NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.19492 septembre 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1949e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 13 août 2009, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quatorzième rapport périodique de la Colombie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION(point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Quatorzième rapport périodique de la Colombie(CERD/C/COL/14;HRI/CORE/1/Add.56/Rev.1; réponses écrites à la liste des points à traiter, document sans cote distribué en séance, en espagnol seulement) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation colombienne reprend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité qui n’en ont pas eu le temps à faire part de leurs questions et observations à la délégation.

3.M. LAHIRI fait observer que la plupart des pays latino-américains ont, à des degrés divers, tendance à nier l’existence du racisme en se considérant comme des nations métisses qui auraient échappé dans leur histoire aux conflits et tensions d’origine raciale. Certains vont même jusqu’à considérer les manifestations visibles de discrimination comme le résultat de facteurs économiques ou sociaux plutôt que raciaux. Cette vision des choses complique dans une certaine mesure l’examen de la situation en Colombie. Cela étant, le Gouvernement colombien a fait un important pas en avant en reconnaissant dans son rapport que les communautés afro‑colombiennes et autochtones du pays étaient victimes de différentes formes de discrimination. La délégation a souligné que cette discrimination n’était ni autorisée par la loi ni délibérément voulue par l’État. Il n’en demeure pas moins que l’État a pour obligation de prendre des mesures pour corriger cette situation en tenant compte de la Convention.

4.La première des mesures à prendre serait de collecter systématiquement des données ventilées sur l’accès à l’éducation, à la santé, à la justice et au logement et d’évaluer les incidences de la discrimination raciale sur la situation socioéconomique des personnes touchées ainsi que l’impact des déplacements de population et des violences sur les différentes communautés. Ces données devraient ensuite être utilisées pour mettre sur pied des programmes d’actions positives en faveur de ces communautés ainsi que des mécanismes permettant d’évaluer régulièrement les résultats de tels programmes.

5.M. Lahiri espère que le Comité recommandera au Gouvernement colombien de reconnaître l’ampleur du problème de la discrimination raciale et d’assumer pleinement ses responsabilités et obligations légales en prenant les mesures voulues pour mesurer ce phénomène et le contrer. Il fait valoir qu’il serait utile à cet égard de fixer des objectifs assortis d’un calendrier de réalisation.

6.M. PETER souhaiterait des éclaircissements sur les tableaux et graphiques figurant aux paragraphes 268 et 269 du rapport, qui concernent la population carcérale. Notant que les Mestiz os n’y sont pas mentionnés, il demande comment ceux-ci ont été comptabilisés. En ce qui concerne les institutions pour la promotion et la protection des droits de l’homme, il souhaiterait savoir si le Gouvernement colombien envisage de créer une commission nationale des droits de l’homme indépendante et conforme aux Principes de Paris. Il lui semble en effet difficile que le Médiateur puisse à lui seul surveiller l’application de quelque 80 articles de la Constitution consacrés aux droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels.

7.M. AVTONOMOV s’étonne que la législation colombienne ne prévoie pas l’amparo, qui est pourtant une procédure répandue dans de nombreux pays d’Amérique latine. Il souhaiterait savoir s’il ya des raisons particulières à cela. En ce qui concerne les communautés afro‑colombiennes, et compte tenu des mesures prises par le Gouvernement colombien pour favoriser l’exercice des droits ethnico‑territoriaux de ces communautés, M. Avtonomov souhaiterait connaître le montant des crédits budgétaires alloués au financement des plans de développement en faveur de ces communautés, en particulier de celles d’entre elles qui ont été déplacées. Enfin, étant donné l’importance de la culture du maïs pour de nombreuses populations autochtones, il s’inquiète des conséquences d’une contamination génétique des semences de maïs, qui représente un risque réel. Il invite la délégation à donner son avis sur ce point.

8.M. AMIR demande des précisions sur l’Armée de libération nationale, son statut et son rôle. Notant que les données géographiques figurant dans les renseignements fournis au Comité ne situent pas les zones de forêts ou de maquis dans lesquelles opèrent les groupes armés illégaux, en particulier les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), il souhaiterait connaître la part du territoire national occupée par ces groupes armés. Il s’interroge en outre sur les conséquences de cette présence pour les populations locales, en particulier en termes de liberté de circulation, et sur le risque que ces populations soient indirectement administrées par les groupes armés qui opèrent sur leurs territoires.

9.M. GARZÓN (Colombie) reconnaît que, même si la discrimination est interdite par la Constitution, certaines pratiques discriminatoires subsistent, y compris du fait des agents de l’État. Les violences qui sévissent dans le pays depuis plus de quarante ans ne font qu’exacerber cette situation. Le Gouvernement, conscient du problème, fait tout son possible pour veiller au respect de la Constitution, des normes internationales relatives aux droits de l’homme et du droit international humanitaire par l’ensemble des institutions et agents de l’État. Il n’a de cesse de lutter, par des moyens législatifs et par la force, contre la guérilla, les réseaux de trafiquants de drogues, les groupes armés illégaux et les groupes paramilitaires, auxquels sont malheureusement liés certains membres de la police ou de l’armée. De nombreux agents de l’État ont été jugés et condamnés pour leur participation aux activités de ces groupes.

10.En tout état de cause, le Gouvernement colombien tient à insister sur le fait que l’existence de groupes armés illégaux opérant sur son territoire n’a jamais signifié un effondrement des institutions démocratiques. Tous les maires sont élus démocratiquement et tous administrent leurs circonscriptions. Les groupes armés n’exercent donc pas un contrôle territorial. En revanche, leur présence et les violences qu’elle entraîne affectent durement la population et font peser une menace sur la région. C’est pourquoi le Gouvernement, outre l’action qu’il mène au niveau national, attache beaucoup d’importance à la coopération avec les pays voisins.

11.La délégation colombienne accueille avec beaucoup d’intérêt les questions, observations et recommandations du Comité et voit dans cet échange l’occasion d’un dialogue ouvert et constructif. Elle se félicite en outre de la présence de nombreux représentants d’ONG et de la société civile colombienne, dont la contribution sera précieuse pour aller de l’avant.

12.MmeREY (Colombie) dit que la loi de 2005 sur la justice et la paix visait non seulement à faciliter la démobilisation des anciens membres des groupes d’autodéfense, mais aussi à rétablir le droit à la vérité, à la justice et à la réparation. Grâce à la loi, plus de 31 671 membres ont été démobilisés lorsque le programme a pris fin en 2006. La loi avait aussi pour objet de protéger les victimes et les témoins, d’établir expressément l’obligation pour les anciens membres des groupes d’autodéfense d’avouer tous les faits qu’ils avaient commis et de réparer les préjudices causés aux victimes. En ce qui concerne les activités d’indemnisation, 211 000 personnes ont soumis des demandes à la Commission de restitution des biens saisis par les groupes armés. Fin 2009, 10 000 familles ont été indemnisées pour un montant total de 100 millions de dollars. S’agissant de la situation de violence généralisée, comme l’a déjà fait observer le chef de la délégation, la Colombie lutte sans relâche contre tous les facteurs susceptibles d’alimenter la violence. Les énormes ressources tirées du trafic de stupéfiants servent en grande partie à financer les groupes armés, qui sont à l’origine de nombreux enlèvements d’enfants et d’autres violations flagrantes des droits de l’homme. Les autorités colombiennes attachent donc une importance prioritaire à la lutte contre le trafic de stupéfiants.

13.S’agissant du cadre juridique de protection des droits de l’homme, la Constitution énonce une vaste gamme de droits fondamentaux. La Constitution et la législation colombiennes prévoient des mécanismes de différentes natures qui permettent aux citoyens de saisir les autorités judiciaires et administratives pour faire respecter leurs droits. Il s’agit notamment de l’action de tutelle, plus souvent appelée recours en amparo, de l’action en exécution, des actions populaires, du droit de pétition et des actions en inconstitutionnalité. Pour ce qui est de l’action de tutelle, l’article 86 de la Constitution dispose que quiconque peut intenter une action de tutelle pour réclamer en justice, à tout moment et en tout lieu, au moyen d’une procédure en protection constitutionnelle, en personne ou en se faisant représenter, la protection immédiate de ses droits constitutionnels fondamentaux, quand ces derniers se trouvent atteints ou menacés par l’action ou l’omission de toute autorité publique. Cette procédure est très simple et brève. S’agissant des organes de promotion et de protection des droits de l’homme, Mme Rey dit qu’au niveau de l’exécutif, c’est le Vice-Président de la République qui s’occupe de la question des droits de l’homme et qui supervise la mise en œuvre du programme présidentiel de défense et de protection des droits de l’homme. Il existe également une commission intersectorielle des droits de l’homme, qui est chargée de coordonner toutes les politiques et mesures dans le domaine des droits de l’homme entre les différents ministères compétents. Pour ce qui est du judiciaire, outre la Cour constitutionnelle qui est chargée de veiller à l’intégrité et à la suprématie de la Constitution et, partant, au respect des droits de l’homme consacrés par la Loi fondamentale, il convient de distinguer entre le Bureau du Procureur général de la nation (Procuraduría de la Nación ) et le Bureau du Défenseur du peuple (Defensoría del Pueblo). Le Bureau du Procureur général de la nation a pour fonction de veiller à l’application de la Constitution, des lois et des actes administratifs, de protéger les droits de l’homme et de défendre les intérêts collectifs de la société, de surveiller le comportement, dans l’exercice de leurs fonctions, des personnes assumant des charges officielles, ainsi que de diligenter ces enquêtes et d’imposer des sanctions. Le Bureau du Procureur général garantit aussi le droit de tous les citoyens à une procédure régulière. Pour sa part, le Bureau du Défenseur du peuple veille à la promotion, à l’exercice, à l’enseignement et à la défense des droits fondamentaux. Il est présent sur tout le territoire du pays, au moyen notamment de défenseurs délégués qui traitent de problèmes spécifiques, de défenseurs régionaux présents dans les 32 départements du pays et de défenseurs communautaires qui s’occupent des questions liées aux peuples autochtones, aux Afro‑Colombiens et aux paysans.

14.MmeHERNANDEZ (Colombie) dit que le mécanisme d’alerte rapide mis en place par le Bureau du Défenseur du peuple a pour but de prévenir tout déplacement forcé dans les zones à risques. L’organe chargé des alertes rapides procède à des enquêtes et élabore des rapports sur les risques de déplacement forcé. En cas de risque imminent, il émet une alerte rapide et transmet toutes les informations pertinentes aux autorités locales qui analysent à leur tour la situation et prennent les mesures nécessaires. En ce qui concerne les zones démobilisées, l’État colombien a mis en place une politique de renforcement de la sécurité démocratique qui vise notamment à rétablir les droits à l’éducation et à la santé, ainsi qu’à garantir le rétablissement des organes de contrôle chargés d’assurer la sécurité dans ses territoires. Pour ce qui est des violations des droits de l’homme, les groupes d’autodéfense, qui étaient à l’origine de la plupart des violations, ont tous été démobilisés à la fin de 2006. Depuis cette date, les violations sont principalement commises par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et par de nombreux groupes armés illégaux. Il est fort difficile de recenser ces groupes car la plupart sont liés au trafic de stupéfiants et ont des structures très souples. En tout état de cause, l’État colombien est plus déterminé que jamais à lutter contre leurs agissements.

15.Au sujet des actes de violence commis par des agents des forces de l’ordre à l’encontre des peuples autochtones et des Afro‑Colombiens, Mme Hernandez explique que les personnes concernées vivent souvent dans des zones où les activités liées au trafic de stupéfiants sont très importantes et que le nombre de bavures y est élevé. Il n’en reste pas moins que l’État a une politique de tolérance zéro à l’égard des agents des forces de l’ordre qui violent les droits de l’homme. Des instructions sont données aux agents qui sont dépêchés dans des zones à hauts risques afin qu’ils agissent en respectant scrupuleusement le cadre légal. Ces instructions ont des effets positifs dans la mesure où le nombre de plaintes mettant en cause des agents des forces de l’ordre a sensiblement diminué. Ces dernières années, 27 militaires ont été mis à pied pour avoir fait un usage excessif de la force. Par ailleurs, un projet de loi est à l’étude en vue de réformer la justice pénale militaire afin que toutes les violations des droits de l’homme commises par des militaires ne soient plus jugées par des tribunaux militaires mais par des juridictions ordinaires et que la justice pénale militaire ne relève plus de l’appareil exécutif. L’objectif général est aussi d’accroître le professionnalisme des forces armées et de les rendre plus respectueuses des droits de l’homme.

16.MmeORTIZ (Colombie) dit que 4,5 % des Afro‑Colombiens sont analphabètes et que ce taux est effectivement plus élevé que la moyenne nationale. Un programme d’alphabétisation des adultes a été mis en œuvre , en particulier dans les régions reculées et dans les zones habitées par des peuples afro‑colombiens. Les peuples autochtones et afro‑colombiens ont droit à l’instruction primaire gratuite. S’agissant des effectifs d’enseignants, on compte 12 000 professeurs autochtones et 3 000 Afro‑Colombiens. Par ailleurs, on recense 75 langues autochtones, parmi lesquelles 38 sont enseignées à l’école. La langue officielle est l’espagnol et l’enseignement est dispensé avant tout dans cette langue mais l’État a mis en place un programme de défense et de renforcement des langues autochtones. Le Ministère de la culture a aussi soumis au Gouvernement un projet de loi visant à garantir la préservation des langues autochtones. En Colombie, il n’existe pas de programme scolaire unifié ni de manuels scolaires identiques pour toutes les écoles. Il est donc faux d’affirmer que les Afro‑Colombiens font l’objet de stéréotypes négatifs dans tous les manuels. Le Ministère de l’éducation établit des normes et aide les établissements scolaires à élaborer leur propre projet pédagogique. Il s’assure notamment que les droits fondamentaux de chacun sont respectés et que l’histoire de la Colombie est enseignée en tenant compte des spécificités des divers groupes qui composent la nation.

17.Mme MEJIA (Colombie) dit que la Colombie comptait 3 millions de personnes déplacées en juillet 2009, et non 1 million comme cela a été annoncé à la séance précédente, soit quelque 718 000 familles. Le Gouvernement colombien a fait un effort financier colossal pour leur venir en aide, en débloquant un budget de 949 millions de dollars en leur faveur. Ces fonds ont, en partie, été alloués au Plan d’action de l’Institut colombien du bien-être familial (ICBF), qui est chargé de prendre en charge les familles et les communautés qui ont été expulsées par la force de leur territoire et de leur habitat (CERD/C/COL/14, par. 223). Aucune pratique discriminatoire n’a été constatée au moment de l’enregistrement des personnes déplacées.

18.En outre, un programme d’activité de substitution a été mis en place depuis 2002 afin de remplacer les cultures illicites dans des zones écologiquement stratégiques du pays. Cela a permis de créer d’autres moyens de subsistance et sources de revenus pour les petits cultivateurs et de mettre en place des programmes de sécurité alimentaire pour les paysans qui ont accepté de remplacer la coca par des cultures licites. Dans ce cadre, l’État a également financé des programmes d’électrification et d’infrastructures routières dans ces zones. Selon les derniers chiffres disponibles, 75 % des cultivateurs interrogés ont déclaré qu’ils ne souhaitaient pas revenir à la culture de la coca.

19.Mme FONSECA (Colombie) explique que le Médiateur pour les peuples autochtones et les minorités ethniques est une instance indépendante du pouvoir exécutif qui est chargée de la promotion et de la diffusion des informations sur les droits de l’homme. Elle est chargée par ailleurs d’évaluer constamment la situation des minorités en matière de droits de l’homme et d’arbitrer les conflits qui opposent les minorités ethniques.

20.M. MEDRANO (Colombie) indique que le Gouvernement colombien a fait plusieurs études afin de mesurer les risques auxquels sont exposés les peuples autochtones menacés de disparition (ibid., par. 101). Les peuples autochtones menacés de disparition vivent, en général, à la bordure de la forêt amazonienne; ce sont des communautés semi-nomades menacées par le développement de l’agriculture et de l’élevage dans leurs zones d’habitat traditionnel. Dans l’ensemble, ces peuples se caractérisent par leur grande méconnaissance des institutions du pays et de leurs droits. L’État, qui a reconnu juridiquement l’existence de ces communautés, a adopté 13 plans d’action en leur faveur, qui contiennent des volets sur la sécurité, l’alimentation, la santé, l’éducation et les infrastructures routières, notamment. Le Ministère de l’intérieur et l’Agence présidentielle pour l’action sociale et la coopération internationale (ibid., par. 217) ainsi que d’autres entités étatiques s’efforcent d’intervenir de façon intersectorielle et interinstitutionnelle pour répondre à leurs besoins.

21.Mme GARCIA (Colombie) indique que la Colombie compte quatre grands groupes ethniques, les peuples autochtones, les communautés afro-colombiennes, les communautés insulaires, et les Roms. En Colombie, l’appartenance ethnique utilise, comme critères de saisie de l’ethnicité, l’auto-identification, même si la Direction des ethnies (ibid., par. 429) s’appuie, in fine, sur divers éléments, tels que la localisation, les caractéristiques ethniques et l’identification de leurs membres, pour conclure à l’existence ou non d’une communauté de caractère autochtone.

22.Mme Garcia reconnaît que les statistiques concernant le nombre d’Afro-Colombiens diffèrent selon les sources et explique que cela est largement dû à la connotation négative qui demeure attachée à l’appartenance à la communauté noire, ce qui expliquerait que les métis, notamment, se déclarent comme étant de race blanche. Conscient de cette réalité, le Gouvernement a adopté toute une série de mesures pour renforcer le processus identitaire de la population afro-colombienne.

23.Mme Garcia indique que plusieurs projets de loi ont été soumis au Congrès (ibid., par. 144) sur la question de la discrimination raciale et de l’égalité des chances, mais qu’ils ont pour la plupart été rejetés en première lecture. Le Gouvernement a décidé de les remanier et de les présenter à nouveau à la session parlementaire suivante. Un projet de loi incriminant les infractions fondées sur l’appartenance raciale est toujours en cours d’examen à la Chambre des représentants (ibid., par. 4). S’agissant de la différence entre les populations autochtones et les peuples autochtones, la représentante colombienne indique que les populations autochtones sont simplement constituées des personnes qui vivent sur un territoire autochtone alors que les peuples autochtones disposent d’une culture, d’une identité et d’une langue qui leur sont propres.

24.Sur le point de savoir si des consultations préalables ont eu lieu avec les communautés autochtones concernant l’énorme projet d’exploitation d’hydrocarbures sur les territoires autochtones, Mme Garcia rappelle que la Cour suprême colombienne, qui a été saisie de cette question, a considéré que l’exploitation des ressources naturelles autochtones était conditionnée à l’existence d’accords entre les entreprises et les peuples concernés mais a également donné la possibilité à l’État colombiende prendre une décision raisonnable et objective à cet égard.

25.S’agissant de la question de la surreprésentation des Afro-Colombiens dans les prisons colombiennes, Mme Garcia explique que les peuples autochtones, contrairement aux Afro‑Colombiens, disposent d’une juridiction propre, le droit coutumier, en vertu de laquelle les personnes condamnées pour des infractions commises sur les territoires autochtones exécutent leur peine au sein de la communauté même. Les autorités sont sur le point de créer, par le biais de l’Observatoire sur la question de la discrimination, un cadre juridique similaire pour les Afro‑Colombiens. En outre, le Gouvernement espère que l’adoption du projet de loi sur la lutte contre la discrimination raciale permettra de régler ce problème.

26.S’agissant des mesures prises par le Gouvernement colombien pour aider les Afro‑Colombiens à lutter contre la marginalisation et la pauvreté, Mme Garcia indique que le Plan de développement intégral à long terme (ibid., par. 99) qui vient d’être mis en œuvre, devrait permettre, notamment, d’élever leur niveau et qualité de vie, grâce au renforcement du capital humain de la communauté afro-colombienne. Ce plan a notamment pour objectif de privilégier les mesures qui renforcent le sentiment d’appartenance et de permettre à la communauté afro‑colombienne de réglementer ses politiques de développement. S’agissant de la communauté rom, le Gouvernement colombien a soumis au Congrès un projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et la marginalisation du peuple rom.

27.Mme García indique en outre qu’il existe des programmes de bourses et de formation en langues étrangères, notamment en anglais, et des programmes spécifiques en faveur des minorités tels que les programmes «Familles en action» et «Familles gardes forestiers». Dans le cadre de la coopération internationale, des programmes en faveur de la minorité afro‑colombienne sont mis en œuvre, notamment dans le domaine de la promotion de la sécurité alimentaire et de l’assainissement de base.

28.Enfin, un projet de décret prévoyant des mesures spécifiques en faveur des Roms est en cours d’élaboration. En effet, le Gouvernement s’est engagé à lutter contre la marginalisation et l’exclusion des minorités ethniques en général et des Roms en particulier et à faire en sorte que ces derniers soient pleinement pris en considération dans les plans et programmes publics de promotion et de protection des droits des minorités.

29.M. GARZÓN (Colombie) dit que la délégation colombienne répondra ultérieurement par écrit aux questions auxquelles elle n’aura pas pu répondre oralement. Notant la présence dans la salle d’un grand nombre d’organisations non gouvernementales, notamment de défense des droits des minorités afro‑colombiennes et des peuples autochtones, M. Garzón invite ces dernières à rencontrer les membres de la délégation à leur retour en Colombie afin de débattre des questions abordées au cours de l’examen du quatorzième rapport périodique ainsi que de la mise en œuvre des observations finales que le Comité adoptera à l’issue de cet examen.

30.M. Garzón souligne que la Colombie collabore activement avec les organes et mécanismes du système des Nations Unies: en 2008, elle s’est soumise à l’Examen périodique universel; elle a invité le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, qui s’est rendu dans le pays en 2005; elle a également invité l’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités, qui y effectuera une visite en 2010; et, en avril 2009, elle a participé à la Conférence d’examen de Durban.

31.M. CALI TZAY, relevant que l’État partie envisage de modifier le décret no 804 de 1995 sur le développement ethnique, souhaiterait savoir en quoi ces modifications pourraient consister et quelles répercussions elles auraient sur les politiques actuelles. Concernant l’information fournie par la délégation colombienne selon laquelle les minorités autochtones seraient désormais revenues aux cultures licites, M. Cali Tzay souhaiterait savoir s’il faut en conclure qu’auparavant ces minorités cultivaient des plantes illicites. Si tel était le cas, il serait intéressant de savoir de quelles plantes il s’agit. Enfin, d’après la délégation, les peuples autochtones se distinguent des communautés autochtones du fait qu’ils ont une identité, une culture et une langue qui leur sont propres. Or, selon M. Cali Tzay, les communautés autochtones présentent exactement les mêmes caractéristiques. Il invite donc la délégation colombienne à fournir au Comité des explications sur cette distinction qui ne lui paraît pas rigoureuse.

32.M. LINDGREN ALVES souhaiterait recevoir des précisions sur le sens de l’expression «bandes émergentes» (bandas emergentes), qu’il juge surprenante étant donné que le terme «émergent» a des connotations positives dans d’autres contextes. Il aimerait en outre savoir si les formulaires du recensement comprennent une catégorie spécifique pour les métis. Enfin, il se demande si la situation des communautés roms vivant en Colombie est véritablement préoccupante et si l’attention qui leur est accordée par le Gouvernement colombien n’est pas le résultat d’influences extérieures.

33.M. de GOUTTES demande si les membres des forces armées et de la police qui doivent intervenir dans des régions où vivent des autochtones reçoivent des instructions les obligeant à respecter les sites ayant une importance culturelle ou spirituelle, notamment les lieux sacrés. La délégation voudra bien citer des cas où des interventions policières ou militaires ont fait des victimes parmi la population civile, notamment chez les minorités autochtones ou afro‑colombiennes, et indiquer, le cas échéant, les mesures qui ont été prises à l’égard des responsables. Enfin, M. de Gouttes souhaiterait recevoir un complément d’information sur la justice autochtone, en particulier le type de sanctions qui peuvent être prononcées par les juridictions autochtones sur leur territoire.

34.M. GARZÓN (Colombie) dit que le système judiciaire autochtone est pleinement reconnu par la Constitution et que les fonctionnaires de l’État, dont les membres de l’appareil judiciaire, sont tenus de respecter les décisions des juridictions autochtones. Toutefois, des débats sont en cours afin de régler un certain nombre de problèmes d’incompatibilité avec le droit ordinaire colombien, la coutume autochtone autorisant certains châtiments corporels qui, selon la législation colombienne, sont assimilables à des tortures. Aucun accord n’a encore été trouvé sur cette question pour le moment.

35.Pour ce qui est des interventions militaires dans les régions où vivent des minorités autochtones, M. Garzón indique que l’armée et la police font tout leur possible pour que ces opérations n’affectent pas les populations locales, dont les minorités autochtones et afro‑colombiennes. À ce propos, il précise que la délégation colombienne n’a nullement sous‑entendu que ces communautés pratiquaient la culture de plantes illicites avant le lancement du programme de gardes forestiers. Au contraire, elles condamnent catégoriquement et unanimement les activités des groupes armés illégaux. Enfin, quant à la question de l’introduction du maïs transgénique dans le pays, M. Garzón indique que le Gouvernement tient à ce que les modes traditionnels de cultures des minorités autochtones et afro‑colombiennes soient préservés et que tous les projets d’amélioration des semences, notamment les travaux de recherche de pointe menés dans la vallée du Cauca, excluent le recours aux semences transgéniques.

36.Mme GARCÍA (Colombie) précise à propos de la distinction entre «peuple» et «communauté» autochtone que la délégation colombienne n’a nullement voulu dire que les communautés autochtones étaient dépourvues d’une identité, d’une cosmogonie et d’une culture propres. La différence entre ces deux notions est la suivante: un peuple peut englober plusieurs communautés, tandis qu’une communauté n’est que l’un des éléments constitutifs d’un peuple.

37.Pour ce qui est de l’existence d’une catégorie correspondant spécifiquement aux métis dans les formulaires de recensement, Mme García signale qu’en Colombie, le terme «métis» s’entend uniquement des personnes qui ont des origines à la fois européennes et autochtones − c’est-à-dire la majorité de la population colombienne. Les personnes qui ne se reconnaissent pas comme appartenant à l’une des trois catégories figurant dans les formulaires du recensement, soit les autochtones, les Afro‑colombiens et les Roms, sont rangées dans une catégorie générale qui englobe les métis et les blancs.

38.S’agissant de la minorité rom, Mme García dit que l’intérêt que le Gouvernement porte à ce groupe ethnique ne résulte nullement de pressions externes ou d’une quelconque «mode». Le Gouvernement colombien reconnaît les particularités identitaires et culturelles de ce groupe et a jugé utile de prendre des mesures pour l’aider à préserver ces spécificités.

39.Mme HERNÁNDEZ (Colombie) dit que, conformément à la directive no 16 promulguée en 2006 par le Ministère de la défense, qui prévoit des instructions concernant notamment le respect de l’intégrité territoriale et de la culture des peuples autochtones dans le cadre des opérations militaires ou des interventions de la police, les soldats et les membres de la police qui entrent sur un territoire autochtone doivent prendre contact avec les chefs de la communauté concernée afin de savoir quels sont leurs us et coutumes et où se trouvent leurs lieux sacrés. Lorsqu’une opération militaire provoque des dommages collatéraux par suite d’une erreur du commandement, le bureau des affaires juridiques du Ministère de la défense met en place un mécanisme de conciliation pour indemniser les victimes. Si ces dommages résultent d’une faute professionnelle grave d’un membre de la police ou de l’armée, une enquête est ouverte.

40.Mme REY (Colombie) dit que les bandes dites émergentes sont des groupes criminels organisés qui se livrent au trafic de drogue dans les régions de culture de la coca et d’organisation du trafic de drogue. Le Président de la République a ordonné à la police de lutter contre ces groupes et de publier chaque mois un rapport d’activités à ce sujet. En juin 2009, 963 personnes appartenant à des bandes de ce type ont été arrêtées.

41.M. DIACONU (Rapporteur pour la Colombie) se félicite des réponses nombreuses et détaillées que la délégation colombienne a fournies au Comité et du dialogue franc et fructueux engagé avec elle. La Colombie est un pays qui se distingue par son ouverture, sa volonté de coopérer avec les organes internationaux de surveillance des droits de l’homme, par le dynamisme et la compétence de sa société civile, ce qui est un atout précieux. Le rapporteur constate avec satisfaction que le Gouvernement colombien ne ménage pas ses efforts pour préserver les valeurs démocratiques, y compris dans les zones touchées par les conflits armés internes. Des problèmes restent néanmoins à régler notamment en ce qui concerne le conflit interne et ses répercussions sur les minorités, la situation des personnes déplacées et les difficultés liées à leur retour chez elles, la protection des droits des autochtones et des Afro‑colombiens déplacés par les conflits, les mesures de lutte contre les discriminations dans les domaines économique, social et culturel, et l’accès à l’enseignement bilingue. Le grand nombre de programmes ambitieux adoptés par l’État partie montre que celui-ci a la volonté politique de régler ces problèmes. Toutefois, il devrait concentrer ses efforts futurs sur la recherche de fonds car, par manque de ressources, ces programmes ne sont pas encore pleinement appliqués. En conclusion, M. Diaconu se réjouit de l’appel lancé par la délégation colombienne à la société civile afin de l’inviter à poursuivre la discussion sur l’examen du rapport périodique, collaboration qui ne peut que favoriser la réalisation des objectifs de la Convention.

42.La PRÉSIDENTE se réjouit de constater que l’État partie a tourné une page de son histoire et espère que, dorénavant, il présentera ses rapports périodiques au Comité dans les délais impartis. Elle compte que les organisations de la société civile colombienne actives dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale feront preuve de vigilance à cet égard.

43. La délégation colombienne se retire.

La séance est levée à 13 heures.

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