NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1598

31 octobre 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1598e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mercredi 13 août 2003, à 15 heures

Président: M. DIACONU

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Lettonie

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Lettonie (CERD/C/398/Add.2; HRI/CORE/1/Add.12)

Sur l’invitation du Président, la délégation lettone prend place à la table du Comité.

M. KARKLINS (Lettonie) indique que le Ministère letton des affaires étrangères a créé un groupe de travail spécial chargé de rédiger le rapport à l’examen. Des représentants du Ministère de l’intérieur, du Ministère de l’éducation et des sciences, du Ministère des affaires sociales et du Ministère de la justice, notamment, y ont participé et les observations de ce groupe de travail ont été présentées, entre autres, au Bureau national des droits de l’homme et au Centre letton sur les droits de l’homme et les études ethniques.

Le représentant souhaite que les membres du Comité tiennent compte du fait que le pays n’est sorti qu’en 1991 de 50 années d’occupation. Il rappelle qu’en 1939, la Lettonie est tombée dans la sphère d’influence de l’ex‑Union soviétique qui l’a illégalement occupée et annexée. Elle a subi une politique de russification qui a peu à peu menacé la population et la langue lettones. Tous les efforts déployés par la Lettonie depuis 1991 visent à surmonter cet héritage.

M. MUIZNICKS (Lettonie) dit que le rapport à l’examen, qui porte sur la période 1998‑2002, fournit des renseignements sur les événements marquants qui se sont produits dans le pays au cours de cette période, et en particulier sur les mesures qui ont été mises en œuvre pour appliquer les suggestions et les recommandations formulées par le Comité lors de l’examen du précédent rapport périodique de la Lettonie, en 1999. Il souligne que plusieurs ONG et associations ont participé à la préparation du document à l’examen, qui a été traduit en letton et publié au Journal officiel du pays.

Les années 1998‑2002 ont été une période politique très dense marquée par des changements très importants aux niveaux politique et institutionnel. En 1998, un référendum a été organisé pour réviser la loi sur la nationalisation. À l’issue de ce référendum, des mesures ont été adoptées pour faciliter la procédure de naturalisation, telles que la réduction des taxes, la rationalisation de l’examen centralisé sur la langue lettone (par. 72), et l’offre de programmes de formation linguistique à l’intention des non‑ressortissants. Une campagne nationale d’information a également été diffusée.

M. Muiznicks dit que le Gouvernement, préoccupé par le très faible nombre de demandes de naturalisation, a fait de la mise en œuvre de la loi sur la nationalisation l’une de ses priorités. En outre, il espère que le référendum sur l’adhésion du pays à l’Union européenne, prévu le 20 septembre 2003, et le passage à l’armée de métier contribueront aussi à accroître le nombre de demandes de naturalisation. M. Muiznicks souligne par ailleurs que le Parlement letton, au début de 2003, a adopté à l’unanimité un programme de financement public des programmes linguistiques à l’intention des candidats à la naturalisation.

M. Muiznicks indique qu’en 2000, la Lettonie a adopté la Loi sur la langue nationale (par. 53) qui réglemente l’utilisation de la langue dans le secteur privé en cas d’intérêt public légitime. Cette loi a été jugée conforme aux obligations internationales de la Lettonie par le Haut‑Commissaire pour les minorités nationales (par. 73) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Des efforts importants ont également été déployés pour surmonter la politique de ségrégation linguistique appliquée par l’Union soviétique dans le domaine de l’éducation. Des programmes de formation linguistique ont été améliorés et de nouveaux projets d’éducation bilingues ont été introduits dans les programmes scolaires.

En 2001, le Programme d’intégration sociale a été adopté (par. 13) afin de coordonner les politiques de lutte contre la discrimination et pour les minorités, ainsi que la politique d’intégration sociale. La même année, le Fonds d’intégration sociale est devenu opérationnel et permet à des organisations culturelles ou à des particuliers appartenant à des minorités d’obtenir un soutien financier pour des projets culturels et linguistiques (par. 135). Il s’agit d’une institution unique en son genre puisqu’elle est composée de cinq ministres, cinq représentants des municipalités, cinq représentants des ONG et cinq représentants du Bureau du Président.

En 1998, des amendements ont été apportés à la Constitution lettone, qui a été complétée par un nouveau titre sur les droits de l’homme garantissant la protection de ces droits à un niveau constitutionnel. En 2000, la Lettonie a signé le protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme et le nouveau Code du travail, adopté en juin 2001, contient des dispositions expresses interdisant la discrimination indirecte.

M. KJAERUM (Rapporteur pour la Lettonie) considère que le rapport à l’examen, très complet, contient des informations demandées par le Comité, notamment sur les activités menées aux fins de mettre en œuvre les recommandations formulées en 1999. Il juge encourageant que le rapport ait été élaboré grâce à une vaste coopération interministérielle et selon un processus transparent auquel ont été associées de nombreuses institutions. Il espère qu’à l’avenir davantage d’ONG et de groupes représentant les minorités pourront y participer.

M. Kjaerum note avec satisfaction que depuis l’examen de son rapport précédent, en 1999, la Lettonie a pris un certain nombre de mesures politiques pour remédier aux problèmes de discrimination et de racisme. La Constitution lettone a été complétée par un nouveau chapitre intitulé «droits de l’homme» (par. 12) et, depuis janvier 2001, toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle si elle considère que les droits qui lui sont conférés par la Constitution sont violés par un texte législatif qui n’est pas conforme à une norme ayant une force exécutoire supérieure (par. 138). En outre, une nouvelle loi sur le travail, adoptée en juin 2001, garantit l’égalité d’emploi, des conditions de travail justes, sûres et saines, ainsi qu’un salaire équitable, sans discrimination directe ou indirecte. Les lois électorales (par. 53) ont également été amendées et adoptées en mai 2002 conformément aux recommandations du Comité des droits de l’homme. De plus, les nouveaux passeports n’indiquent plus l’appartenance ethnique, sauf si le titulaire le souhaite, conformément aux recommandations précédentes du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.

M. Kjaerum se félicite que la mise en œuvre de la loi sur la nationalisation soit l’une des priorités de la Lettonie (par. 72) et que des changements concrets aient été apportés aux réglementations gouvernementales pour faciliter l’acquisition de la nationalité. Il se félicite également de la mise en place en février 2001 du Programme sur l’intégration sociale en Lettonie, dont le but est d’établir une société civile démocratique et unique fondée sur des valeurs fondamentales communes (par. 13). Toutefois, M. Kjaerum estime que des préoccupations subsistent et que certains points méritent d’être éclaircis.

En ce qui concerne l’article premier de la Convention, il rappelle que dans ses précédentes observations finales sur la Lettonie, le Comité a exprimé sa préoccupation face à l’absence d’une disposition juridique définissant explicitement la discrimination raciale, conformément au paragraphe 1 de cet article. À ce propos, l’État partie affirme que l’article 29 du nouveau Code du travail et l’article 78 du nouveau Code pénal contiennent la définition prescrite par le Comité. Or, il ressort du paragraphe 7 du rapport que la définition de la discrimination raciale énoncée à l’article 29 susmentionné semble être soumise à une condition quantitative, en ce sens qu’elle tient compte du nombre de personnes touchées, contrairement à la recommandation générale no XIV du Comité qui prescrit de prendre en considération la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique de ces personnes.

En outre, l’article 78 du nouveau Code pénal letton définit «comme passible de sanction tout acte se traduisant par une restriction directe ou indirecte délibérée des droits économiques, politiques ou sociaux de l’individu ou l’octroi indirect de privilèges ou direct d’avantages à un individu du fait de sa race ou de sa nationalité» (par. 5). Or, comme l’a fait observer l’Institut pour les droits de l’homme, cette disposition se limite aux droits économiques, politiques et sociaux et ne fait pas référence à la discrimination qui pourrait se fonder sur des critères autres que la race et la nationalité. Attendu que le Gouvernement soutient que les articles 29 et 78 établissent une définition générale de la discrimination raciale, M. Kjaerum demande à la délégation d’indiquer si la discrimination fondée sur la couleur, l’ascendance et/ou l’origine ethnique et la restriction de droits autres qu’économiques, politiques et sociaux entrent dans cette définition. En outre, il souhaite savoir si l’interdiction de l’octroi d’avantages à un individu du fait de sa race ou de sa nationalité pourrait constituer un obstacle à l’adoption des mesures spéciales mentionnées au paragraphe 4 de l’article premier de la Convention.

M. Kjaerum rappelle par ailleurs que, contrairement à ce qui est indiqué au paragraphe 9 du rapport et conformément à la recommandation générale no XI du Comité, les renseignements sur les différences entre les ressortissants et les non‑ressortissants intéressent le Comité. Il serait donc utile que le Gouvernement lui soumette une liste des différences en question.

S’agissant de l’application de l’article 4 de la Convention, M. Kjaerum fait observer que l’article 78 du Code pénal érige en infraction les actes visant délibérément à inciter à la haine ou à la discorde nationales mais ne vise pas explicitement ni la discorde ethnique ou raciale ni l’humiliation d’un groupe ethnique, qui étaient visés à l’article 69 de la version antérieure du Code. M. Kjaerum demande à la délégation si cette modification avait pour but de changer la définition des délits et si elle permet de couvrir tous les actes qui doivent être interdits en vertu de l’article 4 de la Convention. La jurisprudence en la matière étant peu abondante, il aimerait savoir si des statistiques sont disponibles sur le nombre d’affaires à la connaissance de la police, ce qui est fait pour veiller à ce que les juges et les autorités chargées de l’application de la loi reçoivent une formation adéquate portant sur cette question et quelles mesures le Gouvernement a prises pour sensibiliser le public à la possibilité de saisir la justice.

D’après certaines sources, bien que la loi prévoie la possibilité d’interdire les organisations qui incitent à la haine raciale ou nationale, aucune organisation raciste ou extrémiste n’a été interdite. M. Kjaerum aimerait savoir comment le Gouvernement entend les combattre.

M. Kjaerum constatant que le rapport ne contient aucun renseignement sur l’application de l’alinéa f de l’article 5 de la Convention, appelle l’attention sur la recommandation générale no XX du Comité invitant les États parties de faire rapport sur la mise en œuvre sans discrimination de chacun des droits et libertés visés à cet article. En outre, il pose la question de savoir si le droit énoncé à cet alinéa est garanti par la législation lettone, sans aucune discrimination raciale.

M. Kjaerum fait observer que la Lettonie ne dispose pas d’une législation antidiscriminatoire complète, laquelle, présume‑t‑il, sera élaborée lors de la mise en œuvre de la Directive de l’Union européenne concernant l’égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de race. Il signale des lacunes législatives relatives à la discrimination dans le secteur privé, notamment en matière de logement, et demande si le Gouvernement a l’intention d’examiner cette question.

M. Kjaerum note que de vrais progrès ont été enregistrés en matière d’acquisition de la citoyenneté lettone. Toutefois, des problèmes persistent concernant la population russophone – qui constitue une grande partie des non‑ressortissants – et les différences considérables entre les droits des ressortissants et non‑ressortissants.

Tout en acceptant que le droit de vote et le droit de se faire élire puissent être réservés aux ressortissants, M. Kjaerum rappelle que le Comité s’est prononcé à plusieurs reprises en faveur de l’octroi de certains de ces droits aux résidents, pour les élections au niveau local notamment. Compte tenu de ce que la plupart des non‑ressortissants en Lettonie ont résidé dans ce pays la plus grande partie de leur vie, et compte tenu de ce que l’adhésion à l’Union européenne en 2004 pourrait avoir pour conséquence d’octroyer aux ressortissants européens le droit de vote aux élections locales, la question se pose de savoir s’il est légitime de traiter de façon différente les différentes nationalités. M. Kjaerum aimerait savoir si le Gouvernement envisage d’octroyer le droit de vote aux élections locales aux non‑ressortissants et pourquoi une restriction numérique à la création de partis politiques par des non‑ressortissants est maintenue en vigueur.

En dépit des mesures positives prises par le Gouvernement en matière de droit à la nationalité, la population lettone compte encore 21 % de non‑ressortissants et le nombre de demandes de naturalisation semble baisser. Il semblerait en outre que très peu d’enfants nés en Lettonie de non‑ressortissants après le 21 août 1999 aient obtenu la nationalité à la naissance.

S’agissant de l’examen requis pour obtenir la citoyenneté lettone, M. Kjaerum relève la contradiction entre le taux de réussite qui serait de 95 % selon certains journaux, et les statistiques officielles qui évaluent entre 15 % et 20 % le taux d’échec à cet examen. En outre, il fait observer que les non‑ressortissants, en raison d’une connaissance insuffisante du letton, des frais impliqués et du manque de motivation ont tendance à ne pas demander la naturalisation. Il demande donc si le Gouvernement entend inverser cette tendance en dispensant des cours de langues peu coûteux et en offrant un nombre de places suffisant dans ces cours, en réduisant les frais de dossier et en sensibilisant à l’importance de la citoyenneté pour s’intégrer pleinement à la vie sociale.

M. Kjaerum constate que le rapport manque de données statistiques ventilées par groupe ethnique et selon le statut de ressortissant ou de non‑ressortissant et dit que des indicateurs socioéconomiques concernant le niveau de revenu, l’emploi, le taux de chômage, les conditions de logement ou encore la population carcérale seraient extrêmement utiles au Comité. À cet égard, il appelle l’attention sur la recommandation générale no XXV du Comité concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, dans laquelle le Comité indique que la discrimination n’affecte pas toujours pareillement ou de la même manière les hommes et les femmes. Il souhaiterait donc obtenir davantage d’informations sur la situation des femmes russophones.

Selon certaines sources, le taux de chômage de la population non lettone serait démesuré, notamment chez les Russes où il était apparemment le double de celui des Lettons de souche en 1999. M. Kjaerum demande si la délégation peut confirmer ces chiffres?

D’après des statistiques de 2000, il existerait dans le domaine de l’emploi et de l’accès aux services sociaux une discrimination principalement fondée sur l’origine ethnique et la langue. À cet égard, M. Kjaerum demande quelles ont été les répercussions pratiques du nouveau Code du travail prévoyant l’égalité de tous en matière d’accès à l’emploi, sans discrimination et si des réparations ont été accordées par la justice à des victimes de la discrimination raciale. Il aimerait savoir pourquoi le critère de citoyenneté est appliqué pour l’accès à certains emplois tels que celui de pompier et si la liste des emplois réservés a été examinée récemment.

S’agissant de la communauté rom, dont la taille varie, selon les estimations, entre 3 000 et 16 000 personnes, M. Kjaerum dit que les informations dont il dispose révèlent un taux élevé de chômage – certaines sources affirmant que 2 % seulement des membres de cette communauté occupent des emplois fixes – ainsi qu’un faible niveau d’éducation, de formation professionnelle, et des cas d’illettrisme. Il souhaiterait savoir quelles mesures le Gouvernement envisage pour améliorer cette situation et pour lutter contre les stéréotypes négatifs des Roms diffusés par les médias. À ce sujet, M. Kjaerum appelle l’attention de la délégation sur la recommandation générale no XXVII du Comité concernant la discrimination à l’égard des Roms.

En matière de jouissance des droits et libertés visés à l’article 5 de la Convention, il semble que les demandeurs d’asile et les immigrants soient toujours défavorisés. Ainsi, aucune garantie n’a été introduite concernant la durée de détention précédant l’expulsion. En outre, il semble que les réfugiés rencontrent des problèmes particuliers en matière d’accès au logement, les nouveaux occupants étant tenus de régler les arriérés de loyer restants dus pour le logement qui leur est proposé avant de signer le bail. M. Kjaerum demande si cette dernière information est exacte, et dans l’affirmative, ce qu’entend faire le Gouvernement pour veiller à ce que le droit au logement de ce groupe de population soit exercé sans discrimination.

En vertu des dernières modifications à la réglementation relative à l’enseignement secondaire public, il est prévu qu’à partir de 2006, au moins cinq matières faisant partie des programmes d’enseignement en faveur des minorités seront enseignées en letton. M. Kjaerum souhaiterait savoir quel est le contenu de ces programmes d’enseignement, s’ils sont soumis à des contraintes financières et dispensés dans toutes les régions. L’accès à ces programmes est‑il ouvert à tous et le Gouvernement en a‑t‑il fixé leur nombre? Il semblerait également que les parents russophones tiennent à ce que leurs enfants conservent leur langue maternelle, et qu’ils se préoccupent de la qualité de l’enseignement, puisqu’une grande partie de ces écoliers auront manifestement des problèmes scolaires s’ils suivent un enseignement secondaire en letton. Le Gouvernement a‑t‑il tenu compte de l’opinion des personnes visées en premier lieu par la réforme et a‑t‑il évalué les conséquences de la décision d’imposer le letton comme langue d’examen à partir de 2007?

Constatant que les autorités publiques ne financent les écoles privées qu’à condition que la langue d’enseignement soit le letton, M. Kjaerum aimerait savoir si cette différence ne constitue pas une distinction en fonction de l’origine nationale ou ethnique et de quelle manière le Gouvernement entend veiller à ce que les personnes qui souhaitent poursuivre un enseignement dans une langue minoritaire puissent le faire, même si elles sont issues de familles pauvres.

La loi sur la langue nationale est entrée en vigueur le 1er septembre 2000 en vue de protéger la langue lettone, favoriser l’intégration des minorités ethniques et asseoir l’influence de la langue lettone dans le domaine culturel. Son article 5 qualifie «d’étrangère» toute langue autre que le letton et le liv. À cet égard, il convient de noter qu’environ 43 % de la population n’est pas de langue maternelle lettone.

La loi sur la langue nationale prescrit l’utilisation du letton dans tous les établissements publics. Dans tous les autres cas, les documents soumis dans d’autres langues ne sont acceptés que s’ils sont accompagnés d’une traduction certifiée. Bien que des traducteurs aient été embauchés dans certaines municipalités, cette loi complique les relations entre les personnes qui ne sont pas de langue maternelle lettone et l’administration, surtout si elles n’ont pas les moyens de recourir à un traducteur certifié. M. Kjaerum voudrait savoir dans quelle mesure l’État partie veille à ce que les groupes vulnérables, en partie les détenus et les personnes mises en examen, ne soient pas défavorisés par cette loi. Il demande notamment si le nombre de plaintes émanant de ces groupes a évolué depuis son introduction et si l’État envisage, comme le lui a suggéré le Bureau national des droits de l’homme, de créer une institution publique chargée de ce type de traduction.

La loi sur la langue nationale prescrit également l’utilisation du letton au sein des institutions et organisations privées sileurs activités affectent l’intérêt légitime du public, lorsqu’il s’agit notamment d’affaires relatives à la santé publique, à l’ordre et à la sécurité, ce qui implique que les employés et les travailleurs indépendants doivent connaître et utiliser le letton. M. Kjaerum demande à la délégation de préciser ce qu’il faut entendre par «intérêt du public», quelles sont les professions auxquelles le critère de langue s’applique, et quel est le niveau de langue exigé des personnes concernées.

Le Centre linguistique national est l’institution chargée de vérifier le respect de la loi sur la langue nationale. Des amendes sont prévues en cas de violation de cette dernière, notamment si le letton n’est pas utilisé dans le secteur privé au cours d’activités affectant l’intérêt légitime du public. M. Kjaerum demande si l’État partie envisage de réviser cette disposition, comme le lui a recommandé la Commission européenne.

D’après des sources dignes de foi, 421 personnes se seraient vu imposer une amende pour ne pas avoir utilisé la langue nationale dans le cadre de leurs activités professionnelles, et notamment pour l’étiquetage de produits d’importation. M. Kjaerum souhaite savoir de quelle manière le Gouvernement suit les activités du Centre linguistique national, quelles en sont les méthodes de travail et si cette réglementation a abouti à une hausse du taux de chômage parmi les non‑ressortissants.

En ce qui concerne l’article 6 de la Convention, M. Kjaerum se félicite des efforts entrepris par l’État partie pour renforcer le système judiciaire, en facilitant l’accès à l’assistance juridique et en fournissant une formation aux juges et aux employés du système judiciaire. Il se félicite à nouveau de la possibilité de demander des dommages et intérêts en cas de discrimination sur le marché de l’emploi et souhaiterait savoir si des indemnités peuvent également être octroyées en cas de discrimination fondée sur la race dans d’autres domaines.

M. Kjaerum souhaite savoir si la Cour constitutionnelle a été saisie par des particuliers de plaintes relatives à la discrimination raciale et quel est le nombre et la nature des plaintes reçues par le Bureau national des droits de l’homme en 2002.

S’agissant de la mise en œuvre de l’article 7 de la Convention, M. Kjaerum dit que le programme national d’intégration sociale a pour but de coordonner les efforts d’intégration en matière de formation à la langue lettone, de naturalisation et d’éducation. Certaines ONG avancent que les minorités n’ont pas été suffisamment associées à la mise en œuvre de ce programme, qui n’aborderait pas suffisamment la question sous l’angle des droits des minorités et de la lutte contre la discrimination. Il aimerait connaître la situation de ce programme, savoir quels types de projets en font partie et si certains ont trait à la discrimination raciale et aux minorités. Il voudrait aussi savoir si dans le cadre de ce programme, une formation aux droits de l’homme, et en particulier à la lutte contre la discrimination raciale et à la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale, est fournie dans l’enseignement primaire et secondaire.

M. Kjaerum demande si l’État partie envisage de ratifier l’amendement à l’article 8 de la Convention et de faire la déclaration prévue l’article 14. Enfin, il souhaite que l’État partie diffuse le rapport et les conclusions du Comité en russe et en letton.

M. VALENCIA RODRÍGUEZ se félicite des efforts entrepris par l’État partie pour mettre sa législation en conformité à la Convention. S’agissant de l’application de l’article 2, il dit que le nouveau code du travail définit la discrimination indirecte et demande quels règlements, critères ou pratiques, en matière de discrimination, sont «applicables et nécessaires et peuvent être justifiés par une situation objective» (par. 7). Il souhaite savoir si parmi les cas de discrimination portés à la connaissance du Bureau national des droits de l’homme figurent des affaires de discrimination raciale, et dans l’affirmative, quelle suite leur a été donnée. Qu’en est‑il en outre du projet de créer la fonction d’ombudsman?

M. Valencia Rodríguez considère que l’article 78 du Code pénal satisfait en principe aux dispositions de l’alinéa a de l’article 4 de la Convention, mais comporte des lacunes que les autorités lettones devraient examiner en vue de les combler en légiférant ou en l’interprétant. Il prend note de la loi sur les organes de radio et de télédiffusion, qui devrait sans aucun doute aider à prévenir toute manifestation de racisme dans les médias.

S’agissant de l’application de l’alinéa b de l’article 4, M. Valencia Rodríguez aimerait que la délégation lettonne fasse des observations sur la loi sur les organisations publiques en vertu de laquelle une organisation enregistrée peut être déclarée illégale dès lors qu’elle change d’activités et se met à diffuser des idées racistes ou à encourager la haine raciale.

En ce qui concerne l’application de l’article 5 de la Convention, le paragraphe 40 fait état de violations des droits de l’homme par des agents de la police, dont aucune ne serait fondée sur l’origine raciale ou ethnique du plaignant. Il estime toutefois qu’il convient de suivre de près l’application des articles 317 et 318 du Code pénal. Par ailleurs, il aimerait recevoir des informations sur l’application des nouvelles lois sur le droit d’asile dont il est question au paragraphe 62 du rapport, en ce qui concerne leurs liens avec la discrimination raciale, et des renseignements qui permettent de s’assurer que les restrictions prévues à l’alinéa d de l’article 66 de la loi sur le droit à la nationalité, ne sont pas fondées, directement ou indirectement, sur des motifs raciaux ou ethniques ou sur l’origine nationale.

M. Valencia Rodríguez se félicite des informations détaillées relatives à la procédure de naturalisation fournies aux paragraphes 71 et suivants du rapport, qui permettent de conclure que le Conseil des naturalisations a tenu compte des observations du Comité, puisqu’il cherche à instaurer un traitement égalitaire et non discriminatoire et à éviter les délais injustifiés.

M. Valencia Rodríguez se demande si la présence dans le paragraphe 89 d’une liste non exhaustive d’églises où le mariage peut avoir lieu ne pourrait être interprétée comme le signe d’une discrimination à l’égard des religions qui n’y sont pas mentionnées.

M. Valencia Rodríguez demande enfin si les travailleurs étrangers ont le droit de se syndiquer au même titre que les travailleurs lettons et s’il est possible d’obtenir des informations supplémentaires sur les programmes éducatifs destinés aux Roms ainsi que sur les programmes d’alphabétisation des minorités.

M. THORNBERRY note qu’après le 1er septembre 2004, l’enseignement ne sera dispensé qu’en letton dans les établissements publics et municipaux, mais que la possibilité de suivre des programmes d’enseignement destinés aux minorités restera garantie (par. 131). Il voudrait donc savoir si les décisions sur ces programmes d’enseignement seront prises en tenant compte de l’avis des parents d’élèves et des élèves eux‑mêmes et souhaiterait recevoir de plus amples renseignements sur le dialogue que, selon la délégation, le Gouvernement letton entretient avec diverses minorités à ce sujet. En outre, il se demande si les minorités peuvent réellement «apprendre la langue et la culture lettonne sans perdre leur identité nationale», étant donné que la langue est une composante centrale de l’identité d’une minorité, et souhaite obtenir des éclaircissements sur ce point. De plus, il voudrait savoir quelle est l’attitude des minorités à l’égard des réformes, qualifiées également de «lettonisation de l’éducation», et quelle est la proportion parmi les minorités de personnes favorables aux réformes ou au maintien de l’ancien système.

Par ailleurs, il voudrait savoir quel modèle de planification de l’enseignement a été utilisé et si le Gouvernement a pris en compte les Recommandations de La Haye concernant les droits des minorités nationales à l'éducation et les Recommandations d'Oslo concernant les droits linguistiques des minorités nationales. Notant qu’il est prévu que 60 % des matières soient enseignées en letton et 40 % dans les langues des minorités, M. Thornberry souhaiterait savoir comment seront réparties les matières et qui décidera de cette répartition.

Enfin, surpris que les personnes qui n’utilisent pas le letton dans le cadre professionnel sont passibles d’une amende, il demande si de telles sanctions sont susceptibles de créer une atmosphère propice à l’intégration linguistique des minorités et si elles ne vont pas à l’encontre des efforts déployés par le Gouvernement dans ce domaine.

M. de GOUTTES relève dans le rapport que le Code pénal letton ne contient toujours pas de définition complète de la discrimination raciale puisque la discrimination à la réalisation des droits civils et d’autres motifs que la race et la nationalité ne sont pas mentionnés dans la définition figurant à l’article 78 dudit code. De plus, seuls les actes délibérés de discrimination sont visés, alors que la Convention ne prévoit aucune restriction de ce type. L’État partie devrait donc apporter des modifications à sa législation afin de l’aligner sur l’article premier de la Convention.

M. de Gouttes souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage de donner suite à la recommandation formulée dans le rapport de décembre 2001 de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, qui tend à ce que la Lettonie modifie sa législation pénale de telle manière que les motifs racistes de l’auteur d’une infraction constituent une circonstance aggravante.

Par ailleurs, M. de Gouttes dit qu’en l’absence d’informations sur l’issue des affaires de discrimination raciale portées devant les tribunaux qui sont citées dans le rapport (par. 27), le Comité n’est pas en mesure d’apprécier la nature des sanctions. En outre, comme plusieurs d’entre elles avaient trait apparemment au génocide, il demande à la délégation de donner au Comité des précisions sur la nature des faits évoqués dans ces affaires.

Les conditions d’obtention de la citoyenneté décrites dans le rapport montrent qu’il s’agit d’un régime complexe. M. de Gouttes souhaiterait donc que la délégation donne des éclaircissements à ce sujet et fournisse en particulier de plus amples informations sur le niveau des tests linguistiques sachant que, contrairement au Comité, l’État partie ne considère pas que ces derniers soient trop difficiles (par. 86). Enfin, s’agissant de l’article 14 de la Convention, il voudrait savoir si l’État partie pourrait envisager de faire la déclaration prévue au titre dudit article.

M. SICILIANOS dit que la Convention n’oblige certes pas les États parties à octroyer le droit de vote aux étrangers, mais que les personnes nées en Lettonie et qui y ont toujours résidé devraient avoir le droit de participer aux élections locales.

En ce qui concerne les conditions de naturalisation, il constate que les non‑citoyens n’ont pas accès à toute une série de professions aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé mais ne sait pas de quelles professions il s’agit. Enfin, il pense qu’il faudrait renforcer les dispositions de la loi sur l’éducation relatives à la transition linguistique afin de donner la possibilité aux non‑citoyens de s’adapter progressivement.

M. YUTZIS dit que, comme la définition de la discrimination contenue dans le Code du travail est satisfaisante, l’État partie pourrait être encouragé à s’en inspirer pour modifier l’article 78 du Code pénal. En outre, il rappelle que des données statistiques ventilées par minorité, seraient très utiles au Comité pour évaluer l’application de la Convention en Lettonie.

Relevant dans le rapport que depuis 1999, le Centre de formation de la magistrature de Lettonie organise une formation dans le domaine des droits de l’homme destinée à un groupe de juges (par. 145), M. Yutzis voudrait savoir combien de cours sont organisés par année et si la question du multiculturalisme est abordée dans le cadre de cette formation.

D’après des études sociales, 60 % des non‑citoyens sondés ont renoncé à demander la naturalisation en raison de la difficulté de l’examen obligatoire (CERD/C/398/Add.2(Suppl.), par. 10), ce qui constitue un chiffre très élevé selon l’expert. Quel est l’avis de la délégation sur ce point?

D’après les informations reçues fournies dans le rapport, seule une douzaine d’affaires de discrimination raciale ont été portées devant la justice en 12 ans. M. Yutzis souhaiterait que la délégation explique pourquoi les tribunaux ont été aussi rarement saisis.

M. TANG lit avec étonnement au paragraphe 66 d) du rapport que la citoyenneté lettonne peut ne pas être accordée aux personnes qui, par exemple, étaient membres des forces de l’ordre d’un État étranger ou ont été punies dans un autre État pour un délit qui constituait aussi un crime en Lettonie. Il dit que les antécédents d’une personne ne devraient pas entrer en ligne de compte pour l’octroi de la citoyenneté et estime qu’il est temps pour la Lettonie d’assouplir les restrictions à la naturalisation qui font qu’un grand nombre de personnes ne peuvent pas demander la citoyenneté lettonne alors qu’il serait légitime qu’elles l’obtiennent. M. Tang note en outre que, selon certaines informations, des milliers de personnes appartenant à des minorités ethniques sont apatrides alors que leurs familles résident dans le pays depuis des siècles. Il se demande donc si les dispositions de la loi sur la citoyenneté de 1994 ne sont pas trop restrictives.

M. BOSSUYT dit que la définition de la discrimination raciale figurant dans le Code pénal letton (par. 5 du rapport) soulève quelques interrogations. Premièrement, il n’est pas fait mention des droits civils alors qu’ils revêtent une importance cruciale pour l’exercice des droits de l’homme. Deuxièmement, il est question de discrimination fondée sur la nationalité. L’expert demande s’il faut entendre par «nationalité», l’origine nationale ou la citoyenneté. Troisièmement, s’agissant des droits économiques et sociaux, la définition pourrait laisser entendre que pour éviter toute discrimination, l’État doit assumer les mêmes obligations à l’égard des nationaux et des étrangers, y compris ceux en situation irrégulière.

M. Bossuyt comprend les efforts déployés par l’État partie pour protéger la langue lettonne et en promouvoir l’utilisation car la langue est un élément essentiel de l’identité nationale. Il considère toutefois que la législation relative au letton est quelque peu excessive, notamment la disposition selon laquelle les candidats aux élections législatives doivent avoir une excellente connaissance de la langue nationale. À son avis, cette disposition porte atteinte au droit démocratique des électeurs d’élire librement le candidat de leur choix. Enfin, s’agissant des inspections menées dans le secteur privé pour vérifier que le letton est bien la langue utilisée, l’expert note que des amendes peuvent être infligées dans les cas où les activités nuisent aux intérêts légitimes du public et demande à la délégation de préciser le sens de cette phrase.

Le prÉsident, parlant à titre personnel, dit qu’il connaît les séquelles du communisme et comprend que l’État letton a dû déployer des efforts considérables pour bâtir une nouvelle nation. Toutefois, le fait que la Lettonie est un pays indépendant et démocratique depuis 12 ans et que sa cohésion n’est plus menacée devrait inciter les autorités à assouplir la législation relative à la citoyenneté. Il n’est pas normal que l’État partie compte autant de non‑citoyens et il faudra encore des dizaines d’années pour que ceux‑ci puissent devenir lettons si les conditions draconiennes d’obtention de la nationalité sont maintenues.

En ce qui concerne l’éducation, il importe également que le pays parvienne à un meilleur équilibre entre la protection de la culture et de la langue lettonnes et la préservation de l’identité des groupes minoritaires. En tout état de cause, avec l’entrée de la Lettonie dans l’Union européenne en 2004, les autorités devront revoir la législation nationale dans de nombreux domaines et faire preuve d’une plus grande souplesse.

M. SHAHI note que l’État partie reconnaît au paragraphe 5 du rapport que l’article 78 du Code pénal relatif à la discrimination raciale présente des lacunes, mais que l’Institut pour les droits de l’homme estime qu’il est possible de passer outre ces discordances en faisant appel à l’interprétation. L’expert fait observer que la discrimination raciale est une question suffisamment grave pour ne permettre aucune interprétation concernant les dispositions qui s’y rapportent.

M. Shahi considère que les dispositions de l’article 4 de la Convention n’ont pas suffisamment été incorporées dans la législation lettonne, qui ne contient aucune référence explicite à l’incitation à la haine raciale. De surcroît, le rapport ne comprend aucune information concrète sur les activités des organisations racistes et extrémistes et aucune mesure ne semble avoir été prise pour interdire les organisations de ce type.

En ce qui concerne les problèmes linguistiques, M. Shahi dit que s’il est légitime que l’État partie s’emploie à privilégier l’emploi de la langue lettonne, il doit veiller aussi à ne pas défavoriser les minorités qui parlent d’autres langues, en particulier les russophones qui sont fort nombreux dans le pays.

Le prÉsident remercie la délégation lettonne de sa présentation du rapport et l’invite à répondre aux questions et observations du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 17 h 15.

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