Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale
Quatre-vingt - deux ième session
Compte rendu analytique de la 2211 e séance
Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 14 février 2013, à 15 heures
Président: M. Amir (Vice-Président)
Sommaire
Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)
Vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques de la Fédération de Russie
En l ’ absence de M. Avtonomov (Président), M. Amir (Vice-Président) prend la présidence.
La séance est ouverte à 15 h 5.
Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)
Vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques de la Fédération de Russie(CERD/C/RUS/20-22 et annexe; CERD/C/RUS/Q/20-22; HRI/CORE/1/Add.52/Rev.1)
1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation russe prend place à la table du Comité.
2.M. Osintsev (Fédération de Russie) dit que le Gouvernement russe a signé ou ratifié un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme au cours des dernières années, y compris la Charte sociale européenne, le Protocole no 14 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et la Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.
3.La délégation russe appuie chaque année une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le «caractère inacceptable de certaines pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée». Le Gouvernement russe verse également une contribution d’environ 2 millions de dollars des États-Unis d’Amérique au budget annuel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
4.Parallèlement au poste de commissaire fédéral aux droits de l’homme, des postes de commissaire aux droits de l’enfant et de commissaire aux droits des entrepreneurs ont été institués près le Président de la Fédération de Russie, respectivement en 2006 et 2009. Un commissaire aux droits de l’enfant exerce ses fonctions dans chacune des 83 entités régionales de la Fédération de Russie et un commissaire aux droits de l’homme dans 67 d’entre elles. Un système de «gouvernement ouvert» a été mis en place en 2012 pour faciliter la coopération entre les autorités et la société civile. Quatre conseils présidentiels s’occupent des organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile, des affaires concernant les communautés cosaques et des relations avec et entre les groupes religieux et ethniques. Des représentants d’organisations religieuses, d’associations ethniques et culturelles et de minorités autochtones siègent dans des conseils similaires à l’échelle régionale.
5.Une stratégie à long terme pour l’orientation des politiques relatives aux groupes ethniques jusqu’en 2025 a été adoptée à l’issue d’une vaste procédure de consultation, en décembre 2012. Elle vise notamment à mieux sensibiliser le grand public au caractère multiethnique de la Fédération de Russie; à consolider et à développer la diversité ethnique et culturelle; à harmoniser les relations entre différents groupes ethniques; à défendre les droits et libertés de l’homme et du citoyen, quels que soient la race, l’origine ethnique, le sexe, la langue ou les croyances religieuses; et à accélérer l’intégration sociale et culturelle des immigrés. Un programme de mesures visant à mettre en œuvre cette stratégie, examiné au préalable par des membres du Gouvernement, des spécialistes et des dirigeants de différentes communautés religieuses et ethniques, devrait être approuvé en avril 2013.
6.Les infractions commises pour des motifs politiques, idéologiques, raciaux ou ethniques ou fondées sur la haine religieuse ou l’hostilité à l’égard de groupes sociaux particuliers sont punies sévèrement par le Code pénal. Une commission interministérielle a été créée pour lutter contre l’extrémisme. La participation des organisations de la société civile à ces efforts est encouragée. De même, des activités sont menées par des groupes de travail au niveau régional et des efforts sont déployés pour couper les groupes extrémistes, terroristes et xénophobes de leurs sources de financement.
7.Le radicalisme politique, religieux, ethnique et nationaliste sévit principalement parmi les personnes de 25ans et moins, qu’elles soient nationalistes ou gauchistes. La répression des groupes radicaux est une priorité pour les forces de l’ordre, dont la conduite est surveillée par le Bureau du Procureur général. Les médias sont surveillés par un service fédéral de contrôle des communications chargé de repérer la diffusion de matériels destinés à accentuer les tensions ethniques et religieuses et à encourager ou justifier le terrorisme. En 2012, 17 avertissements ont été adressés à des organes d’information pour des activités de ce type.
8.L’Agence fédérale de la presse et des médias appuie des projets médiatiques qui ont pour objet d’encourager la diversité culturelle, de lutter contre la xénophobie, de promouvoir la culture des communautés autochtones et de combattre le terrorisme, l’extrémisme, le nationalisme et l’intolérance raciale et religieuse. Des fonds publics d’un montant d’environ 61 millions de roubles (plus de 2 millions de dollars É.-U.) ont été alloués à de tels projets en 2012. L’Agence a également organisé un concours de téléfilms qui a attiré plus de 200 films de plus de 30 différentes entités régionales.
9.Un cadre directeur fédéral pour les migrations, allant jusqu’en 2025, a été mis en place en 2012 en vue d’encourager l’intégration des immigrés dans la société russe. Une loi a été adoptée pendant la même année afin de faciliter l’acquisition de la nationalité russe par les citoyens de l’ex-URSS qui résident de longue date sur le territoire national. Cette loi s’applique également aux enfants de ces personnes. Le programme public d’aide à la réinstallation volontaire en Fédération de Russie des personnes de souche russe vivant à l’étranger a été prorogé et simplifié en 2012. Sur les 126 000 personnes qui ont bénéficié de ce programme depuis qu’il a été lancé en 2006, 63 000 sont arrivées en Fédération de Russie en 2012 seulement. Les délais de réinstallation ont été supprimés et les candidats peuvent choisir librement le lieu où ils souhaitent s’installer sur le territoire de l’État partie. Ce programme a été étendu aux demandeurs d’emploi, aux indépendants et aux étudiants.
10.Pour ce qui est de la région du Caucase, M. Osintsev dit que 120 milliards de roubles ont été investis dans des programmes de développement social et économique en Tchétchénie, entre 2008 et 2011. Environ 235 milliards de roubles seraient investis entre 2013 et 2020 pour assurer le développement économique et améliorer le niveau de vie dans l’ensemble de la région du nord du Caucase.
11.Un plan global biennal en faveur du développement social, économique et culturel des Roms a été lancé en janvier 2013. Des entités régionales devraient suivre l’exemple moyennant des programmes similaires. La Fédération de Russie participe également au programme de médiation européenne pour les Roms.
12.Des efforts considérables continuent d’être faits pour mieux sensibiliser les agents des forces de l’ordre aux droits de l’homme et améliorer leurs interactions avec les membres de groupes de la société civile, les migrants et les représentants des groupes ethniques. Les cas d’usage de la force par ces agents, notamment contre des autochtones et des migrants, font l’objet d’enquêtes sérieuses.
13.Sur les 277 langues et dialectes parlés dans le pays, 30 servent de moyen de communication dans les écoles et 59 autres sont enseignés.
14.Le principe de non-discrimination est consacré par la Constitution et la législation de l’État partie, et les normes du droit international sont directement applicables. Les organisations de la société civile se sont multipliées ces dernières années; plus de 60 000 associations et 400 000 organisations à but non lucratif sont réparties sur l’ensemble du pays.
15.L’État partie s’attache à promouvoir le développement durable et la protection des droits des petits groupes autochtones (de 50 000 membres ou moins). La première phase du Plan-directeur pour le développement stable des petits peuples autochtones du Nord, de Sibérie et d’Extrême-Orient de la Fédération de Russie a été exécutée entre 2009 et 2011. On espère que l’effectif des populations autochtones aura augmenté de 30 % dès 2020 et que leur niveau de vie rattrapera la moyenne nationale. Des subventions sont accordées aux niveaux fédéral et régional pour le logement, l’enseignement, l’infrastructure et l’achat de matériel de transformation du poisson et de la viande. Tous les enfants autochtones bénéficient gratuitement de l’enseignement secondaire et, dans certaines régions, l’enseignement supérieur est également gratuit. En règle générale, les entités régionales allouent aux peuples autochtones des subventions plus importantes que le Gouvernement fédéral, notamment des subventions mensuelles qui les aident à conserver leur mode de vie traditionnel. Ceux dont les terres ont été affectées à des activités industrielles ont été indemnisés. Dans l’ensemble, les communautés autochtones ont reçu 12 milliards de roubles sous forme d’aides publiques entre 2009 et 2011. Des représentants de ces communautés siègent dans différents organismes, y compris au sein du Conseil chargé des relations interethniques relevant du Président. Des commissaires pour les autochtones exercent leurs fonctions dans plusieurs entités régionales.
16.La Fédération de Russie est un État laïc qui appuie les initiatives sociales des organisations religieuses et encourage le dialogue interconfessionnel. Un nouveau cours sur les religions en Russie et dans le monde a été intégré dans le programme scolaire obligatoire en 2012. Le Gouvernement prend systématiquement des mesures pour lutter contre l’antisémitisme, l’islamophobie et la christianophobie. Outre les mesures de répression, un groupe d’écoles d’élite de sept grandes villes du pays, dont Moscou, ont participé à des projets visant à promouvoir et à approfondir l’enseignement de la religion islamique. Plus de 400 étudiants ont été sélectionnés avec l’aide de la communauté musulmane afin de bénéficier d’une aide de l’État pour suivre différents cours à l’université, y compris des cours de théologie. Des aides publiques ont également été accordées pour élaborer plus de 3 500 manuels et d’autres types d’ouvrages didactiques religieux. Le Gouvernement aide les institutions religieuses traditionnelles qui œuvrent pour l’amélioration des relations interethniques et interconfessionnelles.
17.M me Crickley (Rapporteuse pour la Fédération de Russie) dit qu’un certain nombre de changements positifs, y compris la simplification des procédures relatives à l’acquisition de la nationalité russe, sont survenus dans l’État partie depuis qu’il a soumis son précédent rapport périodique. Le Comité note également avec satisfaction que les travaux de construction du barrage d’Evenki ont été interrompus.
18.Tout en notant que la lutte contre les crimes de haine s’est intensifiée au cours des dernières années écoulées, elle se demande si les propos haineux sont devenus plus rares. Les informations selon lesquelles des responsables du club de football Zénith Saint‑Pétersbourg auraient déclaré que le club ne recruterait que des joueurs blancs sont préoccupantes. La rapporteuse demande dans quelle mesure la loi interdisant que des actes de discrimination soient commis par des agents des forces de l’ordre a été appliquée.
19.L’absence de législation fédérale globale interdisant toutes les formes directes et indirectes de discrimination raciale, constatée au paragraphe 9 des précédentes observations finales du Comité, reste préoccupante. Le fait que les affaires de discrimination concernant des femmes, des minorités nationales, des migrants et des apatrides ne sont pas examinées par la justice révèle que les normes en vigueur, principalement déclaratives, interdisant la discrimination, ne sont pas applicables dans les tribunaux. L’absence de définition claire de la discrimination raciale dans la législation nationale et le manque de procédures civiles et administratives permettant de prévenir et de combattre la discrimination directe et indirecte restent un problème majeur.
20.Il serait utile que la délégation fournisse des informations sur les mesures prises pour créer un mécanisme systématique de collecte de données en vue d’évaluer la situation socioéconomique de différents groupes ethniques de l’État partie, comme le préconisent les précédentes observations finales.
21.En outre, Mme Crickley demande des renseignements sur les plaintes pour discrimination raciale évoquées et examinées par le Bureau du Défenseur des droits de l’homme, et sur la suite qui leur a été donnée. Elle demande des précisions sur la relation qui existe entre le Commissaire national aux droits de l’homme et les médiateurs locaux, et souhaite savoir comment la législation nationale et fédérale à cet égard a été directement mise en œuvre aux niveaux local et régional.
22.Des inquiétudes ont été exprimées au sujet de la portée générale de la législation sur la lutte contre les activités extrémistes et sur le fait qu’elle n’avait pas été appliquée aux groupes ultranationalistes. Le Comité souhaiterait recevoir des informations sur l’application de cette loi et sur les mesures de prévention visant les jeunes.
23.Bien que le rapport fasse état de l’intégration des Tchétchènes, aucune information n’y est donnée sur l’exercice direct des droits garantis par la Convention, y compris celui de ne pas faire l’objet d’une discrimination, par les minorités ethniques, notamment les personnes venant de Tchétchénie, du Caucase et d’Afrique. La situation des Africains a été évoquée dans des informations sur des cas de racisme dans le sport.
24.La rapporteuse demande des informations supplémentaires sur les mesures examinées pour faire en sorte que le processus accéléré d’enregistrement du lieu de résidence soit appliqué aux minorités, y compris aux personnes venant de Tchétchénie, du Caucase et aux citoyens des anciennes républiques soviétiques.
25.Vu les informations selon lesquelles des actes de discrimination auraient été commis contre des minorités ethniques par des agents des forces de l’ordre, Mme Crickley demande des renseignements sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les sanctions appliquées et sur les mesures qui ont été prises pour empêcher de tels actes. Des ressortissants tchétchènes continuent de faire fréquemment l’objet d’arrestations; ils seraient soumis à de mauvais traitements par le personnel pénitentiaire et seraient privés de soins médicaux. On empêche parfois les musulmans d’accomplir leurs devoirs religieux. Comment l’État partie traite-t-il de tels problèmes?
26.La rapporteuse demande des informations sur les procédures et les critères permettant d’obtenir un appui direct pour préserver les cultures des minorités, et sur la participation effective des représentants de minorités à l’adoption des décisions concernant ces questions et d’autres encore. Il serait en outre utile d’obtenir davantage d’informations sur l’accès à l’enseignement secondaire assuré dans les langues des minorités et sur le droit d’étudier et de subir les examens nationaux dans ces langues.
27.Le Comité souhaiterait recevoir des renseignements sur les mesures spéciales envisagées dans le prochain plan national visant à promouvoir l’accès des Roms à l’emploi, à un logement convenable avec la garantie de ne pouvoir être expulsés et à d’autres droits économiques, sociaux et culturels, et leur permettre d’obtenir des papiers d’identité et d’enregistrer leur lieu de résidence. Bien que le Comité ait abordé ces questions dans ses observations finales de 2008, aucune mesure directe ne semble avoir été prise. Ce plan portera-t-il sur le comportement des Roms à l’égard du reste de la population ou sur celui de la population en général à l’égard des Roms?
28.La participation au programme de formation des médiateurs du Conseil de l’Europe est utile, mais il convient de veiller à ce que les médiateurs n’agissent pas au nom de l’État. Comment les médiateurs maintiendront-ils leur indépendance pour être en mesure de s’acquitter de leurs tâches efficacement et d’être utiles aux Roms? Quels nouveaux processus seront mis en place dans le cadre du plan national pour permettre aux Roms d’engager des procédures d’enregistrement ou pour obtenir des résultats tels que la liberté de circuler et de choisir son lieu de résidence et le droit à l’assistance sociale? Priver les Roms de ces droits pour le motif qu’ils n’ont pas de papiers constitue une entrave majeure à la mise en œuvre de la Convention.
29.Un certain nombre d’incohérences juridiques qui affectent les droits des peuples autochtones ont été portées à l’attention du Comité. Il serait utile de savoir quels moyens sont mis en œuvre pour rendre la législation plus cohérente. Étant donné les modifications apportées en 2008 et 2010 à la loi sur l’utilisation des animaux et des ressources aquatiques, le Comité souhaite savoir s’il est strictement interdit aux populations autochtones d’avoir des activités économiques non traditionnelles qui, normalement, devraient pouvoir contribuer à la création de communautés viables. Comment la loi fédérale sur les territoires d’utilisation traditionnelle des ressources, adoptée en 2001, a-t-elle été appliquée? Quels sont les obstacles qui continuent d’en empêcher la mise en œuvre et quels sont les délais prévus pour les éliminer?
30.La rapporteuse demande s’il existe des mécanismes permettant de veiller à ce que les subventions spéciales destinées à améliorer la situation socioéconomique des autochtones soient utilisées, comme prévu, de manière transparente et responsable. Elle demande en outre des informations supplémentaires sur l’octroi de permis à des entreprises privées pour l’extraction de ressources naturelles et l’installation de pipelines, sur l’incidence écologique de ces activités et sur leur évaluation, ainsi que des précisions sur les réparations offertes aux communautés touchées.
31.S’agissant du futur plan d’action pour l’intégration, qui concerne les étrangers, notamment les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les apatrides, Mme Crickley demande à la délégation de donner des indications claires sur le plan et les objectifs annuels de sa mise en œuvre. Elle lui demande également de préciser ce qu’elle entend par «adaptation culturelle» et «intégration des migrants». La politique et la stratégie employées viseront-elles à faire en sorte que les catégories de personnes susmentionnées comprennent mieux leurs droits ou auront-elles pour objet d’assimiler leurs cultures? En outre, le Comité souhaiterait obtenir des informations sur la situation des personnes déplacées, en particulier dans le nord du Caucase, et sur l’aide publique offerte aux personnes qui ont fui la Tchétchénie et vivent dans d’autres régions.
32.Le Comité craint que les modifications apportées au Code du travail de 2006 ne suppriment le droit de porter plainte pour discrimination raciale. Il demande des renseignements sur les décisions issues des procédures judiciaires et sur les mesures qui ont été prises pour les répertorier.
33.Le Comité souhaiterait également avoir des informations sur les mesures prises pour mieux faire connaître la Convention dans l’ensemble de la Fédération de Russie et sur les voies de recours disponibles en cas de discrimination directe et indirecte. Il souhaiterait en outre en savoir davantage sur les incidences des modifications apportées à la loi sur les organisations à but non lucratif, les défenseurs des droits de l’homme, les ONG et les petits groupes religieux. Enfin, il souhaiterait recevoir des informations sur toute mesure directe prise pour lutter contre la discrimination raciale que subissent les femmes appartenant à des groupes minoritaires.
34.M. Murillo Martínez dit que des mesures louables ont certes été prises pour lutter contre l’extrémisme et veiller à ce que les médias ne tiennent pas des propos haineux et n’encouragent pas l’hostilité raciale, comme il est indiqué au paragraphe 17 du rapport, mais que lesdites mesures semblent néanmoins insuffisantes; tous les jours, les médias rapportent des incidents témoignant de la réapparition préoccupante en Fédération de Russie du racisme, de la xénophobie et de l’ultranationalisme. Les réactions des autorités dans certains cas sont également préoccupantes. Dans ce contexte, M. Murillo Martínez demande à la délégation de fournir des statistiques officielles sur les meurtres d’étrangers, notamment d’étudiants étrangers, commis par des groupes extrémistes. Quels ont été les résultats des enquêtes? Quelles décisions judiciaires et quelles peines ont été prononcées? En outre, il serait utile de comprendre selon quels principes de tels cas ont été analysés et les raisons de la réapparition de l’extrémisme.
35.Quelque 50 000 personnes en Fédération de Russie sont membres d’organisations nazies et néonazies, qui organisent des manifestations relativement bien suivies dans différentes régions. Dispose-t-on de chiffres officiels sur les effectifs de ces organisations? Il serait également utile de savoir comment celles-ci sont perçues par le grand public.
36.Enfin, M. Murillo Martínez demande si la délégation russe pense que la Convention (no 169) de l’Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, et son éventuelle mise en œuvre pourraient être utiles à la Fédération de Russie, compte tenu de sa diversité ethnique.
37.M. Kut dit qu’il est important de garder à l’esprit que la Fédération de Russie est une entité vaste et complexe. Si certains problèmes semblent manifestes du point de vue du Comité, des efforts considérables sont déployés pour y remédier.
38.Le problème de l’enregistrement du lieu de résidence est grave même s’il ne touche que quelques milliers de personnes, car il influe profondément sur la vie de ces dernières. Sont principalement touchés les Roms, mais également certains ressortissants russes, étrangers et apatrides. M. Kut demande pourquoi, étant donné le nombre relativement faible de ces personnes, il est si difficile de résoudre ce problème de façon définitive et durable en leur accordant un permis de séjour.
39.S’agissant du droit pénal et des mesures de lutte contre l’extrémisme, il souhaite savoir si les autorités ont élaboré ou non une politique et une stratégie pour rendre l’application du Code de procédure pénale plus efficace et en évaluer la mise en œuvre. Par ailleurs, compte tenu de l’absence de législation civile sur la discrimination, existe-t-il une stratégie en faveur de l’adoption d’une législation administrative civile réellement complète qui serait clairement et exclusivement axée sur la lutte contre le racisme?
40.Les chiffres de la violence raciste fournis en avril 2012 par les autorités russes indiquent que le nombre de morts et de blessés dû à ce type de violence a fortement chuté en 2010 par rapport à 2007, ce qui constitue une évolution positive. Les raisons de cette baisse ont-elles été analysées et dispose-t-on de chiffres pour 2011 et 2012?
41.Les propos politiques racistes se multiplient partout en Europe et ailleurs. On sait qu’en Russie, certains partis et responsables politiques font des déclarations racistes pour obtenir un appui politique, stratégie qui porte parfois ses fruits. Que font les autorités pour combattre ce type de propos racistes?
42.Des informations détaillées ont été données sur les groupes vulnérables, tels que les Roms. Cependant, il serait utile de savoir quelles institutions, s’il y en a, recensent les groupes les plus vulnérables de la société, et si le Gouvernement mène une action particulière pour faire face aux problèmes de ces groupes.
43.Enfin, le caractère fédéral de la Russie pose certaines difficultés de droit constitutionnel. Comment une politique ou stratégie fédérale peut-elle s’appliquer, ou être appliquée, à des questions fédérales, de la même manière et de façon à aboutir aux mêmes résultats? Quels sont les mécanismes disponibles pour y veiller? Comment l’application de bonnes pratiques locales peut-elle être élargie à l’entité fédérale en vue d’atteindre le résultat souhaité dans le domaine de la lutte contre le racisme?
44.M. Diaconu dit qu’il ressort clairement du rapport que la Fédération de Russie dispose d’une multitude de lois sectorielles dans de nombreux domaines. Le rapport indique que des activités visant à éliminer la discrimination raciale, en plus d’un certain nombre d’activités culturelles, visent les jeunes. Bien que la législation russe évolue rapidement, ce qui comporte un risque de discontinuité, elle ne définit pas la discrimination raciale et n’est donc pas conforme à la Convention. Premièrement, la législation russe ne prévoit que la discrimination liée à une restriction, contrairement à la Convention qui prévoit également la discrimination qu’entraînent une distinction, une exclusion et une préférence. Deuxièmement, la Convention mentionne les motifs et effets directs et indirects de la discrimination, qui ne semblent pas être pris en considération dans le droit russe.
45.M. Diaconu s’enquiert des éléments qui ont abouti à la décision selon laquelle un peuple autochtone se définit comme étant un groupe de population comptant moins de 50 000 personnes. N’existe-t-il aucun groupe autochtone comptant plus de 50 000 personnes et, dans l’affirmative, ne devrait-il pas bénéficier aussi d’une protection en tant que peuple autochtone?
46.Certains organismes s’occupant des affaires des populations autochtones ont été dissous. Les activités de l’Association russe des peuples autochtones du Nord ont été suspendues pour des questions de procédure. Des départements centraux et régionaux chargés des peuples autochtones ont été fermés. Qui a pris la relève de ces départements et pourquoi ont-ils été dissous?
47.Différents rapports des organes conventionnels de l’ONU ont relevé les problèmes des peuples autochtones, y compris la précarité des communautés autochtones qu’entraînent les codes foncier et forestier en vigueur qui les privent de leurs droits fonciers traditionnels et autorisent des entreprises à exploiter leurs ressources. Les multiples lois relatives à divers problèmes dont souffrent les peuples autochtones devraient reconnaître et respecter les droits de ces peuples, être cohérentes et faciles à interpréter et à appliquer. Comme l’a indiqué la délégation, il faudrait, en priorité, reconnaître et respecter l’accès prioritaire des peuples autochtones aux ressources naturelles de leur région.
48.Dans ce contexte, il est difficile de comprendre pourquoi les communautés ne peuvent pas obtenir de droits fonciers communaux. Partout ailleurs dans le monde, les peuples autochtones gèrent et utilisent les terres collectivement parce qu’ils vivent en communauté. La protection de ces peuples et de leurs droits devrait être assurée, et ils ne devraient pas être empêchés d’exercer leurs droits collectivement.
49.Des mesures spécifiques et énergiques sont requises pour normaliser la situation des droits de l’homme au nord du Caucase. Aucune enquête n’a été menée en ce qui concerne les cas de torture, de traitements inhumains et de disparitions forcées signalés par le Comité contre la torture dans le nord du Caucase, en décembre 2012. Les enfants de cette région ne fréquentent pas les établissements scolaires publics et les femmes sont doublement pénalisées par la discrimination, étant donné les niveaux de violence qu’elles subissent.
50.Comme l’a indiqué M. Kut, le Comité a recommandé à l’État partie, dans ses précédentes observations finales, de prendre des mesures afin de résoudre le problème des documents personnels et de l’enregistrement du lieu de résidence des Roms. Cependant, ce problème persistant a des conséquences graves sur un grand nombre de personnes. Étant donné la réticence des Roms à s’adresser aux autorités, la Fédération de Russie pourrait prendre en considération l’approche pragmatique adoptée par le pays de M. Diaconu, la Roumanie, où les autorités entrent directement en contact avec les minorités: des équipes de responsables du Ministère de l’intérieur et du service de l’état civil se sont rendues dans des zones habitées par des Roms pour déterminer si ces derniers possédaient ou non les documents requis et, quand ce n’était pas le cas, elles leur en ont délivrés.
51.Le Comité reste préoccupé par le nombre de crimes haineux, d’agressions racistes et d’actes de profilage racial et de harcèlement qui seraient commis par des forces de police au sein de l’État partie. Tout aussi inquiétant est le fait que les autorités policières et judiciaires s’abstiennent d’enquêter, de poursuivre et de punir dans les affaires de crimes haineux et d’agressions racistes contre des minorités ethniques et religieuses. M. Diaconu demande quelle est la cause de l’augmentation notable de ces phénomènes et prie instamment l’État partie de redoubler d’efforts pour fournir à la police une formation efficace qui la mette en mesure de respecter les droits de l’homme.
52.La multiplication des propos haineux dans les discours politiques est également alarmante, comme le montre la déclaration faite en 2009 par le maire de Sochi, M. Pakhomov, selon lequel tous les Roms et les personnes sans abri auraient dû être expulsés de la ville et forcés à participer à la construction des installations des Jeux olympiques d’hiver de 2014. M. Diaconu invite la délégation à formuler des observations sur le fait que les tribunaux ont jugé M. Pakhomov non coupable à l’issue de l’examen d’une plainte déposée par un membre de la communauté rom. Ayant à l’esprit les articles de journaux mettant les citoyens en garde contre les membres de la communauté rom, et allant jusqu’à qualifier ces derniers de dangereux criminels, il engage l’État partie à adopter un code de déontologie des journalistes qui interdirait la publication de telles déclarations.
53.M. Diaconu demande pourquoi la mesure spéciale encourageant la représentation politique des groupes minoritaires dans les organes électifs locaux a été annulée. De même, il souhaite savoir quelles mesures ont été prises pour donner suite à l’appel lancé par le Président en 2011 pour que soient instituées certaines préférences ethniques pour les nominations à des postes de l’administration publique ou municipale.
54.Conformément à la pratique de l’Organisation des Nations Unies, les personnes qui ont été forcées à émigrer à l’intérieur d’un État sont classées dans la catégorie des personnes déplacées à l’intérieur du pays et ont le droit d’être protégées, en tant que telles, au titre des Principes directeurs de l’ONU. Le fait que de nombreuses personnes déplacées à l’intérieur du pays ont été classées dans la catégorie des migrants les a empêchées d’exercer leur droit d’être enregistrées en tant que résidents et de retourner dans leurs foyers. M. Diaconu demande aux autorités de prendre des mesures pour remédier à cette anomalie, en tenant notamment compte du fait que plus de dix années se sont écoulées depuis le conflit qui a conduit au déplacement de ces populations. Il est également urgent de mettre un terme à la multiplication des actions menées par la police contre les personnes d’ascendance géorgienne et tadjike; les citoyens ordinaires ne devraient pas être punis en raison d’une dégradation des relations entre États.
55.M. de Gouttes félicite l’État partie de soumettre régulièrement ses rapports périodiques au Comité. Il demande quelles sont les entités autonomes culturelles nationales, les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations religieuses qui ont participé à l’élaboration du rapport périodique. Il demande des précisions sur l’affirmation figurant au paragraphe 72 du rapport selon laquelle l’adoption d’un instrument juridique antidiscriminatoire spécifique ne correspond ni à la logique ni au caractère sectoriel du droit russe, et n’est pas non plus conforme à la pratique suivie pour sa mise en œuvre. Cette affirmation semble incompatible avec les obligations découlant des articles 1 et 4de la Convention.
56.Il est clair que les dirigeants politiques approuvent de plus en plus les idées des groupes extrémistes car elles leur rapportent des voix. Cependant, M. de Gouttes souhaiterait connaître les commentaires de la délégation sur les raisons de l’augmentation des propos haineux parmi le grand public, en particulier les jeunes, contre de nombreuses minorités ethniques, les Roms, les personnes d’ascendance africaine, les musulmans et les juifs, une tendance qui semble plus forte en Fédération de Russie que dans d’autres pays.
57.Il serait utile de savoir si des données sont disponibles sur le nombre de Roms vivant dans l’État partie. Des mesures ont-elles été prises pour accroître l’accès des Roms à l’emploi, à des documents personnels et à l’enregistrement de leur lieu de résidence, à un logement convenable garanti par un contrat légal, à l’éducation et à d’autres droits économiques, sociaux et culturels?
58.Compte tenu du grand nombre d’allégations selon lesquelles des membres de minorités ethniques feraient fréquemment l’objet de contrôles d’identité, d’arrestations, de mesures de placement en détention et d’actes de harcèlements imputables à la police et à d’autres agents de l’État, M. de Gouttes demande davantage de précisions sur la loi fédérale sur la police, entrée en vigueur en mars 2011. Il serait également utile de savoir quelles mesures sont prises pour former la police et autres fonctionnaires de l’État à respecter la diversité ethnique.
59.M. de Gouttes reste convaincu que les dispositions du Code pénal et d’autres lois nationales interdisant les actes de discrimination raciale sont pleinement compatibles avec les articles 1et 4 de la Convention. À cet égard, il demande si le projet de loi fédérale portant modification de plusieurs dispositions législatives, mentionné au paragraphe 113 du rapport périodique, a été adopté.
60.Le Comité souhaiterait recevoir des données sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale que le Médiateur des droits de l’homme a reçues et qui ont fait l’objet d’enquêtes. M. de Gouttes demande également des informations sur les affaires de discrimination raciale soumises aux tribunaux civils et administratifs. Il voudrait savoir si l’État partie a eu recours à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, source d’information extrêmement utile en matière de discrimination.
61.M. Calí Tzay demande si certains membres de la communauté rom résident illégalement au sein de l’État partie alors que d’autres y vivent légalement et, dans l’affirmative, pour quelles raisons. Il voudrait savoir si les logements publics mis à disposition des membres de la population rom sont culturellement adaptés.
62.Étant donné que le droit à la protection des terres ancestrales et des modes de vie traditionnels des petites communautés autochtones est garanti par la Constitution de l’État partie, M. Calí Tzay demande quel est l’organisme chargé de définir leurs modes de vie traditionnels. Il invite la délégation à formuler des observations sur la conformité de la loi fédérale sur les territoires d’utilisation traditionnelle des ressources avec cette disposition de la Constitution, sachant que la loi fédérale aurait donné lieu à des restrictions des droits de pêche traditionnels des communautés autochtones. Il demande davantage de précisions sur la version actualisée de ladite loi, qui est apparemment appliquée bien qu’elle n’ait pas encore été soumise à la Douma.
63.Le Comité souhaiterait recevoir des informations supplémentaires sur la définition du terme «nationalités», et voudrait savoir si cette définition a été modifiée. Quant à la définition des petits peuples autochtones, M. Calí Tzay partage les préoccupations exprimées par M. Diaconu.
64.Compte tenu des informations selon lesquelles la loi sur la lutte contre l’extrémisme serait instrumentalisée pour réduire les défenseurs des droits de l’homme au silence, M. Calí Tzay demande si cette loi a été utilisée pour museler les critiques contre la politique de l’État.
65.Il serait utile de savoir si l’État partie a l’intention de recueillir des données statistiques qui serviraient à évaluer le développement économique et social.
66.M. Kemal demande quelles formes de coopération internationale ont été encouragées dans le cadre de la deuxième Décennie internationale des populations autochtones. Il propose que des initiatives relatives à l’écotourisme soient prises en vue d’améliorer les conditions de vie des petits peuples autochtones du Nord, de Sibérie et d’Extrême-Orient russe tout en respectant leurs modes de vie traditionnels. Il s’enquiert des mesures prises pour veiller à ce qu’une partie des bénéfices tirés de l’exploitation pétrolière et d’autres industries extractives profitent aux petits peuples autochtones et contribuent à la préservation de la biodiversité de l’État partie pour les futures générations.
67.Il serait utile de savoir si le Gouvernement prend des mesures pour conserver et rénover des lieux de culte historiques, notamment des églises, des mosquées, des synagogues et des temples bouddhistes qui appartiennent souvent à des groupes minoritaires.
68.M. Vázquez félicite l’État partie de s’être engagé, à l’occasion de l’Examen périodique universel (EPU), à respecter les principes cités dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il demande des renseignements à jour sur les progrès accomplis à cet égard, sachant notamment que le Comité a reçu des informations selon lesquelles les droits des peuples autochtones n’ont pas encore été incorporés dans la législation nationale. Il s’enquiert en outre des mesures qui sont prises pour mettre en œuvre le «Plan-directeur pour le développement stable des petits peuples autochtones du Nord, de Sibérie et d’Extrême-Orient de la Fédération de Russie», et demande des informations supplémentaires sur la teneur de la nouvelle version de la loi fédérale sur les territoires d’utilisation traditionnelle des ressources et sur l’état d’avancement de cette version.
69.M. Vázquez voudrait savoir si l’État partie a accepté les recommandations faites dans le cadre de l’EPU, consistant à réexaminer les lois se rapportant à l’extrémisme et aux ONG pour s’assurer qu’elles sont compatibles avec les obligations et normes internationales relatives aux droits de l’homme; à réviser la loi relative à l’extrémisme de façon à y insérer une définition claire de ce phénomène; et à envisager un réexamen de la loi sur les ONG. Dans l’affirmative, M. Vázquez souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises pour donner suite à ces recommandations.
70.M. Vázquez demande si des données sont disponibles sur le nombre de réfugiés ayant obtenu la nationalité de l’État partie.
71.M. Lindgren Alves demande si les résultats du recensement de 2010 ont été publiés et, dans l’affirmative, souhaiterait qu’ils soient envoyés au Comité car ils lui fourniraient des informations utiles sur la situation des différents groupes ethniques dans l’État partie. Il félicite l’État partie de ce que son rapport périodique et ses efforts sur le terrain soient axés sur l’interdiction des groupes extrémistes et la prévention des actes extrémistes, en particulier des actes de violence.
72.M me Dah félicite le Gouvernement pour son rapport périodique, conforme aux directives du Comité relatives à l’établissement des rapports. Cependant, elle le prie instamment de soumettre au Comité un document de base à jour, sachant que celui dont il dispose date de 1996.
73.Mme Dah s’enquiert des mesures que l’État partie prend pour veiller à ce que toutes les formes d’éducation − au sein de la famille, à l’école, à l’université et par le biais des médias − contribuent aux efforts visant à inverser la tendance à l’extrémisme qui semble actuellement avoir une influence importante sur de nombreux jeunes.
La séance est levée à 18 heures.