Nations Unies

CERD/C/SR.2016

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

12 août 2010

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix-sept ième session

Compte rendu analytique de la 2016 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 4 août 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques de la République islamique d ’ Iran

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques de la République islamique d’Iran (CERD/C/IRN/18-19; CERD/C/IRN/Q/18-19; HRI/CORE/1/Add.106)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation iranienne prend place à la table du Comité.

2.M. Dehg h ani (République islamique d’Iran) souligne que la composition ethnique de la délégation iranienne est très diversifiée, celle-ci comptant notamment des Kurdes, des Azéris et des Lors. Présentant les dix-huit et dix-neuvième rapports périodiques de la République islamique d’Iran, il indique que ce document a été élaboré par un comité composé notamment de représentants de l’Assemblée consultative islamique, de membres de l’appareil judiciaire et de fonctionnaires de divers ministères, dont le Ministère de la protection et de la sécurité sociale, ainsi que de représentants d’organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme.

3.D’après le recensement de 2007, la population de la République islamique d’Iran compte plus de 70 millions de personnes et est composée de sept groupes ethniques: les Persans, les Lors, les Azéris, les Kurdes, les Baloutches, les Turkmènes et les Arabes. Même s’ils conservent leur identité propre, ces groupes forment une identité nationale homogène et coexistent pacifiquement. Étant donné que les groupes ethniques vivant dans le pays sont étroitement liés les uns aux autres et qu’il n’existe pas de barrières ethniques, raciales ou linguistiques entre eux, il n’a pas été possible de collecter des données ventilées selon l’appartenance à un groupe ethnique. Toutefois, comme certaines provinces telles que l’Azerbaïdjan oriental, le Kurdistan, le Sistan-Baloutchistan et le Lorestan sont peuplées par un ou deux groupes ethniques au maximum, on peut généralement deviner l’appartenance ethnique d’une personne dès lors que l’on connaît sa province d’origine.

4.Concernant l’application des articles 1er et 2 de la Convention, M. Dehghani indique que l’interdiction de la discrimination et la reconnaissance des langues et de la culture locales et autochtones sont explicitement et implicitement consacrées dans la Constitution et la législation nationale. S’agissant plus particulièrement de la question de la définition de la discrimination raciale, M. Dehghani souligne que le principe de la non-discrimination dans l’exercice des droits fondamentaux et la notion d’égalité de tous devant la loi tels que consacrés dans la Constitution ont une portée plus large que la définition figurant à l’article premier de la Convention. En outre, conformément à l’article 9 du Code civil, les dispositions de la Convention sont considérées comme faisant partie intégrante du droit interne et ont, de ce fait, un caractère obligatoire. Les tribunaux nationaux peuvent donc les invoquer en rapport avec une procédure ou une décision de justice. Il signale en outre que l’Assemblée consultative islamique a ratifié l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention et que cette mesure a été approuvée par le Conseil des gardiens.

5.La loi de 2005 relative aux droits des citoyens – dont le contenu est détaillé dans le rapport (CERD/C/IRN/18-19, par. 21) – est le texte le plus important qui ait été adopté dans le domaine des droits de l’homme depuis la présentation du précédent rapport périodique. En outre, un certain nombre de dispositions interdisant la discrimination, dont la discrimination à l’égard des groupes ethniques, ont été introduites dans le droit interne à la suite de l’adoption de la loi relative au quatrième plan quinquennal de développement économique, social et culturel (par. 14 à 21). De plus, conformément à un amendement à la loi sur le quatrième plan quinquennal, le Gouvernement iranien a été autorisé, à compter de 2006 et pendant toute la durée du quatrième plan quinquennal, à affecter jusqu’à 600 millions de dollars des États-Unis ainsi qu’un certain pourcentage des recettes provenant de l’exploitation du pétrole et du gaz aux provinces les moins développées, en particulier celles où vivent les groupes ethniques. Conformément à cet amendement, 515 millions de dollars ont été affectés au Khuzistan, 141 millions à l’Azerbaïdjan occidental, 138 millions au Sistan-Baloutchistan et 111 millions au Kohgiluyeh et Buyer Ahmad. Au cours des cinq années écoulées, des subventions spéciales ont été accordées aux provinces dans lesquelles vivent des groupes ethniques en vue d’améliorer rapidement le niveau de vie et la situation socioculturelle de la population locale. Des membres du Conseil des ministres se sont rendus dans ces provinces afin de s’entretenir directement avec les habitants et de mieux comprendre leurs problèmes. Le Conseil des ministres a tenu des réunions sur place et a approuvé des projets spéciaux de développement économique, social et culturel ainsi que les budgets correspondants. Ces projets sont directement supervisés et suivis par les organes publics compétents et par des membres du Conseil des ministres.

6.En ce qui concerne l’application de l’article 3 de la Convention, M. Dehghani dit que la République islamique d’Iran est devenue l’une des figures de proue de la lutte contre l’apartheid et d’autres formes de discrimination raciale, et qu’elle a pris des initiatives afin d’encourager le dialogue entre les civilisations et les cultures. Par exemple, elle a soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies un projet de résolution sur les droits de l’homme et la diversité culturelle, qui a été adopté en 2009 (A/RES/64/174), et organisé la réunion ministérielle du Mouvement des pays non alignés sur les droits de l’homme et la diversité culturelle, qui a eu lieu en septembre 2007 à Téhéran. Cette réunion a débouché sur l’adoption d’une déclaration et d’un plan d’action ainsi que sur la création à Téhéran du centre pour les droits de l’homme et la diversité culturelle.

7.Au plan international, la République islamique d’Iran a participé activement à l’élaboration de projets de résolutions contre la discrimination raciale, notamment dans le cadre du Conseil des droits de l’homme, ainsi qu’à l’organisation de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. En outre, elle a accueilli une réunion régionale de la Conférence de Durban, qui s’est tenue en 2001 à Téhéran, pris part à la Conférence d’examen et participé aux délibérations de haut niveau sur le projet de document final. De plus, elle a fait en sorte que 70 défenseurs des droits de l’homme appartenant à des organisations non gouvernementales iraniennes puissent participer à la Conférence. Conformément aux recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales concernant le précédent rapport de la République islamique d’Iran (CERD/C/63/CO/6), le Ministère des affaires étrangères a fait traduire la Déclaration et le Programme d’action de la Conférence et les a distribués aux autorités locales concernées afin qu’elles en appliquent les dispositions. Enfin, des réunions et des ateliers portant sur divers thèmes liés aux droits de l’homme se sont tenus avec des organisations non gouvernementales, ce qui a favorisé la participation active de ces dernières à la Conférence d’examen de Durban.

8.Concernant l’application de l’article 4 de la Convention, M. Dehghani rappelle que, comme il a été indiqué dans le précédent rapport périodique (CERD/C/431/Add.6, par. 45 à 48), la diffusion de discours prônant la discrimination raciale est interdite non seulement par la loi de 1977 sur la répression de la propagande en faveur de la discrimination raciale, mais aussi par la loi de 1985 sur la presse, dont l’article 2 prévoit notamment que les médias doivent rejeter les idées fallacieuses qui visent à créer des divisions et à susciter des affrontements entre des groupes ethniques en raison de leurs différences culturelles, linguistiques ou autres. Le paragraphe 4 de l’article 6 de ladite loi interdit en outre la création, entre les divers groupes de population, de divisions fondées sur des motifs raciaux ou ethniques et l’article 30 prohibe la diffusion de documents à caractère diffamatoire, insultant ou obscène visant certains individus. L’article 35 de cette loi dispose que la violation par un journal des dispositions susmentionnées constitue une infraction pénale passible d’une interdiction de publier allant de six mois à un an, selon la fréquence de publication du journal concerné. Dans les cas les plus graves, l’autorisation de publier peut être suspendue pendant cinq ans. Les journalistes reconnus coupables de ce type d’infraction peuvent se voir retirer leur carte de presse.

9.À ce jour, aucun article de propagande raciste n’a été publié dans la presse ou les médias publics iraniens. Dans les rares cas où des propos considérés comme racistes ont été publiés, la justice a sévi. En particulier, l’auteur de quatre articles sur des personnalités du monde culturel et artistique de la province de Kohgiluyeh et Buyer Ahmad a été condamné à une peine de trois mois d’emprisonnement pour avoir diffusé de fausses informations sur les Lors.

10.En ce qui concerne l’application de l’article 5 de la Convention et, en particulier, la question de la participation de tous les groupes ethniques à la vie politique, notamment aux élections, M. Dehghani invite les membres du Comité à se reporter aux paragraphes 52 à 59 du rapport périodique à l’examen, qui contient des statistiques utiles à ce sujet. De manière générale, il ressort de ces informations que le taux de participation des groupes ethniques est élevé et qu’ils sont largement représentés à des postes électifs.

11.Comme indiqué dans le rapport (par. 65 à 69), la législation iranienne ne prévoit pas de restrictions, distinctions ou discriminations contre les groupes ethniques en matière de formation de partis politiques, d’associations ou autres organisations. Le budget annuel de l’État prévoit des crédits destinés à financer sans discrimination les activités des partis politiques, des ONG et des associations des minorités religieuses. Concernant la liberté d’opinion et d’expression, M. Dehghani souligne que, depuis mai 2010, 997 et 224 livres ont été publiés en kurde et en azéri, respectivement, et que 23 foires du livre ont été organisées dans les sept provinces où vivent ces groupes ethniques. En outre, 50 journaux sont publiés en azéri dans les provinces de l’Azerbaïdjan oriental et occidental et d’Ardabil et 35 journaux sont publiés en kurde au Kurdistan et au Kermanchah. Depuis quelques années, le nombre de livres et de journaux publiés dans les langues locales et d’émissions de radio et de télévision diffusés dans ces langues a considérablement augmenté. L’État soutient toutes ces activités, considérant qu’elles permettent de préserver la culture des groupes concernés, de promouvoir la lecture et de familiariser la société iranienne avec les cultures locales.

12.Pour ce qui est des droits économiques, sociaux et culturels, le rapport périodique contient des renseignements détaillés ainsi que des statistiques sur les dispositions légales garantissant l’exercice de ces droits par tous les individus sans discrimination et sur les mesures prises par les pouvoirs publics pour protéger le droit des membres des groupes ethniques au travail, au logement, à la santé et à la vie culturelle, notamment aux aides allouées aux régions et provinces dans lesquelles ils vivent (CERD/C/IRN/18-19, par. 80 à 171). Dans tous ces domaines, les crédits alloués à ces provinces sont plus importants que ceux consentis aux autres provinces du pays, en proportion de leur population.

13.L’action menée pour réduire la pauvreté et améliorer la situation dans les provinces les moins développées s’est accélérée depuis l’établissement du dernier rapport, la priorité étant donnée au développement économique, social et culturel de ces provinces, en particulier celles où vivent des groupes ethniques qui ont reçu des crédits budgétaires sensiblement augmentés.

14.Afin de garantir l’application des dispositions de la Convention, de la Constitution et de la législation visant à combattre la discrimination raciale et à assurer l’égalité devant la loi, le Département des relations internationales du pouvoir judiciaire consulte régulièrement les autorités judiciaires des provinces où vivent des groupes ethniques en vue d’examiner les moyens de lutter contre la discrimination envers les groupes ethniques et raciaux, notamment dans les affaires de justice. Les tribunaux sont tenus d’examiner les plaintes sans aucune discrimination, et les enquêtes menées par les autorités n’ont révélé aucun manquement à cet égard.

15.La majorité des magistrats et des fonctionnaires de police des provinces habitées par des groupes ethniques sont eux-mêmes membres de ces groupes, et bon nombre d’autorités judiciaires du pays sont issues des groupes ethniques.

16.Les affaires judiciaires relatives à des actes de discrimination envers des membres des groupes ethniques sont enregistrées manuellement, ce qui rend difficile une évaluation thématique de ces décisions. Toutefois, certaines de ces affaires ont été répertoriées dans différents départements juridiques et pourront être présentées au Comité, en cas de besoin.

17.Il convient de noter que des organes spéciaux des tribunaux ont été créés dans les provinces habitées par les groupes ethniques afin de traiter exclusivement des affaires liées aux violations des droits civils des citoyens. Le Conseil supérieur des droits de l’homme a également été créé pour traiter des plaintes des particuliers et des ONG relatives aux violations des droits de l’homme. Présidé par le chef de l’appareil judiciaire, le Conseil jouit d’un statut spécial dans l’ordre judiciaire du pays.

18.Le rapport présente les programmes éducatifs et culturels qui ont été mis en œuvre pour promouvoir l’égalité et la coexistence pacifique entre les groupes ethniques. D’autres mesures ont été prises depuis en coopération avec le Ministère des affaires étrangères, notamment l’organisation d’ateliers de formation sur les mécanismes et les instruments relatifs aux droits de l’homme destinés aux ONG, aux chercheurs, aux étudiants et aux militants des droits de l’homme, portant sur la Convention, la Conférence de Durban et les mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies. En outre, la faculté des relations internationales a organisé 14 ateliers de formation consacrés à la Convention. Ces activités ont permis d’améliorer la compréhension du rôle des organes chargés des droits de l’homme et d’accroître le nombre des ONG actives dans ce domaine. Par ailleurs, le Ministère des affaires étrangères a veillé à ce que les ONG participent à l’établissement des rapports périodiques.

19.M. Lahiri (Rapporteur pour la République islamique d’Iran) félicite l’État partie d’avoir adopté des mesures sociales, économiques et culturelles ambitieuses qui ont permis d’améliorer les conditions de vie de la population dans les régions les moins développées habitées par les groupes ethniques minoritaires. La condition de la femme s’est sensiblement améliorée grâce à l’adoption de politiques et de programmes stratégiques nationaux de développement économique, social et culturel.

20.Rappelant que la Constitution théocratique de l’Iran se fonde sur l’Islam chiite, M. Lahiri pense que c’est peut-être pour cette raison que l’État partie, qui a du mal à en harmoniser les dispositions avec ses obligations découlant de la Convention, n’a jamais vraiment réussi à préciser le statut dont jouit la Convention dans son droit interne. Ainsi, il est dit dans son dernier rapport que l’article 9 du Code civil stipule que les dispositions des traités conclus, sur la base de la Constitution, entre l’Iran et d’autres États sont assimilées à la loi. Il demande à la délégation d’expliquer ce point du rapport. Relevant que l’État partie a déclaré que toutes les dispositions de la Convention sont automatiquement intégrées dans le droit interne iranien, il demande comment le Comité doit comprendre les différences de traitement prévues dans le Code civil en matière d’héritage ou dans le Code pénal en matière de peines, selon les personnes visées. S’il existe une hiérarchie entre ces différentes prescriptions, quelle est-elle?

21.M. Lahiri constate que le Comité n’a pas reçu d’informations détaillées sur la composition de la population iranienne, ni d’indicateurs économiques et sociaux ventilés selon l’appartenance ethnique, et il souligne l’importance de ces données pour évaluer la situation dans l’État partie. Il demande en outre des éclaircissements sur le sens des termes «groupe ethnique», «tribu» et «communautés nomades» qui sont utilisés dans le rapport de l’État partie.

22.Relevant que des membres des minorités ethniques et religieuses semblent pâtir de diverses lois civiles et pénales discriminatoires, M. Lahiri demande à l’État partie de confirmer que les droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion sont bien protégés dans le droit et la pratique et d’indiquer quelles sont les voies de recours disponibles en cas de violation de ces droits, sachant que plusieurs rapports indiquent que les membres des minorités sont surreprésentés parmi les condamnés à la peine de mort ou subissant des procès inéquitables; que les candidatures à un emploi dans la fonction publique et l’accès à l’éducation supérieure font parfois l’objet d’une sélection idéologique discriminatoire; qu’il existe des pratiques discriminatoires et de harcèlement à l’encontre de certains groupes ethniques; que les femmes appartenant aux minorités ethniques risquent d’être victimes d’une double discrimination. Le Comité est également préoccupé par des rapports concernant des tueries qui auraient eu lieu durant les manifestations de 2005, dans la province du Khuzistan.

23.M. Lahiri demande à l’État partie de fournir de plus amples informations sur l’incidence des termes tels que «religion officielle» ou «religion reconnue» sur la situation de ceux qui, comme les Bahaïs et d’autres, n’entrent pas dans ces catégories. Notant que l’État partie a déclaré que les Bahaïs jouissent de tous les droits réservés aux citoyens, il demande si ces droits couvrent tous les droits protégés par la Convention. Il souhaite également savoir à quelles difficultés légales se heurtent les personnes n’appartenant pas aux religions officielles et reconnues en matière d’emploi, d’accès à l’enseignement supérieur, de propriété foncière et de sécurité.

24.M. Lahiri aimerait savoir quelle institution gouvernementale est responsable de la lutte contre la discrimination raciale et laquelle est compétente pour recevoir et examiner les plaintes présentées par les victimes de discrimination raciale. Il souhaite également des informations sur la manière dont est appliquée la législation relative à l’éradication de toutes les formes de discrimination raciale ou d’incitation à celle-ci, y compris aux échelons supérieurs de la société, ainsi que sur l’application de la loi sur la presse de 1985, en vue de lutter contre la discrimination raciale.

25.Le Comité souhaite entendre le point de vue de la délégation sur la question des langues minoritaires, qui est importante notamment pour ce qui concerne l’accès à l’éducation et à la justice. Il souhaite également savoir si l’État partie dispose d’informations statistiques sur le nombre de plaintes déposées pour discrimination raciale ou ethnique, les poursuites engagées et les peines imposées.

26.M. Lahiri demande des informations récentes sur la mise en place de l’institution nationale des droits de l’homme et l’adoption de la législation s’y rapportant par l’Assemblée consultative islamique. Il souhaite également savoir si les rapports périodiques de l’État partie ont été mis à disposition du public et si les dernières observations formulées par le Comité en 2003 ont été diffusées dans la population iranienne, y compris dans toutes les langues minoritaires.

27.M. Avtonomov rappelle que le pouvoir judiciaire joue un rôle majeur dans les pays islamiques, et particulièrement en Iran où l’interprétation de la loi et son application revêtent une très grande importance.

28.Notant que le rapport de l’État partie fait mention de la loi relative au quatrième plan de développement, sur la base de laquelle ce plan a été élaboré, M. Avtonomov souhaite avoir des informations complémentaires à ce sujet, notamment sur le statut juridique du plan et ses délais d’exécution.

29.Le rapport mentionne également la loi relative aux droits des citoyens. M. Avtonomov demande s’il s’agit d’un projet de loi ou d’une loi, quelle en est la teneur et la date d’entrée en vigueur et quand elle sera appliquée concrètement. Il souhaite savoir qui a participé à son élaboration et qui sera chargé de son application.

30.L’expert relève que le paragraphe 21 du rapport signale des actions positives en faveur des groupes ethniques. Il demande ce que l’État partie entend par «actions positives» et si celles-ci peuvent être considérées comme des mesures spéciales au sens de l’Observation générale no 32 du Comité. Il souhaite également savoir dans le cadre de quelle politique s’inscrivent ces actions positives.

31.Le paragraphe 174 du rapport indique que le Bureau des droits de l’homme a été créé en 2005. M. Avtonomov demande des renseignements sur la teneur des plaintes déposées au Bureau par les organisations non gouvernementales. Il souhaite également savoir si des mesures ont été prises pour donner suite à ces plaintes.

32.Relevant que de nombreux groupes ethniques vivent dans les provinces du pays, M. Avtonomov souhaite des précisions sur la composition ethnique de la population, notamment sur les Arméniens et les Juifs, qui vivent depuis plusieurs milliers d’années en Iran et seraient bien intégrés dans la société. Il souhaiterait savoir si ces communautés sont considérées comme des minorités ethniques et si elles sont autorisées à vivre selon leurs us et coutumes. Il souhaiterait également savoir si toutes les minorités, notamment les Azéris, ont la possibilité de suivre un enseignement dans leur propre langue.

33.Rappelant que l’État partie a indiqué qu’il était nécessaire de lutter contre les incitations à la discrimination et à la haine raciales dans la presse, M. Avtonomov demande des informations sur l’application de la loi sur la liberté de la presse eu égard à la lutte contre la discrimination. Par ailleurs, il demande des informations complémentaires concernant l’absence de dispositions relatives à l’article 4 b) de la Convention dans la législation iranienne.

34.M. Murillo Martínez, notant que l’importante délégation iranienne ne comprend qu’une seule femme, voudrait obtenir le point de vue de la délégation sur la condition de la femme et la promotion de l’égalité entre les sexes en République islamique d’Iran. Il relève au paragraphe 21 du rapport à l’examen que la loi relative aux droits des citoyens tient compte de certains cas de discrimination et voudrait en savoir plus sur la nature de ces cas et la suite qui leur a été donnée. Enfin, il demande si des associations de la société civile ont pris part à l’élaboration du rapport.

35.M. Diaconu, constatant que le rapport ne contient aucun renseignement sur la mise en œuvre de l’article 4 b) de la Convention, dit que même en l’absence d’organisations à caractère raciste, l’adoption de mesures tendant à assurer l’application de cet article peut contribuer à prévenir la création de telles organisations. Il voudrait en savoir plus sur le statut des instruments internationaux car, selon le rapport, les traités sont assimilés à la loi, ce qui signifierait que l’État partie peut adopter une loi qui pourrait remettre en cause les dispositions des traités. Notant au paragraphe 22 du rapport qu’un comité pour l’élimination de la discrimination a été constitué, il demande des renseignements sur sa composition et son mandat. Il se félicite des données démographiques fournies mais regrette qu’elles soient ventilées par province ou par région. Il voudrait obtenir des données nationales afin d’avoir un tableau complet de la situation. Il demande si les membres de tribus, soit 1,5 million de personnes, sont considérés comme des autochtones et ont accès à l’éducation et à la santé. Il voudrait aussi recevoir un complément d’information sur la situation des nomades et sur les programmes de sédentarisation. D’une manière générale, il demande si les groupes minoritaires sont représentés au sein du Parlement et des partis politiques.

36.M. Prosper fait état de nombreuses informations selon lesquelles le traitement des ressortissants étrangers dans le système de justice susciterait des préoccupations. D’aucuns évoquent des détentions arbitraires et prolongées ainsi que des procédures judiciaires peu transparentes. Dans ce contexte, il voudrait disposer de davantage d’informations sur le système de justice et sur le traitement des détenus étrangers, y compris ceux qui ont la double nationalité. Il cite des sources selon lesquelles le droit à une procédure régulière n’est pas toujours respecté en République islamique d’Iran.

37.M. de Gouttes relève un contraste entre les éléments positifs contenus dans le rapport et la déclaration liminaire de la délégation iranienne et les informations plus critiques provenant d’autres sources. À son avis, le rapport manque de renseignements concrets permettant d’avoir une vision précise de la situation dans le pays en ce qui concerne la discrimination ethnique et raciale. Il demande des précisions sur le statut du droit international en général et de la Convention en particulier dans l’ordre juridique interne. Il voudrait savoir en particulier si la loi islamique prime le droit international car pour les organes conventionnels de l’ONU, la prééminence du droit international des droits de l’homme est une préoccupation première. Il demande dans quelle mesure l’interprétation stricte de la loi islamique ne risque-t-elle pas de créer des discriminations à l’encontre des non-musulmans, des étrangers, des personnes appartenant à d’autres communautés religieuses et des femmes. Il demande quelles mesures sont prises pour prévenir les pratiques discriminatoires et les atteintes à la liberté de pensée, de conscience et de religion de certains groupes tels que les Baloutches, les Azéris, les Kurdes et les Arabes. Par ailleurs, il voudrait obtenir des statistiques sur les plaintes déposées et les poursuites engagées pour des affaires de discrimination raciale ou ethnique. Il rappelle la doctrine du Comité selon laquelle l’absence de plainte n’est pas forcément un indicateur positif. Il demande quels sont les efforts déployés par l’État partie pour permettre aux étudiants de différentes origines de s’inscrire à l’université sans être tenus d’indiquer leur religion.

38.Au sujet des mesures visant à prévenir et à éliminer la discrimination raciale dans le fonctionnement de la justice iranienne, l’expert appelle l’attention de la délégation iranienne sur la recommandation générale no 31 du Comité sur la prévention de la discrimination raciale dans le fonctionnement de la justice pénale. À cet égard, il demande si la délégation iranienne dispose d’informations sur le jugement imminent d’une femme accusée du crime d’adultère et passible à ce titre d’une peine de lapidation. Enfin, M. de Gouttes voudrait obtenir des précisions sur la création d’un certain nombre d’institutions de protection des droits de l’homme, dont le Conseil supérieur des droits de l’homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination.

39.M. Peter demande comment le Conseil supérieur des droits de l’homme, qui est présidé par le Ministre de la justice et composé de hauts fonctionnaires de différents ministères, peut s’acquitter de son mandat en toute indépendance et conformément aux Principes de Paris.

40.M. Ewomsam dit que la politique iranienne de sédentarisation des nomades pose un certain nombre de problèmes, en raison notamment des pratiques culturelles spécifiquement liées au nomadisme. La sédentarisation risque de profondément modifier les modes de vie traditionnels. Il voudrait savoir si les nomades ont été consultés avant la mise en œuvre de la politique de sédentarisation et si les nomades sont musulmans ou s’ils pratiquent d’autres religions.

41.M me  Crickley souhaite savoir quelle attention le Gouvernement iranien accorde aux problèmes des populations nomades et comment leurs particularités sont prises en compte en vue de leur sédentarisation éventuelle. Notant que de nouveaux organes de défense des droits de l’homme ont été créés depuis la présentation du rapport périodique précédent, Mme Crickley souhaite savoir si les femmes sont représentées au Comité pour l’élimination de la discrimination (CERD/C/IRN/20, par. 22) et au Conseil supérieur des droits de l’homme et, dans l’affirmative, connaître leur nombre exact.

42.Mme Crickley remarque que la délégation iranienne a fait valoir que la situation des femmes issues des minorités s’était améliorée, mais rappelle que les femmes sont souvent victimes d’une double discrimination, en tant que femmes et en tant que membres de minorités ethniques. Elle souhaite donc savoir comment sont traitées les femmes les plus vulnérables qui appartiennent à des minorités ethniques, y compris dans les domaines judiciaire et pénitentiaire. Elle demande également à la délégation iranienne d’indiquer si des dispositions particulières ont été prises en leur faveur en matière d’éducation.

43.M. Lindgren Alves rappelleque la question du traitement des Bahaïs en Iran suscite depuis quelque temps déjà de vives critiques de la part de la communauté des défenseurs des droits de l’homme. Dans ses observations finales de 2003, le Comité avait du reste pris note avec inquiétude de la discrimination à laquelle ils étaient confrontés. M. Lindgren Alves rappelle à la délégation iranienne, qui affirme que les Bahaïs ne sont pas un groupe ethnique mais un groupe religieux, que la religion est bien souvent intimement liée à l’ethnie et que religion et ethnicité sont difficilement dissociables. Il croit comprendre que de légères améliorations ont été apportées à la situation des minorités religieuses en Iran mais aimerait recevoir davantage d’informations sur ce point.

44.M. Lindgren Alves se dit impressionné par la qualité du rapport périodique de l’Iran et par le nombre de mesures prises par les autorités pour soutenir les minorités et préserver la diversité culturelle. Il aimerait obtenir des précisions sur le fonctionnement des écoles itinérantes (ibid., par. 135) et notamment sur le point de savoir si les instituteurs suivent les migrations des nomades.

45.M. Lindgren Alves invite la délégation iranienne à commenter l’information selon laquelle les populations minoritaires n’auraient pas les mêmes droits que la majorité des Iraniens, notamment les étudiants non musulmans qui auraient des problèmes pour s’inscrire à l’université et trouver un emploi.

46.Compte tenu du fait que la Constitution iranienne ne reconnaît manifestement que trois religions minoritaires, les religions juive, chrétienne et zoroastre, il serait utile de savoir si d’autres groupes religieux numériquement importants, comme les hindous et les bouddhistes, jouissent de la liberté de conscience et de religion et peuvent célébrer librement leur culte.

47.Enfin, l’attention de la délégation est appelée sur un cas particulier qui renvoie à une pratique quasiment systématique et contraire à la Convention: la condamnation imminente d’une jeune femme iranienne accusée d’adultère à la peine de mort par lapidation.

48.M. Kut souhaite savoir si les informations chiffrées relatives au nombre d’affaires de discrimination soumises aux juridictions iraniennes tiennent compte des crimes violents à caractère racial. Il précise qu’il s’agit là d’un point important car si le Code pénal iranien ne contient pas de dispositions sur les crimes à motivation raciale, il est impossible de déterminer la situation en termes de violence raciale. Il serait également utile de savoir comment les tribunaux appréhendent et traitent des affaires relatives aux mauvais traitements infligés en raison de l’appartenance à une minorité ethnique ou raciale.

49.M. Cali Tzay demande à la délégation iranienne de fournir au Comité davantage d’informations sur la situation des peuples autochtones dans l’État partie et notamment d’indiquer si le droit iranien contient une définition des peuples autochtones et si l’existence de ces derniers est juridiquement reconnue. Dans l’affirmative, quels peuples sont officiellement reconnus et comment cette reconnaissance s’exerce-t-elle concrètement?

50.M. Cali Tzay, évoquant à son tour l’affaire de la jeune femme iranienne accusée d’adultère risquant d’être condamnée à la mort par lapidation, attire l’attention de la délégation sur la recommandation générale no 25 du Comité concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, dans laquelle le Comité indique que la discrimination raciale n’affecte pas toujours pareillement ou de la même manière les hommes et les femmes. Il signale à cet égard que le Code pénal du Guatemala, pays dont il est ressortissant, contenait auparavant une disposition qui prévoyait que des sanctions plus lourdes pouvaient être infligées aux femmes pour un même crime.

51.S’agissant des langues parlées en Iran, M. Cali Tzay demande à la délégation iranienne d’infirmer ou de confirmer l’allégation selon laquelle les établissements scolaires privés dispensant un enseignement primaire en langues azérie et kurde auraient été fermés après que les autorités eurent finalement considéré que cela constituait un privilège indu accordé à certains groupes minoritaires.

52.M. Thornberry rappelle qu’en vertu de l’article premier de la Convention, la discrimination raciale est avérée si elle est fondée sur l’un des cinq motifs suivants: la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. La religion a été supprimée de cet article lors de la négociation puis de l’adoption du projet de convention par l’Assemblée générale des Nations Unies, mais le droit à la liberté de religion a été maintenu dans l’article 5, et est depuis considéré comme un droit protégé. Le Comité a estimé, par le passé, que s’il constate un recoupement de la religion et de l’ethnicité, il est fondé à s’interroger sur la discrimination raciale dont pourraient faire l’objet les membres de certaines minorités religieuses qui offrent cette particularité. Comme l’a indiqué le Rapporteur pour l’Iran dans sa déclaration, la question de la religion est en effet souvent intrinsèquement liée à celle de l’ethnicité et relève donc, en tant que telle, du mandat du Comité.

53.Plus concrètement, M. Thornberry souhaite obtenir des précisions sur le paragraphe 4 de l’article 6 de la loi sur la presse, mentionné par la délégation iranienne dans sa déclaration liminaire, qui interdit de créer des divisions entre les groupes sociaux pour des motifs raciaux et ethniques, et savoir ce que les autorités judiciaires iraniennes entendent précisément par le terme de «divisions».

54.M. Thornberry dit qu’il serait utile au Comité d’avoir une idée des droits qui sont mentionnés dans la Charte portant création du Conseil supérieur des droits de l’homme et de savoir si des mécanismes de dialogue entre les autorités centrales et les instances représentant les groupes ethniques ont été mis en place.

55.M. Avtonomov, évoquant les rapports entre la religion et l’appartenance ethnique, souhaite savoir si les sunnites musulmans ont les mêmes droits que les autres musulmans, notamment pour ce qui est du droit à la liberté de conscience et de religion et de l’égalité d’accès à l’emploi. Il rappelle que les sunnites sont majoritairement kurdes, turkmènes et baloutches, ce qui constitue un exemple patent de recoupement entre l’ethnie et la religion.

56.M. Sajjadi (Iran) dit que sa délégation s’efforcera de fournir au Comité les informations complémentaires requises à la séance suivante, et de répondre au mieux aux questions posées par les membres, même si certaines d’entre elles ne sont pas directement liées, de l’avis de sa délégation, au mandat du Comité.

La séance est levée à 18 heures.