Nations Unies

CERD/C/SR.1960

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

17 juin 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante- quinz ième session

Compte rendu analytique de la 1960 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 20 août 2009, à 15 heures

Président e: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Dixième à quinzième rapports périodiques du Tchad

La séance est ouverte à 15 h 20.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Dixième à quinzième rapports périodiques du Tchad (CERD/C/TCD/15; CERD/C/TCD/Q/15; HRI/CORE/1/Add.88; réponses écrites à la liste des points à traiter, document sans cote distribué en séance en français seulement)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation tchadienne prend place à la table du Comité.

2.M. Djasnabaille (Tchad), présentant les dixième à quinzième rapports périodiques de son pays (CERD/C/TCD/15), dit que quarante-neuf ans après avoir accédé à l’indépendance, celui-ci continue de pâtir des conséquences de plusieurs décennies d’instabilité et de conflit armé. Politiquement parlant, le pays est très jeune et le processus d’édification nationale et de renforcement des institutions est loin d’être achevé. Le représentant donne un bref aperçu de l’histoire turbulente qu’a connu le Tchad après l’indépendance et de la complexité de sa situation géopolitique. La situation politique dans les pays voisins, en particulier au Soudan, a également eu un impact direct sur le développement socioéconomique et politique du Tchad. L’afflux de quelque 250 000 réfugiés dans le pays suite à la crise du Darfour en 2003, combiné au déplacement de quelque 140 000 Tchadiens, représente une lourde charge pour le pays. Dans ce contexte, la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales est une tâche monumentale.

3. La société tchadienne est, de plus, traditionnellement dominée par les hommes et le conflit armé qui perdure a créé une culture où la violence est considérée comme un mode de vie acceptable. Le phénomène des enfants soldats est en partie dû au fait que les enfants ont grandi dans un environnement où le viol et les affrontements armés étaient monnaie courante. En outre, la tradition veut que les enfants nés dans des familles de militaires deviennent souvent eux-mêmes des soldats et les efforts entrepris pour les démobiliser ne sont pas toujours couronnés de succès. Des progrès importants ont cependant été accomplis pour réadapter et réinsérer ces enfants dans la société, en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG).

4. L’absence de sensibilisation aux instruments nationaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme entrave la mise en œuvre de ces derniers. L’inexistence d’une armée professionnelle est également très problématique. Pour beaucoup de Tchadiens, rallier les forces armées n’est pas un choix mais une nécessité due au conflit armé omniprésent et à l’agression du pays par le Soudan. En conséquence, les soldats tchadiens sont pour la plupart mal formés et souvent illettrés. Malgré le manque de formation, les militaires occupent souvent des postes au sein des institutions étatiques, avec tous les problèmes que cela engendre en termes de droits de l’homme.

5. Afin de renforcer la crédibilité et l’efficacité des institutions, un projet est actuellement mis en œuvre avec le soutien du Gouvernement français et de l’Union européenne afin de former les fonctionnaires, y compris les juges de paix. Afin «d’assainir» les institutions publiques, les fonctionnaires non qualifiés ont été licenciés et des normes minimales pour l’emploi dans la fonction publique ont été introduites, qui comprennent l’amélioration des compétences et la formation continue obligatoires. Le soutien de la communauté internationale dans ce domaine est crucial.

6. L’accord du 13 août 2007 sur la réforme électorale visait à préparer la tenue d’élections libres et transparentes. Afin de créer un environnement propice à ces élections, les problèmes susmentionnés liés à l’armée et au respect des institutions mais aussi à l’affaiblissement de l’influence des chefs traditionnels doivent impérativement être résolus.

7. Afin de lutter contre le problème de la violence généralisée contre les femmes, un code de la famille a été élaboré qui aborde tout un éventail de questions relatives à la place des femmes dans la société. Les garanties juridiques d’égalité entre hommes et femmes ne sont pas appliquées dans la pratique mais le Gouvernement mène toute une série d’activités pour mieux respecter les normes internationales relatives aux droits de l’homme. La société civile joue un rôle important en la matière, en particulier pour sensibiliser la population.

8.Une autre difficulté tient à la mauvaise administration de la justice. Les ressources et un personnel bien formé sont rares et la corruption est monnaie courante. Pour lutter contre cette dernière, un suivi régulier est effectué et les résultats rendus publics. Le Tchad ne dispose pas, pour l’heure, d’institut spécialisé en matière de formation des juges et la formation juridique est globalement déficiente. Des améliorations devront être effectuées d’urgence dans ce domaine pour garantir un accès adéquat à la justice. Concilier le droit coutumier avec les normes et valeurs modernes du droit, dont les normes internationales relatives aux droits de l’homme, est également un défi que le pays doit relever.

9. Bien que la discrimination raciale en tant que telle n’existe pas au Tchad, le manque de tolérance mutuelle et la rivalité idéologique persistante entre les différents groupes ethniques et religieux sont généralisés. Les activités de sensibilisation sont donc axées sur la coexistence pacifique et la promotion de valeurs communes. Le problème le plus grave lié à la discrimination est le statut des femmes dans la société tchadienne. Les pratiques discriminatoires telles que la difficulté que rencontrent les filles en matière d’accès à l’éducation, les mariages précoces et les mutilations génitales féminines sont profondément enracinées dans la tradition et difficiles à éradiquer. La violence familiale constitue également un problème, les femmes hésitant souvent à porter plainte de peur d’une stigmatisation sociale. Plusieurs organisations de défense des droits des femmes ont été créées pour les aider à lutter contre la violence domestique et à ester en justice, notamment.

10. Le pays connaît une situation socioéconomique difficile et la poursuite du conflit armé a également une incidence négative sur la situation des enfants. Les violations des droits de l’enfant sont le travail forcé, les enlèvements contre rançon, et l’exploitation et les mauvais traitements commis par des marabouts (professeurs de religion). La maltraitance des enfants placés dans des centres de rééducation religieux, parfois à des milliers de kilomètres de chez eux ou à l’étranger, a profondément ému la population. En réponse aux plaintes et cas d’abus signalés, ces centres ont été fermés et les marabouts soupçonnés de maltraitance traduits en justice. Il est désormais interdit d’envoyer les enfants dans des écoles religieuses à l’étranger, car ils sont moins vulnérables lorsqu’ils sont élevés dans un environnement familier près de chez eux.

11.Le Gouvernement tchadien a pris des mesures, en coopération avec la Commission nationale des droits de l’homme, pour que les ONG puissent s’acquitter de leur rôle. Le Gouvernement organisera un Forum national des droits de l’homme en novembre 2009 auquel participeront de nombreuses ONG. Le Comité est du reste invité à participer à cet événement qui comprendra plusieurs ateliers sur les droits de l’homme, la discrimination et les ONG. L’expertise du Comité serait précieuse dans ce cadre. Le Gouvernement tchadien a déjà invité la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et des représentants de l’Union européenne ainsi que plusieurs experts originaires d’Afrique, d’Europe et des États-Unis à y participer. Le Gouvernement espère que cela sera l’occasion de trouver des réponses concrètes aux problèmes que rencontre le pays en matière de droits de l’homme et d’adopter un plan d’action qui sera transformé en 2010 en politique nationale des droits de l’homme. Le Gouvernement espère également bénéficier de l’aide financière de la communauté internationale et de conseils d’experts pour l’aider à mettre sa législation en conformité avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le pays et assurer leur mise en œuvre sur tout le territoire tchadien.

12. Le représentant appelle également la communauté internationale à trouver une solution à la question du Darfour qui pose de nombreux problèmes au Tchad et aux pays avoisinants en termes de violence, de mouvements de réfugiés et de violations des droits de l’homme. Les mesures que le Tchad et la communauté internationale ont prises jusqu’à présent n’ont pas eu les effets escomptés, notamment pour ce qui est de la poursuite des auteurs et des politiciens impliqués dans des actes de violence.

13. M. Ewomsan (Rapporteur pour le Tchad) se félicite de la reprise du dialogue entre le Comité et l’État partie après quatorze ans d’absence et de la création du Ministère tchadien en charge des droits de l’homme. Malgré la Conférence nationale souveraine, de 1993, destinée à amorcer le processus de réconciliation nationale après la guerre civile, la culture du conflit et de la rébellion armée continue de prévaloir au sein de l’État partie et semble être devenue quasiment un moyen d’expression politique. Dans son rapport de 2005 sur la situation des droits de l’homme au Tchad, l’Experte indépendante de l’Organisation des Nations Unies a noté que l’identité nationale était moins importante que l’identité ethnique, voire l’identité clanique. Dans ses observations finales de 1995 concernant le Tchad, le Comité s’était dit préoccupé par le caractère ethnique des violations des droits de l’homme, par l’influence prédominante de certaines minorités ethniques proches du pouvoir dans l’administration et l’armée, et par l’antagonisme croissant entre le nord et le sud du pays. Les recommandations du Comité portaient notamment sur les caractéristiques ethniques de la population, les réformes entreprises à la suite de la Conférence nationale souveraine, le champ d’action de la Commission nationale des droits de l’homme et l’assistance technique du Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme que le Tchad était invité à solliciter. Le Rapporteur félicite l’État partie d’avoir établi une Mission permanente auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

14. Le rapport périodique à l’examen contient des informations d’ordre géographique, historique, politique et statistique sur l’État partie. Une foule de statistiques démographiques et ethniques issues du recensement de la population mené en 1993 y figurent également. Pour les besoins d’analyse, la centaine d’ethnies dénombrées lors du recensement d’avril 1993 ont été regroupées sur le fondement de critères linguistiques et géographiques, du mode de vie, et des us et coutumes. Or, le regroupement ethnique réalisé par le Bureau central de recensement donne 16 grands groupes ethniques et d’autres sources font état de 200 à 235 ethnies vivant dans le pays. Le Rapporteur se demande comment s’expliquent ces différences numériques, dans quelle catégorie les communautés toubous et zaghawas ont été regroupées, et si l’État partie prévoit d’effectuer un nouveau recensement pour mettre à jour ses données démographiques et disposer d’informations fiables sur la composition ethnique de la population.

15. M. Ewomsan se félicite de l’adoption, en 1996, de la Constitution tchadienne et des amendements qui y ont été apportés en 2005. Le Gouvernement tchadien a clairement démontré sa volonté d’édifier un État unifié fondé sur le respect de la primauté du droit, les principes de bonne gouvernance et les droits fondamentaux. Bien que l’État partie ait ratifié la plupart des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, il serait souhaitable qu’il accède à ceux qu’il n’a pas encore signés, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

16. M. Ewomsan prend note des réformes constitutionnelles et autres entreprises par l’État partie, dont la mise en place du Conseil constitutionnel, de la Haute Cour de justice, du Conseil supérieur de la communication et du Conseil économique, social et culturel. En ce qui concerne les réformes législatives, la loi sur le Code électoral, la loi d’orientation du système éducatif tchadien, le Statut sur la fonction publique, le Code du travail et la loi portant Charte des partis politiques sont toutes des initiatives louables mais il est regrettable que ces normes ne soient apparemment pas mises en œuvre dans la pratique. Le Rapporteur indique que selon des informations qui lui ont été transmises, des journalistes auraient été intimidés, harcelés et arrêtés et des journaux fermés dans le but de restreindre la liberté de la presse. En outre, une ordonnance aurait été adoptée imposant des peines de prison plus longues pour les délits de presse. Le Rapporteur souhaite savoir quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour remédier à cette situation.

17. M. Ewomsan prend note avec intérêt de la réforme de l’Armée menée conformément aux recommandations formulées en ce sens par le Comité en 1995 et de l’engagement pris par l’État partie aux fins d’incorporer les droits de l’homme et le droit humanitaire dans le programme de formation des militaires. Il ajoute toutefois que plusieurs informations indiquent que, durant les conflits de février 2008, les forces gouvernementales se seraient livrées à des traitements cruels, inhumains et dégradants et auraient commis des viols et des exécutions sommaires. Il serait utile que la délégation commente ces allégations et précise toute mesure prise ou envisagée par le Tchad pour garantir que les auteurs de ces exactions soient traduits en justice. Évoquant en particulier les représailles dont auraient été victimes les membres des groupes ethniques goranes et ouaddaïs, dont certains instigateurs du mouvement de rébellion, le Rapporteur souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend adopter pour créer les conditions propices à une véritable réconciliation nationale en vue d’établir une paix durable.

18. M. Ewomsan se félicite de l’initiative visant à convoquer un forum national des droits de l’homme et espère que cela sera l’occasion, notamment, d’accélérer la réforme de la Commission nationale des droits de l’homme, en particulier pour assurer son indépendance et veiller à ce qu’elle soit conforme aux Principes de Paris. L’État partie devrait s’assurer que la Commission dispose des ressources suffisantes à la réalisation de son mandat. Le Rapporteur remercie l’État partie d’avoir invité le Comité à participer au Forum en question.

19. En ce qui concerne les programmes de renforcement des capacités menés en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’Organisation des Nations Unies pour le développement, le Rapporteur souhaite obtenir des renseignements sur les résultats de ces programmes et sur le degré d’implication du Ministère chargé des droits de l’homme dans leur réalisation. Le Médiateur national participera-t-il au programme en cours? Quelles mesures ont été prises pour assurer une plus grande indépendance du Médiateur national?

20. Constatant avec intérêt que les traités internationaux priment sur le droit interne tchadien, le Rapporteur insiste néanmoins sur l’absence de législation nationale traitant de la notion de discrimination raciale conformément à la définition qu’en donne la Convention. Bien que la Constitution tchadienne interdise toute pratique traditionnelle menaçant l’ordre public ou le bien-être des citoyens, le Tchad demeure une société très traditionnelle où la législation officielle existe en parallèle du droit coutumier. Le Rapporteur demande des précisions sur la pratique dite de la Diya (prix du sang), selon laquelle le montant des intérêts civils ne s’apprécie pas en fonction de la gravité de l’infraction reprochée, et sur le système de castes établi en vertu du droit coutumier. Notant que les droits des femmes sont également affectés par le droit coutumier, le Rapporteur demande à la délégation d’indiquer les mesures que l’État partie envisage de prendre pour veiller à ce que les femmes jouissent de droits en matière successorale et à ce que les affaires de viol soient instruites sur le fondement de la législation pénale.

21.Le Comité des droits de l’enfant a noté que la discrimination en matière d’éducation entre les garçons et les filles était largement répandue au Tchad. Que font les autorités pour donner effet à la législation applicable dans ce domaine et à la loi de 2002 interdisant les mutilations génitales féminines? Le Rapporteur attire également l’attention de la délégation tchadienne sur les informations faisant état d’exploitation de main‑d’œuvre enfantine.

22. Évoquant la question des réfugiés et des tensions intercommunautaires suscitées par l’accès aux ressources, M. Ewomsan note que la sécurité demeure une préoccupation majeure dans le pays, notamment du fait de la présence de groupes armés rebelles et de la recrudescence des conflits interethniques. L’impunité et les violences sexuelles constituent de graves motifs de préoccupation. Des informations indiquent que de nombreuses réfugiées auraient été violées mais que les nouveau-nés ne seraient pas enregistrés et que le taux de mortalité maternelle et infantile serait plus élevé parmi les réfugiés que dans la moyenne de la population. M. Ewomsan invite la délégation à commenter ces observations. Quelles mesures sont envisagées pour améliorer les conditions de vie des personnes déplacées et faciliter leur retour dans leur foyer? En outre, quelles mesures sont prises pour éviter que d’autres groupes défavorisés n’éprouvent de ressentiment à l’égard des réfugiés? Compte tenu des agressions dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, en particulier dans la partie orientale du pays, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour assurer leur protection?

23. La mise en œuvre effective de la Convention requiert que des dispositions législatives spécifiques soient en place pour réprimer la discrimination et la ségrégation raciales et la propagande raciste, même si l’État partie n’encourage pas de telles pratiques. La législation tchadienne devrait également garantir l’égalité de tous devant la loi et prévoir des voies de droit pour les victimes de discrimination raciale. Les dispositions constitutionnelles du Tchad représentent un net progrès, mais, si les pratiques susmentionnées ne sont pas érigées en infractions pénales, l’État partie ne pourra ni éliminer la discrimination raciale ni lutter contre les coutumes discriminatoires, la haine ethnique et le système de castes qui s’applique à certains groupes ethniques. Jugeant particulièrement important que le Tchad améliore son système judiciaire, le Rapporteur prend note de la volonté du pays de redoubler d’efforts en ce sens et des progrès réalisés à cet effet. Néanmoins, la corruption, l’absence de justice véritablement indépendante, les mauvaises conditions de travail des magistrats et l’impunité demeurent des dysfonctionnements importants. Le système judiciaire devra également être assaini pour renforcer la confiance des justiciables et encourager la population à moins faire appel à la justice coutumière. Le Rapporteur relève avec intérêt les mesures prises pour assurer la formation des juges et des magistrats et souhaite obtenir des informations plus détaillées sur ces réformes.

24. En conclusion, le Rapporteur salue les efforts déployés par l’État partie pour modifier les attitudes profondément enracinées et favoriser l’émergence d’une culture de paix et de réconciliation susceptible d’assurer le respect des droits de l’homme. Il demande à la délégation de faire part de son point de vue sur l’adoption d’une loi d’amnistie qui permettrait d’indemniser les victimes de violations des droits de l’homme. Il exprime l’espoir que les ressources naturelles du Tchad, y compris le pétrole, seront exploitées en veillant à ne pas approfondir les dissensions mais à promouvoir le développement et une distribution équitable des richesses. Enfin, il réitère sa satisfaction à l’égard du rapport périodique franc et ouvert de l’État partie.

25. M. Avtonomov souhaiterait disposerd’informations sur les cas concrets de jugements rendus par les tribunaux dans les affaires de discrimination raciale. Se référant au recensement de 1993, mentionné au paragraphe 25 du rapport périodique à l’examen, il souhaite savoir si la centaine de groupes ethniques identifiée dans ledit paragraphe a été consultée au sujet de leur regroupement en 14 grandes catégories pour les besoins d’analyse, compte tenu des sensibilités potentiellement en jeu.

26. M. Murillo Martínez souhaite connaître les progrès accomplis en vue de la convocation d’un forum national chargé d’examiner les observations et recommandations du Comité et savoir s’il a été répondu favorablement aux donateurs qui ont manifesté le souhait d’y participer. Il se félicite des progrès effectués pour éliminer la discrimination contre les albinos et considère que d’autres pays africains pourraient s’inspirer des efforts déployés en ce sens.

27. Attendu que le rapport périodique du Tchad reconnaît la gravité de l’épidémie du VIH/sida dans le pays, il serait utile de savoir si l’État partie considère que des facteurs culturels jouent un rôle à cet égard. En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, M. Murillo Martínez attire l’attention de la délégation sur les informations encourageantes communiquées par d’autres États parties à la Convention au cours de la présente session au sujet des progrès réalisés pour éradiquer cette pratique et suggère que le Tchad s’en inspire.

28. Tout en reconnaissant la complexité de la situation dans laquelle se trouve le Tchad à l’égard de l’Armée, l’expert exhorte l’État partie à abroger la pratique permettant d’exonérer de toute responsabilité les militaires ayant commis des crimes sur ordre de leur hiérarchie, qui fait peser une grave menace sur les droits de l’homme. Enfin, s’agissant du système de castes décrit dans le rapport périodique à l’examen, des informations plus détaillées sur les groupes ethniques spécifiquement concernés par cette pratique seraient utiles.

29. M. Diaconu s’interroge sur le point de savoir si la législation de l’État partie interdit expressément la discrimination fondée sur l’ascendance, une condition essentielle pour éliminer la discrimination contre les groupes ethniques et supprimer le système de castes. Il demande des informations sur la situation des Berbères qui se déplacent entre différents pays de la région. Sont-ils considérés comme «Arabes»? Quelle langue parlent-ils et cette langue est-elle reconnue par les autorités?

30. Afin d’améliorer, en particulier, l’application des articles 2 et 4 de la Convention, M. Diaconu encourage l’État partie à réexaminer le projet de loi de lutte contre la discrimination débattu en 1996 mais qui n’a jamais été adopté. Il conviendrait également d’analyser sérieusement la pratique dite de la Diya en vertu de laquelle le montant des intérêts civils est calculé en fonction de l’origine ethnique de la victime. Le Gouvernement devrait veiller à ce que les mesures spéciales visant à assurer une meilleure représentation politique de certains groupes sous-représentés ne se transforment pas en sources de discrimination et de ressentiment. Ces mesures devraient demeurer en vigueur aussi longtemps que nécessaire.

31. Le Forum national des droits de l’homme, auquel la délégation a fait allusion, doit être pleinement exploité par l’État partie et la communauté internationale. M. Diaconu suggère que Mme Dah, en sa qualité de Présidente et de femme, et que M. Ewomsan, en sa qualité de Rapporteur pour le Tchad, représentent le Comité à cet événement.

32. M. Sicilianos dit que la franche analyse faite par la délégation tchadienne des problèmes rencontrés par le pays en matière de droits de l’homme témoigne de la volonté politique de ce dernier d’adopter des mesures correctives énergiques pour y remédier, à l’instar de la décision de créer un ministère en charge des droits de l’homme. Il serait utile d’obtenir davantage de renseignements sur les activités de ce ministère.

33. M. Sicilianos salue également le rapport autocritique de l’État partie. Comme indiqué au paragraphe 22 de celui-ci, l’interdiction de la discrimination se retrouve dans plusieurs lois nationales mais dans aucun texte de lois précis. Le Forum national des droits de l’homme, qui doit se tenir en novembre 2009, pourrait être l’occasion idoine d’adopter une législation complète de lutte contre la discrimination. Il appuie la suggestion de M. Diaconu tendant à ce que le Comité y soit représenté par la Présidente et le Rapporteur pour le Tchad.

34. En vertu de l’article 4 de la Convention, les États parties sont tenus de déclarer punissables par la loi les pratiques discriminatoires. Or, selon le rapport, il existe une contradiction entre les pratiques traditionnelles et le droit écrit. Il est donc important de veiller à ce que la législation en vigueur soit appliquée par les tribunaux nationaux.

35. Selon le paragraphe 145 du rapport, sous le règne de l’ancien Président Hissein Habré, des groupes ethniques entiers ont été exterminés du fait de leur appartenance ethnique aux rebelles. Or, en vertu de l’article 6 de la Convention, les États parties sont tenus d’assurer à toute personne soumise à leur juridiction le droit de demander aux tribunaux satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une discrimination raciale.

36.M. Sicilianos demande à la délégation tchadienne d’expliquer la première phrase du paragraphe 152 qui indique que «le manque de réciprocité du taux entre certaines ethnies ou la variation d’un groupe ethnique à un autre atteste bien que le principe de la non-discrimination reste une utopie dans la pratique». Dans ce même paragraphe, il est précisé que le phénomène de caste est toujours présent dans certains groupes ethniques. Notant que la discrimination fondée sur l’ascendance est interdite en vertu de l’article premier de la Convention, M. Sicilianos souhaite savoir si les castes sont tolérées par la législation en vigueur.

37. M. Sicilianos déduit des réponses écrites du Tchad à la liste des points à traiter que la Commission nationale des droits de l’homme sera restructurée conformément aux Principes de Paris à l’issue du Forum national des droits de l’homme. Il souhaiterait recevoir davantage d’informations sur le processus de restructuration envisagé dans ce cadre.

38. M. de Gouttes, se félicitant de la reprise du dialogue entre le Tchad et le Comité après un intermède de quatorze années, est frappé par la reconnaissance sincère de l’État partie des obstacles qu’il rencontre pour assurer la jouissance des droits de l’homme dans le pays. La partie du rapport relative aux «facteurs et obstacles entravant la pleine jouissance des droits énoncés dans la Convention» cite, outre la rébellion armée et la guerre civile, la persistance des obstacles politiques, les tensions entre les groupes ethniques, les communautés et confessions religieuses, les dysfonctionnements du système judiciaire, l’absence de code des personnes et les pratiques traditionnelles discriminatoires. M. de Gouttes note que le Comité des droits de l’homme s’est référé à ces problèmes dans ses observations finales de juillet 2009 concernant le rapport initial du Tchad (CCPR/C/TCD/CO/1). Il encourage l’État partie à tenir les différents organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme informés des mesures prises pour y remédier.

39. Le rapport à l’examen cite un grand nombre de dispositions juridiques et de programmes traitant de la discrimination mais le Comité souhaiterait également recevoir des informations pratiques sur leur mise en œuvre.

40. M. de Gouttes se félicite, toutefois, que le rapport à l’examen contienne des statistiques démographiques, décrive la législation d’adoption récente, en particulier les lois de lutte contre la corruption et les mutilations génitales féminines, et présente des informations sur les institutions chargées des droits de l’homme et celles qu’il est envisagé d’établir, sur le rôle de la Commission nationale des droits de l’homme et du Médiateur national, sur la révision générale de la situation des droits de l’homme promulguée en décembre 2008 et la convocation d’un forum national des droits de l’homme en novembre 2009.

41. M. de Gouttes relève que le pays ne dispose pas de législation conforme à la définition de la discrimination énoncée à l’article premier de la Convention, même si la discrimination est interdite par les lois citées aux paragraphes 22 et 165 du rapport à l’examen. Les informations fournies au sujet des plaintes, des poursuites et des jugements rendus dans les affaires de racisme, hormis les deux arrêts de la Cour suprême dont il est question aux paragraphes 113 et 114, sont insuffisantes. Le rapport admet également qu’il n’existe pas de code sur les personnes et la famille. Le Comité souhaiterait obtenir des informations sur tous ces points, soit oralement soit par écrit à une date ultérieure.

42. Notant qu’un programme de réforme judiciaire a été adopté par décret le 18 février 2005, l’orateur souhaite en connaître les résultats au regard des nombreux dysfonctionnements du système judiciaire relevés par la délégation tchadienne et le Comité des droits de l’homme. En ce qui concerne l’accès à la justice, M. de Gouttes relève que des «cliniques juridiques» ont été créées avec le soutien d’ONG pour mettre les justiciables à l’abri d’intermédiaires peu scrupuleux. Il souhaiterait recevoir des informations plus détaillées sur le type d’assistance que ces institutions proposent.

43. M. de Gouttes demande à la délégation d’indiquer si le projet de loi qui vise à donner plus de pouvoirs au Médiateur, mentionné au paragraphe 126 du rapport à l’examen, a d’ores et déjà été adopté.

44. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est profondément préoccupé par le sort du grand nombre de personnes déplacées au Tchad. Quelles mesures ont été prises pour protéger ces populations?

45. Enfin, M. de Gouttes demande si le système des castes est fondé davantage sur des distinctions professionnelles que sur l’ascendance.

46. M. Kemal dit qu’il est de tout cœur avec le peuple tchadien qui est confronté à des problèmes gigantesques et a besoin d’urgence d’une assistance humanitaire et d’une aide sanitaire et économique. Il constate avec satisfaction que le Gouvernement coopère avec la communauté internationale et déploie des efforts en matière de sensibilisation, ce qui apportera peut-être une réponse aux maux du pays. L’État a ratifié un grand nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et s’est doté d’un arsenal juridique impressionnant chapeauté par la Constitution.

47. Les réfugiés dans la partie orientale du pays et les dizaines de milliers de personnes déplacées au Tchad ont créé une situation explosive en termes de sécurité en vertu de laquelle les parents sont contraints de faire travailler leurs enfants, les groupes armés enrôlent de force des jeunes gens dans leurs rangs et les femmes sont victimes de mauvais traitements. La délégation n’a fait aucune tentative pour dissimuler la gravité de la situation. Il serait par conséquent souhaitable de savoir ce qui, selon elle, constitue la plus haute priorité des autorités dans ces circonstances.

48. M. Peter se félicite que la délégation tchadienne ait reconnu avec franchise les problèmes auxquels le pays est confronté, tels que la corruption, le manque d’indépendance de la justice, les mutilations génitales féminines et les mariages forcés.

49. M. Peter note que bien que l’État partie ait ratifié tous les principaux instruments internationaux relatifs aux réfugiés et personnes déplacées, il ne dispose pas de législation en la matière. Il souhaite savoir si les autorités envisagent d’adopter une loi pour incorporer en droit interne les dispositions de ces instruments.

50. Le projet de loi de lutte contre le VIH/sida et les infections sexuellement transmissibles (IST) et de protection des personnes vivant avec le VIH/sida est d’autant plus important que le taux de séroprévalence au VIH/sida au Tchad est estimé à 7 %. Il serait utile de savoir si ce projet de loi a été adopté entre la date de soumission du rapport périodique du Tchad et la présente séance. Attendu que certaines confessions religieuses sont plutôt réservées quant à ce que l’on appelle «l’Approche ABC» (abstinence, fidélité, utilisation de préservatifs), et en particulier quant à l’utilisation de préservatifs, M. Peter se demande si les autorités ont obtenu le soutien voulu des groupes religieux dans ce domaine.

51.M. Prosper estime que la franche évaluation de la situation faite par le Tchad est à la fois vivifiante et utile au Comité.

52. M. Prosper indique qu’il faisait partie de la délégation des États-Unis qui s’est rendue au Tchad en 2005 afin de discuter avec le Président du pays des voies et moyens de faire face à l’afflux de réfugiés originaires du Darfour. Sa délégation a également visité les camps de réfugiés afin d’évaluer les différentes dimensions du problème. Il souhaiterait recevoir des informations détaillées sur les mesures prises par le Gouvernement tchadien pour endiguer le flux de réfugiés et prévenir toute escalade des tensions ethniques que cette situation pourrait provoquer.

53. M. Lindgren Alves dit que la manière dont la délégation tchadienne a présenté la situation est l’une des plus frappantes et franches qu’il ait jamais eu à entendre au sein du Comité.

54. L’expert espère que les recommandations du Comité aideront les autorités à gérer la situation extrêmement difficile à laquelle elles sont confrontées. L’État a, évidemment, des responsabilités à cet égard mais semble être conscient des obligations nationales et internationales qui lui incombent en matière de droits de l’homme.

55. M. Lindgren Alves redoute que l’insistance du Comité pour obtenir chaque fois davantage d’informations sur les groupes ethniques soit vaine, même si l’objectif, ce faisant, est de protéger les personnes contre la violence et la discrimination ethnique. Il souhaiterait entendre le point de vue de la délégation sur ce point. Il précise qu’il ne peut pas, à titre personnel, s’associer à ceux qui demandent à cet État partie et à d’autres de fournir davantage de données culturelles sur la composition ethnique de la population.

56. M. Lindgren Alves appuie, toutefois, les recommandations du Rapporteur pour le Tchad concernant la formation des juges, l’éradication de la corruption, la lutte contre le système des castes et l’élimination de pratiques telles que les mutilations génitales féminines.

La séance est levée à 18 heures.