NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1428

22 septembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1428ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 18 août 2000, à 15 heures

Président : M. SHERIFIS

puis : M. FALL

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique de l'Ouzbékistan

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique de l'Ouzbékistan (CERD/C/327/Add.1)

1.Sur l'invitation du PRÉSIDENT, M. Faizullayev (Ouzbékistan) prend place à la table du Comité.

2.M. FAIZULLAYEV (Ouzbékistan) souligne que l'Ouzbékistan a pour politique de favoriser l'instauration d'un climat d'entente et de tolérance entre les groupes nationaux tout en préservant l'originalité culturelle des minorités nationales. Depuis son accession à l'indépendance, en 1991, l'Ouzbékistan s'est engagé sur la voie de la démocratie, ce qui a induit de nombreux changements d'ordre socioéconomique. Malgré les difficultés rencontrées, les autorités se sont attachées à mettre en place une base juridique solide pour la protection de la centaine de minorités ethniques qui vivent sur le territoire national.

3.La Constitution ouzbèke, adoptée en décembre 1992, consacre en son article 18 l'égalité des citoyens sans considération de race, d'appartenance nationale, de langue ou de toutes autres particularités. L'État est ainsi tenu de ne tolérer aucune discrimination fondée sur des critères d'appartenance raciale ou nationale, notion que l'on retrouve dans le Code du travail. L'État s'est également engagé à faire en sorte que les langues, les coutumes et les traditions des groupes nationaux et ethniques vivant dans le pays soient respectées et d'instaurer des conditions leur permettant de se développer. En outre, l'Ouzbékistan a reconnu la primauté des normes établies de droit international, ce qui signifie que les dispositions de la Convention sont directement applicables en droit interne ouzbek.

4.La Constitution ouzbèke interdit, entre autres, la formation de partis politiques fondés sur des critères raciaux et nationaux ainsi que toute association dont les activités seraient axées sur une propagande en faveur d'une distinction raciale ou religieuse. La Constitution interdit également de se servir des médias pour préconiser la haine nationale, raciale ou religieuse. Cette obligation a du reste donné lieu à un accord entre l'Ouzbékistan et la Fédération de Russie. En signant la Déclaration sur l'extension et l'approfondissement des relations de coopération, les deux pays se sont engagés à prendre les dispositions voulues pour interdire sur leur territoire toutes formes de discrimination à l'encontre des minorités nationales.

5.Afin de veiller à l'application effective des lois et règlements en vigueur interdisant la discrimination raciale on a mis en place un centre national pour les droits de l'homme ainsi qu'un observatoire parlementaire et un poste de médiateur parlementaire aux droits de l'homme.

6.Depuis son accession à l'indépendance, l'Ouzbékistan n'a adopté aucune loi ni aucun instrument réglementaire ayant pour effet d'instituer une discrimination raciale ou de perpétuer une telle discrimination. Des modifications ont été apportées à plusieurs lois afin de les mettre en conformité avec les normes de droit international en matière de lutte contre la discrimination raciale. L'obligation faite de maîtriser suffisamment la langue officielle du pays pour pouvoir remplir des fonctions officielles a ainsi été supprimée en 1995.

7.Les autorités ouzbèkes favorisent en outre l'action des organisations multiraciales. Un centre culturel a été ouvert en 1992 pour coordonner les activités menées par la trentaine d'associations culturelles existant dans le pays. En 1998, le Haut-Commissaire de l'OSCE pour les minorités nationales a effectué dans le pays une mission au terme de laquelle il a rendu un rapport positif sur les relations entre les minorités nationales et sur la situation des minorités ethniques en Ouzbékistan.

8.S'agissant des mesures législatives prises pour éliminer toute incitation à la discrimination raciale, le Code pénal ouzbek interdit la violation ou la restriction directes ou indirectes des droits pour des considérations de race, d'appartenance nationale ou de langue. Lorsqu'ils s'accompagnent de violences, les mêmes actes sont punis de deux à trois ans de rééducation par le travail ou de un à six mois d'emprisonnement. Le Code pénal réprime également les actes délibérés d'incitation à la haine ethnique, nationale, raciale ou religieuse.

9.L'Ouzbékistan a également pris des mesures en vue d'interdire et d'éliminer la discrimination raciale et de garantir le droit de chacun à l'égalité devant la loi sans distinction de race, de couleur ou d'origine ethnique ou nationale. La loi reconnaît notamment le droit à un traitement égal devant les tribunaux, le droit à la sûreté de la personne et à la protection de l'État contre les voies de fait ou les sévices, les droits politiques, le droit de prendre part au gouvernement et d'accéder aux fonctions publiques, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État, le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays, le droit de se marier et de choisir son conjoint, ainsi que le droit à la propriété.

10.S'agissant du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, la Constitution ouzbèke garantit le droit de chacun de professer la religion de son choix mais interdit d'inculquer des conceptions religieuses par la contrainte. Quelque 37 confessions autres que l'islam étaient recensées dans le pays en 1998 et à la fin de cette même année on y dénombrait 1 258 organisations religieuses, dont 1 156 musulmanes, 96 chrétiennes et 6 judaïques.

11.Le peuple ouzbek n'a jamais connu de querelles religieuses ou de persécutions pour des motifs d'appartenance nationale ou religieuse. Il n'y a jamais eu, non plus, en Ouzbékistan, de manifestation d'antisémitisme.

12.Pour ce qui est du droit à l'éducation, l'Ouzbékistan est l'un des rares à consacrer 10 % de son PIB à l'éducation. La moitié de la population ayant moins de 16 ans, l'enseignement est une question capitale pour l'avenir du pays. Dans le secondaire, les élèves ont le choix entre sept langues d'enseignement : ouzbek, karakalpak, russe, kazakh, turkmène, tadjik et kirghize. L'État encourage le recrutement des membres de minorités nationales dans l'appareil éducatif.

13.Avec l'aide financière du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, le Centre national pour les droits de l'homme a mené une campagne d'affichage sur différents thèmes, dont la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les médias réservent eux aussi une large place à la promotion de la tolérance et de l'entente entre les groupes nationaux.

14.M. NOBEL (Rapporteur pour l'Ouzbékistan) note que l'article 18 de la Constitution ouzbèke consacre l'égalité des citoyens en droit, indépendamment de la race, de l'appartenance nationale, de la langue et d'autres particularités, mais souligne que cette égalité ne peut être assurée que si les mécanismes de protection nécessaires ont été mis en place.

15.Il est étonnant que l'article 57 de la Constitution interdise de constituer des partis politiques fondés sur des critères ethniques ou nationaux. Interdire à un parti politique d'œuvrer en faveur de sa cause, soit-elle nationale, pourrait en effet bien se révéler contraire à l'article 5 c) et d) de la Convention. De plus, l'article de la Constitution qui reconnaît que "chacun a le droit de professer une religion ou de n'en professer aucune" semble être directement contraire à l'article 57 précité qui, lui, interdit la formation des partis politiques sur une base religieuse.

16.Selon les rapports de certains organismes internationaux et nationaux et de plusieurs ONG, un texte législatif de 1998 aurait sérieusement restreint la liberté religieuse des musulmans pratiquant hors des mosquées agréées par l'État, en particulier, mais aussi des personnes converties au christianisme, des baptistes réformés et des Témoins de Jéhovah. Depuis la fin de 1997 la guérilla contre le Gouvernement serait en outre allée en s'amplifiant, notamment dans la vallée de Ferghana et à Tachkent. Tenant pour principaux responsables de cette situation des extrémistes islamistes qualifiés de wahhabites, le Gouvernement aurait réagi par la force avec pour conséquence une grave détérioration de la situation des droits de l'homme, non seulement pour les opposants politiques islamistes mais aussi pour les membres d'autres confessions et les défenseurs des droits de l'homme.

17.Il serait intéressant que la délégation ouzbèke explique le rôle des tensions ethniques dans l'évolution de la situation, eu égard au constat du Groupement pour les droits des minorités selon lequel "la stabilité ethnique actuelle est maintenue de façon assez artificielle par le Gouvernement. L'Assemblée nationale dirigée par l'État a été créée pour contribuer à contrôler les minorités ethniques". En tout état de cause, torturer des suspects ou des membres de leur famille est un acte profondément amoral et contraire au droit international; de telles pratiques et autres attentatoires aux droits de l'homme ne conduiront jamais à une solution durable et ne peuvent qu'engendrer plus de haine et un désir de vengeance, amorçant ainsi une spirale de violences et de souffrances. Protéger tous les citoyens du pays suppose d'appliquer strictement chacune des dispositions de la Convention.

18.Le rapport proprement dit témoigne des nombreux efforts déployés par l'Ouzbékistan pour édifier un État démocratique. Certains points demandent cependant à être précisés ou éclaircis. Le lien exact qui existe entre les instruments internationaux ratifiés par l'Ouzbékistan et le droit interne n'est pas clair. L'Ouzbékistan est partie à la Convention 111 de l'OIT mais n'a pas présenté de rapports à ce titre depuis quatre ans et ne semble pas avoir ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni le Protocole y relatif pas plus que les conventions relatives aux apatrides et à l'apatridie. Les informations fournies sur les réfugiés sont insuffisantes. D'après Worldwide Refugee Information, en 1999 l'Ouzbékistan comptait 38 000 réfugiés, dont 30 000 originaires du Tadjikistan. Ces derniers sont-ils ouzbeks de souche et, dans la négative, rencontrent-ils des difficultés d'intégration ? Selon la même source, l'Ouzbékistan considérerait les demandeurs d'asile et les réfugiés comme des étrangers et leur refuserait l'accès aux services publics, y compris aux services de santé et d'éducation, ce qui est contraire aux alinéas d) et e) de l'article 5 de la Convention. À ce propos, où en est le projet de loi sur les migrations élaboré en 1999 ? Enfin, la même source faisant état de mesures vexatoires et parfois de refoulement sommaires à l'égard des demandeurs d'asile, M. Nobel recommande à l'Ouzbékistan d'adhérer aux conventions et protocoles relatifs aux réfugiés et aux apatrides.

19.Il est satisfaisant de constater que la politique ouzbèke de lutte contre la discrimination raciale s'appuie entre autres sur les résolutions et recommandations des organisations internationales dont l'Ouzbékistan est membre et a pour but d'instaurer un climat d'entente et de tolérance entre groupes nationaux au sein de la société. Les chiffres rendant compte de la composition ethnique de la population présentent un grand intérêt. Dans le rapport, le Gouvernement admet avec franchise que des "heurts interethniques isolés" ont pu se produire. Il serait utile de connaître le nombre de recours formés au titre de la loi sur les plaintes pour violation des droits et libertés et de l'article 6 du Code du travail, et la suite qui leur a été donnée. M. Nobel souhaiterait en outre savoir si l'interdiction de toute propagande en faveur de la haine nationale, raciale ou religieuse énoncée à l'article 6 de la loi sur les médias est générale ou ne concerne que les médias. Il aimerait d'autre part connaître le texte exact de l'article 156 du Code pénal pour déterminer s'il condamne réellement la diffusion d'idées de supériorité ou de haine raciale, comme le prescrit l'article 4 de la Convention. Se référant au paragraphe 58 du rapport, il s'interroge sur la différence entre une peine d'emprisonnement et une peine de privation de liberté. Il demande aussi quelles possibilités d'aide juridique sont prévues pour les personnes qui forment des recours. S'agissant de l'action du Médiateur et du parquet, il s'étonne de la disproportion qui existe entre le nombre élevé des plaintes déposées pour violations des droits et libertés et le très faible nombre des condamnations prononcées.

20.M. Nobel félicite le Gouvernement ouzbek pour ses efforts de formation et d'information dans le domaine des droits de l'homme et l'invite à envisager de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. Pour finir, il tient à souligner que la toute dernière phrase du rapport : "Certains participants ont relevé que les journalistes ouzbeks ne connaissaient pas toujours les lois en vigueur qui régissaient leurs activités et étaient pour cette raison dans l'incapacité d'organiser objectivement leur travail" est pour lui tout simplement incompréhensible.

21.M. Fall prend la présidence.

22.M. VALENCIA RODRIGUEZ souhaiterait avoir confirmation du fait que la Convention est directement applicable dans le pays et peut être invoquée devant les tribunaux. Il aimerait en outre connaître les résultats de l'examen de la politique gouvernementale relative à l'intégration des minorités dans la société ouzbèke et avoir des précisions sur le rôle exact et les réalisations de l'Observatoire parlementaire de la législation en vigueur et du Médiateur.

23.S'agissant de l'article 4, et plus précisément de l'alinéa b), il souhaiterait disposer du texte intégral de l'article 57 de la Constitution et de l'article 3 de la loi sur les associations. Il se félicite des nombreuses informations fournies au sujet de la mise en œuvre de l'article 5. Il note en particulier que les membres des minorités ethniques participent sans obstacle aux organes chargés de la direction des affaires publiques et que l'enseignement et la formation professionnelle sont dispensés dans plusieurs langues.

24.À propos de l'article 6, la législation garantit un recours devant les tribunaux en cas d'actes illégaux des pouvoirs publics ou des fonctionnaires mais il semble qu'aucune disposition ne soit prévue en cas de violation commise par des particuliers. Il serait utile d'avoir des précisions sur ce point. Il serait d'autre part intéressant de savoir combien, parmi les 2 319 plaintes reçues par le Médiateur en 1997, concernaient des cas de discrimination raciale. On peut supposer que les 777 plaintes concernant des atteintes flagrantes aux droits de l'homme ont à voir avec les "heurts interethniques isolés" qui ont pu se produire "étant donné la multiplicité des groupes nationaux en présence et les difficultés liées à la recherche d'une identité nationale après la dissolution de l'Union soviétique".

25.M. Valencia Rodriguez souhaiterait savoir si l'intervention du Procureur général de la République et des procureurs qui lui sont subordonnés est nécessaire pour que les tribunaux puissent accorder satisfaction en réparation en cas de discrimination raciale. En ce qui concerne l'article 7, il note avec satisfaction qu'un cours sur les droits de l'homme est dispensé dans tous les établissements d'enseignement et espère qu'une place y est faite à la Convention. De même, il faut espérer que le Centre national pour les droits de l'homme contribue à faire connaître la Convention au moyen de ses affiches et séminaires. Il souhaite que le Comité soit tenu informé des activités des différentes associations culturelles de minorité nationale et souligne l'importance que revêtent les émissions diffusées dans les langues des minorités par les chaînes de la télévision ouzbèke pour la promotion de la compréhension, de la tolérance et de l'amitié entre les différents groupes ethniques.

26.M. RECHETOV indique s'être rendu en Ouzbékistan 18 mois auparavant pour s'y s'entretenir avec des représentants tant du Gouvernement que de groupes de minorités nationales ou ethniques. À cette occasion, il a pu constater que le pays était doté d'institutions solides contribuant à sa stabilité ainsi qu'au respect des obligations lui incombant en vertu de la Convention. Les incidents signalés seraient, selon certaines indications, le fait de groupes extrémistes islamistes cherchant à déstabiliser le pouvoir. Comme M. Nobel, il pense que la lutte contre ces groupes extrémistes doit être menée par le Gouvernement dans le respect des droits fondamentaux et des principes du droit humanitaire. En outre, il a pu constater que la société ouzbèke était laïque sans pour autant hésiter à intégrer dans sa législation des dispositions relatives au respect des traditions et des coutumes de communautés religieuses minoritaires, pourvu que ces dispositions ne soient pas contraires aux principes des droits de l'homme. Il en va de même pour les traditions autres que religieuses, comme il ressort du paragraphe 87 du rapport.

27.S'agissant des plaintes communiquées au Médiateur, il pense lui aussi que l'État partie devrait indiquer si elles ont un rapport avec des questions intéressant le Comité. Cette observation vaut également pour les requêtes présentées au Procureur général de la République.

28.M. DIACONU fait observer que certains problèmes de l'Ouzbékistan sont sans doute liés au fait qu'il s'agit d'un État jeune, issu du démantèlement de l'empire soviétique. S'agissant du cadre législatif, il aimerait savoir quelles dispositions ont la primauté en cas de discordance entre le droit interne et le droit des traités. Il note avec satisfaction, en ce qui concerne l'application de l'article 2 de la Convention, que les principes antidiscriminatoires mentionnés au paragraphe 48 du rapport répondent parfaitement aux exigences de la Convention.

29.S'agissant de l'application de l'article 4 de la Convention, compte tenu de ce qui est dit au paragraphe 58 du rapport il serait utile de savoir si des sanctions légales réprimant les actes de violence en eux-mêmes sont prévues. M. Diaconu appelle l'attention de l'État partie sur une éventuelle lacune de sa législation à ce niveau et l'encourage à y remédier le cas échéant.

30.Il ne pense pas que l'interdiction de fonder des partis politiques religieux contrevienne aux dispositions de la Convention dans la mesure où cette interdiction ne porte pas atteinte au droit des individus à pratiquer leur religion.

31.Au sujet du droit à la nationalité, il aimerait savoir selon quelle procédure la citoyenneté ouzbèke a été accordée aux personnes résidant sur le territoire de l'État partie au moment de son accession à l'indépendance.

32.Enfin, abordant la question des voies de recours utiles, M. Diaconu demande si les plaignants ont la possibilité de s'adresser directement aux tribunaux civils pour former de tels recours. Si tel n'est pas le cas, l'État partie envisage-t-il de prendre des mesures en ce sens ?

33.M. de GOUTTES note avec satisfaction que le rapport à l'examen fournit de nombreuses informations sur les institutions et les textes législatifs existants tout en constatant que les renseignements sur la mise en œuvre des principes énoncés dans la législation font défaut.

34.Parmi les aspects positifs, il convient de relever : l'existence d'institutions protectrices des droits de l'homme, comme le Centre national pour les droits de l'homme et le Médiateur; l'intérêt des données statistiques sur la composition ethnique de la population, la représentation des minorités au Parlement et les 37 confessions autres que l'islam; les mesures législatives prises en vue de l'application des dispositions de la Convention. À cet égard, il faudrait savoir si le droit des traités l'emporte sur le droit interne ouzbek et si les dispositions de la Convention peuvent être directement invoquées devant les tribunaux.

35.Il fait part de ses doutes quant à la pleine mise en œuvre de l'article 4 de la Convention. En effet, les dispositions pertinentes du Code pénal, du Code du travail et du Code administratif ne semblent pas répondre parfaitement aux exigences dudit article. D'autre part, l'absence de plainte pour violation des droits en raison de l'appartenance raciale ou ethnique ne signifie pas nécessairement l'inexistence de telles violations car il se peut que les victimes n'osent pas porter plainte, ne connaissent pas leurs droits ou manquent de confiance dans les autorités pour entreprendre une telle démarche. Le Gouvernement ouzbek devrait veiller à ce que les plaintes soient mieux prises en compte et donnent lieu à des poursuites quand cela se justifie. Abordant la question des réfugiés, il demande à l'État partie d'étudier la possibilité d'adhérer à la Convention des Nations Unies de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés.

36.Enfin, M. de Gouttes invite le représentant de l'État partie à faire des commentaires sur les violations de droits signalées par Amnesty International dans son rapport de 2000, notamment les arrestations et condamnations de membres de confréries islamistes et de sympathisants de partis ou de mouvements d'opposition interdits, la tenue de procès non conformes aux normes internationales d'équité et l'existence de camps d'internement non officiels.

37.M. Sherifis reprend la présidence.

38.M. BOSSUYT souhaiterait savoir si les membres de la minorité coréenne établie en Ouzbékistan y sont installés de longue date ou y ont immigré récemment, et s'ils ont fait l'objet de mesures d'incitation pour favoriser leur venue. Ces Coréens viennent-ils de la Corée du Nord ou du Sud, cette immigration est-elle en augmentation ou en régression ? En outre, M. Bossuyt aimerait avoir des informations sur les liens privilégiés éventuels qu'entretiendrait l'Ouzbékistan avec l'un ou l'autre des États coréens, ainsi que sur la politique d'immigration de l'État partie.

39.Compte tenu de l'interdiction de constituer des partis politiques fondés sur des critères raciaux et nationaux, l'Ouzbékistan ne peut être considéré comme un État parfaitement démocratique. Une telle disposition peut toutefois avoir été inspirée par le souci de prévenir les conflits d'ordre ethnique susceptibles de surgir lors d'élections et de mettre en danger l'harmonie régnant entre les différents groupes de minorités, ce que, dans l'optique de la Convention, on ne saurait lui reprocher.

40.M. ABOUL‑NASR note avec satisfaction que l'Ouzbékistan a accompli des progrès remarquables et continue d'avancer dans la bonne direction en dépit des difficultés liées au processus de transition. Il constate que les Arabes ne figurent pas parmi les nombreuses minorités énumérées dans le tableau récapitulatif de la composition ethnique de la population de l'Ouzbékistan et s'en étonne vu la proximité de pays à peuplement arabe. S'agit‑il d'une simple omission ou bien d'une séquelle de l'existence dans le passé de restrictions aux relations avec les pays arabes ?

41.Il juge également étonnantes les observations de M. Diaconu relatives aux partis politiques se réclamant de l'islam, qui lui semblent traduire la crainte chez certains membres du Comité d'un extrémisme et d'un fondamentalisme perçus par eux comme inhérents à tout parti de ce type. Cette prévention vise-t-elle tous les partis politiques d'inspiration religieuse, y compris les grands partis chrétiens des démocraties d'Europe occidentale ?

42.M. FAIZULLAYEV (Ouzbékistan) souligne que les Ouzbeks sont très fiers de leur Constitution et qu'en Ouzbékistan la démocratie est bien réelle et n'a rien d'artificiel car la société ouzbèke est marquée par une tradition d'ouverture et de coexistence pacifique entre les religions et les groupes nationaux. Les problèmes mentionnés par M. Nobel remontent à la période difficile consécutive à l'effondrement de l'ex‑Union soviétique; ils ont été traités en profondeur et les autorités ouzbèkes veillent à ce qu'ils ne se répètent pas

43.La Constitution ouzbèke protège tous les droits fondamentaux, dont la liberté de religion et de conscience, et instaure les conditions nécessaires pour que chacun puisse pratiquer sa religion sur un pied d'égalité. Cette protection constitutionnelle s'applique tout autant à l'islam qu'à la religion chrétienne, au judaïsme ou au bouddhisme, par exemple. Quelque 90 % des habitants de l'Ouzbékistan sont musulmans et fiers de l'être, leur religion étant profondément respectée au même titre que les autres. L'État ouzbek a fortement favorisé le développement et le rayonnement culturels et scientifiques de l'islam et le maintien des traditions islamiques.

44.Tout en garantissant l'ensemble des droits civils, politiques et autres, le Gouvernement ouzbek est opposé à l'idée de créer des partis à base religieuse ou fondés sur des minorités nationales, en ce qu'ils pourraient favoriser des pratiques ségrégationnistes et des troubles, ou même mener à la guerre civile. Soucieux de garantir la paix et de protéger les droits fondamentaux des citoyens indépendamment de leur appartenance nationale, raciale ou autre, le Gouvernement pense préférable de s'employer à créer une société civile, qui lui paraît plus apte à garantir les principes démocratiques. Il entend éviter que des partis extrémistes et terroristes ne se servent de la religion à des fins politiques.

45.Les troubles survenus à Tachkent ont été suscités par un petit groupe d'extrémistes armés qui ambitionnent de renverser le gouvernement légitime non seulement en Ouzbékistan mais dans toute l'Asie centrale pour y ériger une société fondamentaliste. Ces terroristes commettent des crimes odieux sous le couvert de l'islam. L'intense lutte antiterroriste que livrent les pays de la région vise à protéger non seulement l'Asie centrale mais aussi l'Europe contre ces agissements.

46.De nombreuses religions coexistent en Ouzbékistan depuis des siècles sans difficultés majeures mais pour diverses raisons certains problèmes mineurs de coexistence ont pris de l'ampleur au moment de l'effondrement de l'Union soviétique. Le Gouvernement ouzbek s'efforce de juguler le risque potentiel considérable de conflits ethniques en découlant.

47.S'agissant des réfugiés, l'Ouzbékistan entretient d'excellentes relations avec le Haut‑Commissariat pour les réfugiés, dont un bureau opère sur son territoire. La situation sur le terrain n'est pas idéale en raison des problèmes liés au processus de transition. Le Gouvernement s'emploie énergiquement à les surmonter et envisage d'adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés.

48.Dans son rapport au Comité contre la torture, le Gouvernement ouzbek a exposé avec une grande franchise les problèmes se posant dans le pays en la matière. Le Comité contre la torture a accueilli très favorablement ce rapport et a émis des observations positives à son sujet.

49.Pour ce qui est de la présence de Coréens en Ouzbékistan, le chiffre relatif à cette communauté figurant dans le tableau du paragraphe 44 est probablement exagéré. Cela étant, les membres de cette minorité sont bien intégrés dans tous les secteurs de la vie sociale. Déportée de Mandchourie dans des conditions particulièrement inhumaines sur ordre de Staline, la communauté coréenne s'est depuis élevée dans la société en faisant pour s'instruire d'énormes efforts, confortés par l'hospitalité traditionnelle de la population ouzbèke. Le tableau en question ne mentionne que les plus importantes, numériquement parlant, de la centaine de nationalités vivant en Ouzbékistan et c'est pourquoi les Arabes n'y sont pas mentionnés. Certaines villes comptent néanmoins une importante minorité arabe, en particulier Samarkand et la région avoisinante, où se trouvent des petits villages dont les habitant parlent un dialecte arabe particulier.

50.Le Gouvernement ouzbek est très attaché à la liberté de la presse, qu'il considère comme l'un des vecteurs essentiels de la démocratie. Aussi a‑t‑il fait adopter une nouvelle loi protégeant les droits et les libertés des journalistes et s'efforce‑t‑il d'informer les intéressés sur le contenu de cette loi.

51.M. NOBEL (Rapporteur pour l'Ouzbékistan), revenant aux observations de M. Aboul‑Nasr relatives aux partis religieux, souligne avoir indiqué, à propos de l'article 57 de la loi interdisant les partis politiques à base ethnique ou religieuse, qu'il estimait étrange qu'un parti à base ethnique ne soit pas autorisé à promouvoir sa cause, même en le faisant pacifiquement et légalement. Il n'a donc pas abordé la question, très intéressante au demeurant, des partis politiques à base religieuse car elle n'entre pas directement dans le mandat du Comité.

52.Il salue les efforts déployés par le Gouvernement ouzbek et considère, comme d'autres membres du Comité, que l'Ouzbékistan est doté des institutions et ressources voulues pour avancer sur la voie d'une démocratie véritable.

La séance est levée à 18 heures.

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