NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.263023 septembre 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-seizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2630e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 14 juillet 2009, à 15 heures

Président: M. IWASAWA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Quatrième rapport périodique des Pays-Bas

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique des Pays-Bas (CCPR/C/NLD/4 − français CCPR/C/NET/4 − anglais, CCPR/C/NET/4/Add.1 et 2, CCPR/C/NLD/Q/4 et Add.1)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation des Pays-Bas prend place à la table du Comité.

2.M. HIRSCH BALLIN (Pays-Bas) explique que la délégation représente les trois pays distincts qui forment le Royaume des Pays-Bas: les Pays-Bas proprement dits, les Antilles néerlandaises et Aruba. La société néerlandaise se caractérise par une grande variété d’idéologies, de convictions, de modes de vie et de schémas de valeurs. Cette diversité est vue comme un atout, et le Gouvernement néerlandais estime qu’il est dans l’intérêt à la fois de l’individu et de la société dans son ensemble que chacun puisse développer et défendre ses propres valeurs dans les limites du respect de la Constitution et des droits fondamentaux d’autrui. C’est le propre d’une société moderne, libre et pluraliste. Il est donc essentiel que les tensions qui peuvent naître de ce pluralisme soient considérées à la lumière des droits fondamentaux, de la démocratie et de la primauté du droit. Conscient des dilemmes qu’entraîne l’évolution d’une société, le Gouvernement a pris un grand nombre de mesures pour promouvoir la tolérance en favorisant le dialogue et la connaissance mutuelle entre les personnes, les cultures et les religions. Cependant, les droits de l’homme ne vont pas de soi et, face aux changements de la société, il peut être nécessaire de se montrer tantôt circonspect, tantôt interventionniste. Ces dernières années, les Pays-Bas ont connu quelques situations dans lesquelles il a fallu trouver un juste milieu eu égard aux droits de l’homme.

3.M. PIAR (Pays-Bas), prenant la parole au nom des Antilles néerlandaises, dit que c’est peut-être la dernière fois que l’État qu’il représente paraît devant le Comité en tant que fédération de cinq îles, dont la dissolution est prévue en 2010: Curaçao et Saint-Martin deviendront deux pays autonomes au sein du Royaume tandis que Bonaire, Saba et Saint-Eustache deviendront des communes néerlandaises. Par conséquent, la réforme constitutionnelle mobilise une bonne partie de l’attention du Gouvernement des Antilles néerlandaises, qui ne néglige pas pour autant ses obligations au regard du Pacte. Depuis que le quatrième rapport périodique a été soumis, le Parlement a adopté une loi visant à protéger les enfants contre la pornographie, la prostitution et les violences sexuelles, et il devrait être saisi d’ici à octobre du projet, très attendu, de nouveau code pénal, qui contient notamment des dispositions relatives aux mineurs délinquants et à la traite des personnes. Par ailleurs, avec le soutien financier des Pays-Bas, des améliorations ont été apportées dans les centres de détention. De nouveaux policiers et gardiens de prison ont été recrutés et formés, et des règles de conduite à observer pendant la procédure d’arrestation ont été élaborées.

4.En ce qui concerne la traite des personnes, les informations publiées à ce sujet dans le rapport du Département d’État américain pour 2009 ne sont plus à jour. Les Antilles néerlandaises n’ont certes pas encore de loi spécifique réprimant la traite, mais plusieurs affaires concernant cette pratique ont été portées devant les tribunaux. Il est prévu de ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, une fois que le nouveau code pénal aura été adopté. Enfin, les trois Ministres de la justice du Royaume ont conclu un accord de coopération en matière de lutte contre le trafic des personnes et l’immigration clandestine, qui inclut la prévention et la protection des victimes. Les autorités collaborent aussi étroitement dans ce domaine avec leurs homologues du Suriname.

5.M. PIETERSZ (Pays-Bas), prenant la parole au nom d’Aruba, explique que l’île qu’il représente − la plus petite entité juridique du Royaume − est indépendante des Pays-Bas depuis 1986. Sa jeune Constitution est fondée sur les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le Pacte. Au cours des deux dernières décennies, le Royaume des Pays‑Bas a ratifié un grand nombre de nouveaux instruments internationaux, et les autorités d’Aruba en tiennent comptent chaque fois qu’elles élaborent des lois et des politiques, mais il faut souligner que ce n’est pas toujours facile pour un pays aussi petit, qui dispose rarement des connaissances et des ressources humaines nécessaires pour mettre ces instruments en application. D’importantes réalisations méritent cependant d’être mentionnées. Le Code pénal d’Aruba a été entièrement revu et actualisé et la nouvelle version, qui devrait être adoptée d’ici à la fin de l’année, prévoit notamment une réforme complète de la justice pour mineurs. Le trafic des personnes a été incriminé en 2002 et la notion de traite a été élargie de façon à inclure celle qui est pratiquée à des fins telles que le travail forcé ou le prélèvement d’organes. Bien qu’une étude conduite en 2007 n’ait pas permis d’établir que des activités liées à la traite existaient à Aruba, pas même en tant que lieu de transit, les autorités restent très vigilantes. Un groupe de travail interinstitutionnel et interdisciplinaire a élaboré un plan contre la traite des personnes pour la période 2008-2010 et, comme il a été dit précédemment, les trois Ministres de la justice ont conclu en février 2009 un accord de coopération dans ce domaine. Les conditions de détention dans la prison de l’île et dans les postes de police ont été considérablement améliorées, non seulement sur le plan matériel, mais aussi en ce qui concerne le respect des droits des détenus. En outre, des formations sur le traitement des détenus sont dispensées au personnel, en coopération avec les Pays-Bas.

6.Le PRÉSIDENT invite la délégation à traiter des questions 1 à 14 de la liste des points.

7.M. HIRSCH BALLIN (Pays-Bas) dit qu’en complément des réponses soumises par écrit, il apportera des précisions sur la législation antiterroriste, l’accès à l’emploi, la procédure d’asile, et la lutte contre la traite des personnes. Concernant la lutte contre le terrorisme, l’accent est mis sur la prévention des attentats, ce qui a obligé à modifier la loi. L’incorporation systématique des dispositions antiterroristes dans la législation pénale générale, ainsi que dans la procédure, est la meilleure façon de protéger les droits des suspects, puisque les principes d’une bonne administration de la justice restent ainsi intégralement applicables. Une commission chargée de préparer une évaluation de la législation antiterroriste néerlandaise vient de publier ses recommandations; il y sera donné suite prochainement.

8.Pour ce qui est de l’accès à l’emploi, les Pays-Bas occupent le deuxième rang européen: en 2008, près de 75 % de la population avaient un emploi rémunéré, contre 58 % en 1995. Pour les plus de 55 ans, ce taux atteignait 47 %, après être tombé à 37 % en 1995 (contre 62 % en 1970) à cause des départs en préretraite. Vu l’évolution démographique, cette tendance à la hausse doit être maintenue, et les femmes peuvent y contribuer largement. Leur taux d’emploi est passé de 44 % en 1995 à près de 66 % en 2008, notamment grâce à diverses mesures visant à les aider à concilier vie familiale et vie professionnelle. Quant aux immigrés non occidentaux, leur taux d’emploi est passé de 41 % en 1998 à 56 % en 2008 grâce aussi à diverses mesures publiques. S’ils sont moins nombreux sur le marché du travail c’est en raison de facteurs comme l’âge ou le niveau d’instruction moins élevé et, malheureusement, d’une certaine discrimination.

9.En 2008, le nombre de demandes d’asile a presque doublé par rapport à 2007: 13 400, dont plus de la moitié émanait de personnes venues d’Afghanistan, d’Iraq et de Somalie, les ressortissants de ces deux derniers pays faisant jusqu’alors l’objet d’une politique catégorielle. La même année, 6 610 demandeurs d’asile ont obtenu un permis de séjour. Le Parlement est actuellement saisi d’un projet visant à améliorer la procédure d’asile. Pour ce qui est de la procédure accélérée, le traitement sera remplacé par un traitement en huit jours, appelé «procédure générale». L’assistance juridique sera renforcée. Les centres d’accueil seront également améliorés et les demandeurs auront la possibilité de passer un examen médical dont les résultats seront pris en considération pour le traitement du dossier. Enfin, le principe ex nunc sera élargi de sorte que les tribunaux puissent tenir compte de tous les faits et circonstances utiles. La nouvelle procédure devrait entrer en vigueur au deuxième semestre de 2010.

10.La lutte contre la traite des personnes, au niveau non seulement national mais aussi international, est une priorité pour les Pays-Bas. L’accent doit être mis sur la prévention et sur la protection des victimes, que celles-ci soient des ressortissants néerlandais ou des étrangers en situation irrégulière. Les victimes étrangères peuvent obtenir un permis de séjour en échange de leur collaboration ou pour raisons humanitaires si leur situation est particulièrement dramatique. Le nombre de cas signalés augmente (environ 700 en 2007, contre 600 un an plus tôt), ce qui s’explique probablement par la vigilance accrue des autorités et des organisations. Presque toutes les personnes qui ont été reconnues coupables de traite ont été condamnées à des peines d’emprisonnement, et les peines applicables ont été récemment alourdies et portées à huit ans d’emprisonnement au lieu de six, voire dix si deux personnes ou plus ont agi de concert, quinze s’il y a eu de graves dommages corporels, et dix-huit si la victime est décédée. Une équipe spéciale formée de représentants des différents services concernés a été créée en 2008 pour compléter les activités déjà entreprises dans le cadre du Plan d’action national de lutte contre la traite de 2004 et du Plan de mesures supplémentaires de 2006.

11.M. PIAR (Pays-Bas), prenant la parole au nom des Antilles néerlandaises, dit qu’il répondra aux questions du Comité concernant la lutte contre le terrorisme, l’égalité entre hommes et femmes en matière de travail, l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé ou obligatoire, la liberté et la sécurité de la personne et le traitement des personnes privées de liberté, et la protection contre l’expulsion arbitraire d’étrangers.

12.Le Code pénal ne donne pas de définition du terrorisme mais énumère les actes qui sont considérés comme des infractions à caractère terroriste. En outre, une ordonnance récemment entrée en vigueur qualifie d’infraction pénale les actes de terrorisme, y compris la simple tentative, ainsi que les préparatifs en vue de la commission de tels actes.

13.Jusqu’ici, les questions concernant l’égalité entre hommes et femmes en matière de travail étaient réglées sur la base de la jurisprudence mais la nouvelle version du livre VII du Code civil, qui devrait être adoptée d’ici à la fin 2009, fournira désormais un fondement juridique pour la protection de cette égalité. De plus, les autorités ont entrepris d’élaborer une politique pour garantir l’accès sans entrave des jeunes et des adultes sur le marché du travail à Curaçao, tandis qu’à Saint-Martin, elles cherchent les moyens de rendre le marché du travail plus souple tout en préservant la protection des employés. Enfin, il convient de noter que l’emploi des femmes augmente, tandis que celui des hommes reste relativement constant.

14.Même si la traite des êtres humains n’est pas encore une infraction pénale en tant que telle, cette pratique est réprimée par les tribunaux au titre d’autres actes prévus par le Code pénal, comme l’enlèvement ou la coercition, ou encore le trafic de migrants, qualifié d’infraction pénale depuis 2003. Par exemple, l’article 260 punit la vente de femmes ou d’enfants d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. Un groupe de travail spécialement chargé de la lutte contre la traite des personnes a été créé à Curaçao en 2004 et à Saint-Martin en 2007. Une ligne d’assistance téléphonique a été mise en place sur les deux îles, des campagnes d’information sont menées et des formations sont dispensées au personnel des services d’immigration, des associations d’aide aux victimes, des services consulaires et des médias. Le ministère public a élaboré des directives pour l’identification et le traitement des cas de trafic, et la police a également constitué une équipe spéciale. Enfin, un mécanisme national d’orientation pour les victimes a été mis en place en 2006, en coopération avec l’organisation COMENSHA (Centre de coordination sur la traite des personnes).

15.Tout suspect gardé à vue se voit commis automatiquement un avocat rémunéré par l’État. Le nombre relativement élevé de personnes détenues pendant l’enquête judiciaire s’explique par le fait que la plupart des personnes arrêtées sont accusées d’atteintes graves à l’ordre public qui rendent nécessaire leur placement en détention à titre préventif; la durée de cette détention ne peut toutefois pas dépasser cent seize jours. Toutes les plaintes émanant de détenus sont examinées par le service d’administration interne de la prison. Les détenus peuvent également saisir le Comité de supervision ou le ministère public. Depuis 2008, le personnel pénitentiaire et la brigade antiémeutes reçoivent une formation sur le traitement des détenus. En ce qui concerne les conditions de détention, la surpopulation reste un problème, mais un vaste projet de rénovation de la prison a été mis au point et la sécurité a été renforcée.

16.Les Antilles néerlandaises ne sont pas parties à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, mais des directives sur le traitement des demandeurs d’asile ont été élaborées sur la base des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention contre la torture. Les demandeurs d’asile ont le droit de séjourner et de travailler sur l’île pendant que leur demande est examinée par le bureau au Venezuela du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

17.M. PIETERSZ (Pays-Bas), prenant la parole au nom d’Aruba, dit que les droits civils et politiques sont consacrés au chapitre premier de la Constitution d’Aruba, dont l’article premier (par. 22) prévoit qu’aucune loi nationale ne peut être appliquée si elle est incompatible avec les dispositions de ce chapitre. Cette disposition unique dans le système juridique du Royaume permet aux tribunaux de s’assurer que les ordonnances nationales respectent la protection des droits fondamentaux prévue par la Constitution. C’est donc cette dernière qui offre les principales garanties requises par le Pacte. La réforme en cours du Code pénal a été évoquée, mais il faut savoir qu’un Code civil entièrement remanié est entré en vigueur en 2002; plusieurs dispositions discriminatoires du livre premier, consacré au droit des personnes et au droit de la famille, ont été supprimées dans la nouvelle version. Ces vastes réformes législatives montrent que même les plus petites juridictions doivent continuellement intégrer la jurisprudence internationale relative aux droits de l’homme et suivre les normes internationales. Ainsi, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, Aruba a dû prendre elle aussi des mesures de lutte contre le terrorisme, pour éviter de devenir un lieu sûr pour les terroristes. En 2004 est entrée en vigueur une ordonnance nationale visant à incriminer la commission d’actes terroristes ainsi que la participation à des organisations terroristes ou le financement de leurs activités. Ces dispositions ne permettent toutefois aucune dérogation à la législation pénale ordinaire ni à la procédure pénale, qui s’appliquent à tous les suspects sans distinction, qu’il s’agisse de terroristes ou de délinquants de droit commun. En principe, nul ne peut être maintenu en détention pendant deux ans le temps de l’enquête préliminaire, puisque la durée maximale de la détention à titre préventif est de cent seize jours (une prolongation de trente jours peut, dans certains cas, être ordonnée par le juge d’instruction à la demande du ministère public). En outre, l’article premier (par. 5) de la Constitution dispose que toute personne doit être jugée dans un délai raisonnable et les prescriptions de la Convention européenne des droits de l’homme à ce sujet sont également appliquées.

18.En ce qui concerne le crime international que constituent les formes contemporaines d’esclavage et le travail forcé ou obligatoire, le Parlement d’Aruba a modifié en 2006 le Code pénal et les autres lois pertinentes de façon à les rendre conformes aux dispositions du droit international en la matière, et a ainsi érigé en infraction le trafic illicite des personnes et incorporé le travail forcé et le prélèvement d’organes forcé dans les dispositions relatives à la traite des êtres humains. De nouvelles dispositions sont entrées en vigueur en 2003, qui ont étendu la protection des mineurs contre les sévices sexuels et aggravé sensiblement les sanctions frappant l’encouragement des sévices sexuels de mineurs de la part de tiers et la traite des enfants. Une commission interdépartementale et interdisciplinaire a été créée en 2007 pour lutter contre la traite des êtres humains et le trafic illicite des personnes, et un plan d’action pour 2008‑2010 a été mis en place qui comprend différentes mesures pour prévenir de telles infractions et apporter une aide aux victimes éventuelles. Cependant, rien n’indique qu’Aruba soit touchée d’une quelconque façon par ce phénomène. Les services du Procureur n’ont jamais saisi les tribunaux d’une affaire de traite, et ni la police, ni le Centre d’aide aux victimes n’ont jamais reçu de plainte à ce titre. Les autorités sont cependant conscientes qu’il peut exister un risque de traite dans le secteur de la prostitution (services d’escorte) et celui des services (employés de maison, personnel des hôtels, magasins et restaurants). Une étude sera réalisée prochainement qui permettra de déterminer si des cas de traite existent effectivement dans ces secteurs et quelle est l’ampleur du problème, le cas échéant.

19.Depuis la visite d’une délégation du CPT à Aruba en 2007, des progrès importants ont été accomplis concernant les conditions matérielles de la détention dans les postes de police et la prison d’Aruba. Les autorités ont veillé également à améliorer les procédures relatives au traitement des détenus de façon à les rendre conformes aux normes du CPT. Toutes les recommandations du CPT concernant la prison d’Aruba ont été suivies d’effet, à l’exception d’une seule portant sur l’amélioration et l’adaptation des bâtiments pénitentiaires, qui sera mise en œuvre d’ici à la mi‑août 2009. En outre, l’ordonnance de la police concernant le traitement des détenus a été entièrement révisée et modifiée de façon à répondre aux normes recommandées par le CPT. Le nouveau système d’enregistrement de la police (ACTPol) permettra de consigner toutes les informations relatives aux détenus, comme la notification de la détention aux membres de la famille ou à un tiers, ou la demande de consultation d’un médecin ou d’un avocat. Ce système sera opérationnel à la fin de 2009. Des cours de formation sont également dispensés aux membres de la police et du personnel pénitentiaire.

20.L’objectif des autorités d’Aruba est de limiter la garde à vue à quarante-huit heures. Les représentants des services du Procureur, de la police et des établissements pénitentiaires s’efforcent actuellement de résoudre les problèmes concrets qui retardent la réalisation de cet objectif. La durée de la garde à vue ne pourra être prolongée au-delà de quarante-huit heures que pour des nécessités urgentes de l’enquête. La décision et les motifs de cette prolongation seront consignés dans le dossier du détenu figurant dans le système ACTPol.

21.Le PRÉSIDENT remercie la délégation néerlandaise et invite les membres du Comité à poser leurs questions complémentaires.

22.M. BHAGWATI voudrait savoir dans quel délai les autorités de l’État partie estiment qu’elles seront en mesure de retirer les réserves faites au paragraphe 2 de l’article 19 et au paragraphe 1 de l’article 20 du Pacte. Le retrait de ces réserves est‑il périodiquement envisagé et quelle est la position du Gouvernement néerlandais à ce sujet? M. Bhagwati voudrait savoir en particulier si les autorités de l’État partie considèrent qu’il existe toujours des motifs légitimes de ne pas retirer les réserves portant sur des articles aussi importants du Pacte. Il voudrait savoir en outre où en est le projet de réformes politiques, et quels en sont les objectifs.

23.La préoccupation du Comité concernant la durée de la procédure d’examen des dossiers des demandeurs d’asile devrait être dissipée par l’adoption de nouvelles dispositions à cet égard, qui accorderont aux demandeurs d’asile un délai plus long pour exposer leur situation. M. Bhagwati souhaiterait toutefois obtenir confirmation qu’il en sera bien ainsi. Il voudrait aussi savoir où en est le processus d’adoption du nouveau projet de loi sur les étrangers et à quelle date il est prévu que cette loi entre en vigueur. M. Bhagwati se demande aussi si une femme qui cherche refuge aux Pays‑Bas par crainte de subir des violences familiales dans son pays d’origine peut obtenir le statut de réfugié. En particulier, le risque de subir des mutilations génitales dans son pays d’origine constitue‑t‑il un motif d’octroi de l’asile aux Pays‑Bas? Si ce n’est pas le cas, il serait bon que la délégation néerlandaise explique pourquoi. Il serait utile également qu’elle expose les critères sur lesquels les autorités fondent leurs décisions en matière d’asile. La politique des Pays‑Bas dans ce domaine est certes généreuse, puisque apparemment la moitié des demandeurs d’asile obtiennent le statut de réfugié, mais des précisions sur tous ces points seraient bienvenues. Enfin, il est très important que les demandeurs d’asile puissent bénéficier de conseils juridiques et si nécessaire de l’aide judiciaire; M. Bhagwati souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises à cet effet.

24.Sir Nigel RODLEY dit que, tout au long de son activité dans le domaine de la protection internationale des droits de l’homme, il a eu l’occasion de côtoyer un grand nombre d’éminents Néerlandais, notamment plusieurs rapporteurs spéciaux sur la question de la torture, et il a pu ainsi mesurer l’engagement des Pays‑Bas en faveur des droits de l’homme et les résultats remarquables qu’ils ont obtenus dans ce domaine. Dans ce contexte, la présentation faite ce jour par le chef de la délégation néerlandaise l’a laissé quelque peu perplexe. En effet, ce dernier, en disant que les droits de l’homme n’allaient pas de soi et que les Pays‑Bas avaient été amenés ces dernières années à trouver un juste milieu eu égard aux droits de l’homme, a employé des termes qui détonnent par rapport à la position d’habitude plus affirmée des autorités néerlandaises vis‑à‑vis de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Certes, les moyens d’assurer le respect des droits de l’homme doivent être, dans une certaine mesure, ajustés pour tenir compte des menaces qui pèsent sur des valeurs collectives comme la sécurité nationale, et dans certaines situations − les états d’exception − il peut être même nécessaire de déroger à certains droits. Mais il ne s’agit pas simplement de «trouver un juste milieu», et les États parties au Pacte sont évidemment tenus de respecter les principes de nécessité et de proportionnalité lorsqu’ils restreignent l’exercice de certains droits prévus par le Pacte.

25.En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, le Comité est bien conscient des difficultés auxquelles se heurtent nombre d’États, dont les Pays‑Bas. Sir Nigel Rodley souhaiterait cependant des éclaircissements sur certains points. En ce qui concerne la détention au motif d’une suspicion raisonnable, dont la durée peut être de deux ans, il voudrait savoir en quoi elle se distingue de la détention provisoire ordinaire des personnes inculpées. En particulier, quel est le niveau de preuve requis dans l’un et l’autre cas, et est‑il possible de décider le maintien en détention, dans le cadre de la détention avant jugement, d’une personne qui a été détenue sans inculpation pendant deux ans au motif d’une suspicion raisonnable?

26.Sir Nigel Rodley souhaiterait savoir ce que signifie «l’intention terroriste», dont il n’a pas trouvé de définition, si ce n’est dans la traduction officieuse d’une loi néerlandaise disposant que l’intention terroriste consiste à intimider gravement la population ou une partie de la population d’un pays; à contraindre illégalement un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque; à tolérer − sans qu’on sache ce qui serait toléré − ou à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale. Sir Nigel Rodley serait reconnaissant à la délégation néerlandaise de faire parvenir au Comité une traduction autorisée du texte de loi précité.

27.Des éclaircissements seraient aussi bienvenus au sujet de la nouvelle législation prévoyant l’intégration de données biométriques dans les documents de voyage néerlandais. Certaines organisations non gouvernementales affirment qu’une base de données nationale sera constituée à partir de ces informations. Seront‑elles intégrées dans le passeport, sont-elles déjà utilisées pour l’établissement d’une carte d’identité, à quelles fins sont‑elles destinées, que deviendront ensuite ces données et quel accès y auront les personnes concernées? Dans tous les cas de figure, il importe que l’État partie veille au respect du droit à la protection de la vie privée.

28.La situation en ce qui concerne les écoutes téléphoniques, dont le nombre serait particulièrement élevé, appelle également des éclaircissements. Les écoutes mises en place par la police sont probablement subordonnées à l’autorisation d’un juge, mais ce n’est sûrement pas le cas de celles relevant des services de sécurité. Il conviendrait que la délégation néerlandaise indique les garanties applicables et les limites fixées dans ce domaine.

29.Des renseignements seraient également bienvenus concernant les pouvoirs conférés aux autorités en cas de troubles, qui ne visent apparemment pas seulement les terroristes et ne seraient pas systématiquement autorisés par le juge. En particulier, il faut savoir quelles garanties existent pour empêcher que les personnes susceptibles de faire l’objet de telles mesures soient exposées à des réactions de leur entourage.

30.Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a fait un grand nombre de recommandations dans le rapport qu’il a publié à l’issue de sa visite aux Pays‑Bas en septembre 2008, et Sir Nigel Rodley voudrait connaître la position de l’État partie concernant ces recommandations.

31.À propos de la procédure d’asile, Sir Nigel Rodley voudrait savoir si elle s’applique également aux personnes qui sollicitent une simple protection contre le renvoi vers un pays où elles risquent de subir des tortures. Dans beaucoup de pays, cette procédure ne s’applique qu’aux personnes qui craignent des persécutions au sens de la Convention relative au statut des réfugiés (1951), mais les dispositions du Pacte, comme d’ailleurs celles de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, doivent être interprétées comme prévoyant que le risque réel d’être soumis à la torture doit être pris en considération. Se pourrait‑il aussi qu’un étranger en situation irrégulière susceptible d’avoir été victime de tortures ne relève ni de la procédure relative à l’asile, ni de celle applicable aux étrangers en situation irrégulière?

32.Toujours à propos de la procédure d’asile, la mesure consistant à faire passer de deux jours à huit jours la procédure «accélérée» n’est pas suffisante, ne serait‑ce qu’en raison des difficultés qu’ont fréquemment les victimes de tortures ou de mauvais traitements pour raconter ce qui leur est arrivé. Sir Nigel Rodley souhaiterait également savoir ce qui distinguera la procédure normale, longue, de la nouvelle procédure d’examen en huit jours. Il est dit au paragraphe 51 du texte des réponses écrites que l’élément déterminant pour choisir entre les deux procédures restera la capacité du Service de l’immigration et de la naturalisation de satisfaire au critère de la diligence voulue s’il rend sa décision dans le cadre de la procédure «générale». S’il ne peut satisfaire à ce critère et qu’un complément d’enquête est nécessaire, l’affaire sera traitée dans le cadre de la procédure longue. Ainsi, le fonctionnaire chargé de la décision est aussi celui qui détermine la procédure à suivre («générale» ou «longue»), sans qu’il dispose pour cela de critères précis quant au fond et cette situation pose problème.

33.Enfin, Sir Nigel Rodley souhaiterait de plus amples renseignements concernant le placement en détention des demandeurs d’asile. Il croit comprendre que la détention n’a pas un caractère systématique, mais des organisations non gouvernementales soutiennent le contraire. Il voudrait donc avoir des assurances concernant la procédure qui permet aux autorités néerlandaises de décider le placement en détention des demandeurs d’asile, et aussi connaître la proportion de demandeurs d’asile détenus. Il voudrait enfin savoir quelles dispositions existent pour s’assurer qu’un étranger en situation irrégulière n’est pas en réalité un demandeur d’asile.

34.Mme WEDGWOOD, revenant sur la question des réserves au Pacte déjà évoquée par M. Bhagwati, fait part de sa perplexité concernant la réserve émise à l’égard de l’article 10 du Pacte. Le texte de cette réserve dispose notamment que le Royaume des Pays‑Bas considère que les idées concernant le traitement des prisonniers sont à tel point sujettes à changement qu’il ne souhaite pas être lié par les obligations énoncées au paragraphe 2 et au paragraphe 3 de l’article en question du Pacte. Or les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 10 portent, respectivement, sur la nécessité de séparer les prévenus des condamnés et les jeunes prévenus des adultes, ainsi que sur la nécessité d’assurer un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social. Ces prescriptions tombent en quelque sorte sous le sens, et il ne fait d’ailleurs pas de doute que la réserve des Pays‑Bas à leur égard n’est pas appliquée de facto. De l’avis de Mme Wedgwood, tout cela justifie pleinement un retrait en bonne et due forme de la réserve à l’article 10.

35.En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et le respect des droits garantis par le Pacte, la loi de 2004 relative à la protection de l’identité des témoins dispose que l’identité doit être «protégée dans les audiences devant un magistrat instructeur visant à évaluer la fiabilité des informations», et que «dans les affaires pénales, la défense a le droit d’interroger les témoins». Il semble donc être possible d’interroger des témoins anonymes ou semi-anonymes. Or il est généralement admis, tant dans la common law que les systèmes issus du droit romain, que connaître l’identité d’un témoin est essentiel pour déterminer par exemple s’il aurait des motifs de mentir, s’il est digne de foi et s’il a réellement pu assister aux faits qu’il dit avoir vus. Préserver l’anonymat des témoins est envisageable dans certains cas, mais le champ d’application de la loi de 2004 est si large qu’un regard très critique à son égard s’impose.

36.La durée de la détention avant inculpation ou jugement, qui peut être de six jours sur ordre du procureur, de quatorze jours sur décision du juge d’instruction, de quatre-vingt dix jours sur décision du tribunal, avec une possible prolongation, et peut aller jusqu’à deux ans ou plus sur décision de la Chambre préliminaire, est difficilement compatible avec le droit d’être jugé sans retard excessif garanti à l’article 14 du Pacte. En toutes circonstances, même exceptionnelles, il est indispensable de faire avancer l’enquête rapidement. La possibilité de maintenir une personne en détention avant jugement pendant deux ans au motif qu’elle est soupçonnée de terrorisme est préoccupante et le fait qu’elle ait accès à son dossier ne change rien: elle a le droit d’être jugée sans délai.

37.En ce qui concerne l’euthanasie, les chiffres indiqués (1 886 cas en 2004 et 1 933 cas en 2005) semblent singulièrement élevés. Mme Wedgwood voudrait savoir pour quelle raison la décision est prise par un médecin seul, pourquoi d’autres personnes, telles qu’un homme d’église ou un médiateur, ne sont pas consultées, et surtout, comment il se fait qu’elle ne soit pas examinée par un juge. À son avis il faudrait établir une procédure plus stricte pour l’euthanasie. L’interruption de la vie des nouveau-nés gravement malades, si elle n’est pas considérée comme une euthanasie proprement dite, soulève les mêmes questions juridiques et éthiques.

38.En ce qui concerne les expériences médicales, dans ses précédentes observations finales le Comité avait recommandé aux Pays-Bas d’«interdire toute expérience médicale sur des mineurs et d’autres personnes incapables de donner leur consentement éclairé lorsque celle-ci ne leur profite pas directement (recherche médicale à des fins non thérapeutiques)». Dans son rapport (par. 83), l’État partie rejette cette recommandation en faisant valoir que «les progrès médicaux réalisés dans le domaine des maladies ou déficiences dont sont atteints les enfants ou les adultes incapables de décision dépendent parfois des recherches menées sur ces groupes de patients». La recommandation du Comité ne visait nullement à interdire ces recherches lorsqu’elles profitent au sujet. En décidant de ne pas suivre la recommandation du Comité, les Pays-Bas ne risquent-ils pas de donner une trop grande latitude à la profession médicale?

39.En ce qui concerne l’accès à un conseil, il est étonnant que l’avocat d’un suspect ne puisse pas assister à tous les interrogatoires de la police, que le seul moyen pour l’intéressé d’obtenir l’intervention de son avocat pendant l’interrogatoire soit de garder le silence et que, semblerait‑il, même s’il est présent, l’avocat ne puisse pas interrompre l’interrogatoire. De telles restrictions sont difficilement conciliables avec la fonction d’un conseil, et les commentaires de la délégation à ce sujet seraient bienvenus.

40.La question de savoir s’il faut utiliser le profilage racial est une question essentielle qui se pose à toutes les sociétés, et qui fait l’objet d’un débat aux Pays-Bas depuis un certain temps. En attendant qu’une réponse y soit apportée, Mme Wedgwood demande si les autorités reconnaissent que la police utilise le profilage racial.

41.Mme MOTOC souligne le rôle important des Pays-Bas dans la promotion des droits de l’homme. Ses commentaires porteront sur les points 4 et 7. Tout d’abord, en ce qui concerne l’égalité entre hommes et femmes, elle demande quelles mesures ont été prises, notamment pour assurer une rémunération équitable, et ce qui a été fait pour permettre aux femmes ayant des enfants de continuer à travailler. De nombreuses sources indiquent que les migrantes font l’objet d’une discrimination fondée sur le sexe dans le domaine de l’emploi. Le rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Hammarberg, montre notamment qu’un grand nombre des cas traités par l’organisme qui a été établi comme suite à une directive de l’Union européenne porte sur ce type de discrimination et Mme Motoc voudrait savoir quelles mesures ont été prises. Il serait également intéressant de savoir où en est le projet de loi sur la violence dans la famille élaboré en janvier 2009. Comme tous les pays d’Europe qui accueillent des migrants, les Pays-Bas connaissent une augmentation des cas de mutilations génitales féminines; ont-ils une position à ce sujet?

42.Malgré de réelles améliorations la loi pénale relative à la traite des êtres humains présente toujours une grave lacune puisqu’elle ne comprend pas de définition de la notion d’exploitation du travail. La délégation pourra peut-être indiquer si une jurisprudence s’est développée dans ce domaine. Les Pays-Bas ont mis en place une législation pour réglementer la prostitution qui, si elle est saluée par certains, continue également à faire l’objet de critiques. Les autorités municipales sont habilitées à délivrer un permis aux travailleurs du sexe et elles l’accordent très facilement. Il a été suggéré aux Pays-Bas d’améliorer la procédure de délivrance de ce permis de façon à pouvoir exercer un contrôle plus strict sur l’industrie du sexe, notamment sur l’exploitation de mineurs dans ce domaine, et le Gouvernement est apparemment ouvert à cette idée. Il serait intéressant de savoir ce qui a été entrepris pour faire diminuer les cas de traite dans le pays.

43.M. O’FLAHERTY félicite les Pays-Bas pour la contribution qu’ils ont apportée à la cause des droits de l’homme dans toutes les régions du monde et pour le rôle de chef de file qu’ils jouent au niveau international dans ce domaine. La délégation nombreuse reflète bien la diversité du Royaume des Pays-Bas puisqu’elle comprend des représentants des Antilles néerlandaises et d’Aruba.

44.Il est étonnant que les Pays-Bas persistent à ne pas garantir l’assistance d’un avocat pendant les interrogatoires de la police, malgré les critiques du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), le Comité contre la torture et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. La délégation pourra peut-être expliquer pour quelle raison l’État néerlandais estime que la présence d’un avocat n’est pas nécessaire pendant l’interrogatoire, en particulier eu égard à la nécessité de prévenir les actes de violence et, de façon plus générale, d’assurer le respect des droits garantis par le Pacte aux personnes détenues.

45.Une étude pilote est entreprise au sujet de la possibilité d’autoriser la présence de la police dans un certain nombre de cas limités. Les informations dont le Comité est saisi semblent indiquer que d’importantes restrictions à l’accès à un avocat continueraient d’être imposées. La délégation voudra peut-être expliquer pourquoi il en est ainsi. Il serait également intéressant de connaître la situation aux Antilles néerlandaises et à Aruba pour ce qui est de la présence d’un avocat pendant la garde à vue. En ce qui concerne l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires, il serait utile de mieux comprendre comment il est utilisé dans la pratique, par exemple, de savoir dans quelles situations l’enregistrement est ou n’est pas requis, et ce pour les trois territoires du Royaume.

46.Il a été répondu très clairement aux questions relatives au traitement des personnes privées de liberté à Aruba. En revanche les réponses concernant la situation aux Antilles néerlandaises n’apportent pas les renseignements demandés. En effet, les informations données à l’annexe IV des réponses écrites portant sur la question du nombre de plaintes enregistrées contre le personnel pénitentiaire concernent les plaintes déposées contre la police. M. O’Flaherty voudrait donc savoir combien de plaintes ont été déposées contre des membres du personnel pénitentiaire, et s’il y a été donné suite.

47.En ce qui concerne les comportements inappropriés des fonctionnaires de police, le paragraphe 100 des réponses écrites appelle des éclaircissements. Il y est dit d’un côté que les affaires graves font l’objet de poursuites pénales et de l’autre que, en général, des mesures disciplinaires sont prises. Les renseignements relatifs à l’indemnisation doivent être précisés car ils ne permettent pas au Comité de se faire une idée de la situation. L’annexe IV apporte des statistiques sur les plaintes déposées contre la police, notamment sur leur nature, mais ne donne aucune indication sur leurs résultats. Des informations à ce sujet seraient bienvenues.

48.En ce qui concerne les conditions dans les centres de détention, les réponses relatives à la situation à Aruba sont très utiles. Les réponses concernant les Antilles néerlandaises font référence à des plans et programmes visant à améliorer la situation carcérale qui, à première vue, sont très encourageants. Cependant, il ressort du rapport du CPT que le système carcéral en général, et de la prison de Bon Futuro en particulier, suscite de nombreuses critiques. Ce rapport contient des recommandations visant à résoudre les problèmes les plus urgents qui, pour la plupart, ne nécessitent pas l’élaboration d’un programme et pourraient être mises en œuvre immédiatement, comme l’installation de sonnettes dans les cellules, la dératisation et le nettoyage des déchets. Outre la situation sanitaire, dont il a été dit qu’elle était maintenant correcte, le CPT a dénoncé la qualité de la nourriture dans les prisons, l’absence d’horaire pour les repas et l’insuffisance des effectifs. Certains de ces problèmes pourraient être résolus rapidement, et il serait intéressant de savoir ce qui a été entrepris à ce jour pour améliorer la situation dans la prison de Bon Futuro suite à la visite du CPT. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet du centre de détention de Bonaire, notamment concernant la nécessité urgente d’organiser la promenade pour les prisonniers et de pourvoir à l’insuffisance de lits qui contraint des détenus à dormir à même le sol. Ces problèmes devraient également pouvoir être réglés sans qu’il soit besoin d’une planification à long terme.

49.Concernant les informations qui ont été données à propos de la future réforme constitutionnelle aux Antilles néerlandaises, M. O’Flaherty demande ce qui est fait pour prendre en compte les obligations relatives aux droits de l’homme du territoire et quelles dispositions seront prises pour garantir que chacune des nouvelles entités sera dotée d’un système efficace de protection des droits de l’homme. Les informations reçues montrent que la Constitution d’Aruba contient de solides garde-fous pour protéger les droits de l’homme; peut-être sera‑t‑elle utilisée comme modèle pour les constitutions des nouveaux pays.

50.La disposition autorisant à inquiéter un particulier en vue de prévenir le terrorisme en le surveillant dans la vie quotidienne et la loi relative aux mesures administratives pour protéger la sécurité nationale appellent des précisions. On peut en particulier s’interroger sur l’opportunité d’utiliser des outils administratifs plutôt que pénaux dans la lutte contre le terrorisme, compte tenu de la gravité de la question et du fait que le cadre administratif ne permet pas de garantir le même degré de protection des droits de l’homme que le système pénal. Il serait plus particulièrement utile de savoir sur quelle base légale un bourgmestre peut recourir à cette mesure administrative et dans quelles circonstances, comment sa juridiction sur la police s’exerce en pareil cas, et quels mécanismes sont prévus pour surveiller la conformité de l’application de cette mesure avec les droits de l’homme. Comment les Pays-Bas garantissent-ils que le recours aux mesures administratives de protection de la sécurité nationale ne dépasse pas le cadre de la lutte contre le terrorisme? La délégation pourra peut-être indiquer si ces mesures peuvent être appliquées à des mineurs et, dans l’affirmative, si des garanties existent pour protéger les droits qui leur sont reconnus. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a exprimé de vives critiques au sujet du projet de loi relatif aux mesures administratives pour protéger la sécurité nationale (par. 176 de son rapport). Il serait intéressant de savoir si certaines d’entre elles ont été prises en compte dans le projet de loi qui est sur le point d’être adopté.

51.M. PÉREZ SÁNCHEZ-CERRO dit qu’une enquête publique récente a révélé que la population néerlandaise était majoritairement favorable au rétablissement de la peine de mort et voudrait donc savoir ce que le Gouvernement a l’intention de faire sachant que s’il se pliait à l’opinion publique, il irait à l’encontre de ses obligations au regard du Pacte. Les durées que peuvent atteindre les périodes de rétention des demandeurs d’asile sont très préoccupantes. Les Pays-Bas sont pourtant censés appliquer les normes européennes, qui fixent des limites maximales en la matière. Il serait utile d’entendre la délégation à ce sujet, ainsi que sur les raisons pour lesquelles les Pays-Bas n’ont pas encore ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Les Pays‑Bas ne se sont pas encore dotés d’une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, et le Comité souhaiterait connaître leurs intentions à ce sujet. Les Pays-Bas n’ont pas non plus ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Envisagent-ils de le faire dans un avenir proche?

52.M. SALVIOLI dit que d’après Amnesty International, les plaintes présentées par des migrants pour dénoncer les mauvais traitements qu’ils auraient subis pendant leur rétention ne donneraient pas toujours lieu à des enquêtes impartiales et approfondies. Des statistiques sur le nombre de plaintes enregistrées, le nombre d’enquêtes ouvertes et, le cas échéant, le nombre de personnes jugées et condamnées seraient utiles. Il faudrait également savoir si l’État partie a l’intention de mettre en place un mécanisme qui permette de garantir un traitement véritablement efficace de ce type de plaintes.

53.Le PRÉSIDENT propose une brève suspension de séance pour permettre à la délégation de préparer ses réponses aux questions qui lui ont été posées.

La séance est suspendue à 17 h 10; elle est reprise à 17 h 35.

54.M. HIRSCH BALLIN (Pays-Bas) dit qu’il tient avant toute chose à préciser que lorsqu’il a parlé dans sa déclaration liminaire de chercher un juste milieu en matière de protection des droits de l’homme, il n’a pas voulu dire qu’il fallait faire des compromis au détriment de certains droits de l’homme, mais au contraire qu’il fallait s’efforcer de concilier tous les droits de l’homme, même lorsque la protection des uns pouvait entrer en conflit avec la protection des autres; par exemple le respect de la religion ou des opinions politiques de chacun doit être garanti sans limiter indûment le droit à la liberté d’expression. Il ne s’agit pas de placer certains droits au‑dessus des autres mais de tout mettre en œuvre pour permettre la pleine réalisation des droits de l’homme dans leur intégralité. C’est là la pierre angulaire de toutes les politiques menées par le Gouvernement.

55.Répondant aux questions relatives à la procédure d’asile, M. Hirsch Ballin dit que les autorités sont tenues de discerner les cas qui relèvent de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés mais que les motifs qui donnent droit à une protection en vertu de la législation néerlandaise en matière d’asile sont plus étendus que ceux qui sont définis dans la Convention de Genève et incluent notamment le risque réel d’être soumis à la torture dans le pays de renvoi. Les dispositions pertinentes de la Convention européenne des droits de l’homme et de la directive 2004/83/CE du Conseil de l’Union européenne sont également prises en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne peut ou non être renvoyée dans son pays d’origine, de sorte qu’il n’y a pas de laissés pour compte.

56.Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la rétention des demandeurs d’asile. Cette mesure ne concerne que les personnes sous le coup d’un arrêté d’expulsion qui attendent d’être renvoyées et dure en général peu de temps. Les demandeurs d’asile dont la demande est en cours de traitement sont en revanche parfaitement libres de leurs mouvements et les structures qui les accueillent jusqu’à ce que la décision finale soit rendue n’ont rien de centres fermés.

57.Bien qu’il estime que la procédure d’asile prévue par la loi de 2000 relative aux étrangers est en l’état conforme aux dispositions pertinentes du Pacte et de la Convention européenne des droits de l’homme, le Ministère de la justice, appuyé par plusieurs ONG qu’il a consultées à ce sujet, considère que certaines améliorations devraient être apportées et a récemment soumis au Parlement des propositions de modification dans ce sens. Il préconise ainsi le remplacement de la procédure de traitement en quarante-huit heures par une procédure fixant un délai de huit jours pour statuer sur la demande ou, au cas où l’enquête nécessiterait plus de temps, décider de suivre la procédure «longue». L’accès du demandeur d’asile aux services gratuits d’un avocat serait garanti, de même que la prise en compte de renseignements plus approfondis sur ses antécédents médicaux. La procédure prévoit également l’accès du demandeur à des voies de recours utiles.

58.Une question a été posée au sujet des pouvoirs conférés aux autorités pour maintenir l’ordre public. Il faut savoir que ces pouvoirs sont strictement encadrés par la loi et que leur exercice est limité à des circonstances très précises.

59.L’égalité de salaire entre hommes et femmes est prévue par la loi. Le site Web du Gouvernement propose une information complète sur ce sujet et la journée de l’égalité salariale organisée chaque année est l’occasion d’encourager toutes les parties prenantes à faire preuve de vigilance dans ce domaine. L’évolution de l’écart salarial entre hommes et femmes est évaluée d’une année sur l’autre à partir des données recueillies par les inspecteurs du travail et le Gouvernement s’efforce de réduire les disparités constatées. Divers programmes sont également mis en œuvre pour favoriser le travail des femmes qui ont des enfants – accroissement des services de garde d’enfants, aménagements du temps de travail, etc. Si le Comité le souhaite, des informations plus détaillées concernant ces programmes pourront lui être communiquées par écrit ultérieurement.

60.En ce qui concerne l’exploitation du travail, le Ministère de la justice, en collaboration avec le Ministère des affaires sociales et de l’emploi, collecte actuellement des données afin de mesurer l’ampleur du phénomène. Pour ce qui est de la prostitution, la loi de 2000 s’étant révélée insuffisante pour protéger les personnes exposées à l’exploitation dans l’industrie du sexe, un nouveau projet de loi portant spécifiquement sur ce type d’exploitation et visant à mieux protéger les victimes a été soumis au Parlement. En attendant l’adoption du texte, la police poursuit ses inspections dans les maisons de prostitution et les dispositions existantes continuent d’être appliquées, notamment le règlement B9, mentionné dans les réponses écrites (par. 60 et 61), qui permet aux personnes résidant illégalement aux Pays-Bas qui sont victimes de la traite de bénéficier d’un permis de séjour temporaire, d’une assistance, de soins médicaux et d’un soutien psychologique.

61.Par rapport à de nombreux autres pays de l’Union européenne et du reste du monde, la détention avant inculpation et jugement est subordonnée aux Pays-Bas à des conditions très strictes: elle n’est autorisée qu’en cas d’infraction grave ou de risque de récidive. Le suspect est gardé à vue sur décision policière pendant neuf heures suivant son arrestation; la garde à vue peut être prolongée de six jours sur décision du procureur, puis de quatorze jours sur décision du juge d’instruction, décision qui doit dans les deux cas être motivée par des soupçons sérieux. Les mêmes règles s’appliquent aux personnes soupçonnées de terrorisme, si ce n’est que dans ce cas des soupçons raisonnables suffisent, ce type d’infractions exigeant des enquêtes plus poussées; cela étant, ce genre d’affaires reste à ce jour exceptionnel. Au terme de la garde à vue, c’est un tribunal qui décide en audience publique de la détention provisoire, dont la durée maximale est fixée à quatre-vingt dix jours, toujours sur la base de soupçons sérieux. Dans le cas du terrorisme, une procédure de confidentialité peut être appliquée. La détention provisoire peut être prolongée aux fins de l’enquête, mais cela n’arrive que dans 8 % des cas, dont 2 % seulement nécessitent une prolongation au-delà de cent vingt jours; dans la grande majorité des cas, la prolongation n’est pas nécessaire.

62.La protection de l’identité des témoins est sans préjudice des droits de la défense dans la mesure où elle n’empêche pas l’avocat de la défense de procéder au contre-interrogatoire du témoin dont l’identité est cachée; la seule différence par rapport à une audience ordinaire est qu’au lieu de s’adresser directement au témoin, il lui fait transmettre ses questions par le magistrat instructeur. Des mesures ont été prises pour renforcer les garanties d’une procédure régulière, par exemple l’enregistrement vidéo des interrogatoires dans les cas où le suspect est particulièrement vulnérable – mineur, personne psychologiquement fragile, etc. En outre, un certain nombre de garanties relatives à la participation de l’avocat aux interrogatoires ont été réaffirmées dans un récent arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme et les mesures nécessaires vont être prises pour leur donner pleinement effet.

63.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour ses réponses complémentaires et l’invite à poursuivre le dialogue avec le Comité à une séance ultérieure.

La séance est levée à 18 h 10.

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