Nations Unies

CCPR/C/SR.3385

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 septembre 2017

Original : français

Comité des droits de l’homme

1 20 e session

Compte rendu analytique de la 3385 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 11 juillet 2017, à 10 heures

Président (e):M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de Madagascar (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de Madagascar (CCPR/C/MDG/4, CCPR/C/MDG/Q/4 et CCPR/C/MDG/Q/4/Add.1) (suite)

1.À l’invitation du Président, la délégation malgache reprend place à la table du Comité.

2.M. Andriamiseza (Madagascar) dit qu’en ce qui concerne la question des actes de vindicte populaire, des actions de sensibilisation sont menées à tous les niveaux, y compris par le Président et les Ministres. Le Ministère de la justice bénéficie de l’assistance du PNUD sur ce sujet. Tous les auteurs de ce type d’actes sont dûment poursuivis. Ainsi, à la suite d’incidents en décembre 2016, huit personnes ont été présentées au parquet, dont trois ont été placées sous mandat de dépôt.S’agissant des mariages entre castes, aucune loi ne les interdit ; chacun est libre d’épouser la personne de son choix, et les mariages mixtes sont de plus en plus nombreux.En ce qui concerne le tabou qui pèse sur les jumeaux de l’ethnie Antambahoaka, dans le district de Malankar, de grandes avancées ont été accomplies. Autrefois mis à mort, les jumeaux peuvent désormais résider avec leurs parents, même si les chefs de clan n’approuvent pas cette évolution. Le Centre d’accueil et de transit des enfants abandonnés accueille les jumeaux abandonnés par leurs parents par peur du tabou.

3.M. Tombohavana (Madagascar) indique que le délai d’un an pour l’accréditation de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH)commencera à courir à partir du moment où celle-ci sera pleinement opérationnelle. S’agissant des relations entre le Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit et la CNIDH, la mise en place du premier dépend de la seconde, qui doit désigner l’un des membres du Haut Conseil. Celui-ci fonctionne comme un observatoire des violations des droits de l’homme, alors que la Commission assure la promotion et la protection des droits de l’homme dans la pratique.

4.M. Raholinarivo (Madagascar), sur la question de l’état d’urgence et de la protection des droits civils et politiques, dit que la Constitution consacre les droits indérogeables garantis par les articles 7, 8, 11, 15, 16 et 18 du Pacte. En ce qui concerne la reconnaissance des mariages traditionnels, la loi de 2016 relative à la délivrance des jugements supplétifs autorise les chefs de district à délivrer des actes de mariage ou de naissance.

5.M. Tombohavana (Madagascar) dit qu’une politique portant sur l’accès des femmes à la propriété foncière a été adoptée en août 2015. Elle a pour but de sécuriser les droits de propriété foncière, de permettre à tous, sans discrimination, d’accéder à la terre et de favoriser un développement urbain inclusif et harmonieux.

6.M me Randriambelo (Madagascar) indique que Madagascar ne dispose pas de données ventilées sur les cas de torture mais que le Ministère de la justice envisage de collecter de telles données. Les auteurs d’actes de torture sont poursuivis par la justice. Ainsi, une policière a été poursuivie pour actes de torture et condamnée en 2017 à cinq ans de prison.

7.M me Tirana (Madagascar) dit que la participation des femmes à la vie politique progresse : lors de la dernière élection présidentielle, cinq femmes étaient candidates, alors qu’une seule l’était en 2000. Le maire d’Antananarivo est une femme, et une bonne part des districts de la capitale sont dirigés par des femmes. Des actions de promotion de la participation des femmes sont menées à tous les niveaux.

8.S’agissant de l’avortement, Madagascar ne dispose pas de statistiques nationales. Dans les études sur le sujet, les causes évoquées sont le manque d’information et le manque d’accès à la contraception. Les avortements sont souvent réalisés par des moyens traditionnels et pratiqués clandestinement par des personnes non qualifiées. Il s’agit certes d’un problème de santé publique, mais la statistique qui a été évoquée, selon laquelle 10 femmes, dont trois adolescentes, meurent chaque jour par suite d’un avortement, est fausse ; ce chiffre ne concerne pas les avortements mais les femmes qui meurent en couches.

9.M. Andriamiandra (Madagascar) indique que les châtiments corporels dans le milieu familial sont réprimés par une loi de 2017 qui interdit toute forme de mauvais traitements infligés à des enfants par les détenteurs de l’autorité parentale, sous peine de retrait de la garde de l’enfant. La mise en place du réseau de protection de l’enfance se poursuit dans tout le pays.

10.M me Randriamampiandra (Madagascar) indique qu’en ce qui concerne la question du mariage et de la discrimination à l’égard des descendants d’esclaves, l’appartenance à une caste ou à une ethnie ne constitue pas une condition de validité du mariage et ne fait pas non plus partie des griefs retenus pour un éventuel divorce.

11.M.  de Frouville sollicite des précisions concernant les motifs du report de l’examen du projet de loi sur les quotas et la parité, et demande s’il est prévu de remettre cette question à l’ordre du jour. Il s’étonne que la délégation indique qu’il n’y a pas de discrimination salariale à l’égard des femmes alors même que le rapport fait état d’un écart salarial de 34 % au détriment des femmes. S’agissant des crimes commis entre 2009 et 2013, la délégation a indiqué que leurs auteurs ont été poursuivis et condamnés, puis amnistiés. M. de Frouville s’enquiert du cas des personnes accusées de crimes graves, non couverts par la loi d’amnistie, et souhaite savoir si elles ont fait l’objet de condamnations, et si d’autres poursuites sont envisagées. S’agissant du Comité de réconciliation, il demande des précisions sur le comité de désignation de ses membres. Par ailleurs, il souhaite savoir ce qu’il en est, dans la pratique, des obstacles aux mariages entre castes. Enfin, s’agissant de l’avortement, il demande si l’objectif du Gouvernement consiste à le dépénaliser ou bien à le rendre passible d’une contravention.

12.M me Pazartzis souhaite savoir quand aura lieu la révision du Code pénal et du Code de procédure pénale. Par ailleurs, elle demande si tous les cas d’usage excessif de la force par la police font l’objet de poursuites, et s’enquiert des réparations offertes aux victimes. En ce qui concerne la liberté et la sécurité de la personne, les garanties dont bénéficient les personnes en détention semblent lacunaires : il leur est difficile d’avoir accès rapidement à un avocat lors de leur garde à vue et elles ne sont pas toujours informées de leurs droits. En outre, il semble que les personnes arrêtées doivent pourvoir aux frais de leur transfert. Il serait donc utile de savoir si elles peuvent bénéficier d’une quelconque assistance financière. Elle demande aussi la durée maximale de la garde à vue et de sa prolongation éventuelle lorsqu’il faut faire venir sur place des membres de la police judiciaire. S’agissant de la détention provisoire, elle s’enquiert des mesures prises pour en garantir le caractère exceptionnel et assurer le respect des durées maximales. Elle rappelle qu’en 2007, le Comité avait évoqué le cas d’un détenu placé en détention provisoire depuis 1979, et demande si cette personne a finalement été jugée. En outre, notant qu’en application d’une loi de 2017 portant modification du Code pénal, tout placement en détention provisoire doit être justifié, et ne peut pas excéder une durée de six mois pour les affaires correctionnelles et huit mois pour les affaires criminelles, avec une prolongation possible jusqu’à douze mois et dix-huit mois respectivement, MmePazartzis demande si d’autres mesures sont envisagées pour limiter le placement en détention provisoire et si des sanctions disciplinaires ou des poursuites pénales ont déjà été engagées pour non-respect des délais de détention.

13.M me Abdo Rocholl se dit préoccupée d’apprendre que le Conseil de la magistrature est présidé par le Président de la République et que son vice-président est le Ministre de la justice, car cela affaiblit le principe de la séparation des pouvoirs. En outre, le ministère public est lié au Ministère de la justice, ce qui fait peser le doute sur l’impartialité des magistrats. Elle demande quelles sont les mesures envisagées pour rétablir la confiance de la population à l’égard de la justice. Elle souhaite aussi des précisions sur le projet de décret préparé par le Ministère de la justice pour garantir l’accès de tous à la justice, notamment sur la date prévue de son entrée en vigueur et sur le financement des mesures correspondantes. Elle s’enquiert du nombre de personnes ayant bénéficié d’une assistance juridictionnelle gratuite depuis 2010 et sollicite des données ventilées par année. Elle souhaite aussi connaître la durée moyenne de traitement des affaires. Plus généralement, elle souhaite des précisions sur les réformes de la justice qui sont envisagées, notamment en ce qui concerne les mineurs en conflit avec la loi. Enfin, elle demande dans quel délai la CNIDH sera opérationnelle.

14.MmeAbdo Rocholl dit que même si la loi n° 2001-004 prévoit que les décisions prises dans le système des Dina ne prennent force légale qu’après ratification par un tribunal, il apparaît que le droit coutumier est encore très souvent le seul en vigueur dans les zones rurales, sans contrôle juridictionnel, notamment en raison de la corruption et de la méfiance de la population à l’égard des institutions étatiques. Elle aimerait savoir si l’État partie envisage d’élaborer une politique nationale visant à rapprocher la justice institutionnelle des citoyens et s’il prévoit de mener des enquêtes pour sanctionner l’utilisation abusive des Dina. Enfin, il semble que des sentences graves, allant jusqu’à la peine de mort, soient prononcées par la justice des Dina sans validation de la justice institutionnelle. La délégation est invitée à détailler les mesures stratégiques qui sont envisagées ou appliquées pour prévenir les violations de la loi no2001-004.

15.Concernant les mesures relatives à la liberté et à la sécurité des personnes, M.  Ben Achour souligne les améliorations substantielles apportées par la loi no2016-017, qui modifie et complète certaines dispositions du Code de procédure pénale, ainsi que les efforts de l’État partie pour faciliter l’accès des observateurs, notamment le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), au milieu carcéral. Cependant, la situation reste préoccupante. D’après des ONG, malgré les efforts de l’État, le problème de la surpopulation carcérale n’est pas réglé, puisqu’il y aurait 20 000 détenus pour une capacité officielle d’accueil d’environ 10 300 places, que des problèmes de séparation entre détenus mineurs et adultes persisteraient, et que le délai de détention provisoire serait excessif. Par ailleurs, le CICR a indiqué avoir eu connaissance en 2015 d’environ 4 000 cas de malnutrition, qui serait à l’origine du décès de 27détenus. La délégation est invitée à commenter cette situation. En dépit des inspections diligentées dans les lieux de détention par le Ministère de la justice, qui ne sont pas systématiques, les conditions de détention sont propices au développement de la corruption des gardiens par les détenus. M. Ben Achour aimerait savoir si le Gouvernement envisage de prendre de nouvelles mesures pour améliorer la situation de ces derniers.

16.Concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile, l’État partie a déclaré que le décret no94-652 sur l’organisation et le contrôle de l’immigration était toujours en vigueur, mais le Comité s’inquiète du fait qu’il n’existe toujours pas de disposition législative ou réglementaire relative aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. Par ailleurs, l’apatridie constitue également un problème en raison des règles d’attribution de la nationalité. Ainsi, des descendants de migrants présents depuis plusieurs générations sur l’île et parfaitement intégrés ne peuvent pas recevoir la nationalité malgache. La délégation est invitée à indiquer où en est le processus de réforme de la loi sur la nationalité annoncée par le chef de l’État en 2016 et devant mettre fin aux problèmes d’apatridie.

17.M. Ben Achour se réjouit des efforts de lutte contre la corruption engagés par l’État partie depuis 2016, qui se sont concrétisés par la promulgation de plusieurs lois et la création d’un Pôle anticorruption conformément à la loi no2016-021, ainsi que par la mise en place du BIANCO, un bureau indépendant de lutte contre la corruption. Cependant, la mise en place de ces mécanismes est difficile et semble rencontrer une résistance passive et active, prenant notamment la forme d’interventions politiques auprès de l’appareil judiciaire et du BIANCO mais aussi dans le processus électoral, dans le secteur du commerce et dans le processus de recrutement de la police et de la gendarmerie. Plusieurs ONG nationales et internationales ont fait état d’interventions politiques destinées à faire cesser des poursuites. M. Ben Achour invite la délégation à commenter ces observations et à indiquer quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour mettre fin à ces pratiques.

18.M. Koita souhaiterait des renseignements détaillés sur les actions menées par le bureau de lutte contre la traite et les moyens qui lui sont alloués, et invite la délégation à expliquer les difficultés rencontrées dans l’application de la loi no2014-040 du 20 janvier 2015, qui incrimine et sanctionne pénalement la traite sous toutes ses formes, et à préciser si des formations ont été organisées à l’intention des personnes chargées de la faire respecter. Il demande également si des campagnes de sensibilisation sont menées auprès de la population et s’il existe un programme de soutien psychologique et de réinsertion destiné aux victimes.

19.Selon la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines de l’esclavage, l’esclavage des enfants demeure une pratique répandue à Madagascar dans les secteurs agricole, minier et des services, et il n’existe pas de programmes, de politiques ou de plans gouvernementaux efficaces pour lutter contre ce fléau. M. Koita invite la délégation à dire ce qui est fait pour adapter la législation nationale aux dispositions pertinentes de la Convention relative aux droits de l’enfant, à détailler les moyens alloués au contrôle et à l’inspection sur l’ensemble du territoire et à décrire les progrès réalisés. La délégation pourra aussi détailler les efforts entrepris et les moyens déployés pour enquêter sur les cas d’exploitation sexuelle des enfants et poursuivre les auteurs de tels faits.

20.En ce qui concerne le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique, il semble qu’un nombre élevé d’enfants ne soient pas inscrits sur les registres de l’état civil, en particulier dans les zones rurales. M. Koita aimerait connaître les progrès issus de la mise en œuvre du Programme national de réhabilitation de l’enregistrement des naissances lancé en 2008 et les suites données à ce programme, ainsi que les effets de l’extension des audiences foraines spéciales prévues par la loi no2016-060 et organisées pour la délivrance de jugements supplétifs de naissance, et les contraintes qui s’opposeraient à leur généralisation.

21.La réforme de la nationalité portée par la loi no2016-038 a modifié et complété certaines dispositions du Code de la nationalité malgache. M. Koita demande à la délégation de détailler les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour faire appliquer pleinement la loi − et créer éventuellement un bureau chargé de l’apatridie − et pour lutter contre les pratiques administratives qui en restreindraient l’application, et souhaite savoir si la rétroactivité de la loi et des mesures de réparation sont envisagées.

22.Au sujet du calendrier électoral, M. Koita aimerait savoir si les membres du Conseil de réconciliation ont été nommés, si la date des élections régionales de 2017 a été fixée, si des enseignements ont été tirés de l’organisation des élections sénatoriales en 2015 et quelle analyse la délégation fait de la situation. Il constate que quatre institutions (la Commission électorale nationale indépendante, le Tribunal administratif, le Conseil d’État et la Haute Cour constitutionnelle) interviennent dans le processus électoral et s’inquiète de la complexité et de la lourdeur qui peuvent découler de la multiplication des intervenants, et demande ce que le Gouvernement compte faire pour mieux prévenir et combattre la corruption en matière d’élections, apporter les modifications nécessaires à l’encadrement juridique du processus électoral (notamment en rendant possible l’introduction de plaintes après la proclamation des résultats provisoires et en allongeant les délais de recours), poursuivre la mise en œuvre de la réconciliation nationale et revoir la carte électorale pour garantir une meilleure égalité entre les districts.

23.Concernant la participation des femmes à la vie politique et à la direction des affaires publiques, M. Koita demande s’il est exact que 6% seulement des candidats aux récentes élections locales étaient des femmes. Il demande également quels progrès l’État partie a accomplis et quelles difficultés il doit encore surmonter en ce qui concerne l’adoption et la mise en œuvre de la loi relative à la parité hommes-femmes dans les postes électifs et les hauts emplois de l’État, et quelle stratégie il applique pour lutter contre les facteurs culturels et traditionnels qui empêchent les femmes de participer à la vie politique sur la base de l’égalité avec les hommes. Pour terminer, M. Koita demande si l’État partie pourrait envisager de réviser le Code électoral afin d’y introduire des dispositions facilitant la pleine participation des personnes handicapées au processus électoral.

24.M. de Frouville souhaiterait que la délégation commente les faits suivants : l’arrestation extrêmement brutale, le 23juillet 2013, de Laza Razafiarison, qui était alors secrétaire général d’un parti de l’opposition et candidat à la présidentielle, sa mise en examen pour organisation de rassemblements publics non autorisés, atteinte à l’ordre public et outrage aux forces de l’ordre, sa condamnation à deux mois de prison avec sursis et l’absence de poursuite des auteurs des blessures qui lui ont été infligées lors de son arrestation ; les violences policières qui auraient été commises contre Michel Ralibera le 24 mai 2015 ; l’arrestation, le 5mai 2017, à la sortie d’une clinique privée, de Fernand Cello, journaliste à la radio Jupiter, et sa mise en examen, notamment pour diffamation, atteinte à la sûreté de l’État et incitation à la haine ; et l’ouverture de poursuites à l’encontre d’un militant écologiste, Clovis Razafimalala, lesquelles poursuites résulteraient de la dénonciation par l’intéressé du trafic de bois de rose. M. de Frouville invite la délégation à commenter également : les cas présumés d’entrave à la liberté d’expression des journalistes et des organes de presse, notamment les coupures de courant subies par la radio Jupiter et le brouillage des fréquences de certaines radios ; et les informations selon lesquelles les forces de l’ordre auraient coupé court à une tentative de manifestation en juillet 2016 et, le 6juillet 2017, dispersé une manifestation organisée à l’initiative de Marc Ravalomanana pour célébrer le quinzième anniversaire de son parti politique.

25.M.  Shany demande si l’État partie prévoit d’adopter une législation qui traite spécifiquement des réfugiés et des demandeurs d’asile, et souhaiterait connaître les modalités actuelles d’application du principe de non-refoulement, ainsi que les recours qui sont ouverts aux personnes frappées d’une décision d’expulsion. Il souhaiterait également savoir si l’État partie envisage de ratifier le Protocole relatif au statut des réfugiés. En outre, M.Shany sollicite des renseignements à jour concernant les 43 dockers du port de Toamasina qui ont été licenciés pour avoir refusé de se désaffilier du syndicat SYGMMA.

La séance est suspendue à 11 h 40 ; elle est reprise à 11 h 55.

26.M. Andriamiseza (Madagascar) indique que M. Cello est visé par cinq plaintes, dont une plainte de l’adjoint au maire d’Ilakaka et deux plaintes de particuliers. Parmi ces cinq plaintes, trois sont en cours d’examen par la gendarmerie d’Ihosy et deux ont donné lieu à l’ouverture de deux procédures judiciaires devant le tribunal de première instance d’Ihosy. S’agissant de l’une de ces procédures, M. Cello et accusé de vol de chèques, d’abus de blanc-seing et de faux et d’usage de faux et devrait être jugé en juillet 2017. Pour ce qui est de l’autre procédure, il est accusé de dénonciation calomnieuse. Une plainte pour corruption et exploitation illicite de carrières déposée par M. Cello contre un gendarme a été transmise à la justice et a fait l’objet d’une demande de la part du Procureur de la République pour la délivrance d’une autorisation de poursuite. M. Cello a également porté plainte pour coups et blessures volontaires contre quatre personnes, dont une a été condamnée à trois mois de prison ferme et trois ont été relaxées au bénéfice du doute. La troisième et dernière plainte déposée par M. Cello se trouve encore au stade de l’enquête préliminaire. En ce qui concerne M. Razafimalala, il a mis le feu aux locaux d’une administration locale et détruit du mobilier et du matériel de bureau, ainsi que des documents administratifs. M. Razafiarison ne s’est pas conformé aux dispositions du règlement qui prévoit que les manifestations et les rassemblements sont soumis à autorisation. S’agissant de M. Ravalomanana, la manifestation qui visait à célébrer le quinzième anniversaire de son parti politique a été interdite par le préfet de police après qu’il a appris que des personnes prévoyaient de lancer des grenades lors de la manifestation. Claudine Razaimamonjy a été arrêtée pour détournement de données publiques. Comme elle se trouvait toujours en détention plus de 48 heures après son placement en garde à vue, ses avocats avaient fait valoir au Ministre de la justice, M. Andriamiseza, qu’elle était soumise à une détention arbitraire. L’intervention radiophonique de M. Andriamiseza visait à dénoncer son arrestation arbitraire afin d’écarter la menace de vindicte populaire qui se profilait. Par ailleurs, Mme Razaimamonjy avait été transportée à l’hôpital par le BIANCO, pas par le Ministère de la justice ou les services pénitentiaires, et elle avait été évacuée vers l’île Maurice pour y suivre un traitement médical indisponible à Madagascar.

27.M.  Tombohavana (Madagascar) explique que la révision du Code pénal, qui est prévue dans le Plan d’opérationnalisation de la mise en œuvre des recommandations de l’Examen périodique universel, des organes de traités et des rapporteurs spéciaux, n’a pas encore été menée faute du recensement et de la révision préalables des textes obsolètes et non conformes aux instruments relatifs aux droits de l’homme.

28.Des actions de sensibilisation relatives à la traite des personnes ont été menées auprès de la population dans les régions les plus exposées à ce phénomène. Une campagne d’information sur la loi no2014-40 relative à la traite des êtres humains a été organisée à l’intention des personnes responsables de l’application des lois et des avocats. Un système informatisé de collecte de données sur la traite des personnes a été mis en place avec l’appui de la Communauté de développement de l’Afrique australe. En collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations, le Gouvernement a élaboré deux guides pratiques, respectivement destinés à la police judiciaire et aux acteurs sociaux. Des formateurs vont être formés à l’animation d’activités de renforcement des capacités qui seront menées dans toutes les régions de Madagascar. Les auteurs présumés des délits de traite enregistrés depuis l’entrée en vigueur de la loi ont été poursuivis et les personnes reconnues coupables ont fait l’objet de condamnations à des peines d’un et cinq ans d’emprisonnement, parfois assorties d’amendes.

29.M. Raholinarivo (Madagascar) dit que le Gouvernement malgache, en faisant adopter la loi no2014-018 régissant le fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées, a montré sa volonté d’instaurer une administration de proximité, surtout en matière d’état civil. Le Gouvernement a également fait adopter la loi no2016-060 relative à la délivrance des jugements supplétifs d’acte de naissance, et le programme EKA, en vigueur depuis 2004, vise à promouvoir l’enregistrement des naissances. À la fin de l’année 2016, 83 % des enfants de moins de 5 ans et 88 % des enfants de 5 à 17 ans avaient bénéficié de ces mesures. Toutefois, étant donné l’absence de statistiques sur les mariages, les divorces et le décès des personnes âgées d’au moins 18 ans, un effort doit être fait pour que la législation en vigueur soit respectée.L’organisation, le fonctionnement et les compétences de la Commission électorale nationale indépendante sont régis par le Code électoral et par la loi n° 2015–020. Le découpage des circonscriptions électorales est régi par le Code. La Commission étant un organe indépendant, l’État se contente d’appuyer la sécurisation du processus électoral.

30.Les Dina, règles coutumières d’organisation de la société, contribuent à l’harmonisation de la vie sociale et constituent une source de droit. Les Dina contra legem sont prohibés par la loi et sanctionnés, mais l’État malgache a pris l’initiative de recenser et d’homologuer les Dina praeter legem et secundum legem, qui ont force de loi. Les autorités administratives et judiciaires exercent un strict contrôle à cet égard. La liberté d’expression et de réunion est strictement réglementée par l’article 10 de Constitution. En ce qui concerne les restrictions à la liberté de réunion et de manifestation, l’État malgache s’appuie sur les Principes de Syracuse et fait en sorte que les manifestations demeurent pacifiques afin de préserver la paix publique.

31.M me Randriambelo (Madagascar) dit que le Code de procédure pénale de Madagascar offre au justiciable la possibilité de faire appel au défenseur de son choix et de contacter rapidement ce dernier par téléphone. La signification de ce droit à l’intéressé est une condition de validité de la procédure. Dans la pratique, il est toutefois difficile d’avoir accès à un avocat parce que ces derniers sont peu nombreux à Madagascar. Certaines localités en sont même totalement dépourvues. La contribution de certains justiciables aux dépenses engagées dans le cadre d’investigations n’est pas obligatoire. Parfois, en raison des problèmes financiers et logistiques de certains services de police, les justiciables ont intérêt à offrir leur appui pour que les indices et les preuves ne se perdent pas, mais cela ne leur est pas imposé. En 2016, le budget de la Police nationale a augmenté de 8,5%. Néanmoins, pour améliorer l’accès de la population aux services de la Police nationale et aux tribunaux, le Gouvernement a privilégié les programmes d’investissement public destinés à la construction de bâtiments et d’autres infrastructures. Il existe actuellement 97 commissariats de police, mais 32 districts en sont encore dépourvus. L’objectif est de construire quatre à cinq commissariats par an.Le concours de la police est organisé conjointement par le BIANCO, la fonction publique et l’Inspection générale de la police nationale, pour couper court aux allégations de corruption dans le recrutement des policiers. L’Inspection générale est chargée de mener des enquêtes de moralité sur les candidats et d’enquêter sur les éventuelles allégations de corruption concernant le concours.

32.M. Andriamiseza (Madagascar) dit que des professeurs d’université et des membres de la société civile siègent au Conseil supérieur de la magistrature et que cette institution compte désormais plus de membres élus que de membres désignés. Depuis juillet 2016, diverses sanctions disciplinaires, dont six révocations, ont été prononcées à l’encontre de magistrats pour des faits de corruption, ce qui a eu un effet dissuasif. Depuis 2014, il n’est plus question d’affaires de corruption à l’École nationale de magistrature. À raison de 100 magistrats formés par an, Madagascar dispose à présent de 300 magistrats intègres et honnêtes, ce qui est bénéfique pour l’avenir de la profession.

33.M me Belahaly (Madagascar) dit que la surpopulation carcérale est l’une des principales préoccupations du Ministère de la justice. Le fort pourcentage de personnes en détention provisoire parmi la population carcérale, notamment dans la capitale, est une conséquence du taux élevé de criminalité. Des mesures ont cependant été prises pour que la détention provisoire ait un caractère exceptionnel. Depuis l’année dernière, les magistrats sont tenus de justifier tout placement sous mandat de dépôt. En outre, le Ministère de la justice fait en sorte que les dossiers soient traités dans un délai raisonnable. Un texte relatif aux travaux d’intérêt général, peine de substitution à l’emprisonnement, a été validé par la Commission de réforme du système pénal, mais il doit être harmonisé avec d’autres textes relatifs à l’administration pénitentiaire. Le non-respect de la durée maximale de détention peut donner lieu à des sanctions disciplinaires ou à des poursuites pénales. Il y a deux ans, un chef d’établissement carcéral a été condamné aux travaux forcés à perpétuité pour détention arbitraire. La construction de nouveaux bâtiments pénitentiaires fait également partie de la politique menée par le Ministère de la justice pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Suite à l’installation de boîtes de doléances dans la moitié des maisons centrales, certains détenus ont pu se plaindre du traitement qui leur était réservé et des sanctions disciplinaires ou pénales ont été prononcées.

34.M. Andriamiseza (Madagascar) dit qu’un programme de construction de nouveaux tribunaux de première instance dotés d’une prison est en cours d’exécution. Ce programme vise à résoudre le problème de la surpopulation carcérale. À Madagascar, la contrainte par corps n’est plus illimitée. Si, au bout de trente mois, une personne détenue n’a pas été jugée, elle doit être immédiatement libérée. Toute personne placée sous mandat de dépôt peut faire opposition à cette mesure. En outre, comme dans le cas de Claudine Razaimamonjy, la question se pose de savoir, lorsqu’une personne fait l’objet de poursuites devant plusieurs tribunaux, si les délais de garde à vue peuvent être cumulés.

35.M. Andriamiandra (Madagascar) indique qu’il existe à Madagascar un service de prise en charge judiciaire des enfants. En 2016, 6151 personnes ont été formées à la sensibilisation aux droits et à la protection de l’enfance, contre 120 en 2015. La dotation en matériel et en moyens financiers dont bénéficie actuellement le Comité national de la protection de l’enfance vise à rendre cet organisme opérationnel. En ce qui concerne la santé reproductive des adolescents, le Ministère de la jeunesse et des sports a mis en place une ligne téléphonique d’écoute, le « 511 ».

36.M. Randrianirainy (Madagascar) dit qu’il n’y a plus de discrimination en matière salariale à Madagascar, sauf dans certains cas à l’égard des femmes. Les femmes qui allaitent n’étant pas autorisées à faire des heures supplémentaires ou à travailler la nuit, elles ne bénéficient pas des majorations de salaires correspondantes. En outre, l’âge de la retraite a récemment été porté à 60 ans pour les deux sexes, alors qu’il était auparavant de 55 ans pour les femmes. Cela a une incidence sur la pension, qui est calculée à partir de la somme des cotisations versées. Madagascar a renforcé la lutte contre le travail des enfants en adoptant et en mettant en œuvre le décret no2007-563, qui vise les pires formes de travail des enfants, notamment les emplois de domestique et le travail dans les mines et les carrières.

37.M. Andriamiseza (Madagascar) dit que les questions auxquelles il n’a pas été possible de répondre oralement faute de temps feront l’objet de réponses écrites.

La séance est levée à 13 h 5.