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UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.22972 août 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2297e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 21 juillet 2005, à 10 heures

Président: Mme CHANET

Puis: M. SOLARI-YRIGOYEN (Vice-Président)Puis: Mme CHANET (Présidente)

SOMMAIRE

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ

La séance est ouverte à 10 h 10.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ (point 8 de l’ordre du jour)

Projet d’observation générale révisée concernant l’article 14 du Pacte (Droit à un procès équitable et à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice) (CCPR/C/83/CRP.4)

1.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) rappelle que le Comité est convenu de considérer l’article 14 du Pacte, paragraphe par paragraphe, en précisant à chaque fois la signification du texte à partir de la jurisprudence.

Paragraphe 1

2.La PRÉSIDENTE suggère de supprimer les termes «qu’elle reprend et développe» et de dire simplement que la présente observation générale remplace l’Observation générale no 13. En effet, cette dernière contient certains passages, par exemple sur les tribunaux d’exception, qui sont très peu satisfaisants.

3.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) fait observer que le terme anglais «reflecting» ne correspond pas au terme français «reprend».

4.M. WIERUSZEWSKI et M. SOLARI-YRIGOYEN appuient la proposition de la Présidente.

5.M. ANDO dit que les premières observations générales consistaient essentiellement à refléter la teneur des articles correspondants du Pacte car le Comité ne disposait pas alors d’un volume de jurisprudence suffisant. Pour le projet d’observation générale à l’examen, M. Kälin s’est efforcé de tenir compte des nombreuses communications présentées en vertu du Protocole facultatif et portant sur l’article 14 du Pacte. M. Ando veut bien que l’on adopte une formulation plus simple, mais la question ne vaut pas qu’on lui consacre trop de temps.

6.La PRÉSIDENTE voudrait éviter que le lecteur doive se référer à l’Observation générale no 13.

7.Sir Nigel RODLEY fait remarquer que les Observations générales nos 20, 21 et 31 contiennent chacune une phrase rédigée dans des termes analogues à ceux proposés pour le paragraphe 1. Le Comité marque ainsi qu’il s’inspire de ce qui a été fait, sans pour autant en répondre tous les éléments, comme l’indique d’ailleurs le verbe «remplace».

8.M. WIERUSZEWSKI suggère que l’on dise, comme dans l’Observation générale no 28, que la présente observation générale actualise et remplace l’Observation générale no 13.

9.M. SHEARER se demande s’il ne serait pas plus exact de dire que l’observation générale s’inspire de l’Observation générale no 13, et considère que, dans tous les cas, le Comité devra s’en tenir à l’avenir à la formulation qui aura été choisie.

10.Mme WEDGWOOD propose de reprendre la discussion sur ce point à la fin de l’examen du projet car l’on ne sait pas encore ce qui sera conservé, modifié ou ajouté par rapport à l’Observation générale no 13.

11.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) note que le texte est différent dans les trois langues: en espagnol, les termes «esta basada» sont très éloignés de l’intention originale et, en français, le verbe «reprend» est ambigu; dans le texte anglais, le mot «reflecting» pose moins de problème. La proposition de Mme Wedgwood paraît judicieuse car on ne sait pas encore jusqu’à quel point on s’écartera de l’observation générale initiale.

12.La PRÉSIDENTE dit que le Comité reprendra la considération du paragraphe 1 à la fin de l’examen du projet.

13. Il en est ainsi décidé.

Paragraphe 2

14.M. SOLARI‑YRIGOYEN suggère d’ajouter dans la première phrase les termes «et les cours de justice» après «devant les tribunaux», afin de se conformer au libellé de l’article 14.

15.Sir Nigel RODLEY pense qu’il vaudrait mieux supprimer la première partie de la deuxième phrase (Ainsi que le Comité le soulignait dans son observation générale précédente,).

16.M. WIERUSZEWSKI se demande si le paragraphe 2 est bien nécessaire, dans la mesure où le paragraphe 3 reprend les principes qui y sont énoncés.

17.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) fait observer que le paragraphe 2 s’inspire du texte de l’Observation générale no 13 et contient en fait une déclaration de caractère général qui souligne l’importance fondamentale de l’article 14. Il approuve la proposition visant à mentionner aussi les cours de justice.

18.M. ANDO pense que le paragraphe 2 doit être conservé mais il estime que l’adverbe «procedurally», à la fin de la première phrase du texte anglais, a un sens trop faible et il préférerait que l’on dise «serves as a procedural safeguard to the rule of law». Il propose d’autre part de remplacer, dans la deuxième phrase, «droits individuels» par «droits spécifiques» dans la mesure où, à côté des garanties de caractère général, l’article 14 prévoit un certain nombre de garanties spécifiques.

19.M. SOLARI‑YRIGOYEN considère lui aussi qu’il faut conserver le paragraphe 2, qui constitue une introduction générale à l’exposé des droits garantis par l’article 14.

20.Mme WEDGWOOD dit que le paragraphe 2 est nécessaire d’un point de vue formel car il met en quelque sorte les choses en place avant l’immersion dans les complexités de l’article 14. Cela étant, l’adverbe «procedurally», dans le texte anglais, n’étant effectivement pas approprié, il vaudrait mieux tout simplement le supprimer. Mme Wedgwood relève d’ailleurs que la première phrase du paragraphe 2 ne correspond pas à ce qui est dit à l’article 14, où il est question de l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice. En associant comme il est proposé le droit à un procès équitable et l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice, le Comité semble dire que toute personne traduite devant un tribunal bénéficie d’une procédure équitable. Il serait préférable de supprimer la référence au procès.

21.La PRÉSIDENTE est favorable à l’introduction de la notion de procédure car, devant les juridictions nationales, les dispositions des articles 6 et 14 du Pacte sont souvent confondues avec des questions de fond. Il est important de préciser que l’article 14 porte sur la procédure, qu’elle soit civile ou pénale.

22.Mme PALM souscrit pleinement aux propos de la Présidente, ajoutant que le même débat a souvent lieu au sujet d’un article similaire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que la Cour européenne des droits de l’homme insiste toujours sur le fait qu’il porte sur la procédure.

23.M. SHEARER suggère de dire que l’article 14 vise à préserver la primauté du droit au moyen de garanties de procédure.

24.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) laisse sur ce point aux membres anglophones du Comité le soin de choisir entre la proposition de M. Shearer et celle de M. Ando. S’agissant de la question du «procès équitable», il fait observer que le paragraphe 2 se réfère à l’ensemble de l’article 14, et pas seulement à la première phrase. Il ne pense pas que l’on puisse omettre de mentionner la notion de procès équitable, fondamentale pour la protection des droits de l’homme et qui englobe toutes les garanties prévues à l’article 14. Ce qui est dit dans le paragraphe 2, c’est que la primauté du droit suppose non seulement des lois et une administration satisfaisantes, mais surtout des procédures satisfaisantes et pour cela il faut prévoir un certain nombre de garanties, ce qui est l’idée centrale de l’article 14.

25.M. SOLARI-YRIGOYEN (Vice ‑Président) prend la présidence.

26.M. KHALIL pense que le paragraphe 2 est un paragraphe introductif, qu’il sera très utile de lire avant de se plonger dans les complexités de l’article 14.

27.Sir Nigel RODLEY souscrit à ce point de vue et dit que c’est précisément la raison pour laquelle la notion de «procès équitable» lui paraît importante. Pour tenir compte du souci de Mme Wedgwood, il suggère de bien mettre en évidence que deux droits sont en jeu: le droit à un procès équitable et le droit à l’égalité devant les tribunaux. Il serait ensuite précisé que ces droits servent, par des moyens de procédure, à préserver la primauté du droit.

28.Le PRÉSIDENT fait remarquer que, dans le texte espagnol, le mot «imparcial» devrait être remplacé par «equanime».

29.Mme WEDGWOOD dit que la proposition de Sir Nigel Rodley permet de résoudre une partie du problème, mais elle préférerait que l’on remplace «trial» par «hearing» dans le texte anglais, afin de se conformer au libellé de la deuxième phrase du paragraphe 1 de l’article 14, dans laquelle il est question de «fair and public hearing» («droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent»). Elle rappelle que, pour les juristes anglo‑saxons, le terme «trial» s’entend d’un type de procédure précis, dont les différentes étapes sont dûment codifiées.

30.Sir Nigel RODLEY dit qu’il comprend le point de vue de Mme Wedgwood mais qu’il ne le partage pas. À son sens, la nature même du paragraphe 2 impose d’utiliser des termes plus parlants que ceux du Pacte et en outre il n’y a pas de raisons de ne pas reprendre les termes («procès équitable») que tous les spécialistes utilisent lorsqu’ils évoquent l’article 14. Le principe d’un procès équitable, s’il n’est pas le seul visé par cet article, en est néanmoins un élément clef.

31.M. SHEARER est d’accord avec Sir Nigel Rodley et souhaite que l’on maintienne l’expression «procès équitable».

32.M. WIERUSZEWSKI estime également qu’il convient de parler de droit à un procès équitable. Dans sa langue, par exemple, l’expression «fair hearing» se traduirait de toute façon par un terme équivalent à «fair trial». La formulation doit tenir compte de la diversité des systèmes juridiques nationaux, et si les membres du Comité venant de pays de droit coutumier n’y voient pas d’opposition, l’expression «fair trial» devrait être conservée.

33.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) estime que la proposition faite par Sir Nigel Rodley améliore le texte. Pour répondre à la préoccupation exprimée par Mme Wedgwood, il fait observer que la première phrase du paragraphe ne renvoie pas expressément à l’article 14 du Pacte mais énonce les principes généraux, à savoir qu’il n’y a pas de respect des droits de l’homme sans procès équitable.

34.Le PRÉSIDENT constate que la majorité des membres du Comité est favorable au maintien du paragraphe 2, sous réserve d’en modifier la première phrase de façon à distinguer plus clairement le droit à un procès équitable et le droit à l’égalité devant les tribunaux, étant entendu aussi que, dans le texte espagnol, le mot «imparcial» sera remplacé par «equanime».

35.Il en est ainsi décidé.

36.Mme WEDGWOOD, revenant sur la suggestion de M. Ando visant à évoquer, dans la deuxième phrase, des droits spécifiques plutôt que des droits individuels, fait remarquer qu’il ne s’agit d’ailleurs pas uniquement de droits individuels. En outre, les termes «droits individuels» ont une connotation, en quelque sorte, égoïste alors qu’il s’agit de droits fondant le principe même de la justice. Cela étant, et compte tenu également de la nature du paragraphe, il vaudrait mieux ne pas parler de droits individuels et dire simplement que l’article 14 protège le droit à l’égalité devant les tribunaux et autres juridictions ainsi que le droit de chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi.

37.Sir Nigel RODLEY dit qu’il ne souscrit pas à la proposition de Mme Wedgwood, car l’article 14 porte également sur d’autres droits, par exemple le droit de faire appel d’une décision de justice. Une solution pourrait consister à supprimer simplement l’adjectif «individuels».

38.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) dit que ce qu’il importe d’affirmer, c’est que la protection des droits de la personne est essentielle à la bonne administration de la justice. La solution proposée par Sir Nigel Rodley lui paraît par conséquent pleinement satisfaisante.

39.M. JOHNSON LOPEZ souscrit, lui aussi, à la suggestion de Sir Nigel Rodley. Par ailleurs, dans le texte espagnol, il serait préférable de remplacer le mot «afirma» par «reafirma».

40.Le PRÉSIDENT constate qu’un consensus se dégage en faveur de la simple suppression de l’adjectif «individuels». Il confie au secrétariat le soin d’harmoniser le texte du paragraphe dans les trois langues de travail du Comité.

41. Le paragraphe 2, ainsi modifié oralement, est approuvé.

Paragraphe 3

42.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) fait observer que le paragraphe 3, qui expose en résumé la structure et la teneur de l’article 14 à l’intention des lecteurs qui n’auraient pas lu cet article dans le détail, n’est peut‑être pas indispensable.

43.M. ANDO pense que ce paragraphe devrait faciliter la compréhension de la portée de l’article 14. Cela étant, dans la première phrase du paragraphe il est dit que l’article 14 est de caractère particulièrement complexe, «en ce qu’il prévoit des garanties aux champs d’application différents». M. Ando suggère d’indiquer qu’il est complexe en ce qu’il prévoit des garanties diverses ayant des champs d’application différents.

44.Le PRÉSIDENT estime que la structure du projet établi par M. Kälin, qui va du général au particulier, est tout à fait appropriée, et que le paragraphe 3 est pleinement justifié.

45. Le paragraphe 3, ainsi modifié oralement, est approuvé.

Paragraphe 4

46.Le PRÉSIDENT pense que l’expression «les grandes traditions juridiques» n’est guère appropriée. À son sens, l’adjectif «grandes» est subjectif et devrait être supprimé. Le Comité ferait ainsi référence simplement aux traditions juridiques des États parties.

47.La suggestion du Président est retenue.

48.Mme WEDGWOOD ne voit pas bien l’intérêt de la deuxième phrase du paragraphe, et la référence qui y est faite à l’obligation des États parties de rendre compte de l’interprétation qu’ils donnent des garanties prévues par l’article 14 n’a guère sa place dans ce qui constitue une sorte d’affirmation de principe des droits et des libertés. En outre, elle ne voit pas l’utilité d’indiquer que le sens des notions contenues dans l’article 14 doit être interprété de manière autonome, étant donné que c’est toujours le cas, au moins dans une certaine mesure.

49.Sir Nigel RODLEY dit que l’idée d’une interprétation autonome des notions contenues dans l’article 14 mérite discussion. Le Comité devrait en effet, d’une part, fonder cette conviction et, d’autre part, décider s’il entend dire expressément que le Pacte, et non pas le droit interne des États parties, est déterminant dès lors qu’il s’agit d’établir la nature d’une procédure.

50.M. ANDO dit que Sir Nigel Rodley a soulevé une question de fond. À son sens, le paragraphe 4 vise à dire que les dispositions de l’article 14 du Pacte contiennent des garanties fondamentales, fondées sur des notions qui doivent être interprétées perse et qui ne relèvent pas de tel ou tel système de droit. La formulation du paragraphe est certes peu claire, mais l’idée est importante et doit être conservée.

51.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) dit que la deuxième phrase du paragraphe 4 reprend et développe ce qui est affirmé dans l’Observation générale no 13, à savoir que la diversité des systèmes et des pratiques juridiques fait qu’il est d’autant plus indispensable que les États parties expliquent en détail comment les notions contenues dans l’article 14 du Pacte sont interprétées dans leur système juridique. Le paragraphe 4 à l’examen vise à dire que, si les États parties doivent effectivement rendre compte de cette interprétation, les garanties prévues à l’article 14 doivent également être interprétées en soi. Cela étant, l’expression «être interprété de manière autonome» est peut‑être trop inspirée du droit européen, et pourrait être judicieusement remplacée par une formulation moins connotée.

52.Sir Nigel RODLEY suggère que le Comité se donne le temps de réflexion nécessaire pour trouver un libellé approprié et reprenne l’examen du paragraphe 4 lors de la prochaine séance consacrée au projet d’observation générale no 32.

53. La suggestion de Sir Nigel Rodley est retenue.

La séance est suspendue à 11 h 25; elle est reprise à 11 h 45.

Paragraphe 5

54.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) dit que ce paragraphe vise à déterminer les circonstances dans lesquelles un État partie peut supprimer des garanties prévues à l’article 14 du Pacte en adoptant des dispositions restrictives, une réserve ou une dérogation. Par souci de concision, M. Kälin a regroupé ces trois possibilités dans un seul paragraphe, mais le Comité souhaitera peut‑être les évoquer dans des paragraphes distincts. M. Kälin appelle également l’attention des membres du Comité sur la première phrase du paragraphe, dont la seconde partie va peut‑être trop loin et est rédigée dans des termes très radicaux.

55.Mme WEDGWOOD se demande pour quelle raison, dans le projet d’observation générale, les restrictions, réserves et dérogations sont évoquées avant les garanties prévues par l’article 14. À son sens, il serait plus judicieux d’inverser cet ordre et d’évoquer en premier lieu les garanties, ce qui impliquerait de placer le paragraphe 5 ailleurs dans le texte.

56.La première phrase pose effectivement problème dans la mesure où elle laisse entendre que certains droits seraient en quelque sorte plus absolus que d’autres. Pour éviter cela, il serait préférable d’adopter une formulation moins catégorique.

57.Le PRÉSIDENT fait observer qu’un certain nombre de droits protégés par le Pacte, par exemple l’article 19, s’ils ne sont pas expressément qualifiés de droits absolus, sont néanmoins généralement interprétés comme tels.

58.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) pense que le paragraphe 5 est à la bonne place dans le texte. En ce qui concerne la première phrase, il suggère d’en modifier le libellé de façon à dire que, en dehors des limites prévues dans la disposition même, les droits consacrés à l’article 14 ne peuvent pas être limités.

59.La suggestion de M. Kälin est retenue.

60.Mme WEDGWOOD souhaiterait que l’on supprime la note no 1 faisant référence à l’Observation générale no 24, dont la teneur est contestée par certains États parties. Elle suggère de reformuler la seconde proposition de la deuxième phrase de façon à dire qu’une réserve générale au droit à un procès équitable ne serait pas compatible avec l’objet et le but du Pacte.

61.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) dit que les notes de bas de page − que l’on trouve d’ailleurs dans de nombreuses observations générales du Comité −découlent d’un principe d’honnêteté et visent à indiquer la source du raisonnement. En ce qui concerne la note no 1, s’il est un fait que l’Observation générale no 24 ne fait pas l’unanimité parmi les États parties, la controverse ne porte cependant pas sur la teneur du paragraphe 8 auquel renvoie la note no 1, et cette dernière pourrait ainsi être maintenue sans que cela alimente la polémique.

62.M. ANDO partage la préoccupation de Mme Wedgwood, compte tenu de ce que l’Observation générale no 24 a donné lieu dès son adoption à des objections de la part de trois États parties. Le Comité examine d’ailleurs encore la question avec la Commission du droit international. Cela étant, la note no 1 ne renvoie qu’au seul paragraphe 8 de cette observation générale, qui reflète une position ferme du Comité. Que l’on décide ou non de maintenir la note no 1, il faudrait en tout cas en exprimer l’idée.

63.Le PRÉSIDENT rappelle qu’un membre de la Commission du droit international, et non pas la Commission dans son ensemble, ne partage pas les vues énoncées dans l’Observation générale no 24, et que le Comité a décidé de maintenir le point de vue qu’il a exprimé dans l’Observation générale no 24.

64.Mme WEDGWOOD pense que le Comité devrait tendre à ce que la teneur de l’Observation générale no 32 soit acceptable pour tous les États parties au Pacte, y compris ceux qui contestent le point de vue exprimé dans l’Observation générale no 24, et pour cela il vaudrait mieux éviter d’associer les deux observations générales.

65.Sir Nigel RODLEY est d’avis que, si le point de vue exposé dans le paragraphe à l’examen peut être affaibli par un renvoi à l’Observation générale no 24, il vaut mieux supprimer la note no 1. Toutefois, il est important de maintenir l’idée exprimée dans la deuxième phrase du paragraphe et d’aller même plus loin, comme l’a suggéré Mme Wedgwood, en disant qu’une réserve générale ne serait pas compatible avec l’objet et le but du Pacte.

66.M. SHEARER convient que la note no 1 pourrait être supprimée et que la suggestion de Mme Wedgwood améliore la deuxième phrase, mais une autre solution pourrait être de conserver la note no 1 en la modifiant de façon à dire «Voir également le paragraphe 8 de l’Observation générale no 24 …».

67.Mme PALM souscrit à l’idée de supprimer la note no 1 et de modifier la deuxième phrase du paragraphe dans le sens indiqué par Mme Wedgwood, ce qui renforcerait la position du Comité.

68.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) approuve la suggestion de Mme Wedgwood, d’autant qu’elle reprend les termes figurant dans la première phrase du paragraphe 8 de l’Observation générale no 24. En ce qui concerne la note no 1, il est plutôt favorable à son maintien, mais ne s’opposera pas à sa suppression si le Comité le souhaite.

69.M. ANDO suggère de ne pas dire, dans la deuxième phrase, que des réserves à des dispositions particulières peuvent être acceptables, mais de dire qu’elles sont permises, ce qui laisserait davantage de latitude au Comité pour examiner la compatibilité d’une réserve avec l’objet et le but du Pacte.

70.Le PRÉSIDENT est assez favorable au maintien de la référence à l’Observation générale no 24.

71.M. KHALIL est, quant à lui, partisan de la supprimer compte tenu de la controverse qu’elle a suscitée. Par ailleurs, il souscrit à la proposition de Mme Wedgwood pour la deuxième phrase.

72.M me  Chanet reprend la présidence.

73.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale), résumant les débats à l’intention de la Présidente, dit que trois points doivent être décidés à propos de la deuxième phrase du paragraphe 5. Le premier est celui de savoir s’il convient de supprimer la note de bas de page, la majorité des membres du Comité y étant apparemment favorables pour ne pas renvoyer à une observation générale controversée. La deuxième proposition, qui, elle aussi, semble rallier la majorité, vise à dire qu’une réserve générale au droit à un procès équitable «ne serait pas compatible avec l’objet et le but du Pacte». Enfin, M. Ando a proposé de remplacer le mot «acceptables» par «permises», ce à quoi lui‑même n’est pas favorable, considérant qu’il serait plus sage de s’en tenir à la terminologie utilisée dans l’Observation générale no 24 pour ne pas soulever d’autres difficultés.

74.M. ANDO dit qu’il se rallie à l’argument de M. Kälin en faveur du maintien de l’adjectif «acceptables».

75.Sir Nigel RODLEY considère que, en anglais du moins, le terme «permissible» induit la possibilité d’un examen objectif, par le Comité, de la compatibilité d’une réserve avec l’article 14 du Pacte, contrairement au terme «acceptable» qui pourrait laisser aux États parties une certaine capacité d’appréciation subjective de la chose.

76.Mme PALM craint qu’un changement de termes par rapport à l’Observation générale no 24 puisse être interprété comme un revirement de position de la part du Comité, ce qu’il conviendrait d’éviter.

77.M. SOLARI YRIGOYEN et la PRÉSIDENTE partagent le point de vue de Mme Palm.

78.Sir Nigel RODLEY et Mme WEDGWOOD se rallient au consensus dans un souci de cohérence des textes des observations générales.

79.La PRÉSIDENTE, récapitulant les points faisant l’objet d’un accord, dit que la note no 1 sera supprimée, qu’il sera ajouté une référence à l’objet et au but du Pacte, et que l’adjectif «acceptables» sera conservé. Elle croit comprendre que la troisième phrase peut être adoptée sans modification.

80.Il en est ainsi décidé.

81.M. ANDO souligne le caractère tautologique de la fin de la quatrième phrase («qui aurait eu pour effet de déroger à des droits auxquels il ne peut être dérogé») et se demande si la répétition ne pourrait pas être évitée.

82.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) fait observer que si la forme pouvait effectivement être améliorée, le fond est important. Il suggère de reprendre la formulation adoptée dans l’Observation générale no 29 (par. 15) et de parler de mesures «qui porteraient atteinte à la protection de droits non susceptibles de dérogation».

83.Mme WEDGWOOD appuie cette suggestion. Elle se demande toutefois ce que le Comité veut montrer avec l’exemple donné dans la cinquième phrase. Il peut arriver qu’un État juge des individus avec beaucoup de retard, comme c’est le cas dans certaines affaires de génocide pour lesquelles il n’y a pas suffisamment de juges ni d’avocats disponibles. Doit‑on alors considérer, parce que l’article 6 du Pacte ne souffre aucune dérogation, que toute condamnation à mort qui serait prononcée à l’issue d’un procès dérogeant aux dispositions du paragraphe 3 c) de l’article 14, par exemple, équivaudrait à une privation arbitraire du droit à la vie au sens de l’article 6?

84.Sir Nigel RODLEY dit que, si certaines dispositions du Pacte sont susceptibles de dérogation dans une situation d’état d’urgence, toute imposition de la peine de mort dans une telle situation doit être conforme aux dispositions du Pacte (comme il est prévu au paragraphe 2 de l’article 6), en particulier à celles de l’article 14. C’est en substance ce que le Comité affirme dans l’Observation générale no 29, et il n’y a pas lieu de revenir sur cette position. L’interrogation de Mme Wedgwood est toutefois légitime, mais il faut bien voir que les lenteurs d’une procédure ne sont pas nécessairement des retards excessifs au sens du Pacte.

85.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) souscrit pleinement aux propos de Sir Nigel Rodley. Les dispositions du paragraphe 3 c) de l’article 14 offrent la souplesse nécessaire pour pouvoir traiter d’un cas comme celui évoqué par Mme Wedgwood, dans lequel le nombre élevé d’accusés justifie un allongement des délais de procédure. Il ne voit donc pas de raison de modifier le libellé de la cinquième phrase du paragraphe, d’ailleurs repris de l’Observation générale no 29.

86.La PRÉSIDENTE estime qu’il est important que les observations générales, qui permettent de rappeler et préciser aux États parties leurs obligations, soient cohérentes entre elles. Elle invite les membres du Comité à se pencher sur la dernière phrase du paragraphe.

87.M. KÄLIN (Rapporteur pour l’observation générale) voudrait savoir si les membres du Comité voient une objection à conserver l’exemple du droit de se défendre soi‑même».

88.Mme WEDGWOOD pense qu’il vaudrait mieux ne pas le mentionner, compte tenu notamment de ce que la question de savoir si le droit de se défendre soi‑même doit nécessairement être interprété comme garantissant le droit de se passer des services d’un conseil fait actuellement l’objet d’un débat entre spécialistes du droit international.

89.La PRÉSIDENTE est plutôt favorable à la suppression de cet exemple, mais pour d’autres raisons. Le droit de se défendre soi‑même n’est qu’un aspect parmi d’autres du droit à un procès équitable; il n’en est pas même un pivot. On aurait tout aussi bien pu citer l’égalité devant la loi ou l’égalité des armes. En multipliant les exemples, le Comité pourrait donner l’impression de dresser une liste exhaustive, et risquerait ainsi de réduire son propos.

90.Sir Nigel RODLEY reprend à son compte les observations de la Présidente. Il ajoute que, dans le texte anglais, il est question de «the right to defend oneself», termes qui ont été rendus en français par «le droit de se défendre soi‑même» mais qui évoquent plus simplement et plus généralement le droit à la défense.

91.La PRÉSIDENTE constate que les membres du Comité sont partisans de supprimer le dernier exemple. Le Comité poursuivra l’examen du projet d’observation générale no 32 à une séance ultérieure.

92. Le paragraphe 5, ainsi modifié oralement, est approuvé.

ORGANISATION DES TRAVAUX ET QUESTIONS DIVERSES (point 3 de l’ordre du jour)

93.La PRÉSIDENTE dit qu’elle s’est absentée au cours de la séance pour s’entretenir avec des journalistes. Le but de cette rencontre informelle était de les informer des débats qui se sont déroulés et auxquels ils auraient pu assister, durant la première semaine de la session. Les journalistes n’ont pas caché leur intention de ne pas être davantage présents au Palais Wilson pour le reste de la session. Le seul arrangement susceptible de les intéresser serait l’organisation de points de presse immédiatement après l’examen des rapports des États parties, lorsque les représentants des organisations non gouvernementales sont encore présents.

94.Mme WEDGWOOD demande s’il est envisagé de mettre en place un système d’audioconférence, qui permettrait aux journalistes de suivre les débats qui se tiennent au Palais Wilson sans avoir à se déplacer.

95.Sir Nigel RODLEY se félicite du fait que la Présidente cherche à développer les relations entre le Comité et la presse et l’encourage à poursuivre dans cette voie. Il fait observer que d’autres organes conventionnels tiennent leurs sessions au Palais des Nations et n’ont donc pas le même problème. Une solution pourrait consister à maintenir au Palais Wilson les séances privées, pour lesquelles les besoins en documentation sont les plus importants, et à tenir au Palais des Nations les séances consacrées à l’examen des rapports des États parties.

96.La PRÉSIDENTE répond que le système d’audioconférence existe au Palais des Nations. Son souhait est effectivement que le Comité puisse tenir au Palais des Nations au moins ses séances publiques, ne serait‑ce que parce que la salle du Palais Wilson est trop petite pour accueillir de grosses délégations d’États parties en même temps qu’un grand nombre d’organisations non gouvernementales. C’est une question qu’elle aborde régulièrement avec l’Administration et dont elle espère qu’elle pourra être réglée à la satisfaction du Comité.

La séance est levée à 13 heures.

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