose chaque détenu pour dormir et sur le nombre de détenus par cellule. Ayant appris que l’on avait construit de nouvelles cellules en empiétant sur l’espace consacré aux activités de loisir, il se demande s’il s’agit là d’une mesure temporaire ou d’une tendance lourde. Enfin, ayant noté avec intérêt que le nombre de prévenus était très stable, il voudrait savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour promouvoir les formules de substitution et réduire ainsi la population carcérale.

M. ANDO croit comprendre que les demandeurs d’asile sont en principe retenus dans des centres spéciaux et il souhaiterait en savoir davantage sur les conditions et la durée moyenne de leur détention. Il voudrait également savoir si les représentants du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont accès à ces centres.

M. Ando note avec satisfaction que les autorités de l’État partie ont tenu compte de la recommandation que le Comité avait formulée dans ses observations finales concernant l’examen du quatrième rapport de la Pologne (CCPR/C/95/Add.8) mais il voudrait des précisions sur le nombre d’écoutes téléphoniques, le nombre de plaintes auxquelles ce dispositif de contrôle a donné lieu et la suite qui leur a été donnée.

M. BHAGWATI constate que les femmes sont encore trop rares à l’échelon supérieur de la magistrature. En effet, elles ne représentent que 15,4 % des juges de la Cour constitutionnelle et cette proportion est encore plus faible à la Cour suprême. Il souhaiterait savoir quelles mesures les autorités envisagent de prendre pour assurer une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans ces juridictions.

M. Bhagwati demande des précisions concernant l’aide juridictionnelle, en particulier les dispositions qui la régissent, les personnes qui peuvent en bénéficier, la procédure permettant de l’obtenir et le rôle joué par les conseils judiciaires. Il voudrait savoir également si les services des avocats commis à ce titre sont assurés gratuitement ou s’ils sont rémunérés par l’État. On peut lire au paragraphe 288 du rapport qu’une procédure disciplinaire a été instituée pour contrôler la qualité du travail des avocats, et des précisions sur cette procédure seraient bienvenues. En particulier, M. Bhagwati souhaiterait de plus amples informations sur la Haute Cour disciplinaire. D’une façon générale, les autorités polonaises reconnaissent d’importantes carences en matière d’aide juridictionnelle, et il serait bon de savoir si elles prévoient d’institutionnaliser cette procédure. Le rapport fait état d’un projet de loi prévoyant une réduction, voire une exonération, des frais de justice et M. Bhagwati souhaiterait savoir dans quels cas l’exonération sera accordée. En outre, il serait utile de savoir si les dispositions prévoyant une réduction de la taxe proportionnelle dont il est question au paragraphe 291 du rapport sont en vigueur et si elles ont déjà été appliquées. Plus généralement, les autorités polonaises reconnaissent que les tribunaux ne disposent pas des moyens organisationnels et matériels qui leur permettraient de traiter toutes les affaires dont ils sont saisis; en particulier, le nombre de juges est insuffisant. M. Bhagwati demande quelles mesures sont envisagées pour régler le problème. Enfin, M. Bhagwati croit comprendre qu’une personne peut être maintenue en garde à vue pendant 14 jours sans être assistée d’un conseil; il voudrait savoir ce qui justifie une telle situation et quelles mesures ont été prises ou sont envisagées pour y mettre fin.

M. YALDEN, revenant sur la question de discrimination et des violences dont sont victimes les minorités en Pologne – comme d’ailleurs dans bien d’autres pays –, note que les autorités ont pris ou entendent prendre un certain nombre de mesures visant à réprimer les comportements discriminatoires à l’égard des Roms, des homosexuels et d’autres minorités ainsi que les manifestations d’antisémitisme. Le rapport fait d’ailleurs état de plusieurs projets, plans d’action et programmes dans ce sens. Toutefois, des organisations non gouvernementales internationales aussi bien que polonaises montrent une image très différente de la réalité et dénoncent des cas de discrimination directe et indirecte, des actes de violence restés impunis et d’autres types de comportement inacceptables de la part d’agents de l’État, qui seraient beaucoup plus fréquents que ce qui ressort de la lecture du rapport ou que ce qu’en a dit la délégation polonaise. M. Yalden relève notamment au paragraphe 444 du rapport que le Médiateur n’a été saisi que d’un petit nombre de plaintes pour violation des droits des minorités, ce qui laisserait penser que ces droits sont respectés comme il convient. Mais cela peut simplement vouloir dire que les victimes de violation ont peur de porter plainte ou sont trop marginalisées dans la société pour le faire. M. Yalden relève aussi au paragraphe 445 du rapport que la complexité du problème tiendrait également à la participation avérée de membres des minorités ethniques à des activités criminelles, à la mendicité, etc. Il s’agit à son sens d’une considération déplacée et, en tout état de cause la mendicité, par exemple, ne saurait justifier les exactions commises par les forces de l’ordre. La délégation polonaise a indiqué qu’aucun cas de mauvais traitement infligé à un Rom par un agent des forces de l’ordre et suffisamment grave pour entraîner une mesure disciplinaire n’avait été porté à l’attention du Ministère de l’intérieur. Cependant, les organisations roms mais aussi la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance donnent une image de la situation des roms très différente et évoquent notamment des cas de harcèlement restés impunis. À l’évidence, la question du respect des droits des minorités n’est pas encore réglée et requiert une plus grande attention des autorités polonaises. On ne saurait en effet se contenter de constater, comme il est fait au paragraphe 455 du rapport, que la Commission européenne a déclaré que la Pologne menait une politique satisfaisante à l’égard de ses minorités nationales et ethniques (essentiellement vis-à-vis des Roms). C’est peut‑être effectivement le cas, mais les minorités concernées, et tout particulièrement les Roms, n’ont pas la même appréciation de la situation, ce qui traduit à tout le moins un défaut de communication entre les autorités de l’État et ces minorités. En ce qui concerne l’antisémitisme, problème de longue date en Pologne, M. Yalden voudrait savoir quelle perception en a la population polonaise et quelles mesures les autorités ont prises ou envisagent de prendre par le biais de l’éducation pour y mettre fin.

Pour ce qui est de la protection des droits des minorités sexuelles, dans le texte de ses observations finales concernant l’examen du quatrième rapport périodique de la Pologne, le Comité avait exprimé sa préoccupation au sujet de la suppression de la référence à l’orientation sexuelle dans le texte du projet de constitution, et on peut lire aujourd’hui au paragraphe 409 du rapport à l’examen que les autorités de l’État partie considèrent que cette préoccupation est sans fondement compte tenu de ce que la Constitution interdit toute discrimination pour quelque raison que ce soit. Peut‑être n’y a‑t‑il effectivement pas lieu de s’inquiéter, mais la suppression de la référence à l’orientation sexuelle est tout de même étonnante et a probablement une raison. M. Yalden souhaiterait entendre la délégation polonaise sur ce point et savoir quelles mesures ont été prises pour mettre fin à la discrimination à l’égard des homosexuels, qui n’est d’ailleurs pas propre à la Pologne. Il note en particulier que, d’après des organisations non gouvernementales, le Ministère de l’éducation recommanderait officiellement des manuels scolaires dans lesquels l’homosexualité serait présentée comme une perversion et une maladie. M. Yalden souhaiterait savoir si c’est exact et, le cas échéant, quelles mesures les autorités entendent prendre pour remédier à la situation.

En ce qui concerne les droits linguistiques des minorités, il apparaît qu’ils sont effectivement protégés par la loi (voir le paragraphe 441 du rapport), mais il est important de savoir si les personnes appartenant à une minorité nationale ou ethnique ont le droit d’utiliser leur propre langue dans leurs rapports avec l’administration dans les localités où cette minorité est fortement représentée.

M. SOLARI‑YRIGOYEN note que la Constitution garantit aux objecteurs de conscience la possibilité d’accomplir un service de remplacement et que l’autorisation d’accomplir ce service relève d’un conseil de révision de district. Il voudrait connaître la composition de ce conseil et savoir notamment s’il est formé de civils ou de militaires. La durée du service militaire a été apparemment ramenée à 12 mois, mais aucune indication n’a été fournie quant à la durée du service de substitution, et M. Solari‑Yrigoyen serait heureux d’entendre la délégation polonaise sur ce point. Par ailleurs, il relève qu’un grand nombre de demandes présentées par les candidats au service de substitution sont rejetées et voudrait en connaître les raisons. Les objecteurs de conscience ne sont manifestement pas toujours affectés immédiatement à ce service, et il serait bon de savoir combien attendent cette affectation et combien sont transférés dans la réserve. Enfin, M. Solari‑Yrigoyen demande si le projet de règlement d’application dont il est question au paragraphe 329 du rapport a été adopté et quelle en est la teneur.

Mme WEDGWOOD dit qu’elle a pris note de l’absence de statistiques sur le nombre d’enfants séropositifs contaminés par leur mère, résultant du fait que le nombre de femmes séropositives qui accouchent n’est pas recensé, et elle encourage les autorités polonaises à déployer des efforts plus soutenus pour améliorer la situation en matière de statistiques.

Mme Wedgwood a noté également que la communauté allemande de Silésie s’est vu refuser le droit de constituer une association en tant que minorité, mais elle ne voit guère ce qui justifie un tel refus aujourd’hui où les frontières de la Pologne et celles des autres pays européens sont stables et garanties. En ce qui concerne les droits de la minorité rom, elle fait sienne la préoccupation de M. Yalden et rappelle qu’il incombe à la fois à la communauté internationale et à chacun des États non seulement de prévenir les discriminations, mais aussi d’assurer la protection des droits des minorités. Elle relève que le Centre européen pour les droits des Roms a publié un rapport faisant état de refus d’enregistrement d’enfants roms par les municipalités et de plusieurs autres formes de discrimination à l’égard de cette minorité. À l’évidence, même si la législation contre la discrimination existe et offre en théorie la protection voulue, dans la pratique beaucoup reste encore à faire. Mme Wedgwood souligne en particulier que les profanations de cimetières juifs ne sont pas de simples actes de vandalisme mais bien des manifestations d’antisémitisme, que les autorités doivent traiter comme tels.

M. KÄLIN voudrait savoir comment est garanti dans la pratique le droit des étrangers retenus aux postes frontière de faire réexaminer par la justice la légalité de leur détention, conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

M. CASTILLERO HOYOS relève que le fait d’offenser le sentiment religieux est une infraction passible de trois ans d’emprisonnement et voudrait savoir si les autorités envisagent de supprimer l’infraction de calomnie et d’injure.

En ce qui concerne l’application de l’article 23 du Pacte, les étrangers qui veulent contracter mariage doivent apparemment justifier d’un permis de séjour, ce qui ne serait pas compatible avec les dispositions du paragraphe 2 de l’article 23. M. Castillero Hoyos souhaiterait entendre la délégation polonaise sur ce point et savoir également si le droit de fonder une famille est pleinement garanti aux étrangers.

Pour ce qui est des droits des minorités, le recensement qui a eu lieu en 2002 soulève un certain nombre de questions. En particulier, la règle de l’anonymat n’aurait pas été observée et les représentants des minorités affirment que les informations recueillies sont inexactes du fait que les personnes appartenant à une minorité avaient peur de donner tous les renseignements qui leur étaient demandés. La Fondation Helsinki pour les droits de l’homme affirme notamment que les agents recenseurs indiquaient souvent d’emblée la nationalité polonaise dans la rubrique «nationalité», qu’ils refusaient souvent d’enregistrer la nationalité qui leur était déclarée et qu’ils insistaient parfois pour que l’intéressé se déclare Polonais même s’il appartenait à une minorité.

Un autre sujet de préoccupation est celui des Allemands de Silésie, qui sont plus de 200 000 à se revendiquer membres de cette communauté, mais que les résultats du recensement ignorent. M. Castillero Hoyos voudrait savoir pour quelles raisons les autorités polonaises refusent le statut de minorité aux Allemands de Silésie.

En ce qui concerne les Roms, d’après les informations dont le Comité dispose, ils seraient victimes de violences ciblées et ne seraient pas protégés comme ils le doivent contre les manifestations de racisme. On a également rapporté des cas d’exactions à leur égard commises par les forces de l’ordre et les Roms sont apparemment victimes de discrimination dans plusieurs domaines d’accès à l’éducation, au logement, à l’emploi et aux prestations sociales. M. Castillero Hoyos serait heureux d’entendre les commentaires de la délégation polonaise sur tous ces points.

Le PRÉSIDENT invite la délégation polonaise à répondre aux questions qui ont été posées par les membres du Comité.

M. TOKARSKI (Pologne) indique, à propos des mécanismes de supervision de la garde à vue et de la détention, que les commissariats et les établissements pénitentiaires sont soumis à un contrôle. À la suite d’informations qui avaient été publiées par la Fondation Helsinki pour les droits de l’homme, les autorités polonaises ont entrepris en 2002 une vaste opération de contrôle des conditions et procédures appliquées en matière de garde à vue dans 188 commissariats. À l’issue de cette opération, le Ministère de l’intérieur a adressé en mars 2003 des instructions et recommandations aux responsables concernés. Le Ministère poursuit son action dans ce domaine.

En ce qui concerne le contrôle de la détention dans les établissements pénitentiaires, les détenus ont des contacts avec les représentants d’organisations religieuses et de plusieurs médias. Les juges, le Médiateur, les représentants de la Fondation Helsinki pour les droits de l’homme et d’autres institutions peuvent leur rendre visite. Le droit d’adresser une plainte aux autorités compétentes leur est également pleinement garanti. En 2003 et 2004, différentes organisations indépendantes ont effectué plus de 300 visites de centres de détention. D’une façon générale, le mécanisme de supervision a permis de constater de légères irrégularités, mais les plus récentes remontent à deux ans.

M. SZYDLOWSKI (Pologne), revenant sur la question de la surpopulation carcérale, indique qu’en théorie chaque détenu doit disposer d’un espace de 3 m2. Dans la pratique, cette norme est de 2,7 m2. Les deux établissements les plus surpeuplés n’offrent que 2,2 m2 par détenu et enregistrent un taux de surpopulation de 40 %. Environ 79 000 personnes sont détenues dans les 7 000 établissements pénitentiaires que compte la Pologne. Pour offrir 3 m2 à chaque détenu, il faudrait créer 2 000 établissements supplémentaires. La surpopulation carcérale avait diminué entre 1999 et 2001, avant d’augmenter à nouveau pour culminer au début de 2003 (83 000 détenus). En 2004, la tendance s’est à nouveau inversée et le taux global moyen de surpopulation carcérale est aujourd’hui de 14 %. La promiscuité est à l’origine d’actes d’agression, qui augmentent proportionnellement à la surpopulation carcérale. Les prisons polonaises étant moins surpeuplées en 2004 qu’en 2003, le nombre des agressions a donc également diminué. Pour ce qui est des espaces de loisirs qui auraient été supprimés dans certains établissements pour permettre d’augmenter le nombre des cellules, M. Szydlowski confirme que des espaces de loisirs ont disparu pour faire place à 4 000 cellules supplémentaires. Des espaces de loisirs seront réinstallés dès que possible et il est prévu de construire de nouveaux établissements qui offriront 10 000 cellules supplémentaires; si le calendrier des travaux est respecté, l’achèvement de ce projet permettra de régler le problème de la surpopulation carcérale d’ici à cinq ans.

M. RZEMIENIEWSKI (Pologne) dit que les autorités sont conscientes du fait que les minorités doivent pouvoir utiliser leur langue maternelle pour les communications avec les administrations publiques. Un projet de loi introduisant l’usage des langues régionales dans ces communications est à l’examen et en attente d’adoption. C’est en Silésie que se trouve la majorité des membres de la minorité allemande, mais ils sont aussi présents dans d’autres régions du pays. Cette minorité bénéficie d’une attitude positive, et jouit même de conditions préférentielles dans l’attribution des sièges au Parlement, ce qui favorise leur participation à la vie politique. Lors du dernier recensement national, quelque 170 000 citoyens se sont déclarés Silésiens, mais de même que de très nombreux autres groupes, ils ne sont pas considérés comme des minorités ethniques ou nationales, seuls 13 groupes répondent aux critères définis, et les Silésiens n’en font pas partie. Il est vrai que des irrégularités ont été constatées dans le déroulement de ce recensement. Elles ont été dénoncées à l’autorité indépendante chargée de l’organisation du recensement et le Bureau national de statistique a procédé aux vérifications nécessaires avec le sérieux voulu pour que l’on puisse affirmer que les résultats finals ne sont pas faussés.

Les autorités sont animées de la même volonté de s’attaquer aux manifestations d’antisémitisme et aux violences faites à la communauté rom. Il y a effectivement eu des cas de profanation de cimetières et lieux de culte juifs, qui ont systématiquement donné lieu à une enquête. La communauté rom est certainement le groupe le plus menacé du pays, raison pour laquelle les pouvoirs publics et les représentants de cette communauté maintiennent des contacts permanents afin d’analyser de façon continue les problèmes dont ils ont à se plaindre. Les Roms font un large usage de la possibilité qui leur est donnée de s’adresser au Médiateur et chaque fois qu’ils le font, le Ministère de l’intérieur est avisé et donne des consignes aux services de police pour qu’ils traitent ces plaintes avec le plus grand sérieux. L’accès à l’éducation et aux soins de santé est un volet important d’un programme en faveur des Roms mis en œuvre et dont on espère des progrès importants. Il est vrai que jusqu’à récemment, les Roms pouvaient être scolarisés dans des classes qui leur étaient exclusivement réservées, mais ce type de classe n’existe plus qu’en très petit nombre et est appelé à disparaître complètement sous peu. Les Roms figurent au premier rang des priorités du Gouvernement, qui a notamment créé au sein du Groupe spécial des minorités nationales une équipe spéciale pour les Roms, constituée de représentants de toutes les organisations roms et des représentants de différentes institutions publiques.

Mme WANTOLA‑SZUMERA (Pologne) explique qu’aucun manuel scolaire ne peut être publié avant d’avoir été autorisé à l’issue d’une procédure d’examen par des personnalités extérieures, représentant notamment l’Académie des sciences et l’Académie des lettres, chargées de vérifier que ces manuels sont bien conformes non seulement aux programmes scolaires mais aussi aux normes juridiques internes et internationales. Le Ministère de l’éducation contrôle ensuite les manuels autorisés et a d’ailleurs ordonné le retrait d’un des manuels utilisés pour la matière «éducation familiale» et de nouveaux auteurs ont été pressentis pour rédiger un nouveau manuel.

M. PILASZKIEWICZ (Pologne) dit que pendant l’examen des demandes de statut de réfugié − procédure qui légalement ne devrait pas excéder six mois et dans la pratique n’a jamais dépassé huit mois −, les intéressés sont hébergés dans des centres pour réfugiés. Le pays en compte 13, tous situés à moins de 100 km de Varsovie, ce sont des centres ouverts, dans lesquels les personnes sont libres de leurs mouvements. Les conditions d’habitation y sont bonnes; il existe des pièces individuelles, des chambres spéciales pour les mineurs non accompagnés et des appartements pour les familles. On trouve dans chacun de ces centres un médecin, un psychologue, un réfectoire. Le HCR peut y entrer librement aussi souvent qu’il le souhaite et n’est nullement limité dans ses contacts avec les demandeurs du statut de réfugié. Le Bureau du HCR n’est situé qu’à une centaine de mètres du Bureau national des étrangers et du rapatriement, symbole de leurs relations d’étroite coopération. Toute personne hébergée dans un centre pour réfugiés reçoit un pécule pour subvenir à ses besoins essentiels. Les personnes retenues aux points de passage de la frontière peuvent exercer leur droit de recours en justice et en sont informées, même s’il est vrai qu’elles font rarement valoir ce droit.

La loi sur les étrangers permet aux étrangers en situation régulière de faire venir leur famille proche, c’est‑à‑dire leur conjoint et leurs enfants, au titre du regroupement familial. Pour ce faire, ces derniers doivent obtenir un visa et entrer légalement sur le territoire. Une dizaine de mariages ont été refusés au motif que l’une des deux personnes désirant se marier n’avait pas le statut de résident légal en Pologne, mais les intéressés ont fait recours; ils ont eu gain de cause et les mariages ont été célébrés.

Mme KAPILEWICZ (Pologne) dit que la lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle relève depuis deux ans du représentant spécial du Gouvernement pour l’égalité de l’homme et de la femme. Le principal moyen d’action dans ce domaine est la sensibilisation de la population. Le représentant spécial du Gouvernement a notamment apporté son soutien à un défilé contre la discrimination à l’égard des homosexuels et aidé plusieurs organisations non gouvernementales travaillant dans ce domaine, notamment à publier des documents. Le représentant spécial est intervenu directement à deux occasions: la première fois, à la demande d’une organisation non gouvernementale, il a fait retirer la question portant sur l’orientation sexuelle des questionnaires à remplir avant tout don de sang, et la seconde, il est intervenu auprès des services postaux pour faire cesser la distribution de tracts qui appelaient à la discrimination contre les homosexuels. La campagne contre l’homophobie s’appuie aussi sur des conférences ou des publications. Toutefois les autorités n’ignorent pas que la lutte contre les préjugés à l’égard des homosexuels est un travail difficile qui ne pourra s’inscrire que dans le long terme.

M. SZEMPLINSKA (Pologne) indique qu’une nouvelle réglementation est entrée en vigueur en 2004 en vertu de laquelle les demandes de service civil de remplacement sont examinées non plus par les conseils de révision mais par des commissions, composées de plusieurs experts et d’une personne issue de l’Église. C’est parce que l’on vérifie que les demandes sont bien motivées par des considérations morales ou religieuses qu’il n’est répondu favorablement qu’à une faible proportion d’entre elles. Le service civil de remplacement dure 18 mois, contre 12 mois seulement pour le service militaire, mais ce dernier comporte des obligations que ne comporte pas le service civil: ceux qu’ils l’ont effectué sont réservistes pendant les neuf mois qui suivent le service militaire et mobilisables jusqu’à leur cinquantième anniversaire. Il est à noter enfin que 4,3 % des personnes prenant un congé parental sont des hommes.

M. SKOWRONSKI (Pologne) dit qu’il est impossible d’imposer une mesure d’isolement dans le cas de quelqu’un qui n’a pas été jugé: à ce stade, d’autres mesures doivent être utilisées, comme la garde à vue ou la saisie du passeport. La proportion des individus inculpés qui sont placés en détention provisoire n’est pas excessive puisqu’elle est d’environ 5 %.

Depuis mars 2002, la nouvelle loi sur la police fait obligation au Procureur général de soumettre annuellement au Parlement (chambre basse et Sénat) un rapport sur les activités de la police, traitant notamment des écoutes et enregistrements téléphoniques auxquels il a été procédé, sur décision judiciaire.

M. BRATKIEWICZ (Pologne) dit que son pays n’a pas le moindre doute quant au fait que le Pacte s’applique aussi dans des situations telles que celles qui prévalent actuellement en Iraq. Cela étant, la Pologne n’a guère de droit de regard sur ces situations puisqu’elle n’intervient en Iraq qu’en qualité d’État coopérant; si elle participe aux forces de stabilisation, la Pologne n’a aucun pouvoir d’administration d’aucune sorte et se limite à coopérer avec les militaires iraquiens et les autorités locales intérimaires, dans le respect des dispositions du Pacte.

Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses réponses. Il relève la compétence des délégués envoyés par l’État partie, qui est à la mesure des efforts que celui-ci déploie pour instaurer l’état de droit. Il a pris note notamment des importants programmes mis en œuvre pour lutter contre la discrimination, et il suivra aussi avec un intérêt tout particulier sa démarche vers l’abolition de la peine de mort, avec l’espoir que le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte et le Protocole n° 13 à la Convention européenne des droits de l’homme seront ratifiés sous peu.

La situation des minorités continue à susciter à la fois l’attention et la préoccupation du Comité, tout comme l’antisémitisme, dont on sent que la tentation est bien réelle, ou encore les violences au sein de la famille. En ce qui concerne l’avortement, le pays est dans une situation intenable que les convictions religieuses ne peuvent plus justifier. Dans ses observations finales, le Comité insistera aussi sur la condition de la femme, la durée de la procédure judiciaire et l’applicabilité extraterritoriale du Pacte.

M. KROLAK (Pologne) déclare que son pays et le Comité poursuivent un objectif commun et que la réussite du dialogue qui s’achève est un succès partagé. De la même manière, les progrès accomplis par le pays sont à mettre autant au crédit de ses autorités qu’à celui de sa société civile. La participation des femmes à la vie publique ne cesse de s’améliorer, tout comme leur présence dans le système judiciaire. On retiendra à ce sujet que quatre des dix présidents de Cour d’appel sont des femmes. Le rôle de garant des droits fondamentaux qui revient au système judiciaire est maintenant pleinement reconnu, c’est pourquoi les ressources qui lui sont allouées ont augmenté de près de 50 % entre 2002 et 2004. Pour terminer ce débat des plus constructifs, il précise qu’aucune violation des droits de l’homme commise par un Polonais n’a été signalée en Iraq.

La délégation polonaise se retire.

La séance est levée à 13 heures 10.

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