Nations Unies

CERD/C/SR.2058

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

2 mars 2011

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix- huitième session

Compte rendu analytique de la 2058 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 18 février 2011, à 10 heures

Président: M. Kemal

P uis:M. Prosper (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Seizième à vingtième rapports périodiques de l ’ Uruguay (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10 .

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Seizième à vingtième rapports périodiques de l’Uruguay (CERD/C/URY/16-20; CERD/C/URY/Q/16-20; HRI/CORE/1/Add.9/Rev.1) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation uruguayenne re prend place à la table du Comité.

2.Le Président invite les experts qui n’ont pu, à la séance précédente, faute de temps, poser des questions à la délégation uruguayenne, à le faire.

3.M. Saidou souhaite obtenir des informations complémentaires sur les pouvoirs et attributions de l’Institution nationale des droits de l’homme et savoir pourquoi, alors que cette instance a été créée en vertu d’une loi adoptée en 2008, elle n’est pas encore entrée en fonction. Il demande à la délégation uruguayenne de dire si l’Institution fera effectivement office de médiateur.

4.M. Amirremarque quele rapport périodique à l’examen ne comprend aucun tableau statistique, ce qui empêche les membres du Comité de se faire une idée précise de l’exercice des droits au logement, à la santé et à l’éducation, notamment, et demande à la délégation uruguayenne de veiller à ce que le rapport suivant contienne des données sur ces points. Il souhaite savoir quelles mesures seront prises pour veiller à ce que les minorités et les populations autochtones vivant sur le territoire de l’État partie soient informées des observations finales qu’adoptera en fin de session le Comité concernant l’Uruguay. Comment le Gouvernement compte-t-il s’assurer de l’effectivité des dispositifs et des lois adoptés dans le domaine de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale?

5.M. Peter se félicite de ce que, bien que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) aient demandé à l’Uruguay de réduire de façon significative ses dépenses publiques, le pays soit en mesure de continuer à garantir la gratuité de l’enseignement universitaire. Le produit intérieur brut (PIB) de l’Uruguay est l’un des plus élevés d’Amérique latine et le pays est classé au cinquante-deuxième rang mondial pour la qualité de la vie. M. Peter relève en outre qu’en 2009, l’Uruguay a distribué un ordinateur portable à chaque enfant scolarisé alors qu’il est considéré comme un pays en développement.

6.Prenant note du fait que selon le rapport périodique à l’examen, le pays compterait 96,9 % de Blancs, 9,1 % de personnes d’ascendance africaine et 3,8 % d’autochtones (ibid., par. 7), l’expert se dit convaincu qu’avec un effort supplémentaire, le pays parviendra à l’égalité raciale.

7.M. Gonz ález Arenas (Uruguay), répondant au commentaire de M. Amir, rappelle que sa délégation a remis la veille au secrétariat un document qui comprend des données statistiques sur l’évolution récente de divers groupes cibles et assure le Comité que le pays s’efforcera, à l’avenir, de les incorporer à ses rapports périodiques. Il ajoute que tous les programmes et plans de lutte contre la discrimination raciale mis en œuvre sont évalués périodiquement. La plupart ne datent que de 2005, ce qui explique pourquoi certains n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation chiffrée.

8.M. Miranda (Uruguay) dit que l’Institution nationale des droits de l’homme a été créée en vertu de la loi no18446 du 24 décembre 2008, qui a été publiée au Journal officiel en janvier 2009. Cette instance n’a pas été officiellement mise en place en raison des élections nationales qui ont eu lieu en octobre et novembre 2009, et du fait que le nouveau Gouvernement n’est entré en fonctions que le 1er mars 2010. Le budget national ayant été adopté en février 2011, l’Institution devrait bientôt voir le jour et être dotée des ressources nécessaires à son indépendance.

9.L’Institution nationale des droits de l’homme, qui sera composée d’un collège de cinq membres, sera un organe indépendant qui fera office de médiateur ou, plus exactement, de défenseur du peuple. Elle pourra recommander la création de mécanismes institutionnels chargés de veiller au traitement des plaintes pour violations des droits de l’homme, prendre les mesures qui s’imposent pour visiter les lieux de détention, proposer des politiques publiques en matière de droits de l’homme et faire des propositions concrètes tendant à renforcer la démocratie. Elle pourra également donner des conseils au Parlement, faire des propositions de lois pour promouvoir de nouvelles normes juridiques relatives aux droits de l’homme et collaborer avec des organismes internationaux. La délégation uruguayenne transmettra au Comité le texte de loi portant création de l’Institution nationale des droits de l’homme pour information.

10.Le Gouvernement uruguayen a engagé un large processus de consultation de la société civile et d’organismes internationaux de lutte contre le racisme en vue de l’élaboration du premier plan d’action contre le racisme et la discrimination raciale. En outre, une commission honoraire de lutte contre le racisme a été établie et chargée d’élaborer les grandes lignes du plan.

11.M me Esquivel (Uruguay) dit que d’après l’enquête nationale élargie de 2006 sur les ménages, organisée par l’Institut national de la statistique, 87,4 % des Uruguayens se considèrent comme étant des Blancs, 9,1 % se reconnaissent des origines africaines et 3,5 % des origines autochtones. L’augmentation de la part des personnes d’ascendance africaine dans la population totale entre 1996 et 2006 est principalement due au travail de sensibilisation réalisé par les organisations de la société civile afin de revaloriser les racines autochtones et africaines et de faire prendre conscience aux habitants de leurs origines raciales et ethniques. En 2011, une place plus importante sera faite à la rubrique ethnie/race dans le recensement général de la population, ce qui permettra de recueillir des renseignements plus précis sur la situation des personnes d’ascendance africaine et autochtone. En 2009 et 2010, l’Institut de la statistique a consulté des organisations afro-uruguayennes et autochtones afin de recueillir leurs vues sur la façon dont les questions relatives à l’ethnie et à la race devaient être formulées. L’État est sur le point de lancer une vaste campagne de sensibilisation sur l’importance pour chacun de reconnaître et d’affirmer ses origines. En janvier 2011, les autorités compétentes ont procédé à un recensement de la population carcérale, en y intégrant des critères ethniques et raciaux, mais n’ont pas encore publié les résultats. Enfin, un groupe de travail interinstitutionnel a été chargé d’inciter les responsables des ministères compétents à incorporer une composante ethnie/race dans tous leurs programmes et politiques.

12.Le Département des femmes d’ascendance africaine, qui relève de l’Institut national de la femme, a organisé différents ateliers visant à encourager les femmes à revendiquer leur identité afro-uruguayenne et à combattre les formes multiples de discrimination qu’elles peuvent subir du fait de leur sexe, de leur couleur ou de leur pauvreté. Le Département a aussi pris des mesures en faveur des Afro-Uruguayennes sans qualification (70 % des travailleuses d’ascendance africaine) et en particulier des employées de maison. En vertu de la loi no18065 relative aux domestiques, ces dernières ont désormais le droit de percevoir des indemnités de chômage pendant quatre-vingt-dix jours à compter de leur licenciement. La loi régit aussi les heures de travail et les jours de repos. D’une manière générale, le Département des femmes d’ascendance africaine a mis en œuvre des projets de formation et d’autonomisation des travailleuses non qualifiées, notamment en les incitant à recourir au microcrédit pour entreprendre des activités productives.

13.L’Uruguay n’a pas encore adopté de quotas pour accroître la participation des femmes, en particulier d’ascendance africaine, au sein du Parlement et d’autres instances mais a mis en œuvre des politiques d’action positive et de promotion de l’égalité des chances qui visent à accroître la représentation des Afro-Uruguayens dans tous les lieux de décision. Conscient de la nécessité d’améliorer l’accès des femmes à l’éducation à tous les niveaux et à des emplois qualifiés, l’Institut de la femme a créé un programme qui vise à encourager les entreprises des secteurs public et privé à embaucher des jeunes femmes qualifiées et à leur délivrer un label de qualité pour leur gestion des ressources humaines fondée sur l’égalité des sexes et des races. En conclusion, Mme Esquivel fait observer qu’un grand nombre d’hommes et de femmes d’ascendance africaine occupent des postes de responsabilité, notamment celui de vice-ministre.

14.M me Saura (Uruguay) dit que son pays n’a épargné aucun effort pour améliorer la qualité des questions relatives à l’identité raciale et ethnique qui sont posées dans les formulaires de recensement. En 1996, la question posée était «À quelle race pensez-vous appartenir?» alors qu’en 2006, la question «Pensez-vous avoir des origines blanches, noires et/ou autochtones?» donnait la possibilité aux personnes interrogées de cocher plusieurs cases selon leur ascendance qui peut être diverse. S’agissant de la promotion des droits des peuples autochtones, la loi no 18589 du 18 septembre 2009 a institué le 11 avril Journée de résistance de la nation charrúa et de l’identité autochtone et prévoit que le génocide du peuple charrúa doit figurer aux programmes de l’éducation nationale. Il est à noter que la Commission honoraire contre le racisme et la discrimination raciale est composée de plusieurs représentants, dont un autochtone.

15.M me Dupuy (Uruguay) dit que la loi no18250 de 2007 relative aux droits des migrants et la loi no18076 de 2007 relative aux droits d’asile et aux réfugiés sont pleinement conformes aux normes internationales en la matière. La Constitution uruguayenne consacre expressément le droit à la nationalité et, s’agissant de l’acquisition de la nationalité, le droit uruguayen combine opportunément le jus soli et le jus sanguinis. L’Uruguay accepte également la double nationalité. Aucune sanction administrative et pénale n’est prise à l’encontre des personnes entrées clandestinement sur le territoire, qui ont le droit de demander le statut de réfugié. Tous jouissent des droits fondamentaux inhérents à la personne. En attentant qu’il soit statué sur leur demande, les requérants d’asile obtiennent un document d’identité de «migrant temporaire», qui est valable pour une année. Ceux qui obtiennent l’asile se voient délivrer un document d’identité valable pour trois ans mais renouvelable. Les rapatriements de personnes dont la demande de statut de réfugié ou d’asile a été refusée se font sur une base volontaire.

16.M. Miranda (Uruguay) dit que l’article 8 de la Constitution uruguayenne consacre le principe de l’égalité de tous même s’il ne fait pas expressément mention du principe de non-discrimination. L’Uruguay a engagé un processus de réforme de la Constitution afin de la rendre pleinement conforme aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie. En tout état de cause, les droits consacrés par les instruments internationaux ont valeur constitutionnelle et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui priment la Constitution, peuvent être directement invoqués devant les juridictions nationales. Comme indiqué aux paragraphes 55 et suivants du rapport à l’examen, le Code pénal, en particulier les articles 149 bis et ter, prévoient des peines pour les auteurs des infractions visées par la Convention. Le Code pénal dresse une liste des motifs de discrimination proscrits par la loi dont la couleur de peau, la race, la religion, l’origine nationale ou ethnique, le sexe, l’opinion politique, la situation sociale ou l’âge. Il ne contient pas de dispositions visant à réprimer les actes racistes et discriminatoires des organisations. Cela étant, des procédures administratives peuvent être engagées à l’encontre des organisations xénophobes et racistes en vue de leur dissolution.

17.M. González Arenas (Uruguay) tient à dissiper un malentendu: lorsqu’il a affirmé à la séance précédente que l’Uruguay était le pays le plus égalitaire d’Amérique latine et des Caraïbes, il avait à l’esprit le résultat du classement de ces pays selon le coefficient de Gini publié en 2010 dans le premier Rapport régional sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), d’où il ressort que l’Uruguay est le pays de la région où les inégalités sont les moins prononcées.

18.L’Uruguay a mené à bien le Plan Ceibal et est ainsi le premier pays en développement à avoir doté tous les élèves des écoles publiques d’un ordinateur portable connecté à l’Internet. Désireux de faire profiter d’autres pays en développement de cette expérience, il a lancé deux projets pilotes, l’un au Paraguay et l’autre au Rwanda, avec l’appui de l’UNESCO. Il compte poursuivre ce type de coopération en lançant des projets analogues dans d’autres pays.

19.M. Murillo Martínez prie la délégation uruguayenne de décrire les effets concrets des mesures administratives adoptées en faveur des personnes victimes de discrimination, en particulier l’efficacité des mesures d’action positive prises en faveur des personnes d’ascendance africaine. Relevant que le Rapporteur spécial sur la question de la torture a considéré, dans son rapport sur sa mission en Uruguay (A/HRC/13/39/Add.2), que la situation des jeunes en détention était alarmante, M. Murillo Martínez aimerait savoir quel pourcentage les jeunes d’ascendance africaine représentent dans la population carcérale et si l’État partie a adopté une politique afin de favoriser l’intégration des enfants d’ascendance africaine. Il aimerait également savoir s’il existe des statistiques sur le nombre de chefs d’entreprise d’ascendance africaine et si ceux-ci ont formé leurs propres chambres de commerce, comme c’est le cas dans d’autres pays.

20.M. Murillo Martínez demande en outre si l’État partie a établi un calendrier d’activités en vue de l’élaboration du futur plan d’action national contre la discrimination raciale. La délégation uruguayenne voudra bien préciser de quelle façon le budget pluriannuel affecté aux programmes de promotion des minorités sera réparti et, en particulier, quels crédits seront alloués aux activités en faveur des personnes d’ascendance africaine. Enfin, la délégation est invitée à donner des renseignements sur les manifestations que le Gouvernement uruguayen a prévu d’organiser dans le cadre de la célébration de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine et combien de ressources ont été prévues à cette fin.

21.M. González Arenas (Uruguay) dit que les politiques en faveur des minorités sont encore trop récentes pour que leurs effets se fassent sentir. Il souligne toutefois que, comme les statistiques publiques sont désormais ventilées selon l’appartenance à un groupe racial ou ethnique, les mesures qui sont élaborées par la suite sont mieux ciblées.

22.M me Esquivel (Uruguay) dit que le déroulement des travaux d’élaboration du plan d’action national contre le racisme et la discrimination raciale comprendra deux phases: dans un premier temps, des consultations régionales impliquant des représentants de la société civile auront lieu jusqu’en juillet 2011. Le 12 mars 2011 se tiendra à Salto une réunion à laquelle une quinzaine d’experts et de chercheurs seront invités à participer. Dans un deuxième temps, un projet de texte sera élaboré et soumis aux organisations de la société civile pour approbation. Le texte définitif devrait être adopté avant mars 2012.

23.M. Diaconu note que, d’après des informations dont il dispose, l’Uruguay a prévu de prendre toute une série de mesures afin d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, notamment ceux concernant la lutte contre la pauvreté extrême. Il aimerait savoir si les mesures prises à cette fin ont été élaborées compte tenu des besoins et des préoccupations des minorités autochtones et des personnes d’ascendance africaine.

24.Lisant dans le rapport (CERD/C/URY/16-20, par. 34) que la loi no 17817 de 2004 déclare d’intérêt national la lutte contre le racisme, la xénophobie et toute autre forme de discrimination et prévoit la création d’une commission chargée d’élaborer des politiques de lutte contre la discrimination raciale, M. Diaconu fait observer que ces dispositions ne donnent pas pleinement effet aux dispositions de la Convention car elles n’interdisent pas la discrimination raciale en tant que telle, ni la constitution d’organisations racistes, lacune qui appelle les commentaires de la délégation.

25.M. González Arenas (Uruguay) dit que son pays s’est engagé à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et que les deux gouvernements antérieurs ainsi que le gouvernement actuel ont fait de la lutte contre la pauvreté l’une de leurs priorités. En effet, à la suite de la crise qui a gravement affecté le pays en 2001 et 2002, la pauvreté touchait 30 % de la population et la pauvreté extrême 5 %. Toutefois, grâce aux efforts considérables déployés par les pouvoirs publics, ces chiffres ont été ramenés à moins de 20 et 1,5 %, respectivement. Le gouvernement actuel poursuit la lutte contre ce fléau et concentre actuellement ses efforts sur l’éradication de la pauvreté extrême.

26.M. Miranda (Uruguay) souligne que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont directement applicables par les tribunaux, ce qui signifie que les dispositions de la Convention interdisant la discrimination raciale et la formation d’organisations prônant la haine raciale pourraient être directement invoquées devant les juridictions nationales. En tout état de cause, la législation uruguayenne gagnerait indéniablement à être complétée dans ces domaines et toute recommandation allant dans ce sens sera bienvenue.

27. M. Prosper (Vice-Président) prend la présidence.

28.M. Thornberry, lisant dans le rapport qu’il n’existe pas de ghettos raciaux à Montevideo (CERD/C/URY/16-20, par. 26), souhaiterait recevoir de plus amples informations sur l’application de l’article 3 de la Convention, en particulier sur l’existence éventuelle de formes de ségrégation raciale dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. Lisant également dans le rapport (ibid., par. 120) que la notion d’identité nationale a considérablement évolué dans l’État partie et que la diversité raciale et ethnique de la société uruguayenne est désormais officiellement reconnue, il aimerait savoir quel a été le moteur de ce changement. Enfin, l’expert voudrait obtenir des précisions sur le contenu du module de formation sur l’ethnie et la race qui figurera au programme de formation de base des forces de sécurité (ibid., par. 136).

29.M. González Arenas (Uruguay) dit que l’Uruguay s’est longtemps considéré comme une nation composée exclusivement de descendants d’immigrants d’origine européenne. La reconnaissance de la présence et de l’apport des minorités autochtones et des personnes d’ascendance africaine est un phénomène assez récent. Le gouvernement actuel a tiré les conséquences de cette prise de conscience et, désormais, les politiques publiques, notamment celles concernant la santé et l’éducation, tiennent compte de la diversité ethnique et raciale de la société uruguayenne.

30.M me Álvarez (Uruguay) dit que, dans le cadre de la réforme de la formation des hauts fonctionnaires de police, des modules relatifs aux droits de l’homme, y compris à la discrimination raciale, ont été intégrés dans le programme des cours, qui débuteront en mars 2011. Un bilan de cette expérience pourra être tiré à la fin de 2011.

31.M. Calí Tzay souhaiterait recevoir des précisions sur l’attribution de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination raciale.

32.M. Miranda (Uruguay) confirme qu’il incombe au ministère public et au juge, en matière pénale, d’instruire l’enquête et d’apporter les éléments de preuve. Il n’est pas possible d’inverser la charge de la preuve. Il est néanmoins utile de sensibiliser les magistrats aux normes relatives aux droits de l’homme et à la discrimination raciale à appliquer dans le domaine pénal. Dans les autres domaines du droit, notamment dans les affaires civiles, la charge de la preuve est en principe à la charge du plaignant; toutefois, la jurisprudence uruguayenne prévoit également «le principe de la charge dynamique de la preuve», en vertu duquel la charge de la preuve peut être transférée sur le défendeur si ce dernier a les moyens de réfuter les charges retenues contre lui. Ce principe est appliqué systématiquement par les magistrats.

33.M. Gonz á lez Arenas (Uruguay)souligne,en ce qui concerne l’accès des personnes appartenant à des minorités ethniques et raciales à la justice, que le pouvoir judiciaire uruguayen a adopté les Règles de Brasília sur l’accès à la justice des personnes vulnérables. Ces règles incluent des recommandations visant à améliorer la procédure judiciaire de manière à la rendre plus souple et moins onéreuse, et donc plus accessible aux personnes vulnérables. Par exemple, une recommandation prévoit d’adapter la procédure en permettant une présentation anticipée de la preuve en cas de besoin, de manière à simplifier la procédure. Le pouvoir judiciaire uruguayen a établi ces règles en tant que dispositions contraignantes, et des activités de formation et de sensibilisation des magistrats ont été organisées.

34.Le Président demande quels sont les recours administratifs existants pour lutter contre la discrimination sur le lieu de travail, notamment dans la fonction publique, par exemple lorsque l’employeur a un comportement ou tient des propos offensants à l’égard d’un employé, ou en cas de déni de promotion ou de conditions de travail discriminatoires.

35.M me Saura (Uruguay) répond que toute personne victime de discrimination sur le lieu de travail peut présenter une plainte auprès de l’Inspection générale du travail, qui peut engager des poursuites et imposer des sanctions face à toute affaire portée à son attention. Les plaintes peuvent également être adressées à la Commission honoraire contre le racisme, la xénophobie et toutes les autres formes de discrimination. Ces procédures de dépôt de plainte sont gratuites.

36.M. de Gouttes indique que l’on recourt dans certains pays à la pratique du «testing» afin de recueillir des preuves dans les affaires de discrimination, par exemple pour vérifier que l’accès à des établissements publics est bien ouvert à tous: c’est une forme d’aménagement de la charge de la preuve. Il ajoute que certains pays admettent l’inversion de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination, notamment pour ce qui concerne l’accès à l’emploi ou au logement. C’est à l’employeur ou au logeur d’apporter la preuve qu’il n’y a pas eu discrimination. Il rappelle que les traités internationaux dont les dispositions sont auto-exécutoires peuvent être appliqués directement par les tribunaux et les administrations au niveau national. Mais lorsqu’il s’agit de dispositions pénales, l’État doit adopter une loi nationale, notamment pour définir les modalités de l’infraction et les sanctions.

37.M. de Gouttes demande si la législation uruguayenne couvre complètement le champ de l’article 4 de la Convention. Il se dit préoccupé par la situation des enfants des rues qui, selon certaines informations, seraient soumis à des risques d’exploitation sexuelle, de traite, de travail forcé et, plus fréquemment, d’abandon scolaire. Il demande si l’on connaît le nombre de ces enfants et souhaite savoir quelles mesures sont prises pour assurer leur protection.

38.M. Miranda ne croit pas que la pratique du «testing» soit utilisée en Uruguay mais il pense que cette idée pourrait être examinée, notamment dans le cadre de la formation des magistrats. En ce qui concerne le caractère auto-exécutoire des traités internationaux, il dit que, même si un délit s’applique directement au niveau national, il est effectivement indispensable d’adopter une loi pour fixer les sanctions car il est inutile de définir un délit sans prévoir une sanction. Les recommandations du Comité concernant la révision de la législation uruguayenne sont donc bienvenues. En ce qui concerne la situation des enfants des rues, il dit que peu d’enfants sont concernés mais que ce problème est pris très au sérieux par le Gouvernement, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants en situation de pauvreté extrême ou appartenant à des minorités raciales. Il précise qu’il dispose d’informations plus détaillées à ce sujet qui pourront être fournies au Comité.

39.M. Gonz á lez Arenas (Uruguay) ajoute que la délégation uruguayenne pourra fournir prochainement au Comité des informations mises à jour sur la situation de ces enfants.

40.Le Président demande si la composition de la population uruguayenne évolue et quelles sont les tendances en matière de migration et d’émigration. Il souhaite savoir si l’Uruguay aura beaucoup changé à ce niveau dans quelques années et quels nouveaux défis cela pourrait entraîner.

41.M. Gonz á lez Arenas (Uruguay) dit que les flux migratoires se sont inversés en Uruguay. Suite à la crise de 2001, des milliers de jeunes Uruguayens ont quitté le pays pour chercher du travail dans d’autres régions du monde; cependant, à partir de 2003, avec la reprise des activités économiques, le taux le chômage est devenu très faible et de nombreux Uruguayens sont rentrés chez eux. À l’avenir, le pays continuera probablement à avoir besoin d’une main-d’œuvre immigrée qualifiée et non qualifiée, notamment en provenance des pays de la région, et cela aura certainement des effets sur la composition de la population.

42.M. Lahiri (Rapporteur pour l’Uruguay) rappelle que la lutte pour la liberté des Amériques a été menée par les Créoles, c’est-à-dire par les Blancs nés et établis en Amérique latine. Comme cela a souvent été le cas dans l’histoire, ce ne sont pas les conquistadores qui ont massacré les populations locales mais surtout les premières générations de colons créoles. Cela explique sans doute pourquoi les populations locales nourrissent une profonde méfiance à l’égard des Créoles et un racisme structurel s’est progressivement installé dans la région.

43.M. Lahiri souligne que le rapport périodique de l’Uruguay fait apparaître des évolutions positives dans de nombreux domaines. Une des grandes différences avec le rapport précédent tient au fait que l’Uruguay reconnaît désormais l’existence des personnes d’ascendance africaine dans le pays et des problèmes liés à la discrimination à leur encontre. Toutefois, les mesures et les budgets prévus ne paraissent pas suffisants pour remédier aux problèmes des communautés autochtones et d’ascendance africaine, même si les programmes de lutte contre l’extrême pauvreté contribuent à réduire les disparités entre communautés. En outre, les lenteurs dans la concrétisation des intentions de l’Uruguay sont regrettables, par exemple en ce qui concerne la réalisation du recensement, et il reste nécessaire de prendre des mesures ciblées pour améliorer la situation des personnes d’ascendance africaine.

44.M. Gonz á lez Arenas (Uruguay) dit que les recommandations et observations du Comité revêtent la plus haute importance pour l’Uruguay car ce sont des outils qui lui permettent d’approfondir les mesures prises dans les domaines concernés. La détermination de l’Uruguay contre la discrimination raciale sur la scène internationale et à l’intérieur du pays, tant dans les paroles que dans les faits, ne fait aucun doute. Le Rapporteur reconnaît toutefois qu’il subsiste des lacunes dans l’action menée et que le Gouvernement aura besoin de l’aide du Comité pour continuer à y remédier. En conclusion, il souligne que la plus grande partie des mesures visant à répondre aux besoins des communautés d’ascendance africaine et autochtones dans le pays ont été prises après la crise économique, au cours des sept dernières années. Le Gouvernement s’est alors fixé comme priorité de réduire la pauvreté dans son ensemble tout en répondant de manière ciblée aux besoins des communautés marginalisées et vulnérables.

La séance est levée à 13 h 10.