NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1380

20 mars 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1380ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le vendredi 10 mars 2000, à 10 heures

Président : M. SHERIFIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Treizième et quatorzième rapports périodiques de Malte (suite)

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS MESURES D'ALERTE RAPIDE ET PROCÉDURE D'ACTION URGENTE

Projet de déclaration du Comité sur la dimension ethnique de certains conflits actuels

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

Lieu des sessions du Comité

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 7 de l'ordre du jour) (suite)

Treizième et quatorzième rapports périodiques de Malte (CERD/C/337/Add.3) (suite)

1.Sur l'invitation du Président, M. Quintano (Malte) reprend place à la table du Comité.

2.M. QUINTANO (Malte), poursuivant ses réponses aux questions posées à la précédente séance, dit que le droit de circuler librement s'entend au sens technique du terme, à savoir que tous les citoyens maltais ‑ y compris les émigrants qui rentrent à Malte ‑ ont le droit de quitter librement le pays et d'y revenir. Quant aux étranger en séjour à Malte, ils sont libres de se rendre où ils veulent sur l'île, excepté dans les zones interdites pour des raisons de sécurité.

3.S'agissant des affaires judiciaires évoquées par le Rapporteur à la précédente séance, il indique que des explications très détaillées ont déjà été données devant le Comité contre la torture et que les membres du CERD peuvent se reporter aux comptes rendus correspondants. Il tient cependant à signaler que dans l'une de ces affaires, le prévenu a été acquitté après que les auteurs des allégations eurent refusé de témoigner. Sur le plan de la procédure, le Gouvernement a créé des commissions d'enquête, consulté le Conseil des prisons et demandé l'avis du ministère public avant de traduire devant les tribunaux les personnes mises en cause par les victimes présumées. Il ajoute qu'il n'y avait pas de connotation raciste dans ces affaires.

4.En ce qui concerne le statut des réfugiés, la réserve sur l'application géographique de la Convention de 1951 sera officiellement levée lorsque le projet de loi correspondant aura été adopté. Dans la pratique, cette limitation géographique a d'ailleurs cessé d'être appliquée depuis longtemps, et le nombre des réfugiés qui choisissent Malte est à cet égard très éloquent. Quant au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, Malte y a adhéré le 15 septembre 1971.

5.Le projet de loi sur les réfugiés et les demandeurs d'asile prévoit en son article 18.1 l'octroi de permis de travail aux réfugiés reconnus comme tels. Par ailleurs, une organisation bénévole catholique très active aide les réfugiés à trouver du travail et un logement et facilite, le cas échéant, la réinstallation de ceux qui le souhaitent dans des pays tiers où ils ont de la famille.

6.Aucune différence de traitement n'est faite entre les réfugiés d'origine européenne et les non‑Européens. Par ailleurs, Malte a accueilli très chaleureusement plus d'une centaine de réfugiés albanais pendant la crise du Kosovo. Même s'il n'existe pas de statistiques sur le nombre total de réfugiés, il semble que celui-ci soit assez stable. Les litiges les concernant sont réglés par un médiateur. Malte accueille aussi un nombre non négligeable d'immigrés attirés par le régime fiscal favorable, ainsi que beaucoup de Libyens, en raison de la proximité géographique. S'y ajoutent les Maltais qui avaient émigré et qui rentrent au pays : dans un premier temps, ils sont décomptés comme "immigrants".

7.En ce qui concerne l'incorporation des traités dans le droit interne, il en a expliqué les mécanismes à la précédente séance. Ainsi, par exemple, pour donner effet à la Convention des Nations Unies de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, Malte a simplement ajouté deux nouveaux chapitres à ses propres dispositions en la matière. La Constitution ne prévoit pas qu'une loi doit être promulguée pour donner effet à un traité que Malte a ratifié.

8.La Convention européenne des droits de l'homme peut bien entendu être invoquée directement devant les tribunaux maltais et la procédure est gratuite.

9.La société maltaise est une société libérale où le principe cardinal est que chacun est libre de faire ce qui n'est pas explicitement interdit par la loi. Ainsi, il est possible de désigner n'importe qui comme héritier puisque aucune loi ne l'interdit. La question d'une "discrimination positive" en faveur des femmes a été abordée lors de l'amendement, en 1991, de l'article 45 de la Constitution. Mais aucune loi particulière n'a été promulguée pour favoriser les femmes bien que cela ait fait l'objet d'un débat animé dans la presse et les médias. Si on compte un certain nombre de femmes à l'Assemblée, la question de la parité hommes‑femmes n'est pas encore à l'ordre du jour.

10.Il n'existe aucune discrimination en matière d'adoption, de mariage, de divorce ou encore d'héritage. Autrefois, la question des enterrements posait certains problèmes dans la mesure où une distinction était établie entre les catholiques pratiquants et les autres citoyens. Toutefois, le problème a maintenant été réglé et n'importe qui est libre d'acheter un emplacement dans n'importe quel cimetière.

11.Quant à la discrimination en matière de logement, elle profiterait plutôt aux étrangers dans la mesure où il est très difficile d'expulser un locataire maltais.

12.Certains membres du Comité ont reproché aux dispositions du nouveau Code de la police institué en vertu de la loi de 1997 d'être trop vague (ce qui sous‑entendrait qu'il ne serait pas assez protecteur pour les victimes d'abus policiers). En l'occurrence, la victime est plutôt le policier lui‑même, son comportement étant constamment scruté pour vérifier qu'il se conduit selon les règles de la déontologie. Pour répondre à une question précise, les sanctions disciplinaires prises à l'égard des policiers qui commettent des abus vont de la perte de salaire à la suspension, voire même au renvoi. Le policier qui se rend coupable d'actes délictueux est traduit devant les tribunaux comme n'importe quel autre citoyen.

13.S'agissant des incitations à la haine raciale, un projet de texte actuellement soumis au Parlement prévoit que quiconque utilise un langage ou a un comportement menaçant ou insultant ou publie ou fait publier des écrits menaçants ou insultants afin d'inciter à la haine raciale sera passible d'une peine d'emprisonnement comprise entre 6 et 18 mois. Par "incitation à la haine raciale" on entend l'incitation à la haine contre un groupe de personnes en raison de leur couleur, de leur race, de leur nationalité ‑ ou de leur origine nationale ou ethnique. Ce texte va au‑delà des dispositions de la loi sur la presse et, de l'avis des autorités maltaises, devrait donner effet de manière satisfaisante à l'article 4 de la Convention.

14.On s'est étonné qu'aucune affaire d'incitation à la haine raciale n'ait été portée devant les tribunaux de Malte. Il existe certainement des cas isolés de personnes qui se plaignent d'avoir été offensées en raison de la couleur de leur peau ou pour d'autres motifs. Mais il faut, à cet égard, faire la part des choses et ne pas assimiler à des insultes racistes les invectives de supporters de football, à l'adresse de joueurs d'une équipe adverse n'ayant pas, de surcroît, la même couleur de peau.

15.On peut en tout cas affirmer qu'il n'existe pas à Malte d'organisation dont le but déclaré est d'inciter à la haine raciale ni de parti politique dont l'idéologie repose sur la discrimination raciale. Il n'y a pas eu non plus d'exemples d'attaques contre des particuliers simplement parce qu'ils appartenaient à une autre race. En ce qui concerne le refus d'accès à certains lieux de loisirs pour des motifs raciaux, il ne faut pas se méprendre sur les intentions des propriétaires de bars, boîtes de nuit et autres lieux de divertissement qui cherchent simplement à interdire l'entrée de leur établissement à des personnes cataloguées comme fauteurs de troubles.

16.La question a été posée de savoir si l'incitation à la haine raciale par le biais de l'Internet tombait sous le coup de la loi. Pour y répondre, il faudrait savoir si le mot "diffusion" utilisé dans la loi sur la presse s'applique à la diffusion d'informations sur l'Internet. N'étant pas technicien, il n'est pas en mesure d'apporter des précisions sur ce point.

17.Sur un point technique, on a demandé si l'article 45 de la Constitution maltaise dont le texte vise nommément les entités publiques pourrait être également applicable à des particuliers. À sa connaissance, il existe au moins, dans la jurisprudence, un cas dans lequel cet article a été appliqué à une société privée dans laquelle l'État avait une participation. Une autre affaire de ce type mettant en cause un club de football est actuellement pendante mais il faudra en attendre l'issue avant de pouvoir affirmer que ce que l'on appelle en allemand la "Drittwirkung" (autrement dit le concept d'application à un tiers) fait véritablement partie du droit maltais.

18.Une question a également été posée sur les régimes d'exception et en particulier l'état d'urgence. Il rappelle que l'état d'urgence n'a pas été proclamé depuis longtemps à Malte. Toutefois, même en cas de régime d'exception les dispositions des conventions relatives aux droits de l'homme continuent de s'appliquer concurremment avec les dispositions constitutionnelles régissant l'état d'urgence.

19.S'agissant de la Commission de l'emploi, il convient de noter qu'elle a été créée en 1974 pour lutter contre la discrimination fondée sur les convictions politiques dans le cadre de l'emploi. Elle est très active et remplit les mêmes fonctions que la première chambre du tribunal civil.

20.Les langues principalement utilisées sont le maltais et l'anglais, l'italien étant plus ou moins courant selon la partie de l'île où l'on se trouve. Les lois sont promulguées et l'enseignement dispensé en anglais et en maltais. Quant à l'information de la population, elle est satisfaisante. La Convention a été traduite en maltais mais nombreux sont ceux qui préfèrent en prendre connaissance en anglais.

21.En ce qui concerne les remarques relatives à l'incohérence entre les paragraphes 4 et 8 du rapport, elles sont infondées. On étudie un amendement au Code pénal à l'effet de réprimer les actes énumérés à l'article 4 de la Convention non parce que cela était nécessaire sur le plan social, mais pour que l'on ne puisse pas faire remarquer au Gouvernement maltais l'absence d'une telle disposition.

22.Enfin, pour ce qui est du droit à la propriété, l'intervenant renvoie les personnes intéressées à l'article 37 de la Constitution maltaise, dont les dispositions pertinentes sont reproduites au paragraphe 49 du rapport.

23.M. DIACONU (Rapporteur pour le pays) se félicite de la qualité du dialogue engagé avec le représentant de Malte. Il se dit satisfait de ce que l'État partie ait pris en compte les observations formulées par le Comité lors du précédent examen en apportant les modifications voulues à sa législation, et de ce que d'autres modifications soient attendues, notamment celles relatives à l'application de l'article 4 de la Convention.

24.Il souligne par ailleurs que les cas isolés de discrimination raciale doivent faire l'objet de la plus extrême vigilance de façon à ce que de tels phénomènes ne se développent pas tant au niveau des autorités que de la population maltaise.

25.Enfin, il espère que le dialogue se poursuivra sur de telles bases étant donné que Malte est un pays de transit où de nombreuses cultures et nationalités se côtoient.

26.Le PRÉSIDENT remercie le représentant de Malte pour les réponses apportées aux nombreuses questions du Comité et déclare que le Comité a ainsi achevé l'examen du quatorzième rapport périodique de Malte.

27.M. Quintano (Malte) se retire.

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS MESURES D'ALERTE RAPIDE ET PROCÉDURE D'ACTION URGENTE (point 6 de l'ordre du jour)

Projet de déclaration du Comité sur la dimension ethnique de certains conflits actuels (CERD/C/56/Misc.23/Rev.1, document distribué en séance, en anglais seulement)

28.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à examiner le document susmentionné.

29.M. BANTON, auteur du projet, explique qu'il a rédigé ce texte à partir de déclarations de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur des questions d'importance majeure. Il note au paragraphe 3 qu'il serait préférable de remplacer l'expression "the Russian military" par "the Federal forces". Dans la phrase suivante, il conviendrait de parler de "international humanitarian law" plutôt que de "international law". Au paragraphe 4, où il est fait référence à la Bosnie, il conviendrait également de mentionner le Kosovo, ce qui donnerait : "in Bosnia as well as Kosovo". Le début de la phrase suivante pourrait être modifié ainsi : "It believes that popular interpretations of ethnic difference contributed ...", qui est plus exact que "It believes that ethnic difference contributed ...". Enfin, s'agissant de la dernière phrase, qui traite de l'Autriche, elle figure entre crochets car il n'est pas évident qu'elle soit à sa place dans un tel texte. En effet, comme le Comité peut à tout moment, s'il le juge nécessaire, entamer une procédure d'action urgente, il n'est peut‑être pas utile de préciser dans le texte examiné qu'il se réserve la possibilité d'entreprendre une telle action à propos de l'Autriche.

30.M. ABOUL-NASR estime qu'il fallait certes s'appuyer sur les déclarations de la Haut‑Commissaire aux droits de l'homme, mais uniquement pour en reprendre la terminologie dans un but d'uniformisation. Il aurait préféré que le texte parle de déclaration du Comité et non de déclaration de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Par ailleurs, il aurait été plus judicieux d'aborder en premier lieu la question de la Tchétchénie, plutôt que celle de l'Indonésie, car la situation en Indonésie est en passe d'être résolue, tout au moins pour ce qui est du Timor oriental. De même, le problème du Chiapas ne devrait pas être mentionné au deuxième paragraphe mais ultérieurement, d'autres sujets étant plus brûlants. Enfin, il souscrit aux propositions de M. Banton concernant le troisième paragraphe du projet de texte.

31.M. BRYDE pense que le document doit effectivement refléter les vues du Comité mais que par ailleurs on ne peut pas éluder le fait que la Haut‑Commissaire a porté ces problèmes à l'attention du Comité et de la communauté internationale. Il faut donc trouver un compromis à cet égard.

32.M. de GOUTTES n'est pas opposé à ce que le Comité s'appuie explicitement sur les déclarations significatives de la Haut‑Commissaire aux droits de l'homme pour faire ses propres déclarations au sujet de situations préoccupantes pour la bonne application de la Convention, à condition toutefois de trouver une formule adaptée. Pour cela, il faudrait surtout que le Comité enrichisse les déclarations de la Haut-Commissaire sur lesquelles il s'appuie, par l'apport d'une "valeur ajoutée" qui pourrait notamment consister à les replacer dans le cadre de ses propres mesures d'alerte rapide et de la procédure d'action urgente.

33.Concernant l'évocation de l'Autriche dans le projet à l'examen, il est enclin à penser que même si l'évolution potentielle de la situation dans ce pays ne relève pas strictement du mandat du Comité, ce dernier ne devrait pas rester silencieux et inactif, vu les inquiétudes légitimes qu'elle suscite. Le Comité devra donc décider de s'exprimer sur cette question dans le texte à l'examen ou dans une déclaration séparée. S'il retenait la seconde solution, le Comité pourrait alors faire figurer à la fin de la déclaration une phrase à l'effet de dire qu'il se réserve la possibilité d'examiner par ailleurs l'évolution de la situation en Autriche.

34.M. BOSSUYT pense que le Comité devrait éviter, dans sa déclaration, de reprendre littéralement les expressions utilisées dans celles de la Haut‑Commissaire, où il relève un certain manque d'uniformité et d'équilibre à l'égard de la situation des droits de l'homme dans les États ou pays mentionnés, à savoir le Timor Oriental, le Mexique, le Burundi et la Tchétchénie. Dans un premier temps, le Comité pourrait par exemple se dire préoccupé par la situation inquiétante des droits de l'homme dans ces quatre pays et consacrer ensuite plusieurs sous-paragraphes à chacun des pays concernés.

35.À la fin du paragraphe 4, il propose de remplacer le mot "investigations" (enquêtes) par "endeavours" (efforts) qui correspond mieux aux activités de la Haut-Commissaire, laquelle ne mène pas à proprement parler des enquêtes sur les violations massives des droits de l'homme.

36.Il s'associe pleinement aux observations de M. de Gouttes concernant la nécessité d'enrichir les déclarations de la Haut-Commissaire, notamment en les replaçant dans la perspective des mesures d'alerte rapide et de la procédure d'action urgente, dans le contexte du paragraphe 4.

37.Il s'associe également à la proposition de M. de Gouttes d'évoquer séparément la situation nouvelle en Autriche en raison du caractère nettement politique de cette question.

38.Mme McDOUGALL estime que le but recherché n'apparaît pas, en l'état, avec une clarté suffisante dans le projet de déclaration. Elle considère, comme M. de Gouttes et M. Bossuyt, que le Comité doit saisir la possibilité, aux paragraphes 4 et 5, d'enrichir les déclarations de la Haut‑Commissaire en évoquant cette question dès le début du texte, afin de souligner d'emblée que les conflits à caractère ethnique qui sévissent dans les territoires mentionnés entrent pleinement dans le champ de la Convention et que le Comité devrait en conséquence les examiner dans le cadre prévu à cet effet, celui des mesures d'alerte rapide et de la procédure d'action urgente.

39.Elle ne comprend pas bien pourquoi seuls sont évoqués au paragraphe 4 les conflits ethniques en Bosnie et au Kosovo. Par ailleurs, elle n'est pas sûre que le Comité ait étudié de façon assez approfondie les causes véritables des conflits ethniques, qui résultent souvent de l'exploitation cynique de différences ethniques par des responsables politiques.

40.Mme McDougall estime elle aussi qu'il conviendrait d'aborder la situation en Autriche dans une déclaration séparée qui pourrait être mise au point au cours de la session.

41.M. FALL partage le point de vue de M. Aboul‑Nasr sur la nécessité de donner à la déclaration du Comité un caractère qui lui soit propre, même si elle s'appuie sur des déclarations de la Haut-Commissaire. En l'état, les trois premiers paragraphes font apparaître le nouveau texte comme une déclaration du Comité relative à des déclarations de la Haut-Commissaire et, de surcroît, seuls les deux derniers traitent de questions relevant pleinement du point de l'ordre du jour relatif aux mesures d'alerte rapide et à la procédure d'action urgente. Pour enrichir les déclarations de la Haut-Commissaire comme le souhaitent M. de Gouttes et d'autres, le Comité a la possibilité d'envisager certaines mesures concernant les pays mentionnés, au titre des mesures d'alerte rapide et de la procédure d'action urgente.

42.Au titre de la prévention de la discrimination raciale, le Comité pourrait en outre examiner les faits nouveaux en Autriche, qui semblent révéler une évolution inquiétante en Europe ‑ la montée de l'extrême droite ‑ dont certains aspects relèvent directement de son mandat. Il ne devrait donc pas rester silencieux et inerte face à ce phénomène.

43.Concernant l'Afrique, M. Fall appelle l'attention du Comité sur la situation inquiétante qui se développe depuis peu au Nigéria, où des conflits ethniques et religieux particulièrement graves ont causé la mort de centaines de personnes en janvier 2000, à la suite de la promulgation de la charia dans certains États de la Fédération nigériane. Ces événements menacent d'ébranler profondément le Nigéria, pays clé pour la stabilité régionale. M. Fall pense que le Comité devrait donc examiner également cette situation inquiétante au Nigéria au titre de la prévention de la discrimination raciale (mesures d'alerte rapide et procédure d'action urgente).

44.M. NOBEL pense que le Comité pourrait difficilement, comme M. Aboul-Nasr semble le souhaiter, s'appuyer sur les déclarations pertinentes de la Haut-Commissaire sans trahir l'origine de sa propre déclaration. Le Comité n'a pas les moyens de s'en remettre en la matière à ses propres enquêtes, recherches ou activités dans les domaines en cause et il doit donc exploiter des documents émanant d'autres instances ou organes internationaux s'occupant des droits de l'homme.

45.Sur le fond, M. Nobel est lui aussi d'avis que le Comité doit s'assurer scrupuleusement que les conflits ethniques évoqués dans sa déclaration ont réellement pour origine des différences ethniques et ne résultent pas de manipulations politiciennes desdistes différences.

46.Concernant l'Autriche, il estime lui aussi que le Comité doit suivre attentivement l'évolution de la situation dans ce pays, à laquelle il pourrait consacrer un paragraphe séparé ou une phrase du texte où il serait dit que le Comité doit suivre de près les situations qui, comme en Autriche, pourraient conduire à des violations de la Convention.

47.M. Nobel pense enfin que la situation en Bosnie et au Kosovo devrait être évoquée dans la déclaration.

48.Il propose de remplacer le titre actuel de la déclaration par une formule qui évoquerait les conflits actuels causant de graves violations de la Convention pour l'élimination de la discrimination raciale. Il propose en outre de parler, au paragraphe 3, de normes des droits de l'homme et du droit international plutôt que des seules normes du droit international et de mentionner, au paragraphe 4, plus que les différences ethniques, l'exploitation des différences ethniques.

49.M. YUTZIS croit comprendre que certaines propositions font l'objet d'un consensus au sein du Comité, en particulier celle de donner à la déclaration un caractère propre au Comité en se fondant dans toute la mesure possible sur les déclarations appropriées de la Haut-Commissaire, et celle d'améliorer la terminologie et l'équilibre du texte quant à la présentation des conflits ethniques mentionnés et l'importance qui leur est accordée. Il relève surtout un consensus quant à la volonté d'enrichir les déclarations de la Haut-Commissaire en les replaçant dans l'optique des mesures d'alerte rapide et de la procédure d'action urgente. Il fait observer cependant que l'expérience a montré que lesdites mesures et procédure interviennent en général tardivement, une fois que les conflits auxquels elles se rapportent ont déjà éclaté, faute d'en avoir décelé à temps les signes avant-coureurs. Il souligne la nécessité de mettre l'accent sur cet aspect en indiquant, à la troisième phrase du paragraphe 4, que la communauté internationale devrait à l'avenir agir assez tôt à l'avance afin de prévenir les violations massives des droits de l'homme à caractère raciste.

50.M. Yutzis estime par ailleurs que le Comité devrait s'attacher à étudier les causes des conflits ethniques en vue de parvenir à des définitions communes. Contrairement à l'auteur du projet, M. Banton, il pense par exemple que ce ne sont pas les différences ethniques qui causent les conflits ethniques mais précisément les tentatives de supprimer ces différences faites par ceux qui refusent la coexistence pacifique entre communautés ethniques.

51.M. Yutzis s'associe à la proposition d'aborder la situation en Autriche, de préférence séparément. À cet égard, le Comité devrait tenir compte, en matière de prévention, des situations particulières qui surgissent lorsque ceux qui exploitent les différences ethniques à des fins politiques ont été portés au pouvoir par des élections démocratiques régulières exprimant la volonté populaire.

52.Il propose enfin aux membres du Comité de créer un groupe de travail qui serait chargé de mettre au point le texte de la déclaration.

53.M. SHAHI estime que l'idée de s'appuyer sur les déclarations de la Haut-Commissaire en l'enrichissant selon l'approche proposée par M. de Gouttes présente surtout des avantages, compte tenu notamment des moyens limités dont dispose le Comité pour mener ses propres enquêtes et du fait qu'il n'a pas lui‑même fait de déclaration récente sur toutes les situations évoquées dans le projet. À ce propos, il s'étonne de ce que la Haut-Commissaire n'ait pas apparemment fait de déclaration sur la situation dans la Sierra Leone, pays qui pourtant connaît des violations graves et massives des droits de l'homme. Il propose donc aux membres du Comité de mentionner ce pays ainsi que le Nigéria, sur la situation duquel M. Fall a très justement appelé l'attention du Comité.

54.M. Shahi souscrit lui aussi à l'idée d'examiner la question des différences ethniques menant à des conflits ethniques par suite de leur exploitation cynique à des fins politiques, comme cela s'est produit en ex-Yougoslavie et au Rwanda, où des dirigeants politiques ont été ensuite condamnés par les tribunaux internationaux spéciaux compétents.

55.Concernant l'Autriche, il souscrit à l'approche générale suggérée par M. Nobel, car il estime qu'il serait prématuré que le Comité se prononce à ce sujet avant d'avoir procédé à un examen approfondi des aspects racistes de la situation dans ce pays, sachant que des violations graves n'y ont pas été commises à cette date. Il souligne aussi la nécessité de prendre dûment en considération les spécificités européennes de la situation en Autriche, rendue délicate par le fait que les interventions éventuelles de la communauté internationale, dont celle du Comité, doivent prendre en considération la volonté populaire des électeurs du pays. Le Comité devrait donc étudier plus avant la question de l'Autriche et s'abstenir pour le moment de l'évoquer dans la déclaration à l'examen.

56.Enfin, M. Shahi s'associe à la proposition de M. Yutzis de créer un groupe de travail qui serait chargé de mettre au point le texte final de la déclaration en tenant compte des observations et suggestions formulées pendant l'échange de vues.

57.M. GAHAM (Représentant du Secrétaire général, chef en exercice du Service d'appui du Haut‑Commissariat aux droits de l'homme) ne voit pas d'inconvénient à ce que la Haut‑Commissaire aux droits de l'homme soit citée ponctuellement dans les déclarations du Comité, mais il se demande toutefois si le fait d'intégrer ces propos est conforme aux dispositions de la Convention. En outre, il est surpris qu'une déclaration du Comité s'appuie sur celles de la Haut-Commissaire, car il verrait plutôt l'inverse se produire. Il pense qu'il serait plus judicieux de mentionner la Haut-Commissaire pour la féliciter pour son action en général que de citer ses propos au sujet de certaines situations spécifiques qui sont des cas très sensibles. En réponse à une question du Président, il précise que la Haut-Commissaire n'a pas fait de déclaration sur le Nigéria.

58.M. LECHUGA HEVIA pense comme plusieurs experts que les commentaires et déclarations destinés à figurer dans le document au sujet de situations de violations des droits de l'homme liées à la discrimination raciale doivent être du cru du Comité et occuper une place centrale dans le document.

59.Appuyé par M. VALENCIA RODRIGUEZ et M. de GOUTTES, il approuve la proposition de M. Fall tendant à inclure une déclaration sur la situation au Nigéria. S'agissant de l'Autriche, il ne juge en revanche pas opportun d'en faire un sujet de préoccupation à part entière et propose que le Comité fasse plutôt une déclaration sur la montée des partis d'extrême droite dans le monde et que l'Autriche soit citée à titre d'exemple récent.

60.M. VALENCIA RODRIGUEZ pense qu'il faudrait, afin d'éviter que le document donne l'impression de devoir son existence aux déclarations de la Haut‑Commissaire, envisager une nouvelle rédaction dans laquelle ces déclarations seraient présentées comme la réaffirmation de l'attitude qu'a toujours eue le Comité face aux conflits à caractère racial, à savoir le recours aux mesures d'alerte rapide et à la procédure d'action urgente.

61.M. RECHETOV dit que le problème posé par la citation de déclarations de la Haut‑Commissaire est que, parmi les situations qu'elle évoque, certaines ont été suivies de près par le Comité alors que d'autres ne lui sont pas du tout familières. Il pense donc qu'il faut modifier l'ordre dans lequel les situations sont mentionnées et citer en premier lieu le conflit au Kosovo. En effet, depuis 1993, c'est une question que le Comité connaît à fond car il s'est penché dessus chaque année, a envoyé deux de ses membres faire le point de la situation sur place et a examiné quatre rapports de la République fédérale de Yougoslavie. De plus, la situation est grave car il y a tout lieu de craindre que les derniers Serbes vivant encore dans cette région en soient expulsés, ce qui représente un des aspects du nettoyage ethnique.

62.En ce qui concerne l'Autriche, M. Rechetov pense qu'il convient de suivre l'évolution de la situation mais qu'il est inutile d'accorder une trop grande place à cette question dans les déclarations du Comité.

63.M. DIACONU propose de rédiger une phrase dans laquelle le Comité dirait prendre note des déclarations de la Haut‑Commissaire, suivie d'une énumération des violations qu'elle évoque. En ce qui concerne l'Autriche, il pense qu'il suffit que le Comité suive avec attention l'évolution de la situation afin de voir si la politique du Gouvernement change au point d'affecter la mise en oeuvre de la Convention.

64.Mme ZOU, souscrivant aux propos de M. Aboul‑Nasr, juge trop importante la part prise par les déclarations de la Haut-Commissaire dans le projet de déclaration du Comité et pense qu'il y aurait avantage à fusionner les trois premiers paragraphes. En ce qui concerne l'Autriche, elle estime que des commentaires à ce sujet n'ont pas leur place dans ce document et appuie la proposition de M. Valencia Rodriguez, consistant à les faire figurer dans un document séparé pour l'élaboration duquel il serait utile de créer un groupe de travail.

65.M. BRYDE approuve le choix des termes proposés par Mme McDougall et M. Nobel, en indiquant qu'il préfère quant à lui l'expression "manipulation" à "exploitation" des différences ethnniques, puisque les personnes qui cherchent à provoquer des conflits font parfois plus qu'exploiter les différences ethniques : ils les inventent. En faisant figurer un commentaire sur ce type de problème dans la déclaration, le Comité pourrait par la même occasion parler de l'Autriche, comme il l'a fait précédemment dans ses conclusions sur la France, en condamnant non pas les électeurs du pays, mais les groupes qui exploitent et professent la haine raciale.

66.M. ABOUL NASR demande aux membres du Comité qui tiennent à ce qu'un commentaire sur l'Autriche figure dans le document de démontrer que M. Haider a tenu des propos constituant une violation de la Convention. Pourquoi le Comité citerait-il le cas de l'Autriche plutôt que celui d'Israël, pays où le Ministre des affaires étrangères et les représentants de certains partis au Gouvernement tiennent des propos ouvertement racistes ?

67.M. BANTON se réjouit de constater qu'un consensus se forme au sein du Comité autour de la notion de conflit ethnique. Il remaniera le projet en tenant compte des observations faites et approuve la proposition concernant la création d'un groupe de travail à composition non limitée.

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

Lieu des sessions du Comité

68.M. GAHAM (Représentant du Secrétaire général, chef en exercice du Service d'appui du Haut-Commissariat aux droits de l'homme) dit qu'en ce qui concerne la question de la tenue d'une session du Comité à New York, il sera en mesure de communiquer des renseignements avant la fin de la session.

La séance est levée à 13 heures.

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