NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.18772 septembre 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1877e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 29 juillet 2008, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques de l’Équateur (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques de l’Équateur (CERD/C/ECU/19; liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance, en espagnol seulement); HRI/CORE/1/Add.7)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation équatorienne re prend place à la table du Comité .

2.M. HOLGUÍN (Équateur) dit que la délégation équatorienne ne comprend certes pas de représentants d’organisations non gouvernementales, mais qu’elle compte un anthropologue, M. Chala, parmi ses membres. Ainsi, les questions soulevées par le Comité seront traitées par la délégation sous divers angles, ce qui devrait contribuer à enrichir le dialogue.

3.L’Équateur a participé activement à l’élaboration du projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui a été adopté par le Conseil des droits de l’homme lors de sa huitième session, par sa résolution 8/2 (A/HRC/RES/8/2). Le Gouvernement équatorien espère vivement que ce nouvel instrument sera adopté par l’Assemblée générale. Enfin, M. Holguín indique que la délégation équatorienne répondra aux questions que les membres du Comité lui ont posées la veille en les regroupant par thème.

4.MmeMELO (Équateur) précise tout d’abord que le rapport à l’examen a été élaboré en consultation avec des acteurs et des organisations de la société civile. En ce qui concerne la contradiction entre le contenu du paragraphe 20 et celui des paragraphes 35 et 36, elle indique que les autorités équatoriennes enverront ultérieurement au Comité une réponse écrite à ce sujet. En réponse aux questions posées sur l’incorporation de la Convention dans la nouvelle Constitution, Mme Melo rappelle que les dispositions de cet instrument ont déjà été intégrées dans la Constitution de 1998, qui est actuellement en vigueur. L’article 17 de ce texte fondamental garantit à tous les individus sans distinction la jouissance des droits de l’homme consacrés par la Constitution et les instruments internationaux auxquels l’Équateur est partie. L’article 163 prévoit quant à lui que les normes contenues dans les traités et conventions publiés au Journal officiel font partie de l’ordre juridique interne et l’emportent sur les lois et les autres normes de rang inférieur.

5.Pour ce qui est de la plainte déposée à la suite de l’arrestation pour «attitude suspecte» de 23 Afro-Équatoriens qui se trouvaient dans un parc public, Mme Melo indique que le Gouvernement a présenté des excuses publiques aux intéressés ainsi qu’à l’ensemble de la communauté afro-équatorienne et que des poursuites ont été lancées en vue de sanctionner les responsables, étant donné que cette arrestation constitue une violation du paragraphe  3 de l’article 23 de la Constitution, lequel interdit la discrimination sous toutes ses formes.

6.M.CHALA (Équateur), répondant à la question relative à l’utilisation de l’expression «peuples noirs» dans le rapport périodique, explique que le vocabulaire employé pour désigner la communauté afro-équatorienne a évolué avec le temps, grâce à la réflexion engagée par certains membres de ce groupe de population. Il y a environ un siècle, le terme utilisé le plus couramment, même par les intéressés pour désigner les Équatoriens d’ascendance africaine, était «morenos» («bruns»). Par la suite, ce terme, jugé peu adéquat, a été remplacé par «negros» (noirs), les Afro-Équatoriens souhaitant se réapproprier ce terme en le débarrassant de ses connotations négatives liées à la traite des esclaves et le transformer en une notion positive. C’est ainsi que, sous la pression de la société civile afro-équatorienne, l’expression «peuples noirs» a été inscrite dans la Constitution de 1998. Toutefois, la réflexion ayant encore évolué depuis, les communautés concernées ont demandé que, dans le projet de nouvelle constitution qui doit être adopté prochainement, l’expression «peuples noirs» soit remplacée par «Afro-Équatoriens».

7.Mme MELO (Équateur), répondant aux questions relatives aux retombées des projets d’exploitation des ressources naturelles sur les communautés autochtones et noires rappelle que le paragraphe 5 de l’article 84 de la Constitution prévoit que ces populations ont le droit d’être consultées sur les projets de prospection et d’exploitation des ressources non renouvelables situées sur leurs terres qui peuvent les affecter, de recevoir dans la mesure du possible une part des bénéfices que ces projets génèrent et d’être indemnisées pour les dommages causés par ces projets sur le plan social et écologique. S’agissant du conflit lié à l’exécution du projet d’exploitation minière du bloc 23, situé dans la province de Pastaza, où vit la communauté sarayacu, Mme Melo rappelle que, comme il est indiqué dans le rapport (par. 60), l’État a appliqué les mesures conservatoires prescrites par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, notamment en menant une enquête sur les faits allégués par la communauté sarayacu et en garantissant le droit à la libre circulation des membres de cette communauté sur le site d’exploitation.

8.M.CHALA (Équateur) indique, à propos des problèmes qui se sont posés lors du recensement de 2001, qu’en prévision du recensement de 2011, des représentants des communautés autochtones et afro-équatoriennes ont créé conjointement une commission qui a été chargée de lancer une campagne de sensibilisation dans les médias, au sein des organes de l’État et à l’échelon des collectivités, afin d’encourager les membres des minorités à déterminer eux-mêmes le groupe autochtone ou racial auquel ils considèrent appartenir. Des ateliers ont été organisés en collaboration avec des membres de la société civile dans les régions afin d’expliquer pourquoi il importait de définir soi-même son identité en tant que membre d’un groupe ethnique ou racial. En outre, il est prévu de former des personnes qui se rendront dans les régions les plus reculées du pays afin d’atteindre les communautés qui n’ont pas été recensées en 2001 en raison de l’éloignement géographique.

9.Mme MELO (Équateur), répondant à la question relative à la compatibilité entre le système de justice autochtone et les tribunaux ordinaires, rappelle que l’article 191 de la Constitution reconnaît aux autorités des peuples autochtones le droit de rendre la justice selon leurs propres normes et procédures de règlement des conflits internes, à condition que ces dernières ne soient pas contraires à la Constitution et aux lois nationales. En outre, lorsque les organes législatifs nationaux reprendront leurs activités ils seront saisis d’un projet de loi tendant à réunir les normes essentielles régissant ces deux régimes juridiques et à harmoniser le fonctionnement des tribunaux autochtones et des tribunaux ordinaires.

10.Mme Melo dit que le Gouvernement équatorien répondra ultérieurement par écrit aux nombreuses questions qui ont été posées par les membres du Comité sur la situation de la minorité rom (voir par. 121 à 126 du rapport). Elle ajoute qu’aucune étude n’a encore été réalisée ni sur les «féminicides» en Équateur ni sur les violences commises au sein de la famille, qui touchent en particulier les femmes et les filles autochtones. Elle signale toutefois que les femmes autochtones ont accès au crédit et au microcrédit, le Gouvernement ayant créé des formes de crédit dites de solidarité et de développement humain, qui atteignent 600 et 350 dollars des États‑Unis respectivement, et sont destinées notamment aux femmes chefs de famille.

11.Pour faire comprendre la distinction établie entre la notion de nationalité, de peuple et de communauté autochtone, on se reportera aux paragraphes 105 à 107 du rapport. S’agissant de la préoccupation exprimée au sujet du paragraphe 135 du rapport, dans lequel il est indiqué que des ministres autochtones n’ont exercé leurs fonctions que pendant six mois, la déléguée souligne que, l’Équateur ayant un régime présidentiel, la mobilité des ministres n’a rien d’étonnant et n’est nullement liée à leur appartenance à un groupe ethnique, culturel ou racial.

12.Des explications ayant été demandées sur la notion de «buen vivir» («vivre bien»), Mme Melo indique que cette expression a pratiquement le même sens que la notion de développement durable et qu’il est prévu de la faire figurer dans le projet de nouvelle constitution.

13.En ce qui concerne les questions linguistiques, Mme Melo indique que la Constitution en vigueur dispose que la langue officielle de l’Équateur est l’espagnol, lequel est notamment utilisé dans le cadre de l’administration de la justice. Toutefois, la Direction nationale de l’éducation interculturelle bilingue s’emploie à favoriser le développement des langues et des cultures autochtones dans le pays et à promouvoir l’enseignement de ces langues ainsi que de l’espagnol comme deuxième langue, et à renforcer l’identité culturelle des peuples autochtones, le but étant de construire une société multiculturelle et multilingue. C’est dans ce but que 500 000 manuels scolaires sont distribués chaque année dans tout le pays afin d’assurer l’enseignement des langues autochtones.

14.M. CHALA (Équateur) dit que les minorités autochtones ne constituent nullement un groupe homogène et qu’on peut les distinguer les uns des autres à l’aide de toute une série de critères, en accordant une attention particulière à la façon dont ils se définissent eux-mêmes et à leur vision particulière du monde. Ces signes distinctifs sont notamment la langue, le lieu de vie traditionnel, les méthodes d’agriculture et de pêche, les vêtements, les rites religieux et la cuisine.

15.Mme MELO (Équateur) dit que plusieurs manuels sur les droits de l’homme ont été publiés en Équateur, dont la Charte andine pour la promotion et la protection des droits de l’homme, qui a été traduite en espagnol, en quichua et en shuar.

16.Pour ce qui est de la représentation des minorités dans les organes de l’État, 812 Afro‑Équatoriens travaillaient dans les organes exécutifs ou législatifs ou occupaient de hautes fonctions dans l’administration publique au moment de l’élaboration du rapport.

17.En ce qui concerne les mesures correctives, Mme Melo indique que la Constitution en vigueur ne prévoit pas expressément de telles mesures, mais que la nouvelle constitution envisagée y remédiera prochainement. Toutefois, on trouve déjà des mesures correctives dans certains textes législatifs internes tels que la loi sur les droits collectifs du peuple afro‑équatorien.

18.Mme Melo dit que la délégation n’a pas de commentaire à faire sur l’observation formulée sur la question 11 de la liste des points à traiter, qui a trait aux effets pernicieux de la fumigation des cultures le long de la frontière nord de l’Équateur, étant donné que cette question a été posée par le Comité lui-même. Pour de plus amples précisions sur les droits collectifs des autochtones, elle invite le Comité à se reporter à l’article 84 de la Constitution en vigueur.

19.Mme Melo dit que le recensement de la population de 2001 contenait une question relative à l’appartenance ethnique et faisait une distinction entre Noirs, mulâtres, autochtones, Métis, Blancs et autres. Selon ce recensement, la population métisse comptait 9 411 890 personnes sur un total de 12 156 608 habitants.

20.Le rapport indique les mesures prises par le Gouvernement équatorien pour dispenser des cours de formation sur les droits de l’homme au personnel de la police nationale, conformément aux engagements volontaires pris par l’Équateur lors de son Examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme.

21.En ce qui concerne la question relative à l’autodétermination, la déléguée précise que l’article 83 de la Constitution traite de l’autodéfinition des membres des nationalités ancestrales faisant partie de l’État équatorien uni et indivisible.

22.Comme l’indique le rapport (par. 136), Mme Melo confirme que deux citoyens d’ascendance africaine ont été ambassadeurs de l’Équateur, auprès de la République du Venezuela et à la Mission permanente de l’Équateur auprès de l’UNESCO.

23.Au sujet de la préoccupation manifestée par un membre du Comité concernant le fait que le rapport présente des chiffres mais pas d’indicateurs de la discrimination, Mme Melo confirme cette observation et précise que l’Équateur dispose d’indicateurs qui n’ont malheureusement pas été inclus dans le rapport.

24.En ce qui concerne une question relative aux droits des migrants, la déléguée déclare que l’Équateur reconnaît tous les droits fondamentaux de ces derniers en raison de leur condition d’êtres humains.

25.M. LINDGREN ALVES relève une formulation inexacte dans le paragraphe 136 du rapport, selon laquelle «la population afro‑équatorienne [disposerait] de deux représentations au niveau international», au Venezuela et auprès de l’UNESCO. L’Équateur a effectivement deux représentants diplomatiques, qui sont des Équatoriens d’ascendance africaine, mais qui représentent l’État équatorien dans son ensemble, pas leur communauté.

26.M. MURILLO MARTINEZ se félicite que le Gouvernement équatorien dispose de chiffres aussi précis concernant le nombre d’Équatoriens d’ascendance africaine employés dans le secteur public. Cela constitue un exemple pour les autres pays de la région. Toutefois, il serait utile de ventiler ces chiffres en fonction du niveau des responsabilités qu’ils exercent.

27.En ce qui concerne le recensement de 2001 et l’utilisation éventuelle d’une seule notion d’appartenance ethnique, «Équatorien d’ascendance africaine», il cite l’exemple de la Colombie, où la population d’ascendance africaine a été recensée plusieurs fois et où les chiffres ont fortement varié selon la méthode de recensement adoptée, l’utilisation de différentes notions, telles que Afro‑Colombiens, Noirs, ascendance africaine, etc., ayant eu d’importantes répercussions sur les résultats. Il pourrait donc être utile, lors du prochain recensement, de demander aux personnes interrogées de définir elles-mêmes leur appartenance ethnique.

28.M. CALI TZAY (rapporteur pour l’Équateur) notant que l’Équateur a engagé un processus de révision des manuels scolaires, demande si outre la traduction des manuels actuels en langues autochtones, il est également prévu de réviser le contenu des manuels de manière approfondie. Il estime qu’une telle révision serait utile et contribuerait au processus de décolonisation interne.

29.En tant que citoyen du Guatemala et en tant qu’autochtone, M. Cali Tzay s’inscrit en faux contre l’idée énoncée dans le rapport selon laquelle la langue espagnole serait le vecteur de l’interculturalité, car cela constitue à ses yeux une forme d’inégalité. En effet, selon cette logique, les hispanophones peuvent «rester uniculturels» tandis que les autres groupes de la population devraient être «biculturels». Il s’agit donc d’une interculturalité à sens unique. En outre, cela revient à imposer la culture hispanophone à une partie de la population. Il souhaite connaître l’avis de la délégation équatorienne à ce sujet.

30.M. Cali Tzay souhaite savoir comment s’expliquent les disparités constatées entre les résultats du programme de renforcement des services techniques et administratifs destinés aux Afro‑Équatoriens et ceux du programme équivalent destinés aux groupes autochtones. Il souhaite savoir quelles ont été les conséquences positives de ce programme pour les autochtones.

31.M. de GOUTTES souhaite obtenir de plus amples informations sur les droits relatifs à la nature découlant du concept de mère nature «Pachamama», qui a été décrit comme l’expression d’une «cosmovision» indigène ancestrale sur les relations entre la nature et l’être humain.

32.L’expert demande à la délégation de fournir quelques exemples de peines ou de sanctions traditionnellement infligées au sein des communautés autochtones, en vertu du système judiciaire autochtone, qui ne seraient pas compatibles avec le respect de l’intégrité physique des contrevenants et avec les principes constitutionnels touchant les droits de l’homme.

33.En ce qui concerne la terminologie, M. de Gouttes relève dans les paragraphes 101 à 110 du rapport de l’Équateur une distinction entre trois catégories de population: les nationalités autochtones, les peuples autochtones et les communautés autochtones. Il demande s’il existe véritablement une distinction précise entre ces trois expressions et souhaite avoir des précisions sur ce point.

34.M. AVTONOMOV ne comprend pas bien la distinction faite dans le rapport entre les expressions «nationalité autochtone» et «peuple autochtone». Il souhaite savoir quelle est la différence sur les plans légal et politique entre ces expressions.

35.M. AMIR demande quel est le statut juridique des Roms dans l’ordre juridique interne de l’Équateur. Il souhaite savoir si certains d’entre eux ont la citoyenneté équatorienne et si d’autres viennent de pays voisins et ont donc des nationalités différentes. Sachant que même s’ils forment un peuple transnational ils sont citoyens d’un pays, il aimerait connaître la nature de leurs documents de voyage. Par ailleurs il souhaite savoir si les Roms équatoriens jouissent de tous les droits consacrés par le droit interne de l’Équateur.

36.M. THORNBERRY rappelle que le critère d’auto‑identification occupe une place importante dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment dans la Convention no 169 de l’OIT, à laquelle l’Équateur est partie, et dans la recommandation générale no VIII du Comité. Il souligne que l’ingérence dans la déclaration d’auto‑identification pourrait soulever des problèmes touchant les droits de l’homme, et même donner lieu à des violations de ces droits. Par ailleurs, l’auto‑identification est influencée par le climat politique et social qui prévaut dans le pays. Un taux d’auto-identifications élevé peut suggérer que le groupe concerné bénéficie d’une grande liberté et ne craint pas d’éventuelles discriminations.

37.M. Thornberry dit que quiconque peut revendiquer une double identité, se dire à la fois rom et équatorien par exemple, en particulier dans le cas de l’Équateur qui se décrit comme un pays multiethnique.

38.Enfin, M. Thornberry souhaiterait savoir quels sont les «droits collectifs» auxquels la délégation a fait référence, et si ces droits sont inhérents aux différents groupes de population, aux peuples autochtones notamment.

39.M. EWOMSAN dit que la discrimination entraîne souvent un repli identitaire et que la culture nationale devrait être perçue comme étant la somme des différentes cultures coexistant dans le pays. Pour lutter contre la discrimination, l’État doit donc veiller à instaurer un dialogue interculturel et à ce qu’aucune culture ne prenne le pas sur les autres.

La séance est suspendue à 1 1  h  15; elle est reprise à 11 h 35.

40.Mme MELO (Équateur) dit que sa délégation ne dispose pas encore de données actualisées sur la population d’ascendance africaine, et qu’un des moyens de recenser l’ascendance des Afro‑Équatoriens consiste à demander aux différents groupes de population autochtone comment ils se perçoivent eux‑mêmes, comme l’a suggéré M. Murillo Martinez.

41.M. CHALA (Équateur) dit que son pays pourrait s’inspirer du modèle colombien qui consiste à demander aux personnes concernées de déclarer le cas échéant leur appartenance à un groupe autochtone. Quoi qu’il en soit, il est important que le Gouvernement connaisse le nombre exact d’autochtones pour pouvoir élaborer des politiques publiques en leur faveur. Le recensement prévu en 2011 devrait permettre d’obtenir des statistiques plus précises sur ce point.

42.En matière d’éducation, la politique en faveur du bilinguisme ne consiste pas seulement à traduire en quechua les manuels scolaires élaborés en espagnol. Les livres de classe destinés aux élèves de langue quechua doivent en effet refléter la richesse culturelle et linguistique de ce peuple, ainsi que sa vision du monde et ses connaissances propres ou encore sa sagesse ancestrale. Toutefois, il importe d’instaurer un dialogue interculturel entre les communautés linguistiques. Le quechua est d’ailleurs enseigné à l’université pour faire connaître au plus grand nombre la richesse culturelle des Quechua et enseigner leur mode de pensée, élément fondamental pour créer une société réellement multiculturelle.

43.Le projet de développement pour les peuples autochtones et noirs (PRODEPINE) n’a pas fait l’objet d’une évaluation formelle, mais les mesures concrètes qui ont été prises en faveur de ces peuples et communautés au cours des années 90 leur ont permis de participer plus activement à l’élaboration des politiques nationales.

44.La Pachamama, qui désigne la «Terre‑Mère» en langue quechua, est très importante pour les peuples et nationalités autochtones. Mère nature nourricière, elle est considérée comme un être vivant avec lequel les autochtones veillent à entretenir des relations harmonieuses et à qui il convient de faire des dons et offrandes pour s’en attirer les bonnes grâces, à l’occasion de la Fête du soleil (Fiesta del Sol), célébrée le jour du solstice d’été, par exemple. Les autochtones tirent leurs moyens de subsistance de la Pachamama, sans jamais excéder ce dont leur communauté a besoin, et bien sûr, sans jamais accumuler les richesses qu’elle recèle.

45.Mme MELO (Équateur) dit que le projet d’harmonisation du droit autochtone et du droit commun est en cours, précisant que ce projet a pour vocation de mieux protéger l’intégrité physique et les droits fondamentaux de la personne.

46.Concernant la différence entre les termes «nationalités», «peuples» et «communautés» autochtones, Mme Melo invite les membres du Comité à se référer aux paragraphes 105 à 107 du rapport à l’examen, et souligne que ces définitions sont celles qu’a retenues le Conseil de développement des nationalités et des peuples de l’Équateur.

47.M. HOLGUÍN (Équateur) dit qu’il n’y a pas d’apatrides en Équateur. Les Roms sont des citoyens équatoriens qui jouissent des mêmes droits que leurs concitoyens, à savoir le droit de disposer d’un document de voyage, de circuler et de s’exprimer librement ou encore le droit à la propriété. Ils ne font pas l’objet d’exclusion. Un Rom titulaire d’un passeport colombien sera traité en Équateur comme tout autre ressortissant colombien, et bénéficiera des droits inhérents à son statut particulier dans le pays − le statut de réfugié ou de migrant par exemple. Son appartenance à la communauté rom n’influera nullement sur le traitement qui lui sera réservé en Équateur.

48.Mme MELO donne lecture, à l’intention de M. Thornberry, des 15 «droits collectifs» définis à l’article 84 de la Constitution de 1998. En vertu de cet article de la Loi fondamentale, les peuples autochtones ont donc les droits suivants: 1) maintenir, développer et renforcer leur identité et leurs traditions spirituelles, culturelles, linguistiques, sociales, politiques et économiques; 2) conserver la propriété imprescriptible des terres communautaires, qui seront inaliénables, insaisissables et indivisibles; 3) conserver la possession ancestrale des terres communautaires; 4) participer à l’usage, l’usufruit, l’administration et la conservation des ressources naturelles renouvelables qui se trouvent sur leurs terres; 5) être consultés sur les plans et les programmes de prospection et d’exploitation des ressources non renouvelables qui se trouvent sur leurs terres et qui peuvent affecter l’environnement ou la culture; prendre part aux bénéfices que ces projets rapportent, dès qu’il est possible, et recevoir des indemnisations pour les préjudices socioenvironnementaux qu’ils leur causent; 6) conserver et promouvoir des pratiques d’utilisation de la biodiversité et de l’environnement naturel; 7) conserver et développer des formes traditionnelles de coexistence et d’organisation sociale notamment; 8) ne pas être déplacés de leurs terres; 9) avoir, entre autres, la propriété intellectuelle collective de leurs connaissances ancestrales; 10) maintenir, développer et administrer leur patrimoine culturel et historique; 11) accéder à une éducation de qualité et disposer d’un système d’éducation interculturelle bilingue; 12) avoir leurs systèmes, connaissances et pratiques de la médecine traditionnelle, y compris le droit à la protection des lieux rituels et sacrés, plantes, animaux, minéraux et écosystèmes d’intérêt vital du point de vue de cette médecine; 13) formuler des priorités dans le cadre de plans et de projets pour l’élaboration et l’amélioration de leurs conditions économiques et sociales; 14) siéger, au moyen de représentants, dans les organismes officiels; et 15) utiliser des symboles et des emblèmes qui les identifient.

49.M. AMIR juge préoccupant que la Constitution équatorienne en vigueur traite des droits du «peuple noir» car cela sous‑entend qu’une discrimination pourrait être exercée à l’encontre de personnes qui ne sont pas de race noire. Il rappelle à cet égard que le régime d’apartheid sud‑africain a instauré un régime de terreur contre les Sud‑Africains noirs fondé sur la définition péjorative donnée au terme de «Noir» par la minorité blanche.

50.M. CHALA (Équateur) dit qu’il est effectivement préoccupant que le terme de «peuple noir» soit et ait été utilisé avec une telle violence, notamment en Afrique du Sud, mais rappelle que ce sont les Noirs et les Afro‑Équatoriens qui ont choisi de se définir comme tels. Les catégories de personnes identifiées comme noires ou afro‑équatoriennes dans la Constitution de 1998 correspondaient à des identifications nationales différentes. Soulignant que l’important est la valeur accordée par un peuple aux différentes identités qui le caractérisent, le représentant précise que le projet de constitution qui sera soumis à référendum en septembre 2008 ne contiendra plus l’expression «peuple noir» mais celle de «peuple afro‑équatorien».

51.M. MURILLO MARTINEZ dit que la question de la désignation de certains groupes de personnes selon la couleur de leur peau ou leur race est un phénomène très important qui s’inscrit souvent dans un processus de construction politique qu’il convient de respecter et souligne que le Plan d’action de Durban a consacré la notion de personnes d’ascendance africaine. Il souligne qu’en Équateur comme dans d’autres pays d’Amérique latine, des éléments politiques sous‑tendent souvent le processus de construction identitaire. Il rappelle que le premier rapport périodique de la Colombie indiquait que la population totale colombienne comptait 0,4 % d’Afro‑Colombiens alors que le pays reconnaît aujourd’hui qu’ils représentent près de 30 % du total de la population. On voit donc bien que l’utilisation de telle ou telle appellation dans les questionnaires de recensement a des répercussions sur les données démographiques statistiques finales.

52.M. Murillo Martinez précise par ailleurs que certains termes relatifs à l’appartenance raciale, perçus négativement à un moment donné, peuvent être ensuite transformés positivement par les membres du groupe concerné. Le Brésil, par exemple, revendique le terme de «Noir» et certains groupes de population colombiens revendiquent leur origine africaine tandis que d’autres tiennent à ce qu’ils soient identifiés en tant que Noirs. Il convient donc de respecter le point de vue de chaque État en la matière et de tenir compte du fait que chacun s’inscrit dans un processus historique de construction identitaire. La négation de soi est peut‑être la blessure la plus profonde dont souffrent les humains.

53.M. THORNBERRY rappelle que le Comité a pour principe de respecter la manière dont les membres d’un groupe de population donné se définissent eux‑mêmes, attendu que cela relève du concept d’autodéfinition et d’autodétermination. Concernant les Roms par exemple, chaque fois qu’il a examiné le rapport périodique d’un État partie comptant une proportion importante de Roms, le Comité a voulu savoir s’ils se définissaient comme des membres de la communauté rom, et le cas échéant, comment ils sont désignés par les autorités du pays concerné. Le Comité a ainsi toujours recommandé aux États parties de respecter la volonté des Roms quant à leur appellation officielle.

54.M. Thornberry appuie le point de vue de M. Murillo Martinez selon lequel un terme péjoratif servant à désigner un groupe de population peut être inversé par celui‑ci afin de lui donner une signification beaucoup plus positive mais estime que ce qui est important, en l’espèce, c’est de savoir qui en décide, le groupe lui‑même ou une autorité qui lui est extérieure.

55.M. LINDGREN ALVES précise que le terme «Noir» n’est absolument pas péjoratif au Brésil et que le mouvement noir brésilien tient particulièrement à cette terminologie. S’inquiéter que l’Équateur compte des populations désignées comme noires reviendrait à exercer un préjugé racial à son encontre.

56.M. CALI TZAY (rapporteur pour l’Équateur) se félicite des réponses sincères et détaillées de la délégation équatorienne aux nombreuses questions des membres du Comité qui témoignent clairement de la volonté du pays de s’attaquer au problème de la discrimination raciale. Sur le plan juridique, il y a également lieu de se féliciter des nombreuses avancées réalisées par le pays, et notamment de la soumission à un référendum d’une nouvelle constitution dans les mois à venir. Rappelant que plusieurs membres du Comité se sont inquiétés du nombre important d’apatrides en Équateur, le rapporteur recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

57.M. HOLGUÍN (Équateur) remercie sincèrement les membres du Comité pour ces échanges enrichissants. Le dialogue extrêmement riche qui a eu lieu devrait aider les autorités équatoriennes à réfléchir aux différents aspects de la lutte contre la discrimination raciale, même si l’Équateur s’est engagé depuis de longues années dans la lutte pour l’égalité et l’équité et contre la discrimination raciale.

58.M. Holguín ajoute que le projet de nouvelle constitution qui sera soumis à un référendum le 28 septembre 2008 s’efforce d’éliminer les lacunes et les points faibles constatés en matière d’universalité des droits de l’homme depuis l’adoption de la Constitution de 1998. Il assure que le Gouvernement équatorien est disposé à adopter toutes les mesures qui s’imposent pour que tous les droits de l’homme soient respectés et protégés dans le pays.

59.La PRÉSIDENTE se félicite du dialogue franc, ouvert et constructif qui s’est instauré entre les membres du Comité et l’Équateur et espère qu’il se poursuivra régulièrement. Elle indique que le Comité a achevé l’examen contradictoire des dix‑septième à dix‑neuvième rapports périodiques de l’Équateur.

60. La délégation équatorienne se retire .

La séance est levée à 12 h 30.

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