Nations Unies

CAT/C/NIC/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 décembre 2022

Français

Original : espagnol

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Nicaragua *

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Nicaragua à sa 1916e séance, le 14 juillet 2022, a adopté des observations finales provisoires à sa 1931e séance, le 26 juillet 2022, et a adopté les présentes observations finales définitives à sa 1965e séance, le 18 novembre 2022.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis son rapport périodique, bien que ce soit avec six ans de retard. Il regrette toutefois que les autorités nicaraguayennes aient expressément refusé d’apporter des réponses écrites à la liste de points adoptée en décembre 2020. À cet égard, le Comité rejette fermement les termes de la lettre datée du 29 juin 2022 adressée à son président par le Ministère des affaires étrangères, qui remet en question la légitimité et l’intégrité du Comité et d’autres mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, tels que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). En outre, malgré les demandes répétées du Comité, l’État partie n’a envoyé aucun représentant à la soixante-quatorzième session. Compte tenu de cette situation et conformément à son règlement intérieur, le Comité a décidé d’examiner le rapport périodique et d’adopter ensuite des observations finales provisoires, qui ont été transmises à l’État partie pour commentaires. L’État partie n’a pas formulé de commentaires concernant les observations finales provisoires, qui ont été adoptées de manière définitive par le Comité à sa soixante‑quinzième session, conformément à l’article 68 (par. 2 b)) de son règlement intérieur.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments ci-après ou y a adhéré :

a)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie, en 2013 ;

b)La Convention relative au statut des apatrides, en 2013 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en février 2010.

4.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)L’adoption, en 2015, de la loi no 896 relative à la lutte contre la traite des personnes ;

b)L’adoption, en 2015, du Code de la famille, qui consacre l’obligation pour l’État de prévenir, réprimer et éliminer la violence conjugale ou intrafamiliale ;

c)L’adoption, en 2012, de la loi générale no 779 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes ;

d)L’adoption, en 2011, de la loi générale no 761 relative aux migrations et aux étrangers ;

e)L’adoption, en 2011, de la loi no 745 sur l’application, l’aménagement et le contrôle juridictionnel des peines.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et d’appliquer les dispositions de la Convention, notamment :

a)L’adoption du Plan stratégique national de lutte contre la traite des personnes pour la période 2012-2014 ;

b)L’adoption du Plan national de développement humain pour la période 2012‑2016 ;

c)L’adoption, par voie de l’arrêté ministériel no 134-2009, de mesures administratives contre les châtiments corporels à l’école ;

d)La désignation, par voie du décret présidentiel no 04-2012, du Bureau du Procureur national chargé de la défense des droits de l’homme comme mécanisme national de prévention de la torture ;

e)La construction récente et l’équipement de l’établissement pénitentiaire de haute sécurité et de l’établissement pénitentiaire réservé aux femmes, tous deux situés dans le département de Managua, et de l’établissement pénitentiaire de Bluefields, dans la région autonome de la côte caraïbe sud, ainsi que la construction, dans les nouveaux centres pénitentiaires, de 28 pavillons pouvant accueillir 234 personnes privées de liberté, et la création de postes supplémentaires d’agents pénitentiaires.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Dans ses précédentes observations finales, le Comité a demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations concernant la définition de l’infraction de torture, les poursuites engagées et les sanctions prononcées contre les auteurs présumés d’actes de torture ou de mauvais traitements et la collecte de données statistiques sur cette infraction, les dysfonctionnements dans l’administration de la justice et le recours excessif à la détention provisoire, la violence à l’égard des femmes et les mauvais traitements infligés aux enfants. Le Comité regrette que, malgré le rappel adressé le 28 mars 2011 par le Rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales à l’État partie, celui-ci n’a fourni aucune réponse dans le cadre de la procédure de suivi des observations finales. Compte tenu des informations figurant dans le deuxième rapport périodique de l’État partie, le Comité considère qu’il n’a pas été donné suite à ces recommandations (voir par. 7, 8, 11, 12, 18, 19 et 25 à 28 du présent document).

Définition de la torture et prescription

7.Bien que l’article 486 du Code pénal porte sur l’interdiction de la torture, le Comité constate une nouvelle fois avec préoccupation que la définition de l’infraction de torture n’est toujours pas conforme à celle qui en est donnée à l’article premier de la Convention. Il constate en particulier que ledit article ne vise pas expressément la discrimination comme motif la torture et ne vise pas non plus les actes commis par une personne qui, sans être un agent de la fonction publique, agit à titre officiel ou à l’instigation d’un tel agent ou avec son consentement exprès ou tacite. À cet égard, le Comité prend note de la précision apportée dans le rapport périodique de l’État partie selon laquelle la responsabilité des actes de torture commis par une personne qui, sans être un agent de la fonction publique, agit à titre officiel ou à l’instigation d’un tel agent ou avec son consentement exprès ou tacite, est couverte par les dispositions relatives aux degrés de participation à la commission d’infractions ou de fautes (titre II du Code pénal, chapitre unique). Il reste toutefois préoccupé par le fait que ces dispositions ne visent pas expressément le consentement exprès ou tacite. Le Comité note également avec préoccupation que le crime de torture ne figure pas à l’article 16 du Code pénal qui, lu conjointement avec l’article 131 du même code, précise les infractions pénales imprescriptibles. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que le Code pénal militaire n’incrimine pas la torture, et regrette le manque d’informations sur l’application de l’article 486 du Code pénal lorsque des actes de torture sont commis par des membres des forces armées (art. 1er et 4).

8.Le Comité renouvelle sa recommandation précédente par laquelle il invitait instamment l’État partie à harmoniser les dispositions de l’ article 486 du Code pénal avec celles de l’ article premier de la Convention. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  2 (2007) sur l’application de l’ article 2, dans laquelle il souligne que si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l’impunité (par. 9). L’État partie devrait rendre l’infraction de torture imprescriptible afin d’écarter tout risque d’impunité pour ce qui est des enquêtes sur les actes de torture et de la poursuite et la punition des auteurs de tels actes. Il devrait inscrire l’infraction de torture dans le Code pénal militaire et mettre celui-ci en conformité avec les dispositions des articles 1 er et 4 de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité demeure préoccupé par les informations concordantes selon lesquelles les garanties procédurales énoncées dans la législation de l’État partie ne sont pas effectivement mises en pratique, en particulier dans le cas des personnes dont la détention est liée aux manifestations d’avril 2018 ou est intervenue dans la période qui a suivi. À cet égard, il est préoccupé par :

a)Les observations formulées par différentes organes, notamment les avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire, dans lesquelles il est fait état : i) de détentions à caractère arbitraire car imposées sans présentation d’un mandat d’arrêt et/ou sans que l’intéressé soit informé des motifs de l’arrestation ; ii) de problèmes concernant la notification de la détention et l’accès rapide à un avocat ; iii) de placements à l’isolement pouvant durer jusqu’à quatre-vingt-dix jours ; iv) d’interrogatoires menés en l’absence d’un conseil et marqués par le recours aux brutalités, aux menaces et à la privation de sommeil ; v) de l’absence d’examen par un médecin indépendant ; vi) de l’inefficacité des recours en habeas corpus ;

b)L’adoption, en 2021, de la loi no 1060 modifiant et complétant le Code de procédure pénale (loi no 406), qui prévoit le prolongement du délai, fixé à l’article 33 (par. 2.2) de la Constitution, au terme duquel une personne détenue doit être remise en liberté ou présentée à l’autorité compétente, délai qui peut passer de quarante-huit heures à quatre‑vingt-dix jours à la demande du ministère public et avec l’autorisation d’un juge, sans qu’il faille que l’enquête préliminaire soit terminée, que des preuves à charge aient été présentées, que l’intéressé ait été inculpé et que la nécessité et la proportionnalité de la mesure de privation de liberté ait été justifiée, et l’application généralisée de cette loi ;

c)Les dysfonctionnements du système d’enregistrement des gardes à vue, notamment en ce qui concerner la consignation des détentions de courte durée à l’issue desquelles l’intéressé est remis en liberté sans avoir été présenté devant un juge ;

d)Le manque d’informations disponibles sur les mesures disciplinaires prises, au cours de la période considérée, contre les agents des forces de l’ordre qui n’ont pas fait en sorte que les personnes privées de liberté bénéficient sans délai des garanties juridiques fondamentales (art. 2 et 16).

10. L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que tous les détenus bénéficient, en droit et dans la pratique, de toutes les garanties fondamentales contre la torture dès le début de leur privation de liberté, y compris du droit d’être assistés d’un avocat sans délai, en particulier pendant les phases de l’enquête et les interrogatoires, du droit d’être examinés par un médecin indépendant, du droit d’être informés de leurs droits, des motifs de leur arrestation et des charges retenues contre eux, du droit à ce que leurs proches ou toute autre personne de leur choix soient notifiés de leur détention et du lieu de celle-ci, du droit d’être présentés à un juge sans délai et du droit de disposer d’une voie de recours utile pour contester la légalité de leur détention  ;

b) Veiller à ce que toutes les personnes qui sont placées en garde à vue ou en détention provisoire soient inscrites dans le registre du lieu de détention, et à ce que chaque étape de la privation de liberté soit consignée, y compris les transfèrements d’un établissement à un autre. L’État partie devrait établir un registre centralisé et uniformisé qui soit accessible aux familles et aux représentants légaux des détenus  ;

c) Prendre les mesures législatives et autres nécessaires pour que la durée maximale de la garde à vue n’excède pas quarante-huit heures, renouvelables une fois seulement, dans des circonstances exceptionnelles dûment justifiées par des preuves tangibles et uniquement après qu’une autorité judiciaire a procédé à une évaluation individualisée de la nécessité de prolonger la privation de liberté en tant que mesure de dernier recours et de la proportionnalité de cette mesure, dans chaque cas  ;

d) Veiller à ce que des sanctions soient imposées aux fonctionnaires responsables lorsqu’il n’a pas été permis aux personnes privées de liberté de bénéficier de ces garanties fondamentales.

Administration de la justice

11.Le Comité prend note des informations données dans le rapport périodique au sujet du projet de modernisation de l’appareil judiciaire, parmi d’autres mesures adoptées au cours de la période considérée, mais il demeure préoccupé par le manque d’indépendance et d’impartialité du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’exécutif. De même, s’il prend note des dispositions constitutionnelles relatives à l’indépendance du ministère public (art. 138, par. 9 b)), le Comité est préoccupé par les informations concordantes selon lesquelles l’utilisation partisane de ces dispositions facilite l’ingérence et le contrôle par le pouvoir exécutif. À cet égard, les informations indiquant que l’absence de séparation des pouvoirs dans l’État partie permet l’utilisation du droit pénal pour réprimer la dissidence, facilite le non-respect des garanties procédurales et contribue à l’impunité sont préoccupantes (art. 2 (par. 1), 12 et 13).

12. L’État partie devrait garantir la pleine indépendance, l’impartialité et l’efficacité du pouvoir judiciaire et des services du Procureur général, notamment en menant une réforme visant à mettre les institutions judiciaires en conformité avec les normes internationales, en particulier les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet .

Conditions de détention

13.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie au sujet des investissements réalisés dans de nouvelles infrastructures pénitentiaires, mais regrette l’absence d’informations à jour sur l’exécution du plan prévoyant la construction de cinq nouveaux établissements de détention. Il prend également note des informations communiquées par l’État partie sur le taux d’occupation des cellules de garde à vue (3,38 %), mais regrette de ne pas disposer de données statistiques officielles et à jour sur la population carcérale, ventilées par lieu de détention et par taux d’occupation. Le Comité est par ailleurs préoccupé par :

a)Les informations reçues au sujet des conditions des très mauvaises conditions de détention, notamment en ce qui concerne les femmes, dans les établissements pénitentiaires, en particulier ceux de La Modelo et de La Esperanza, à Tipitapa, ainsi que dans les locaux de la Direction des enquêtes judiciaires à Managua (« El Chipote ») et au complexe judiciaire de la police nationale Evaristo Vásquez Sánchez (« Nuevo Chipote »), où condamnés et personnes en détention provisoire partagent les mêmes cellules. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations concernant la surpopulation, l’insalubrité, le manque d’aération et d’accès à la lumière naturelle, la malnutrition et l’accès limité à l’eau potable et aux médicaments dans ces centres pénitentiaires ;

b)Les informations signalant des difficultés d’accès à des soins médicaux adéquats, concernant en particulier les personnes privées de liberté qui souffrent de maladies chroniques ou qui présentent des symptômes de la maladie à coronavirus 2019 ;

c)Les signalements d’agressions et de violences sexuelles dans les centres de détention, que subiraient en nombre particulièrement élevé les détenues, en particulier les femmes transgenres incarcérées dans des prisons pour hommes ;

d)Le manque d’informations sur les résultats des enquêtes menées sur tous les décès en détention survenus au cours de la période considérée, ainsi que sur les mesures concrètes adoptées pour éviter que de tels cas ne se reproduisent ;

e)Le refus d’autoriser l’accès aux lieux de privation de liberté aux représentants du HCDH et d’autres organisations internationales, ainsi qu’aux organisations non gouvernementales humanitaires et de défense des droits de l’homme (art. 2, 11 et 16).

14. Le Comité engage instamment l’État partie à  :

a) Faire en sorte que les conditions de détention soient pleinement conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), et veiller, notamment, à ce que les personnes privées le liberté reçoivent une alimentation convenable et des soins médicaux appropriés  ;

b) Veiller à ce que les personnes en détention provisoire soient strictement séparées des condamnés qui purgent une peine et, dans les établissements pénitentiaires mixtes, à ce que le quartier des femmes soit entièrement séparé de celui des hommes  ;

c) Faire en sorte que tous les cas de décès de personnes privées de liberté fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale menée par un organisme indépendant en tenant dûment compte du Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les décès résultant potentiellement d’actes illégaux, et, s’il y a lieu, punir comme il se doit les responsables, et accorder une indemnisation juste et adéquate aux proches  ; revoir la question de l’efficacité des stratégies et des programmes de prévention du suicide et de la violence dans les centres pénitentiaires  ; communiquer au Comité des données détaillées sur les décès en détention et sur leurs causes  ;

d) Permettre que les centres de détention fassent l’objet d’inspections indépendantes et inopinées par des organismes nationaux et des organisations internationales, sans entrave et sans préavis  ; autoriser les organisations non gouvernementales humanitaires et de défense des droits de l’homme à mener des activités de surveillance dans tous les lieux de détention  ;

e) Recueillir et publier des données sur la capacité maximale et le taux d’occupation de tous les lieux de détention du pays, ainsi que sur le nombre de condamnés et de détenus provisoires qui s’y trouvent.

Mise à l’isolement, sanctions disciplinaires et punitions

15.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 745 sur l’application, l’aménagement et le contrôle juridictionnel des peines (2010), qui vise à réglementer le contrôle des peines par les juges, notamment les mesures d’isolement d’une durée supérieure à quarante-huit heures (art. 26) et la surveillance des prisons en général (art. 23). Le Comité regrette l’absence d’informations concernant les visites effectuées par les juges d’application des peines au cours de la période considérée et les effets des mesures correctives mises en place. Il est préoccupé par les informations indiquant que des personnes sont placées à l’isolement pour des périodes excédant quinze jours à titre de sanction disciplinaire. Il est également préoccupé par les cas attestés de châtiments collectifs infligés à des détenus, ainsi que par les informations reçues dans lesquelles il est fait état de restrictions injustifiées telles que la suspension des contacts familiaux, en particulier avec les mineurs, et l’interdiction de toute forme de correspondance ou de lecture. Les informations selon lesquelles des fouilles corporelles invasives et des pressions injustifiées sont subies par les proches des détenus lors des visites sont également préoccupantes (art. 11 et 16).

16.L’État partie devrait veiller à ce que l’isolement cellulaire ne soit utilisé qu’en dernier ressort, dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible (quinze jours au maximum), sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation d’une autorité compétente, conformément aux règles 43 à 46 des Règles Nelson Mandela. En outre, l’État partie devrait respecter l’interdiction de soumettre les mineurs à l’isolement ou à des mesures similaires (voir également la règle 67 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté). En outre, le paragraphe 3 de l’ article 43 des Règles Nelson Mandela dispose que les sanctions disciplinaires ou mesures de restriction ne doivent pas consister en une interdiction de contacts avec la famille et que les ceux-ci ne peuvent être restreints que pour une période limitée, lorsque cela est strictement nécessaire pour assurer le maintien de l’ordre et de la sécurité, et jamais à titre de mesure disciplinaire. Enfin, une distinction claire devrait être faite entre l’isolement d’ordre administratif et l’isolement pour raisons disciplinaires. L’État partie devrait enquêter sur les restrictions arbitraires ou injustifiées des droits des détenus. Il devrait également veiller à ce que les fouilles à nu ne soient pratiquées que dans des cas exceptionnels, de la manière la moins invasive possible, par du personnel compétent du même sexe que la personne soumise à la fouille et dans le plein respect de la dignité de celle-ci.

Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme

17.Le Comité est préoccupé par le fait que le Bureau du Procureur ne s’acquitte pas efficacement de sa tâche en tant que mécanisme national de prévention de la torture et des mauvais traitements en visitant régulièrement les lieux de privation de liberté, et s’inquiète du manque d’informations sur le suivi des recommandations émises par cette institution. Le Comité est également préoccupé par le manque d’indépendance du Bureau du Procureur en tant qu’institution nationale des droits de l’homme et par l’absence de suites données aux plaintes pour violations présumées des droits de l’homme qui lui sont soumises (art. 2).

18.L’État partie devrait garantir l’indépendance fonctionnelle du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme afin qu’il puisse s’acquitter efficacement de son mandat, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et aux directives du Sous-Comité pour la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants concernant les mécanismes nationaux de prévention . L’État partie devrait également adopter des mesures visant à rendre plus efficace le travail de surveillance du mécanisme national de prévention et permettre à celui-ci d’effectuer des visites régulières et inopinées dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté, en rendant publiques ses conclusions et les recommandations faites aux autorités. Il devrait envisager d’autoriser la publication par le Sous - Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du rapport que celui-ci a établi sur sa visite de 2014, et solliciter le soutien du Fonds spécial créé par le Protocole facultatif pour mettre en application les recommandations du Sous-Comité et coopérer pleinement avec celui-ci lors de sa prochaine visite, annoncée pour 2023 .

Impunité : mécanismes de plainte, enquêtes et amnisties

19.Le Comité est vivement préoccupé par :

a)Les nombreux cas de torture et de mauvais traitements recensés dans les centres pénitentiaires et les commissariats de police par divers mécanismes internationaux et organisations non gouvernementales pendant la période considérée, ainsi que le manque d’informations sur les suites données à ces plaintes par les autorités, qui fait s’interroger sur l’affirmation, faite par l’État partie dans ses observations du 29 juin 2022, selon laquelle la torture n’est pas pratiquée dans le pays ;

b)Les 12 284 plaintes mettant en cause des policiers et des agents pénitentiaires enregistrées par le Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme entre 2005 et 2018 et le manque d’informations sur les suites données à ces plaintes par les autorités compétentes, ainsi que l’absence de données sur les plaintes reçues et instruites depuis lors ;

c)Le peu d’informations fournies par l’État partie sur les plaintes reçues au cours de la période 2008-2018 par la Police nationale, le ministère public et le Ministère de l’intérieur concernant des violations des droits de l’homme et des mauvais traitements présumés ; l’absence d’informations actualisées sur les plaintes reçues depuis lors, le faible nombre de poursuites pour des actes de torture et des mauvais traitements ainsi que l’information selon laquelle les fonctionnaires qui infligent des actes de torture ou des mauvais traitements sont sanctionnés sur le plan administratif, mais pas sur le plan pénal ;

d)Le fait que l’État partie n’a pas adopté de mesures pour réformer la Police nationale à la suite des graves violations des droits de l’homme qui se sont produites à partir d’avril 2018, et le placement de celle-ci sous la direction du Président par voie de la loi no 872 sur l’organisation, les fonctions, la carrière et le régime spécial de sécurité sociale de la Police nationale (2014) ;

e)L’absence d’informations sur les critères et conditions définis et les procédures mises en place en ce qui concerne la remise en liberté des détenus, y compris les libérations faisant suite à une grâce présidentielle ou à l’application de la loi d’amnistie no 996 de 2019. En ce qui concerne cette loi, le Comité s’inquiète à la fois de l’ambiguïté des règles qu’elle contient et des informations signalant qu’elle a été appliquée dans des cas de condamnations pour féminicide et infraction sexuelle, ainsi que dans des cas de torture et d’usage excessif et létal de la force survenus lors des manifestations qui ont commencé en avril 2018 ;

f)Le manque d’informations détaillées concernant les enquêtes ouvertes sur les violations graves des droits de l’homme, y compris la torture, les procédures pénales menées, les sanctions imposées et la réparation intégrale accordée aux victimes, qui crée un climat général d’impunité (art. 1er, 2, 4, 12 à 14 et 16).

20. Le Comité engage instamment l’État partie à  :

a) Veiller à ce que les autorités ouvrent une enquête chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis ou que des mauvais traitements ont été infligés, et veiller à ce que les personnes privées de liberté aient à leur disposition un mécanisme de plainte efficace, indépendant et accessible et qu’elles ne subissent pas de représailles pour avoir porté plainte  ;

b) Réunir et publier des données statistiques complètes et détaillées concernant l’ensemble des signalements et des plaintes relatifs à des actes de torture ou à des mauvais traitements, et préciser si ces plaintes ont donné lieu à une enquête et, le cas échéant, par quelle autorité celle-ci a été menée, si l’enquête a débouché sur des mesures disciplinaires ou conduit à l’ouverture de poursuites et le type de peine imposée, et si les victimes ont obtenu réparation, de sorte que l’État partie puisse à l’avenir communiquer ces informations au Comité et à d’autres organes de contrôle  ;

c) Prendre les mesures législatives et autres nécessaires pour réformer la Police nationale, renforcer l’indépendance du ministère public et envisager la création en son sein d’une unité spéciale chargée d’enquêter sur les plaintes pour torture et mauvais traitements enregistrées depuis le 18 avril 2018, qui ait autorité pour ouvrir des enquêtes d’office, comme l’a recommandé le HCDH dans le rapport qu’il a soumis en application de la résolution 40/2 du Conseil des droits de l’homme  ;

d) Garantir que les auteurs présumés d’actes de torture ou de mauvais traitements, y compris de violences sexuelles, soient suspendus de leurs fonctions immédiatement et pendant toute la durée de l’enquête, en particulier s’il existe un risque qu’ils puissent commettre à nouveau les actes qui leur sont imputés, exercer des représailles ou entraver le bon déroulement de l’enquête. L’assistance aux victimes et aux témoins ainsi que leur protection devraient également être assurées  ;

e) S’abstenir d’accorder l’amnistie ou la grâce à des personnes condamnées pour des actes de torture, car ces mesures ne sont pas compatibles avec les obligations des États parties concernant le caractère absolu et indérogeable de l’interdiction de la torture  ;

f) Élaborer des programmes de formation initiale et continue obligatoire afin que tous les agents de l’État, en particulier les membres des services de sécurité, les agents pénitentiaires et les professionnels de la justice, aient une bonne connaissance des dispositions de la Convention, en particulier de l’interdiction absolue de la torture, et soient pleinement conscients qu’aucun manquement ne sera toléré, que toute violation donnera lieu à une enquête et que les responsables seront poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables , dûment sanctionnés. L’État partie devrait, en outre, faire en sorte que l’ensemble du personnel concerné, y compris le personnel médical, reçoive une formation particulière qui lui permette de détecter les cas de torture et de mauvais traitements, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

Aveux obtenus par la contrainte

21.Le Comité prend note des garanties énoncées à l’article 16 du Code de procédure pénale concernant l’irrecevabilité des preuves obtenues par des moyens illicites, mais regrette que l’État partie n’ait pas donné d’exemples d’affaires dans lesquelles des preuves ou des témoignages ont été rejetés par les tribunaux parce qu’ils avaient été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements. Le Comité est préoccupé par les informations concordantes qu’il a reçues sur le recours à des méthodes d’interrogatoire coercitives, notamment la menace, les coups et l’étouffement (art. 2, 11, 15 et 16).

22. L’État partie devrait prendre sans délai des mesures pour mettre fin au recours à des pratiques d’interrogatoires coercitives et garantir, dans la pratique, l’irrecevabilité de toute déclaration obtenue par la torture, sauf si elle est invoquée contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite.

Incrimination des manifestations et actes de répression

23.Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations transmises par l’ONU et d’autres sources fiables selon lesquelles la force létale a été utilisée contre des manifestants pacifiques, y compris des mineurs, et que des mauvais traitements ont été infligés lors d’arrestations effectuées dans le cadre des manifestations qui ont commencé en avril 2018 et celles tenues pendant la période électorale de 2021. Ces informations signalent également la détention arbitraire de 170 à 190 personnes pour des raisons politiques et le recours à des actes de torture physique et psychologique, des mauvais traitements, des disparitions forcées, des menaces et des représailles par des agents de la Police nationale, de la Direction des opérations spéciales, des agents en civil et, dans certains cas, des acteurs paraétatiques ;

b)Les informations selon lesquelles des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, des journalistes, des dirigeants et dirigeantes de mouvements sociaux, des représentants de confessions religieuses et des membres de l’opposition sont victimes d’agressions ; des organisations de la société civile et des universités, notamment celles qui viennent en aide aux victimes de la torture et de la violence sexuelle, sont arbitrairement privées de leur personnalité juridique ; plus de 150 000 Nicaraguayens ont fui, en quête d’’asile au Costa Rica, et, du fait de la répression exercée, le nombre de Nicaraguayens interceptés à la frontière des États-Unis a augmenté dans des proportions sans précédent ;

c)Les informations indiquant que les personnes arrêtées dans le cadre des manifestations qui ont commencé en avril 2018 ou pour s’être présentées aux élections de 2021 sont accusées de terrorisme et de faits de criminalité organisée et poursuivies sans que les garanties d’une procédure régulière soient respectées. À cet égard, le Comité note avec préoccupation le caractère vague des définitions des infractions de terrorisme énoncées dans la loi no 977 de 2018 relative au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme et au financement et à la prolifération d’armes de destruction massive, et que la loi no 1055 de 2020 sur la défense des droits des peuples à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix, ainsi que de la loi spéciale no 1042 de 2020 sur la cybercriminalité, la loi no 1040 de 2020 sur la réglementation applicable aux agents étrangers et les articles410 et 412 du Code pénal réprimant le complot ayant pour objectif de porter atteinte à l’intégrité nationale, qui visent à dissuader de manifester ou de se livrer à une quelconque forme d’opposition, sont d’application large et sont utilisés de manière arbitraire ;

d)Les informations reçues selon lesquelles toutes les personnes identifiées comme des prisonniers politiques, y compris celles qui ont de graves problèmes de santé, n’ont pas bénéficié d’une remise en liberté en application de la loi d’amnistie et celles qui ont été libérées font l’objet de pressions, de menaces et de nouvelles arrestations arbitraires, et n’ont pas vu leur casier judiciaire expurgé (art. 2, 12 à 14 et 16).

24. Le Comité engage l’État partie à  :

a) Adopter les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser les détentions arbitraires, les actes de répression et de violence à l’égard de défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, de journalistes, de dirigeants et dirigeantes de mouvements sociaux, de représentants de confessions religieuses et d’hommes et femmes politiques de l’opposition et de leur famille, libérer les personnes détenues arbitrairement et rétablir la personnalité juridique des organisations de la société civile  ;

b) Diligenter sans délai des enquêtes indépendantes et approfondies sur les cas d’usage excessif de la force, les actes de torture et les mauvais traitements infligés dans le cadre des manifestations qui ont commencé en avril 2018, et, ultérieurement, poursuivre et punir les responsables, en veillant à ce que les victimes reçoivent une réparation intégrale et appropriée, et condamner publiquement ces violations  ;

c) Faire en sorte que toutes les personnes soient protégées contre les actes d’intimidation, de représailles et de violence auxquels elles pourraient être exposées du fait de leurs activités de défense des droits de l’homme, du libre exercice de leur liberté d’expression et d’opinion, ainsi que de l’exercice de leur droit à la liberté d’association et de réunion pacifique, et mettre en place un mécanisme national indépendant de protection à cet égard  ;

d) Établir des protocoles régissant les interventions des forces de sécurité qui ont joué un rôle prépondérant dans les actes de violence et d’intimidation commis lors des manifestations, conformément aux normes internationales de protection des droits de l’homme  ;

e) Démanteler et désarmer sans délai les groupes armés progouvernementaux  ;

f) Abroger ou modifier les lois visées au paragraphe 23 (al. c)), de sorte que les infractions qui y sont énoncées soient définies de façon précise, claire et stricte, et s’abstenir de se servir de ces dispositions pour persécuter les personnes qui ont participé à des mouvements de contestation sociale ou ont soutenu de tels mouvements, ont cherché à se présenter aux élections ou ont exprimé des opinions dissidentes.

Violence fondée sur le genre

25.Selon les informations communiquées par l’État partie, des organes juridictionnels spécialisés dans la violence et le droit de la famille ont été créés et plusieurs programmes de formation sur la violence fondée sur le genre ont été mis en place. Néanmoins, le Comité note avec préoccupation que les féminicides, y compris de filles, ont augmenté entre 2020 et 2021 et regrette que l’article 9 de la loi générale no 779 de 2012 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes portant réforme de la loi no 641 sur le Code pénal, aux termes duquel seul le meurtre d’une femme au sein du couple est considéré comme un féminicide, n’ait pas été abrogé. Il regrette également l’introduction de la médiation entre la victime et son agresseur, ce qui accroît le risque d’impunité et expose les victimes à de nouvelles violences et à des représailles. Le Comité prend également note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles 62 % des 69 605 affaires pénales de violence à l’égard des femmes recensées entre 2014 et 2018 ont abouti. Au cours de cette période, 65 jugements ont été prononcés dans des affaires de féminicide, mais le Comité regrette de ne pas disposer d’informations complètes sur l’issue de ces affaires pénales, de données statistiques ventilées actualisées sur toutes les formes de violence de genre et de renseignements sur les décisions rendues, y compris les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité et les peines prononcées, et les mesures de réparation accordées aux victimes (art. 2, 14 et 16).

26. L’État partie devrait  :

a) Faire en sorte que tous les cas de violence fondée sur le genre, en particulier lorsqu’ils font apparaître des actes ou des omissions de la part des pouvoirs publics qui engagent la responsabilité internationale de l’État partie au regard de la Convention, donnent lieu à une enquête approfondie, que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale  ;

b) Fournir aux femmes victimes de violence des services de protection et d’assistance, en veillant à ce que les prestataires de ces services soient dotés de l’infrastructure, des équipements, du personnel spécialisé et du budget nécessaires à cette fin  ;

c) Renforcer la formation obligatoire sur la violence de genre dispensée aux policiers, aux procureurs et aux autorités judiciaires, les campagnes de sensibilisation menées auprès du grand public et les autres mesures de prévention ainsi que leur évaluation  ;

d) Tenir à jour des données statistiques ventilées par âge, origine ethnique ou nationalité des victimes, concernant les plaintes, enquêtes, poursuites, déclarations de culpabilité et peines auxquelles ont donné lieu des actes de violence fondée sur le genre.

Interruption volontaire de grossesse

27.Le Comité constate avec préoccupation que l’accès à l’interruption volontaire de grossesse fait l’objet, en particulier en ce qui concerne les victimes de violences sexuelles, notamment les filles, de restrictions énoncées dans la législation pénale de l’État partie, qui ne prévoit aucune exception, même pour des raisons thérapeutiques. Il s’inquiète de ce que ces restrictions non seulement poussent les femmes à recourir à des avortements clandestins qui mettent leur vie et leur santé en danger, mais exposent également celles-ci et leurs médecins à des sanctions pénales (art. 2 et 16).

28. L’État partie devrait réviser son Code pénal afin de dépénaliser l’interruption volontaire de grossesse lorsque le fait de mener une grossesse à terme serait une source de souffrance considérable pour la femme, ou lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, ou lorsque le fœtus n’est pas viable. L’État partie devrait également veiller à ce que ni les patientes qui recourent à l’avortement ni leurs médecins ne s’exposent à des sanctions pénales, et garantir aux femmes l’accès à des soins postavortement, que l’avortement pratiqué ait été légal ou illégal.

Violence à l’égard des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine

29.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des membres de peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine sont victimes d’agressions ayant, dans certains cas, entraîné la mort, et par la réticence des autorités à enquêter sur ces faits. Il est tout aussi préoccupé par les informations concernant les tentatives menées pour incriminer ces groupes et par la stigmatisation des organisations de défense qui s’emploient à protéger leurs droits, ainsi que par l’absence d’informations sur l’avancement des enquêtes relatives aux plaintes déposées auprès de la police (art. 2, 12 à 14 et 16).

30.L’État partie devrait veiller à ce que les plaintes pour agression violente de membres de peuples autochtones ou de personnes d’ascendance africaine fassent l’objet d’une enquête. Il convient également de protéger leur intégrité physique et de faire en sorte que les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les organisations qui défendent leurs droits soient protégées contre les menaces et les actes d’intimidation et qu’ils puissent jouir de la liberté nécessaire pour mener à bien leurs activités. L’État partie devrait également accorder aux victimes des mesures de réparation, notamment des mesures d’indemnisation et de réadaptation.

Réparation, notamment sous forme d’une indemnisation et de moyens de réadaptation

31.S’il prend note de l’adoption de la loi no 994 de 2019, qui porte mise en œuvre du Plan de prise en charge intégrale des victimes, le Comité constate avec préoccupation que cette loi ne garantit pas le droit à une réparation intégrale conformément à l’article 14 de la Convention, et ne prévoit aucune mesure garantissant le droit des victimes et de leur famille d’accéder à la justice. Vu l’article 81 du Code de procédure pénale, qui subordonne l’ouverture d’une procédure civile pour actes de torture à l’existence d’un jugement de condamnation définitif, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas modifié sa législation afin de permettre aux victimes de torture de demander réparation au civil sans qu’il ne doive y avoir une condamnation pénale définitive (art. 14).

32. L’État partie devrait prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour que les victimes de torture et de mauvais traitements disposent de recours utiles leur permettant d’accéder à la justice et d’obtenir réparation, y compris lorsque l’auteur de l’infraction n’a pas été identifié, conformément à l’ article 14 de la Convention et compte tenu de l’observation générale n o  3 (2012) du Comité.

Procédure de suivi

33. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir le 29 juillet 2023 au plus tard des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant les garanties juridiques fondamentales, les conditions de détention, l’incrimination des manifestations et les actes de répression (voir par. 10 a) et c), 14 a) et 24 a)). L’État partie est aussi invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre, d’ici la soumission de son prochain rapport, pour appliquer tout ou partie des autres recommandations figurant dans les présentes observations finales.

Autres questions

34. Le Comité encourage l’État partie à étudier la possibilité de faire la déclaration prévue à l’ article 22 de la Convention par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction.

35. Le Comité invite l’État partie à accorder l’accès à son territoire au HCDH, à d’autres organisations internationales et aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, en particulier à la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui ont demandé à effectuer une visite officielle.

36. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité de ses activités de diffusion.

37.Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, le 29 juillet 2026 au plus tard. À cette fin, il invite l’État partie à accepter d’ici au 29 juillet 2024 la procédure simplifiée d’établissement des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité communique à l’État partie une liste de points avant que celui-ci ne soumette le rapport attendu. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le troisième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’ article 19 de la Convention.