NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.232618 novembre 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre‑vingt‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2326e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 27 octobre 2005, à 10 heures

Présidente: Mme CHANET

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS (suite)

Deuxième rapport périodique du Brésil (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS (point 6 de l’ordre du jour provisoire) (suite)

Deuxième rapport périodique du Brésil (CCPR/C/BRA/2004/2; CCPR/C/85/L/BRA) (suite)

1.La délégation brésilienne reprend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE invite la délégation à répondre aux questions supplémentaires qui ont été posées à la séance précédente puis aux questions restantes de la liste des points à traiter.

3.M. FERNANDO VILLARES E SILVA (Brésil) dit, au sujet de la consultation des peuples autochtones, que le décret no 775 régissant l’identification des terres autochtones prévoit que des anthropologues identifient et délimitent ces terres après consultation des communautés concernées. La Constitution fédérale prévoit également que les peuples autochtones concernés doivent être consultés préalablement à tout projet d’exploitation des ressources naturelles sur leurs terres. Au sein du Ministère de l’éducation, une commission nationale des enseignants autochtones est chargée de définir les politiques d’éducation pour les autochtones. Le Gouvernement a également confié à la Fondation nationale pour les Indiens le soin d’organiser des conférences régionales et nationales des peuples autochtones, et huit conférences préalables sont actuellement menées dans différentes régions du pays en vue de la grande conférence nationale qui réunira plus de 500 représentants des peuples autochtones en avril 2006. Le Ministère de l’éducation a en outre nommé pour la première fois un conseiller indien au Conseil national de l’éducation et le Ministère de la culture a mis en place, en avril 2005, un groupe de travail chargé d’élaborer une politique culturelle dans ce domaine. Enfin, la Fondation nationale pour la santé, qui s’occupe de la politique de santé pour les autochtones, a organisé 16 séminaires auxquels ont participé des responsables autochtones. La délégation fournira prochainement des réponses détaillées par écrit.

4.Mme WIECKO VOLKMER de CASTILHO (Brésil) dit que l’amendement constitutionnel n° 45 prévoit que le nombre des juges doit être proportionnel à la demande judiciaire réelle et à la population concernée. En 2004, des lois visant à accroître fortement le nombre de chambres et de magistrats dans le système de justice fédéral et dans la justice du travail ont été adoptées et le nombre de magistrats a été également augmenté dans les organes juridictionnels supérieurs. La planification stratégique du pouvoir judiciaire est une notion qui s’est imposée notamment après la mise en place du Conseil national de la justice. L’amendement constitutionnel no 45 porte également création du Conseil national du ministère public. Un centre national d’études et de recherches judiciaires est en cours d’organisation sous la coordination du Ministère fédéral de la justice. Après la publication en 2004 d’un document du Ministère de la justice intitulé «Diagnostic du système judiciaire», une commission mixte du Congrès a été chargée d’approuver les mesures législatives de nature à améliorer l’accès à la justice et accélérer les procédures judiciaires. De nombreux projets de loi sont en cours, notamment sur les procédures électroniques. Les retards injustifiés dans les procédures peuvent constituer une infraction pénale et des mesures visant à les éviter ont été prises. La rapidité avec laquelle les juges et les membres du ministère public s’acquittent de leurs fonctions fait également partie des critères pris en compte pour leur promotion.

5.Mme AUGUSTA de MOURA SOUZA (Brésil) dit, à propos de la participation des femmes, des autochtones et des Noirs au pouvoir judiciaire, que les recrutements se font sur concours afin d’assurer un accès démocratique aux charges publiques. Actuellement, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être reçues à ces concours et représentent déjà 52 % des juges dans les juridictions prud’homales. Un projet de loi vise également à garantir une représentation minimale des femmes au sein du pouvoir judiciaire.

6.M. MANUEL dos SANTOS HENRIQUES (Brésil) dit, à propos de la sécurité publique, que le système d’enquêtes reste un peu archaïque dans de nombreux États brésiliens mais qu’il est beaucoup plus avancé dans d’autres. Cette situation résulte de la fragmentation de la police nationale, car dans certains États les services ou commissariats de police ont parfois un pouvoir excessif et sont éloignés des pôles hiérarchiques. Le Secrétariat national à la sécurité publique a créé un groupe de travail composé de spécialistes de la police judiciaire, d’intellectuels et de représentants du Gouvernement, qui a élaboré un document sur l’organisation des procédures de police judiciaire. Les représentants d’associations régionales des professions de police examinent actuellement ce document qui, une fois achevé, sera distribué à toutes les polices judiciaires des différents États et servira de document d’orientation. En effet, l’État fédéral ne peut pas imposer sa volonté aux diverses régions mais a un fort pouvoir incitatif puisque c’est lui qui répartit le budget du Fonds national pour la sécurité, de sorte que les États sont assujettis à certains principes et orientations venant du Gouvernement fédéral. L’adoption du document d’orientation sera donc un des critères d’attribution des fonds fédéraux.

7.M. MAMEDE (Brésil) dit, à propos de la réduction de moitié du budget du Secrétariat spécial pour les droits de l’homme, que la situation est en effet préoccupante et que le Gouvernement devra procéder à un ajustement fiscal et économique. Cela étant, la situation est la même pour d’autres ministères, notamment le Ministère de la santé. Le Gouvernement s’appuie donc sur la société civile et s’efforce de développer la créativité de tous pour surmonter les restrictions budgétaires. Ainsi, au début du gouvernement du Président Lula, le budget alloué au Conseil national pour les droits des enfants et adolescents s’élevait à 500 000 reais. À l’issue d’une vaste campagne menée par la société civile cette année, le Conseil est parvenu à réunir 23 millions de reais. Le Gouvernement s’est également efforcé de créer des partenariats avec des entreprises mixtes, publiques ou privées pour mener des activités en faveur de l’enfance aux niveaux régional et national. De même, la campagne visant à garantir que tous les enfants soient inscrits sur les registres d’état civil a pris une dimension nationale car elle a été relayée par les syndicats, les églises et d’autres mouvements. Pour dissiper tout malentendu, il faut préciser que l’augmentation du budget correspond à la croissance du PIB et non à celle de la population. En ce qui concerne la justice transactionnelle après la période de dictature, le Gouvernement ne s’est jamais opposé à l’ouverture des archives mais c’est une question délicate pour la société et en particulier pour les forces armées. Lors de la dernière réunion du MERCOSUR, les pays membres ont évalué leur situation en vue de créer une sorte d’«Opération Condor» à l’envers et ont constaté qu’ils progressaient à des rythmes différents. Des problèmes opérationnels se posent depuis le départ de la Commission d’ouverture des archives de deux ministres qui en faisaient partie. Or, cette commission doit être composée de personnes capables de mener un dialogue paisible et respectueux avec les forces armées.

8.M. MARTINS de SOUZA (Brésil) dit que le taux élevé de violence touche surtout les descendants d’Africains – soit près de la moitié de la population – dans un contexte d’exclusion qui résulte des circonstances historiques et du modèle de développement, mais que le Gouvernement s’emploie à inverser ces résultats négatifs. Concrètement, le Secrétariat spécial pour la promotion de l’égalité raciale a élaboré plusieurs programmes, en partenariat avec la société civile. Il existe un système unique de justice et de sécurité publique, mis en place par convention avec les États, qui ont pris différents engagements. Chaque État met en place un système d’éducation et de suivi de la société sur cette question. Dans la périphérie des grandes métropoles, le Ministère de l’éducation, en collaboration avec l’UNESCO, a mis en place un programme appelé «École ouverte»: les 1 200 écoles concernées restent ouvertes les samedis et dimanches, servent de lieu d’éducation et de formation non scolaires et la communauté se charge d’assurer leur entretien, ce qui la responsabilise. Étant donné que la culture hip‑hop est très fortement ancrée dans la communauté afro‑brésilienne et donc dans les favelas, un programme de sensibilisation, de lutte contre l’exclusion et de prise de conscience de l’identité a été mis en place pour donner aux jeunes, par l’intermédiaire de cette culture, des moyens de sortir des favelas. Un programme pour l’égalité raciale et la non‑discrimination est également mis en œuvre parallèlement aux programmes d’éducation en matière raciale qui sont dispensés dans les écoles de police.

9.M. MAMEDE (Brésil) dit que des groupes violents qui prônent l’intolérance raciale, la xénophobie, l’homophobie et le rejet de toute différence, et dont certains comptent des policiers parmi leurs membres, sont apparus dans le nord et le nord‑est, notamment dans l’Amazonas, le Pernambuco et le Ceará, où la situation est devenue vraiment inquiétante. Le Conseil national de lutte contre la discrimination a décidé, en collaboration avec les bureaux des gouverneurs, les ministères concernés, le Secrétariat national à la sécurité publique et les médias, d’engager un dialogue avec les familles et les communautés afin que les autorités locales et la presse soient immédiatement alertées au moindre incident, en vue de parvenir à une «tolérance zéro» à l’égard des actes commis par ces groupes. Il convient de souligner ici que le respect des droits de l’homme fait partie de toutes les mesures prises par tous les ministères, dans une perspective d’intégration totale.

10.Mme ADORNO (Brésil) dit, à propos de la participation des femmes dans les activités politiques et l’administration, que le Secrétariat spécial pour les politiques en faveur des femmes a pour rôle d’assurer la coordination entre les différentes administrations publiques afin d’intégrer parfaitement la question de l’égalité des sexes au niveau exécutif. Un programme sur l’égalité des sexes a été mis en place dans les entreprises. Dans les écoles de formation professionnelle et de spécialisation des fonctionnaires, la question de l’égalité entre hommes et femmes fait partie intégrante des droits de l’homme. Le Secrétariat spécial pour les politiques en faveur des femmes travaille également avec d’autres organes gouvernementaux afin d’intégrer la question de l’égalité entre hommes et femmes dans la politique en général. La participation des femmes dans les organes législatifs et judiciaires est encore insuffisante mais le débat public est favorisé afin que la société prenne conscience de la nécessité de renforcer leur présence, notamment dans les tribunaux et au Parlement; le Gouvernement espère que les femmes occuperont bientôt une plus grande place dans les organes judiciaires supérieurs. Le tribunal électoral supérieur va en outre promouvoir un débat public sur la nécessité d’augmenter le nombre de candidates à toutes les élections.

11.Les données sur la violence familiale et les rapports des professionnels de santé ne sont pas encore disponibles car la loi prévoyant que les professionnels de santé sont tenus de dénoncer les auteurs de violences familiales n’a été adoptée qu’en 2004. Des projets pilotes sont mis en œuvre dans cinq grandes villes et les registres des signalements ventilent les données par catégories de victimes: femmes, enfants, adolescents et handicapés physiques et mentaux. Le personnel de 30 institutions a été formé pour recevoir ce type de dénonciations.

12.Mme AUGUSTA de MOURA SOUZA (Brésil) dit qu’il n’existe pas de politique publique visant à stériliser les femmes afin de contrôler la démographie; bien au contraire, cette pratique est interdite et des textes de 1995 prévoient des sanctions pénales. Cela étant, on ne peut pas exclure des cas de pratiques ponctuelles et individuelles.

13.M. MARTINS de SOUZA (Brésil) dit que c’est le Conseil national pour la promotion de l’égalité raciale qui est chargé de la question des Tziganes. Il est composé de représentants de l’État et de la société civile, c’est‑à‑dire de tous les peuples, donc notamment du peuple tzigane. Lors de la conférence nationale sur la politique de promotion de l’égalité raciale, les Tziganes ont présenté des revendications, demandant notamment que le Gouvernement adopte une politique spéciale pour tenir compte de leurs problèmes, et agisse pour reconnaître leur identité, les nomades éprouvant de grandes difficultés à se faire enregistrer du fait que le lieu de résidence est un des critères d’enregistrement. Ils ont demandé aussi que les programmes officiels nationaux diffusent des informations sur les droits des Tziganes, en particulier des enfants qui naissent dans les campements et ne sont pas inscrits à l’état civil – lorsqu’ils le sont, les registres ne mentionnent pas leur origine ethnique. Le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme étudie actuellement la question et le dialogue se poursuit.

14.Mme WIECKO WOLKMER de CASTILHO (Brésil) dit, à propos de la fédéralisation, que les personnes physiques et morales peuvent saisir directement le Procureur de la République lorsque les compétences sont dispersées entre différentes juridictions. Neuf demandes ont ainsi été présentées au Procureur général et d’autres sont en cours d’examen au sein du Conseil pour la défense des droits de la personne humaine. Lors de la Conférence nationale sur les droits de l’homme, en 2004, de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, opposées à la fédéralisation depuis les années 80, se sont prononcées contre la fédéralisation du ministère public. Il en est résulté de sérieux problèmes car l’amendement constitutionnel no 45 qui prévoit cette fédéralisation était sur le point d’être approuvé. L’amendement a finalement été adopté et le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme a pris contact avec le ministère public fédéral afin qu’un débat soit ouvert et que les règles de procédure soient arrêtées. Cependant, l’Association des magistrats brésiliens, qui regroupe des milliers de juges et magistrats, et la Fédération des ministères publics, résistent toujours. Seuls les juges fédéraux et les membres du ministère public fédéral sont favorables à la fédéralisation. La Cour suprême est saisie de cette question et doit en examiner la constitutionnalité. Pour le moment, le climat n’est pas propice à l’adoption d’une réglementation.

15.M. MAMEDE (Brésil) dit que l’une des difficultés posée par la protection des défenseurs des droits de l’homme qui font l’objet de menaces tient au refus de certaines de ces personnes de solliciter la protection de la police locale. Il est vrai que des policiers sont impliqués dans des violences contre des défenseurs des droits de l’homme, mais de tels actes sont sévèrement réprimés. On s’efforce de rétablir la confiance à l’égard de la police en s’assurant notamment de la probité des agents lors du recrutement. Un système d’équipes et de rotations permet d’assurer en permanence une protection individuelle des personnes qui en ont besoin. Un programme national de protection des défenseurs des droits de l’homme a été créé, dans le cadre duquel trois projets pilotes sont actuellement mis en œuvre dans les États de Pará, Pernambuco et Espírito Santo.

16.M. O’FLAHERTY, se référant aux explications données par la délégation au sujet de la situation budgétaire du Secrétariat spécial pour les droits de l’homme, demande si la réduction de moitié du budget prévue pour 2006 s’explique seulement par les difficultés économiques du pays ou si elle traduit une marginalisation du Secrétariat au sein du Gouvernement. En ce qui concerne la nécessité de renforcer la représentation des populations autochtones et de la communauté afro‑brésilienne dans la magistrature, des programmes de discrimination positive, comme il en existe déjà pour les femmes, devraient être mis en œuvre. Pour ce qui est des actes de violence dirigés contre les membres de la communauté afro‑brésilienne, les homosexuels et les transsexuels, il serait bon de savoir si les mesures prises pour lutter contre ces pratiques comprennent l’ouverture d’enquêtes et l’exercice de poursuites pénales. Au sujet des victimes de la dictature militaire, il est primordial qu’elles puissent faire valoir leurs droits et leurs intérêts auprès du Gouvernement par l’intermédiaire du Secrétariat spécial pour les droits de l’homme. Toute confirmation à cet égard serait la bienvenue.

17.Mme WEDGWOOD, revenant sur la question du fédéralisme brésilien, estime très préoccupant que l’État fédéral ne dispose d’aucun pouvoir coercitif. Il est inconcevable que les questions relatives au respect des droits de l’homme soient laissées à la seule appréciation des États. Il faut un État fédéral fort pour faire contrepoids aux pressions qui s’exercent sur les juges, la police et la population à travers le pays. Il ne faut pas oublier que tout État qui manque à son devoir de protéger ses citoyens contre les violations des droits de l’homme peut voir sa responsabilité internationale engagée. À ce sujet, on se souviendra de la décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Velásquez Rodríguez c. Honduras. On peut également s’inquiéter du fait que les affaires pénales ne peuvent être renvoyées devant une instance fédérale que lorsqu’il a été démontré que l’État concerné faisait obstruction à la justice ou ne disposait pas des capacités suffisantes pour en assurer le bon déroulement.

18.L’article 232 de la Constitution dispose que les Indiens et les organisations qui les représentent ont qualité pour agir en justice afin de défendre leurs intérêts et leurs droits; or la délégation a laissé entendre qu’une tutelle s’exerçait à l’égard des populations autochtones. Faut‑il en déduire qu’en dépit des dispositions de l’article de la Constitution susmentionné, la défense des droits des membres des communautés autochtones est laissée à l’initiative du Gouvernement fédéral? En ce qui concerne l’esclavage, des renseignements concernant toute procédure pénale en cours seraient utiles. Pour ce qui est du travail forcé, il est à supposer qu’il concerne essentiellement des membres de la communauté afro‑brésilienne et des populations autochtones.

19.L’article 67 des dispositions constitutionnelles provisoires prévoit que le Gouvernement fédéral devra procéder à la délimitation des territoires autochtones dans les cinq ans à compter de la promulgation de la Constitution. Mme Wedgwood demande quelles sont les raisons pour lesquelles le délai fixé n’a pas été respecté, si des poursuites ont déjà été engagées contre des sociétés commerciales implantées sur les terres autochtones délimitées et quelle suite a été donnée aux rapports faisant état de violences commises contre des membres des populations autochtones.

20.Pour lutter contre la violence policière, le Brésil doit impérativement se doter d’une autorité fédérale indépendante d’inspection des services de police. La durée du mandat de procureur devrait également dépasser deux ans afin d’assurer la continuité du traitement des affaires. Il faudrait aussi mettre en place un dispositif de protection des témoins indépendant de la police militaire. En outre, les fonctionnaires de police soupçonnés d’homicide ou d’actes de violence devraient être suspendus jusqu’à la fin de la procédure judiciaire.

21.Mme WIECKO VOLKMER de CASTILHO (Brésil) répond qu’il n’est pas juste de penser que les États fédérés ne sont pas à même d’apporter des réponses judiciaires satisfaisantes aux différents problèmes évoqués par Mme Wedgwood ni d’imaginer que le pouvoir judiciaire fédéral n’est pas représenté au sein des États, la présence de procureurs fédéraux dans chacun des États étant garantie depuis 2004.

22.Le travail forcé ne concerne majoritairement des membres de la communauté afro‑brésilienne ou des populations autochtones que dans les plantations de canne à sucre de l’État de São Paulo, où la main‑d’œuvre se compose essentiellement d’Indiens. Des progrès notables ont été réalisés en ce qui concerne la répression des cas de travail forcé, et les archives du ministère public fédéral font état de 89 enquêtes de police et de 104 actions pénales pour les trois dernières années.

23.La nécessité d’un mécanisme indépendant d’inspection de la police est indiscutable. Le ministère public fédéral a engagé des procédures d’enquêtes sur les violences policières qui suscitent une vive opposition au sein de la police ainsi que du pouvoir judiciaire. Le problème a été signalé au Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur l’indépendance des juges et des avocats, M. Leandro Despouy, et la Cour suprême devrait statuer prochainement sur la compétence du ministère public en matière d’enquêtes.

24.M. BRISOLA BALESTRERI (Brésil) reconnaît que l’intervention du Gouvernement fédéral doit être renforcée. Des efforts sont faits dans ce sens dans plusieurs domaines. Par exemple, aux fins de la lutte contre l’homophobie, le Gouvernement fédéral a demandé aux États de créer des structures chargées de recueillir les plaintes des personnes victimes de discrimination ou de violences en raison de leur orientation sexuelle. Plusieurs d’entre eux ont donné leur accord et deux États ont déjà pris les mesures nécessaires. Le Gouvernement fédéral utilise également l’allocation des ressources budgétaires comme un moyen de pression pour contraindre les États à adopter des mesures de protection des droits de l’homme. Par exemple, l’affectation des ressources du Fonds national pour la sécurité, géré par le Gouvernement fédéral, est désormais régie non plus seulement par des critères quantitatifs (incidence de la criminalité dans les États, effectifs de la police, etc.) mais aussi par des critères qualitatifs, tels que la mise en œuvre de programmes de formation aux droits de l’homme à l’intention des forces de police, la mise en œuvre de mesures destinées à lutter contre la discrimination ou l’application de procédures d’inspection au sein de la police. Un vaste programme d’un budget de 6 millions d’euros est d’ailleurs actuellement mis en œuvre, en partenariat avec le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme et l’Union européenne, en vue de mettre sur pied des structures indépendantes d’inspection des services de police.

25.La PRÉSIDENTE remercie la délégation de ses réponses et l’invite à reprendre la présentation de ses réponses écrites aux questions de la liste des points à traiter.

26.M. BRISOLA BALESTRERI (Brésil), répondant à la question no 13 de la liste des points à traiter, dit que le Gouvernement brésilien reconnaît l’importance qu’il y a à assurer l’indépendance des expertises médico‑légales et favorise le débat sur ce sujet entre représentants de la police judiciaire et associations d’experts. Le fait de confier ces expertises à la police judiciaire est une tradition ancienne dans le pays, mais une évolution est en cours et plusieurs États sont d’ores et déjà dotés d’institutions médico‑légales indépendantes. L’État travaille en outre à améliorer les conditions de travail des médecins légistes par une politique volontariste d’investissement. C’est ainsi que des centres régionaux d’analyse de l’ADN et une banque nationale de données ADN, financée par des crédits fédéraux, ont été créés et des stages de toxicologie médico‑légale dispensés. Pour 2006, des discussions sont entreprises avec l’Université de Floride en vue de mettre en place un cours de spécialisation à l’intention d’experts brésiliens, qui devrait représenter un coût de l’ordre de 8 millions de dollars des États‑Unis.

27.Mme WIECKO VOLKMER de CASTILHO (Brésil) dit qu’il est vrai que le nombre de morts violentes chez les animateurs ruraux a fortement augmenté en 2003 (question no 14), pour atteindre le triste record de 42, sans doute à cause des mouvements sociaux qui ont conduit à des occupations de terres plus fréquentes. Les chiffres ont toutefois baissé puisqu’on a enregistré 16 morts en 2004 et 12 seulement en 2005. Faute d’un système d’information couvrant toutes les juridictions du pays, la délégation n’est pas en mesure de donner des renseignements sur les poursuites et les condamnations dont ont fait l’objet les personnes soupçonnées de ces crimes, mais si le Comité souhaite soulever des cas précis, il pourra y être répondu ultérieurement par écrit.

28.M. PAIXÃO PARDO (Brésil), rappelle qu’il a déjà été répondu à la question no 15 à la séance précédente et passe donc à la question no 16. Le Brésil reconnaît depuis 1995 l’existence du travail forcé sur son territoire, ce qui a coïncidé avec le lancement de la campagne nationale de promotion des principales conventions de l’OIT. La lutte contre le travail forcé suppose des efforts conjugués de la part des pouvoirs publics, de la société civile et des acteurs sociaux. C’est à cette fin qu’a été créée en 2003 la Commission pour l’éradication du travail forcé (CONATRAE), qui travaille en étroite collaboration avec l’OIT.

29.M. BAESSO (Brésil) ajoute que les autorités entendent sensibiliser les secteurs les plus défavorisées de la population aux risques encourus en signant certains contrats de travail, mais veulent aussi sensibiliser les employeurs pour qu’il n’y ait plus d’entreprises qui violent le droit du travail. Le Pacte national contre le travail forcé mentionné dans les réponses écrites est un outil précieux pour ce faire. Au niveau du pouvoir exécutif, une nouvelle procédure pour combattre le travail forcé, exposée dans un manuel dont un exemplaire sera remis au Comité, a été élaborée. Au niveau judiciaire, comme il est important que les décisions soient prises rapidement, le Ministère du travail est habilité à engager des poursuites.

30.M. OLIVEIRA de BARROS LEAL (Brésil) indique que les programmes visant à lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants sont expliqués en détail dans les réponses écrites. Une enquête nationale a été menée pour déterminer et surveiller les principaux axes de trafic et une commission parlementaire d’enquête a procédé à des études approfondies. De plus, un numéro d’appel d’urgence a été mis en place pour permettre les dénonciations, lesquelles ne sont que la première étape d’un processus tout au long duquel les victimes bénéficient d’une assistance. Dans le cadre d’un programme de portée nationale, le Ministère de l’éducation s’attache à former les enseignants pour les rendre à même de repérer les signes de violence sexuelle chez leurs élèves.

31.M. MAMEDE (Brésil) dit qu’il est malheureusement exact que les conditions carcérales sont très mauvaises. Les prisons sont des lieux de violence; elles manquent de surveillants. Il est important de noter à ce sujet qu’il existe plusieurs types de structures: outre les établissements publics, des établissements fonctionnent en régime de cogestion, certaines prisons sont gérées par la communauté et d’autres encore par des organisations non gouvernementales. De nouveaux établissements pénitentiaires, qui seront placés sous la compétence exclusive des États, seront bientôt ouverts. De plus, beaucoup de problèmes tiennent à un engorgement de la justice. Avec l’adoption de textes ayant aggravé les peines encourues pour des délits mineurs, les prisons se sont trouvées surpeuplées. On s’attache donc maintenant à concevoir des peines de substitution à la privation de liberté, car la construction de nouveaux établissements ne peut pas suffire à absorber les 4 000 nouvelles personnes incarcérées par mois. Des formations à la gestion des prisons sous l’angle des droits de l’homme sont dispensées.

32.La Constitution prévoit que toute personne ayant fait l’objet d’une détention arbitraire ou d’une prolongation arbitraire de sa peine a droit à réparation. On ne dénombre qu’un petit nombre de cas d’indemnisation à ce jour. En vertu de la loi sur l’exécution des peines, toutes les juridictions de l’ordre judiciaire ont l’obligation de donner suite à toute plainte faisant état de mauvais traitements subis par un détenu en menant une enquête minutieuse. Les médiateurs ont aussi un rôle à jouer.

33.Mme WIECKO VOLKMER de CASTILHO (Brésil), répondant à la question no 21, relative aux mesures prises pour transférer des tribunaux militaires aux tribunaux civils la compétence pour connaître des violations des droits de l’homme commises par des fonctionnaires de police, explique, que l’amendement constitutionnel no 45 est important à un double titre. Premièrement, il a conféré le rang constitutionnel à la loi no 9299, qui attribue non plus à la justice militaire mais aux tribunaux de droit commun la compétence de juger les homicides volontaires commis sur des civils par des membres de la police militaire. Deuxièmement, il a conféré, au sein des tribunaux militaires, au juge civil la compétence exclusive de juger les crimes autres que ceux d’«atteinte volontaire à la vie» commis par des militaires contre des civils. Une grande discrétion est laissée au juge civil du tribunal militaire pour déterminer le caractère «volontaire» du crime. Ses décisions sont susceptibles de recours. Les garanties sont donc en place mais n’empêchent pas qu’il faut rester vigilant face au risque de corporatisme.

34.La corruption est présente depuis longtemps dans l’appareil de sécurité et existe maintenant aussi dans le système judiciaire. Il serait toutefois exagéré de dire que tout le système est touché. Un certain nombre de mesures ont été adoptées pour accroître la transparence, comme la création du Conseil national de justice, l’obligation de rendre publique toute décision de l’administration, ainsi que la création, en 2004, d’un organe spécialement chargé de la lutte contre la corruption dans le système judiciaire. Désormais les magistrats peuvent être démis de leurs fonctions pour atteinte à l’administration publique. Plusieurs affaires sont d’ailleurs en cours, signe que l’ère de l’impunité de la corruption est révolue.

35.M. MAMEDE (Brésil) dit que le Gouvernement, soucieux de rechercher des moyens de médiation dans les conflits agraires, a mis en place des organes de surveillance des conflits dans les zones rurales; il a aussi créé un département de médiation agraire, avec des bureaux régionaux, notamment dans les zones sensibles. Enfin au sein du Secrétariat national aux droits de l’homme un conseiller de l’Institut national de la réforme agraire est spécialement chargé de signaler tout conflit. Aucun assassinat par des agents de l’État dans le cadre des conflits ruraux n’a eu lieu depuis l’entrée en fonctions du gouvernement actuel.

36.M. BAESSO (Brésil), traitant de la question no 24, souligne que les politiques menées pour faire reculer la mortalité infantile ont donné de très bons résultats puisque de 37 à 38 ‰ au début des années 90, le taux de mortalité infantile a été ramené à 24 ‰ en 2004. Les chiffres sont toutefois encore trop élevés dans les populations noires et indiennes. Cela tient au problème historique des fortes inégalités dans la répartition des revenus, d’où l’importance de programmes comme le programme de subventions aux familles, qui apporte une aide à 7 millions de familles à l’heure actuelle et devrait être étendue à 12 millions de familles d’ici à la fin 2005, le programme pour l’élimination du travail des enfants, qui a été très bien accueilli par l’OIT et a même servi de modèle à d’autres pays, ou encore le Plan national sur la vie familiale et communautaire en cours de mise en œuvre. Les politiques du Secrétariat pour la promotion de l’égalité sociale vont dans le même sens.

37.M. MANUEL dos SANTOS HENRIQUES (Brésil), indique que le taux national d’analphabétisme est de 3,7 % dans la tranche d’âge de 15‑24 ans. Toutefois, il existe dans ce domaine également de fortes disparités et par exemple le taux est beaucoup plus élevé chez les Noirs de sexe masculin vivant dans la région du Nordeste. Si le rythme de progression est le même que celui des 35 dernières années, il faudra 18 ans pour que le taux de ce groupe de population précis rejoigne la moyenne nationale pour le même groupe d’âge, ce qui n’est pas acceptable et l’objectif est d’aller plus vite. Des statistiques ventilées très précises sont à la disposition du Comité.

38.La PRÉSIDENTE remercie la délégation brésilienne de ses précisions et invite les membres du Comité à faire part de leurs observations.

39.M. JOHNSON LÓPEZ dit qu’il a pris note des renseignements donnés à propos des mesures prises pour améliorer les conditions de détention. Des inquiétudes demeurent toutefois concernant les prolongations arbitraires des peines d’emprisonnement. La garantie du droit à réparation est une mesure nécessaire mais non suffisante, et c’est le dysfonctionnement lui‑même qu’il faut chercher à supprimer. Il serait utile de savoir comment les cas de mauvais traitements en prison sont détectés et s’il existe un organisme indépendant chargé de surveiller la situation dans les prisons et de recevoir les plaintes des détenus. Il serait également utile de savoir si le régime de détention des mineurs s’est amélioré, en particulier pour ce qui est des possibilités de suivre des études et de l’augmentation du nombre de visites. Enfin, M. Johnson López voudrait savoir si le programme «La paix dans les campagnes» a eu des effets positifs pour la liberté d’expression et de réunion des militants des droits de l’homme dans les zones rurales et si des mécanismes sont en place pour assurer la liberté d’association dans ces zones.

40.M. WIERUSZEWSKI remercie la délégation de ses précisions mais regrette de ne pas disposer de renseignements concrets sur la réforme constitutionnelle. Il lui semble qu’elle est décevante sur le plan du transfert de compétence de la justice militaire à la justice civile, aspect crucial, qui appelait une réforme plus ambitieuse. La présence d’un juge civil n’empêche pas que le jugement par une juridiction militaire de l’auteur d’un crime dont la victime est un civil soit contraire à l’esprit de l’article 14 du Pacte. De plus, la notion d’«atteinte volontaire à la vie» est subjective et difficile à évaluer. Il est indiqué dans les réponses écrites que les services du procureur peuvent théoriquement intervenir dans les affaires en question pour demander un complément d’enquête; la question se pose de savoir si cela s’est déjà produit.

41.La délégation a indiqué que des procédures étaient en cours en vue de démettre de leurs fonctions des magistrats soupçonnés de corruption. Il serait utile de savoir combien de magistrats sont concernés et si d’autres moyens que la réforme constitutionnelle sont envisagés pour lutter contre la corruption. En effet l’ampleur du problème exige de suivre d’autres pistes, notamment d’améliorer la situation financière des juges.

42.Il a été fait état d’un recul du taux de mortalité infantile, mais il n’a pas été question des mesures prises pour faire baisser le taux de mortalité maternelle, qui est pourtant très élevé et même plus élevé qu’il y a 15 ans, en particulier dans la population pauvre et rurale. Or, selon une enquête brésilienne, 98 % des décès pris en compte dans le calcul du taux de mortalité maternelle seraient évitables.

43.Le nombre d’initiatives prises pour résoudre le problème des enfants des rues est impressionnant et le peu de résultats obtenus n’en est que plus étonnant. La délégation voudra bien indiquer comment les objectifs de ces initiatives sont définis et s’il s’agit d’objectifs chiffrés. Enfin, M. Wieruszewski salue la volonté de l’État partie d’assurer une large diffusion aux observations finales du Comité et l’encourage à en diffuser effectivement le texte par l’Internet, encore que ce mode de communication ne touche qu’une petite partie de la population et ne doive donc être considéré que comme un moyen d’information parmi d’autres.

44.Sir Nigel RODLEY voudrait savoir si les autorités brésiliennes ont avancé dans le projet d’unification des polices civile et militaire. En ce qui concerne les abus commis par des agents de la police civile, il a noté que les représentants de l’État partie espéraient que la Cour suprême confirmerait le droit du ministère public de superviser les enquêtes dans ces affaires. Quoi qu’il en soit, même si cette supervision est garantie, la situation ne sera pas satisfaisante tant que ce seront les responsables des postes de police qui enquêteront sur les faits mettant en cause leurs subordonnés. La bonne foi, l’honnêteté et l’intégrité de ces responsables ne sont pas en cause, mais une telle situation génère par définition des conflits d’intérêts. Certes, il existe des bureaux du médiateur de la police, mais ceux‑ci doivent demander à l’organe chargé des procédures disciplinaires internes d’ouvrir une enquête qui n’a ainsi guère de chances de déboucher sur des poursuites pénales. La situation d’impunité susceptible de découler du conflit d’intérêts créé par la procédure actuelle est préoccupante, et il serait utile que la délégation brésilienne explique comment l’État partie entend garantir à l’avenir l’indépendance des enquêtes sur les infractions commises par les forces de police.

45.Mme WEDGWOOD s’interroge sur l’indépendance du Secrétariat spécial pour les droits de l’homme. Apparemment, cette institution a aujourd’hui un rang ministériel et a été placée sous l’autorité directe de la présidence de la République mais on ne sait pas pour quelle raison elle a été rattachée à la présidence et s’il est envisagé de lui conférer de nouveau le statut d’organe indépendant. La question est d’autant plus importante que, si l’actuel Président de la République fait une grande place aux questions relatives aux droits de l’homme, nul ne sait ce qu’il en sera des prochains chefs de l’État, qui considéreront peut‑être ces questions comme beaucoup plus secondaires.

46.M. OLIVEIRA de BARROS LEAL (Brésil), dit que les autorités ne disposent pas de données d’ensemble concernant la détention arbitraire. Toutefois, si l’État est effectivement tenu d’indemniser les victimes d’une détention arbitraire, c’est aux victimes elles‑mêmes qu’il incombe d’engager la procédure à cet effet. L’exercice des recours est également entravé par l’insuffisance de l’aide juridictionnelle et des autres mécanismes permettant aux citoyens de faire valoir leurs droits. Le Conseil national sur les politiques pénales et pénitentiaires s’efforce toutefois d’améliorer la situation. Différents organes ont ainsi été créés, dont il serait trop long d’exposer les attributions. On peut indiquer simplement à titre d’exemple que le Conseil national sur les politiques pénales et pénitentiaires a effectué plusieurs visites dans des prisons et procédé à des auditions. Cet organisme n’a cependant qu’un rôle consultatif et transmet aux autorités compétentes les plaintes qu’il reçoit.

47.La liberté d’expression et de réunion des animateurs ruraux et des multiples mouvements comme celui des «sans terre» n’est soumise à aucune restriction. Tous s’expriment d’ailleurs avec beaucoup de vigueur, ce qui est salutaire, et les mesures que les autorités prennent dans ce domaine visent uniquement à protéger et encadrer l’exercice du droit à la liberté d’expression et de réunion.

48.Mme WIECKO VOLKMER de CASTILHO (Brésil), revenant sur la question de la réforme du pouvoir judiciaire, indique que le Gouvernement brésilien a pris un certain nombre de mesures pour contrecarrer les tendances corporatistes au sein de la justice militaire, notamment en favorisant les échanges entre parquets militaires et parquets civils sur les questions relatives à la protection des droits de l’homme. Elle précise également que la rémunération des juges est supérieure à la moyenne de celle des autres fonctionnaires, et que le mécanisme mis en place pour lutter contre la corruption dans la magistrature n’avait pas pour objectif d’améliorer la situation financière des juges.

49.À propos des enquêtes sur les mauvais traitements infligés par des membres de la police, il faut relever que le barreau brésilien, de même qu’un certain nombre d’autres organismes et associations, s’est prononcé contre l’idée de confier les enquêtes directement au ministère public. Une recommandation du Comité des droits de l’homme à ce sujet serait bienvenue.

50.M. BRISOLA BALESTRERI (Brésil) fait observer que, si le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme fait l’objet d’efforts budgétaires particuliers, des fonds importants sont aussi alloués à l’Office national de la sécurité publique, qui a déjà mené à bien plusieurs programmes de formation des membres de la police aux questions de droits de l’homme, conformément aux recommandations que le Comité avait formulées à l’issue de l’examen du rapport initial du Brésil.

51.La torture continue d’être pratiquée dans les locaux de la police et cette situation préoccupe le Gouvernement brésilien, qui s’efforce d’y mettre fin par différentes mesures, en particulier une campagne contre la torture au sein de la police civile et la mise en place d’un mécanisme de supervision. Ce mécanisme est trop récent (il n’a que trois mois d’existence) pour que l’on puisse évaluer les résultats de son action. Quoi qu’il en soit, la question de l’unification des deux polices civile et militaire est aujourd’hui largement débattue, et les autorités brésiliennes, par l’intermédiaire de l’Office national de la sécurité publique, s’efforcent, à tout le moins, de parvenir à l’intégration des deux polices.

52.M. MAMEDE (Brésil) ajoute que, dans les 14 États du Brésil où a été ouvert un bureau du médiateur de la police, des activités de sensibilisation et de promotion du respect des droits fondamentaux seront entreprises pour répondre aux préoccupations des défenseurs des droits de l’homme.

53.M. MANUEL dos SANTOS HENRIQUES (Brésil), revenant sur la question du taux élevé de mortalité maternelle, dit que la mise en œuvre des programmes de subventions aux familles, qui imposent aux femmes bénéficiaires des examens prénatals, a néanmoins permis de réduire ce taux.

54.En ce qui concerne les effets des différents programmes et initiatives lancés par les autorités, on peut affirmer que le Brésil mène une politique d’avant‑garde. Le programme relatif aux enfants des rues par exemple a apporté des améliorations pour ce qui est non pas tant du nombre d’enfants des rues mais de leurs conditions de vie. D’une façon générale, plusieurs programmes sociaux ont déjà donné de très bons résultats, malgré les nombreuses difficultés auxquelles les autorités se heurtent du fait de la réalité sociale extrêmement complexe du Brésil.

55.Mme ADORNO (Brésil) précise que l’un des facteurs essentiels de la mortalité maternelle est l’absence de surveillance médicale durant la grossesse. Toutefois, le taux de mortalité maternelle a été ramené de 57 pour cent mille à 51 pour cent mille naissances, et les réformes du système de la santé publique ont permis d’améliorer globalement la santé des femmes dans plus de 5 000 villes du pays.

56.M. MAMEDE (Brésil) souligne également que le programme de scolarisation des enfants, de vaccination dans les écoles et de construction d’établissements scolaires est le programme le plus ambitieux et le plus coûteux jamais entrepris au Brésil, et le Gouvernement escompte qu’il permettra d’améliorer sensiblement la situation des enfants.

57.Le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme était jusqu’à récemment un organisme indépendant et la préoccupation exprimée par Mme Wedgwood à ce sujet est légitime. Le Président Lula da Silva a estimé nécessaire de procéder à une refonte des ministères, dont il a modifié les attributions. Ainsi, le Secrétariat national aux droits de l’homme est aujourd’hui un sous‑secrétariat placé sous l’autorité directe du Président de la République, dont il dépend dans toutes ses activités. M. Mamede entend tout faire pour que le Secrétariat spécial pour les droits de l’homme retrouve l’autorité dont il jouissait auparavant au sein du Gouvernement et la relation privilégiée qu’il entretenait avec les organisations de la société civile. Ce souhait a été publiquement partagé par de nombreuses personnalités, au Brésil comme à l’étranger, ainsi que par plusieurs organes ministériels. Les chambres fédérales ont d’ailleurs adopté une disposition provisoire permettant de présenter, par l’intermédiaire d’un député, une demande visant à restituer son statut antérieur au Secrétariat spécial pour les droits de l’homme. Le Sénat doit encore approuver cette décision qui a toutes les chances d’être entérinée. Pour ce qui est des autres questions auxquelles la délégation brésilienne n’a pas pu répondre, elles feront l’objet d’un complément de réponse écrit qui sera adressé ultérieurement au Comité.

58.La PRÉSIDENTE remercie la délégation brésilienne. Elle regrette que le deuxième rapport périodique ait été soumis si tardivement car il couvre ainsi une très longue période. En outre, il n’est pas suffisamment centré sur l’application concrète des dispositions du Pacte. Certes, les multiples renseignements qui y figurent, tout comme les réponses écrites à la liste de points ou les informations communiquées oralement, montrent la volonté des autorités de l’État partie d’améliorer la situation des droits de l’homme, mais le Comité a pour mandat d’examiner la façon dont les dispositions du Pacte sont appliquées dans les faits et non pas comment elles le seront à l’issue des réformes entreprises.

59.Plusieurs aspects positifs doivent être relevés, en particulier les mesures prises pour mettre fin à la pratique de la torture, la lutte contre l’homophobie et la qualification fédérale des infractions et des crimes.

60.Un certain nombre de préoccupations demeurent néanmoins, notamment les mauvais traitements de la part des forces de l’ordre et l’impunité dont jouissent leurs auteurs. Si la prévention et la formation des forces de l’ordre en matière de droits de l’homme sont très importantes, la lutte contre l’impunité exige d’aller plus loin et de mettre en place une autorité indépendante qui sera chargée de recueillir les plaintes et de veiller à ce que les infractions soient poursuivies et leurs auteurs sanctionnés. Des doutes subsistent encore concernant l’impartialité et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Certes, une réforme a été entreprise, mais les raisons du maintien des tribunaux militaires restent obscures, et le dialogue avec la délégation brésilienne n’a pas permis de comprendre comment le respect des différents droits prévus à l’article 14 du Pacte est garanti dans les procédures devant une juridiction militaire. La détention arbitraire, notamment la détention qui se prolonge après que le condamné a achevé sa peine, est contraire à l’article 9 du Pacte. Apparemment, les situations de ce type sont dues à des carences dans la gestion de l’administration pénitentiaire, mais il n’est pas acceptable d’oublier des individus dans les prisons; l’indemnisation des victimes ne suffira pas à régler le problème. La question de la réforme agraire continue de retenir l’attention du Comité et il ne paraît pas y avoir eu beaucoup d’évolution dans ce domaine. Toutefois, le Comité a pris note de la diminution de la violence dans les litiges fonciers depuis plusieurs mois. La délégation a évoqué une amélioration de la situation des enfants des rues, mais apparemment il n’est pas prévu de chercher à supprimer le phénomène en tant que tel. Or les enfants sont l’avenir d’un pays, et il est fondamental de viser l’éradication du phénomène des enfants des rues et de développer des programmes visant à scolariser tous les enfants, à mettre fin au travail et à la traite des enfants, etc. Dans ce domaine, des progrès importants restent encore à faire.

61.M. MAMEDE (Brésil) dit que l’examen du deuxième rapport périodique a été l’occasion pour les représentants du Brésil de montrer les efforts considérables qui sont déployés actuellement pour améliorer la situation des droits de l’homme et progresser vers l’instauration de l’état de droit et une véritable démocratie. Il n’a pas pu être répondu à plusieurs questions, mais les autorités brésiliennes ne manqueront pas de faire parvenir ultérieurement au Comité un complément de réponse.

62.La PRÉSIDENTE annonce que le Comité a achevé l’examen du deuxième rapport périodique du Brésil (CCPR/C/BRA/2004/2).

63. La délégation brésilienne se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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