NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1426

22 septembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1426ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le jeudi 17 août 2000, à 15 heures

Président : M. VALENCIA RODRIGUEZ

puis : M. SHERIFIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième rapport périodique de la Norvège

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

Proposition de recommandation générale concernant la discrimination raciale exercée par des particuliers

État d'avancement des travaux du Groupe de travail sur les recommandations générales dites obsolètes

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Quinzième rapport périodique de la Norvège (CERD/363/Add.3; HRI/CORE/1/Add.6)

1.Sur l'invitation du Président, M. Wille, Mme Bakken, Mme Tveiten et M. Østbøl (Norvège) prennent place à la table du Comité.

2.M. WILLE (Norvège) dit que le Gouvernement norvégien est fortement attaché à la coopération avec les organes conventionnels et considère l'examen des rapports périodiques comme un élément fondamental du système international chargé de surveiller et soutenir l'action menée par les États parties pour s'acquitter de leurs obligations en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Pendant les trois années écoulées depuis la présentation de son précédent rapport périodique, la Norvège a été très active dans le domaine des droits de l'homme et de la lutte contre toutes les formes de discrimination raciale, ce qui s'est traduit par des mesures telles que l'adoption du Plan d'action pour combattre le racisme et la discrimination ethnique (1998‑2001) et l'ouverture, en 1999, du Centre de lutte contre la discrimination ethnique.

3.Le Gouvernement norvégien a en outre tout récemment chargé une commission juridique de lui soumettre un ou plusieurs projets de loi contre la discrimination ethnique dans le souci de renforcer le dispositif de protection juridique. Cette commission a pour mission de réfléchir aux moyens d'assurer une meilleure application de la Convention en Norvège ainsi que de formuler des propositions tendant à renforcer la protection des personnes contre la discrimination dans les domaines de l'emploi et du logement, donnant ainsi suite aux recommandations faites par le Comité. Le Gouvernement a de plus élaboré un plan national d'action concernant les droits de l'homme dont la moitié des mesures visent des problèmes de droits de l'homme se posant en Norvège.

4.Mme JANUARY‑BARDILL (Rapporteuse pour la Norvège) note avec satisfaction que le Comité consultatif sur les droits de l'homme et un certain nombre d'organisations non gouvernementales ont été associés à l'élaboration du rapport périodique à l'examen.

5.Dans le rapport à l'examen le Gouvernement norvégien a fourni des renseignements détaillés sur les dispositions prises en réponse aux préoccupations et recommandations portées à l'attention de la Norvège dans les observations finales formulées par le Comité à l'issue de l'examen de son précédent rapport périodique, concernant en particulier le statut de la Convention dans le droit norvégien, ce dont elle se félicite, de même que de la création d'une commission juridique chargée d'élaborer un ou plusieurs textes législatifs contre la discrimination ethnique, démarche qui revêt une importance particulière puisque la Constitution norvégienne n'interdit pas expressément la discrimination raciale.

6.En dépit du dispositif mis en place par le Gouvernement norvégien pour recenser les actes et incidents à caractère raciste, la situation ne s'est guère améliorée car l'on considère dans l'ensemble que si le nombre des délits à motivation raciste a diminué celui des formes plus subtiles de discrimination raciale a en revanche augmenté dans les domaines de l'emploi et du logement. Le Centre de lutte contre la discrimination ethnique estime à juste titre que, outre les rapports annuels présentés par les organisations non gouvernementales, des renseignements précis sur les diverses formes de discrimination raciale et d'agression raciste seraient nécessaires pour définir et mettre en œuvre des stratégies efficaces de prévention. Le Gouvernement norvégien devrait dès lors s'attacher à améliorer les mécanismes de signalement des actes racistes et de discrimination raciale de manière à être en mesure de présenter au Comité des renseignements beaucoup plus précis en la matière. Il serait également souhaitable que la Norvège augmente les ressources du Centre de lutte contre la discrimination ethnique afin de lui donner les moyens nécessaires pour recenser efficacement les actes de violence visant les immigrés.

7.Malgré la recommandation antérieure du Comité invitant l'État partie à prendre des dispositions appropriées en vue d'interdire toutes les organisations racistes, force est de constater qu'aucune mesure particulière n'a été adoptée pour interdire directement la diffusion d'idées racistes en Norvège et même que dans un jugement la minorité de la Cour suprême s'est prononcée pour l'acquittement d'un accusé, estimant que la protection de la liberté d'expression devait l'emporter sur la protection contre la discrimination raciale. Cette absence de protection constitutionnelle contre la discrimination pose un obstacle grave à l'application de la Convention et il faut espérer que le Gouvernement norvégien trouvera des voies novatrices pour combattre les individus et les organisations qui diffusent des opinions racistes.

8.En revanche, on ne peut que féliciter le Gouvernement norvégien d'avoir décidé d'affecter des subventions à des activités comme le projet EXIT, qui vise à élaborer des stratégies et des mesures propres à empêcher les groupes racistes et nationalistes de recruter de nouveaux membres et à en détourner les jeunes, et d'avoir créé, en réponse à une recommandation du Comité, le Centre de lutte contre la discrimination ethnique, chargé notamment de fournir une assistance juridique professionnelle aux victimes d'une discrimination au sens de la Convention, en particulier aux immigrés. La Direction de l'immigration indique cependant que les actes de harcèlement et les menaces racistes se poursuivent et que les partis politiques tiennent des propos de plus en plus inconsidérés sur les immigrés. À ce propos, est-il vrai que les lois et politiques norvégiennes relatives à l'immigration ont été durcies ?

9.On ne peut également que se féliciter de la politique du Gouvernement norvégien relative au traitement des mineurs non accompagnés demandeurs d'asile. La méthode consistant à prendre en considération les antécédents personnels d'un demandeur d'asile débouté refusant de quitter le territoire norvégien paraît en revanche quelque peu arbitraire. Il serait utile que la délégation fournisse au Comité des éclaircissements sur ce point ainsi que sur les contrôles de police dont font l'objet les "immigrés suspects", pareils contrôles risquant de favoriser des actes discriminatoires. On ne voit pas très bien pourquoi ce dispositif est jugé particulièrement efficace et le Gouvernement norvégien devrait au demeurant veiller à ce que les autorités des centres d'accueil s'abstiennent de traiter les demandeurs d'asile comme des criminels.

10.Mme January-Bardill aimerait savoir pourquoi les gens du voyage et les Roms sont les seules personnes soumises à des fouilles corporelles par l'Administration des douanes. Est‑il vrai que les fonctionnaires des douanes se conforment uniquement à des protocoles d'analyse des profils et des risques ? La délégation peut‑elle fournir au Comité des précisions sur ces protocoles et sur les catégories de risques considérés comme particulièrement importants ?

11.Les femmes immigrées sont bien traitées, en particulier après un divorce, mais le Centre antiraciste a indiqué que seules les agressions relativement violentes contre les femmes sont prises en compte. Si cette information était exacte, il serait utile au Comité de savoir si les actes visés sont des violences physiques ou psychologiques et quelle est la norme relative à la gravité des violences. Il serait également utile au Comité de connaître le sort de la proposition tendant à expulser les étrangers qui souffrent de troubles psychologiques graves et de savoir si la cause du trouble est prise en considération. En ce qui concerne l'application sélective de tests de dépistage du VIH/sida à certains groupes, pratique préoccupante, il serait également bon de savoir dans quelles conditions ces tests sont effectués en cas d'adoption et s'il n'y a pas là violation de l'article 5 de la Convention.

12.Notant avec satisfaction que le Gouvernement norvégien s'efforce de prendre les mesures voulues pour assurer à tous sans aucune discrimination l'accès à l'emploi et au logement, Mme January‑Bardill constate toutefois que l'acquittement par la Cour suprême d'un agent immobilier accusé de publicité discriminatoire est contraire à l'article 5 de la Convention et constitue un précédent négatif, sachant que les membres des "minorités visibles" obtiennent difficilement des logements en Norvège. Il serait donc utile de savoir si les nouvelles lois interdisant de telles pratiques ont reçu une large publicité. Plus généralement, l'État partie devrait modifier sa législation afin que la charge de la preuve incombe moins lourdement à la victime en matière pénale et civile.

13.Les immigrés, en particulier d'origine africaine, éprouvent de nombreuses difficultés à trouver un emploi dans le secteur privé et même dans le secteur public; ils se heurtent à des pratiques discriminatoires - licenciements illégaux, privation de promotion, contrats temporaires illégaux - et ne sont pas protégés par les syndicats norvégiens. Il serait utile au Comité de savoir quelles mesures le Gouvernement norvégien prend pour assurer un traitement plus équitable des immigrés dans les secteurs public et privé afin de compléter le dispositif législatif promulgué récemment.

14.Dans le domaine de l'éducation, il faudrait savoir de quelle manière l'État partie a réglé les problèmes suscités par l'introduction d'un enseignement religieux dans les écoles en 1997‑1998, mesure qui dans une certaine mesure pourrait constituer une violation de l'article 2 de la Convention. Les élèves ayant une langue maternelle autre que le norvégien semblent obtenir des résultats moins bons en Norvège que dans les autres pays européens. Ces mauvais résultats sont‑ils imputables à l'absence d'une formation linguistique adaptée à leurs besoins ?

15.Malgré les initiatives positives signalées dans le rapport, il semblerait que les jeunes immigrés noirs continuent d'être harcelés dans la rue et d'être traités comme des délinquants par la police. À ce propos, pourquoi les policiers norvégiens ne sont pas tenus de délivrer aux personnes qu'ils arrêtent des procès‑verbaux d'interpellation ?

16.S'agissant de la discrimination dans les restaurants et les bars, des mesures positives ont été prises en vue de fournir une formation aux portiers et vigiles à Oslo en 1998, mais de nouvelles mesures semblent s'imposer pour assurer aux immigrés et aux membres des minorités l'accès aux restaurants et à d'autres lieux publics ou récréatifs. La délégation pourrait-elle indiquer quels obstacles empêchent les autorités de prévenir de telles pratiques ? En outre, l'absence de lois antiracistes spécifiques n'est‑elle pas un frein à l'action de la police ?

17.Pour ce qui est de la situation des Samis, des Kvens et des Roms, la Norvège a ratifié en 1999 la Convention‑cadre européenne sur la protection des minorités nationales, ce qui lui permettra de mieux assurer la mise en œuvre de l'article 7 de la Convention. Il serait bon que le Gouvernement norvégien tienne le Comité informé du sort de l'initiative tendant à développer et à coordonner l'action gouvernementale en faveur des minorités nationales.

18.Le dispositif consultatif qui permet d'associer les Samis à la gestion de leurs terres et d'assurer la transmission de la culture sami dans les garderies d'enfants et d'autres établissements scolaires sont également des mesures positives, en particulier l'enseignement de la langue sami dans les écoles.

19.On ne peut que noter avec satisfaction que les élèves kvens des deux comtés les plus septentrionaux de la Norvège reçoivent trois heures d'enseignement du finnois chaque semaine, mais il est regrettable que le peuple kven ne soit pas protégé par les Conventions internationales relatives aux droits des populations autochtones, les ONG estimant que cette minorité fait l'objet de la politique de norvégianisation que les Samis ont connue dans le passé. En outre, pourquoi les Kvens ne sont-ils pas traités comme un groupe distinct dans les opérations de recensement ?

20.Il faut espérer qu'après les excuses qu'il a présentées aux Roms - acte aussi courageux qu'exemplaire - pour les injustices commises à leur encontre, le Gouvernement norvégien prendra des mesures positives en vue de traiter les Roms de Norvège avec dignité et de faire respecter leurs droits économiques, sociaux et culturels.

21.M. de GOUTTES constate avec satisfaction que la Norvège s'est efforcée de répondre aux principales suggestions et recommandations précédentes du Comité. Parmi les nombreux éléments positifs signalés dans le rapport périodique à l'examen, il faut souligner : le fait que le texte du rapport a été soumis au Comité consultatif des droits de l'homme ainsi qu'à plusieurs organisations non gouvernementales, pour observations; l'adoption par le Gouvernement d'un plan d'action pour combattre le racisme et la discrimination ethnique (1998‑2001, dont la délégation norvégienne pourrait dresser le bilan provisoire de même que du plan d'action pour le recrutement des personnes d'origine immigrée dans la fonction publique (1998‑2001); la création du Centre de lutte contre la discrimination ethnique; l'approbation par le Parlement de la création d'une commission de recours pour les demandeurs d'asile et les immigrants, dont il serait bon de savoir si elle est déjà en place; les excuses publiques adressées au représentant des Roms pour les injustices commises à leur égard dans le passé par les autorités norvégiennes, démarche très importante s'ajoutant à la reconnaissance du peuple rom comme minorité nationale norvégienne, dont il faut se demander si elle signifie que le Gouvernement norvégien envisage de faire davantage encore en faveur des Roms; la confirmation par la Cour suprême de la condamnation prononcée contre le dirigeant d'un parti politique qui encourageait la discrimination raciale, arrêt très important et conforme à la Recommandation générale XV dans laquelle le Comité a affirmé la compatibilité entre l'interdiction de diffuser des idées racistes et le principe de la liberté d'expression. Enfin, le projet EXIT, qui a pour but d'empêcher les groupes racistes et nationalistes de recruter des jeunes, constitue un exemple particulièrement intéressant de bonne pratique dans le domaine de la lutte contre le racisme.

22.Il demande dans quelle mesure la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale est directement applicable en droit interne norvégien puisque les paragraphes 5 et 6 du rapport à l'examen semblent indiquer que seuls ont été incorporés dans le droit interne norvégien le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et les protocoles s'y rapportant. Du point de vue des autorités norvégiennes, cela signifie-t-il que les deux Pactes et leurs protocoles additionnels sont suffisants pour assurer une protection contre la discrimination raciale ? Ces deux instruments évoquent certes le principe de non-discrimination mais la Convention dont le Comité est chargé d'assurer la mise en œuvre va plus loin. La Convention devrait donc elle‑aussi être incorporée dans le droit interne norvégien.

23.Les cas graves d'actes violents à caractère raciste étaient en baisse en Norvège en 1998 mais on a constaté une augmentation du nombre d'actes de discrimination signalés et la montée de formes plus subtiles de traitement inégal, notamment sur les marchés du travail et de l'emploi. À cet égard, il convient de souligner que l'absence de plaintes ne signifie pas absence de problème car bien souvent les personnes ne connaissent pas la loi ou ont peur de se manifester. En outre, compte tenu du faible nombre de poursuites engagées pour des délits à caractère raciste, il y a lieu de se demander si la police et la justice norvégiennes sont suffisamment mobilisées contre ce type de délinquance. Au sujet de l'enquête sur les jeunes victimes d'actes de violence, la délégation norvégienne pourrait-elle préciser quelle catégorie particulière d'adolescents d'origine immigrée sont plus souvent victimes d'actes de violence grave.

24.S'agissant de la mise en œuvre de l'article 5 de la Convention, depuis 1997 figure dans les programmes d'enseignement du primaire et du premier cycle du secondaire une nouvelle matière intitulée "Connaissance de la religion chrétienne et éducation religieuse et morale". Même si cette instruction vise à promouvoir la compréhension, l'estime et le dialogue entre les personnes, cette décision a soulevé de nombreuses critiques, notamment de la part du Conseil islamique qui a déposé une plainte. Il serait souhaitable que la délégation précise si la juridiction saisie a déjà statué sur cette affaire.

25.Mme ZOU s'associe à la dernière question de M . de Gouttes, relative à la plainte du Conseil islamique contestant l'introduction d'un enseignement sur la religion chrétienne dans le programme scolaire, d'autant que selon des informations reçues par le Comité certains parents hésiteraient à s'opposer à ce que leurs enfants suivent ces programmes de peur que ceux-ci ne soient mis à l'écart par les autres.

26.Elle aimerait connaître la proportion de migrants au sein des minorités ethniques qui résident en Norvège. Le rapport indique qu'en mai 1999 le taux de chômage des immigrés était de 6,3 % contre 2,2 % pour l'ensemble de la population. Les autorités norvégiennes affirment que le principal obstacle auquel se heurtent les immigrés sur le marché du travail est lié à la méconnaissance de la langue, ce qui est une raison plausible mais sûrement pas la seule car autrement on ne pourrait expliquer pourquoi le taux de chômage de la communauté africaine est deux fois supérieur à celui des autres immigrés.

27.M. NOBEL, relevant qu'en mars 1999 le Parlement norvégien a approuvé la création d'une commission de recours pour les demandeurs d'asile et les immigrants, fait observer que la structure similaire dont la Suède s'est dotée devrait être prochainement supprimée suite aux critiques qu'elle a suscitées, notamment de la part du Comité contre la torture de l'ONU. Cela étant, il recommande vivement aux autorités norvégiennes d'habiliter cet organe à tenir des auditions orales dans le cadre d'une procédure contradictoire, de permettre l'audition de témoins, de l'autoriser à tenir compte de considérations humanitaires en matière d'asile et d'accorder le bénéfice du doute pour tous les cas où existe un risque que la personne refoulée soit torturée dans le pays d'accueil. La délégation pourrait-elle apporter des précisions sur la composition de cette commission, notamment sur le point de savoir si elle sera exclusivement composée de magistrats ou également de représentants de la société civile ?

28.Il note avec satisfaction que des contacts ont été noués avec le Centre de lutte contre la discrimination ethnique pour la rédaction du quinzième rapport périodique et demande si le Gouvernement norvégien entend le diffuser auprès du public.

29.M. BANTON prend note avec satisfaction de la création d'une commission juridique chargée d'élaborer une loi sur la protection des personnes contre la discrimination ethnique, d'autant que l'appellation de cette instance consacre le terme très important de protection. Pour assurer l'application des dispositions de la Convention, il convient de pénaliser les infractions même si parfois les recours au civil sont plus efficaces pour réprimer les violations du droit à l'accès aux lieux et services destinés à l'usage du public. Les autorités devraient avertir les exploitants de lieux publics, tels que les théâtres et les restaurants, et l'administration responsable de l'octroi de licences d'exploitation, que toute violation du règlement en matière de discrimination raciale sera sanctionnée par le retrait desdites licences.

30.Le problème est du reste le même dans le domaine du droit à l'emploi. De nombreuses raisons militent en faveur de procédures civiles et de l'octroi d'une aide juridique aux personnes qui estiment bafoués leurs droits dans ce domaine. La plupart des pays scandinaves sont attachés aux sanctions pénales, attestant ainsi de l'importance qu'ils accordent à la notion d'intentionnalité du délit.

31.S'agissant de l'affaire Kjuus, ce dirigeant de parti politique a certes été condamné par le tribunal au motif que son parti encourageait la discrimination raciale mais il est tout à fait regrettable que cette décision n'ait été confirmée par la Cour suprême que par 12 voix contre 5.

32.Dans une autre affaire de discrimination, en matière de logement, en août 1999 la Cour suprême a annulé la condamnation du propriétaire d'une agence immobilière poursuivi en discrimination au motif que son agence ne faisait que présenter des offres de nature discriminatoire certes mais dont la responsabilité incombait aux propriétaires des appartements en cause, estimant de plus que ces propriétaires ne tombaient pas sous le coup de la loi pénale condamnant le refus de vente en raison de la religion, de la race, de la couleur de la peau ou de l'origine ethnique ou nationale. Le Gouvernement norvégien affirme protéger les locataires ou acquéreurs d'appartement alors que la loi ne permet pas d'assurer cette protection. La délégation pourrait-elle indiquer si des mesures ont été prises pour pallier cette carence illustrée récemment encore par l'affaire d'un Norvégien d'origine pakistanaise résidant depuis 30 ans en Norvège et s'étant vu refuser un appartement alors qu'il en offrait un prix bien plus élevé que le prix pour lequel ledit appartement a finalement été cédé ?

33.Dans le domaine de la santé existe également un système complexe de discrimination indirecte fondé sur l'origine ethnique qu'il faudrait éliminer. En conclusion, il importe que les États parties trouvent un moyen de réunir, à partir des plaintes déposées par exemple, des données quantitatives permettant d'évaluer l'efficacité des mesures prises par eux pour lutter contre la discrimination.

34.M. Sherifis prend la présidence

35.M. PILLAI, notant que le plan d'action pour combattre le racisme et la discrimination ethnique prévoit des mesures destinées à améliorer la compréhension multiculturelle dans les principaux secteurs de services grâce à une meilleure éducation du personnel, espère que les secteurs de services visés ne sont pas seulement ceux de l'administration publique mais comprennent aussi les établissements privés. Engager des poursuites judiciaires, même en cas de discrimination avérée, soulève des difficultés, comme l'illustre le cas, rapporté par une ONG, d'un patient auquel un hôpital norvégien a refusé des soins médicaux parce qu'il était "de culture étrangère". Il serait souhaitable que la délégation apporte des explications sur cette affaire et précise les mesures envisagées par le Gouvernement pour sensibiliser le personnel des établissements privés prestataires de services à la population. Des précisions sur le type d'assistance accordé aux écoles privées et sur le nombre d'écoles privées dirigées par des représentants des minorités seraient également utiles.

36.M. RECHETOV dit que, à la lecture des paragraphes 18 à 20 du rapport, la situation de la Norvège en matière de discrimination raciale n'apparaît pas particulièrement brillante et présente des contradictions. Pour s'en faire une idée plus claire, il serait utile de disposer de statistiques à l'appui des affirmations faisant état d'une baisse du nombre des cas d'actes racistes violents mais d'une augmentation du nombre d'actes de discrimination signalés et de la montée de formes plus subtiles de traitement inégal. De plus la Norvège doit reconnaître toute l'importance de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale en l'incorporant dans son droit interne, comme elle l'a fait pour la Convention européenne des droits de l'homme et les deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme.

37.Il est regrettable que la situation des Samis, qui semble meilleure en Norvège que dans d'autres pays nordiques, n'ait été traitée qu'en quelques lignes. Est-il exact que, comme le rapporte une source, que la Norvège a ratifié la Convention No 169 de l'OIT ? Quelle est la composition de la Commission chargée d'examiner les droits des Samis ? Les Samis ne semblent guère avoir voix au chapitre lorsqu'il s'agit de défendre leurs droits dans les régions où ils vivent. L'absence de précisions sur leurs droits fonciers, notamment, est préoccupante. Enfin, que faut-il entendre par "code pénal civil", expression employée notamment au paragraphe 71 du rapport ?

38.M. VALENCIA RODRIGUEZ se félicite de l'incorporation dans le droit interne norvégien de la Convention européenne des droits de l'homme et des Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme ainsi que de l'établissement d'un comité chargé d'élaborer un projet de texte de loi contre la discrimination ethnique. Il note également avec satisfaction la création d'un département des affaires des autochtones, des minorités et des immigrés au sein du Ministère des collectivités locales et du développement régional et l'adoption d'un plan d'action pour combattre le racisme et la discrimination ethnique. Il souhaiterait que le Comité soit tenu informé des résultats de ces différentes mesures.

39.La persistance de formes subtiles de discrimination raciale exige des mesures de contrôle plus rigoureuses. Il serait intéressant de savoir si la faiblesse du nombre des cas signalés de discrimination est liée à un manque de confiance des minorités envers la police. L'idée d'intégrer la compréhension multiculturelle dans les programmes d'études de plusieurs établissements d'enseignement supérieur est à cet égard intéressante. Il faut saluer aussi la décision d'interdire les contrôles de police sur la base de la couleur de la peau. Le Comité aimerait être tenu informé de l'action menée par la mission norvégienne pour les sans‑abri et des résultats du projet intitulé "Tous unis contre le racisme". Le problème des bandes de jeunes délinquants doit être réglé non seulement par des mesures policières mais aussi et surtout par des mesures qui s'attaquent aux causes socioéconomiques du phénomène. Les excuses publiques présentées au peuple rom sont une bonne chose car elles ne peuvent que favoriser la compréhension et la coopération des intéressés. Des mesures importantes ont été adoptées pour améliorer la situation des Samis, mais il serait souhaitable de savoir ce qui a été fait en faveur d'autres groupes minoritaires.

40.En ce qui concerne l'article 4 de la Convention, il serait bon que le Gouvernement norvégien examine de nouveau la nécessité d'adopter des mesures particulières pour interdire directement la diffusion d'idées racistes. L'arrêt de la Cour suprême confirmant la condamnation du parti politique qui encourageait la discrimination raciale est conforme à l'esprit de la Convention et témoigne de la recherche d'un juste équilibre entre l'interdiction de la discrimination raciale et l'exercice de la liberté d'expression.

41.Les mesures se rapportant à l'article 5 prises pour accroître la participation des étrangers aux élections locales sont un bon moyen de favoriser l'intégration des étrangers à la société. Il importe de s'employer à écarter les obstacles auxquels les immigrés se heurtent sur le marché du travail, notamment en les aidant à acquérir une bonne connaissance de la langue norvégienne. De même, en matière de logement, il faut veiller à ce que le système d'agrément par l'assemblée des copropriétaires des nouveaux occupants ne donne pas lieu à une forme de discrimination larvée. Les mesures prises pour lutter contre la discrimination dans les lieux publics sont très pertinentes.

42.S'agissant de l'article 6 de la Convention, M. Valencia Rodriguez note que les comités de médiation jouent un rôle très utile dans la lutte contre la discrimination. Enfin, il constate avec satisfaction que les textes des rapports antérieurs de la Norvège et des conclusions du Comité ont été diffusés auprès des organismes publics et des organisations non gouvernementales.

43.M. DIACONU note avec satisfaction que la Norvège a décidé d'élaborer une loi contre la discrimination ethnique et que le Gouvernement a mis au point un plan d'action apparemment très complet contre le racisme et la discrimination. En ratifiant la Convention‑cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, la Norvège s'est engagée à protéger les Roms et les gens du voyage (Romanis). Y a‑t‑il des différences entre ces deux groupes et, dans l'affirmative, quelles sont‑elles ?

44.D'après les rapports d'un certain nombre d'ONG, le pays semblerait être en proie à un flot de discours racistes, émanant principalement du Parti du progrès, sans équivalent ailleurs sinon peut‑être en Autriche. Que font les autres partis, les responsables politiques et la société civile pour s'y opposer et pour empêcher qu'un tel langage ne se répande insidieusement, notamment sur Internet ? Qu'envisagent enfin de faire les autorités pour réduire les actes de violence ou d'incitation à la violence, apparemment nombreux, visant les étrangers ?

45.Le PRÉSIDENT annonce que la délégation norvégienne répondra à la séance suivante aux questions posées par les membres du Comité.

46.La délégation norvégienne se retire.

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l'ordre du jour) (suite)

Projet de recommandation générale concernant la discrimination raciale exercée par des particuliers (CERD/C/57/Misc.11; document distribué en séance, en anglais seulement)

47.M. ABOUL-NASR, appuyé par M. PILLAI, pense que la formulation du document gagnerait à être simplifiée.

48.M. DIACONU dit que dans le paragraphe 2, après "or ethnic origin", il faudrait ajouter "or they are not recognized as such" et fait observer à propos du troisième paragraphe que le Comité doit y formuler une recommandation, puisque c'est l'objet du document à l'examen, et devrait se borner à demander aux États parties de communiquer des données statistiques et subjectives (statistical and subjective evidence).

49.M. RECHETOV pense qu'il serait préférable de s'inspirer de la terminologie de la Convention, pour donner plus de poids à la recommandation.

50.Mme JANUARY-BARDILL fait valoir que les données objectives (objective evidence) mentionnées au paragraphe 3 renvoient au racisme institutionnel et que le Comité a besoin de tels renseignements pour son évaluation de la situation en matière de discrimination raciale.

51.Le PRÉSIDENT propose que M. Banton révise le texte du projet de recommandation générale en fonction des commentaires qui viennent d'être formulés, aux fins d'adoption ultérieure.

52.Il en est ainsi décidé.

État d'avancement des travaux du Groupe de travail sur les recommandations générales dites obsolètes

53.M. de GOUTTES (Rapporteur du Groupe de travail sur les recommandations générales dites obsolètes) rappelle que le Groupe s'est réuni pour examiner le document CERD/C/57/Misc.5 et que trois propositions ont été émises à cette occasion, à savoir : insérer une note explicative au bas des recommandations concernées (I, III, IV et VII) pour préciser qu'elles ne sont plus en vigueur; amender les principes directeurs du Comité pour y faire figurer les références aux différentes recommandations pertinentes non encore mentionnées et supprimer la demande de renseignements relative aux relations des États parties avec le régime raciste d'Afrique du Sud, qui n'a plus lieu d'être; compléter le recueil récapitulatif des recommandations générales pour y insérer certaines décisions du Comité importantes du point de vue de sa doctrine.

54.M. DIACONU précise que la note explicative envisagée dans la première proposition renverrait à la nouvelle recommandation destinée à remplacer l'obsolète.

55.M. RECHETOV et M. FALL sont favorables à cette proposition.

56.M. BANTON souscrit aux deuxième et troisième propositions mais estime, s'agissant de la première, inutile de conserver le texte intégral des recommandations obsolètes, un résumé de leur contenu dans les principes directeurs étant amplement suffisant.

57.En outre, il propose de transformer le Groupe de travail en un comité permanent qui serait de plus chargé d'assurer le suivi des communications du Comité avec les États parties, de veiller à ce que les recommandations générales du Comité fassent référence de manière plus directe aux articles de la Convention, conformément à la pratique des autres organes de suivi des traités, et d'examiner la procédure de présentation orale des membres du Comité, notamment les restrictions relatives au temps de parole.

58.Le PRÉSIDENT propose, eu égard aux divergences de vues des membres du Comité, que le Groupe de travail se réunisse à nouveau pour élaborer un projet de texte relatif à la question des recommandations dites obsolètes pour examen ultérieur par le Comité.

59.Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 17 h 40.

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