NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1621

15 mars 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 1621e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 27 février 2004, à 10 heures

Président: M. YUTZIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Cinquième à quatorzième rapports périodiques des Bahamas

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Cinquième à quatorzième rapports périodiques des Bahamas (CERD/C/428/Add.1) (suite)

Sur l’invitation du Président, la délégation Bahamienne reprend place à la table du Comité.

1.Mme BETHEL (Bahamas) explique que son pays ne collecte pas, dans ses recensements, de données relatives à la composition ethnique de la population, étant donné l’homogénéité relative de la composition démographique, qui est restée pratiquement inchangée depuis l’accession du pays à l’indépendance. Elle n’est donc pas en mesure de fournir au Comité d’indications relatives au nombre de citoyens bahamiens d’origine haïtienne ou de donner une estimation précise du nombre d’immigrants illégaux, sauf qu’il se situerait entre 25 000 et 30 000 personnes. Une étude de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui permettra d’évaluer le nombre de migrants aux Bahamas et leurs conditions de vie, devrait être achevée sous peu.

2.En ce qui concerne le statut de la Convention dans le droit interne, Mme Bethel dit que les dispositions de cet instrument pour l’heure ne sont que d’application indirecte. Sa délégation prend note que le Comité souhaite que les Bahamas adoptent une législation incorporant en droit interne les dispositions de la Convention.

3.Concernant l’application de l’article premier, la représentante des Bahamas dit que le principe de non-discrimination, consacré dans la Constitution des Bahamas, prévoit des exceptions, en particulier, de ne pas en tenir compte lors de l’élaboration de lois relatives à l’adoption, au mariage, à l’enterrement, à l’héritage et autres questions de statut personnel. S’il est vrai que certaines dispositions faisant exception à ce principe sont parfois appliquées, elles ne constituent pas une discrimination raciale mais obéissent à la nécessité de préserver les intérêts de certaines personnes, par exemple l’intérêt supérieur d’un enfant en cas d’adoption. Elles ne se fondent pas sur des règles en matière de statut personnel qui seraient différentes pour diverses communautés.

4.La Constitution des Bahamas n’énonce pas expressément de droits économiques, sociaux et culturels. Toutefois, elle garantit, à l’article 26 3), le respect du principe de non-discrimination dans la jouissance de ces droits. Le respect de ces droits est également garanti dans la législation pertinente, notamment dans la loi relative à l’emploi. En tant que membre de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’État partie est en outre lié par les dispositions de la Charte qui énoncent les droits et obligations des États membres de la CARICOM en la matière.

5.Concernant l’application de l’article 3 de la Convention, Mme Bethel dit que les questions relatives au regroupement de certaines communautés de migrants dans des parties déterminées de l’archipel, notamment l’identité et l’effectif des communautés concernées, les raisons du regroupement et les conditions de vie devraient être clarifiées sous peu par l’étude de l’OIM précitée. Ce phénomène ne résulte pas d’une politique gouvernementale mais du libre choix des individus concernés. La plupart, qui résident légalement dans le pays, tendent à se concentrer dans des régions proches des États-Unis, qui est généralement leur pays de destination finale. Les conditions de vie dans ces zones sont précaires, mais le Gouvernement met tout en œuvre pour améliorer les services essentiels à leur intention.

6.S’agissant de l’article 4 de la Convention, la représentante des Bahamas explique que la législation actuelle n’a jamais été utilisée pour punir des actes de discrimination raciale ou d’incitation à la haine raciale, car aucune plainte n’a été déposée devant les tribunaux pour ces motifs et que diverses options sont à l’étude en ce qui concerne l’élaboration de dispositions législatives répondant aux exigences de l’article 4 a) et b) de la Convention. Néanmoins, la délégation bahamienne transmettra aux autorités pertinentes les préoccupations et observations du Comité à propos des réserves des Bahamas au sujet de l’article 4 de la Convention.

7.Mme Bethel dit que son pays n’a pas connaissance d’informations faisant état de discours et d’articles de presse incitant à la discrimination raciale à l’encontre des Haïtiens. En conséquence, aucune mesure n’a été prise en la matière.

8.S’agissant de la jouissance sans discrimination dans la pratique des droits énumérés à l’article 5 de la Convention, Mme Bethel précise que nul n’a de difficultés aux Bahamas à jouir de ses droits du fait de son appartenance à un groupe ethnique. Son pays n’a pas connaissance d’actes de discrimination raciale à l’encontre des migrants, en particulier des Haïtiens, dans les domaines de l’éducation et de l’emploi notamment. Il est interdit, pour un même emploi, de verser à une personne handicapée un salaire inférieur à celui d’une personne valide du fait de son handicap. Quant au droit pour les travailleurs de se syndiquer, il est reconnu implicitement dans la Constitution et garanti dans la loi sur les relations industrielles.

9.S’agissant des raisons de la discrimination envers les femmes pour ce qui est du droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint, Mme Bethel rappelle que la Constitution des Bahamas date de 1973 et traduit de ce fait les mentalités de l’époque. Toutefois, il a été reconnu qu’elle devait être réformée de façon à tenir compte de l’évolution de la société. Il a été créé une commission de révision constitutionnelle, en 2002, dont le premier rapport devrait paraître vers la fin de 2004. Elle étudiera un avant-projet révisé et le présentera au Gouvernement en 2006. Une fois examiné, le texte final sera soumis au peuple.

10.L’État partie met tout en œuvre pour assurer la protection et l’intégration des migrants présents légalement sur son territoire. La question de savoir quels sont les effets de la politique de «préférence nationale» en matière d’accès à l’emploi sur la situation économique et sociale des migrants ne se pose pas: le principe s’applique essentiellement à des services pour lesquels des qualifications importantes sont requises. La politique des Bahamas en matière de logement vise à inscrire dans la loi le droit de tous les citoyens à un logement accessible, mais les droits des non-citoyens sont reconnus en la matière.

11.Les immigrants en situation irrégulière sont pris en charge par le Département des services sociaux et le Ministère de la santé. Les migrants clandestins ne sont pas retenus très longtemps dans les centres de détention et, de ce fait, la question de la scolarisation des enfants ne se pose pas. Les personnes malades reçoivent des soins médicaux. Le processus tendant à déterminer le statut des immigrants est également accéléré. L’accès à ces personnes est accordé aux ONG et autres entités intéressées qui en font la demande. Il est envisagé de créer un nouveau centre de détention.

12.En ce qui concerne le nombre de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile actuellement internés dans le Centre de détention Road Carmichael, Mme Bethel dit que 104 personnes étaient détenues au 24 février 2004, dont aucune n’a été jugée habilitée à se prévaloir du statut de réfugié. La mise en détention des sans-papiers est automatique et la loi ne prévoit aucune voie de recours contre une telle mesure.

13.S’agissant de la protection des demandeurs d’asile contre un retour vers un pays où ils risquent pour leur vie ou leur santé, les garanties sont celles énoncées dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et dans le Protocole y relatif, auxquels les Bahamas sont partie. En outre, les Bahamas collaborent avec le Haut‑Commissariat pour les réfugiés (HCR) en la matière. Les droits des demandeurs d’asile, en particulier en matière d’information, le droit à un interprète d’assistance juridique et le droit de recours judiciaire sont également garantis par la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et le Protocole y relatif.

14.Depuis 1995, les Bahamas ont octroyé l’asile à 101 personnes. En 2001, elles ont reçu 1 demande d’asile; en 2002, 3, et en 2003, 13 − dont 6 ont été recommandées pour l’octroi du statut de réfugié. Tous les fonctionnaires d’immigration et le personnel du Centre de détention Road Carmichael reçoivent une formation du HCR relative à la non-discrimination et au traitement des demandeurs d’asile.

15.En pratique, l’accord de «partage des coûts» conclu entre les ministères de la santé et des affaires sociales et permettant d’assurer le financement des besoins essentiels des immigrants en situation irrégulière détenus au Centre Road Carmichael, a débouché sur un effort de collaboration tendant à fournir une vaste gamme de services aux immigrants clandestins détenus. Quatre ministères se partagent les coûts: le Ministère du travail et de l’immigration, le Ministère des services sociaux et du développement communautaire, le Ministère de la santé et la Police royale des Bahamas. Pour l’exercice fiscal 2003/2004, le Gouvernement a affecté au budget de la Police royale des Bahamas la somme de 186 230 dollars pour la construction du nouveau centre de détention précité; néanmoins, un financement supplémentaire est nécessaire. Cette situation financière s’aggrave du fait de l’afflux constant d’immigrants en situation irrégulière, qui ne semble pas devoir cesser.

16.L’article 26 de la Constitution ne peut être invoqué directement devant les tribunaux ordinaires, la Cour suprême ayant l’exclusivité des questions touchant à la Constitution, et n’a jamais été invoqué devant les tribunaux. Si aucune affaire de discrimination raciale n’a jusqu’à présent été portée devant les tribunaux, ce n’est certainement pas parce que les victimes présumées méconnaissent leurs droits ou manquent de confiance à l’égard des autorités de police et de justice, ou encore parce que ces dernières ne sont pas sensibles aux questions de discrimination raciale. La justice et la police, qui reflètent la composition démographique du pays, sont représentatives de la population et de nature à susciter la confiance des particuliers à leur égard. Enfin, l’unité spéciale créée au sein de la police royale des Bahamas, et chargée de recueillir et d’examiner les plaintes déposées contre les membres de la police, n’a reçu aucune plainte pour discrimination raciale.

17.Aux Bahamas, aucune formation n’est prévue pour les auxiliaires de justice en matière de lutte contre la discrimination raciale car une telle formation serait sans objet. Les forces de l’ordre, quant à elles, reçoivent une formation en matière de lutte contre la discrimination. Enfin, aucune mesure n’a été prise à ce jour par les autorités pour faire connaître le contenu de la Convention à la population car les Bahamas ne connaissent pas la discrimination.

18.L’État partie envisage de ratifier plusieurs instruments internationaux de premier plan, parmi lesquels la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et les deux Protocoles facultatifs se rapportant aux droits de l’enfant. Mme Bethel transmettra aux autorités de son pays les recommandations formulées par les membres du Comité selon lesquelles les Bahamas devraient faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et lever leurs réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Pour ce faire, l’État partie devra dans un premier temps modifier sa constitution. La recommandation tendant à créer un poste de médiateur paraît fort intéressante.

19.La représentante dit que son pays ne dispose effectivement pas de statistiques détaillées sur la santé mais assure les membres du Comité que le droit à la santé est juridiquement garanti à tous les citoyens, indépendamment de leur origine ethnique ou sociale.

20.Mme Bethel rejette catégoriquement les allégations d’Amnesty International selon lesquelles certains détenus seraient traités de manière dégradante et souligne que les conditions de détention font l’objet d’un contrôle attentif des Bahamas, en étroite collaboration avec le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme et le Haut‑Commissariat pour les réfugiés. Elle fait observer qu’Amnesty International a eu librement accès à tous les centres de détention et invite l’organisation à effectuer de nouvelles visites dans les prisons pour réviser son jugement.

21.M. BOYD est impressionné par le programme de sensibilisation à la discrimination raciale mis en œuvre par l’État partie à l’intention des fonctionnaires de police, qui comprend même une formation à la langue créole. S’il est conscient que la population bahamienne est relativement homogène et vit en harmonie, M. Boyd s’étonne de ce qu’aucune affaire de discrimination raciale n’ait été portée devant les tribunaux et souhaite connaître l’avis de la délégation sur les raisons de cette situation.

22.M. de GOUTTES demande si l’État partie prévoit de mettre en place de nouveaux dispositifs pour faire face à l’afflux de réfugiés que pourrait provoquer la crise en Haïti et souhaite savoir comment les autorités se préparent à un tel événement.

23.Mme BETHEL (Bahamas) ne voit guère de raisons expliquant l’absence de plaintes pour discrimination raciale. Elle réaffirme que tous les citoyens bahamiens sont parfaitement informés de leur droit de porter plainte en cas de discrimination raciale, que les membres des forces de l’ordre ont des origines multiples et qu’ils suivent tous des programmes de sensibilisation portant sur ces questions. Il est possible que des immigrés clandestins soient victimes de discrimination raciale dans certaines circonstances mais n’osent pas déposer plainte du fait de leur statut illégal.

24.Les autorités bahamiennes suivent avec la plus grande attention l’évolution de la situation en Haïti et collaborent activement avec les autres pays membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour se préparer à l’afflux de réfugiés en provenance d’Haïti.

25.M. AMIR (Rapporteur pour les Bahamas) remercie la délégation bahamienne d’avoir répondu avec précision et franchise aux questions posées par les membres du Comité. Il souligne la qualité du dialogue entre le Comité et cet État partie.

26.Mme BETHEL (Bahamas) affirme que toutes les observations formulées par les membres du Comité seront dûment examinées par les autorités de son pays et les aideront à encore mieux s’acquitter des obligations qui leur incombent au titre de la Convention.

27. La délégation bahamienne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 35.

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