Quatre-vingt-douzième session

Compte rendu analytique de la 2521e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 25 mars 2008, à 10 heures

Président :M. Rivas Posada

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Panama(suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Panama (CCPR/C/PAN/3; CCPR/C/PAN/Q/3 et Add.1) ( suite)

À l ’ invitation du Président, les membres de la délégation du Panama prennent place à la table du Comité.

Le Président invite la délégation à traiter les points qui n’ont pas été couverts dans les réponses aux questions posées par le Comité à la séance précédente.

M. Castillero Correa (Panama), abordant la question des réfugiés, dit qu’un certain nombre de personnes ont fui le conflit en Amérique centrale dans les années 70 et se sont réfugiées au Panama, où elles se sont ensuite intégrées, souvent en se mariant. Une législation a été élaborée, en consultation avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui concerne essentiellement les personnes réfugiées depuis 30 ans, mais inclut aussi les personnes reconnues comme étant réfugiées depuis 10 ans seulement, de manière à régulariser leur situation. L’expulsion n’est pas prévue par cette loi, le rapatriement étant exclusivement volontaire. Aucun registre particulier concernant les naturalisations n’est immédiatement disponible, mais des données seront communiquées ultérieurement au Comité, par écrit. Aucune décision n’a encore été prise s’agissant de déterminer si les conditions exigées aux fins de la naturalisation, énoncées à l’article 12 de la Constitution, en particulier en termes de santé, de moralité, de sécurité et de handicap, constituent une discrimination au sens du Pacte, mais il est fort possible que l’on envisage d’amender la Constitution, en particulier à la lumière des travaux du Comité. Le Code de la famille comme le Code du travail protège les droits des femmes enceintes. Des recherches complémentaires doivent être menées afin de déterminer si les femmes enceintes sont victimes d’actes discriminatoires spécifiques, notamment dans le domaine de l’emploi.

Passant à la question de la Commission Vérité, l’orateur déclare que sur 110 cas avérés, 67 ont déjà fait l’objet d’une procédure judiciaire; dans les 43 autres cas, il n’a pas été possible d’engager des poursuites. Pour permettre à la Commission de poursuivre ses activités, un enquêteur spécial chargé de la question des disparitions forcées a été nommé, et le budget et l’appui nécessaires lui ont été accordés. Aucune prescription ne s’applique aux crimes contre l’humanité ni aux actes de terrorisme.

Pour ce qui est des droits des populations autochtones, le Panama étudie la possibilité de ratifier la Convention de 1989 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (Convention no169) de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Cinq zones, appelées « comarcas », ont été attribuées aux populations autochtones, sur un tiers du territoire national. Le Gouvernement étudie actuellement le texte d’une loi-cadre sur les droits fonciers ancestraux de ces populations. Le Registre national d’état civil, créé en 2006, garantit les droits de l’homme correspondants, y compris ceux qui sont reconnus dans les conventions internationales ratifiées par le Panama, et les autorités locales sont tenues par la loi d’aider les greffiers auxiliaires du pays à veiller à l’enregistrement des naissances et des mariages.

Passant à la question de la torture, M. Sandoval (Panama) souligne que cette pratique est interdite par la loi et que les informations obtenues en y recourant ne sont pas recevables à titre de preuve par les tribunaux. Pour ce qui est de la détention provisoire, le nouveau Code de procédure pénale, qui constitue un élément essentiel de la réforme en cours du système de justice pénale, donnera aux juges plusieurs choix quant aux mesures à prendre, de manière à alléger la charge qui pèse sur les tribunaux. Aux termes du Code pénal actuellement en vigueur, les lois pénales ne sont appliquées que lorsqu’il n’existe aucun autre moyen de contrôle social. S’agissant des enquêtes sur le personnel pénitentiaire accusé de recourir à la torture, et des sanctions à leur encontre, la police nationale est tenue de s’acquitter de ses devoirs de manière professionnelle et de ne pas se livrer à des actes de torture ou à d’autres actes cruels, inhumains ou dégradants. Tout policier accusé de tels actes s’expose à des sanctions, voire à un renvoi à l’issue d’une enquête à deux degrés. La détention provisoire par la police est autorisée pour une durée de 24 heures au maximum, dans le cas d’infractions ne relevant pas du droit pénal et seulement à titre exceptionnel. Les personnes détenues au titre d’arrangements provisoires doivent être transférées afin de garantir la régularité de la procédure; les procureurs ont reçu des instructions à cet égard. Les articles 827 et 828 du Code administratif sont repris dans la loi no22 de 2005 et ne peuvent donc servir à justifier la détention.

En réponse à la question concernant le recours en habeas corpus, l’orateur reconnaît la lenteur du traitement des demandes d’accès à ce recours constitutionnel, en même temps que la nécessité d’accroître l’efficacité du système de justice panaméen, qui est saturé. Un certain nombre de magistrats supplémentaires ont récemment été nommés afin de réduire le nombre de demandes en souffrance, et la Cour suprême a décidé il y a peu que tous les recours en habeas corpus devaient être traités dans un délai d’une semaine. Les conseils officiellement désignés pour défendre les personnes déférées en justice offrent les mêmes garanties que les avocats privés et sont pleinement compétents pour examiner les accusations. Des dispositions permettent en outre d’augmenter le nombre de ces magistrats et de leur fournir un appui technologique accru. Un programme consacré à la gestion des conflits s’inscrit également dans le cadre de la réforme de la justice engagée par le Président de la République; des procédures de règlement des différends ont donc été mises en place, grâce à un financement de la Banque interaméricaine de développement. L’orateur présente au Comité une description générale du fonctionnement du système de justice, ainsi que les données statistiques demandées.

Sir Nigel Rodley dit qu’il avait cru comprendre que, aux termes du nouveau Code pénal, un médecin ne peut refuser de pratiquer un avortement pour des raisons de conscience, mais que les réponses écrites (CCPR/C/PAN/Q/3/Add.1) semblent suggérer le contraire. Il demande donc des clarifications. Il serait également utile de disposer de données statistiques, entre autres, sur les mauvais traitements infligés aux prisonniers et les mesures prises pour les prévenir. Enfin, l’orateur demande si l’État partie envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Tuñon (Panama) précise qu’à l’issue de réunions de haut niveau tenues au Ministère des affaires étrangères au sujet des avantages de la ratification de ce Protocole facultatif, la question a été renvoyée au Département des traités, qui a engagé un processus de consultation devant aboutir à la ratification de cet instrument.

M me Rodríguez (Panama), apportant des clarifications au sujet de l’article 142 du nouveau Code pénal, indique que, nonobstant le droit d’un médecin à exprimer son objection de conscience pour des motifs moraux ou religieux ou pour d’autres motifs afin d’être dispensé de participer à une procédure d’avortement, il n’est pas interdit à un autre professionnel de la santé de procéder à l’avortement en question.

Le Président invite la délégation à répondre aux questions 14 à 24 de la liste.

M. Tuñon (Panama), répondant à la question 14, renvoie à l’article 52 de la loi sur le Registre d’état civil, qui énonce les conditions relatives à l’autorisation de célébrer des mariages. Cette autorisation a été étendue aux représentants de plusieurs obédiences religieuses, outre les autorités pertinentes de l’État. Passant à la question 15, il déclare que la liberté de religion existe à Panama, sous réserve des impératifs de la morale chrétienne et de l’ordre public. Il n’y a donc pas à cet égard incompatibilité avec l’article 18 du Pacte. En ce qui concerne les cours de catéchisme, visés à la question 16, il n’est pas vrai qu’ils sont obligatoires dans les écoles publiques; ils font partie du programme scolaire mais sont dispensés par l’Église catholique et la participation est volontaire.

M. Caballero (Panama), répondant à la question 17, souligne que la Constitution de Panama garantit pleinement les droits à la liberté de réunion et à la liberté d’expression. À Panama, le droit de libre passage des tierces personnes est cependant régulièrement compromis à l’occasion de manifestations publiques qui bloquent les principales voies d’accès et sont souvent violentes et associées à des actes de vandalisme. La police est alors responsable d’assurer le droit de libre passage des tierces personnes, ce qu’elle essaie d’obtenir d’abord en dialoguant avec les manifestants et en dernier ressort par le recours légitime à la force, conformément aux normes nationales et internationales.

M. Gómez (Panama), répondant lui aussi à la question 17, dit qu’il voudrait insister sur le fait que les unités de police antiémeute chargées d’assurer le droit de libre passage des tierces personnes durant les manifestations publiques ont appris aux côtés d’équipes pluridisciplinaires à gérer ce type de situation tout en appliquant les principes de la tolérance, de la politique humanitaire et du respect de la légalité. Le Panama continuera de garantir le droit de libre passage qui appartient à tous les Panaméens.

Passant à la question 18, l’intervenant fait observer que, puisqu’il a estimé que la diffamation est liée au droit à l’information, le corps législatif a adopté la loi No1 du 5 janvier 1998, portant création d’une juridiction supérieure et spéciale pour les juges saisis d’affaires de diffamation impliquant des journalistes, établissant ainsi une distinction entre ces juges et ceux qui sont saisis d’affaires entre particuliers. Entre 2005 et 2008, 69 journalistes ont ainsi été accusés de diffamation; l’un d’eux a été acquitté et 12 procès ont eu lieu, qui ont abouti à 17 suspensions provisoires d’instance et à sept suspensions permanentes d’instance. La délégation panaméenne communiquera au Comité, s’il le souhaite, des statistiques relatives à d’autres périodes.

M me Rodríguez (Panama) déclare qu’aux termes de l’article 807 du Code panaméen de la famille, le tribunal peut ordonner d’office et faire exécuter, aux fins du versement effectif de la pension alimentaire (question 19), la déduction directe du salaire de l’obligé en faveur du bénéficiaire. Si l’employeur auquel il incombe de procéder à cette déduction directe ou à la saisie manque à son devoir, il répond conjointement de l’obligation de verser une aide, sans préjudice de toute pénalité à laquelle il peut s’exposer pour entrave à la bonne marche de la justice. Le tribunal de première instance, agissant d’office ou à la demande d’une partie, peut condamner, pour entrave à la bonne marche de la justice par obstruction, l’obligé qui ne s’est pas exécuté par exemple s’il refuse de mauvaise foi de verser une pension alimentaire. En outre, l’article 206 du Code pénal dispose que quiconque refuse d’assumer son obligation de verser une pension s’expose à une peine d’emprisonnement d’une à trois années. S’agissant des mesures prises pour protéger les enfants victimes du non-respect des obligations en matière de pension alimentaire, le Ministère du développement social a énoncé des orientations à l’intention des familles quant aux voies de droit pertinentes dont elles disposent. Enfin, une aide peut être obtenue auprès du Département de l’enfance et de l’adoption pour les enfants qui vivent dans des établissements d’accueil ou bénéficient de programmes de soins.

Passant à la question 20, l’intervenante appelle l’attention sur l’adoption du décret no19 du 12 juin 2006, qui énumère les types d’emploi dangereux, en vue de lutter contre les pires formes de travail des enfants; l’emploi comme domestique entre dans cette catégorie. Le Ministère du travail a créé au sein du département national de l’inspection du travail une division chargée de détecter les cas de travail des enfants et de s’en saisir. Il a en outre été constitué un réseau national d’experts chargés de détecter et de prévenir le travail des enfants. Actuellement, 9,4 % de la population active âgée de 5 à 17 ans exerce un emploi domestique; parmi ce groupe, 17,9 % sont des jeunes garçons et des jeunes filles autochtones. Au total, 47 976 enfants travaillent d’une manière ou d’une autre au Panama, davantage parmi les garçons que parmi les filles, les zones rurales affichant des chiffres plus élevés que les zones urbaines. La grande majorité des enfants concernés travaillent en moyenne 26 heures par semaine, ce qui reste dans les limites fixées par la loi.

Le Gouvernement panaméen poursuit une stratégie sur plusieurs fronts pour résoudre le problème du travail des enfants. Le Département de l’enfance exécute plusieurs programmes destinés à prévenir le travail des enfants, à faire face à ce problème et à l’éliminer, notamment au moyen de patrouilles de rues, d’une permanence téléphonique et du programme « Safe Steps », offrant des services d’encadrement et de conseil adaptés aux besoins particuliers des enfants menacés et de leurs familles. En vertu d’un accord avec des entreprises privées visant à élaborer une politique de responsabilité sociale des entreprises, la compagnie d’assurances ASSA offre des bourses d’études aux enfants, permettant ainsi d’assurer la continuité de leur progrès social et scolaire. En outre, l’Institut de formation et d’utilisation des ressources humaines a mis en place un projet conçu pour éliminer le travail des enfants en offrant des bourses d’études aux enfants menacés; en 2006 et 2007, le nombre de bourses ainsi allouées s’est élevé à 2 174 et 2 852, respectivement. Le Ministère de l’éducation a de plus ouvert dans les zones frontalières des écoles à classe unique essentiellement à l’intention des populations rurales et autochtones, et a ainsi pu garder dans le système scolaire, en 2006 et 2007, 2 215 élèves. Un autre problème résultant du travail des enfants est l’analphabétisme : d’après les programmes de protection sociale du Gouvernement, quelque 3 056 enfants de 6 à 17 ans ne sont pas intégrés dans le système éducatif; ils sont désormais pris en charge grâce à une campagne d’alphabétisation et devraient ensuite être pleinement intégrés.

M. Caballero (Panama), répondant à la question 21, déclare qu’après avoir ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le Panama a incorporé au droit interne les normes nécessaires. Ainsi, l’article 177 du Code pénal prévoit une peine de quatre à six années d’emprisonnement pour quiconque facilite de quelque manière que ce soit l’entrée dans le pays, la sortie du pays ou le passage en transit dans le pays, d’une personne de sexe masculin ou féminin pour la forcer à se livrer à une activité sexuelle illégale rémunérée ou à l’esclavage sexuel. Les sanctions sont considérablement plus lourdes lorsque ces délits impliquent des mineurs. La loi ne traite pas de l’utilisation de visas aux fins de l’exploitation sexuelle d’immigrants, mais il est interdit à toute personne ayant passé un contrat avec des étrangers pour qu’ils viennent travailler au Panama de garder les documents personnels des intéressés; un mécanisme de contrôle est déjà en place pour surveiller cette pratique. La nouvelle loi relative à l’immigration autorise tout étranger entrant au Panama à changer de catégorie de migrant conformément aux lois en la matière, et prévoit aussi d’autres catégories de migrant. Les personnes qui ont un visa de travail au Panama sont tenues de se présenter régulièrement au Service de l’immigration, ce qui facilite aussi l’identification des victimes de la traite. Le cas échéant, la loi habilite le Service de l’immigration à prendre des mesures de prévention et de protection. En outre, le service national responsable de l’aide aux victimes est autorisé à mener des campagnes éducatives afin d’empêcher que la traite ne fasse de nouvelles victimes. La loi encourage par ailleurs la coopération internationale aux fins de prévenir et de réprimer la traite et l’exploitation sexuelle grâce aux échanges entre l’État et les organismes internationaux. Une législation récemment adoptée par le Panama fait spécifiquement référence à la traite et à la nécessité de prendre entièrement en charge les victimes de ce crime.

M me Rodríguez (Panama), se référant à la question 22, dit que diverses mesures ont été prises pour améliorer la situation des populations autochtones, notamment des lois et des décrets relatifs à la promotion de la culture, des langues et des activités autochtones.

S’agissant de la question 23, l’intervenant rappelle l’existence d’un projet de loi-cadre prévoyant la protection des territoires autochtones qui ne sont pas encore juridiquement protégés en tant que « comarcas ». L’adoption de la loi relative aux « comarcas » a également été soumise à l’examen des membres de la société civile. En réalité, le projet de loi-cadre permet simplement d’attribuer des terres aux populations autochtones par le biais des procédures qu’elle instaure, mais elle ne fait pas état des autorités traditionnelles; le texte ne dit rien non plus de l’éducation et de l’administration de la justice. La loi-cadre est utile dans le cas des terres collectives, qui ne sont pas contigües, et pour la communauté Ngöbe. Elle est par ailleurs la solution la plus acceptable pour les Kunas de Darién, les Bribis et les Nasos compte tenu de leur cohésion sociale et culturelle et de la contigüité de leur territoire.

M. Sandoval (Panama), répondant à la question 24, indique qu’il a été organisé durant l’été 2006, à l’initiative du Gouvernement, un atelier sur la sensibilisation aux institutions et la rédaction de rapports destinés aux organes conventionnels, en raison de la préoccupation que suscitent pour le Gouvernement les retards accumulés dans ce domaine. Le Panama comprend qu’il est souhaitable que les rapports soient rédigés avec les représentants de la société civile pour des raisons d’objectivité, mais les contraintes liées aux délais n’ont pas permis une telle concertation dans le cas du troisième rapport périodique. Celui-ci a été établi à partir des informations communiquées et examinées par une équipe de fonctionnaires spécialisés dans leur domaine, les préoccupations de la société civile ayant été exprimées par l’intermédiaire du Bureau du Médiateur. Le Panama cherche des moyens d’assurer la participation constructive des organisations non gouvernementales à l’élaboration de ses futurs rapports périodiques et, dans l’intervalle, reste à l’écoute de leurs préoccupations.

M. Pérez Sánchez-Cerro dit que, s’il apprécie les informations détaillées qui ont été fournies au sujet du travail des enfants, il s’inquiète toutefois du fait que le Panama n’ait pas adopté de législation incriminant spécifiquement l’exploitation sexuelle des enfants; il n’est pas clair que le Code pénal révisé contiendra des dispositions à cet égard. Le Panama n’a pas pris les mesures demandées dans la Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants, qui dispose que les États doivent prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants. Le Code de la famille ne semble pas expressément interdire la traite des enfants, et l’orateur se demande donc s’il existe un code des mineurs ou si la nouvelle version du Code pénal inclut un chapitre sur l’incrimination de la traite des enfants.

M. Khalil dit que bien que le droit de réunion pacifique soit reconnu dans la Constitution du Panama, il n’est pas toujours protégé dans la pratique. Personne n’approuve l’installation de barrages routiers et la destruction de biens comme moyens de protestation. Cependant, si l’État a le droit de réglementer les manifestations publiques dans l’intérêt de la sécurité publique, conformément à l’article 21 du Pacte, les restrictions imposées ne doivent pas violer le droit de réunion pacifique. Pour ce qui est de la question 18, dans laquelle le Comité demande si le délit de diffamation a été retenu contre des journalistes, l’intervenant dit qu’il reste préoccupé par le fait que les lois relatives au délit de diffamation peuvent être appliquées pour réprimer les critiques visant des personnalités publiques, et que les journalistes continuent d’être injustement poursuivis. Il appelle également l’attention sur le paragraphe 593 du rapport, où sont clairement exposés les problèmes qui se posent lorsque les parents manquent à leur obligation de verser une pension alimentaire. Le délai d’attente de plus de deux mois avant que l’autorité saisie puisse convoquer la partie délinquante signifie qu’il n’est pas pourvu à de nombreux besoins essentiels des enfants concernés. L’intervenant souhaite avoir des précisions sur la manière dont la législation relative aux pensions alimentaires est appliquée. Il souhaite également des détails sur les affaires dans lesquelles un parent prestataire d’aliments est au chômage et dans l’incapacité d’effectuer les paiements requis.

Prenant note de l’importance que le Gouvernement attache à l’interdiction de l’emploi d’enfants âgés de moins de 14 ans, comme l’indique la réponse écrite à la question 20, l’intervenant demande si l’arrêt du 30 novembre 1995 auquel il est fait référence à la page 41 des réponses écrites à la liste de questions (CCPR/C/PAN/Q/3/Add.1) a eu une incidence sur la disposition du Code de la famille aux termes de laquelle les mineurs âgés de 12 à 14 ans sont autorisés à effectuer des travaux agricoles et domestiques. Selon le décret du 12 juin 2006 relatif à la lutte contre les pires formes de travail des enfants, le travail des enfants demeure un grave problème au Panama. L’intervenant souhaite recevoir des données sur le nombre de femmes employées comme domestiques. Il n’est pas clairement indiqué si les salaires qu’elles perçoivent leur permettent de couvrir leurs besoins essentiels, ni si elles disposent de moyens de déposer des plaintes. Enfin, l’intervenant félicite le Gouvernement pour son approche de l’éducation des enfants, qui est la meilleure manière pour un pays en développement, comme le Panama, de briser le cercle vicieux de la pauvreté.

M. Johnson, revenant à la question 21, demande si les autorités ont procédé à des enquêtes sur le recours aux visas d’artiste aux fins de la traite et de l’exploitation sexuelle des migrants. Dans l’affirmative, il serait utile de savoir si des coupables ont été identifiés et quelles ont été les sanctions imposées. Des informations sont également nécessaires sur les pays d’origine des soi-disant artistes.

M me Motoc dit qu’elle souhaiterait beaucoup avoir des précisions sur l’action menée par le Panama pour promouvoir les droits des personnes handicapées et sur la manière dont cette action a touché les populations autochtones, qui comptent un grand nombre de handicapés. Elle s’interroge sur les raisons pour lesquelles le Panama n’a pas ratifié la Convention No169 de l’OIT et sur l’existence d’obstacles. Elle demande par ailleurs si un organisme national est chargé de coordonner et de suivre l’application des diverses politiques régionales relatives aux populations autochtones. Il est en outre nécessaire de consulter ces populations, et d’obtenir leur consentement préalable libre et éclairé s’agissant des grands projets qui ont des incidences pour elles, comme la construction de barrages hydroélectriques. Des clarifications s’imposent aussi quant aux rapports des ONG selon lesquels des autochtones sont expulsés de leurs terres. Des informations complémentaires concernant la politique du Gouvernement à l’égard des communautés autochtones les plus défavorisées, comme les Nasos, seraient également utiles.

M.  La llah dit que le Gouvernement ne promeut pas suffisamment les intérêts des populations autochtones, et reconnaît dans son propre rapport que les ressources dégagées par l’État ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins essentiels des groupes ethniques en question. Il est important même pour un pays aux ressources limitées d’accorder à ses citoyens les plus vulnérables une attention prioritaire. Les communautés autochtones comptent parmi les plus défavorisées, et des populations comme les Nasos, entre autres, sont durement touchées par les travaux publics et les projets de construction. Le mal qui leur est fait ne pourra pas être réparé. Le tourisme résidentiel dans les zones autochtones est également très néfaste pour le mode de vie des habitants, et les activités minières, comme à Los Santos, ont elles aussi détruit irréversiblement l’environnement et le style de vie locaux.

M me Palm dit que, pour ce qui est du droit qu’ont les femmes d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, à la fonction publique du pays – en dépit d’une législation fixant à 30 % le quota obligatoire de femmes sur les listes de candidats aux bureaux de partis, de candidats au Cabinet et d’administrateurs des organes autonomes et semi-autonomes – l’objectif est loin d’être atteint. On compte actuellement seulement trois femmes parmi les 15 ministres, et huit hommes contre une femme parmi les juges de la Cour suprême et d’autres exemples encore peuvent être cités. L’intervenante se demande quelles mesures l’État partie a prises pour tenir ces quotas, notamment quelles mesures de discrimination positive, pour promouvoir une réelle égalité entre hommes et femmes. Sur le marché du travail, celles-ci sont victimes de discrimination prenant différentes formes. Les salaires sont plus élevés parmi les hommes que parmi les femmes pour un travail égal. Des clarifications sont demandées concernant les informations selon lesquelles il est ordinairement demandé aux femmes, lorsqu’elles passent un entretien d’embauche, de faire un test de grossesse. Cette pratique constitue une ingérence illégale dans la vie familiale et privée des femmes, en violation de l’article 17 du Pacte. Les femmes se trouvent ainsi exclues du marché du travail.

L’intervenante juge également préoccupant qu’il soit fait état d’un nombre croissant de cas de violence conjugale ou familiale à l’encontre des femmes au Panama en 2007. Dans un grand nombre de ces cas, les femmes ont été tuées par leur ancien partenaire. Il semble qu’elles ont craint de déposer plainte contre leur agresseur, du fait que la police les ignorait ou les maltraitait. Lorsqu’elles ont déposé plainte, les mécanismes destinés à les protéger se sont avérés insuffisants. De nombreuses femmes ont été tuées après avoir dénoncé ceux qui leur infligeaient des violences. L’intervenante souhaite des informations sur les mesures spécifiques prises par l’État partie pour réprimer la violence conjugale, par exemple des statistiques sur le nombre de poursuites engagées et de personnes condamnées, et sur les peines encourues, seraient utiles. On note aussi le manque de foyers d’accueil pour femmes battues; le seul foyer géré par l’État n’offre pas une protection suffisante et les conditions de vie y sont si déplorables que les femmes préfèrent ne pas faire ce choix. Le Bureau du Médiateur a par ailleurs demandé l’ouverture d’un plus grand nombre de foyers, et l’intervenante demande si le Gouvernement prévoit d’en ouvrir de nouveaux et d’améliorer les conditions de vie dans celui qui existe déjà.

M. Amor dit que les réponses de la délégation panaméenne aux questions du Comité sont franches, détaillées et utiles. Le travail des enfants suscite des inquiétudes, et il demande des précisions concernant le taux de scolarisation des enfants, en particulier parmi les autochtones, si la scolarisation est obligatoire et jusqu’à quel âge. Les enfants qui travaillent exercent fréquemment des emplois de domestique qui, même pour des adultes, sont souvent proches de l’esclavage au sens de l’article 8 du Pacte. Bien que le Gouvernement se soit efforcé d’y mettre fin en recourant à la surveillance et aux inspections, il n’a pas pris de mesures énergiques pour protéger les droits des enfants concernés et des employés de maison en général.

Pour ce qui est de la référence à la moralité chrétienne et à la reconnaissance du catholicisme comme étant la religion pratiquée par la majorité des Panaméens (par. 501 du rapport), le fait qu’une religion soit reconnue comme religion d’État ou que la majorité de la population en soit adepte ne pose aucun problème tant que les religions minoritaires sont respectées et tant que les droits des croyants et des non-croyants sont eux aussi respectés de la même manière. L’introduction de la notion de moralité chrétienne complique toutefois la question. Comme le Comité l’a conclu dans son observation générale no22, la conception de la morale découle de nombreuses traditions sociales, philosophiques et religieuses et doit être fondée sur des principes qui ne procèdent pas d’une tradition religieuse unique. Soumettre la liberté de religion à une limite qui serait le respect de la moralité chrétienne peut faire naître un sentiment de discrimination parmi les membres de minorités religieuses ou parmi les non-croyants.

M. Glélé Ahanhanzo dit que de nombreux États parties se heurtent à des problèmes persistants et épineux dans le domaine de la garantie du respect des droits des populations autochtones. Il souhaite donc des précisions sur les mesures précises prises par le Gouvernement pour aider les membres de ces populations, qui comptent parmi les plus vulnérables de la société, à exercer leurs droits et à être reconnues comme égales par leur concitoyens.

La séance est suspendue à 12 h 20; elle est reprise à 12 h 30.

M.  G ó mez (Panama) dit que le nouveau Code pénal, qui entrera en vigueur en mai 2008, définit les agissements illégaux liés à la corruption et à l’exploitation commerciale des mineurs, y compris la pornographie mettant en scène des enfants, l’esclavage sexuel et le tourisme sexuel, et énonce les peines correspondantes. Les individus dont il s’avère qu’ils ont collaboré avec des personnes condamnées pour ces délits s’exposent à des poursuites, à l’instar de quiconque a connaissance de telles activités mais ne les signale pas aux autorités compétentes. La loi no40 de 1999 institue le système de responsabilité pénale des adolescents.

Répondant aux questions de M. Khalil, l’intervenant déclare que le droit de réunion pacifique est inscrit dans la Constitution. Cependant, les manifestations et les marches de protestation qui portent atteinte aux droits de tierces parties, en particulier à leur droit à la liberté de mouvement, sont illégales du fait qu’elles vont à l’encontre de dispositions constitutionnelles intéressant la protection de l’intégrité physique des citoyens et de leurs biens. De fait, les récentes manifestations organisées au Panama ont fini par faire un certain nombre de victimes et le Cabinet du Procureur a ouvert une enquête sur ces incidents. Quant à la diffamation, le nouveau Code pénal dispose que discuter des agissements de fonctionnaires ou les critiquer ne constitue pas un délit.

S’agissant de la discrimination à l’encontre des femmes, la loi no38 de 2001 énonce une série de mesures que les autorités administratives et judiciaires doivent prendre pour protéger les femmes contre la violence conjugale. Ces mesures prévoient notamment l’émission de mandats d’arrêt provisoires contre les auteurs présumés d’une telle violence, le départ du domicile conjugal soit de la victime des violences soit de leur auteur et la suspension des droits de garde ou de visite de l’agresseur présumé. Le Panama a adhéré à la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme. Grâce aux formations et aux campagnes de sensibilisation qui ont été organisées, le nombre de plaintes concernant des actes de violence domestique déposées auprès des autorités compétentes a considérablement augmenté, passant de 9 020 en 2005 à 13 992 en 2006.

M me Rodríguez (Panama) dit que son pays, outre le fait qu’il a ratifié plusieurs instruments internationaux relatifs à l’élimination de l’exploitation sexuelle des mineurs et adopté une législation nationale incriminant cette pratique, a élaboré une série de directives sur la protection et l’aide aux victimes, et mis en œuvre une stratégie qui tend à garantir que ceux qui mènent les enquêtes sur les incidents présumés traitent comme il se doit les victimes mineures. Aux termes du nouveau Code pénal, toute personne reconnue coupable d’avoir vendu des enfants est passible d’une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans; des peines d’emprisonnement plus longues sont applicables si la vente a pour objet l’exploitation sexuelle, le travail forcé, l’esclavage ou le prélèvement d’organes.

En 2000, le Panama a adhéré à la Convention no182 de l’OIT, qui fait notamment obligation aux États de prendre les mesures nécessaires pour interdire et éliminer toutes les formes de travail susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant, y compris le travail domestique. De plus, suite à une décision rendue par la Cour suprême en novembre 1995, l’article 716 du Code de la famille, aux termes duquel les enfants âgés de 12 à 14 ans étaient autorisés à avoir un emploi de domestique, a été déclaré anticonstitutionnel et, de ce fait, abrogé.

La pauvreté est l’une des principales causes du travail des enfants au Panama où, selon les statistiques de 2003, 50 % des enfants vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Conscient de la nécessité d’une approche globale et systématique du problème, le Gouvernement a lancé un programme intitulé « Réseau d’opportunités » (« Red de oportunidades »), destiné à procurer aux couches défavorisées de la population, en particulier aux handicapés, aux autochtones et aux personnes vivant dans la misère, l’assistance et le soutien dont elles ont besoin. Dans le cadre de ce programme, 30 000 enfants autochtones ont été vaccinés contre une série de maladies contagieuses, et les services liés à l’enseignement préscolaire offerts aux communautés autochtones ont été étendus.

S’agissant enfin des pensions alimentaires, la législation autorise les tribunaux à signifier des ordres de paiement aux parents qui n’honorent pas leurs responsabilités à cet égard, cela dès le jour qui suit le premier défaut de paiement.

Le Président remercie l’État partie pour son rapport et ses réponses écrites, et pour sa volonté d’avoir un dialogue constructif avec le Comité. Il convient de louer les efforts déployés par les autorités panaméennes pour renforcer le cadre juridique national, mais l’adoption d’une nouvelle législation ne suffit pas pour garantir le respect des dispositions du Pacte. À cet égard, les prochains rapports périodiques devront présenter des informations plus détaillées, notamment des données statistiques, concernant la situation sur le terrain.

Pour faire mieux connaître le Pacte et assurer une application plus large de ses dispositions, les tribunaux doivent s’y référer plus régulièrement dans les décisions qu’ils rendent, au lieu de le considérer comme un simple guide. En outre, pour améliorer le fonctionnement du judiciaire, l’État partie doit continuer d’explorer la possibilité d’introduire un système d’accusation. Loin d’être la panacée pour tous les maux, un tel système permettra toutefois de réduire le nombre d’affaires en souffrance et, par conséquent, la possibilité que des infractions restent impunies.

Le Comité continuera de suivre avec intérêt les mesures prises par l’État partie pour défendre les droits des populations autochtones et des membres d’autres groupes minoritaires, et demande instamment aux autorités de poursuivre l’action engagée pour résoudre les problèmes liés au travail des enfants. Enfin, il convient de souligner les risques associés à la criminalisation de l’activité homosexuelle, compte tenu surtout du fait qu’une telle prise de position peut déboucher sur des pratiques discriminatoires contraires à l’esprit et à la lettre du Pacte.

M. Castillero Correa (Panama) informe le Comité que des réponses complémentaires lui seront données par écrit. Il regrette que les membres de la société civile n’aient pas participé davantage à l’élaboration du troisième rapport périodique, et s’engage à veiller à ce que les prochains rapports tiennent compte de leur précieuse contribution au débat sur les droits civils et politiques. Il conclut en promettant que les rapports futurs seront soumis au Comité dans de meilleurs délais.

La séance est levée à 13 heures.