NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.249225 janvier 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre‑vingt‑onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2492e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 22 octobre 2007, à 10 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Cinquième rapport périodique du Costa Rica

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)(suite)

Cinquième rapport périodique du Costa Rica (CCPR/C/CRI/5; CCPR/C/CRI/Q/5)

1. Sur l’invitation du Président, M me  Thompson et M me  Segura (Costa Rica) prennent place à la table du Comité.

2.Mme THOMPSON (Costa Rica), présentant le rapport périodique, dit que le Gouvernement costa‑ricien est heureux d’engager le dialogue avec le Comité et saisit cette occasion pour réaffirmer sa volonté de s’acquitter de ses obligations internationales et de coopérer avec les organes conventionnels. Depuis l’examen du rapport précédent, il s’est efforcé de mettre en œuvre les recommandations du Comité, même si quelques obstacles demeurent.

3.Le cinquième rapport périodique, établi en collaboration avec les institutions de l’État et la société civile, conformément aux directives du Comité, témoigne des efforts engagés par le Costa Rica pour continuer à améliorer le respect des droits de tous sans distinction, notamment en adoptant de nouvelles lois. Le Costa Rica dispose déjà d’un important cadre juridique pour assurer la protection des droits de l’homme, qu’il a complété en signant, en février 2007, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en mars 2007. La Constitution et la législation contiennent un grand nombre de dispositions tendant à garantir le respect des droits de l’homme. Les recours en habeas corpus et en amparo formés devant la Chambre constitutionnelle permettent de réparer des violations commises par des agents de l’État, et dans certains cas particuliers, par des individus. Par ses interprétations, la Chambre constitutionnelle a joué un rôle fondamental dans le développement du droit constitutionnel. Ainsi, elle a établi que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme priment la Constitution, ainsi que l’a décidé la Chambre constitutionnelle.

4.Le Costa Rica, qui n’a pas d’armée, est un fervent défenseur des droits de l’homme. Il a aboli la peine de mort en 1878 et interdit la torture, explicitement réprimée dans le Code pénal depuis décembre 2001 en réponse aux recommandations du Comité. Le Costa Rica a assuré la présidence du groupe de travail de l’ancienne Commission des droits de l’homme chargé d’élaborer le projet de Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et quand cet instrument a été adopté par l’Assemblée générale l’a ratifié, en 2005, convaincu de l’immense utilité d’un tel texte pour prévenir la torture dans les centres de détention.

5.Le Costa Rica a une longue tradition d’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile, qui jouissent des mêmes droits que les nationaux y compris dans le domaine de l’emploi et de la santé. Dans ce contexte le Gouvernement a passé un accord avec la Caisse de sécurité sociale pour que les réfugiés bénéficient des soins médicaux dont ils peuvent avoir besoin. De plus, une grande place est faite à la formation continue des membres de la police et des inspecteurs du travail, afin d’éviter qu’ils manquent à leurs obligations. La nouvelle loi sur les migrations, adoptée en 2006, vise à sanctionner les trafiquants, à réglementer les mariages arrangés entre étrangers et Costa‑Riciens en vue d’obtenir un permis de séjour, et à interdire l’entrée sur le territoire des étrangers condamnés pour crimes sexuels, exploitation de mineurs, homicide, génocide, évasion fiscale, traite de personnes, trafic d’armes ou de drogues, entre autres. Cette loi est cependant en cours de réexamen par l’Assemblée législative car certaines de ses dispositions ont révélé des lacunes.

6.En ce qui concerne les populations autochtones, au sujet desquelles le Comité avait également formulé des recommandations, il convient de souligner qu’un procureur de la Cour suprême sera spécialement chargé des questions autochtones, que des traducteurs en langues autochtones seront rattachés aux tribunaux, et que les juges ont reçu pour instruction de toujours consulter les communautés autochtones avant de trancher un différend les concernant.

7.Le Costa Rica s’efforce également de donner suite aux recommandations de l’Organisation internationale du Travail dans le domaine de la liberté syndicale. Il a ainsi créé un organe de médiation dans le domaine des relations du travail et élaboré un projet de réforme du droit du travail, actuellement en lecture au Parlement, qui tend à restructurer les procédures prud’homales. L’État costa‑ricien est fermement attaché à défendre le droit à la vie dès la conception mais il est bien conscient que les avortements clandestins constituent un fléau qu’il s’est employé à combattre. Des mesures ont donc été prises pour réduire le nombre d’avortements clandestins − notamment des campagnes de sensibilisation et d’éducation sexuelle. Ce ne sont là que quelques‑unes des initiatives entreprises ces dernières années.

8.Le PRÉSIDENT remercie la délégation costa‑ricienne et l’invite à répondre aux questions de la liste qui lui a été soumise (CCPR/C/CRI/Q/5), en commençant par les questions nos 1 à 9.

9.Mme THOMPSON (Costa Rica) répond que le projet de loi no 13874 visant à réprimer la violence contre les femmes (question no 2) a été adopté en avril 2007. Une commission formée de représentants de différentes institutions a été constituée, qui prépare actuellement une campagne pour faire connaître ce nouveau texte. Aucune plainte n’a encore été enregistrée au titre de l’article 123 bis du Code pénal, qui qualifie la torture d’infraction (question no 3), mais le Ministère de la sécurité publique a deux organes qui traitent les plaintes contre la police: le Département disciplinaire et le Bureau de contrôle des services. Le nombre de plaintes pour abus d’autorité a notablement baissé depuis 2005, grâce à l’amélioration de la formation des policiers, qui reçoivent en outre des directives précises, et à une meilleure information du public sur ses droits. Pour donner suite à une recommandation du Service de défense des habitants, depuis 2006 les directeurs, administrateurs et surveillants des établissements pénitentiaires sont tenus de transmettre toutes les plaintes formulées par des détenus dénonçant des actes irréguliers ou des agressions de la part du personnel à l’autorité administrative compétente afin que celle‑ci procède à une enquête, conformément à la loi générale d’administration publique.

10.En ce qui concerne l’avortement (question no 4), le Costa Rica reste convaincu que la vie commence dès la conception. Cependant, l’article 121 du Code pénal autorise exceptionnellement l’interruption volontaire de grossesse si la vie ou la santé de la mère est en danger, sous réserve de trois conditions: l’avortement doit être pratiqué avec le consentement de la femme, par un médecin, et quand le risque pour la vie ou la santé ne pouvait pas être évité par d’autres moyens. L’article 93 donne au juge la possibilité de gracier une personne condamnée pour avortement, dans deux cas précis: si la grossesse constituait une atteinte à l’honneur ou si elle était le résultat d’un viol.

11.Le Costa Rica n’envisage pas actuellement de réduire la durée de la détention provisoire (question no 5) fixée dans le Code pénal à douze mois, et pouvant être prorogée dans des cas exceptionnels. La détention au secret est en principe limitée à quarante‑huit heures. Ce n’est que très exceptionnellement qu’elle est renouvelée jusqu’à durer dix jours consécutifs, toujours sur décision judiciaire, si des motifs sérieux le justifient (par exemple si la personne risque d’entraver l’enquête ou d’entrer en contact avec des complices). Dans tous les cas, le détenu peut consulter son avocat avant de faire des déclarations. Il n’y a pas actuellement de projet de loi tendant à modifier la durée du placement au secret.

12.Au Costa Rica, il n’existe pas de législation spécifique à la presse (question no 6). La liberté de la presse est réglementée par différents textes (Constitution, loi sur les publications, loi sur la radio et la télévision, Code pénal, Code d’éthique des journalistes) qui sont tous conformes à l’article 19 du Pacte. Cependant, un projet de loi sur la «liberté d’expression et la presse» visant à modifier certaines dispositions de ces textes est actuellement examiné par l’Assemblée législative en vue de réglementer plus précisément l’exercice de la liberté d’expression tout en garantissant le droit à la vie privée. Pour ce qui est des menaces visant les journalistes, deux affaires sont actuellement devant les tribunaux: le meurtre d’un célèbre journaliste sportif, et le réexamen en cassation de l’acquittement en appel de plusieurs personnes accusées d’avoir assassiné une journaliste.

13.Les organisations de défense des droits de l’homme sont largement représentées dans tous les espaces où sont élaborées et débattues les politiques nationales (question no 8). Par exemple, pas moins de huit ONG participent aux travaux de la Commission nationale de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (CONACOES) et la société civile participe aussi au Forum de la population migrante.

14.En ce qui concerne l’attentat perpétré contre le siège d’une organisation syndicale (question no 9) l’affaire a été classée, l’enquête n’ayant pas permis d’établir les responsabilités individuelles.

15.Sir Nigel RODLEY souligne que le Costa Rica milite depuis toujours contre la peine de mort et la torture, et a joué un rôle fondamental dans l’élaboration du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et participe activement aux travaux d’autres organes internationaux. La stabilité constitutionnelle du pays est propice au respect des droits de l’homme dans le pays.

16.Comme la délégation l’a indiqué, en vertu d’une décision de la Chambre constitutionnelle, les instruments internationaux ont un rang supérieur à la Constitution. Il serait toutefois utile de savoir si les dispositions du Pacte, ou d’un autre instrument international, ont été directement invoquées devant les tribunaux pour contester une loi nationale ou la Constitution elle‑même. À ce propos, il faut remarquer que le rapport de l’État partie est extrêmement détaillé en ce qui concerne les mesures législatives et le suivi institutionnel des recommandations du Comité, mais il n’aborde pas suffisamment l’application pratique du Pacte, réserve que le Comité avait déjà formulée dans ses observations finales précédentes.

17.L’adoption de la loi relative à la violence contre les femmes (question no 2) est un grand progrès; il serait utile de savoir si son application a déjà donné lieu à des enquêtes, voire des poursuites, ou même seulement à des mesures de protection.

18.Concernant les brutalités et les abus de pouvoir commis par la police, la délégation a indiqué qu’il n’y avait pas eu une seule action en justice engagée en vertu de l’article 123 bis du Code pénal. Sir Nigel Rodley s’interroge sur les raisons et se demande si l’une des explications possibles serait que les autorités préfèrent s’en tenir aux notions législatives qu’elles connaissent, et continuer à invoquer des «abus de pouvoir» surtout si l’application de notions nouvelles entraîne des conséquences plus graves pour les responsables. Les statistiques données dans les réponses écrites au sujet des enquêtes menées par les organes de contrôle internes et par le Service de défense des habitants sont très utiles. Toutefois elles ne permettent pas de savoir si les enquêtes ont abouti à des mesures, disciplinaires ou pénales. Si tel a été le cas, il serait intéressant de savoir quelles ont été les mesures pour quels actes et quelles ont été les indemnisations éventuellement accordées.

19.En ce qui concerne l’avortement, il semble que le Comité disposait d’informations erronées puisque la délégation a indiqué qu’il est permis d’y avoir recours lorsque la vie ou la santé de la mère sont en danger. Il serait intéressant de consulter le texte de loi qui autorise à subir ou à pratiquer un avortement dans ces conditions et d’avoir des informations au sujet des poursuites qui ont pu être engagées au cours de la période à l’examen à l’encontre de personnes ayant subi ou pratiqué un avortement. La grâce accordée par le juge dans les cas cités par la délégation doit effacer non seulement la peine, mais également la déclaration de culpabilité. Sir Nigel Rodley souhaiterait recevoir des détails sur des affaires dans lesquelles la grâce a été accordée parce que l’avortement avait été pratiqué pour sauver l’honneur de la famille ou à la suite d’un viol. Il voudrait savoir si des actions en justice ont été engagées dans de telles circonstances et quelle a été l’attitude des juges lors de l’application dans les faits des dispositions de l’article 121 du Code pénal.

20.En ce qui concerne la détention provisoire, Sir Nigel Rodley souhaiterait des statistiques notamment sur sa durée moyenne et sur le type d’infractions concernées. La détention au secret, si elle est trop longue, constitue une atteinte non seulement à l’article 9 du Pacte, mais aussi aux articles 10 et 7. Une durée maximale de dix jours est excessive. Le fait que le placement au secret soit ordonné par un juge n’est pas une solution satisfaisante. Cela rend peut-être la décision moins arbitraire, mais ne la rend pas moins dommageable. La loi prévoit un contrôle judiciaire de la détention, dont il faudrait savoir comment il s’exerce. Un des moyens de garantir que le détenu ne risque pas de subir des mauvais traitements est de faire en sorte que l’autorité responsable de la détention soit différente de l’autorité responsable de l’enquête, ce qui est peut‑être le cas au Costa Rica. Sir Nigel Rodley souhaite savoir quelles sont les garanties en vigueur et, surtout, il voudrait recevoir des informations concernant les personnes dont la détention au secret a été ordonnée par un juge pour une durée supérieure à quarante‑huit heures.

21.M. LALLAH relève lui aussi que le rapport présente des renseignements détaillés sur la législation costa-ricienne mais manque d’informations sur la situation dans les faits. Au sujet de la liberté d’expression, il rappelle que le Code pénal (art. 149 et 152) érige en infraction les actes de diffamation ou d’insulte commis par le biais de la presse et demande combien d’actions en justice ont été engagées en vertu de cet article depuis la présentation du précédent rapport périodique et quelles sont les peines qui ont été prononcées. Il serait souhaitable que ces actes ne constituent pas des infractions pénales, ne serait-ce que pour éviter que cela n’incite les journalistes à exercer une forme d’autocensure, d’autant plus que des journalistes qui avaient dénoncé des affaires de corruption, de trafic de drogues ou d’assassinats liés à ces pratiques ont fait l’objet de menaces de mort. À ce propos, il est décevant de constater que le Costa Rica, qui est un grand défenseur des droits de l’homme, ne semble pas apporter la réponse appropriée à ces menaces. Il semblerait que, dans les faits, les auteurs de ces infractions jouissent d’une certaine impunité et cela constitue une menace grave à la liberté d’expression. Pour ce qui est de la loi sur la presse, elle contient des dispositions visant à protéger la réputation des personnalités officielles ou publiques; toutefois elle ne contient aucune disposition visant à garantir la confidentialité des sources ou le droit d’avoir accès aux informations officielles. Il est certes légitime que certaines affaires de l’État restent confidentielles mais le droit d’avoir accès à l’information est un droit essentiel.

22.Concernant la liberté d’association, il est décevant de constater qu’aucune mesure n’a été prise à la suite de l’attaque contre le siège de la Confédération internationale des syndicats libres, car cela aussi laisse à penser qu’il existe une certaine impunité pour ce type d’infractions. On comprend mal pourquoi il n’a pas été possible d’identifier les auteurs de ces faits. Au sujet des propositions de réforme relatives à la liberté d’association présentées aux paragraphes 264 à 278 du rapport, il serait intéressant de savoir lesquelles ont été adoptées, lesquelles ne l’ont pas été et pour quelles raisons, ainsi que la réaction des syndicats à ces différentes propositions. M. Lallah insiste en outre sur la nécessité de garantir que les travailleurs aient des possibilités de recours rapide et demande si, à cette fin, on a procédé à une décentralisation des tribunaux. Il demande des explications concernant le paragraphe 268 du rapport, où il est dit que «l’obligation d’épuiser la grève légale est introduite; il s’agit d’un point important qui permet l’arbitrage forcé, tant il est vrai que tout conflit doit trouver un règlement de façon civilisée». Il se demande ce que signifie «civilisée» et ce que l’on entend par «épuiser la grève légale». Aux paragraphes suivants, il est question des règles qui ont été énoncées pour trouver une solution négociée aux conflits économiques et sociaux dans le secteur public (par. 269) et de l’arbitrage introduit en tant que droit pour les travailleurs employés dans les services essentiels. M. Lallah voudrait savoir s’il existe également de telles règles pour le secteur privé et qui détermine quels services sont essentiels. Il convient d’ailleurs de noter que certains services essentiels relèvent également du secteur privé. Il est indiqué au paragraphe 273 que «les procédures collectives sont simplifiées et une procédure spéciale de qualification de la grève est établie»; il serait intéressant de savoir en quoi consiste la «qualification de la grève», quel était le degré de complexité des procédures collectives et en quoi elles ont été simplifiées. Il serait enfin utile que la délégation explique la teneur des modifications qu’il est prévu d’apporter aux dispositions relatives au droit d’affiliation à un syndicat (par. 275 et 276 du rapport).

23.M. JOHNSON LÓPEZ dit, à propos de la non-discrimination et de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, que l’adoption en avril 2007 de la loi no 13874 qui vise à sanctionner les violences faites aux femmes était une mesure indispensable, sachant qu’au Costa Rica, 60 % des femmes ont été victimes d’actes de violence et que seules 10 % d’entre elles ont dénoncé ces faits. Il voudrait savoir si l’État envisage de prendre des mesures concrètes pour que les femmes puissent dénoncer librement de tels actes lorsqu’ils sont le fait de leur conjoint. La commission de suivi qui a été créée à cet effet pourrait peut-être recommander l’adoption de garanties visant à protéger les femmes qui dénoncent des actes de violence commis par leur conjoint. Cette mesure permettrait sans doute de faire diminuer la violence conjugale.

24.Mme MOTOC relève avec satisfaction l’importance que l’État partie attache au droit de l’environnement et aux droits des peuples autochtones et dit que le Costa Rica pourrait servir d’exemple à d’autres pays de la région qui se heurtent aux mêmes types de difficultés pour préserver la stabilité nationale et régionale et qui ont du mal à gérer leurs autres priorités. Elle s’associe aux questions et observations des autres membres à propos de l’article 3 du Pacte, et souhaiterait connaître la teneur exacte de la nouvelle loi contre la violence à l’égard des femmes. Comme l’a fait observer le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans sa Recommandation générale no19, les femmes sont victimes, non seulement de «violence effective ou [de] menaces de violence, mais aussi [des] conséquences sous‑jacentes de la violence fondée sur le sexe». Il serait donc utile de savoir si cette nouvelle loi contient des dispositions relatives, par exemple, au harcèlement sexuel. Mme Motoc souhaiterait aussi connaître le statut de la prostitution au Costa Rica ainsi que l’opinion de la délégation sur les liens entre prostitution et traite des femmes, et demande des renseignements sur les mesures prises pour combattre le tourisme sexuel.

25.Mme WEDGWOOD rappelle que les Afro‑Costa‑Riciens ont longtemps subi une discrimination de jure et de facto et demande si des mesures sont prises pour assurer leur représentation au Gouvernement. À propos de l’article 7 du Pacte, les États parties ont l’obligation, non seulement de ne pas infliger de mauvais traitements, mais aussi de protéger la population contre de telles pratiques, et il est regrettable que les châtiments corporels ne soient pas encore interdits. En ce qui concerne la sécurité sur le lieu de travail, il serait intéressant de savoir si les autorités costa‑riciennes ont pris des dispositions en vue de réglementer l’utilisation de produits chimiques industriels dans l’agriculture de plantation. À propos de la liberté d’expression et d’association, Mme Wedgwood demande à la délégation de commenter les informations faisant état de menaces de mort contre des journalistes qui traitaient des affaires de corruption ou contre des syndicalistes. Pour ce qui est des réfugiés, elle demande des explications sur les clauses de cessation et d’exclusion de la nouvelle loi d’immigration d’août 2006 qui, selon certaines informations, enfreindraient le principe de non‑refoulement. Si tel était le cas, ce serait particulièrement préoccupant pour le grand nombre de réfugiés originaires de Colombie, du Nicaragua et d’El Salvador présents sur le territoire costa‑ricien.

26.Il serait utile que la Commission des visas compte parmi ses membres des représentants du Ministère des affaires étrangères, et non pas seulement du Ministère de la sécurité publique. Le fait que les demandeurs d’asile ne sont pas autorisés à travailler pendant l’examen de leur demande risque de les entraîner vers l’économie souterraine voire vers la prostitution. Enfin, selon certaines informations, le Ministre de la sécurité publique aurait, en 2006, communiqué aux autorités colombiennes les noms de Colombiens demandant le statut de réfugié au Costa Rica. Il importe de savoir s’il s’agissait d’un accident ou d’une pratique courante, et, dans le deuxième cas, comment cette absence de confidentialité peut être conciliée avec les obligations de l’État partie en vertu du Pacte.

27.Il serait également utile d’avoir des renseignements sur la surpopulation carcérale ainsi que des explications concernant les discours aux accents xénophobes prononcés récemment par certains représentants des autorités costa‑riciennes. Mme Wedgwood rejoint enfin Mme Motoc en ce qui concerne le harcèlement sexuel.

La séance est suspendue à 11 h 30; elle est reprise à 11 h 55.

28.Le PRÉSIDENT invite la délégation costa‑ricienne à répondre aux questions des membres du Comité.

29.Mme THOMPSON (Costa Rica) dit qu’elle va se renseigner immédiatement au sujet de certaines questions auxquelles elle n’est pas en mesure de répondre et qu’elle fera tenir au Comité des informations écrites supplémentaires dans les jours qui suivent. Elle y indiquera notamment si la nouvelle loi contre la violence à l’égard des femmes a déjà été invoquée devant les tribunaux, s’il existe des dispositions visant à protéger les sources des journalistes et s’il est possible de fournir des statistiques relatives à la détention provisoire.

30.Mme Thompson n’a pas connaissance d’affaires dans lesquelles le Pacte aurait été invoqué pour contester une loi nationale, mais dit que dans un arrêt, cité au paragraphe 251 du rapport périodique, la Chambre constitutionnelle a reconnu le droit de réponse et de rectification, qui n’est pas inscrit dans la législation costa‑ricienne. Dans un autre arrêt, la Chambre constitutionnelle a estimé que la manière dont une affaire de pensions de retraite avait été traitée n’était pas conforme aux obligations de l’État en vertu du Pacte.

31.En ce qui concerne la torture, il faut espérer que l’absence de plaintes signifie qu’il n’y a pas de cas de torture au Costa Rica, mais il n’est pas exclu que certains cas aient pu être traités comme des abus d’autorité, car il faut parfois un certain temps avant que l’émergence d’une conscience sociale aboutisse notamment à une évolution des qualifications pénales. Pour ce qui est des sanctions et autres mesures auxquelles ont donné lieu les cas de mauvais traitements, les réponses écrites du Gouvernement costa‑ricien (document sans cote en espagnol seulement) contiennent des renseignements sur l’état d’avancement des affaires d’abus d’autorité, de détention arbitraire et autres irrégularités, en particulier le nombre d’affaires closes et le nombre d’affaires ayant abouti à des recommandations.

32.Comme la délégation l’a déjà indiqué, l’avortement est autorisé par le Code pénal lorsqu’il y a danger pour la vie ou la santé de la mère. Mme Thompson inclura dans les informations écrites supplémentaires des renseignements sur les affaires de ce type portées devant les tribunaux.

33.Le Costa Rica n’envisage pas pour le moment de réduire la durée maximale de la détention au secret, mais il importe de noter que l’application de ce régime est exceptionnelle et soumise à des conditions très strictes. Il s’agit uniquement d’éviter tout échange d’informations qui rendrait impossible la manifestation de la vérité. Le droit de l’intéressé de consulter un avocat doit être expressément mentionné dans la décision du juge ordonnant la détention au secret, afin que les autorités pénitentiaires n’aient aucun doute à ce sujet.

34.En ce qui concerne la liberté d’expression, la diffamation et l’insulte sont effectivement sanctionnées par le Code pénal, mais elles sont considérées comme des infractions mineures. À ce titre, elles ne sont pas passibles de peines d’emprisonnement, mais de dix à cinquante jours‑amende si elles sont faites en privé et quinze à soixante‑quinze si elles sont faites en public. Pour ce qui est des menaces de mort proférées contre des journalistes, aucune disposition législative spécifique ne vise ce type d’agissements, qui relèvent du Code pénal; toutefois, cela n’empêche pas qu’ils soient jugés avec toute la rigueur nécessaire.

35.En ce qui concerne la liberté d’association, une série de lois et de projets de loi ont été élaborés, comme il est indiqué dans le rapport périodique, mais ils ne sont pas encore entrés en vigueur. La raison en est que le Costa Rica vient de traverser une période de blocage législatif qui a duré environ dix‑huit mois et qui est due aux atermoiements du Parlement au sujet de l’accord de libre‑échange signé avec les États‑Unis d’Amérique. Les débats consacrés à la ratification de cet accord sont restés dans l’impasse plus d’un an, et tout le processus législatif s’en est trouvé ralenti jusqu’à ce que le Président de la République décide d’organiser, le 7 octobre 2007, un référendum qui a enfin permis de débloquer la situation. Il faut espérer que le retard accumulé dans l’examen de l’ensemble des projets de loi sera bientôt comblé. Parmi les projets de loi en attente d’approbation figure celui portant réforme de la loi de procédure prud’homale, qui vise à asseoir la légitimité des syndicats pour la négociation et la conclusion de conventions collectives, à abaisser à 40 % le pourcentage de voix des travailleurs exigé pour déclarer une grève et à établir une procédure spéciale de qualification de celle‑ci, à réglementer les solutions négociées et l’arbitrage dans les entreprises du secteur public, à assurer la protection des personnes au bénéfice de régimes spéciaux et à introduire le principe d’oralité de la procédure. Le projet de réforme visant certains articles du Code du travail a pour objectif d’établir une procédure d’examen accélérée qui permettrait de vérifier plus rapidement la légalité d’un licenciement afin de mieux protéger les droits des travailleurs. Le projet de réforme constitutionnelle vise à ajouter à l’article 192 de la Constitution une phrase consacrant le droit des employés de la fonction publique (à l’exception des hauts fonctionnaires) de négocier des conventions collectives. Le Parlement est également saisi des projets portant ratification des Conventions de l’OIT no 151, concernant la protection du droit d’organisation et les procédures de détermination des conditions d’emploi dans la fonction publique et no 154, concernant la promotion de la négociation collective. Plusieurs articles du Code du travail devraient enfin être modifiés en vue de renforcer les droits syndicaux en général.

36.Pour ce qui est de la définition de la violence familiale donnée dans la législation costa‑ricienne, les actes dirigés contre les femmes sont effectivement visés. Une campagne nationale de sensibilisation devrait débuter en novembre 2007. Elle sera accompagnée d’une campagne contre la traite des êtres humains préparée en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations. L’Institut national de la femme collabore avec les autorités judiciaires pour assurer une meilleure diffusion des droits et de la loi. Enfin la création, dans tout le pays, de nombreuses structures accueillant les femmes victimes de violence devrait permettre que les femmes maltraitées portent davantage plainte. Mme Thompson n’est pas en mesure de dire si la nouvelle loi pénale sur la violence contre les femmes contient des dispositions spécifiques sur le harcèlement sexuel mais s’engage à faire les recherches nécessaires pour éclaircir ce point. En tout état de cause, il existe une loi qui protège les femmes contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

37.Plusieurs mesures législatives ont été prises pour lutter contre le tourisme sexuel et améliorer la protection des personnes qui en sont victimes. Par exemple, la loi relative à l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et certains articles du Code pénal et du Code de procédure pénale ont été modifiés de manière à renforcer la répression des actes d’exploitation sexuelle. Ainsi, le délai de prescription de l’action pénale a été étendu, les peines prévues pour les infractions caractérisées par le fait de profiter de la vulnérabilité de la victime ont été aggravées, et la possession de matériel pornographique a été érigée en infraction, alors que seules la production et la distribution de matériel pornographique étaient auparavant reconnues comme telles. De plus, l’admission sur le territoire du Costa Rica d’étrangers ayant déjà été condamnés pour des infractions sexuelles est désormais interdite. Le Costa Rica s’est donc doté d’un cadre juridique approprié pour réprimer efficacement l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Le Gouvernement est néanmoins pleinement conscient de la gravité et de l’ampleur du problème et ne ménagera aucun effort pour l’éradiquer.

38.L’époque où les Afro‑Costa‑Riciens subissaient une discrimination systématique est révolue depuis longtemps. Il est indéniable que pendant de nombreuses années cette minorité n’a pas eu accès aux mêmes chances que le reste de la population mais des progrès considérables ont été faits dans ce domaine au cours des trente dernières années, en particulier pour ce qui concerne l’éducation. Il est vrai que la participation des membres de cette minorité à la haute fonction publique est encore limitée, mais il faut laisser à la politique de promotion de l’égalité des chances le temps de porter ses fruits. Les difficultés que rencontrent à l’heure actuelle les membres de la communauté afro‑costa‑ricienne ne tiennent pas à leur origine ethnique; ce sont celles que connaissent toutes les populations rurales.

39.La pratique des châtiments corporels est autorisée par le Code de la famille dans la sphère familiale, il n’y a pas de dispositions législatives autorisant son utilisation dans les institutions. De plus amples précisions sur la question pourront être apportées ultérieurement. Quoi qu’il en soit, les dispositions relatives au châtiment corporel doivent être interprétées compte tenu des instruments qui protègent les droits des enfants, notamment le Code de l’enfance et de l’adolescence, ce qui exclut la brutalité et toutes les formes de châtiment corporel susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de l’enfant.

40.En ce qui concerne les réfugiés, il est exact que certaines dispositions de la loi d’immigration adoptée en 2006 ont suscité de vives critiques de la part de diverses organisations de défense des droits de l’homme. Le Gouvernement en a tenu compte et a présenté à l’Assemblée législative un projet portant réforme de la loi, élaboré en consultation avec la société civile, qui n’a pas encore été adopté.

41.Le Gouvernement a reconnu que la divulgation d’informations confidentielles aux autorités colombiennes par le Ministre de la sécurité publique, de l’intérieur et de la police était une erreur très regrettable et a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter que des incidents similaires se reproduisent à l’avenir.

42.La surpopulation carcérale est un problème auquel sont confrontés de nombreux pays, même des pays développés. Des mesures ont été prises pour tenter d’y remédier, notamment la mise en place de peines de substitution pour les infractions mineures. Cela a contribué à réduire le nombre de personnes incarcérées mais la baisse n’a pas été suffisante pour régler le problème. Une autre possibilité est d’augmenter la capacité d’accueil pénitentiaire, mais cela requiert des ressources que le Gouvernement ne possède pas nécessairement.

43.Mme Thompson regrette de ne pas être en mesure de répondre à toutes les questions du Comité faute de disposer des éléments d’information nécessaires et s’efforcera de répondre aux questions restées en suspens à la prochaine séance ou, si les informations nécessaires n’ont pu être recueillies d’ici là, par écrit, dans les meilleurs délais.

44.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et invite les membres du Comité à faire part de leurs observations.

45.Sir Nigel RODLEY salue les efforts louables de la délégation mais regrette qu’aucun représentant du Gouvernement n’ait pu être présent pour l’examen du rapport et que le Comité ait été de ce fait privé d’une partie des informations nécessaires à la conduite d’un examen approfondi et objectif. Revenant sur la question de la détention au secret, il croit comprendre que la possibilité de consulter un avocat est garantie pendant toute la durée de la détention. Or d’après les informations contenues dans les réponses écrites, il semble qu’il soit demandé aux juges qu’ils limitent les communications du suspect avec son avocat dans la stricte mesure nécessaire pour éviter toute manœuvre préjudiciable à l’établissement de la vérité. Sir Nigel Rodley souhaiterait savoir si cette interprétation est correcte et quelles autres garanties sont prévues pour protéger la personne détenue au secret contre d’éventuels pressions ou abus d’autorité dans les cas où l’accès à un avocat n’est pas autorisé. Il voudrait également savoir s’il est exact que le détenu ne peut être interrogé qu’en présence de son avocat.

46.M. LALLAH demande s’il existe, parallèlement à la loi sur la protection de l’honneur des membres du Gouvernement et des personnalités publiques, une loi protégeant l’honneur des personnes autres que les membres du Gouvernement et les personnalités publiques, ce qu’exigerait l’application de l’article 26 du Pacte. À propos de la liberté d’association, il prend note du fait qu’aucun des projets de loi destinés à modifier la législation en la matière n’a encore été adopté. Le Comité s’abstient généralement de donner son avis sur de simples projets de loi. Il lui sera en revanche utile, lorsque les projets auront été adoptés, d’obtenir de plus amples informations concernant leur contenu, lesquelles pourront lui être apportées dans le prochain rapport de l’État partie.

47.Mme WEDGWOOD félicite la délégation pour le travail remarquable qu’elle a accompli compte tenu du peu de moyens dont elle disposait et insiste sur le fait qu’il est essentiel que les États parties envoient une délégation représentative de leur gouvernement, et plus précisément des institutions telles que la police, l’administration pénitentiaire et les services d’immigration. De cette façon, le Comité peut faire part directement aux personnes compétentes de ses préoccupations et obtenir des informations de première main sur l’application des lois, au lieu d’avoir une simple description de leur contenu. Ce n’est que dans ces conditions qu’un dialogue fructueux peut s’établir entre le Comité et l’État partie. Il faut donc espérer qu’à l’avenir le Gouvernement costa‑ricien prendra les dispositions nécessaires pour se faire dûment représenter devant le Comité.

48.À propos des menaces de mort contre des fonctionnaires et des journalistes (question no 7), Mme Wedgwood demande pourquoi de telles menaces, même si elles ne s’accompagnent pas de violences, ne pourraient pas tomber sous le coup de la loi pénale, sous la qualification d’intimidation, d’extorsion ou d’agression. Il s’agit d’une question très importante. Des informations détaillées concernant les enquêtes ouvertes et les éventuelles poursuites engagées contre les auteurs de telles plaintes seraient très appréciées.

49.Mme Wedgwood remercie Mme Thompson pour les précisions qu’elle a données concernant la surpopulation carcérale, mais dit que la question portait en fait sur la surpopulation dans les centres de rétention pour immigrés et les mesures prises pour y remédier. Concernant la situation de la population afro‑costa‑ricienne, la présentation de statistiques détaillées aurait permis de mieux mesurer les progrès accomplis et les lacunes qui demeurent. Il est néanmoins flagrant que les Afro‑Costa‑Riciens sont sous‑représentés au niveau des postes à responsabilité du Gouvernement. Il serait utile de savoir pourquoi ils ne sont pas plus nombreux dans les hautes sphères du pouvoir.

50.Mme MOTOC insiste sur le fait qu’il ne suffit pas de veiller à la protection des victimes pour venir à bout des problèmes que représentent le tourisme sexuel, la prostitution et la traite, il faut aussi s’attaquer à la demande. Elle note avec satisfaction qu’il existe des dispositions législatives qui répriment le harcèlement sexuel au travail mais estime néanmoins que cette question devrait être intégrée dans le cadre plus large des violences faites aux femmes.

51.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et les membres du Comité et les invite à poursuivre l’examen du cinquième rapport périodique du Costa Rica à la séance suivante.

La séance est levée à 13 heures.

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