NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.1931

4 septembre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-douzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1931e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 11 juillet 2001, à 10 heures

Président: M. BHAGWATI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial de la République tchèque

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.01-43392 (F) 160701 040901

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la République tchèque CCPR/C/CZE/2000/1; HRI/CORE/1/Add.71/Rev.1; CCPR/C/72/L/CZE

1. Sur l’invitation du Président, M. Jařab, M. Slabý, M. Hovorka, M. Bureš, Mme Drahoñovská, Mme Pastrañáková, M. Sovák et Mme Schellongová (République tchèque) prennent place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation tchèque à répondre aux questions figurant sur la liste des points à traiter (CCPR/C/72/L/CZE) qui se lit comme suit:

«Cadre constitutionnel et juridique dans lequel le Pacte est appliqué (art. 2)

1.Indiquer les articles de la Charte des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont l’application intégrale nécessite l’adoption de nouvelles dispositions législatives ainsi que les mesures précises qui auraient été prises ou qui seraient envisagées pour combler ce vide juridique (voir par. 15). 

2.Donner des renseignements sur ce qui a été fait depuis la présentation du rapport pour mettre en oeuvre intégralement les constatations du Comité au titre du Protocole facultatif, notamment en ce qui concerne les communications Nos 516/1992 et 586/1994 (par. 400).

3.Donner plus de précisions sur les fonctions et pouvoirs précis du Bureau du Médiateur qui vient d’être créé (par. 22). Préciser également les pouvoirs du nouveau Commissaire aux droits de l’homme (par. 48).

Non-discrimination, égalité entre les sexes, droits des personnes appartenant à des minorités, droits de l’enfant (art. 2 1), 3, 24, 26 et 27)

4.Quelles ont été les mesures prises pour prévenir la discrimination raciale (par. 393 du rapport) en fait et en droit, notamment à l’égard de la minorité rom? Fournir de plus amples renseignements sur les mesures destinées à prévenir la discrimination dans les domaines de l’emploi, de l’enseignement, de la santé, du logement, dans les centres de détention et dans le cadre de la restitution des biens et des programmes sociaux.

5.Donner des précisions au sujet de la résurgence du racisme ces derniers temps, en particulier des actes de violence et du harcèlement dont ont été victimes des membres de la minorité rom de la part de skinheads, et également au sujet des allégations selon lesquelles la police et les autorités judiciaires n’enquêtent pas sur les crimes de haine et ne poursuivent pas leurs auteurs. Quelles mesures l’État partie envisage-t-il de prendre pour combattre et sanctionner les actes de harcèlement et de discrimination commis par la police à l’encontre de membres de la minorité rom?

6.Quels ont été les résultats concrets du Plan d’action intitulé «Principes régissant la politique gouvernementale à l’égard des membres de la communauté rom» adopté en avril 1999 et destiné à favoriser l’intégration des membres de cette communauté dans la société (par. 410)? Quelles sont les activités de la Commission interministérielle pour les affaires de la communauté rom? L’État partie a-t-il envisagé de prendre des mesures visant à promouvoir la représentation de la minorité rom dans la vie publique?

7.Quelles ont été les mesures précises adoptées pour éviter le placement d’enfants, notamment d’enfants roms, dans des écoles d’éducation spéciale (par. 372 du rapport)? Sur quoi ont-elles débouché?

8.Donner des renseignements à jour sur le nombre et le pourcentage de personnes appartenant à des minorités ‑ en particulier les minorités rom, slovaque, allemande, polonaise, hongroise et ukrainienne ‑ qui participent à la vie politique et à la vie publique, y compris celles qui sont employées dans la fonction publique et celles qui participent à la vie économique. Où en est la mise en oeuvre de l’article 25 de la Charte des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en particulier en ce qui concerne l’élaboration d’un projet de loi sur les minorités nationales (par. 415 du rapport)?

9.Quelles mesures ont été prises ou sont envisagées pour accroître la participation des femmes à la vie publique, notamment la vie politique et la fonction publique (parlement et gouvernement), ainsi que dans le secteur économique, en particulier au niveau de l’encadrement (par. 96 et 97)?

10.Quels recours ont été prévus pour les femmes en cas de discrimination?

11.Indiquer les mesures existantes ou envisagées destinées à empêcher et à éliminer la violence contre les femmes, y compris la violence familiale, en fait comme en droit. Préciser les mesures prises pour sensibiliser l’opinion publique à ces questions ainsi que l’aide à laquelle ont droit les victimes.

Droit à la vie, traitement des prisonniers et autres détenus, liberté et sécurité de la personne, expulsion des étrangers et droit à un procès équitable (art. 6, 7, 9, 10, 13 et 14)

12.Étant donné que la peine capitale a été abolie en 1990 dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie, l’État partie envisage-t-il d’adhérer au deuxième Protocole facultatif?

13.Les allégations relatives à l’abus de la force par les responsables de l’application des lois au cours de manifestations, notamment au moment des événements survenus lors de la réunion du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en septembre 2000 à Prague, et les allégations relatives à des cas de traitements cruels, inhumains et dégradants infligés à des personnes détenues à la suite de ces événements ont-elles fait l’objet d’enquêtes? Si tel a été le cas, quels en ont été les résultats?

14.Le projet de loi sur la police a-t-il été adopté depuis la présentation du rapport? Un mécanisme chargé d’examiner les plaintes a-t-il été créé et, dans l’affirmative, quels sont ses pouvoirs? Indiquer dans quelle mesure le projet de loi sur la police améliore les mécanismes d’inspection existants et garantit aux citoyens qu’il ne sera pas porté atteinte de manière injustifiée à leurs libertés individuelles, et préciser le droit des détenus de prendre contact avec leur famille, avec un avocat et un médecin de leur choix et d’obtenir des renseignements écrits concernant leurs droits (par. 128).

15.Quelles sont les mesures prises par l’État partie pour remédier à la discrimination à l’égard des étrangers en ce qui concerne :

a)La décision d’un procureur ou d’un juge de placer en détention provisoire des étrangers accusés d’une infraction (par. 185)?

b)La détention prolongée dans les cellules de la police des étrangers qui attendent d’être expulsés et les conditions de détention (par. 235)?

16.Indiquer les mesures prises pour remédier au surpeuplement des centres de détention.

17.Quelles sont les mesures prises par les autorités pour instituer un système de contrôles extérieurs par des civils des prisons et d’autres institutions où les individus sont enfermés contre leur volonté, comme les établissements psychiatriques, les centres de rééducation, les centres de rétention, les prisons militaires et les locaux de mise en garde à vue (par. 211 et note de bas de page 35)? Pour quelle raison les dispositions antérieures sur les contrôles extérieurs ont-elles été abrogées (par. 211 du rapport)?

18.À propos des allégations concernant la durée prolongée de la détention provisoire dont il est fait mention au paragraphe 196 du rapport, quelles mesures ont été prises pour accorder réparation aux victimes des violations du Pacte constatées par la Cour constitutionnelle et remédier aux causes de ces violations?

19.Donner des précisions au sujet des modifications des dispositions du Code de procédure pénale qui ont pour objet de simplifier et d’accélérer les procédures pénales de façon à éviter un retard excessif de la procédure (par. 267)?

Élimination de l’esclavage et de la servitude (art. 8)

20.Fournir des renseignements et toutes données statistiques disponibles au sujet de la traite des femmes et des fillettes à des fins de prostitution. Quelles mesures l’État partie a-t-il adoptées pour lutter contre ces pratiques sur son territoire?

Liberté de religion et de conscience (art. 18)

21.Eu égard au paragraphe 317 du rapport, préciser ce que l’État partie entend par «sectes considérées comme obscures ou dangereuses» et développer les observations sur le lien entre sectes et «extrémisme».

Liberté d’opinion et d’expression et droit de recevoir des informations (art. 19)

22.Comment la liberté de la presse et des moyens d’information électronique est-elle garantie dans la pratique? Quelles mesures ont été prises pour garantir l’indépendance de la télévision publique tchèque vis‑à‑vis du pouvoir?

Accès à la fonction publique (art. 25)

23.En ce qui concerne la limitation de la possibilité d’accéder à la fonction publique dans des conditions d’égalité, la «loi sur la sélection préliminaire» est-elle encore en vigueur (par. 391 du rapport)?

Diffusion d’informations relatives au Pacte et au Protocole facultatif (art. 2)

24.Décrire les mesures prises pour diffuser des informations sur la présentation du présent rapport initial et pour organiser des consultations avec les membres de la société civile intéressés lors de son élaboration.

25.Quels sont les programmes en cours d’exécution qui visent à former les membres du corps judiciaire à l’application des droits consacrés dans le Pacte?

26.Fournir des renseignements sur la formation théorique et pratique dispensée aux fonctionnaires, en particulier au personnel chargé de l’application des lois et au personnel de l’administration pénitentiaire, au sujet du Pacte et de la procédure prévue dans le Protocole facultatif s’y rapportant. Décrire également les mesures prises pour sensibiliser davantage l’opinion publique, y compris les minorités ethniques et linguistiques, au Pacte et au Protocole facultatif, pour qu’elle en ait une meilleure compréhension.»

3.Le Président propose de traiter d’abord les 14 premières questions, de se ménager du temps pour poser des questions supplémentaires et demander des précisions, et de passer ensuite aux questions 15 à 26.

4.M. JAŘAB (République tchèque) souhaite faire quelques remarques d’ordre général avant de répondre aux questions précises figurant sur la liste.

5.Le système juridique tchèque a subi une évolution extrêmement dynamique, inspirée des valeurs universelles tendant à sauvegarder les droits de l’homme fondamentaux, depuis l’instauration de la démocratie en 1989. L’objet des réformes législatives est de faire disparaître les vestiges autoritaires ou paternalistes du régime précédent, de répondre aux exigences communautaires de l’Union européenne et de préciser davantage les droits inscrits dans la Charte des libertés et des droits fondamentaux et dans les conventions internationales auxquelles la République tchèque est partie. Dans le bref laps de temps écoulé depuis la présentation du rapport initial, un certain nombre d’amendements ont été apportés aux lois qui précisent les dispositions plus générales de la Charte. Celle‑ci fait partie de l’ordre constitutionnel tchèque et prévaut sur les autres textes législatifs. Elle traite fondamentalement des mêmes droits que le Pacte et elle est libellée en des termes aussi généraux que celui‑ci. Par exemple, elle laisse au législateur le soin d’interdire l’incitation à la haine ou les réunions tendant à promouvoir le racisme.

6.Sur le plan législatif, le Gouvernement a lancé en 1998 un vaste effort de réaménagement des grands codes de la République (Code de procédure pénale, Code pénal, Code civil, Code de procédure civile et Code de procédure administrative). À ce jour, seul le premier est passé devant le Parlement; il vise à accélérer les procédures et donc à faire plus rapidement justice aux plaignants ainsi qu’aux délinquants et à abréger considérablement la durée de la détention provisoire, l’un des problèmes les plus difficiles que connaît actuellement la République en matière de droits de l’homme. Quant aux autres codes, ils en sont à divers niveaux d’élaboration.

7.Une réforme législative a également été engagée pour préciser les droits des membres des minorités nationales, droits consacrés au troisième chapitre de la Charte. La loi sur les minorités nationales a été adoptée par le Parlement en juin 2001. Elle définit ce qu’est une minorité nationale, fixe les droits des minorités en matière de langues d’enseignement, de langues de communication avec les administrations, etc. Cet effort de démocratisation s’est accompagné d’une réforme institutionnelle visant directement à protéger et promouvoir les droits de l’homme. En 1998, le Gouvernement a créé la charge de commissaire aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme. Par la suite, en 1999, le Parlement a adopté un projet de loi du Gouvernement tendant à créer une institution nouvelle et indépendante, celle du médiateur, défenseur public des droits.

8.Depuis le milieu des années 90, le Gouvernement, et la société tchèque en général, sont devenus plus sensibles aux problèmes particuliers de la communauté rom, qui sont plutôt d’ordre social que politique. Cette communauté a été reconnue en tant que minorité nationale pour la première fois à l’occasion du recensement de 1991. Pour répondre aux problèmes auxquels elle se heurte, dans le domaine notamment de l’enseignement et de l’emploi, le Ministère de l’éducation, le Ministère du travail et des affaires sociales et la Commission interministérielle pour les affaires de la communauté rom (où les Roms eux‑mêmes sont représentés) ont entrepris un effort focalisé très précisément centré. Il faut cependant souligner que l’exclusion sociale des Roms, qui sont marginalisés depuis des générations, est un schéma difficile à inverser, et qu’il n’y a pas de solution facile, consistant par exemple à amender telle ou telle loi ou à modifier telle ou telle politique. Quelques progrès sont en voie de réalisation. Le Gouvernement a créé la fonction de conseiller des Roms – la moitié environ des postes étant occupés par des Roms – dans les 81 bureaux de district. Il a aussi mis en place des classes préparatoires à l’intention des enfants roms, et installé auprès d’un certain nombre d’écoles des assistants pédagogiques roms.

9.Malgré les efforts du Ministère du travail et des affaires sociales, qui cherche des emplois pour les chômeurs de longue durée sans qualification, le taux d’emploi reste faible parmi les Roms. Cela tient en partie à ce que le dispositif de protection sociale est assez généreux pour qu’un travail non qualifié ne soit pas nécessairement plus rémunérateur que les allocations de chômage. C’est pourquoi beaucoup de Roms non qualifiés ne peuvent vivre que dans des logements à bon marché, encore que les occupants soient bien protégés par la législation, même s’ils ne paient pas leur loyer. Il ne peut y avoir expulsion que sur décision judiciaire et, même en ce cas, un logement de substitution est en général fourni, souvent de qualité rudimentaire. On ne saurait nier toutefois que les quartiers où résident beaucoup de Roms chômeurs connaissent des phénomènes comme la petite délinquance, la prostitution, l’usage des drogues, etc., qui ne font qu’aviver l’animosité de la majorité tchèque à l’égard de ces communautés roms.

10.Il est certain que l’on peut considérer que les problèmes auxquels fait face la communauté rom relèvent des droits de l’homme. Mais ce serait une erreur que d’oublier les racines sociales et culturelles de ces problèmes et de n’y voir qu’un déni de «droits» délibéré de la part de la majorité. Certes, beaucoup de ces problèmes prennent naissance dans le préjugé général à l’encontre des Roms, mais il ne faut pas négliger les difficultés qu’impliquent des différences culturelles marquées, par exemple l’attitude traditionnelle des Roms à l’égard de l’enseignement. Beaucoup de ces difficultés risquent de s’aggraver malgré les efforts des autorités, mais le Gouvernement est attaché à l’idée que l’intégration permettra de relever la condition sociale des Roms, c’est‑à‑dire de préserver dans toute la mesure possible leur culture d’origine, mieux en tout cas que l’assimilation forcée que les pouvoirs publics avaient tentée avant 1989.

11.L’autre grande question est celle de l’adoption et de la mise en œuvre d’une législation de répression de la discrimination allant dans le sens de l’article 3 de la Charte tchèque, qui correspond à l’article 26 du Pacte. L’amendement apporté en 1990 à la loi sur les délits, proposé par le Gouvernement et approuvé par le Parlement, est un premier pas sur cette voie et fait de la discrimination raciale ordinaire un délit correctionnel.

12.En conclusion, M. Jařab donne au Comité l’assurance que la République tchèque est très attachée à améliorer la protection des droits de l’homme dans tous les domaines. C’est avec sincérité qu’elle a abordé dans son rapport les problèmes qu’elle connaît sur ce plan, dont beaucoup sont liés à cinq décennies de totalitarisme, et d’autres, notamment en matière sociale, au difficile passage à l’économie libérale. Elle ne pourra que tirer profit d’un dialogue constructif avec le Comité des droits de l’homme, aux questions duquel sa délégation répondra avec une égale sincérité.

13.M. SOVÁK (République tchèque), répondant à la question 1 de la liste des points à traiter, déclare que, d’une manière générale, le chapitre premier de la Charte, consacré à l’énoncé des droits et libertés fondamentaux, est rédigé en termes très larges et très généraux, ce qui est à son avis une bonne chose du point de vue de l’application du Pacte. Par contre, les chapitres suivants sont beaucoup plus concrets, peut‑être même trop, comme dans le cas du chapitre V. Il cite en exemple l’Article 36 de la Charte, qui reprend presque mot pour mot, avec toute sa précision, une disposition du Code de procédure pénale dont il donne lecture.

14.L’Article 6 de la Charte consacre le droit à la vie en ces termes: «La vie humaine est digne de protection dès avant la naissance.» Le Code pénal assure cette protection, mais après la naissance seulement: il y a donc une lacune législative pour la vie anténatale. On relève une faille analogue pour l’application de l’Article 3 de la Charte, qui garantit «les libertés et droits fondamentaux de tous les individus, sans distinction de race, de couleur, de langue», etc., pour laquelle il faut avouer que les moyens offerts par la loi pénale ne sont pas assez efficaces. On peut même dire que c’est le problème majeur de la législation tchèque. Cependant un puissant mouvement législatif tendant à codifier de façon concrète la répression de la violence domestique et de la maltraitance des enfants est amorcé. Le nouveau Code pénal, actuellement en préparation, corrigera vraisemblablement une partie des lacunes signalées.

15.Mme DRAHOÑOVSKÁ (République tchèque), se référant au point 2 de la liste, dit que la mise en œuvre des constatations du Comité ne fait pas l’objet d’une disposition particulière au titre du Protocole facultatif. L’article 117 de la loi portant création de la Cour constitutionnelle (loi 182/1993) définit un «tribunal international» comme un organe international dont la République tchèque est tenue d’exécuter les décisions. L’article 118 donne au Gouvernement la possibilité de proposer à la Cour constitutionnelle d’abroger toute loi ou disposition législative qu’un tribunal international aurait jugée incompatible avec la protection d’un droit garanti par la Constitution tchèque. Selon ces dispositions donc, le Gouvernement n’a aucune obligation légale de donner suite aux constatations du Comité. En sa qualité d’État partie au Pacte cependant, la République tchèque tend à respecter les avis du Comité, et son Gouvernement a entrepris l’examen doctrinal de cette question de droit. Une vaste réflexion s’est engagée entre le Ministère des affaires étrangères, le Ministère de la justice et le Commissaire aux droits de l’homme. Un premier résultat concret a été obtenu, sous la forme d’une résolution du Gouvernement adoptée en mai 2001 qui charge les deux ministères de présenter au Gouvernement avant septembre 2001 un projet de procédure de règlement par le Ministère de la justice des plaintes individuelles adressées à la Commission européenne des droits de l’homme. Est également prévue la mise en application des constatations du Comité. Mais il s’agit là d’un ouvrage encore sur le métier et la délégation tchèque attend du Comité qu’il lui donne des orientations quant à la meilleure façon de procéder.

16.M. JAŘAB (République tchèque), se référant à la question 3 de la liste, explique les différences entre les fonctions du Médiateur et celles du Commissaire aux droits de l’homme. Il précise tout d’abord qu’il existe un Conseil des droits de l’homme, organe consultatif, composé de 10 hauts fonctionnaires, de 10 représentants de la société civile, pour la plupart issus d’organisations non gouvernementales, et du Commissaire aux droits de l’homme, qui préside. Le Commissaire préside également le Conseil des minorités nationales et ethniques et la Commission interministérielle pour les affaires de la communauté rom.

17.La charge de commissaire aux droits de l’homme a été créée par une résolution du Gouvernement, et non par voie législative; son titulaire est nommé directement par le Gouvernement. Il n’a qu’un rôle consultatif en matière de politique générale relative aux droits de l’homme et peut suggérer des projets de loi. Il ne peut pas être saisi de plaintes individuelles. Le Conseil des droits de l’homme et le Commissaire agissent ensemble pour signaler au Gouvernement les dispositions de la Charte ou de la loi qui leur paraissent insuffisantes, et peuvent prendre l’initiative d’une réforme législative ou d’un changement de pratique. C’est ainsi qu’ils viennent de proposer de modifier la loi sur les peines d’emprisonnement.

18.Le Médiateur au contraire est entièrement indépendant du pouvoir exécutif. La charge a été créée par voie législative. Son titulaire est élu par la Chambre des députés parmi quatre candidats nommés pour moitié par le Président de la République et pour moitié par le sénat. Le Médiateur révise les décisions prises par les ministères et les autres organes de gouvernement sur les plaintes de particuliers, mais il peut agir de sa propre initiative. Il présente un rapport annuel au Parlement. On peut dire que le Médiateur a plus de poids que le Commissaire aux droits de l’homme. Le premier s’occupe d’affaires individuelles, l’autre de politique générale. Comme on le voit, leurs fonctions sont complémentaires.

19.Passant à la question 4, M. Jařab dit que la répression de la discrimination soulève un problème ancien, mais que l’on est de plus en plus conscient en République tchèque de la nécessité de trouver des moyens plus efficaces et plus pratiques de lutter contre la discrimination, comme le prévoit l’article 26 du Pacte. Un amendement a été apporté en juin 1990 à la loi sur les délits, à l’initiative du Gouvernement et avec l’approbation du Parlement. Ce n’est qu’un premier pas, mais il a permis d’introduire la notion de discrimination raciale mineure et d’en faire un simple délit correctionnel. Auparavant, ce comportement tombait sous le coup des articles du Code pénal sanctionnant les crimes de haine. Autrement dit, le seuil de gravité a été abaissé. Il va sans dire que la loi sur l’emploi contient aussi des dispositions qui interdisent la discrimination dans le milieu de travail.

20.Le Ministère de la justice a introduit un projet d’amendement du Code de procédure civile qui pourrait avoir des effets considérables puisqu’il ferait passer de l’optique pénale à l’optique civile. S’il est approuvé, il y aura un renversement de la charge de la preuve, qui pèsera non plus sur le plaignant mais sur l’accusé. Le plaignant pourra d’ailleurs être représenté par une association.

21.En janvier 2000, le Gouvernement a chargé le Ministère de la justice d’entreprendre la révision de l’ensemble des dispositions visant à lutter contre la discrimination. En janvier 2001, le Gouvernement a chargé le Commissaire aux droits de l’homme et le Vice‑Premier Ministre qui préside le Conseil législatif de préparer, avant le 31 décembre 2001, les mesures à prendre dans ce domaine. Il convient d’ajouter que la République tchèque a entrepris avec le Royaume‑Uni, l’Espagne et l’Irlande la réalisation d’un projet visant à mettre rapidement en application la Directive européenne sur l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, qui l’oblige à modifier ses lois et ses politiques. Les modifications apportées vont dans le sens de la nouvelle conception de la lutte contre la discrimination.

22.Pour ce qui est de la question 5 de la liste, les actes de violence et de harcèlement dont sont victimes des membres de la minorité rom de la part des «skinhead» et des néo‑nazis étaient un problème réel dans les années 90, mais ils semblent s’atténuer à l’heure actuelle. Certains délinquants ont été poursuivis et il est notable que ce soit pour délit de propagande plutôt que pour voies de fait. Il est exagéré de parler de harcèlement des Roms par la police, pour reprendre l’expression employée dans la liste et qui ne figure pas dans le rapport. Ce que l’on peut confirmer c’est que les Roms sont très nombreux parmi les délinquants et que la police ne les prend pas suffisamment au sérieux quand ils portent plainte. Des cours spéciaux sont dispensés, avec l’aide d’experts étrangers, aux élèves des écoles de police et aux membres des forces de police pour les sensibiliser aux problèmes de discrimination.

23.La question 6 de la liste porte sur les «Principes régissant la politique gouvernementale à l’égard des membres de la communauté rom». Il s’agit d’un plan à long terme, dont la réalisation n’a commencé qu’en 2000. Il est donc prématuré de chercher à en évaluer les résultats, mais le Comité voudra sans doute être informé des projets en cours. La Commission interministérielle accorde des subventions pour soutenir les activités entreprises par et pour les Roms, au niveau national comme au niveau local. Elle assure la supervision de l’action des conseillers des Roms, qui s’effectue au niveau des districts. Il est envisagé de créer des coordonnateurs des affaires roms au niveau des régions.

24.Pour ce qui est de la participation des Roms et autres représentants de minorités ethniques à la vie publique, il ne faut pas nier que les Tchèques sont très opposés à toute mesure volontariste qui tendrait à réserver aux minorités une certaine proportion des sièges des organes électifs. Il est vraisemblable qu’il n’y aura pas avant longtemps de consensus sur ce point.

25.La question 7 concerne le problème très préoccupant de l’éducation des enfants roms. Le fait que ces enfants fréquentent presque tous les écoles «spéciales» a pour résultat qu’ils ont moins de chances de poursuivre leurs études. On cherche à corriger cette situation de façon systématique et le nombre d’«assistants pédagogiques» est en augmentation. Ils font un travail très efficace et sont la clef de l’entrée des enfants roms dans les établissements ordinaires. Une classe dite «année 0» prépare les enfants souffrant de handicap linguistique ou culturel à relever les défis de l’enseignement ordinaire, elle se généralise rapidement. Le contenu des examens d’entrée en première année a été revu de façon à prêter plus d’attention aux différences culturelles. Un système de bourses d’études secondaires a également été mis en place. En fait, la loi sur l’enseignement dont le texte est en préparation doit intégrer les écoles «spéciales» à l’enseignement primaire ordinaire en offrant des programmes différenciés aux enfants en difficulté scolaire et aux enfants souffrant de divers handicaps.

26.Répondant à la question 8 de la liste, M. Jařab reconnaît que le nombre de membres des minorités participant à la vie publique et surtout à la vie économique est inconnu et le restera sans doute à jamais, car aucun fonctionnaire n’a à se déclarer de telle ou telle nationalité ou ethnie. Les Tchèques pensent même que cela serait incompatible avec la Charte. Par contre, on peut se féliciter de l’adoption à la fin du mois de juin 2001 de la loi sur les minorités nationales, qui définit ce qui est une minorité nationale, précise les droits linguistiques des minorités et porte création d’un Conseil des minorités établi par voie législative et non par une résolution du Gouvernement. On rappellera à ce propos que la République tchèque a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires le 9 novembre 2000.

27.Mme PASTRÑOVSKÁ répond à la question 9 qui porte sur la participation des femmes à la vie publique et économique. Elle mentionne en premier lieu le programme intitulé «Priorités et procédures du Gouvernement visant à assurer l’égalité entre les hommes et les femmes» lancé par le Gouvernement en 1998 en vertu d’une résolution gouvernementale. Les priorités en question sont inspirées du Programme d’action de Beijing, ainsi que les activités prévues. Le rôle des femmes est de plus en plus marqué, surtout dans la vie économique. Mme Pastrnovská cite plusieurs charges très élevées assumées par des femmes allant de la Cour suprême au Bureau de la sûreté nucléaire.

28.En politique, la situation est beaucoup moins bonne: il n’y a pas de femme au Gouvernement et leur nombre dans les deux chambres du Parlement n’a pas augmenté depuis la préparation du rapport initial. Par contre, au niveau de la politique locale, les femmes sont plus nombreuses à diriger conseils et municipalités.

29.La question 10 porte sur les recours offerts aux femmes en cas de discrimination. Ils sont nombreux. Au niveau général, l’Article 3 de la Charte protège les citoyens de la discrimination fondée sur le sexe. Ce principe est concrétisé par des textes législatifs qui, par exemple, renversent la charge de la preuve – qui passe du plaignant au défendeur – dans les affaires relevant du droit du travail.

30.Selon les «Priorités» déjà mentionnées, c’est le Vice‑Premier Ministre qui préside le Conseil législatif – l’un des organes consultatifs du Gouvernement – qui a été chargé d’entreprendre l’analyse juridique et constitutionnelle des mesures correctives de type volontariste. Cette analyse, maintenant achevée, conclut que les mesures de ce type sont à la fois possibles et légales en faveur des femmes.

31.M. Bures (République tchèque) reconnaît que la violence domestique est une question qui n’a pas reçu suffisamment d’attention de la part du Gouvernement jusqu’ici. Toutefois, sur proposition de divers groupes de défense des droits des femmes, une définition spécifique de l’infraction de violence domestique devrait bientôt être introduite dans la législation. Les débats en vue de modifier le Code pénal sont en cours, avec la participation active des ONG traitant de cette question et offrant des services de conseils aux victimes, dont le nombre est en augmentation. Le Ministère de l’intérieur a en outre lancé une campagne d’information incitant les victimes à se mettre en relation avec des organisations d’aide. Il s’efforce aussi de sensibiliser les membres des forces de police aux précautions à prendre quand ils ont affaire avec les victimes de ce type de violences. Le sujet figure désormais dans les programmes de formation et il est fréquemment traité dans les journaux internes de la police. Une place spéciale sera faite à cette question dans le programme de formation complet actuellement en cours d’élaboration dont bénéficieront sous peu tous les officiers de police.

32.Les plaintes dénonçant un emploi excessif de la force par les responsables de l’application des lois au cours des manifestations de septembre 2000 ont fait l’objet d’enquêtes par les services compétents de la police. Dans les cas où une infraction pénale était dénouée, les enquêtes ont été renvoyées à l’inspection du Ministère de l’intérieur, organe indépendant des forces de police. Ces enquêtes ont permis d’établir plusieurs cas d’emploi excessif de la force et de traitements dégradants de la part de certains policiers. Cependant, les responsables n’ayant pas pu être clairement identifiés, aucune action en justice n’a pu être engagée. Ces événements ont tout de même permis un débat public sur les mesures préventives nécessaires et donné lieu à l’élaboration d’une stratégie gouvernementale de prévention de la répression excessive des manifestations. Il faut souligner que le Ministère de l’intérieur est une institution civile indépendante des forces de police, qui ne leur fournit que de grandes orientations politiques. L’inspection du Ministère mène les enquêtes, sous la supervision du Procureur, lorsqu’il y a plainte pour infraction pénale. Pour les plaintes simples, ce sont les unités compétentes de la police, mais sous le contrôle du Ministère, qui sont habilitées à conduire les enquêtes. Le système actuel n’est pas satisfaisant et le Gouvernement regrette surtout l’absence d’un organe indépendant de supervision. Comme le Conseil pour les droits de l’homme demande lui aussi la création d’un organe de contrôle externe, il est probable qu’un tel organe verra le jour dans un avenir assez proche, il sera vraisemblablement chargé de contrôler les conditions dans les cellules de garde à vue et dans les établissements pénitentiaires et les hôpitaux psychiatriques.

33.Le projet très ambitieux de loi sur la police a d’ores et déjà été rédigé mais son adoption a malheureusement dû être reportée, car il est nécessaire de l’adapter en fonction des dispositions du nouveau Code de procédure pénale adopté tout récemment, en juin 2001. Le travail d’adaptation est en cours et n’impose que des modifications mineures.

34.M. JARAB (République tchèque) conclut en indiquant que la République tchèque a effectivement l’intention de ratifier le deuxième Protocole facultatif et que la date d’adhésion ne dépend plus maintenant que de contingences purement administratives.

35.M. YALDEN félicite l’État partie de l’autocritique dont il a su faire preuve dans son rapport. Le document présente toutefois une lacune trop courante: il met surtout l’accent sur les politiques et sur les textes législatifs ou réglementaires, sans donner suffisamment de détails sur les résultats atteints et sur la situation concrète.

36.M. Yalden souhaite en premier lieu revenir sur la situation des Roms. La délégation tchèque a affirmé qu’il n’y avait pas véritablement de harcèlement contre la population rom, alors que de nombreuses ONG ont eu connaissance de cas de violences perpétrées sur des Roms non seulement par des «skinheads» et autres groupuscules d’extrême droite, mais aussi par les forces de police elles‑mêmes. C’est d’ailleurs loin d’être la seule discrimination dont la population rom ait à souffrir. À cet égard, M. Yalden ne considère pas qu’il soit incompatible avec la Charte des droits d’établir des statistiques ventilées selon l’origine ethnique. C’est même une condition essentielle pour connaître l’ampleur des progrès qui ont été réalisés et qui restent à faire. Or, il semble qu’il y ait encore beaucoup à faire, sans qu’il soit obligatoirement nécessaire d’adopter des mesures «de discrimination positive», comme la fixation de quotas. L’État pourrait donner l’exemple en recrutant lui‑même davantage de Roms dans l’administration. Un autre sujet de préoccupation important est la proportion alarmante d’enfants roms scolarisés dans les écoles spéciales et la très faible présence de cette minorité dans le système scolaire ordinaire. Tout en étant conscient des obstacles culturels et linguistiques à la pleine intégration de la population rom, il réaffirme que le système éducatif est la base même de toute démocratie et qu’il est inacceptable qu’une minorité donnée en soit exclue. Toujours au sujet de la discrimination, il voudrait savoir si, dans la liste des motifs possibles de discrimination figurant dans la Charte des droits, le terme «autres» est interprété comme comprenant l’âge et le handicap.

37.En ce qui concerne les fonctions et les attributions du Médiateur et du Commissaire aux droits de l’homme, M. Yalden demande si, comme il a cru le comprendre, ils ne sont compétents que pour les litiges avec l’État et l’administration. S’il en est bien ainsi, à qui peut s’adresser la personne victime de discrimination dans le secteur privé? De même, il voudrait savoir s’il existe un organisme indépendant auquel les personnes qui ont à se plaindre d’actes de la police, pendant la garde à vue par exemple, ou du personnel pénitentiaire peuvent s’adresser?

38.Mme CHANET s’associe à M. Yalden pour féliciter l’État partie de la qualité de son rapport. La République tchèque, jeune démocratie qui n’est pas sans connaître des difficultés dans la période actuelle de transition mérite d’être encouragée et saluée notamment pour l’abolition de la peine de mort et le souhait exprimé par le Gouvernement d’adhérer au deuxième Protocole facultatif.

39.En ce qui concerne la Charte des droits, Mme Chanet relève que «l’essentiel» des droits du Pacte ont été repris dans la Charte des droits et s’interroge sur la raison du choix qui a été fait d’éluder les articles 14, 4 et 26, notamment, du Pacte et d’intégrer en partie l’article 9 plutôt que de le reproduire à l’identique. Certes, il est dit au paragraphe 301 du rapport que le Pacte a une force contraignante et prévaut sur la législation interne, mais cela ne signifie pas qu’il l’emporte sur la Charte des droits; le système est quelque peu complexe et appelle de plus amples précisions. Dans la Charte des droits, les dispositions relatives aux droits des étrangers manquent de clarté. Ainsi, l’article 42 dispose que «les ressortissants étrangers bénéficient des droits et des libertés fondamentales garantis par la Charte sauf ceux qui sont expressément réservés aux citoyens», les citoyens étant définis comme «toute personne qui bénéficie des droits et des libertés garantis par la Charte». Des précisions seraient donc utiles. Selon le paragraphe 40 du rapport, «certains biens ne peuvent être détenus que par des citoyens» et le Comité a besoin de savoir de quels biens il s’agit exactement pour pouvoir déterminer si les critères de définition sont objectifs et raisonnables. Des explications s’imposent également au sujet du paragraphe 41 du rapport, où on peut lire que «certains droits positifs - droit de développer sa propre culture, de diffuser et de recevoir des informations dans sa langue maternelle et de s’associer dans les associations nationales ou ethniques (…), le droit de recevoir l’instruction dans sa propre langue et d’utiliser celle‑ci dans ses rapports avec les administrations ou celui de participer aux délibérations de toutes affaires traitant des minorités nationales ou ethniques (…) - sont réservés aux seuls citoyens», et au sujet du paragraphe 42, où il est dit que «de nombreuses autres dispositions concernant les droits économiques, sociaux et culturels (…) ne s’appliquent qu’aux citoyens».

40.Enfin, Mme Chanet regrette que la délégation ait apporté une réponse très brève à la question portant sur le projet de loi sur la police. Il serait bon d’avoir davantage de détails sur le droit des détenus de prendre contact avec leur famille, avec un avocat et avec un médecin de leur choix, et de recevoir communication de leurs droits.

41.Mme MEDINA QUIROGA remercie elle aussi l’État partie d’avoir fait preuve d’une grande franchise en exposant les problèmes qui se posent, mais regrette que très peu d’informations aient été données sur les moyens et mesures prévus pour les éliminer. Elle relève ainsi un manque d’information flagrant sur l’article 3. Or, celui‑ci touche à des droits véritablement fondamentaux, tel que le droit à l’intégrité physique ou à la protection de la santé. Le rapport est totalement muet sur les problèmes du viol ou de la traite des femmes et elle espère qu’il ne faut pas en déduire qu’il ne s’agit pas d’une priorité pour l’État partie. Tout comme M. Yalden, elle insiste sur le fait que l’établissement de statistiques est essentiel pour connaître l’ampleur des problèmes, et demande s’il existe des chiffres sur les personnes victimes de violence domestique. Il serait également bon de savoir si des normes juridiques existent, parallèlement à celles du Code pénal, pour traiter de la violence domestique en tenant compte de ce que les victimes sont dans une situation particulière de par leur lien de parenté ou leur lien affectif avec les auteurs de violence. La délégation a signalé l’existence de programmes de formation à l’intention des forces de police, mais n’a rien dit de la formation éventuellement dispensée aux autres personnels appelés à travailler avec des victimes de violence domestique, tels que les assistants sociaux, les juges ou les médecins. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation ont-elles été mises en place et a-t-on réfléchi aux moyens d’améliorer la procédure pour porter plainte? En effet, selon une enquête d’une organisation tchèque, seuls 4 % des victimes de violences domestiques ou de viol déposeraient plainte, ce qui s’expliquerait, selon diverses ONG, à la fois par le fait que la société considère ces problèmes comme des questions d’ordre privé et par la lourdeur et la nature humiliante des démarches que les victimes doivent faire lorsqu’elles déposent plainte. De plus, toujours d’après les ONG, l’État partie connaît en outre un grave problème de traite des femmes. Mme Medina Quiroga voudrait savoir si la prostitution est considérée comme un délit. Si les prostituées sont des étrangères en situation irrégulière, sont‑elles expulsées et surtout, quelles mesures sont-elles prises pour prévenir le phénomène? Il y aurait notamment lieu de tenir compte du fait que les femmes arrivent souvent à la prostitution poussées par leur situation économique et de réfléchir aux liens qui existent entre la prostitution et la discrimination dont souffrent les femmes dans l’accès à l’emploi.

42.Les informations fournies dans le rapport au sujet de l’article 7 du Pacte laissent Mme Medina Quiroga perplexe et en particulier le paragraphe 119 qui appelle des éclaircissements. Elle voudrait savoir notamment si la situation décrite est toujours valable et si les personnes investies de l’autorité qui ordonnent des actes de torture ou des mauvais traitements jouissent de l’impunité. Ce point est d’autant plus important que le problème des mauvais traitements infligés par la police se pose avec acuité en République tchèque. Il est regrettable que le rapport ne soit pas plus précis, et si des lacunes sont signalées aux paragraphes 126, 128 et 129 par exemple, rien n’est dit des mesures prises pour y remédier. Le paragraphe 134 évoque les brimades dans les forces armées, brimades dont les auteurs ne sont pas traduits en justice mais encourent simplement des sanctions disciplinaires. Comment expliquer que des brimades ayant entraîné des blessures graves (par. 133) ne fassent pas l’objet d’une procédure auprès des tribunaux? En ce qui concerne les bizutages en milieu scolaire, il est indiqué que les affaires sont portées devant l’inspection scolaire et que chaque année seules une ou deux plaintes sont déclarées fondées mais il faudrait préciser les mesures prises.

43.Après le paragraphe 160 figure le titre «Arrestation, détention provisoire, détention». Il est difficile de comprendre la distinction entre ces trois formes de privation de liberté. Il serait utile que la délégation confirme que l’arrestation précède toute intervention de la justice et que la détention est le résultat d’un mandat judiciaire. La détention provisoire n’est pas clairement définie. Le rôle de l’avocat à tous les stades de la procédure doit également être précisé. Les paragraphes 158, 167, 179, 256 à 258, 269 et 271 donnant à penser que l’avocat n’est pas toujours présent, il conviendrait de préciser si l’assistance de l’avocat est facultative ou obligatoire. Il semble aussi que les plus démunis ne puissent avoir recours aux services d’un avocat.

44.M. KLEIN relève qu’à la question 2, la délégation a répondu que la procédure visant à appliquer les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne pouvait être appliquée aux constatations du Comité car celles‑ci ne sont pas contraignantes et ne peuvent donner lieu qu’à des engagements politiques. Il ne faut pas sous-estimer le travail du Comité, dont les États parties ont l’obligation légale de tenir dûment compte des constatations du Comité; il ne s’agit pas d’un simple engagement politique.

45.Le chapitre 3 de la Charte des libertés et droits fondamentaux traite des droits des minorités nationales et ethniques. Or, l’article 27 du Pacte ne concerne pas uniquement les minorités ethniques et nationales, ces dernières n’étant d’ailleurs pas mentionnées dans la Charte. Il conviendrait de définir plus précisément ces termes. Se pose également la question des autres minorités visées à l’article 27. Certes, le paragraphe 1 de l’article 3 de la Charte des libertés et droits fondamentaux interdit la discrimination fondée sur les critères énoncés à l’article 27, mais il y a une différence entre l’interdiction de la discrimination et la protection des minorités telle qu’entendue à l’article 27. La délégation est donc invitée à expliquer comment la République tchèque s’acquitte des obligations énoncées dans cet article. Le document de base (HRI/ CORE/1/Add.71/Rev.1) donne des informations sur les langues parlées dans le pays ainsi que sur les nationalités représentées. La délégation pourrait peut-être expliquer pourquoi il y a 48 556 habitants de nationalité allemande et seulement 40 907 germanophones et préciser aussi à quoi fait référence la nationalité «silésienne».

46.Les informations faisant état de brutalités policières sont alarmantes. Il semble que le phénomène soit très répandu. Il ressort du rapport et des réponses obtenues qu’il n’y a pas de véritable volonté politique de remédier à cet état de choses. La délégation pourra peut‑être rassurer le Comité à ce sujet.

47.M. ANDO s’interroge sur la place du Pacte dans la hiérarchie juridique de la République tchèque, qui n’apparaît pas clairement. Il appelle l’attention sur les articles 112 et 9 de la Constitution. En vertu de l’article 9, la Constitution ne peut être modifiée que par l’adoption de lois constitutionnelles. La question se pose alors de savoir si ces lois constitutionnelles peuvent modifier la Constitution de manière à aller au-delà des dispositions du Pacte ou à les priver d’effet. Il est indiqué au paragraphe 4 du rapport qu’en vertu de l’article 10 de la Constitution, les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ont effet immédiat et l’emportent sur les lois. La délégation pourrait peut-être préciser si cette disposition ne s’applique qu’aux traités relatifs aux droits de l’homme et ce qu’il en est des autres traités et du droit international coutumier. On peut lire au paragraphe 106 du rapport que des restrictions peuvent être apportées aux libertés et droits fondamentaux dans les situations d’urgence et il est fait mention en particulier de travaux forcés. Comme il est signalé au paragraphe 110 que la loi 222/1999 a rectifié la situation, il serait utile de savoir dans quelle mesure ce nouveau texte a permis de corriger les déficiences des lois précédentes.

48.Au paragraphe 370 du rapport il est indiqué qu’en vertu de l’article 242 du Code pénal le fait d’avoir des rapports sexuels avec un mineur de 15 ans constitue un crime. Or, l’ouvrage intitulé Sexual Behaviour of the Population in the Czech Republic indique que 9 % des femmes et 5 % des hommes ont subi des violences sexuelles avant l’âge de 15 ans. M. Ado demande si des éléments particuliers pourraient expliquer ces chiffres et souhaite obtenir des précisions sur les mesures prises pour remédier à la situation.

49.M. SHEARER appelle l’attention sur la relation entre l’article 10 de la Constitution et la Charte des libertés et droits fondamentaux. Il se demande si cette dernière prévaut en pratique sur les instruments internationaux, et notamment sur le Pacte; le rapport ne permet pas de savoir si le Pacte et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ont été promulgués comme le prévoit l’article 10 de la Constitution ou s’ils font partie du droit interne uniquement dans la mesure où ils sont incorporés à la Charte des libertés et droits fondamentaux. La délégation pourrait peut-être expliquer comment, dans la pratique, les tribunaux traitent des questions relatives aux droits de l’homme et citer quelques exemples. Au paragraphe 66 du rapport, il est fait mention d’affaires portées devant la Cour constitutionnelle. M. Shearer demande si un citoyen qui estime qu’une disposition d’un instrument international ou de la Charte des libertés et droits fondamentaux a été violée doit obligatoirement saisir la Cour constitutionnelle ou s’il peut se pourvoir devant un tribunal ordinaire. Les programmes de formation de juges ont été évoqués. Il serait intéressant d’obtenir des précisions sur ces programmes ainsi que sur les mesures prises pour sensibiliser les avocats de manière générale aux questions relatives aux droits de l’homme.

50.M. GLELE AHANHANZO rappelle l’incident d’Usti nad Labem, où un mur avait été érigé pour séparer les Roms du reste de la communauté puis détruit sur ordre du Gouvernement. Pour élaborer le rapport qu’il a présenté en sa qualité de Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur les formes contemporaines de racisme en février 2001 (E/CN.4/2001/21), il s’est fondé sur des statistiques fournies par le Gouvernement et des organisations non gouvernementales. Il est difficile de parler d’une minorité sans en connaître la composition. Lors du recensement de 1999, 170 000 à 206 000 personnes se sont déclarées Roms. Ce chiffre ne comprend pas les Roms venus d’autres pays. À ce propos, ce n’est pas faire une entorse à la Charte que de demander aux habitants de s’identifier à une communauté. Il importe de disposer de statistiques précises. L’un des problèmes les plus sensibles est celui des écoles spéciales. La scolarisation des enfants roms dans ces écoles dont le niveau est en deçà du niveau national leur enlève toute chance de poursuivre leurs études et d’accéder à des emplois qualifiés. Il serait bon de connaître les mesures concrètes qui ont été prises pour régler ce problème et pour mettre un terme aux conflits entre les différentes ethnies. Il conviendrait aussi de préciser les critères utilisés pour définir une minorité ethnique et une minorité nationale, la différence étant difficile à cerner. Se pose aussi la question de savoir si les Roms appartiennent à une minorité ethnique ou à une minorité nationale.

51.En ce qui concerne les droits des personnes placées en garde à vue, il semble que les arrestations arbitraires et les violences policières soient des pratiques courantes, en particulier à l’égard des Roms et des Juifs. Que font les autorités tchèques pour remédier à cette situation? Plus généralement, on constate que la population majoritaire méconnaît la culture rom et que la coexistence des deux communautés est difficile. Les autorités tchèques ne pensent‑elles pas que des mesures concrètes devraient être prises pour établir un dialogue entre les minorités et le reste de la population, et substituer un esprit de tolérance et d’ouverture à l’autre au climat d’hostilité actuel et à la marginalisation d’une catégorie de la population?

52.Enfin, M. Glele Ahanhanzo souhaiterait connaître la hiérarchie des normes juridiques dans la République tchèque, en particulier la place respective de la Constitution, de la Charte, du Pacte et des autres instruments internationaux auxquels l’État est partie.

53.M. SCHEININ voudrait, lui aussi, connaître la place du Pacte dans l’ordre juridique tchèque. Par ailleurs, la délégation tchèque a demandé au Comité ses observations sur la réponse qu’elle a donnée concernant le point 2 de la liste, et M. Scheinin tient à donner suite à cette demande. En premier lieu, il souhaiterait des éclaircissements à propos de ce qui est dit au paragraphe 37 du document de base (HRI/CORE/1/Add.71/Rev.1), à savoir que le tribunal constitutionnel peut annuler des textes législatifs dont l’application a entraîné la violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale, si cette violation a été vérifiée par un organe international autorisé, notamment le Comité des droits de l’homme. M. Scheinin croit comprendre que cette disposition a été modifiée et que le Comité n’est plus considéré comme une autorité compétente dans une situation de ce type. Il souhaiterait savoir ce qu’il en est exactement.

54.Pour ce qui est de la question du statut des constatations du Comité au titre du Protocole facultatif, M. Scheinin partage le point de vue de M. Klein. Les constatations sont une interprétation par l’organe créé en vertu du Pacte des obligations des États parties. Elles font autorité et ne constituent nullement de simples recommandations, et moins encore des déclarations de nature politique. Le Pacte impose aux États parties des obligations en matière de droits de l’homme, notamment celle de garantir aux victimes d’une violation des droits et libertés reconnus dans l’instrument le droit à un recours utile (art. 2, par. 3). Les constatations du Comité sont une base suffisante pour permettre à un tribunal, ou à toute autre autorité nationale compétente, d’accorder ce recours. Plusieurs États parties au Pacte ont promulgué des lois spécifiques qui prévoient un recours utile pour les victimes de violation des droits de l’homme, assurant ainsi la mise en œuvre des constatations du Comité les concernant. D’autres pays, comme le sien, la Finlande, considèrent que les tribunaux peuvent donner effet à ces constatations en s’appuyant sur le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte et qu’il n’est pas nécessaire de promulguer d’autres textes.

55.En ce qui concerne la question des états d’exception, M. Scheinin souhaiterait des informations complémentaires sur la teneur des articles 87 et 112 de la Constitution, lus en regard de son article 10. Les lois constitutionnelles occupent‑elles le même rang que la Constitution dans la hiérarchie des normes législatives? En outre, les dérogations à certains droits fondamentaux, dans le cadre d’un état d’exception, relevant d’une loi constitutionnelle, il importe de savoir si le Pacte prime ce type de loi ou si la loi constitutionnelle pertinente est appliquée mais en tenant dûment compte des dispositions du Pacte. Si tel n’est pas le cas, la situation ne serait pas conforme au Pacte.

56.En ce qui concerne la discrimination à l’égard des Roms, les réponses apportées par la délégation tchèque n’ont pas permis de dissiper toutes les inquiétudes. Elles donnent l’impression que les autorités, si elles reconnaissent l’existence du problème, ne prennent cependant pas des mesures suffisamment énergiques pour éradiquer la discrimination sous toutes ses formes, qu’elle soit pratiquée par les particuliers ou les pouvoirs publics. Les organisations non gouvernementales ont fourni au Comité des informations alarmantes sur les diverses formes que revêt la discrimination dans la République tchèque, et ces pratiques perdurent manifestement, en dépit des engagements internationaux auxquels l’État partie a souscrit. Des institutions comme la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, le Haut‑Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ont également exprimé leur profonde préoccupation concernant la discrimination dans ce pays.

57.En ce qui concerne la discrimination dont sont victimes les enfants roms en matière d’éducation, il faut que ces enfants ne soient plus scolarisés dans les établissements spéciaux accueillant les handicapés mentaux. L’interdiction d’un tel placement est la première mesure à prendre, qui permettra de traiter ensuite les autres aspects de la discrimination au regard du droit à l’éducation des enfants roms. La situation des Roms concernant le logement est également très préoccupante. Il semblerait notamment que des Roms aient été logés dans des habitations qui avaient été évacuées par leurs occupants en raison d’inondations. Plus généralement, la construction d’un mur à Usti nad Labem a symbolisé pour les Européens, ce sur quoi des pratiques racistes pouvaient déboucher, à savoir la ségrégation raciale.

58.Pour ce qui est de la nationalité des Roms, M. Scheinin voudrait savoir quelles mesures spécifiques sont prises pour garantir à tous les enfants roms nés dans l’État partie le droit à la nationalité tchèque. S’agissant en particulier d’enfants de ressortissants slovaques (essentiellement roms) qui résidaient sur le territoire de la République tchèque actuelle avant que la Tchécoslovaquie ne soit scindée en deux États, des mesures ont‑elles été prises pour veiller à ce qu’ils acquièrent la nationalité tchèque? Les autorités slovaques disent qu’elles ne peuvent leur octroyer la nationalité slovaque du fait que ces enfants n’ont jamais vécu en Slovaquie et n’en sollicitent pas la nationalité. Un certain nombre de renseignements concernant la législation tchèque régissant les conditions de la nationalité sont donnés aux paragraphes 55 à 59 et 82 du rapport, mais rien n’y est dit sur ce point précis, et M. Scheinin serait reconnaissant à la délégation tchèque de bien vouloir apporter des précisions.

59.En ce qui concerne la question de la participation des minorités, notamment des Roms, à l’administration publique, M. Scheinin partage le point de vue de M. Yalden sur la nécessité de prendre des mesures actives à cet égard. Il voudrait savoir en particulier si les autorités ont examiné les Recommandations de Lund sur la participation effective des minorités nationales à la vie publique qui prévoient divers moyens pour assurer cette participation. En tout état de cause, l’absence de consensus au sein de la population majoritaire ne saurait justifier la passivité des autorités dans ce domaine. Les pouvoirs publics doivent trouver la façon adéquate de procéder, à l’échelle nationale et locale, pour assurer la participation des minorités, qui est dans l’intérêt de tous.

60.En ce qui concerne la discrimination dans l’emploi à l’égard des femmes, M. Scheinin demande s’il est exact que les femmes, surtout dans certaines classes d’âge, au moment de leur embauche, doivent répondre à des questions concernant leur vie privée, leur intention d’avoir des enfants et les dispositions qu’elles ont prises pour confier leurs enfants si elles sont malades. Dans l’affirmative, cette pratique est‑elle considérée comme discriminatoire par la loi, et de quel recours disposent les intéressées?

61.Revenant sur les questions du point 13 de la liste, M. Scheinin rappelle que le Comité a reçu une multitude d’informations concernant l’usage excessif de la force par les responsables de l’application des lois lors de la réunion du Fonds monétaire international en septembre 2000. Les enquêtes menées au sein des forces de police ont souvent conclu à l’impossibilité d’identifier les responsables des abus commis, conclusions qui ne laissent pas de préoccuper quant à l’efficacité des procédures d’enquête. La délégation tchèque dispose‑t‑elle de données sur le nombre de cas dans lesquels les responsabilités n’ont pas pu être établies, et les autorités se satisfont‑elles d’une telle situation?

62.M. HENKIN fait siennes toutes les questions qui ont été posées par les autres membres du Comité. Il souhaiterait en outre disposer de données statistiques sur les Roms, en particulier concernant leur nationalité, leur importance numérique et leur lieu de résidence. S’agit‑il d’une population stable? Il se demande par ailleurs si la situation des Roms ne pose pas des problèmes qui relèvent de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, à laquelle la République tchèque est partie. Est‑ce le point de vue des autorités nationales et, si tel est le cas, considèrent‑elles avoir des obligations à l’égard des Roms au titre de ladite convention? M. Henkin voudrait aussi savoir si les Roms ont des dirigeants et dans l’affirmative qui ils sont et si les autorités tchèques les consultent. Il serait intéressant de connaître également leurs souhaits et leurs revendications et les réponses que leur fait le Gouvernement. D’une façon générale, les mesures visant à mettre fin à la discrimination à l’égard des Roms se heurtent à des difficultés d’ordre culturel. D’autres organes que le Comité des droits de l’homme, comme le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, ont souligné la nécessité d’un changement des mentalités pour mettre fin à la discrimination, et les autorités tchèques pourraient peut‑être se référer utilement aux travaux de cet organe conventionnel. Par ailleurs, il serait bon de connaître les relations que la République tchèque entretient avec la Slovaquie dans le domaine des droits de l’homme en général, et de la discrimination à l’égard des Roms et des autres minorités en particulier. Certes, il s’agit de deux États indépendants, mais dont les liens géographiques, historiques et culturels sont tels que les intérêts et activités de l’un concernent nécessairement l’autre.

63.Enfin, M. Henkin demande à la délégation tchèque des informations quant à la situation de M. Stanislav Penc, un défenseur des droits de l’homme qui aurait été brutalisé et placé en détention.

64.M. RIVAS POSADA s’interroge sur le respect des dispositions de l’article 4 du Pacte dans la République tchèque. Malheureusement, cette question ne fait pas l’objet d’un point de la liste, mais il serait reconnaissant à la délégation de bien vouloir apporter des précisions à ce sujet. Les paragraphes 101 à 110 du rapport font état des restrictions qui peuvent être imposées à certains droits, que ce soit pour garantir la sécurité nationale ou le maintien de l’ordre public, par exemple, ou dans des états d’exception (par. 107). Cela étant, les restrictions prévues par l’Article 16 de la Charte des libertés et droits fondamentaux (par. 105 du rapport) ne sont apparemment pas liées à un état d’exception puisqu’il est fait référence, à propos de cet Article de la Charte à l’article 18 du Pacte, lequel n’est susceptible d’aucune dérogation en vertu de l’article 4 de l’instrument. M. Rivas Posada souhaiterait des éclaircissements sur ce point. Les autorités tchèques semblent reconnaître que les dispositions législatives manquaient de clarté puisqu’une nouvelle loi (no 222/1999) a été adoptée et a «quelque peu rectifié la situation», comme il est dit au paragraphe 110 du rapport. Toutefois, la lecture de ce dernier ne permet pas de savoir précisément quelles restrictions peuvent être imposées, concernant quels droits et dans quelles conditions. En outre, les effets de ces restrictions sur le respect des dispositions du Pacte n’apparaissent pas non plus clairement. M. Rivas Posada serait reconnaissant à la délégation tchèque de bien vouloir l’éclairer sur tous ces points.

65.Sir Nigel RODLEY fait siens les points de vue de M. Klein et de M. Scheinin concernant la réponse de la délégation tchèque au point 2 de la liste. Le Comité attend des représentants de l’État partie des réponses concrètes sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations au titre du Protocole facultatif. Si aucune suite ne leur a été donnée, il convient de savoir pourquoi. Peut‑être l’État partie s’est‑il abstenu d’agir parce qu’il considérait que le Comité avait une interprétation erronée du Pacte? Sir Nigel Rodley souhaiterait des explications sur ce point.

66.En ce qui concerne le traitement des personnes privées de liberté, est‑il exact que les forces de l’ordre peuvent poursuivre au pénal pour diffamation une personne qui se plaindrait de mauvais traitements durant sa garde à vue. Il semblerait que les suspects, et même leurs conseils, renoncent souvent à dénoncer des mauvais traitements par peur d’être accusés de diffamation. Sir Nigel Rodley souhaiterait des éclaircissements à ce sujet.

67.Pour ce qui est des procédures d’enquête à la suite d’événements comme ceux mentionnés au paragraphe 127 du rapport ou au point 13 de la liste, il est très important d’identifier la nature des difficultés qu’elles révèlent pour pouvoir accroître l’efficacité de ces procédures. La question n’est pas théorique: il importe d’assurer concrètement que les enquêtes soient menées par un organisme indépendant. Par ailleurs, Sir Nigel Rodley souhaiterait savoir quelle suite a été donnée aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, après sa visite en République tchèque en 1997 (par. 128 du rapport).

68.Enfin, Sir Nigel Rodley fait observer que le dialogue du Comité avec les représentants des États parties à l’occasion de l’examen d’un rapport périodique se heurte parfois à des difficultés d’ordre terminologique. En effet, les termes d’«arrestation», de «garde à vue», d’«emprisonnement», etc., ne recouvrent pas nécessairement les mêmes réalités d’un pays à l’autre. En conséquence, il serait bon que, lorsqu’elle répondra notamment aux questions posées par Mme Medina Quiroga, la délégation tchèque emploie des termes qui permettent aux membres du Comité de comprendre très précisément la situation dans le pays.

69.Le PRÉSIDENT annonce que le Comité poursuivra l’examen du rapport initial de la République tchèque à une prochaine séance.

La séance est levée à 13 heures.

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