Nations Unies

CERD/C/SR.1984

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

5 mars 2010

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante- seiz ième session

Compte rendu analytique de la 1984 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 23 février 2010, à 10 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quinzième à dix-huitième rapports périodiques du Cameroun(suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quinzième à dix-huitième rapports périodiques du Cameroun (suite)(CERD/C/CMR/15-18; HRI/CORE/1/Add.109 (2000); CERD/C/CMR/Q/15-18)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation camerounaise reprend place à la table du Comité.

2.M. Dion Ngute (Cameroun) indique que le Gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires pour que le Conseil constitutionnel puisse fonctionner et qu’il reste seulement à en désigner les membres. Toutefois des révisions législatives concernant le fonctionnement des institutions sont nécessaires depuis la révision constitutionnelle d’avril 2008. La loi de 2004 portantcréation du Conseil prévoyait que ses membres occupaient leur poste pendant neuf ans et que leur mandat n’était pas renouvelable. En vertu de la Constitution révisée, leur mandat dure six ans et est renouvelable. Suite à cette période de transition et à la promulgation des nouvelles lois, les membres du Conseil seront désignés.

3.Abordant les questions relatives aux groupes ethniques, M. Dion Ngute rappelle que le Cameroun est en paix avec lui-même et avec ses voisins. Il n’a connu que deux conflits entre des groupes ethniques dans son histoire récente, mais ces incidents ont heureusement été extrêmement rares et bien gérés. Le conflit le plus récent s’est posé au sujet de cultes ancestraux, un groupe ayant estimé qu’un autre avait profané ses droits, mais ce conflit a été rapidement maîtrisé. Le Gouvernement a lancé une enquête et des mesures administratives ont été prises. Les différents groupes ethniques coexistent donc pacifiquement au Cameroun.

4.Le Cameroun n’identifie pas ses citoyens selon leur appartenance ethnique car il s’attache à éviter toute discrimination. Les Camerounais sont identifiés sur la base de leur subdivision administrative, à savoir les régions, communes et départements. Il existe effectivement des groupes autochtones, mais l’appartenance à un groupe ethnique n’est mentionnée nulle part dans les documents, les cartes d’identité ou les actes de naissance. En ce qui concerne les relations entre les groupes ethniques, la situation est évolutive et fluide, caractérisée notamment par des mariages intergroupes. La fracture ethnique n’est donc pas aussi marquée que l’on pourrait le croire. Cela étant, les recensements ne permettent pas d’établir le nombre de personnes appartenant aux différents groupes ethniques, puisque cette information n’est pas enregistrée.

5.En ce qui concerne les postes administratifs, une disposition établit un quota de postes par région, proportionnel au nombre d’habitants des régions. Cette disposition ne tient pas compte de l’appartenance ethnique mais du découpage en subdivisions administratives, système qui permet une représentation égale des différentes régions du pays dans l’administration. Cette disposition ne s’applique pas dans certains cas particuliers, par exemple pour le concours d’entrée à l’École polytechnique nationale, lorsque des connaissances spécifiques sont nécessaires et que certaines régions ne disposent pas de candidats qualifiés.

6.L’utilisation de l’expression «peuple autochtone» est apparue pour la première fois dans la Constitution de 1996, dans une disposition stipulant que l’État garantit le respect des droits des membres des peuples autochtones. La population générale a alors commencé à prendre connaissance de cette notion, notamment les intellectuels, mais elle n’est pas encore toujours très bien comprise. C’est pourquoi les expressions «peuple autochtone», «peuple marginalisé» et «population vulnérable»ne sont pas toujours utilisées à bon escient dans les documents soumis au Comité.

7.Deux groupes de population sont généralement considérés comme des peuples autochtones au Cameroun: les Pygmées, qui regroupent les Baka, les Bagyéli et d’autres populations vivant dans les forêts de la zone équatorienne, et les Mbororo. Ces deux groupes se définissent eux-mêmes comme des groupes autochtones et présentent des caractéristiques et un mode de vie particuliers.

8.En septembre 2006, le Gouvernement camerounais a organisé à Yaoundé, avec l’appui de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, un séminaire de sensibilisation aux questions liées aux droits des peuples et des communautés autochtones d’Afrique centrale, auquel ont participé des représentants des Mbororo et des Pygmées du Cameroun et des pays limitrophes.

9.Le Gouvernement a pris des mesures afin d’assurer l’intégration des groupes autochtones, notamment en lançant des programmes visant à leur fournir des documents d’identité, lesquels donnent accès à certains droits, tels que le droit de vote, d’être inscrit sur une liste électorale, de participer à certains programmes d’intégration ou d’éducation. Les zones dans lesquelles vivent ces communautés ont été définies comme des zones d’éducation prioritaire, ce qui constitue une forme de discrimination positive. L’ambition du Gouvernement n’est pas de modifier leur style de vie mais de les intégrer à l’ensemble de la population. La tâche n’est pas toujours aisée car il faut trouver un juste équilibre entre la volonté de les intégrer et la nécessité de respecter leur mode de vie. Le Gouvernement camerounais a donc à cœur d’encourager l’instruction sans pour autant forcer les parents à envoyer leurs enfants à l’école. Mais l’expérience a montré que lorsque ces personnes sont instruites, elles modifient leur mode de vie et envisagent de travailler dans les institutions camerounaises. Il mentionne à cet égard le cas d’étudiants mbororo entrés récemment à la haute école d’administration, qui seront dans deux ans les premiers hauts fonctionnaires issus du groupe mbororo. Certaines ONG ont mené des activités de sensibilisation des parents mbororo aux effets positifs de l’instruction.

10.Il est parfois difficile de protéger les droits fonciers de ces populations surtout lorsqu’il s’agit de communautés nomades, comme les Mbororo, qui pratiquent le pastoralisme et se déplacent régulièrement. Certaines communautés pygmées sont plus ou moins sédentarisées mais d’autres continuent d’avoir un mode de vie nomade. Le Gouvernement a donc pris des mesures pour les aider dans un certain nombre de domaines. Par exemple, lors de la création de nouvelles réserves naturelles, il protège ces populations et leur propose de se sédentariser dans une région de remplacement. Le Gouvernement a également engagé un dialogue avec des ONG appropriées.

11.Évoquant la question des étrangers résidant au Cameroun, M. Dion Ngute rappelle que le Cameroun se trouve au centre d’une région instable puisqu’il a des frontières avec le Tchad, la République centrafricaine, le Nigéria et le Congo, qui ont connu de nombreuses difficultés au cours des trente dernières années. Toutefois, la majorité des quatre millions d’étrangers vivant au Cameroun ne sont pas des réfugiés: de nombreux Nigérians se sont établis dans le sud, lorsque cette région faisait encore partie du Nigéria, et y sont restés après l’indépendance. Certains ont acquis la nationalité camerounaise, tandis que d’autres sont encore Nigérians mais sont des résidents permanents. Selon les statistiques, il y a trois millions de Nigérians au Cameroun, ce qui témoigne du fait que le Cameroun est favorable à leur présence. Les Nigérians et les Maliens sont les seuls ressortissants étrangers ayant le droit d’entrer au Cameroun sans visa. Les Nigérians peuvent entrer et résider pendant trois mois sans visa, après quoi, ils doivent demander un permis de séjour, dont le coût est établi sur la base du principe de réciprocité. Le Cameroun demande aux ressortissants étrangers de payer la même somme que celle demandée par leur pays aux Camerounais. Le permis de séjour est renouvelable tous les deux ans. Des problèmes se sont posés car de nombreux Nigérians ont refusé de payer cette somme et ne l’ont fait que lorsqu’ils y ont été forcés par la police de l’immigration. Cela a donné lieu à des critiques relatives à un prétendu harcèlement des Nigérians, mais ces critiques ne sont pas fondées.

12.M. Bomba Ngong (Cameroun) précise que le projet d’amélioration du cadre de vie des Pygmées réalisé avec la coopération technique de la Belgique a été lancé par le Gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’exclusion sociale des populations autochtones. Il s’agit d’un projet d’appui au développement socioéconomique de communautés pygmées baka dans le sud du pays, qui a été mené à terme en avril 2008. Ce projet a permis de sensibiliser les communautés baka à l’importance de la citoyenneté et de la procédure d’acquisition des documents officiels. Des membres des communautés baka ont été formés à l’utilisation des registres de déclaration des naissances, l’accès aux services sociaux de base et l’hygiène ont été améliorés, des campagnes de vaccination des enfants et des femmes enceintes ainsi que des consultations prénatales ont été réalisées, des auxiliaires médicaux ont été formés et dotés de matériel médical et des centres de santé ont bénéficié d’aide en médicaments ou en équipements. Par ailleurs, une plate-forme de concertation et de dialogue intercommunautaire entre Baka et Bantous a été établie et est fonctionnelle dans plusieurs villes, et un plan de mobilisation des ressources forestières a été élaboré. Le coût de l’ensemble de ces activités s’est élevé à environ 719 000 euros. Enfin, une campagne d’identification des Pygmées en vue de l’établissement de documents d’identité menée en 2009 dans le sud du Cameroun a permis d’établir près de 2000actes de naissances et de délivrer 1000 cartes d’identité aux Pygmées recensés.

13.M. Bomba Ngong dit que la loi n° 97/012 du 10 janvier 1997 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de sortie des étrangers au Cameroun est d’application générale et vise tous les étrangers, sans distinction de race. L’article 40 de cette loi punit d’une peine de trois mois à deux ans d’emprisonnement ou d’une amende de 200 000 à 2 millions de francs CFA tout étranger ayant pénétré ou séjourné illégalement au Cameroun ou se trouvant encore sur le territoire après l’expiration de son permis de séjour. Dans ce cas, la personne concernée peut être interdite de séjour au Cameroun pour une durée de cinq ans. Ces peines sont applicables à tous les étrangers sans exception. Il convient de noter que 4 millions de ressortissants étrangers vivent au Cameroun actuellement, ce qui témoigne de la souplesse des lois et des autorités en matière d’immigration.

14.M. Bidima (Cameroun) expose de façon très détaillée l’affaire Cipriano Nguema Mba, opposant présumé au régime du Président Obiang Nguema qui, après avoir été déchu du statut de réfugié au Cameroun en 2005, puis avoir séjourné en Espagne, a été enlevé, sur les ordres de l’Ambassade de la Guinée équatoriale, en octobre 2008 au Cameroun, où il n’avait pas retrouvé le statut de réfugié et serait détenu dans la prison de Black Beach.

15.Le Chargé d’affaires par intérim de l’Ambassade de la Guinée équatoriale à Yaoundé a été convoqué le 13 octobre 2008 au Ministère des relations extérieures pour lui fournir des explications à ce sujet et des informations précises sur la situation de M. Nguema Mba, requête qui est demeurée sans suite. Le 21 octobre 2008, le Ministère des relations extérieures du Cameroun a publié un communiqué condamnant l’enlèvement. Le 24 octobre 2008, l’Ambassadeur de la Guinée équatoriale au Cameroun, reçu par le Ministère des relations extérieures, a nié l’implication de ses services dans cette affaire, qui a été cependant mise en lumière par les enquêtes.

16.Les deux policiers camerounais impliqués dans l’affaire ont été révoqués par le Conseil de discipline, puis inculpés devant le Tribunal militaire, de corruption, d’atteinte à la sûreté de l’État, d’arrestation et de séquestration arbitraires en association.

17.M me Esseneme (Cameroun) indique que son pays ne dispose pas de statistiques sur la jurisprudence qui feraient état de l’application de la Convention, mais affirme que les membres de la police et de la gendarmerie qui se rendent coupables d’actes discriminatoires contre des étrangers s’exposent à des sanctions disciplinaires.

18.La Direction des droits de l’homme et de la coopération internationale du Ministère de la justice est chargée de l’information et de la sensibilisation des personnels judiciaires et pénitentiaires aux normes de protection des droits de l’homme. Elle collabore à cet effet avec toutes les structures de l’État et de la société civile, parmi lesquelles la Commission nationale de droits de l’homme et des libertés, le Ministère des affaires sociales et le Ministère de la promotion de la femme et de la famille.

19.S’agissant de l’intégration de la définition de la discrimination dans la Constitution, Mme Esseneme donne lecture de l’article premier, qui proclame que l’être humain ‑ sans distinction de race, de religion, de sexe, de croyance ‑ possède des droits inaliénables et sacrés et que tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs. Aussi estime-t-elle que les dispositions de l’article premier de la Convention sont intégrées dans la Loi fondamentale.

20.Deux campagnes distinctes ont été menées pour faire mieux connaître le Code de procédure pénale à la population en général et aux magistrats en particulier. Pour cela, le Gouvernement camerounais a bénéficié de l’aide des organisations de la société civile, de parlementaires et de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés.

21.Dans le cadre de la réforme du système judiciaire, les législateurs révisent le Code pénal afin d’y supprimer toutes les dispositions discriminatoires; il sera donc conforme aux instruments internationaux pertinents, dont la Convention.

22.Pour endiguer le problème de la justice populaire qui a pris de l’ampleur en 2006, le Gouvernement camerounais a institué une police de proximité et a installé des postes de police et de gendarmerie sur les grands axes routiers, dans les centres commerciaux ainsi que dans les quartiers densément peuplés.

23.Au cours de leur formation initiale de trois ans à l’École nationale d’administration et de magistrature, les magistrats sont tenus de suivre un cours consacré aux droits de l’homme ainsi que des séminaires sur le sujet organisés dans le cadre de la formation continue.

24.En vertu de la législation camerounaise relative aux juridictions traditionnelles, un justiciable pygmée peut refuser d’être déféré devant un tribunal coutumier en l’absence d’un assesseur représentant sa coutume.

25.Pour lutter contre la corruption dans l’appareil judiciaire, l’Inspection générale des services judiciaires du Ministère de la justice a mis en œuvre un plan d’information, d’éducation et de communication sur ce sujet et des missions de contrôle ont été menées au sein de 10 cours d’appel. En outre, des sanctions disciplinaires peuvent être prononcées par le Président de la République et le Président du Conseil supérieur de la magistrature à l’encontre de magistrats qui agissent de façon contraire à l’éthique et à la probité.

26.L’article 241 du Code pénal réprime l’outrage à une race ou à une religion et l’article 242 punit d’une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 5 000 à 500 000 francs quiconque refuse l’accès à un lieu public ou à un emploi au motif de la race ou de la religion.

27.Mme Esseneme dit que pour faciliter l’accès à la justice des populations marginales, le Cameroun a adopté la loi du 14 avril 2009 portant organisation de l’assistance judiciaire. Ainsi, tout personne démunie qui en a besoin peut bénéficier d’une telle assistance depuis l’introduction de l’instance jusqu’à l’exécution de la décision de justice. Pour faciliter l’accès à la justice, des audiences foraines ont été instituées dans les zones éloignées des juridictions et souvent enclavées. En revanche, la fonction d’interprète n’ayant pas été formellement créée, les tribunaux désignent des interprètes ad hoc en fonction des besoins.

28.Dans les communautés traditionnelles, la justice est rendue par les chefs coutumiers qui jouent le rôle de médiateurs, notamment en matière immobilière.

29.M. Dion Ngute (Cameroun) dit que le Conseil national du Sud-Cameroun est un groupe qui milite pour la sécession de la partie anglophone du Cameroun. Il précise que l’anglais est la langue prédominante dans deux des dix régions du pays, et qu’une université sur six offre des cours uniquement en anglais, tandis que les cinq autres dispensent des cours à la fois en anglais et en français. L’on ne peut donc pas dire que l’anglais soit sous-représenté au Cameroun.

30.M. Dion Ngute ajoute qu’au Cameroun, les albinos jouissent plutôt d’une bonne réputation: selon les croyances mystico-religieuses qui ont cours, en toucher un porte bonheur. Juridiquement, les albinos ont les mêmes droits que les autres Camerounais et aucune information ne fait état d’une quelconque discrimination commise à leur encontre. De son côté, le port obligatoire de l’uniforme scolaire a pour but d’éviter la stigmatisation vestimentaire des enfants les plus démunis.

31.M me E sseneme (Cameroun) indique que pour remédier au problème de la non-conformité de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés aux Principes de Paris, un projet d’amendement à la loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CERD/C/CMR/15-18, p. 9) a été soumis au Parlement pour adoption. En vertu de la loi précitée, la Commission est une institution indépendante de consultation, d’observation, d’évaluation, de dialogue, de concertation, de promotion et de protection en matière des droits de l’homme et des libertés, qui est notamment chargée de recevoir toutes les plaintes pour violations des droits de l’homme et des libertés, d’enquêter et de présenter ses conclusions au Président de la République. La Commission traite les plaintes dont elle est saisie en collaboration étroite avec la Direction des droits de l’homme et de la coopération internationale du Ministère de la justice (ibid, par. 28). Dans le cadre de cette collaboration et en liaison avec d’autres institutions, un plan national de promotion et de protection des droits de l’homme a été élaboré et devra être validé par le Gouvernement qui en assurera la mise en œuvre.

32.MmeEsseneme dit que les droits de l’homme sont enseignés à tous les niveaux scolaires depuis la rentrée 2008, de la maternelle à l’université, et que des programmes similaires sont également dispensés à l’École de la magistrature et à l’École de police et gendarmerie.

33.Pour ce qui est de l’existence d’une éventuelle discrimination salariale au Cameroun, la représentante affirme que le principe de l’égalité des salaires s’applique à tous les travailleurs quels que soient leur âge, leur sexe, leur confession religieuse ou leur origine sociale et ethnique. Ce principe est consacré dans le Code du travail et le Statut général de la fonction publique (ibid, par. 168).

34.Mme Esseneme explique que les groupes vulnérables sont les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. Les populations marginales (ibid, par. 74) sont des personnes qui ont des modes de vie spéciaux et les groupes culturels regroupent les ethnies qui ont les mêmes traditions et pratiques culturelles. Une même personne peut parfaitement appartenir aux groupes vulnérables et avoir parallèlement un mode de vie marginal.

35.En vertu des dispositions de l’article 7 de la loi n° 98/04 du 14 avril 1998 sur l’orientation de l’éducation au Cameroun (ibid, par. 35), l’État garantit à tous l’égalité dans l’accès à l’éducation sans distinction de sexe, d’opinion politique, philosophique et religieuse, d’origine sociale, culturelle, linguistique ou géographique. Le Chef de l’État a pris la décision de rendre l’enseignement primaire gratuit sur l’ensemble du territoire depuis l’année scolaire 2000/2001. Les frais de scolarité sont supportés par l’État dans les zones d’éducation prioritaires, à l’exception de l’uniforme scolaire qui reste à la charge des parents, ce qui pourrait en effet constituer une entrave à la gratuité de l’enseignement.

36.Plusieurs mesures ont été prises pour assurer la protection de l’environnement des populations marginales, notamment pour préserver les coutumes et les biens de ces populations, veiller à la protection des arbres, des tombes et des lieux sacrés. Le Gouvernement a également créé des communautés forestières afin de permettre aux membres des populations marginales de chasser et de s’adonner à la cueillette dans les forêts adjacentes à leurs terres.

37.M. C ali T zay souhaite connaître la proportion d’enfants scolarisés qui sont contraints de porter un uniforme scolaire et les mesures qui ont été prises en faveur de ceux dont les parents n’ont pas les moyens d’acquérir la tenue requise.

38.Se référant au paragraphe 79 du rapport périodique à l’examen (CERD/C/CMR/15-18) qui indique que des campagnes d’éducation civique et à la citoyenneté sont régulièrement menées avec l’appui des partenaires au développement en vue d’amener les populations marginales à développer le sentiment d’appartenance à la communauté nationale, M. Cali Tzay se demande s’il faut en conclure que les populations marginales n’ont aucun sentiment d’appartenance à la société camerounaise. Dans l’affirmative, il souhaite savoir à quelle société ces personnes s’identifient.

39.M. L indgren Alves estime qu’il n’est pas nécessaire, à son sens, de demander au Cameroun de présenter des données ventilées sur les 230 ethnies ou tribus que compte le pays car cela ne ferait que stimuler les divisions interethniques. Il souhaite par ailleurs savoir si les deux langues officielles, l’anglais et le français, sont enseignées indifféremment à tous les enfants scolarisés ou seulement aux enfants vivant dans les zones où elles sont majoritaires. Si le Cameroun a véritablement institué un enseignement bilingue sur tout son territoire, cet effort remarquable mérite d’être salué.

40.S’agissant des pygmées et de leur droit à la terre, M. Lindgren Alves comprend la complexité de la question dès lors qu’il s’agit de peuples nomades et rappelle que son pays, le Brésil, qui a aussi été confronté à ce problème, l’a résolu en attribuant aux peuples autochtones un territoire d’une superficie équivalente à celle de la Belgique. Evidemment, la situation est plus difficile dans les pays relativement petits mais le Cameroun devra un jour se pencher sur cette question.

41.L’expert souhaite également savoir si l’absence de sentiment national, dont il est question au paragraphe 79 du rapport à l’examen, concerne uniquement les populations marginales ou toutes les ethnies.

42.M. P eter se dit soulagé par l’affirmation du chef de la délégation camerounaise selon laquelle l’appartenance ethnique n’est pas mentionnée dans les documents d’identité délivrés par les autorités, élément très positif dans le contexte africain car de nombreux États du continent s’appuient encore sur des clivages ethniques. La mention d’informations telles que la race et la religion sur les documents d’identité a une connotation coloniale en Afrique car ces données ont longtemps été requises par les forces de police à la demande des colons, qui étaient convaincus que certaines ethnies étaient particulièrement susceptibles de commettre des délits.

43.Se référant au jugement rendu en 1973 par la Cour suprême dans l’affaire Ebanda Njoh c. Eyoum Bwa Njoh Isaac, relative àla protection du droit des femmes à la propriété, M. Peter aimerait savoir pourquoi cet arrêt, qui a fait jurisprudence, n’a pas été incorporé dans le droit interne camerounais.

44.M. de G outtes accueille avec satisfaction les clarifications apportées par la délégation camerounaise sur les distinctions qu’il convient d’opérer entre les peuples autochtones, les groupes marginaux, les groupes vulnérables et les groupes culturels.

45.Plus généralement, M. de Gouttes attire l’attention de l’État partie sur l’importance que revêt la création d’une institution nationale des droits de l’homme qui soit pleinement conforme aux Principes de Paris, notamment pour ce qui a trait au mode de désignation de ses membres et à leur indépendance.

46.S’agissant de la question du port de l’uniforme dans les établissements scolaires, M. de Gouttes juge cette mesure intéressante car elle ouvre un nouveau débat sur son utilité en termes de garantie de non-discrimination entre les enfants. On peut en effet considérer qu’il s’agit d’une mesure d’égalité qui est un facteur d’intégration et de cohésion nationale. A l’inverse, on peut aussi considérer que le port de l’uniforme risque de faire perdre aux enfants le sens de leur identité communautaire. Il s’agit donc là, à nouveau, d’un débat entre intégration et logique communautaire, qu’il conviendra certainement de poursuivre.

47.M. M urillo M art í nez se félicite de l’attitude positive des Camerounais à l’égard des albinos, qui tranche avec la situation en Afrique de l’Est, notamment. Il remarque que les indicateurs camerounais de la santé maternelle et infantile accusent une tendance préoccupante à la baisse et suggère à l’État partie de communiquer au Comité des statistiques plus récentes sur ce point, les dernières datant de 2004.

48.Prenant bonne note de l’insistance de la délégation camerounaise sur l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, l’expert s’interroge cependant sur l’application concrète de ce principe. Il indique que dans son pays, la Colombie, les femmes perçoivent un salaire généralement inférieur de 25 % à celui des hommes, à égalité de qualifications et de travail.

49.M. Thornberry fait observer que la distinction opérée par le Cameroun entre autochtones, marginaux et personnes vulnérables ne doit pas empêcher l’État d’adopter une loi d’ensemble relative aux droits des peuples autochtones, notamment à l’éducation ainsi qu’à l’accès à la terre et à la propriété. À ce sujet, il appelle l’attention de la délégation camerounaise sur la Recommandation générale no 23 du Comité concernant les droits des populations autochtones. Par ailleurs, il voudrait savoir si le Cameroun sensibilise l’opinion publique à la diversité ethnique du pays, notamment dans le but de supprimer les stéréotypes à l’égard de tel ou tel groupe.

50.M. Saidou se félicite des efforts déployés par le Cameroun pour lutter contre la marginalisation des peuples autochtones et promouvoir leur intégration. Il demande un complément d’information sur le rôle et la composition du Parlement des jeunes et voudrait savoir s’il existe au Cameroun des écoles nomades qui permettraient de favoriser la scolarisation des enfants autochtones tels que les Mbororo et les Pygmées. En ce qui concerne le respect des droits fonciers, il demande si des aires de pâturage sont réservées aux groupes autochtones.

51.M. Dion Ngute (Cameroun) dit que l’uniforme scolaire est le même dans tout le pays et doit être porté par tous les enfants, quelle que soit leur origine ethnique. Cela étant, aucun écolier ne se voit refuser l’accès à l’école s’il ne porte pas l’uniforme. Le Cameroun a fait des régions traditionnellement habitées par les Mbororo et les Pygmées des zones prioritaires dans le domaine de l’éducation. L’anglais et le français sont les deux langues enseignées à tous les écoliers qui peuvent étudier en anglais et en français. L’objectif de rendre les élèves parfaitement bilingues tient à cœur des autorités camerounaises.

52.En réponse à une observation faite par M. Peter, le représentant du Cameroun dit que la religion, tout comme l’origine ethnique, ne figure pas sur les papiers d’identité ni sur les certificats de naissance des Camerounais. En ce qui la concerne, l’organisation non gouvernementale qui représente les albinos a pour simple vocation de sensibiliser l’opinion publique aux difficultés que peut rencontrer ce groupe et non de combattre la discrimination dont très peu d’albinos sont victimes dans la pratique. L’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Ebanda Njoh c. Eyoum Bwa Njoh Isaac fait jurisprudence pour tout ce qui concerne le droit de la femme à hériter directement de ses parents. Il n’y a plus aucune discrimination en la matière depuis ce jugement rendu par la Cour suprême en 1973.

53.Pour ce qui est de l’institution nationale des droits de l’homme, M. Dion Ngute reconnaît qu’elle est encore composée de membres qui sont directement nommés par le Gouvernement et jouissent du droit de vote, contrairement à d’autres membres. La question de sa mise en conformité avec les Principes de Paris est à l’étude. La délégation camerounaise fournira ultérieurement au Comité des indicateurs chiffrés sur la santé.

54.L’égalité salariale entre les sexes est une réalité au Cameroun, qui est notamment rendue possible par le respect des conventions collectives aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. À qualification et expérience égale, le salaire est identique, quel que soit le sexe.

55.L’État n’a pris aucune mesure pour lutter contre les stéréotypes car le problème ne se pose pas vraiment dans le pays ou demeure purement anecdotique.

56.La question des régimes fonciers et du droit à la propriété est effectivement épineuse car le Cameroun doit établir un équilibre entre ses priorités en matière de développement, l’intégration de certains peuples autochtones et le respect des modes de vie ancestraux d’autres peuples autochtones.

57.Des aires de pâturage ne sont pas réservées à des groupes autochtones car le Gouvernement a besoin des terres pour favoriser le développement national. Toutes les terres non enregistrées sont des terres communales. Lorsque des terres privées doivent être confisquées à des fins de développement national, les propriétaires sont bien évidemment indemnisés. Le Parlement des jeunes se réunit une fois par an au mois de juin. Il comprend des jeunes venus de toutes les régions, en particulier des enfants issus des minorités. Les enfants siègent pendant un mois au Parlement national et rencontrent des décideurs politiques, y compris des membres du Gouvernement.

58.En conclusion, le délégué réaffirme que le Cameroun est un pays mosaïque où la diversité culturelle est bien réelle et où la tolérance est un principe constamment réaffirmé et défendu par les autorités de l’État.

59.M. Ewomsan (Rapporteur pour le Cameroun) se félicite que le Cameroun ait décidé de renouer le dialogue avec le Comité et salue les efforts déployés par les autorités camerounaises pour aller de l’avant. À l’évidence, l’avenir est prometteur en ce qui concerne la lutte contre la discrimination raciale dans le pays, même si plusieurs membres du Comité ont dû exhorter le Cameroun à adopter des mesures spéciales en faveur des peuples autochtones, à poursuivre ses efforts pour préserver le bilinguisme et à éliminer les pratiques coutumières discriminatoires à l’égard des femmes.

60.Le Président indique que le Comité a achevé la première partie de l’examen des quinzième à dix-huitième rapports périodiques du Cameroun.

La séance est levée à 12 h 55.