NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.1945

30 juillet 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-douzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1945e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le vendredi 19 juillet 2001, à 10 heures

Président: M. Bhagwati

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique de la République populaire démocratique de Corée (suite)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.01-43637 (F) 240701 300701

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les états parties conformément à l’article 40 du pacte (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la République populaire démocratique de Corée (CCPR/C/PRK/2000/2; CCPR/C/72/L/PRK) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation de la République populaire démocratique de Corée reprend place à la table du Comité.

2.Le président invite les membres du Comité à reprendre l’examen du deuxième rapport périodique de la République populaire démocratique de Corée et à poser des questions complémentaires sur les points 1 à 14 de la Liste des points à traiter (CCPR/C/72/L/PRK).

3.M. KLEIN dit que les informations fournies ne sont pas suffisantes et que le Comité a besoin d’informations plus complètes, tant de la part de l’État partie que d’autres sources. Il est regrettable que le manque d’ouverture du pays ne permette de vérifier ni les affirmations du Gouvernement ni les déclarations d’autres entités, ce qui serait pourtant la meilleure façon de mettre fin aux malentendus ou aux doutes qui peuvent subsister.

4.En ce qui concerne la compatibilité entre la Constitution nationale et le Pacte, M. Klein relève l’expression «droits de l’homme à la coréenne», employée par le chef de la délégation dans sa déclaration liminaire. Il se demande si cette notion n’est pas contraire au principe de l’universalité des droits de l’homme. En outre, l’article 12 de la Constitution consacre le principe de la «dictature de la démocratie populaire». Or toute idée de dictature semble aller à l’encontre de l’idée même de liberté. Les articles 9 et 14 de la Constitution, qui consacrent la victoire complète du socialisme, et l’article 23, qui dispose que l’État doit renforcer la conscience idéologique du peuple, semblent également poser un problème du point de vue des droits énoncés dans le Pacte. L’ordre constitutionnel de la République populaire démocratique de Corée, qui impose une certaine ligne de pensée, semble ainsi en contradiction avec les articles 19, 21, 22 et 26 du Pacte.

5.En ce qui concerne le droit à la vie (art. 6 du Pacte), M. Klein rappelle que les États parties sont tenus de protéger la vie, y compris en cas de catastrophe naturelle et renvoie à cet égard à l’Observation générale n° 6 du Comité sur l’article 6. Il estime que l’État partie aurait peut-être pu s’ouvrir davantage pour obtenir de l’aide et sauver des vies. De nombreux rapports font état d’exécutions extrajudiciaires dans les camps de prisonniers, ce que la délégation a démenti, mais M. Klein souligne que les décès de prisonniers dus au manque de nourriture et aux conditions de vie des camps sont effectivement à considérer comme des exécutions extrajudiciaires et constituent à ce titre des violations des articles 6, 7 et 10 du Pacte.

6.Pour ce qui est des disparitions, M. Klein souhaite savoir si les familles des personnes arrêtées sont prévenues et si l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, que l’État partie dit reconnaître, est réellement appliqué. Ainsi, la règle n° 7 dispose que les détenus doivent être inscrits dans un registre central. M. Klein se demande si la République populaire démocratique de Corée dispose d’un tel registre auquel la population pourrait avoir accès. Il demande par ailleurs si l’État partie respecte la règle 20 concernant l’alimentation, les règles 22 à 26 concernant les services médicaux et la règle 37 concernant le contact avec le monde extérieur.

7.M. Klein demande par ailleurs des précisions sur ce qui est indiqué à l’alinéa a du paragraphe 64 du deuxième rapport périodique. Il souhaiterait savoir si la décision du Procureur général peut être contestée devant les tribunaux, conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte. Enfin, en ce qui concerne la liberté de circulation (art. 12 du Pacte), il semblerait que l’État partie ait fait de l’exception la règle en imposant de manière systématique les restrictions prévues au paragraphe 3 de l’article 12, ce qui n’est pas acceptable. M. Klein rappelle que les restrictions doivent être compatibles avec les droits énoncés dans les autres articles du Pacte, notamment l’article 26. Il demande à la délégation si la pratique en vigueur lui semble conforme aux dispositions du Pacte ou s’il faut y voir une interprétation des droits de l’homme «à la coréenne».

8.M. SOLARI YRIGOYEN se félicite des efforts faits par la République populaire démocratique de Corée pour s’ouvrir au monde. Il regrette que tant de temps se soit écoulé entre la présentation des deux premiers rapports de l’État partie, ce qui a compliqué la tâche du Comité car il est difficile de juger des progrès accomplis sur une aussi longue période. Il regrette également que le deuxième rapport périodique n’évoque aucunement les difficultés rencontrées par l’État partie dans l’application du Pacte.

9.En ce qui concerne le droit à la vie, la République populaire démocratique de Corée affirme suivre l’idéal de Juche. Cet idéal est remis en cause par de nombreux rapports, et notamment par des rapports présentés par des communautés chrétiennes. M. Solari Yrigoyen souhaiterait que la délégation précise s’il s’agit d’une doctrine officielle devant être acceptée par tous ou s’il est possible de ne pas y adhérer. Il souhaiterait également savoir qui est à l’origine de cette philosophie, qui est chargé de la diffuser dans le pays et si ceux qui ne l’acceptent pas sont poursuivis.

10.Le rapport affirme qu’il n’y a pas de problème de disparition, ce dont on ne peut que se féliciter si c’est effectivement le cas. Cela étant, il est précisé que les cas de disparition sont facilement réglés grâce aux comités populaires qui contrôlent la population. Il serait utile que la délégation précise la nature de ces comités, leur composition et le mode de désignation de leurs membres et indique dans quelle mesure les activités de ces comités sont compatibles avec l’article 17 du Pacte concernant la protection de la vie privée.

11.L’article 42 du rapport indique que la torture et autres formes d’interrogatoire sous la contrainte sont assimilées à une infraction passible de poursuites au pénal et cite l’article 129 du Code pénal. La délégation pourra peut-être expliquer pourquoi l’article du Code pénal qui est censé réprimer la torture ne la mentionne même pas. Des organisations non gouvernementales ont fait état de cas de torture et autres mauvais traitements infligés par les forces de sécurité et de l’existence de cellules d’isolement inhumaines, du manque de nourriture et de l’absence de soins médicaux dans les prisons. M. Solari Yrigoyen souhaiterait obtenir des précisions à ce sujet. Il a également été signalé que des ressortissants de la République populaire démocratique de Corée qui s’étaient réfugiés en Chine et ont été renvoyés dans leur pays ont subi des mauvais traitements. La délégation pourrait peut-être donner des informations complémentaires à ce sujet et préciser si les responsables des mauvais traitements ont été punis. Elle pourrait également dire ce qu’il est advenu de Li Sun Ok, dont la famille a signalé la disparition et ce qu’est devenue son épouse. En outre, la délégation a indiqué qu’un permis de circuler était nécessaire pour lutter contre les éléments subversifs et les espions. M. Solari Yrigoyen souhaiterait savoir combien de ces personnes ont été jugées et condamnées au cours des cinq dernières années et à quelles peines elles ont été condamnées. Il voudrait en outre savoir si une autorisation est nécessaire pour déménager d’un point du pays à un autre.

12.M. HENKIN s’associe aux observations et aux questions formulées par les autres membres du Comité. Il souligne que les informations fournies gagneraient à être plus détaillées. Ainsi, le paragraphe 17 du rapport, qui expose les procédures applicables en cas de violation des droits de l’homme ne précise pas combien de plaintes ont été déposées chaque année, quels étaient les motifs desdites plaintes et quelles réparations ont été proposées.

13.La délégation voudra peut-être expliquer certaines incompatibilités apparentes de la législation avec les dispositions du Pacte. Ainsi, sur les cinq catégories de crimes passibles de la peine de mort, quatre sont d’ordre politique. On se demande dans quelle mesure ces crimes peuvent être considérés comme «les crimes les plus graves» au sens de l’article 6 du Pacte. Se pose également la question de savoir si la durée et les conditions de la détention peuvent se justifier au regard du Pacte. S’agissant de la notion de «droits de l’homme à la coréenne», qui semble contredire le principe de l’universalité des droits de l’homme, M. Henkin dit que la tâche du Comité est particulièrement difficile quand les informations fournies par l’État partie sont contredites par les renseignements tirés d’autres sources, notamment sur des questions aussi graves que la torture, les conditions de détention ou les exécutions extrajudiciaires et qu’il serait dans l’intérêt du Gouvernement d’aider le Comité à faire la lumière sur ces informations contradictoires. À ce sujet, M. Henkin souhaite que la délégation précise si des représentants du Comité international de la Croix-Rouge se sont rendus dans le pays et si le Gouvernement est ouvert à de telles visites. Il croit comprendre par ailleurs que des visites ont été effectuées dans le pays par Amnesty International. Or il semble que cette organisation ne se soit rendue dans le pays que deux fois, et que la dernière fois remonte à 1995. La délégation voudra peut-être préciser si Amnesty International a demandé à faire de nouvelles visites depuis cette date et si le Gouvernement a donné une réponse favorable. Elle pourrait aussi indiquer si le Gouvernement a envisagé l’installation permanente de représentations d’Amnesty International ou d’autres organisations non gouvernementales dans le pays. Il serait utile de savoir si les autorités accepteraient la visite du Rapporteur spécial sur la torture, par exemple, et de représentants d’organes conventionnels tels que le Comité des droits de l’enfant ou le Comité des droits de l'homme. Tant que le Gouvernement n’acceptera pas la visite de tels organes impartiaux, il ne sera pas possible de s’accorder sur les faits et, partant, de juger si la République populaire démocratique de Corée s’acquitte de ses engagements en vertu du Pacte.

14.M. KRETZMER reprend à son compte toutes les observations faites précédemment par les membres du Comité. Il reviendra sur certains points déjà évoqués pour illustrer l’unanimité du Comité sur certaines préoccupations essentielles. Tout d’abord, tout en notant que ce n’est pas pour la première fois que le Comité se trouve dans la situation où l’État partie répond à des allégations de violation des droits de l’homme pourtant transmises par des ONG de réputation établie par une dénégation pure et simple, il fait observer que le cas de la République populaire démocratique de Corée a ceci de particulier qu’elle refuse les visites et les enquêtes indépendantes par des ONG et par la communauté internationale sur son territoire. Or la transparence est le seul gage de crédibilité. Si la situation dans l’État partie est bien telle qu’elle est décrite dans le rapport, celui‑ci a tout intérêt à laisser les observateurs extérieurs se rendre sur place pour en témoigner.

15.Par ailleurs, M. Kretzmer remercie la délégation d’avoir bien voulu communiquer par écrit, en anglais et en français, le texte de l’allocution du chef de la délégation, mais s’étonne d’y lire que la définition des normes en termes de droits de l’homme est laissée au bon vouloir du peuple et se demande comment ce principe peut être considéré comme compatible avec le Pacte. En effet, cette philosophie est en elle‑même hautement problématique, en particulier lorsqu’il s’agit de la façon de traiter les minorités quelles qu’elles soient ou les dissidents politiques. Si le peuple décidait que les minorités devraient être maintenues dans les camps, par exemple, ce n’est pas parce que la décision émanerait du peuple qu’elle trouverait une justification au regard du Pacte. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, «les États parties (…) s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le (…)Pacte».

16.M. Kretzmer rappelle également l’article 15 du Pacte, aux termes duquel «Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au moment où elles ont été commises». À cet égard, il constate avec étonnement que le Code pénal de l’État partie admet une violation de ladite disposition, en prévoyant que pour les infractions qui ne sont pas prévues dans le Code pénal, les sanctions seront imposées conformément à l’article du Code visant un acte similaire en nature et en gravité. De même, il est préoccupant de lire dans le chapitre II du Code du travail que le travail est un noble devoir de tout citoyen et que les travailleurs doivent se conformer strictement à la discipline du travail du socialisme et ne sont pas autorisés à quitter librement leur lieu de travail sans s’être dûment acquittés des formalités. Il serait bon de savoir en quoi consistent exactement lesdites formalités, mais en tout état de cause on est en droit de s’interroger sur la validité de l’affirmation selon laquelle il n’existe dans l’État partie aucune forme de travail forcé. Dans le même ordre d’idées, on peut se demander si la disposition du Code du travail en vertu de laquelle la position du citoyen est déterminée par sa conscience professionnelle ne conduit pas à des discriminations sur la base d’une notion aussi peu objective que la conscience professionnelle.

17.Enfin, M. Kretzmer rappelle que les États parties, s’ils ne peuvent nullement être tenus responsables des catastrophes naturelles qui peuvent survenir sur leur territoire, ont en revanche l’obligation de tout faire pour assurer la protection de leurs populations dans de telles circonstances. Connaissant les drames survenus en République populaire démocratique de Corée et les famines qui s’en sont suivies, il demande à la délégation si le Gouvernement a accepté une aide internationale à l’époque et, dans l’affirmative, s’il a subordonné cette aide à des conditions, notamment d’ordre politique.

18.Sir Nigel RODLEY remercie la délégation de sa présence et lui sait tout particulièrement gré d’avoir fort utilement communiqué les textes de diverses lois. Lui aussi dispose d’informations sur la personne disparue à laquelle M. Solari Yrigoyen a fait référence. Il semble que les autorités aient affirmé qu’elle était toujours en vie et sur le territoire et aient tenté de le prouver en la laissant s’exprimer à la radio. Or, sa propre mère n’aurait pas reconnu sa voix et continue de douter qu’elle soit vivante. Si la personne qui s’est exprimée à la radio est bien la personne recherchée, il serait très facile de dissiper tout doute en la soumettant à un test ADN qui attesterait de son identité.

19.Pour ce qui est des exécutions publiques, Sir Nigel Rodley note que la délégation a reconnu qu’une telle exécution a eu lieu en 1992. Selon de nombreuses sources extérieures, cependant, il y en aurait eu beaucoup d’autres depuis. En particulier, des individus ayant volé des denrées alimentaires auraient été exécutés en public tous les mois à l’époque de la famine. La délégation pourra peut-être apporter des précisions à ce sujet.

20.Sir Nigel Rodley n’a trouvé dans le Code pénal aucune référence à la torture ni aucune définition du crime de torture. Il demande donc si l’État partie compte compléter sa législation par des dispositions s’inspirant de l’article premier de la Convention contre la torture et se mettre ainsi en conformité avec le droit international général. Il n’est pas dans l’intérêt de l’État partie de faire abstraction de cette question car les membres du Comité ont en leur possession des témoignages d’individus affirmant avoir été torturés en République populaire démocratique de Corée. À titre personnel, Sir Nigel Rodley a rencontré le représentant d’une ONG de réputation reconnue à qui l’une des victimes s’est confiée. De par son expérience de Rapporteur spécial sur la torture, il connaît bien cette question et accorde tout son crédit au témoignage qui lui a été transmis, notamment car la victime, plus que sur les souffrances physiques engendrées par la torture à l’électricité, le supplice de l’eau, la suspension et la perte de six dents, a insisté sur l’humiliation qu’avait représenté pour elle le fait d’être nue devant des étrangers. Les faits se seraient déroulés pendant une détention avant jugement. Sir Nigel Rodley a par ailleurs connaissance de l’existence des camps désignés par les nos 14, 15, 17, 22 et 23, auxquels s’ajoute un camp d’emprisonnement à vie. Le camp n° 15 est parfois désigné sous l’appellation «centre de gestion n° 15». Cette terminologie mériterait d’être clarifiée. En effet, à l’étranger, on a tendance à parler, pour désigner ces camps, de camps de prisonniers ou de camps de concentration. S’agit‑il d’allégations diffamatoires - auquel cas l’État partie devrait justifier ses démentis et expliquer en quoi exactement consistent ces camps - ou bien cette terminologie reflète‑t‑elle la réalité? Le Comité a également en sa possession de nombreuses informations quant à des allégations de détention arbitraire, de mauvaises conditions de détention et d’exécutions sommaires de prisonniers ayant tenté de s’évader. Cela amène tout naturellement Sir Nigel Rodley à revenir sur le problème déjà évoqué de l’absence de contrôle par des entités indépendantes. Il est vrai qu’Amnesty International a été autorisée à visiter un centre d’éducation en 1995, mais cela est loin d’être suffisant, non seulement parce qu’une seule et unique visite n’est pas représentative, mais aussi parce qu’il ne s’agissait pas d’une véritable inspection professionnelle selon les normes internationales, mais d’une simple visite guidée, au cours de laquelle les inspecteurs n’ont pu ni s’entretenir avec les détenus ni avoir accès à la documentation. L’État partie argue que les allégations de mauvais traitements et de mauvaises conditions de détention sont infondées et font partie d’un complot visant à ternir l’image du pays; or, la solution à ce problème est entre ses mains: accepter des inspections par des organes internationaux est le seul moyen de rendre ses démentis crédibles. Pour finir, Sir Nigel Rodley aimerait savoir combien de personnes ont sollicité l’asile politique en République populaire démocratique de Corée, de quel pays elles étaient originaires et quelle suite a été donnée à leurs demandes.

21.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions supplémentaires des membres du Comité.

22.M. SIM HYONG IL (République populaire démocratique de Corée) remercie le Comité de ses questions qui devraient permettre une meilleure compréhension mutuelle. Sur la question de l’applicabilité du Pacte, il répond que les dispositions du Pacte peuvent être directement invoquées devant les tribunaux, auquel cas il revient au juge de les interpréter. Elles peuvent également être interprétées dans un document juridique rédigé par le Présidium de l’Assemblée populaire suprême, organe suprême de l’État, notamment lorsque le besoin se fait sentir d’éclaircir la législation nationale à la lumière des obligations consacrées par le Pacte. Ce droit d’interprétation conféré au Présidium ne limite nullement l’applicabilité devant les tribunaux: il n’a été prévu qu’au cas où il y aurait divergence entre une disposition nationale et une disposition d’un instrument international relatif aux droits de l’homme ‑ que ce dernier soit d’ailleurs cité dans la Constitution ou non. Comme cela est indiqué au paragraphe 24 du rapport, en cas de déclaration de l’état d’urgence, il est prévu, dans le décret n° 10 du Présidium de l’Assemblée populaire suprême, que «les textes concrets relatifs à la proclamation de l’état de guerre et à l’ordre de mobilisation sont adoptés séparément, en fonction de la situation de guerre effective. Toutefois, en pareil cas, les droits inaliénables des citoyens ne peuvent pas faire l’objet de restrictions». C’est la Commission de la défense nationale qui est habilitée à proclamer l’état de guerre. Celle-ci est responsable devant l’Assemblée populaire suprême, elle est l’organe suprême de l’administration militaire et elle est chargée, en vertu de l’article 59 de la Constitution, d’assurer le respect de l’intérêt du peuple et la défense du système social dans la mère patrie en dehors de toute intrusion étrangère. Dans la Constitution précédente, c’est‑à‑dire avant la révision de 1998, la décision de déclarer l’état de guerre revenait à l’Assemblée populaire suprême. C’était là une disposition irréaliste dans la mesure où l’accord de plus de 700 députés était nécessaire. Compte tenu du contexte dans lequel la société a été plongée à partir de 1994, date à partir de laquelle la République populaire démocratique de Corée a été victime de manœuvres visant à l’étouffer sur le plan militaire, politique et économique, et qui a marqué le début de la pire période de son histoire, le sentiment unanime a été qu’il fallait renforcer le pouvoir militaire. C’est ainsi que la Commission de la défense nationale a été dotée d’un pouvoir accru dans la nouvelle Constitution.

23.La République populaire démocratique de Corée ne prévoit pas d’abolir la peine de mort dans un futur proche. Cette mesure ne pourra être envisagée que lorsque le pays sera unifié et qu’il n’y aura plus ni agressions extérieures ni hostilités entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Pour sa part, la République populaire démocratique de Corée fait tout pour accélérer le processus de reprise de relations normales avec le reste du monde.

La séance est suspendue à 11 h 30; elle est reprise à 11 h 45.

24.M. SIM HYONG IL (République populaire démocratique de Corée), répondant aux questions suivantes des membres du Comité, dit que les dispositions constitutionnelles relatives au travail prévoient que celui-ci est une condition essentielle de la survie de la population et qu’il constitue à la fois un droit et une obligation sacrée. Ces deux aspects sont inséparables. Le travail est une obligation, mais d’ordre moral et qui ne saurait être assimilée à du travail forcé. La Constitution n’est pas une loi répressive, et les personnes qui refusent de se soumettre à l’obligation de travailler ne sont pas punies par la loi.

25.Le texte de la Constitution contient des termes tels que révolution idéologique, victoire complète du socialisme, etc., qui reflètent la conception d’un socialisme «à la coréenne», fondée sur le principe du collectivisme. Ce principe n’oppose pas le groupe à l’individu, mais vise au contraire à créer une harmonie entre les intérêts de l’un et de l’autre. On ne peut pas concevoir de collectivité sans individus, pas plus que l’individu ne peut se passer de la collectivité. Il y a une unité organique entre les deux et la vie privée de chacun ne saurait compromettre les intérêts de la collectivité. D’aucuns ne partagent pas toujours le point de vue de la collectivité, mais ces désaccords sont ponctuels, limités et découlent d’un manque de conscientisation. En tout état de cause, ils sont réglés dans la vie pratique de la collectivité.

26.En ce qui concerne la place du Pacte dans la législation nationale et l’adéquation entre les droits énoncés dans cet instrument et ceux consacrés dans la Constitution, M. Sim Hyong Il dit que les droits énoncés à l’article 4 du Pacte ne sont pas spécifiquement inscrits dans la Constitution.

27.Pour ce qui est des étrangers, leurs droits sont garantis par la Constitution et les lois. Ils peuvent cependant être soumis à certaines restrictions. En particulier, les étrangers n’ont pas le droit de vote et ne peuvent pas faire partie des forces armées. Cela étant, tous les droits nécessaires au séjour et à la résidence des étrangers dans le pays sont inscrits dans les textes législatifs et réglementaires.

28.Une question a été posée sur ce que recouvre l’idéal de Juche. Il s’agit d’un principe d’une portée universelle, énoncé par Kim Il Song au début des années 20, selon lequel l’homme est maître de la nature et de la société et l’être le plus précieux au monde, et tout doit être mis au service de l’humanité. Pendant plus de 70 ans, Kim Il Song a développé cette idée, qui a été reprise et enrichie par le grand dirigeant Kim Jong Il. Depuis l’indépendance de la République populaire démocratique de Corée, la société s’est transformée en une collectivité où les masses populaires sont les maîtres de la société et des moyens de production. Ce principe a été pleinement intégré dans la vie publique, et il fonde le sentiment d’unité qui lie tous les habitants. Nonobstant les difficultés économiques, la population est très soudée et mène une vie harmonieuse.

29.Répondant aux questions qui ont été posées concernant le mode d’élection, la composition et les activités des assemblées populaires, ainsi que leur ingérence éventuelle dans la vie privée, M. Sim Hyong Il indique qu’il s’agit d’organes exerçant le pouvoir populaire au niveau des provinces, des districts et des comtés. Ils incarnent la volonté et les aspirations des populations concernées, et veillent à la protection de leurs intérêts et de leurs droits contre les ingérences extérieures. Loin de s’immiscer dans la vie privée des individus ils la protègent au contraire. Ces organes sont composés d’un président, d’un vice‑président et de simples membres qui sont élus directement par la population et ceux d’entre eux qui sont également députés à l’Assemblée populaire suprême sont élus par leurs pairs.

30.Un membre du Comité s’est interrogé sur une éventuelle discrimination entre les travailleurs modèles et les autres. Les travailleurs modèles se dévouent pour la collectivité et il est normal qu’ils soient loués et respectés à ce titre. Mais ce principe ne saurait être à l’origine d’une quelconque discrimination, ni dans les textes ni dans les faits.

31.Des membres du Comité ont évoqué des cas de personnes qui seraient portées disparues et l’existence de «camps de détention». Ces propos reflètent des positions politiques très marquées et sont particulièrement déplaisants. Les autorités de la République populaire démocratique de Corée ont déjà eu maintes occasions de s’exprimer sur ces questions dans des forums internationaux, et la délégation ne reviendra pas sur ce qu’elle considère être des affirmations montées de toutes pièces et fondées sur des rumeurs. Elle ne peut que répéter qu’il n’existe pas de «camps de détention».

32.M. JONG SONG IL (République populaire démocratique de Corée), répondant aux questions concernant l’ouverture de son pays aux représentants d’organisations non gouvernementales, du Comité international de la Croix-Rouge et d’autres organismes internationaux, dit que la délégation de son pays ne peut accepter les observations des membres du Comité à ce sujet, qui sont outrancières et ne reflètent en rien la réalité. Il indique que son pays a développé depuis 1948 des relations avec un très grand nombre d’États qui respectent sa souveraineté. Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’il se heurte à la présence des États‑Unis dans la région depuis plus de 40 ans. En particulier, quelque 150 000 soldats américains sont stationnés dans la partie sud de la péninsule coréenne et au Japon depuis la Deuxième Guerre mondiale. À l’époque de la «guerre froide», les États‑Unis justifiaient leur présence par le risque d’invasion par l’URSS ou la Chine. La «guerre froide» est finie, ce danger est écarté, et les États‑Unis et la Russie se considèrent comme des partenaires stratégiques. Les bases américaines dans la partie sud de la péninsule n’ont plus de raison d’être mais elles n’ont pas été fermées. Compte tenu de cette situation, la République populaire démocratique de Corée considère que des menaces très graves pèsent sur sa sécurité nationale.

33.Des questions ont été posées sur les mesures prises par le Gouvernement pour remédier aux pénuries alimentaires. Il convient de rappeler à ce propos que, depuis 40 ans, les États‑Unis imposent à la République populaire démocratique de Corée des sanctions économiques très strictes et sans précédent dans le monde. En outre, les Américains qui rentrent chez eux après un séjour dans le pays n’ont, par exemple, pas le droit d’en rapporter des produits. M. Jong Song Il donne également l’exemple du refus que certaines grandes entreprises américaines ou européennes ont opposé il y a quelques années aux autorités de son pays lorsqu’elles les ont sollicitées pour la construction de grandes centrales électriques. Ce refus était clairement lié à des considérations politiques. Dans le domaine des droits de l’homme, on peut relever qu’en juin 2001 le Gouvernement japonais a refusé à une organisation non gouvernementale de la République populaire démocratique de Corée un visa d’entrée au Japon pour participer à une rencontre sur le problème des «femmes de réconfort» et des victimes de la guerre en Asie et dans le Pacifique. Des représentants d’organisations non gouvernementales de plus de 20 pays ont été invités et seuls ceux de la République populaire démocratique de Corée se sont vu refuser l’entrée au Japon.

34.Pour ce qui est de la situation à l’égard des organisations humanitaires qui apportent une assistance alimentaire à la population, M. Jong Song Il fait observer que la plupart des organismes compétents des Nations Unies et des grandes organisations non gouvernementales ont ouvert un bureau à Pyongyang entre 1987 et 1991. Les organisations non gouvernementales humanitaires ont pour principe général de n’avoir pas d’activités d’acheminement et de distribution d’aide dans les zones où elles n’ont pas accès. En ce qui concerne l’organisation Action contre la faim à laquelle un membre du Comité a fait allusion, la situation n’est pas du tout celle qu’il a décrite. En 1991, Action contre la faim a demandé à pouvoir étendre ses activités à d’autres zones de façon à couvrir l’ensemble d’une région particulière, et a demandé également l’autorisation de préparer et de servir elle‑même des sortes de «soupes populaires». Or, l’accès à certaines zones du pays est restreint pour des raisons de sécurité nationale compréhensibles, et le Gouvernement refuse que les organisations humanitaires offrent une assistance dans ces zones. En outre, l’idée d’une «soupe populaire» témoigne d’une grande arrogance et heurte la mentalité de la population. Ces deux conditions ne sont pas acceptables pour le Gouvernement, qui a informé les représentants d’Action contre la faim qu’ils pouvaient distribuer des repas dans un local qui serait aménagé en restaurant, mais pas dans la rue. L’organisation a considéré que, ses conditions étant refusées, elle n’avait pas d’autre choix que de quitter le territoire.

35.M. KIMYONGCHOL (République populaire démocratique de Corée), abordant la question des mauvais traitements et de la torture, dit que la législation nationale, et en particulier le Code de procédure pénale, interdit le recours à la torture. En outre, l’article 4 du Code de procédure pénale consacre clairement la protection des droits de l’homme en tant que principe fondamental de toute procédure pénale. En ce qui concerne la torture infligée pour soutirer des aveux, il existe des lois qui disposent que tout aveu obtenu sous la contrainte est sans valeur. De plus, l’aveu au stade de l’instruction ne suffit pas à fonder la culpabilité. Le juge d’instruction doit trouver d’autres éléments de preuve à l’appui de cet aveu. La République populaire démocratique de Corée considère la torture et les autres mesures coercitives comme des infractions passibles de poursuites au pénal.

36.Le Gouvernement a également mis en place des mesures pratiques en vue d’empêcher le recours à la torture. Ainsi, tout interrogatoire par un juge d’instruction doit être mené en présence du procureur, d’un conseil, de l’avocat et du greffier. En outre, l’interrogatoire fait l’objet d’un enregistrement vidéo. Le procureur supervise toute la procédure et inspecte les lieux de détention régulièrement. Par ailleurs, les agents chargés de l’application des lois reçoivent une formation visant à les sensibiliser aux questions de respect des droits de l’homme. Quant aux allégations selon lesquelles le recours à la torture serait fréquent en République populaire démocratique de Corée, elles sont à mettre au compte d’éléments hostiles au Gouvernement, qui répandent des rumeurs afin de déstabiliser le régime. En conséquence, le Comité ne doit pas perdre de vue cet aspect de la réalité lorsqu’il examine la situation des droits de l’homme dans le pays.

37.Pour ce qui est des conditions d’arrestation et de détention, le Code de procédure pénale prévoit que les personnes placées en détention sont dûment informées de leurs droits. Le suspect est informé de sa mise en détention lorsqu’il lui est notifié qu’une procédure pénale va être engagée contre lui. En vertu de l’article 83 du Code de procédure pénale, les chefs d’accusation sont signifiés à l’accusé au moment de son arrestation. La famille et les proches sont avisés de la date et du motif de l’arrestation. Le prévenu reçoit l’acte d’accusation trois jours avant le procès. Si tel n’est pas le cas, le procès est reporté. Lors d’une arrestation, les agents doivent produire un mandat d’arrêt. Il n’y a qu’en cas de flagrant délit que ce mandat n’est pas requis. Dans ce cas, le ministère public doit vérifier la légalité de l’arrestation dans un délai de 48 heures. Si le suspect garantit qu’il comparaîtra en temps voulu devant le tribunal, il peut être relâché.

38.La durée de la détention avant jugement est généralement de deux mois, mais elle peut aller au‑delà dans les cas complexes, en raison du fait que le résultat de l’enquête préliminaire est vérifié à des fins d’objectivité. Cette pratique permet de raccourcir la durée du procès. Un débat a actuellement lieu pour déterminer s’il convient de se conformer aux normes internationales, en l’occurrence à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (des Nations Unies), et donc de raccourcir la durée de la détention avant jugement ou s’il est préférable de conserver la procédure actuelle. Le débat suit son cours.

39.Le ministère public a pour tâche de superviser les enquêtes et les instructions pour s’assurer de la régularité des procédures et du respect des droits de l’homme. Il a accès au dossier de l’accusé et peut s’entretenir avec ce dernier. Le ministère public peut être amené à se saisir d’une affaire s’il a des doutes sur l’objectivité des organes chargés de l’enquête, ou s’il soupçonne que ces derniers sont impliqués dans le crime.

40.Les peines de rééducation par le travail peuvent aller de 6 mois à 15 ans, ce qui est en général la durée de peine maximale. Cependant, dans certains cas (récidives, etc.), la durée de la peine peut être plus longue. La rééducation par le travail est la peine la plus couramment imposée et ne doit pas être confondue avec le travail forcé. Les personnes concernées par ce régime ont fait l’objet d’une procédure judiciaire et exécutent la peine qui leur a été imposée. Quant aux conditions de détention dans les établissements de rééducation par le travail, elles sont décrites dans les réponses écrites fournies par le Gouvernement. Sur le plan de la santé, les détenus sont isolés à leur arrivée et font l’objet d’une inspection médicale. Le médecin de l’établissement de rééducation examine l’état de santé des prisonniers avant et après le travail. Tout prisonnier jugé en mauvaise santé a droit à un repos pouvant aller jusqu’à six jours, ou est hospitalisé. En cas de maladie grave, l’exécution de la peine est suspendue jusqu’à la guérison du détenu pour que celui‑ci puisse être traité chez lui ou dans un hôpital extérieur à l’établissement de rééducation. Les soins médicaux sont assurés par des personnes qualifiées. En cas de maladie mentale, l’établissement de rééducation fait appel à un conseil de trois médecins. Si ces derniers ont des doutes quant au diagnostic, c’est un expert de l’hôpital psychiatrique qui intervient. En cas de décès d’un détenu, sa dépouille est restituée à la famille, de même que ses biens.

41.M. RI GI SUN (République populaire démocratique de Corée) dit qu’il existe cinq articles du Code de procédure pénale régissant l’imposition de la peine de mort. Cette peine est essentiellement imposée pour crime politique. Les dispositions qui régissent l’imposition de la peine de mort reflètent la réalité du pays. En effet, la République populaire démocratique de Corée est un État belligérant actuellement en période de trêve. C’est pour défendre la souveraineté de l’État et la stabilité politique, économique et culturelle, condition sine qua non du respect des droits de l’homme, que certaines dispositions relatives à la peine de mort sont maintenues. Cela étant, les articles 31, 32 et 33 du Code de procédure pénale prévoient des critères bien précis d’application de la peine de mort, de sorte qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’elle soit infligée inconsidérément.

42.Le PRÉSIDENT dit que la délégation de la République populaire démocratique de Corée sera invitée à fournir des réponses complémentaires aux questions des membres du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 13 h 5.

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