NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.19512 septembre 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1951e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 14 août 2009, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième à dix-huitième rapports périodiques du Chili (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre de jour) (suite)

Quinzième à dix‑huitième rapports périodiques du Chili (CERD/C/CHL/15-18); réponses écrites à la liste des points à traiter (document sans cote distribué en séance, en espagnol seulement) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation chilienne reprend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité qui n’en ont pas eu le temps à poser leurs questions à la délégation chilienne.

3.M. KEMAL fait observer que les ressources financières importantes tirées de la croissance économique soutenue enregistrée par le Chili au cours des dernières années devraient notamment servir à réparer les injustices commises par le passé à l’encontre des peuples autochtones. Ces derniers ont un droit inhérent à la terre qui, s’il est reconnu par le Chili, n’est pas expressément codifié dans la loi. Par ailleurs, il demande quand l’État partie prévoit d’adopter une loi antidiscriminatoire visant à prévenir et à réprimer la discrimination raciale et de créer une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris.

4.M. EWOMSAN se félicite des mesures concrètes adoptées par le Chili en vue d’améliorer les conditions de vie matérielles des autochtones. Cela étant, il fait observer que les peuples autochtones ont le désir d’être officiellement reconnus sur les plans civil et politique. Il demande à cet égard s’il existe un espace de dialogue dans lequel les autorités traditionnelles et les autorités gouvernementales peuvent débattre des revendications et des doléances des peuples autochtones. Dans le même ordre d’idées, il demande, par exemple, si la délégation chilienne compte un représentant des peuples autochtones.

5.M. DIACONU fait observer que la définition de la discrimination figurant au paragraphe 104 du rapport à l’examen n’est pas conforme à la définition de la discrimination raciale du Comité, qui est fondée sur l’égalité des droits. Il s’étonne également de lire dans le même paragraphe l’expression «discrimination arbitraire» sachant que toute discrimination est intrinsèquement arbitraire. Il note avec préoccupation qu’il n’existe aucune loi condamnant l’incitation à la haine et à la discrimination raciale conformément à l’article 4 de la Convention, et que la loi sur le terrorisme est appliquée pour réprimer les manifestations des peuples autochtones lorsque leurs droits ne sont pas respectés. Il souligne que si les peuples autochtones manifestent, c’est que leur droit à la terre n’est pas respecté. L’État partie devrait établir des mécanismes de consultation plus efficaces et éviter de recourir systématiquement à la répression. Selon les informations fournies par le Chili, l’absence de reconnaissance légale des peuples autochtones est surtout due à la réticence du Parlement. M. Diaconu demande si, comme cela s’est fait dans d’autres pays, le Gouvernement chilien ne pourrait engager sa responsabilité devant le Parlement sur un projet de loi visant à reconnaître officiellement les peuples autochtones. Enfin, il demande quels efforts faits le Chili pour assurer la représentation politique des peuples autochtones.

6.M. PETER note que le Chili a ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que le Protocole de 1967 s’y rapportant mais qu’il est le seul pays de la région à ne pas y avoir donné effet en élaborant une loi spécifique sur les réfugiés. Cette absence de loi fait que les réfugiés sont traités comme les autres migrants et ne bénéficient pas d’une protection liée à leur statut. Sachant que le Chili, grâce au rétablissement de la démocratie et à sa bonne santé économique attire toujours plus de réfugiés, par exemple de Colombie et d’autres pays d’Amérique latine, il demande si l’État partie envisage d’adopter une loi sur les réfugiés. En outre, il demande si le Chili prévoit de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Par ailleurs, il demande pourquoi le projet de loi portant création d’une institution nationale des droits de l’homme indépendante a été approuvé par le Sénat en 2007 mais rejeté par la Chambre des députés. Enfin, il voudrait savoir pourquoi le Gouvernement chilien n’a toujours pas accepté l’offre d’assistance du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme en vue de la création d’une telle institution.

7.M. OPAZO (Chili) dit que, le 7 avril 2009, le Sénat a approuvé l’idée de procéder à une révision de la Constitution en vue d’y reconnaître les peuples autochtones du Chili. Ce projet de reconnaissance constitutionnelle représente un grand pas en avant car il porte sur toute une série de questions traditionnellement mises de côté: la reconnaissance officielle du caractère multiculturel de la société chilienne, de la notion de peuples dans la Constitution, des droits collectifs et individuels des peuples autochtones s’agissant notamment de conserver, renforcer et développer leur identité, leur culture, leur langue, leurs institutions et leurs traditions et de participer à la vie économique, sociale, politique et culturelle du pays; la reconnaissance de leurs coutumes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la Convention et à la législation chiliennes, ainsi que l’obligation de protéger les droits à la terre et à l’eau des personnes et communautés autochtones. Depuis le 13 avril 2009, des consultations se tiennent à l’échelon national afin de recueillir les observations des organisations autochtones au sujet du projet approuvé par le Sénat avant de le soumettre au Congrès national. Au total, 121 ateliers ont été organisés, avec la participation de 3 392 personnes dont une grande majorité de représentants de communautés et d’organisations autochtones. Le Conseil de l’Office national de développement autochtone (CONADI) est aussi consulté sur le projet de révision.

8.M. DURAN (Chili) indique que les conclusions de la première consultation tenue par les conseils autochtones sur la reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones feront l’objet d’un rapport qui sera remis à la Commission sénatoriale sur la Constitution, la législation et la justice (CERD/C/CHL/15-18, par. 48).

9.M. MARIFIL (Chili) indique que les problèmes relatifs aux titres fonciers autochtones ne pourront être réglés que si les négociations sont exemptes de pressions et si un programme est élaboré pour envisager des solutions à long terme.

10.La loi relative aux autochtones (ibid., par. 114) est le principal instrument normatif qui établit les droits des peuples autochtones. La société chilienne, le Gouvernement et les peuples autochtones ont accompli des avancées considérables avec l’entrée en vigueur de cette loi, instrument qui a permis la création d’institutions publiques propres à cette partie de la population, ainsi que l’exécution de politiques en matière de restitution et de protection des terres et des eaux, de développement productif, d’affirmation culturelle et éducative. Le fait de restituer des terres aux communautés autochtones, ces terres étant à la base de leur culture et de leur développement, équivaut à reconnaître les titres légitimes de ceux qui en ont été privés, dans des circonstances très souvent douloureuses et abusives.

11.L’article 20 de la loi relative aux autochtones a institué divers mécanismes de récupération du patrimoine autochtone, dont un dispositif d’aide financière à l’acquisition de terres qui permet d’octroyer des subventions pour l’acquisition de terres supplémentaires aux familles et aux communautés disposant de surfaces trop insuffisantes pour y subsister.

12.L’article 20 institue également un mécanisme pour l’achat de terres faisant l’objet d’un litige, qui permet le financement de dispositifs destinés à régler des problèmes fonciers découlant de différends juridiques liés à tel ou tel fait historique ayant entraîné la perte illégitime de terres autochtones (usurpations, modification de clôtures, ventes frauduleuses, expropriations au cours du processus de contre-réforme agraire, etc.). L’article 20 de la loi suscitée prévoit aussi le transfert d’immeubles de l’État à des communautés autochtones, qui donne à l’Office national de développement autochtone (CONADI) (ibid., par. 7) la possibilité de recevoir de l’État des terres, des bâtiments, des biens fonciers et des droits sur l’eau, qu’il peut transférer aux communautés autochtones ou à des autochtones à titre individuel. Enfin, la loi a prévu des subventions pour l’assainissement et la régularisation de la situation des biens fonciers autochtones qui permettent d’assurer la sécurité juridique de celles qui n’en bénéficient pas et de consolider le patrimoine autochtone.

13.M. Marifil ajoute que l’application de l’article 20 de la loi relative aux autochtones a permis de régler différents types de problèmes fonciers, comme la différence entre les superficies initiales et la superficie actuelle des terres détenues par les communautés autochtones mapuche; la question des terres qui ont été transférées aux familles et aux communautés autochtones pendant la réforme agraire et ont ensuite été attribuées ou vendues par le régime militaire; le problème des terres perdues par des familles et communautés autochtones suite aux assignations ou cessions effectuées par l’État en raison de résolutions ou de transactions judiciaires ou extrajudiciaires; et, enfin, la question des terres occupées de longue date ou depuis une date récente par les peuples autochtones et les demandes d’extension des terres par de petits exploitants.

14.M. DURAN (Chili) explique que loi portant création de l’espace maritime côtier des peuples autochtones (ibid., par. 143) a été publiée au Journal officiel le 16 février 2008 et le décret d’application, le 26 mai 2009. Un projet de loi portant modification de la loi sur la pêche est en cours d’examen au Sénat mais ne modifiera en rien l’espace maritime côtier des peuples autochtones.

15.M. MUÑOZ (Chili) indique que les programmes de soins de santé interculturels (ibid., par. 125) ont commencé à être mis en œuvre en 1992. Au départ, ces programmes consistaient à mettre en place des médiateurs bilingues dans les zones autochtones. Depuis, des bureaux d’information et de revalorisation des pratiques de santé ancestrales ont été créés et du matériel didactique à forte connotation culturelle a été élaboré. Un programme de formation de professionnels biomédicaux a également été mené afin qu’ils exercent sur les terres où vivent neuf peuples autochtones reconnus par la loi. Ces programmes ont également permis d’organiser des ateliers de formation dans 25 services de santé.

16.Depuis que la Convention no 169 de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux a été ratifiée, de nouvelles stratégies élaborées par le Ministère de la santé visent, par exemple, à assurer la formation de 500 personnes, professionnels de santé et dirigeants autochtones, dans six régions du pays. En outre, les autorités ont procédé à une révision des normes relatives à l’innocuité des aliments afin d’harmoniser les pratiques culturelles autochtones en matière d’alimentation avec les stratégies de santé publique et de nutrition.

17.Le représentant chilien explique que de nombreuses études ont dû être menées afin de mieux comprendre les différences entre la population majoritaire et les peuples autochtones à l’égard de la santé et des maladies. Ces études ont révélé les lacunes importantes des peuples autochtones en matière de nutrition.

18.M. VASQUEZ (Chili) indique que la Constitution chilienne prévoit que l’enseignement est obligatoire et gratuit pour tous aux niveaux primaire et secondaire, sans distinction de race, de religion, de langue ou autre.

19.M. OPAZO (Chili) dit que la loi antiterroriste (ibid., par. 49) a été appliquée 16 fois entre 1999 et 2009, mais jamais dans des circonstances qui impliquaient les peuples autochtones. L’actuel Gouvernement chilien ne l’a invoquée que deux fois, dans le cadre d’infractions violentes ayant troublé l’ordre public.

20.M. VASQUEZ (Chili) dit que les autorités chiliennes sont absolument navrées du décès de Jaime Mendoza Collio, le 12 août 2009, au cours d’incidents violents qui ont opposé des manifestants aux forces de police. Le membre des carabiniers impliqué dans cet homicide est actuellement sous les verrous et sera jugé par la juridiction compétente. Cependant, il convient de rappeler que rien ne peut justifier la violence politique chronique qui sévit dans la région de l’Araucanía (ibid., par. 48) et que la seule voie de règlement pacifique des revendications historiques légitimes du peuple mapuche reste le dialogue.

21.S’agissant d’Aucán Huilcamán Paillama, M. Vasquez explique que cette personne est poursuivie pour voies de fait contre un des carabiniers. Le Procureur militaire saisi de l’affaire a autorisé la libération sous caution de l’intéressé. Ladite caution n’ayant pas été versée, l’intéressé n’a pas été autorisé à quitter le pays.

22.M. OPAZO (Chili) dit que plusieurs lois adoptées ces dernières années ont limité la compétence des juridictions militaires, et notamment exclu de la juridiction militaire le traitement des affaires de terrorisme lorsque l’auteur des faits incriminés appartenait aux forces armées ou au corps des carabiniers. Par la suite, la compétence de la justice militaire sera réduite et s’appliquera aux seuls militaires. Dans cette logique, le Gouvernement chilien a présenté en juin 2007 au Congrès un projet de loi qui modifie substantiellement le Code de justice militaire et limite la compétence des tribunaux militaires aux infractions militaires. Ce projet de loi est actuellement examiné par la Commission sénatoriale de la défense.

23.M. ZANZI (Chili) dit qu’on dénombre quelque 3 000 Chiliens d’ascendance africaine, auxquels s’ajoutent de nombreux immigrants originaires d’Afrique, qui, pour la plupart, vivent dans le nord du pays, à la frontière avec le Pérou. Un projet pilote reposant sur le principe de l’auto-identification volontaire est actuellement mis en œuvre en vue de recenser la population d’ascendance africaine. Le 1er août 2009 a été soumis à la Chambre des députés un projet de loi portant reconnaissance de l’ethnie d’ascendance africaine ainsi que du droit, pour ses membres, de conserver, développer et renforcer, leur identité, leurs institutions et leurs traditions culturelles.

24.Le projet de loi contre la discrimination est actuellement examiné par le Sénat. Il interdit aux agents de l’État au même titre qu’aux particuliers de pratiquer toute forme de distinction, d’exclusion, de restriction ou de préférence au motif de la race ou de l’origine ethnique, et de priver quiconque de ses droits constitutionnels ou d’autres droits qui lui sont reconnus dans la législation nationale ou des traités internationaux ratifiés par le Chili. Il prévoit en outre des circonstances aggravantes pour les délits motivés par une discrimination arbitraire et érige en infraction pénale l’incitation à la haine fondée sur la race, le sexe, la religion ou la nationalité. Les dispositions de ce projet de loi s’appliqueront en outre aux actes malveillants commis contre les autochtones en raison de leur origine et de leur culture. Le Gouvernement chilien a la ferme intention de faire adopter ce texte avant la fin de son mandat.

25.Tous les trois ans, le Chili mène une enquête sur la situation socioéconomique nationale, dite «enquête CASEN», qui permet depuis 1996 aux autochtones de déclarer leur appartenance à l’une des ethnies du pays. Le pourcentage de personnes ayant fait une telle déclaration est passé de 4,4 % en 1996 à 6,6 % en 2006, augmentation qui reflète l’image positive désormais attachée à la culture autochtone au Chili, dont les autochtones sont fiers de se prévaloir.

26.Entre 2000 et 2006, la population aymara est passée de quelque 60 000 à 82 000 membres environ, tandis que la population mapuche a connu la plus forte augmentation démographique, en termes absolus comme relatifs, passant de 576 000 à 925 000 membres. L’enquête CASEN a par ailleurs établi que la pauvreté avait fortement chuté à l’échelle du pays au cours des dix dernières années écoulées, et que c’était précisément au sein de la population autochtone que cette baisse était la plus marquée. En effet, l’écart de pauvreté entre la population générale et la population autochtone était de 10 % en 1996, et elle n’était que de 4,9 points en 2006.

27.MmeHERTZ (Chili) dit que deux projets de loi prévoient d’instaurer une institution chilienne de promotion et de protection des droits de l’homme indépendante et conforme aux normes et principes du droit international. Le premier projet, soumis au Congrès en 2005, a pour objet de créer un institut national autonome de droit public conforme aux Principes de Paris, essentiellement chargé de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux. Le 29 juillet 2009, la Chambre des députés a approuvé ce projet de loi à la condition que le Gouvernement s’engage à en présenter au Congrès une version améliorée sans tarder. Le Gouvernement chilien s’est notamment engagé à définir précisément le champ de compétence de l’Institut eu égard aux traités internationaux ratifiés par le Chili et aux principes généraux du droit international des droits de l’homme; à habiliter expressément l’Institut à faire rapport chaque année aux organes de l’ONU, de l’Organisation des États américains et autres organismes et organisations œuvrant dans le domaine des droits de l’homme et à saisir les tribunaux en cas de crime de génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité; à renforcer l’indépendance de l’Institut et à accepter dans son intégralité le Règlement adopté par le Conseil de ce dernier et, enfin à améliorer les prestations sociales dont bénéficient les personnes qui ont été victimes de violations des droits de l’homme sous la dictature.

28.Le deuxième projet de loi porte création de l’institution du Défenseur du peuple et prévoit de l’élever au rang d’organe constitutionnel. Cette institution aura pour objectif de protéger les personnes contre les actes ou omissions des organismes publics et des personnes morales de droit privé reconnues d’utilité publique. Ce dernier projet a beaucoup progressé au sein du Congrès.

29.M. PORTALES (Chili) rappelle, pour ce qui est de la situation du peuple aymara dans la région d’Arica et de Parinacota, à la frontière avec le Pérou et la Bolivie, que les frontières entre le Chili et le Pérou ont été fixées par le Traité de Lima de 1929, reconnu par les deux pays. Le Chili et le Pérou ont en outre défini leur frontière maritime en approuvant la Déclaration sur la zone maritime (la «Déclaration de Santiago»), le 18 août 1952, et l’Accord sur la zone frontalière spéciale maritime, à Lima, le 4 décembre 1954 (vu Circulaire d’information sur le droit de la mer, ONU NY, 2002). S’agissant de la frontière maritime, le Gouvernement péruvien a formé un recours devant la Cour internationale de Justice de La Haye chargée de régler le différend. Il n’y a pas meilleure garantie pour la population de la région, aymara ou autre, si ce n’est que le différend sera réglé pacifiquement et conformément au droit international.

30.Le Chili prépare actuellement une législation sur les migrations et les réfugiés, dont il applique déjà les principes: en effet, de nombreux Colombiens ont été accueillis en tant que réfugiés et 115 Palestiniens ont obtenu ce statut. Le Chili travaille en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Pour ce qui est de la question de l’apatridie, le Congrès examine la possibilité d’adopter les instruments internationaux pertinents.

31.M. AVTONOMOV, se référant aux paragraphes 110 et 111 du rapport à l’examen où il est dit que la jurisprudence en matière de rang des traités internationaux portant sur les droits de l’homme a oscillé entre leur reconnaître un rang légal ou leur attribuer un rang supérieur à la loi mais inférieur à la Constitution, voudrait savoir quelle est la place exacte de la Convention dans l’ordre juridique interne, et lequel l’emporterait en cas de conflit entre la Constitution et un instrument international relatif aux droits de l’homme.

32.Se demandant s’il existe une forme de «racisme environnemental» dans l’État partie, M. Avtonomov aimerait savoir si les communautés potentiellement touchées sont consultées à propos des grands projets d’aménagement du territoire, notamment hydroélectriques et thermoélectriques, et disposent de toutes les informations utiles − relatives notamment aux retombées environnementales de ces projets, comme la pollution des eaux − pour obtenir qu’elles donnent leur avis en connaissance de cause. Le Chili ayant ratifié la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, il lui appartient désormais de mettre tout en œuvre pour promouvoir l’intérêt commun, et notamment celui des populations autochtones. Un complément d’information à ce sujet serait le bienvenu.

33.M. MURILLO MARTINEZ dit que le Comité continuera de prêter attention à la question de l’application de la loi contre le terrorisme, dont il ne comprend pas clairement si elle est appliquée plus souvent ou non aux membres des populations autochtones qu’à ceux des autres groupes. Il salue ensuite l’existence du projet de loi portant reconnaissance de l’ethnie d’ascendance africaine malgré le petit nombre de personnes concernées.

34.M. Murillo Martinez voudrait savoir si l’agent de police responsable de la mort d’un membre de la communauté mapuche comparaîtra devant un tribunal civil ou militaire.

35.Enfin, M. Murillo Martinez souhaiterait connaître la place de la Convention no 169 de l’OIT dans le droit interne du Chili.

36.M. CALI TZAY demande quel pourcentage du prêt de 200 millions de dollars alloué par la Banque interaméricaine de développement va être transféré aux communautés autochtones et quels sont les divers projets mis en œuvre par le Gouvernement chilien pour combattre le «racisme environnemental», et notamment créer des systèmes d’évacuation des eaux usées sur les terres autochtones.

37.La délégation pourrait fournir des informations, le cas échéant, sur sa politique interculturelle et indiquer s’il est dispensé dans les écoles un enseignement en langue mapuche. Le Chili reconnaît-il la médecine autochtone et a-t-il élargi la pratique de cette médecine à l’ensemble de la population, comme cela est le cas dans d’autres pays?

38.M. PROSPER, faisant référence au décès d’un autochtone la veille, dit que ce n’est pas tant le type de juridiction − civile ou militaire − qui compte mais l’assurance que tous les droits de la défense seront respectés. Il souhaiterait savoir à cet égard quel est le niveau de formation juridique des juges des tribunaux militaires et s’il est équivalent à celui des juges du système de justice ordinaire.

39.M. de GOUTTES, relevant avec satisfaction qu’un projet de loi visant à lutter contre toutes les formes de discrimination raciale doit être promulgué prochainement dans l’État partie, formule l’espoir que des statistiques sur le nombre de poursuites ouvertes conformément à ce nouveau texte figureront dans le rapport périodique suivant. Il se félicite en outre d’apprendre que le Chili est disposé à améliorer sa législation contre le terrorisme et a prévu de prendre des mesures afin que les tribunaux militaires ne puissent plus avoir compétence pour juger des civils.

40.M. LAHIRI souhaiterait savoir s’il existe dans l’État partie un mécanisme permettant de sortir de l’impasse dans les cas où le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne parviennent pas à s’entendre sur un projet de loi pendant une période prolongée.

41.M. SICILIANOS, notant que, d’après des informations dont dispose le Comité, la grande majorité des personnes condamnées pour violation de la loi contre le terrorisme sont des autochtones, appelle l’attention de la délégation chilienne sur la Recommandation générale XXXI du Comité concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale (A/60/18). Par ailleurs, il relève avec satisfaction qu’un projet de loi portant création d’une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme et un projet de loi sur le Médiateur (Defensor del pueblo) ont été élaborés et espère que ces textes seront promulgués dans un avenir proche.

42.MmeHERTZ (Chili) dit à propos du rang de la Convention dans l’ordre juridique chilien que deux visions s’opposent dans le pays: d’après le Gouvernement chilien, les instruments internationaux auxquels le Chili est partie priment le droit interne, tandis que, selon le Tribunal constitutionnel, ces instruments se situent entre la législation interne et la Constitution. Le Gouvernement ne partage pas cette opinion, considérant que le Tribunal constitutionnel est uniquement habilité à statuer sur la constitutionnalité des lois et qu’il n’a nullement compétence pour se prononcer sur la hiérarchie des normes. La jurisprudence des juridictions internes montre d’ailleurs que les tribunaux qui ont eu à connaître d’affaires de violations graves des droits de l’homme commises par des agents de l’État à l’époque de la dictature militaire ont systématiquement considéré que le droit international des droits de l’homme l’emportait sur la législation interne et qu’ils ont directement invoqué les instruments internationaux pertinents dans leurs décisions. Suivant cette logique, la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux récemment adoptée par le Chili prime le droit interne.

43.La question pendante de la justice militaire est l’une des priorités du projet de réforme du système judiciaire. Le Gouvernement chilien entend faire tout son possible afin que les modifications nécessaires soient apportées au Code de justice militaire de façon à ce que les tribunaux militaires ne puissent plus juger des civils ni connaître d’affaires autres que militaires.

44.M. MUÑOZ (Chili) dit qu’en vertu des dispositions de la loi sur l’environnement, tous les projets d’investissement doivent faire l’objet d’une déclaration d’impact sur l’environnement ou − s’agissant des projets potentiellement dangereux − d’une étude d’impact sur l’environnement. Ce type d’étude doit être élaboré avec la participation des communautés concernées et comporter une analyse des particularités, notamment socioculturelles, de ces populations. Une fois l’étude d’impact réalisée, le projet d’investissement est examiné par la commission régionale de l’environnement compétente pour la zone concernée, puis par la Commission nationale de l’environnement. Toutes les parties prenantes, dont les communautés autochtones qui pourraient être affectées par le projet, peuvent former des recours contre le projet.

45.Pour ce qui est des griefs de l’organisation non gouvernementale «Red de acción para los derechos ambientales», M. Muñoz signale que, grâce à un prêt de 200 millions de dollars consenti au Gouvernement chilien par la Banque interaméricaine de développement, un projet quinquennal visant à mettre en place un système global de traitement et de gestion des déchets solides sera lancé dans l’ensemble du pays. En particulier, dans la région de l’Araucanie, il est prévu de mettre en place un système de gestion viable des déchets solides des ménages et de consulter les communautés locales de façon à ce que tous les projets de traitement des eaux usées fassent systématiquement l’objet d’études d’impact. Des précisions seront fournies ultérieurement au Comité sur le nombre d’usines de traitement des eaux usées implantées sur des terres autochtones.

46.Enfin, concernant la question de la santé interculturelle, M. Muñoz dit que l’objectif des programmes publics dans ce domaine est, dans un premier temps, d’obtenir que la médecine ordinaire reconnaisse l’efficacité des pratiques médicales autochtones et, dans un deuxième temps, de faire en sorte que les médecins travaillant dans les régions où vivent des autochtones puissent intégrer certaines méthodes curatives traditionnelles dans leur propre pratique.

47.MmeQUINTANA (Chili) est au regret d’informer le Comité que, tout récemment, un membre de la communauté mapuche a été tué lors d’affrontements avec les forces de l’ordre dans le sud du pays. La Présidente de la République, Michelle Bachelet, a présenté ses condoléances à la famille de la victime et dépêché une commission d’enquête ministérielle sur les lieux de cet incident. Le fonctionnaire de police présumé responsable de la mort de la victime a été arrêté et, conformément à la législation en vigueur, sera jugé par une juridiction militaire. La Présidente de la République et le Gouvernement chilien demeurent convaincus que le règlement des problèmes liés aux droits fonciers autochtones doit passer par le dialogue avec les communautés concernées. À cette fin et pour surmonter les difficultés qui subsistent en matière d’application de la Convention, le Chili tient à poursuivre sa collaboration avec le Comité et avec les organisations de la société civile.

48.M. AVTONOMOV (Rapporteur pour le Chili) note avec satisfaction que l’État partie a accompli des progrès notables dans la lutte contre la pauvreté, en particulier chez les minorités autochtones, et que l’écart entre la situation socioéconomique des autochtones et celle du reste de la population chilienne s’est réduit. Il note également avec satisfaction que des projets de loi tendant respectivement à combattre toutes les formes de discrimination raciale, à créer une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme et à instituer un médiateur sont en cours d’examen et se réjouit de la ratification de la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux et des progrès réalisés par le Gouvernement dans la reconnaissance des droits des personnes d’ascendance africaine et des autochtones. Enfin, il se félicite de ce que le Chili a renoué le dialogue avec le Comité ainsi que du caractère franc et ouvert des échanges que celui-ci a eus avec la délégation chilienne.

49.La PRÉSIDENTE, s’associant aux propos du Rapporteur, note que la délégation chilienne a répondu à presque toutes les questions du Comité et qu’elle s’est engagée à lui fournir ultérieurement des informations complémentaires sur celles auxquelles elle n’a pas pu répondre faute de temps. Par ailleurs, la Présidente rappelle que le Chili a été particulièrement actif lors de la Conférence d’examen de Durban et, en particulier, qu’il a plaidé ardemment la cause des droits des personnes d’ascendance africaine. Forte de cette constatation, elle prie la délégation chilienne de faire tout son possible pour que le Gouvernement chilien demande à l’Assemblée générale d’examiner la possibilité de proclamer une décennie des droits des personnes d’ascendance africaine. Le Comité fournira à l’État partie toute l’assistance dont il pourrait avoir besoin afin de concrétiser cette initiative qui lui tient fort à cœur.

50.MmeQUINTANA (Chili) dit que la délégation chilienne accepte la requête de la Présidente avec gratitude et qu’elle mettra tout en œuvre pour se montrer à la hauteur de la confiance que lui témoigne le Comité en lui confiant cette mission.

51.La délégation chilienne se retire.

La séance est levée à 13 heures.

-----