Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2182e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 25 mars 2004, à 10 heures

Président : M. Amor

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Lituanie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Lituanie (suite) (CCPR/C/LTU/2003/2)

À l’invitation du Président, les membres de la délégation lituanienne prennent place à la table du Comité.

Le Président invite la délégation à répondre aux questions supplémentaires posées par les membres du Comité sur les questions 1 à 10 de la liste.

Mme Milǎsiüte (Lituanie), répondant à une question concernant la restitution des biens juifs, dit que les biens des personnes et ceux des communautés religieuses sont régis par des lois différentes. La législation régissant les biens des personnes est simple et prévoit la restitution sous réserve que la preuve de la propriété ou du droit d’en hériter soit apportée.

Dans le cas des biens religieux, la situation est plus complexe. Il n’a pas toujours été facile de trouver les données attestant que les communautés actuelles sont les héritières légitimes des communautés expropriées. Le Gouvernement a donc adopté une loi en 2002 pour tenter de régler le problème. Une commission, établie à cet effet, a élaboré un plan d’action en consultation avec le Ministère de la justice et le Comité international de réclamation des biens communautaires juifs en Lituanie.

Tout d’abord, le Gouvernement a établi une distinction entre les biens communautaires « existants » et les biens communautaires « non existants ». Un projet de loi modifiant la loi précitée a été élaboré et attend d’être adopté par le Parlement. Il prévoit que les termes « biens existants » s’entendent des immeubles, œuvres d’art et objets religieux confisqués soit durant la Deuxième Guerre mondiale, soit durant l’occupation qui l’a suivie. Pour établir qui en étaient les héritiers légitimes, les archives nationales ont été passées au crible. Dans les cas où une indemnisation devrait remplacer la restitution, la valeur vénale des biens a été évaluée. Les estimations sont actuellement examinées par le Gouvernement. Les biens seront restitués aux ayants droit ou une indemnité leur sera versée s’ils apportent la preuve qu’ils en sont les héritiers légitimes.

Une fois que l’examen des demandes d’indemnisation aura été achevé, le Parlement sera saisi du projet de loi pour adoption.

Les termes biens communautaires « non existants », s’entendent des immeubles détruits durant la Deuxième Guerre mondiale et l’occupation qui l’a suivie. Le Gouvernement actuel n’est pas responsable des actes de la Puissance occupante et ne procèdera ni à la restauration ni à l’indemnisation des biens « non existants », à une exception près : une indemnité prélevée sur un fonds spécial sera versée dans le cas des terrains sur lesquels étaient construits des édifices religieux bombardés. La restitution des biens « non existants » en étant encore au stade préparatoire, Mme Milǎsiüte n’est pas en mesure d’en parler en détail.

Les particuliers ne peuvent pas saisir la Cour constitutionnelle de Lituanie dans les cas de violation des droits de l’homme. Elles peuvent demander à des juridictions inférieures de la saisir pour qu’elle se prononce sur la constitutionnalité d’une question de droit. L’affaire est alors suspendue jusqu’à ce que la Cour rende son arrêt. Ce système fonctionne bien. Il n’y a malheureusement pas de statistiques des plaintes concernant des violations des droits de l’homme dont la Cour constitutionnelle a été saisie.

Le nouveau Code pénal prévoit des peines de prison, la déchéance des droits civiques, la privation du droit au travail, des amendes et des peines de travail d’intérêt général. La déchéance des droits civiques comporte l’interdiction d’être élu ou nommé à des fonctions publiques ou à des fonctions dans des organisations non gouvernementales. Cette peine est prononcée à la discrétion du tribunal, le plus souvent dans des cas d’abus de pouvoir. Elle peut être prononcée pour une durée de un à cinq ans. Les peines de travail d’intérêt général sont soumises au consentement du condamné et représentent 10 à 40 heures de travail par mois.

En ce qui concerne les conditions carcérales, Mme Milǎsiüte dit que les mineurs et les adultes ne sont détenus dans des cellules communes que dans des cas exceptionnels et avec l’accord du procureur. L’obligation de les séparer est stricte, mais la loi ne définit pas les cas exceptionnels.

M. Žilinskas (Lituanie) dit que la question de la violence domestique constitue pour son gouvernement une priorité absolue. Le Programme national pour l’égalité des chances, créé en juin 2003, vise à améliorer le cadre juridique afin de séparer l’auteur des actes de violence de la famille qui en est victime et de venir en aide aux victimes. Un réseau de centres d’accueil a été créé pour les hommes et les femmes, mais il faudra en créer davantage.

Le nouveau Code pénal n’a guère modifié les anciennes dispositions relatives à la violence à l’égard des enfants. On y a ajouté un nouveau chapitre sur la responsabilité pénale en cas de contrainte sexuelle, – viol d’un mineur ou d’un enfant et harcèlement sexuel, par exemple. Les peines prévues pour atteinte à la santé ou à la liberté des personnes sont aggravées lorsque ces infractions sont commises contre des mineurs. D’autres lois régissent les responsabilités des tuteurs.

Une disposition du Code civil autorise les enfants de moins de 14 ans qui estiment que leurs parents portent atteinte à leurs droits à s’adresser directement à l’Organe chargé de la protection des droits des enfants. Les personnes employées dans les secteurs de la formation, de l’enseignement, de la santé, de la police etc. sont tenues de notifier à cet organe tout cas de mauvais traitement d’enfants par les parents. La garde des enfants dont la vie est en danger peut être retirée aux parents. Une assistance psychologique est fournie aux enfants victimes de violence et à leurs proches.

Il n’est pas facile de déterminer l’ampleur de la violence dont sont victimes les enfants. La police organise régulièrement des débats avec les établissements d’enseignement à des fins de prévention des actes de violence dans lesquels les enfants pourraient facilement être auteurs ou victimes. Le Gouvernement met en place une base de données pour faciliter l’étude de l’ampleur de la violence sexuelle contre les enfants. Les États baltes mettent également en place une base de données comportant les noms des enfants en danger dans cette région. Il existe, en outre, plusieurs services d’assistance téléphonique. De même, des campagnes de prévention sont régulièrement organisées.

M. Bliznikas (Lituanie) dit que son pays considère l’éducation sexuelle comme un moyen de promouvoir les droits des jeunes. Des organismes publics et des organisations et institutions non gouvernementales y participent. Le Ministère de l’éducation a mis en place deux programmes en la matière. Le premier, dénommé « Évolution », vise à aider les garçons et les filles de 11 et 12 ans à mieux comprendre l’évolution physiologique et psychologique qui accompagne la puberté, ainsi que la physiologie du corps humain. Il est enseigné dans les lycées de Lituanie avec l’appui d’un guide à l’intention des enseignants, d’affiches, de manuels pour les filles et pour les garçons, de brochures destinées aux parents et d’échantillons d’articles d’hygiène. Le second programme, intitulé « Préparation à la famille et programme d’éducation sexuelle pour tous », couvre tous les stades menant à la maturité, de l’enseignement préscolaire au secondaire. Dans ce cadre, des directives sont données aux enseignants et des forums et séminaires sont organisés à l’intention des parents. Une organisation non gouvernementale, l’Association de planification familiale et d’hygiène sexuelle, compte des centaines de membres (médecins, psychologues, journalistes, enseignants, etc.). Des laboratoires pharmaceutiques organisent régulièrement des séminaires d’éducation sexuelle et des campagnes sur l’utilisation des contraceptifs, le traitement des maladies sexuelles, etc.

Le Président invite la délégation à répondre aux questions 12 à 20 de la liste.

M. Adomavičius (Lituanie), répondant à la question 12, dit qu’en raison de sa position géographique et d’autres facteurs économiques et sociaux, la Lituanie est un pays de destination, d’origine et de transit pour la traite des êtres humains. Le Gouvernement ne ménage aucun effort pour lutter contre ce fléau. En 2003, le Parlement a ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. En 2002, le Gouvernement a adopté un programme de lutte et de prévention de deux ans visant à éliminer les conditions favorisant la prostitution et la traite des êtres humains et à élaborer des mesures de prévention par l’amendement de la législation, l’élaboration de diagnostics, l’amélioration de l’éducation, l’intégration sociale des victimes et la lutte contre les organisations criminelles se livrant à ce type de trafic. Un des volets du programme porte sur la formation des travailleurs sociaux, la création de permanences téléphoniques et l’élaboration de brochures destinées aux femmes qui ont été victimes de violence domestique ou de trafic ou contraintes à la prostitution. En outre, une vaste campagne de sensibilisation est menée dans toutes les municipalités et tous les villages du pays afin d’appeler l’attention des femmes et des filles sur les méthodes utilisées par les trafiquants, la manière de les reconnaître et les solutions offertes aux victimes.

Sur le plan législatif, la responsabilité pénale pour la traite des êtres humains est prévue par le Code pénal depuis 1998. Selon le nouveau Code pénal de 2003 la traite d’êtres humains est passible de 2 à 20 ans de prison. À cet égard, la responsabilité de l’auteur est engagée indépendamment de sa nationalité et de son lieu de résidence, du lieu où l’infraction a été commise ou même de la question de savoir si cet acte est considéré comme une infraction là où il a été commis. En matière pénale, la Lituanie s’est attachée à renforcer la protection des témoins et des victimes afin de les encourager à dénoncer les trafiquants. La traite des êtres humains impliquant la criminalité internationale organisée, il faut développer la coopération internationale dans ce domaine.

En ce qui concerne la question 13, la pratique de la détention administrative est régie par le Code administratif, qui précise quelles sont les autorités autorisées à y procéder. Aux frontières, le Service des gardes frontière peut détenir toute personne ayant enfreint les règles régissant le passage des frontières pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois heures aux fins de l’établissement d’un procès-verbal et jusqu’à 48 heures aux fins d’identification et de vérifications diverses. Conformément à l’article 271 du Code administratif, l’intéressé peut former un recours en justice contre la décision de placement en détention administrative. Aucun cas de ce type ne s’est produit à ce jour.

En ce qui concerne la question 14, la loi sur le statut des réfugiés prévoit que les demandes d’asile peuvent être adressées par écrit ou oralement aux postes frontière, aux postes de police territoriaux ou au centre d’immatriculation des étrangers. Le Service des gardes frontière entend le demandeur, recueille des renseignements le concernant, vérifie l’itinéraire emprunté et examine les motifs de la demande. Les renseignements sont communiqués au Département de l’immigration, qui procède à une enquête approfondie et décide du statut légal du demandeur dans les 48 heures. Un demandeur d’asile ne peut être détenu plus de 48 heures que sur décision de justice. Si le tribunal ordonne le placement en détention, le demandeur est placé dans le centre de détention des étrangers, mais le tribunal peut ordonner une mesure autre que la détention. La Lituanie respecte le principe de non-refoulement. La demande d’asile n’est refusée que si le demandeur provient d’un pays tiers sûr. Si la demande est examinée selon la procédure ordinaire, qui prend six mois, le demandeur est placé dans un centre d’accueil pour réfugiés. Si elle fait l’objet d’une procédure accélérée, qui prend un mois, le demandeur demeure dans un centre d’immatriculation des étrangers jusqu’à ce que la décision le concernant soit prise.

En ce qui concerne la question 15, la confidentialité des communications téléphoniques est garantie par la loi, sous réserve de certaines restrictions liées à la sûreté de l’État et au maintien de l’ordre public dans des situations extraordinaires. Conformément à la loi du 9 juin 1998 sur les télécommunications, les agents de la police judiciaire qui procèdent aux enquêtes lors de l’instruction préparatoire peuvent écouter les conversations téléphoniques avec l’accord du juge d’instruction et à la demande du procureur. Cet accord doit être obtenu dans les trois jours qui suivent le début des écoutes. Si l’accord n’est pas obtenu, il est mis fin à l’opération et tous les enregistrements sont détruits.

En vertu de la loi sur les activités opérationnelles, l’utilisation d’équipements techniques doit être autorisée par les présidents de certains tribunaux sur recommandation motivée du Procureur général. Dans les cas d’urgence où la vie ou la sécurité est en danger, le Procureur peut prendre la décision, sous réserve de l’approbation ultérieure d’un juge.

Au sujet de la question 16 sur les distinctions entre les religions, la Lituanie reconnaît trois catégories de religions : les religions traditionnelles, celles qui sont officiellement reconnues et les autres. Les religions traditionnelles sont au nombre de neuf. Les religions non traditionnelles peuvent être officiellement reconnues par le Parlement au moins 25 ans après leur enregistrement initial en Lituanie, à condition que leurs enseignements et pratiques ne soient pas contraires à la loi ni à la morale. Les autres religions non traditionnelles peuvent obtenir la personnalité morale par voie d’enregistrement.

En ce qui concerne la question 17, le paragraphe 3 de l’article 4 de la loi sur la conscription prévoit diverses formes de service pour ceux qui ne souhaitent pas porter les armes pour des motifs religieux ou par conviction pacifiste. Une commission spéciale composée de représentants de l’armée, de médecins et de prêtres décide de la forme du service à effectuer en remplacement du service militaire. Toutefois, conformément à de nouvelles règles en cours d’élaboration, il sera possible d’accomplir un service de remplacement en dehors du cadre de la défense nationale.

Au sujet de la question 18, la législation lituanienne relative aux activités et à l’enregistrement des associations, des organisations non gouvernementales et des partis politiques est conforme au Pacte. Depuis le 1er janvier 2004, toutes les personnes morales doivent être inscrites dans le nouveau Registre des personnes morales. Elles doivent à cette fin fournir certains documents, dont un certificat de conformité aux dispositions de la loi. Ce certificat n’est pas exigé des syndicats. Tout refus d’enregistrement peut faire l’objet d’un recours en justice. Conformément à l’article 1.13 du Code civil, en cas de conflits de lois, ce sont les dispositions des instruments internationaux qui l’emportent.

En ce qui concerne la question 19 de la liste, la loi a été modifiée en 2001 et les allocations familiales peuvent désormais être versées à la demande de l’un ou l’autre des parents.

Au sujet de la question 20, le Ministère de la justice et le Conseil de la magistrature ont mis en place conjointement en 2002 un programme de formation des juges portant sur le droit international humanitaire et sur l’application et l’interprétation des traités internationaux, en particulier du Pacte. Le Centre de formation des magistrats, créé en 1997, contribue activement à cette formation. On a également dispensé, à l’intention des juges et des procureurs, une formation en matière de protection des droits de l’homme dans le cadre du projet de jumelage PHARE. Un accord spécial a été conclu avec le Programme des Nations Unies pour le développement sur l’éducation en matière de droits de l’homme afin de faire connaître le droit et les droits de l’homme dans l’enseignement secondaire au moyen de cours organisés pour les enseignants, de manuels et d’initiation aux méthodes d’enseignement.

Le Pacte a été publié à plusieurs reprises en Lituanie au cours des dernières années. Il a été intégré dans tous les recueils et manuels relatifs au droit international humanitaire. Il est disponible, ainsi que le rapport de l’État partie, sur le réseau Internet. Les observations finales du Comité seront traduites et affichées sur Internet.

Le Président invite le Comité a poser d’autres questions aux membres de la délégation concernant leurs réponses aux questions de la liste.

M. Castillero Hoyos tient à féliciter la délégation pour les progrès que la Lituanie ne cesse d’accomplir dans le domaine des droits de l’homme. Il souhaite cependant qu’on lui donne de nouveau l’assurance que les demandeurs d’asile ont bien accès au mécanisme de demande d’asile, quels que soient leur pays d’origine, leur appartenance ethnique ou leur situation sociale. Deux groupes de Tchétchènes, essentiellement composés de femmes et d’enfants, auraient été refoulés à la frontière en septembre 2003. Il se demande quels effets les mesures de lutte contre le terrorisme pourraient avoir pour les demandeurs d’asile, notamment du point de vue de la liberté de circulation, du droit au non-refoulement et de réunion des familles. En ce qui concerne la formation des juges, il demande quelles sont les mesures prises ou envisagées pour s’assurer que les juges qui connaissent des demandes d’asile soient aussi haut placés que possible.

Il constate que le nouveau Code du travail interdit la grève dans les services essentiels, catégorie dont la définition est très large, et que la grève est légale dans d’autres secteurs d’activité si les deux tiers au moins des travailleurs se prononcent en sa faveur. Il semble que les restrictions imposées aux syndicats à cet égard soient excessives.

M. Castillero Hoyos demande quel est le pourcentage des résidents de la Lituanie qui appartiennent à des minorités, et, en particulier le pourcentage de ceux qui ont le droit de vote, le pourcentage des adhérents à des partis politiques et le pourcentage des fonctions électives et non électives exercées par des personnes appartenant à des minorités.

M. Ando dit que la question de la restitution des biens juifs saisis au cours de la Deuxième Guerre mondiale et sous le régime communiste a été examinée, et demande si, à cet égard, les autres religions ont bénéficié d’un traitement égal. Les expropriations ayant eu lieu à une époque où la Lituanie était occupée, il demande si la question de l’indemnisation a été négociée avec les Puissances occupantes, pour que les diverses religions puissent obtenir réparation. Il voudrait également savoir si les religions enregistrées bénéficient d’avantages qui ne sont pas accordés à celles qui ne sont pas enregistrées.

La popularité des syndicats ayant baissé à la suite de l’effondrement du socialisme, il demande quel est le nombre de syndicats existants et dans quels secteurs. Il demande également si les syndicats ont des liens avec les fédérations internationales de syndicats et si les travailleurs étrangers ont le droit d’être syndiqués.

En ce qui concerne la violence à l’égard des enfants, il est indiqué au paragraphe 269 du rapport qu’un enfant victime de violence parentale peut demander la protection d’une institution publique. Il demande comment cela est possible de la part d’un enfant très jeune et si le Médiateur pour la protection des droits des enfants peut enquêter sur des plaintes de cette nature ou les renvoyer à une autre institution. Il est difficile de mettre à jour les cas de violence à l’égard des enfants. Au Japon, des réseaux d’organisations non gouvernementales s’efforcent d’aider les enfants et d’accompagner les femmes en difficultés qui pourraient être amenées à maltraiter leurs enfants. Il demande si un tel système existe en Lituanie.

Sir Nigel Rodley dit qu’il voudrait savoir dans quelle mesure le nouveau Code de procédure pénale a changé les pratiques précédemment en vigueur. Il demande si la police peut encore détenir des suspects sans mandat et, dans l’affirmative, dans quelles circonstances et pour quelle durée. Lorsque des suspects sont détenus avant que soit délivré un mandat d’arrêt, la police est-elle autorisée à les interroger et un avocat doit-il être présent à l’interrogatoire? Il voudrait, en outre, savoir à quelle étape de la procédure les suspects sont autorisés à bénéficier des services d’un avocat et si le système d’aide juridictionnelle est efficace.

À propos du paragraphe 112 du rapport, il demande quelle peut être la durée de prolongation de la période de détention. Il demande aussi si les suspects sont détenus dans les locaux de la police et si, dans la négative, ils sont reconduits dans ces locaux pour y être interrogés. La gestion des centres de détention provisoire et des établissements pénitentiaires relève-t-elle aujourd’hui du Ministère de la justice?

Enfin, en ce qui concerne les allégations de mauvais traitements infligés par la police lituanienne, il demande si la délégation peut donner des précisions sur le nombre de plaintes déposées et la suite qui y a été donnée.

M. Kälin, dit, à propos de la question 14 de la liste, qu’il a examiné les renseignements complémentaires concernant les pratiques en matière d’asile. Il s’inquiète de ce que le statut de réfugié ne soit accordé qu’à une poignée seulement de personnes chaque année et il se demande si les promesses inscrites dans la loi sur l’asile ne sont pas en fait purement théoriques. Il demande à en savoir plus sur cette situation.

En ce qui concerne la question posée par M. Scheinin sur l’application du principe de non-refoulement en cas de danger imminent de torture, il n’est toujours pas au clair. Les experts étrangers ont bien dit que la nouvelle loi sur les étrangers était conforme au droit international. Il demande cependant si, dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, le Gouvernement lituanien serait vraiment prêt à faire entorse au principe de non-refoulement.

M. Solari Yrigoyen, rappelle, en référence à la question 17 de la liste, que dans ses observations finales sur le rapport initial de la Lituanie, le Comité avait exprimé ses préoccupations au sujet des conditions régissant le service de remplacement proposé aux objecteurs de conscience, notamment les critères appliqués pour établir le droit à accomplir ce service et sa durée, et avait recommandé que l’État partie donne des éclaircissements sur les conditions à remplir pour être admis au bénéfice du service de remplacement sans discrimination, pour des raisons de conscience ou de convictions religieuses, de sorte que le droit à la liberté de conscience et de religion soit respecté. Le rapport soumis au Comité ne donne aucune information supplémentaire sur la situation en Lituanie et M. Solari Yrigoyen se demande donc avec inquiétude si la législation lituanienne garantit comme il convient la liberté de pensée, de conscience et de religion, protégée par l’article 18 du Pacte.

À cet égard, il demande si n’importe qui peut se déclarer objecteur de conscience ou s’il faut apporter la preuve que l’objection de conscience est fondée sur des convictions pacifistes ou religieuses reconnues. Considérant que la commission spéciale mentionnée dans la réponse écrite à la question 17 semble être composée de militaires, il se demande si les critères utilisés pour déterminer qui peut être autorisé à accomplir un service de remplacement sont entièrement objectifs. Il demande combien de demandes ont été acceptées et combien rejetées au cours de l’année écoulée. En cas de rejet, les intéressés ont-ils un recours et, dans l’affirmative, devant quelle juridiction? Enfin, il aimerait savoir quelle est la durée du service de remplacement par rapport au service militaire et s’il doit être accompli uniquement dans le cadre de l’armée.

M. Wieruszewski dit, en référence à la question 12 de la liste, qu’il souhaite obtenir de plus amples informations sur les mesures concrètes prises pour améliorer la protection des victimes et des témoins. Il s’intéresse notamment au statut d’immigrant accordé aux ressortissants étrangers.

Il dit partager les préoccupations de M. Kälin concernant le nombre très limité de personnes auxquelles est accordé le statut de réfugié. Il demande si les personnes dont les demandes sont en cours de traitement peuvent circuler librement en Lituanie ou si elles doivent demeurer dans les centres d’enregistrement des étrangers. En cas de rejet de la demande de statut de réfugié, le demandeur qui forme un recours est-il autorisé à demeurer en Lituanie jusqu’à ce que l’affaire soit jugée ou bien est-il expulsé?

Mme Wedgwood demande si des dispositions spéciales ont été prises pour accueillir les enfants dans les centres d’enregistrement des étrangers. Elle note que la majorité des demandeurs d’asile en Lituanie sont d’origine russe et demande si le pays reconnaît la notion d’apatridie. En ce qui concerne la question de M. Ando sur la succession et la restitution en matière de biens ayant appartenus à des communautés religieuses, elle demande des précisions sur les critères appliqués pour déterminer si les communautés religieuses actuelles sont les héritiers légitimes.

M. Depasquale dit que la traite des êtres humains, notamment pour les besoins du tourisme sexuel, est en hausse dans l’ensemble du monde. Or, le nombre de cas signalés en Lituanie est anormalement faible et ne semble pas refléter la situation réelle. Il se demande si la police lituanienne a des fichiers sur les personnes accusées par d’autres pays de se livrer à la traite des êtres humains. Il exprime l’espoir que le Gouvernement intensifiera sa participation à la lutte menée au niveau international contre ce type de trafic lorsque la Lituanie deviendra membre de l’Union européenne.

En ce qui concerne la législation du travail en vigueur, il note que le nouveau Code de procédure pénale n’autorise pas les avocats syndiqués à plaider devant la Cour suprême. Il se demande quels sont les effets de cette restriction sur la fourniture d’une assistance juridique autorisée.

M. Ando note qu’en raison des difficultés économiques de la Lituanie, la santé des femmes est souvent négligée. Il demande si les femmes de ce pays ont accès au système de planification familiale, aux méthodes de contraception et bénéficient d’une assistance lors de l’accouchement.

M. Scheinin dit, en référence à la question 13 de la liste, que la réponse écrite est insuffisante. Il demande si la procédure d’examen par les tribunaux de tous les cas de détention administrative, et pas seulement des cas liés au contrôle aux frontières, est rapide et efficace.

Concernant la réponse écrite à la question 14, il demande en quoi les procédures relatives à la détention provisoire des étrangers et des demandeurs d’asile sont différentes. Il se demande si le tribunal se prononce effectivement sur ces affaires ou s’il est seulement saisi des faits dans les 48 heures qui suivent le placement en détention. En ce qui concerne le paragraphe 116 du rapport, relatif à la prorogation de la détention provisoire par décision judiciaire, il demande si les tribunaux examinent la durée de la détention provisoire seulement une fois tous les trois mois. Enfin, il demande si les recours formés contre des décisions relatives au statut de réfugié, à la protection humanitaire ou à l’expulsion ont un effet suspensif.

La séance est suspendue à midi; elle est reprise à 12 h 15.

Le Président invite la délégation lituanienne à répondre aux questions posées oralement par les membres du Comité.

M. Vidtmann (Lituanie), dit, en ce qui concerne la participation des minorités nationales à la vie publique et politique, que la population lituanienne est composée de 121 nationalités. Conformément à l’article 33 de la Constitution, tous les citoyens, y compris ceux qui appartiennent à des minorités nationales, sont égaux en droits et peuvent exercer des fonctions dans la fonction publique et participer à la vie publique. Les minorités nationales sont représentées dans tous les partis politiques, quelle qu’en soit l’idéologie, et ont le droit de créer leur propre parti. Il existe actuellement cinq partis de ce type en Lituanie, dont le Parti de l’action électorale polonais et l’Union des Lituaniens russes, qui ont chacun deux sièges au Parlement. Les minorités ethniques sont également représentées au niveau local : deux municipalités du district de Vilnius ont une majorité polonaise.

Mme Milǎsiüte dit que la législation lituanienne sur la restitution des biens doit être modifiée, car elle n’est pas bien adaptée à la situation de la communauté juive. Les autres communautés religieuses bénéficient du droit à la restitution des biens confisqués, car elles ont été dûment enregistrées et jouissent donc de la personnalité morale. Les critères de succession ne reposent pas sur les liens de sang, mais sur des facteurs culturels. Il est cependant trop tôt pour en parler en détail, la législation étant encore à l’état de projet.

Seuls les membres du barreau sont habilités à exercer à la Cour suprême, mais comme il n’y a eu à ce jour aucun cas de refus d’aide juridictionnelle, Mme Milǎsiüte ne peut pas donner d’informations sur les problèmes qui pourraient se poser dans ce domaine. En ce qui concerne le droit de grève et la nature des obligations auxquelles sont tenues les personnes travaillant dans des secteurs essentiels, le Gouvernement s’est efforcé d’établir un équilibre entre les intérêts respectifs des secteurs public et privé. Au sujet du niveau professionnel des juges, elle dit que les juges participent à des séminaires, reçoivent une formation en bonne et due forme et bénéficient de celle qu’ils acquièrent auprès de leurs collègues. Des procédures ont été mises en place pour remédier aux erreurs judiciaires. Pour ce qui est des objecteurs de conscience, elle signale le cas récent de deux Témoins de Jéhovah qui avaient saisi la justice après que le droit au service de remplacement leur avait été refusé, et qui avaient eu gain de cause.

M. Vidickas dit que conformément à l’article 10 de la loi lituanienne sur le statut de réfugié, les demandeurs d’asile ne peuvent être admis en Lituanie lorsqu’ils viennent d’un pays tiers sûr. Il appartient aux ministres de l’intérieur et des affaires étrangères de déterminer si le pays en question est sûr ou non. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés est intervenu auprès des autorités lituaniennes en novembre 2002 après que deux ressortissants tchétchènes eurent été renvoyés au Bélarus. Le Haut Commissaire n’a relevé aucune infraction à la loi, mais a affirmé qu’il fallait surveiller les pratiques concernant l’admission des demandeurs d’asile sur le territoire de la Lituanie. Un fonctionnaire du Haut Commissariat est membre du groupe de travail chargé d’élaborer une nouvelle loi sur les étrangers. La baisse du taux de reconnaissance du statut de réfugié depuis 2000 tient en partie à l’introduction d’un régime supplémentaire de protection en vertu duquel des permis de résidence temporaires sont accordés pour raison humanitaire, ainsi qu’à l’adoption d’une définition plus restrictive du terme « réfugié ». En 2002, 294 demandes d’asile ont été déposées, dont 240 concernant des personnes d’origine tchétchène.

Au 1er janvier 2004, seulement 7 917 apatrides résidaient en permanence en Lituanie. En ce qui concerne la liberté de circulation des demandeurs d’asile, il note que l’article 12 de la loi sur le statut de réfugié autorise, dans des cas exceptionnels, le placement en détention temporaire de demandeurs d’asile dans des centres d’enregistrement des étrangers. En ce qui concerne l’effet suspensif des recours contre les jugements refusant l’octroi de l’asile, les intéressés peuvent s’adresser aux tribunaux et ne peuvent être expulsés pendant la durée de la procédure. La loi sur le statut de réfugié prévoit que la police ne peut détenir des ressortissants étrangers plus de 48 heures, sauf dans des circonstances exceptionnelles et uniquement sur décision de justice.

M. Žilinskas dit, en ce qui concerne la protection des droits des enfants, que la Lituanie dispose d’un large réseau d’organisations non gouvernementales auxquelles les particuliers peuvent s’adresser en cas de violation de ces droits. Le Gouvernement appuie ces organisations et travaille en collaboration étroite avec le Ministère de la sécurité sociale et du travail. En ce qui concerne la traite des êtres humains, le nombre de cas signalés est faible, car il est souvent difficile de recueillir auprès des victimes des preuves pour confondre les trafiquants. Soit les victimes répugnent à désigner les responsables, soit elles ne les connaissent pas. La Lituanie n’a guère d’expérience en la matière et n’applique donc pas toujours les techniques d’investigation appropriées. Le Gouvernement et les organisations non gouvernementales s’emploient à réintégrer les victimes dans la société en leur fournissant une assistance psychologique et d’autres formes d’assistance. Il est prévu de mettre en place des programmes dans ce domaine et de fournir un appui aux organisations non gouvernementales, notamment par la création d’un fonds spécial et de centres de protection des victimes.

Le Président dit, en conclusion de l’examen du deuxième rapport périodique de la Lituanie, qu’il est important de reconnaître tout ce qui a été fait et qui continue d’être fait par la Lituanie pour garantir le respect des dispositions du Pacte. La Lituanie élabore rapidement une législation pour se conformer aux divers instruments internationaux qu’elle a ratifiés. Il se félicite également de la création d’organes et de mécanismes chargés de faire respecter les droits de l’homme. Des problèmes se posent cependant en ce qui concerne le système du médiateur, mais celui-ci constitue sans nul doute une contribution importante à la protection des droits de l’homme. La Commission lituanienne des droits de l’homme semble jouer un rôle actif et la Lituanie est sur le bon chemin.59.Cependant, des problèmes continuent de se poser dans certains domaines. Il en cite notamment trois : la violence domestique, le traitement des ressortissants étrangers et la lutte contre le terrorisme. Le problème de la violence domestique n’est certes pas spécifique à la Lituanie. Il est difficile à combattre, mais la Lituanie peut et doit redoubler d’efforts dans ce domaine. Il en est de même en ce qui concerne la protection des enfants. Il semble aussi que les ressortissants étrangers rencontrent des problèmes à toutes les étapes du processus de demande d’asile et ne bénéficient pas toujours de la protection efficace des tribunaux. Par ailleurs, plusieurs groupes ethniques originaires de pays de l’ex-bloc soviétique semblent s’être repliés dans leurs communautés, se condamnant ainsi à l’exclusion sociale, et c’est ainsi que des partis politiques fondés sur l’appartenance ethnique ont été créés. L’existence de partis politiques de ce type semble participer au processus démocratique, mais les dangers de telles divisions sociales sont évidents.60.Enfin, le Président note que la légitimité de la lutte contre le terrorisme est indiscutable. Cependant, s’il semble que les États rivalisent souvent pour montrer qu’ils prennent les mesures les plus efficaces pour combattre le terrorisme, ils devraient toujours se rappeler que le respect des droits de l’homme est la considération primordiale. La Lituanie gagnerait à être un peu plus transparente à cet égard. Pour terminer, il dit qu’il ne doute guère que la Lituanie défendra toujours les droits de l’homme et les dispositions du Pacte.

La séance est levée à 13 h 5.